[Français]
Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Merci de nous avoir invités à présenter la perspective de FPInnovations sur la contribution du secteur forestier et de l'innovation dans le cadre de votre étude sur la croissance propre et les changements climatiques au Canada.
Je m'appelle Stéphane Renou et je suis président et chef de la direction de FPInnovations. Je suis accompagné de mon collègue Jean-Pierre Martel, qui est vice-président aux Partenariats stratégiques.
[Traduction]
FPInnovations est un organisme sans but lucratif qui a établi un partenariat privé-public unique visant à améliorer la compétitivité, la diversification et la transformation de l'industrie au Canada.
Ce partenariat est appuyé et financé à parts égales par le secteur privé, d'une part, et par les gouvernements fédéral et provinciaux, de l'autre. D’un océan à l’autre, de la Colombie-Britannique au Québec, nous avons environ 430 employés au Canada. Ceux-ci fournissent l’expertise et le soutien technique nécessaires dans l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur — des semences aux marchés, comme nous aimons à le dire —, ce qui comprend l'exploitation forestière, le transport, la fabrication technique et l'élaboration de bioproduits.
FPInnovations joue un rôle clé en vue d'accélérer l’innovation et de stimuler l'élaboration et le déploiement de solutions ayant une réelle incidence socioéconomique. C’est notre mission.
Avec ses forêts renouvelables, le secteur forestier canadien emploie directement 230 000 Canadiens, il me semble, dans plus de 600 collectivités tributaires de l’industrie forestière partout au pays.
Le Canada, où se trouvent plus de 40 % de toutes les forêts certifiées, est le chef de file mondial en matière de certification forestière. Dans ce contexte, le secteur forestier canadien est très bien placé pour affermir sa position dans le dynamisme de l'économie sobre en carbone en tirant parti de ses activités actuelles et en diversifiant ses produits. L’innovation joue un rôle clé dans la mise au point de technologies et de produits sobres en carbone à même de remplacer les technologies et les produits ayant une empreinte carbone plus importante.
J’aimerais prendre quelques minutes pour vous montrer de quelle façon le secteur forestier jouera un rôle clé dans l’atteinte des cibles de GES du Canada.
[Français]
Le cycle du carbone forestier est la base du positionnement du secteur forestier canadien comme solution aux changements climatiques. En termes très simples, la forêt est un puits qui, par photosynthèse, absorbe le dioxyde de carbone, ou CO2, de l'air et l'emmagasine dans les arbres et dans le sol sous forme de carbone. Les arbres sont récoltés et régénérés selon les principes d'une foresterie durable. Ces arbres sont transportés dans les usines pour être transformés en produits à long cycle de vie, comme dans les bâtiments en bois, ou à court cycle de vie, comme pour la bioénergie. Tous ces matériaux séquestrent ou emmagasinent le carbone, ou sont une solution de rechange viable à des produits fabriqués à partir de combustibles fossiles.
[Traduction]
Le bois en général peut remplacer les matériaux de construction dont l’empreinte carbone est plus importante, comme l’acier et le béton. En moyenne, un mètre cube de bois de construction séquestre une tonne de CO2.
Au cours des dernières années, FPInnovations a été à l'avant-garde de la mise au point de matériaux de construction comme le bois lamellé-croisé et de systèmes de construction permettant l’utilisation du bois dans les marchés traditionnels, pour la construction de résidences unifamiliales et multifamiliales par exemple. Qui plus est, le bois peut être utilisé dans de nouveaux marchés, pour les infrastructures et les ponts par exemple, ou pour les bâtiments en bois de hauteur moyenne et de grande hauteur.
Sur cette diapositive, vous voyez deux exemples de cela. Il y a l'édifice de 18 étages de Brock Commons, sur le campus de l’Université de la Colombie-Britannique, et il y a le bâtiment Origine à Québec, qui compte 13 étages. Les deux sont faits de bois, de bois lamellé-croisé notamment.
[Français]
Pour appuyer ces marchés, FPInnovations a produit plusieurs guides techniques et études, notamment des analyses du cycle de vie qui comparent divers systèmes de construction. Nous croyons que l'industrie du bois, que celui-ci soit utilisé seul ou en combinaison avec d'autres matériaux, devrait être envisagée et favorisée dans de nombreux types de construction, car le bois est l'un des rares matériaux à avoir une très faible empreinte de carbone ainsi qu'à contribuer à l'atténuation des émissions et à la capture du carbone.
Tous les matériaux ont un rôle à jouer en construction, mais si l'on considère les normes du bâtiment concernant la sécurité, la durabilité, l'efficacité énergétique et l'empreinte environnementale globale, le bois a un rôle important à jouer. Le plus important à retenir, c'est que le bois, en construction, séquestre le carbone et contribue à accroître les réservoirs de carbone en forêt.
Autrement dit, la forêt nous permet d'avoir un cycle de carbone complet. On capture le carbone à l'intérieur du bois et
[Traduction]
et la forêt sert de puits de carbone.
[Français]
Si on regarde du côté de la bioénergie,
[Traduction]
Au fond, le pétrole brut n'est rien d'autre que des arbres et des plantes qui se sont décomposés et ont été comprimés dans le sous-sol pendant des milliers d’années. Avec la technologie d’aujourd’hui, on peut passer directement de l’arbre à l’huile et aux produits pétrochimiques. On appelle ce processus le bioraffinage. Grâce à ces progrès scientifiques, on arrive à obtenir les mêmes produits chimiques qui peuvent être extraits du pétrole. Aujourd’hui, cette technologie nous fournit des combustibles et des produits chimiques provenant traditionnellement du secteur pétrochimique.
C’est dans cette direction que nous allons. Il s'agit de bioénergie provenant de l'utilisation de la biomasse résiduelle des usines de fabrication, de la biomasse des aires de coupe et des déchets de bois des chantiers de construction et de démolition. Nous pouvons utiliser toute cette biomasse et la convertir en combustibles.
