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Nous vous contacterons bientôt au sujet du sous-comité qui doit se réunir dans les jours qui viennent.
Bon. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, et de la motion adoptée par le Comité le lundi 5 juin 2017, nous allons entamer notre étude sur la préservation et la protection du patrimoine du Canada.
Je voudrais commencer par préciser où nous en sommes. Le 5, nous avons adopté la motion en question et nous nous sommes entendus sur le travail des trois prochaines semaines, ainsi que sur la liste de témoins que M. Aldag nous a présentée le 14 juin. Il était demandé à ceux qui souhaiteraient proposer d'autres noms de nous le faire savoir. Nous n'avons, à cet égard, rien reçu depuis, et nous avons donc basé nos prévisions sur les éléments dont nous disposions. Voilà ce qu'il en est.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à souhaiter la bienvenue à nos invités. Nous allons d'abord écouter l'exposé de la représentante de l'Agence Parcs Canada, Joëlle Montminy, vice-présidente, Direction générale des affaires autochtones et du patrimoine culturel, qui est accompagnée de Genevieve Charrois, directrice, Politiques du patrimoine.
Nous accueillons également, au nom de la Fiducie nationale du Canada, Natalie Bull, directrice générale, et M. Richard Alway, de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. M. Martin Magne, ancien directeur de l'archéologie et de l'histoire à Parcs Canada va, lui aussi, nous présenter un exposé.
Soyez les bienvenus devant le Comité.
Nous sommes heureux de vous accueillir. Nous allons commencer par Parcs Canada, puis nous donnerons la parole à la Fiducie nationale, qui sera suivie de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada et, enfin, de M. Martin Magne.
Lorsque je brandis le carton jaune, c'est qu'il vous reste une minute de temps de parole, le carton rouge signalant que vous êtes à court de temps et qu'il vous est demandé de conclure. Cette règle s'applique aussi aux membres du Comité.
Joëlle, vous avez la parole.
[Français]
Madame la présidente, membres du Comité, je vous remercie de votre intérêt pour la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel du Canada, élément central du mandat de l'Agence Parcs Canada.
C'est un privilège d'être ici aujourd'hui pour vous faire part du point de vue de l'Agence Parcs Canada sur l'état de la situation au Canada, pour décrire le rôle joué par Parcs Canada et pour évoquer certaines perspectives dans le domaine.
Les lieux patrimoniaux revêtent une grande importance pour le Canada. Ils mettent en valeur le riche patrimoine de notre pays et offrent à la population la possibilité d'en apprendre davantage sur la diversité du Canada, notamment sur l'histoire, sur les cultures et sur les contributions des peuples autochtones. De plus, les lieux patrimoniaux créent de l'emploi, génèrent des revenus, soutiennent le tourisme durable et contribuent à la qualité de vie des Canadiens en rehaussant le cachet et l'ambiance des quartiers, des villes et des régions.
La protection et la conservation de notre patrimoine bâti aident aussi à la protection de l'environnement en réduisant les pertes associées à la construction et à la démolition.
[Traduction]
Parcs Canada a pour mandat de protéger et de mettre en valeur des exemples représentatifs du patrimoine naturel et culturel du Canada, et d'en favoriser chez le public la connaissance, I'appréciation et la jouissance, de manière à en assurer l'intégrité écologique et l'intégrité commémorative pour les générations d'aujourd'hui et de demain.
Au nom du gouvernement du Canada, Parcs Canada contribue à la préservation de notre patrimoine national, conformément à un ensemble diversifié de textes de loi et de politique. Avec le temps, et par le biais d'une mosaïque d'instruments de commémoration et de conservation, le gouvernement canadien a officiellement reconnu plus de 2 150 personnes, lieux et événements d'importance historique nationale, plus de 1 300 édifices fédéraux du patrimoine, 164 gares ferroviaires patrimoniales, 92 phares patrimoniaux et 39 rivières du patrimoine canadien. En outre, 18 sites ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Chacune de ces désignations vise un but particulier: la commémoration, la protection et la conservation, ou une combinaison des deux.
Parcs Canada exerce une intendance directe sur 171 lieux historiques nationaux. L'Agence est aussi la fière intendante d'autres lieux reconnus à l'échelle fédérale, dont 500 édifices fédéraux du patrimoine, 10 phares patrimoniaux, 6 rivières du patrimoine canadien et 12 lieux inscrits au patrimoine mondial, ainsi que plus de 10 000 lieux archéologiques qui représentent la profondeur et la diversité de l'histoire des peuples autochtones. Ces désignations patrimoniales se chevauchent les unes les autres: par exemple, le canal Rideau est à la fois un lieu historique national, un site du patrimoine mondial et une rivière du patrimoine canadien, en plus d'abriter 26 édifices fédéraux du patrimoine.