FPInnovations participe actuellement à un grand projet à La Tuque aux côtés de partenaires clés du gouvernement et du secteur privé — comme la société finlandaise Neste, le plus grand producteur de diesel renouvelable. Il s'agit de mettre à l’essai des technologies visant à transformer la biomasse forestière résiduelle en biodiésel. Si ce projet est une réussite, la technologie pourrait être utilisée dans d’autres régions où l'on a accès à une grande quantité de résidus forestiers. Le combustible produit dans ces installations peut être mélangé au combustible de la chaîne d'approvisionnement actuelle afin de réduire l’empreinte carbone.
On peut aussi décomposer le bois en éléments extrêmement simples. À la base, un arbre est fait de deux éléments principaux: premièrement, la cellulose, c’est-à-dire les cellules végétales; deuxièmement, la lignine, qui est la colle entre les cellules qui composent l’arbre. En ce qui concerne la cellulose, on peut utiliser un procédé enzymatique pour produire des sucres. Ces sucres peuvent être transformés en une gamme de produits biochimiques. Je pourrais énumérer une foule de termes scientifiques: l'acide lactique, l'acide succinique et beaucoup d'autres. Tous ces produits chimiques sont à la base de la production des bioplastiques. À partir de l'arbre, de la cellulose dans l’arbre, c'est-à-dire d’une composante biochimique, on crée directement, au moyen d’un procédé enzymatique, des produits chimiques qui sont à la base du plastique. Des recherches sur les bioplastiques ont montré que les émissions liées à ces produits étaient environ 80 % inférieures à celles associées aux plastiques polypropylènes traditionnels. On produira ainsi du plastique à plus faibles émissions de GES.
Pour ce qui est de la lignine, il s'agit donc de la colle entre les cellules. Cette composante est un peu plus complexe. Elle peut être utilisée pour produire des colles. Elle peut être mélangée à l’asphalte ou utilisée dans des biocomposites. Elle peut même servir de liant pour la production d'aliments pour animaux. Elle peut être utilisée de mille manières. Une usine est en cours de construction à Thunder Bay, en Ontario, pour mettre à l'essai ce procédé qui va des copeaux aux produits biochimiques. De plus, nous sommes en train de mettre au point des applications destinées à l’utilisateur final. Il s’agit d’un projet de 21 millions de dollars appuyé par l'industrie, par les utilisateurs finaux et par les gouvernements fédéral, provinciaux, régionaux et municipaux. Grâce à ce projet, nous créons des emplois à Thunder Bay dans le secteur de la biotechnologie.
[Français]
Chez FPInnovations, nous travaillons aussi à décomposer la fibre de bois en fibre cellulosique et en cellulose nanocristalline. Qu'est-ce que la cellulose nanocristalline? C'est simplement de petits cristaux qui se trouvent dans la cellulose à l'échelle nano, soit certains types de sucres très condensés. Ces matériaux ont des propriétés fantastiques. Ils nous permettent de créer de nouveaux matériaux qui peuvent servir dans les textiles, les peintures, les vernis et les cosmétiques. Ils servent de dispersants, de liants et à une série de fonctions grâce à leurs propriétés à l'échelle nano. On peut aussi utiliser les fibres cellulosiques dans le béton en tant que liant, dans les biocomposites et dans toute une série de matériaux.
Quand on y pense, partout où l'on utilise des matériaux traditionnels, on peut penser à utiliser des fibres. On peut remplacer un matériau traditionnel par une fibre de bois. On peut même penser à utiliser des fibres de bois dans des pièces d'avion ou d'automobile.
Nous avons reçu une lettre d'intention de responsables de la société Ford, qui est très intéressée à travailler avec nous dans le but d'utiliser ces matériaux dans l'industrie automobile. Ils opteraient ainsi pour des solutions plus respectueuses de l'environnement. Ces solutions présentent l'avantage d'utiliser des matériaux plastiques légers dans l'automobile, la fibre de bois étant beaucoup plus légère que la fibre de verre. Il y a donc un avantage intrinsèque. Ce serait bénéfique pour l'environnement, et des voitures plus légères permettraient de faire des économies de carburant de façon très simple.
[Traduction]
En résumé, le secteur forestier a ce qu'il faut pour affermir considérablement sa position dans une économie sobre en carbone en améliorant sa compétitivité et se diversifiant. Les programmes visant à appuyer l'élaboration et le déploiement rapides des innovations dans le secteur forestier sont essentiels à la réussite.
Je vous remercie de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui. Il me tarde de répondre à toutes vos questions.
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J’ai préparé un exposé, mais malheureusement, il n'a pu être traduit en français à temps. Par conséquent, je ne pourrai pas vous montrer beaucoup de documents visuels. De plus, je souffre un peu d’asthme et j’ai donc tendance à tousser quelque peu. Je m'en excuse à l'avance.
Je vous donnerai un simple aperçu du secteur des granules de bois. Je vous dirai brièvement ce que sont les granules de bois, je vous donnerai quelques statistiques nationales et internationales, puis je vous parlerai de la conversion des centrales électriques au charbon et de certains débouchés qui existent au Canada en matière de chauffage des habitations.
Les granules de bois constituent un combustible renouvelable fabriqué à partir de fibre de bois pure et comprimée. Le procédé utilise la lignine présente dans le bois, qui chauffe lorsque la fibre de bois est comprimée. Ensuite, une fois refroidis, les granules deviennent solides. Il n'y a ni liant externe, ni adhésif, ni quoi que ce soit d'autre. Il s'agit uniquement de bois.
Comme matière première, nous utilisons du bois dont les autres secteurs forestiers ne veulent pas. Nous avons commencé au milieu des années 1990, à peu près, quand la Colombie-Britannique a commencé à fermer ses fours wigwam et que les résidus de bois n'étaient plus utilisés, surtout lorsqu’ils se trouvaient loin des usines de pâte. Au début, nous utilisions de la sciure et des copeaux, puis nous nous sommes rendus dans la forêt et nous nous sommes mis à utiliser les résidus des coupes forestières. Auparavant, ces résidus auraient été brûlés dans des fours wigwam ou dans des brûlis en forêt, tout simplement.
Malheureusement, il y a encore beaucoup de brûlis. Nous avons demandé aux gouvernements provinciaux de mettre fin à la pratique, en vain.
Nous utilisons une quantité limitée de résidus provenant des coupes, mais il faut lutter avec les principaux détenteurs de tenure forestière, qui préfèrent souvent brûler la fibre.
Environ 5 % des granules de bois sont utilisés comme matériau absorbant, mais la majeure partie des granules servent à la production d’électricité, tantôt comme combustible à part entière, tantôt comme substitut au charbon dans les centrales au charbon pulvérisé — ces deux usages étant répartis à parts égales ou presque. Il s'agit de convertir, avec très peu de mises à niveau, des centrales électriques existantes qui ont souvent été actives pendant de nombreuses années. En gros, les granules sont transformés en poudre et soufflés dans une chaudière. En chauffant, l’eau produit de la vapeur, ce qui exerce une pression qui met la turbine en mouvement. On obtient ainsi de l’électricité.
Nous vendons les granules partout dans le monde à cette fin. Paradoxalement, beaucoup d’électricité est produite à partir du charbon ici au pays, mais nous n'arrivons pas à susciter l'intérêt des sociétés d'électricité canadiennes.
Pour mettre les choses en contexte, je rappelle que, dans l’ensemble de l'industrie forestière, la récolte totale de grumes est de l’ordre de 130 millions de tonnes par année au Canada, alors que l'ensemble de notre secteur utilise peut-être cinq millions de tonnes, soit environ 4 % de la récolte totale. Comme je l'ai dit, il ne s’agit que des résidus. Les recettes totales du secteur des produits forestiers — les pâtes et papiers, les planches, le bois d’oeuvre et tout le reste — s'élèvent à environ 60 milliards de dollars par année. Notre secteur oscille entre 300 et 500 millions de dollars par année selon le prix des granules, ce qui représente moins de 0,5 % des recettes totales provenant de la forêt.
À l'exception des trois territoires, nous avons des usines de granules partout au pays, dans presque toutes les provinces. Environ 77 % de la capacité de production se trouve dans l’Ouest, principalement en Colombie-Britannique et en Alberta. Environ 15 % de la capacité se trouve dans le centre du Canada et 8 % dans le Canada atlantique. Au total, on produit environ quatre millions de tonnes par année au pays.
En ce qui concerne la croissance du marché mondial des granules de bois, nous avons commencé à zéro dans les années 1990 et la croissance a été d’environ 14 % par année. Le fait de maintenir un tel niveau de croissance est un accomplissement assez remarquable pour n'importe quel secteur. À l’heure actuelle, la production dépasse les 32 millions de tonnes par année à l'échelle mondiale, dont trois millions de tonnes au Canada.
L’Europe compte environ 56 % de la production mondiale, soit plus de la moitié des granules produits dans le monde. Au deuxième rang, les États-Unis produisent environ le quart des granules. Le Canada, de son côté, a une part légèrement inférieure à 10 % de la production mondiale de granules de bois. L’un des grands pays importateurs est le Royaume-Uni, où les granules sont utilisés pour produire de l’énergie. En fait, environ 6 % de l’électricité produite au Royaume-Uni provient de granules canadiens. C'est un chiffre assez extraordinaire, quand on y pense: 6 % de toute l’électricité du Royaume-Uni provient de granules de bois canadiens. Ensuite, il y a le Danemark. Là encore, il s’agit de centrales de production combinée de chaleur et d'électricité à une échelle industrielle. On prend la chaleur des centrales électriques, on la fait passer par des canalisations sous les rues et par des échangeurs de chaleur. Dans des villes comme Copenhague, on chauffe les maisons avec des granules de bois. La Corée du Sud est un autre très grand marché pour l'énergie. Il en va de même de la Belgique, ou encore de l’Italie, un important marché pour le chauffage des habitations.
Depuis 2014, les exportations canadiennes ont augmenté de 50 %. Notre marché croît très rapidement. Nous expédions notre produit en Asie et en Europe. Nos principaux marchés sont le Royaume-Uni, le Japon, les États-Unis, la Belgique, la Corée du Sud et l’Italie.
Malheureusement, au Canada, le marché intérieur est très modeste. Plusieurs raisons expliquent cela. D'abord, il semble que nous n'arrivons pas à susciter l'intérêt des propriétaires de centrales au charbon canadiennes. Ensuite, l’incompatibilité entre les normes canadiennes et européennes en matière de pression des chaudières constitue un autre obstacle important à l’utilisation de granules de bois dans le secteur du chauffage au pays. En Europe, on utilise des technologies très avancées. On peut faire le plein seulement une ou deux fois par année. Ces appareils fonctionnent de manière complètement automatique et requièrent très peu d’entretien, comme une chaudière au gaz naturel ou à mazout. Toutefois, les normes canadiennes de pression sont incompatibles. Nous essayons de changer cette situation. Il n’y a pas de fabricants nord-américains de chaudières à biomasse.
Les granules de bois ont l'avantage de pouvoir être utilisés dans les grandes centrales électriques. Tous les pays veulent abandonner le charbon. Que faire alors des grandes centrales qui ont nécessité des investissements en capital de milliards de dollars et qui deviennent éventuellement des actifs inutilisables? Les pays avec lesquels nous faisons des affaires ont converti ces centrales. Il suffit de construire un espace de stockage couvert à l’avant de la centrale pour éviter que les granules ne prennent l'eau. Il faut aussi des convoyeurs. À peu de détails près, le reste de la centrale électrique peut être utilisé tel quel. Au Canada, nous avons la capacité de convertir les centrales. Ce qui manque, malheureusement, c'est la volonté de le faire.
Les granules ont à peu près les mêmes propriétés que le charbon, mais il s'agit d'un produit propre, renouvelable et durable, qui relâche beaucoup moins de gaz à effet de serre que le charbon.
Au Canada, tout est en place pour éliminer progressivement le charbon en Alberta, en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse d’ici 2030. Cette élimination progressive aura lieu dans l'ensemble du pays, mais les quatre provinces que j'ai nommées sont celles qui utilisent le charbon. En Alberta, 55 % de l’électricité provient du charbon; en Saskatchewan, c’est 44 %; au Nouveau-Brunswick, 13 %; et en Nouvelle-Écosse, 60 %. Lorsque l'on aura fermé ces centrales au charbon, elles deviendront des actifs inutilisés, à moins qu’elles ne soient converties.
Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas réussi à convaincre les sociétés d’électricité d’utiliser des granules de bois. Il y a une exception notable: Ontario Power Generation...
D’accord, j’ai terminé.
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Merci beaucoup. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous faire part de quelques réflexions qui, je l’espère, vous aideront dans votre évaluation du potentiel des secteurs biologiques dans la croissance propre et dans la lutte contre les changements climatiques.
Pendant toute ma carrière, j'ai travaillé au croisement de l’innovation et de la gestion biologique du carbone. Mes réflexions d’aujourd’hui proviennent non seulement de mon propre travail, mais aussi des enseignements que j'ai tirés de mon expérience professionnelle aux endroits suivants: à l’Université Queen’s; à la Fondation BIOCAP Canada, un organisme de recherche national sans but lucratif financé par le gouvernement fédéral qui a mené des activités dans ce domaine de 1998 à 2006; chez Alberta Innovates-Biosolutions; chez Climate Change and Emissions Management Corporation, qui se trouve aussi en Alberta; chez Bioindustrial Innovation Canada, un organisme à but non lucratif d’investissement en innovation financé par le gouvernement fédéral; chez Génome Canada; dans ma propre société d’experts-conseils; enfin, dans le contexte d'une collaboration avec un autre consultant, Jamie Stephen, de chez Torchlight Bioresources.
Plutôt que de faire une présentation PowerPoint, je vais vous imposer une corvée de lecture après coup. J’ai remis certaines choses au greffier.
Je dirai d'entrée de jeu que le Canada est un vaste pays dont les forêts et les terres agricoles produisent une plus grande quantité de biomasse par habitant que tout autre pays du monde. Cette biomasse prend la forme d’arbres et de plantes cultivées composés de molécules de carbone. Comme vous l’avez entendu, la biomasse peut être transformée en n’importe quel produit — ou presque — fabriqué à partir de combustibles fossiles. Toutefois, contrairement aux ressources fossiles, la biomasse est renouvelable. Elle absorbe le carbone de notre atmosphère surchargée et surchauffée et elle le convertit biologiquement au moyen de la photosynthèse, ce que vous avez appris dès la troisième année.
Les cycles de croissance naturelle des forêts et des terres agricoles offrent de nombreuses possibilités de gestion du carbone, tant au moyen des plantes elles-mêmes — qui séquestrent davantage de carbone lorsqu'elles font l'objet d'une bonne gestion — qu'au moyen de la gestion des sols. De fait, il y a plus de carbone sous terre que de carbone terrestre — ce dernier étant celui qui fait l'objet d'une gestion en matière de ressources et de récoltes forestières et agricoles.
Dans un article que j’ai rédigé il y a peu pour le compte de l’Institut canadien des politiques agroalimentaires, j’ai pu démontrer que, dans le cas des sols agricoles canadiens, toute la quantité de carbone qui a été relâchée par le travail du sol et la production intensive de cultures peut être compensée en adoptant des pratiques de gestion assez simples et en accordant une attention particulière à la santé microbienne des sols.
Par exemple, les terres de l’Ouest canadien qui ont fait l'objet d'une gestion comprenant peu ou pas de travail du sol — vous en avez peut-être entendu parler — sont devenues des puits de carbone nets au cours des 15 dernières années. D’autres régions du pays présentent un potentiel comparable. Simplement au moyen de cette stratégie de gestion, on pourrait ajouter plus d’une demi-mégatonne d’équivalent CO2 en 10 ans à l'équation. Du carbone supplémentaire pourrait être stocké sous terre grâce à l’ajout de biocarbones stabilisés comme le biocharbon — dont vous avez peut-être entendu parler —, au moyen du processus de séquestration biologique du carbone.
Ce type de gestion, dont le coût est relativement faible, pourrait être encouragé au moyen de marchés du carbone comme il en existe en Alberta ou au moyen d'un soutien pour les outils dont les producteurs agricoles ont besoin pour y arriver. Bien entendu, l’agriculture consiste à produire des marchandises provenant des cultures et du bétail pour répondre aux besoins des marchés nationaux et étrangers. De même, comme vous l’avez déjà entendu, l’industrie forestière est principalement axée sur la production de la pâte de bois et du bois de construction de dimensions courantes. Ainsi, une grande partie de la biomasse produite au Canada est déjà requise pour les activités économiques existantes.
Si l’on considère seulement les résidus de la production de biomasse forestière et de produits agricoles, ainsi que les flux de déchets urbains, on dispose tout de même d'une source remarquable de biomasse à partir de laquelle on peut travailler à ces innovations. Dans un rapport d’Industrie Canada de 2003, nous avons pu démontrer qu'à eux seuls, les flux de résidus — sans toucher aux forêts de quelque autre façon que ce soit — pouvaient répondre à environ 20 % des besoins énergétiques du Canada, tout en permettant de réduire considérablement les émissions provenant des ressources non renouvelables.
Comment pouvons-nous utiliser au mieux les ressources qui sont réparties dans l’ensemble du pays? On a dit que c'était un pays à la fois très vaste et très mince; c'est une image plutôt éloquente. Nous devons atteindre les deux objectifs suivants: réduire les gaz à effet de serre et stimuler l’économie. Au Comité, vous connaissez très bien le portrait des émissions de gaz à effet de serre du Canada, j'en suis certaine. Le Canada est un pays unique: il est vaste et froid et son économie est fondée sur les ressources. Résultat: nous avons les émissions les plus importantes, des émissions qui augmentent plus rapidement qu'ailleurs, dans trois domaines, soit le transport, le chauffage et l’énergie requise pour l’extraction, la récupération et la transformation des ressources naturelles. La biomasse a ceci d'unique qu'elle peut être utilisée dans chacun de ces domaines pour réduire les émissions globales du Canada.
Nous avons un secteur du transport léger avec nos voitures et nos véhicules utilitaires sport. Nous sommes déjà bien engagés dans la voie de l'électrification, bien que cette approche particulière soit plus difficile pour le parc de véhicules diesel lourds pour les moteurs industriels et pour le secteur de l'aviation. Nous avons un secteur de recherche-développement précommercial dans ces deux secteurs, celui du diesel et celui des carburants aviation, et les biocarburants pourraient jouer un rôle important dans les deux cas pour réduire les émissions d'échappement. Une politique du gouvernement en ce sens créerait les outils de marché nécessaires pour développer cette approche. Il est très important de s'attacher à la nécessité de mettre au point des biocarburants au Canada pour empêcher la simple importation de produits d'autres secteurs comme le Brésil ou les États-Unis.
Le deuxième domaine que j'ai mentionné est celui du chauffage des locaux par la biomasse solide. Vous venez d'entendre beaucoup parler de l'industrie des granules. Les granules ne sont qu'un élément des carburants de la biomasse solide, mais c'est un élément qui ouvre d'immenses possibilités. Les technologies sont prêtes. Elles ont très bien fait leurs preuves partout dans le monde. Elles conviennent aux collectivités rurales et éloignées, qui en ont besoin pour abandonner le diesel, et qui se trouvent souvent tout près de ressources forestières inexploitées. Elles servent à assurer des emplois de qualité et le développement économique partout où elles sont déployées.
Une étude publiée cette semaine en Ontario explore la possibilité d'utiliser le chauffage à combustible solide en Ontario par des systèmes de chauffage distribué pour contrer le déclin de l'industrie forestière, qui a perdu plus de 36 000 emplois depuis le ralentissement économique, et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans la province. Cette stratégie pourrait favoriser la santé des forêts en éliminant les arbres trop vieux et en stimulant la séquestration du carbone dans les forêts en croissance. Elle pourrait réduire très considérablement les émissions nettes en Ontario.
Au risque de paraître insolent, je conclurai en vous offrant quelques conseils. Étant donné la grande urgence de se pencher sur les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il est important de se rappeler que le mieux est l'ennemi du bien. Une bonne part des biotechnologies propres que nous avons à notre disposition sont arrivées à maturité et sont utilisées ailleurs dans le monde. Il sera toujours possible d'améliorer la technologie par la recherche et la poursuite du développement, mais nous n'avons pas vraiment besoin d'énormes investissements au-delà de ceux que demande le déploiement. Gordon a mentionné la difficulté de faire certifier au Canada les chaudières qui sont très utilisées ailleurs dans le monde. C'est le genre de choses dont je parle.
Les marges de rentabilité de l'agriculture et de la foresterie sont très minces. Il ne faut pas s'attendre qu'elles répondent aux besoins de réduction des gaz à effet de serre sans reconnaissance appropriée. Je voudrais simplement vous rappeler qu'il n'y a pas de matières premières à faible coût. Dans la plupart des cas, la matière première la moins énergétique que nous avons pour l'énergie est le charbon. Donc, avant d'abandonner le charbon, nous devons reconnaître qu'il y aura des nouveaux coûts de fonctionnement.
Le gouvernement fédéral a un grand rôle de leadership à jouer, et ce ne serait pas nécessairement si difficile. Si je regarde les émissions de gaz à effet de serre qui sont associées au gouvernement fédéral — les émissions du gouvernement fédéral lui-même —, je constate qu'environ la moitié viennent du chauffage des immeubles fédéraux. Certes, il y en a ici, à Ottawa, mais les autres sont répartis dans tout le pays, surtout dans les installations militaires qui fonctionnent déjà au chauffage réparti. Changer la source de combustible serait une façon très simple de réduire les émissions de moitié.
Enfin, nous devons faire preuve d'une fermeté inébranlable à l'égard de la durabilité de nos terres agricoles et de nos ressources forestières, afin qu'elles continuent d'offrir ce genre d'avantages aux générations futures.
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président et membres du Comité.
Je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir invité, même si le délai pour me préparer a été plutôt court. Il y a plus de 25 ans que je suis dans le domaine de la gestion des déchets au Québec. C'est au cours des années 1990 que j'ai commencé à travailler au Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets. Je m'excuse de la longueur du nom, mais c'est malheureusement le seul que nous ayons pour le moment.
Je vais vous parler de la gestion des déchets. Je travaille au sein d'un organisme communautaire sans but lucratif. Je n'ai donc rien à vendre si ce n'est des idées, que vous allez peut-être apprécier et que je vais me permettre de vous exposer. Pour entrer dans le vif du sujet et aborder la question des gaz à effet de serre, je dirai qu'il y a principalement trois secteurs qui causent des effets néfastes, soit celui du transport, celui de la consommation et celui de l'aménagement urbain. Dans l'aménagement urbain, j'inclus la construction des maisons, des routes et même des magasins. En effet, chacun veut avoir sa tondeuse et sa perceuse pour tondre son gazon le samedi matin et faire des rénovations. Tout cela a une incidence majeure sur notre environnement et sur les gaz à effet de serre.
Si vous aviez à retenir une chose de ma présentation — et c'est peut-être la plus ennuyeuse que vous aurez à entendre —, c'est qu'il faut cesser de travailler en silo. On ne peut pas parler uniquement de gestion des déchets, d'aménagement, de transport et de biomasse de façon séparée. Tout est lié. Je travaille en gestion des déchets, mais c'est directement lié à la consommation et à l'extraction des ressources naturelles. Soit dit en passant, l'extraction des ressources naturelles sur la planète représente 20 % des émissions des gaz à effet de serre, ou GES. Les GES sont directement liés à notre consommation actuelle en Amérique du Nord.
Je suis certain que vous connaissez tous le jour du dépassement mondial, qui a eu lieu le 1er août dernier. On en a beaucoup parlé cette année. Cette date signifie que, le 1er août, nous avions déjà consommé l'ensemble des ressources produites par la planète. C'est donc dire que, depuis cette date, soit depuis environ quatre ou cinq mois, nous vivons à crédit. Nous consommons des ressources qui ont mis des milliers d'années à être produites sur la Terre. Or si l'ensemble de la planète consommait exactement comme le font les Canadiens, c'est de trois planètes dont nous aurions besoin. Autrement dit, nous vivons vraiment au-dessus de nos moyens. Comme je l'ai mentionné, nous vivons à crédit pour ce qui est de l'environnement.
Cela signifie qu'il faut véritablement changer de paradigme. Je ne veux pas faire peur à qui que ce soit, mais continuer à consommer les ressources naturelles comme nous le faisons actuellement et s'imaginer pouvoir créer de la croissance à l'infini est une utopie. C'est mathématiquement et physiquement impossible. Il faut véritablement changer nos façons de faire. Cela ne veut pas dire faire une révolution ou opter pour la décroissance. Il existe des façons qui sont peut-être plus simples et plus acceptables pour la population.
Quand je dis qu'il faut procéder de façon intelligente, ce qui est peut-être un peu fort, je veux dire qu'il faut le faire en se souciant réellement de réduire notre impact sur l'environnement. Par exemple, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre générées par des énergies fossiles, certains font la promotion de la production d'énergie à partir des déchets, des matières résiduelles. On parle donc ici de production d'énergie à partir d'incinérateurs. Selon nous, c'est un non-sens. En effet, pour produire de l'énergie, on brûlerait du plastique, du papier et d'autres matières combustibles qui seraient autrement recyclables et qu'on pourrait éventuellement réduire. Ce n'est pas une façon optimale de traiter de la matière dans le but, supposément, d'améliorer la façon de procéder.
La voiture électrique est un exemple concret. Certains groupes, même des groupes environnementaux, montrent beaucoup de réserve à son sujet. Si l'on crée de l'énergie à partir d'une centrale au charbon, je ne suis pas certain qu'il y ait réellement des gains environnementaux. Il faut aussi comprendre que, dans le cas de la voiture électrique, on ne fait que déplacer les impacts sur l'environnement lors de sa conception, de l'extraction des terres rares et de sa fabrication. Il est clair que son utilisation crée beaucoup moins d'impacts sur l'environnement. Elle est beaucoup plus efficiente sur le plan énergétique du fait qu'elle demande beaucoup moins d'énergie pour se déplacer. Il reste que ce n'est pas une panacée. Il faut envisager l'ensemble des problèmes d'une façon plutôt holistique. Comme je le disais tantôt, il faut cesser de travailler en silo.
Si je reviens strictement aux matières résiduelles, les déchets, soit le contenu des poubelles, il faut travailler en aval. Il faut donc faire en sorte que la matière résiduelle que nous produisons cause le moins d'impact possible sur l'environnement. C'est la gestion des déchets.
Par ailleurs, il faut aussi surtout travailler en amont auprès des producteurs. Selon nous, les producteurs sont responsables des biens non seulement au moment de les mettre sur le marché, mais aussi lors de leur conception, lorsqu'ils pensent à mettre un produit sur le marché, lors de la production du bien, lors de l'utilisation du bien ainsi qu'à la fin de vie du bien de consommation. Les producteurs devraient donc être responsables.
Il y a eu beaucoup d'approches volontaires depuis des décennies sur la planète et elles ne fonctionnent pas. Nous pensons donc qu'il faut vraiment avoir ce que nous appelons des « responsabilités élargies » de la part des producteurs, que les producteurs soient responsables de la récupération de leurs biens et de leur traitement sans avoir d'impact sur l'environnement ou avec le moins d'impact possible. Cela veut dire aussi de produire des biens qui sont nécessaires. Oublions les biens jetables et les biens qui ne sont pas nécessaires. Il faut avoir des biens de consommation qui incluent un pourcentage de matière recyclée et, éventuellement, des biens qui seront aussi réutilisables et recyclables.
Il faut faire attention lorsqu'on dit d'un bien qu'il est recyclable. Cela ne veut pas dire qu'il sera recyclé. Nous avons la mauvaise habitude, malheureusement, de dire qu'un produit est recyclable alors qu'il n'est pas recyclé. Nous n'avons pas nécessairement les installations et, entre vous et moi, tout est recyclable. Une centrale nucléaire est recyclable. Cela pourrait prendre des millions d'années, mais elle sera recyclée éventuellement par la nature. C'est comme la planète Terre, elle n'a pas besoin d'être sauvée, elle va nous survivre. C'est plutôt nous qui avons peut-être un problème concernant notre survie. Il faut donc arrêter d'avoir cette espèce de pensée magique et de croire que, du moment que c'est recyclable, c'est bon pour la planète. Il y a des biens recyclables qui causent beaucoup de problèmes liés à la contamination et même aux émissions de gaz à effet de serre.
Une fois que le travail a été fait en amont relativement aux producteurs et aux biens de consommation, il faut s'occuper des problèmes en aval. Après la production de déchets, de matières résiduelles, qu'en fait-on? Si l'on parle strictement de gaz à effet de serre, ce sont effectivement les matières résiduelles qui les génèrent. Les matières putrescibles produisent du méthane, soit un gaz à effet de serre puissant qu'on retrouve surtout dans les lieux d'enfouissement techniques, terme que nous utilisons au Québec.
Il faut absolument détourner la matière organique des lieux d'élimination pour éviter de produire du méthane. Il y aurait deux options. La première serait d'opter pour une collecte séparée, l'une destinée au ramassage des matières organiques, une autre pour les résidus verts et une troisième pour les déchets de table. La seconde serait de les traiter par compost ou par biométhanisation. Les deux approches sont possibles suivant la région, c'est-à-dire un milieu urbain ou un milieu semi-urbain. Les deux technologies, ou les deux façons de faire, sont tout à fait bonnes. L'idée est d'éviter de produire des gaz à effet de serre.
De plus, lorsque nous parlons d'autres matières qui produisent des gaz à effet de serre dans l'environnement, il faut faire attention. Comme je l'ai dit, tout ce qui est recyclable n'est pas nécessairement recyclé. Il faut vraiment penser aux trois « R ». Outre le recyclage, il faut réduire à la source, c'est-à-dire éviter de consommer ou de produire un bien, et réutiliser le bien. Par exemple, nous avons des bouteilles de bière au Québec qui sont réutilisables. Il s'agit là d'une très bonne façon d'éviter les gaz à effet de serre et la production d'un produit de grande consommation. Ce n'est pas le cas seulement au Québec; je crois que partout où l'on consomme de la bière, les bouteilles sont recyclables.
Le gouvernement doit aussi donner l'exemple. Cela veut dire qu'il faut encourager le recyclage et adopter des lois et des mesures incitatives pour que les compagnies aient l'obligation d'avoir un minimum de contenu recyclé. Je dis cela, bien que j'aie horreur de le faire parce que cela est très moralisateur et que la dernière chose que quelqu'un qui travaille en environnement doit faire, c'est bien d'être moralisateur. Cependant, vous êtes quand même des élus et vous avez énormément d'influence. En fait, vous êtes les décideurs.
Ainsi, sur la table derrière moi se trouvent des produits qui sont recyclables ou éventuellement jetables, des produits à usage unique pour les collations. Je vous en remercie, c'est très gentil, mais c'est le genre de détail qui fait dire que, oui, on y croit et on y pense, mais concrètement, on ne fait pas le geste nécessaire. Ce sont ces petits détails qui permettront de changer beaucoup de choses. Si vous voulez qu'on vous croit et qu'on vous appuie, il faut faire attention à ce genre de détails.
Je travaille au Québec depuis 25 ans. Je suis content de venir discuter à Ottawa. Nous n'avons pas suffisamment l'occasion d'échanger avec les gens des autres provinces. Nous avons chacun nos méthodes et nos façons de faire, surtout en gestion de déchets, qui est de compétence provinciale, mais nous avons tous le même problème. Nous gagnerions tous à partager nos expériences et nos bons coups.
Sur ce, je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez d'exposer les vues de la Dow Chemical Company dans le cadre de l'étude de votre comité sur la croissance propre et les changements climatiques au Canada: foresterie, agriculture et gestion des déchets.
Dow est une entreprise mondiale dont le siège social est situé à Midland, au Michigan. Elle est présente au Canada depuis plus de 80 ans, et notre fondateur, Herbert Henry Dow, est né ici. Au Canada, avec notre siège social à Calgary, Dow a des installations à Fort Saskatchewan, à Westhill, à Scarborough et à Varennes. Nous avons des installations conjointes à Prentiss et à Fort Saskatchewan, et avons profité des occasions de croissance économique dans l'Est, en ouvrant récemment un bureau des ventes à Toronto. Nous avons un peu plus de 1 000 employés au Canada et plus de 100 000 dans le monde.
Je suis ici aujourd'hui au nom de Dow Canada, et je vais vous parler d'une initiative à l'échelle de l'entreprise qui consiste à recueillir, à trier et à réduire la quantité de plastiques difficiles à recycler qui se retrouvent dans les sites d'enfouissement et dans la nature: je veux parler du programme Hefty EnergyBag.
Dow est l'un des deux premiers producteurs mondiaux de polyéthylène. Nous prenons très au sérieux notre responsabilité de chef de file en production de plastiques. C'est pourquoi nous nous activons et participons à plusieurs initiatives de développement durable des plastiques dans le monde.
Pour être clairs, disons que Dow croit que les plastiques sont une ressource précieuse qu'il faut conserver et gérer. Nous croyons qu'il y a des avantages environnementaux et économiques à prolonger le cycle de vie des plastiques. Les données démontrent que le plastique d'emballage est une matière intelligente et durable qui présente de nombreux avantages environnementaux pendant la phase de son cycle de vie correspondant à son utilisation.
Des études montrent que le remplacement des plastiques par d'autres matières double la consommation d'énergie, risque de tripler les émissions de gaz à effet de serre et peut quadrupler les coûts environnementaux globaux. Le vrai défi posé par les plastiques est qu'ils ne peuvent pas être assez recyclés mécaniquement à la fin de leur vie, environ 72 % de tous les plastiques se retrouvant alors dans des sites d'enfouissement pour diverses raisons techniques, d'infrastructure, de comportement des consommateurs et de marché ultime.
Soyons clairs: le programme Hefty EnergyBag n'est pas la panacée qui fera disparaître tous les problèmes de fin de vie des plastiques. Mais il s'agit quand même d'un programme éprouvé qui aidera à relever bon nombre de ces défis et qui devrait servir de modèle au Canada. Il aide l'industrie des plastiques à se tourner vers le recyclage chimique — à faire du neuf avec du vieux — grâce aux technologies de conversion. En tout cas, il devrait faire partie de la solution de gestion des déchets au Canada.
Pour nous, l'élimination des plastiques difficiles à recycler, comme les emballages de friandises, les sacs de croustilles, les emballages alimentaires souples, les pailles, les bâtonnets et les contenants en mousse représentent un gaspillage de ressources précieuses. Jeter une chose dont la valeur est récupérable et qui est réutilisable est un affront aux objectifs de développement durable de Dow pour 2025. Ces objectifs continuent de stimuler notre innovation, et c'est dans cet esprit que je veux vous parler du programme Hefty EnergyBag.
Le programme EnergyBag est un système permanent de gestion des déchets dans 13 collectivités des États-Unis, dont Omaha, au Nebraska; Boise, en Idaho, et le comté de Cobb, en Géorgie, pour ne nommer que ceux-là. Certains de ces projets sont reconnus par le financement du programme Keep America Beautiful, et Dow est un partenaire clé de cet organisme sans but lucratif.
En date de novembre 2018, le programme avait recueilli plus de 376 000 sacs orange à énergie, qui sont exactement ce que leur nom indique — des sacs à ordures géants de couleur orange vif —, et il a détourné des sites d'enfouissement environ 252 tonnes de plastiques difficiles à recycler. C'est l'équivalent de plus de 200 millions de sacs à croustilles ou de 1 199 barils de carburant diesel, si tout était converti en diesel par une technologie de conversion et de récupération d'énergie, comme un système de pyrolyse.
Nous explorons la possibilité d'introduire ce programme au Canada en 2019. Le but du programme est de recueillir, en bordure de rue, les plastiques difficiles à recycler, mais d'une qualité qui convient à un marché ultime local acceptable.
Les marchés ultimes du recyclage mécanique sont à l'étude, mais le marché ultime actuel favorise les technologies de conversion comme la pyrolyse, qui les transforme typiquement en carburants diesel, huiles et cires faibles en soufre. Le but du programme est de détourner des sites d'enfouissement les plastiques difficiles à recycler et d'en prolonger le cycle de vie, ainsi que de promouvoir l'acceptation et l'utilisation de ces technologies de réacheminement vers la récupération chimique et, au bout du compte, une économie circulaire.
Comment le programme fonctionne-t-il? Les collectivités remettent au consommateur un rouleau de sacs orange EnergyBag, avec les instructions du programme sur les objets à y mettre. L'éducation du consommateur est essentielle. C'est lui qui met les produits dans les sacs, et cela ne fonctionnera pas sans lui.
Une fois le sac rempli, le résidant le met dans le chariot de recyclage et l'apporte à la rue, où il est ramassé par le service de recyclage habituel. De cette façon, nous utilisons l'infrastructure de recyclage existante. Les sacs sont envoyés à l'installation de récupération de matières, c'est-à-dire l'IRM, où ils sont retirés dès l'entrée. Les sacs orange ne sont jamais ouverts et ne passent jamais par l'IRM, ce qui contribue à accroître la qualité des matières qui y entrent et qui en sortent, et à améliorer la position financière et l'efficacité d'ensemble des opérations de l'IRM. C'est aussi simple que cela.
Notre message pour les résidants est simple également: si vous êtes capable de recycler un plastique — habituellement, les plastiques nos 1 et 2 sont mécaniquement recyclables —, vous devriez le faire. S'il s'agit d'un plastique qui n'est pas ou qui ne peut pas être recyclé mécaniquement et qu'il aboutit au site d'enfouissement, il faut le mettre dans un sac orange Hefty EnergyBag. Certaines exceptions s'appliquent, selon le marché ultime utilisé. Le mot accrocheur est: « Le bac, c'est bien, mais le sac, c'est mieux. »
Les audits de composition de ce qui est ramassé dans le cadre du programme des sacs à énergie révèlent que le programme fonctionne, avec une moyenne de 88 % d'emballages plastiques souples et rigides, et 12 % d'autres matières, y compris environ 6 % de papier.
Comme tout défi complexe, le succès du programme des sacs à énergie passe par la collaboration le long de la chaîne de valeur. Les principaux collaborateurs sont Reynolds, qui fabrique les sacs et détient la marque de commerce Hefty; la collectivité; le transporteur local; l'IRM; les marchés ultimes et les consommateurs eux-mêmes. S'il faut des fonds supplémentaires pour lancer un programme, nous travaillons aussi avec des entreprises partenaires, des propriétaires de marque et des commanditaires.
De quoi avons-nous besoin pour atteindre les objectifs du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, le CCME, publiés la semaine dernière? Nous avons six recommandations.
Premièrement, tous les ordres de gouvernement doivent appuyer les programmes tels EnergyBag comme modèles locaux de réacheminement des déchets. Ils feront ainsi la promotion du recyclage chimique et de l'économie circulaire auprès de l'industrie.
Deuxièmement, nous devons reconnaître que les technologies de récupération d'énergie, particulièrement les technologies de conversion que sont la gazéification et la pyrolyse, sont des options de réacheminement acceptables plutôt que des solutions d'élimination. Bien qu'elles ne fassent qu'ajouter, pour l'instant, à l'heure actuelle une phase supplémentaire à la vie des plastiques, ces technologies sont un tremplin vers le recyclage chimique et, en fin de compte, la circularité totale.
Troisièmement, nous devons nous donner de saines politiques de gestion des déchets qui reflètent une approche holistique de l'utilisation des matières. Elles doivent reposer sur des approches de gestion durable des matières et une saine conception du cycle de vie. La GDM tient compte de tous les impacts de l'emballage tout au long du cycle de vie, et non seulement de sa capacité d'être recyclé.
Quatrièmement, nous devons mieux harmoniser notre approche et mieux communiquer avec les résidants à l'échelle du pays pour ce qui est de la façon de gérer les déchets, comme mon collègue l'a dit tantôt. À l'heure actuelle, les différences d'approche des différentes villes sont peu propices aux innovations et aux économies d'échelle. Il est difficile de traiter ces plastiques, parce que les consommateurs ne savent pas lequel va dans quel bac, et que cela ajoute aux coûts du tri mécanique.
Cinquièmement, nous devons considérer une courbe de coût plus complète pour le traitement des déchets. Les investissements qui détournent les déchets des sites d'enfouissement contribuent à la réduction des coûts réels des redevances de déversement, mais ils réduisent aussi les coûts environnementaux à long terme associés à l'élimination, qui ne sont pas nécessairement chiffrés en dollars.
Sixièmement, nous devons avoir une vision plus large de l'approche du cycle de vie. La norme fédérale sur les combustibles propres vise à approuver l'efficacité des combustibles utilisés au Canada, mais elle pourrait faire tellement plus pour réduire la consommation d'énergie et faciliter la solution à d'autres problèmes environnementaux. Plus précisément, il suffit de reconnaître que les applications de récupération d'énergie comme moyen de réduire les émissions de carbone peuvent régler du même coup d'autres problèmes environnementaux. À titre d'exemple seulement, le Règlement fédéral sur les carburants renouvelables reconnaît les déchets solides municipaux comme matière première pour la production d'éthanol. Ce principe devrait être étendu à d'autres sources de matières premières.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion d'exprimer les observations de la Dow Chemical sur la façon de réduire la quantité de plastique entrant dans notre flux de déchets. Je sais que le Comité se penchera de nouveau sur la question au cours de l'hiver, et j'espère avoir de nouveaux renseignements à vous communiquer à ce moment-là.
Avec votre aide et celle des provinces, des municipalités et des entreprises partenaires, nous pourrons commencer à réaliser l'objectif que le Conseil canadien des ministres de l'Environnement s'est fixé récemment, soit de ne pas envoyer de déchets de plastique dans les sites d'enfouissement. Le Hefty EnergyBag est une méthode pour aider à atteindre cet objectif.
Merci beaucoup.