Parcs Canada gère des ressources culturelles au moyen de sa Politique sur la gestion des ressources culturelles. Cette politique a pour objectif d'assurer la préservation des ressources culturelles gérées par Parcs Canada et la communication de leur valeur patrimoniale pour que les générations actuelles et futures puissent mieux les comprendre, les apprécier et en profiter.
Les ressources culturelles visées par notre Politique comprennent des édifices, des artéfacts appartenant à nos collections, des ressources archéologiques in situ, des paysages culturels et des ouvrages de génie civil. Celle-ci s'applique à tous les lieux patrimoniaux du Canada.
Les autres ressources clés qui aident I'Agence à gérer ses ressources culturelles sont les « Normes et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux du Canada », le processus d'analyse des impacts sur les ressources culturelles et son système de demande de permis de recherche.
Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de chacun de ces éléments. Les Normes et lignes directrices, qui constituent un ensemble pancanadien de principes et directives visant à conserver les lieux historiques, sont le produit de la collaboration à l'égard des lieux historiques instaurée par la Table fédérale-provinciale-territoriale de la culture et du patrimoine. Le processus d'analyse des impacts sur les ressources culturelles sert à évaluer les répercussions potentielles des projets proposés sur les ressources culturelles sous la garde de Parcs Canada, et à déterminer toutes les mesures d'atténuation nécessaires. Le système de demande de permis de recherche et de collecte permet à Parcs Canada de s'assurer que toutes les recherches en archéologie, en science naturelle et en science sociale rencontrent nos normes.
Parcs Canada dispose par ailleurs d'outils destinés à aider d'autres organismes à conserver des lieux patrimoniaux reconnus par le gouvernement fédéral. Le Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine procure aux gardiens d'édifice une orientation relative à leur conservation. Le Programme national de partage des frais pour les lieux patrimoniaux fournit des fonds de contrepartie aux gardiens non fédéraux admissibles de lieux historiques nationaux, de phares patrimoniaux, de gares ferroviaires patrimoniales et d'édifices fédéraux du patrimoine pour la mise en oeuvre de projets de conservation et de présentation.
Nous disposons ainsi de cet éventail de moyens, mais le gouvernement du Canada est confronté à certains problèmes en rapport avec la conservation et la mise en valeur du patrimoine fédéral.
Tel que noté par la vérificatrice générale en 2003, le patrimoine bâti est menacé par un niveau insuffisant de ressources financières allouées aux ressources culturelles ainsi que par l'absence d'un cadre juridique. Par exemple, il n'existe aucune protection juridique pour les ressources archéologiques terrestres ou subaquatiques à I'échelle fédérale, dont la grande majorité est d'origine autochtone. En raison de cette lacune, le gouvernement fédéral n'est pas en mesure de rencontrer certaines normes internationales telles que la Convention de l'UNESCO sur la protection du patrimoine culturel subaquatique.
À Parcs Canada, les lieux historiques nationaux n'ont pas de protection garantie par une législation spécifique. La mise en place d'un cadre clair, qui vise spécifiquement la protection légale des lieux historiques nationaux et d'autres lieux du patrimoine culturel contribuerait à assurer que la conservation du patrimoine culturel soit une priorité dans un contexte de contraintes budgétaires.
Les détenteurs non fédéraux de lieux historiques nationaux, de phares patrimoniaux et de gares ferroviaires patrimoniales éprouvent également de grandes difficultés lorsqu'il s'agit de préserver les ressources culturelles. Le budget de 2016 prévoit un investissement de 20 millions de dollars sur deux ans dans le Programme de partage des frais, mais ce fonds reviendra à son niveau de référence permanent de 1 million de dollars en 2018. Ce programme a régulièrement été sursollicité, Parcs Canada ayant reçu, depuis 2009, des demandes totalisant plus de 107 millions de dollars, pour un budget d'un peu plus de 40 millions de dollars. La baisse de financement exercera une pression accrue sur les détenteurs non fédéraux de ces sites importants et augmentera les risques en matière de conservation des valeurs patrimoniales reconnues par le gouvernement fédéral. Cela pourrait limiter notre capacité à appuyer l'élaboration d'un plan patrimonial en rapport avec les conséquences des pensionnats indiens, comme le demandent les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation.
Des facteurs externes influent également sur notre patrimoine culturel. Les effets du changement climatique et des phénomènes naturels sont de plus en plus ressentis par Parcs Canada et d'autres intervenants. II suffit de penser à la perte de pergélisol, aux conditions météorologiques extrêmes ou à I'érosion. Plusieurs administrations canadiennes envisagent actuellement des mesures d'adaptation au changement climatique et d'atténuation de ses effets, y compris au sein de Parcs Canada.
Les lieux historiques situés en zone urbaine doivent aussi faire face aux pressions du développement. Sans protection juridique, la conservation du patrimoine est souvent reléguée à l'arrière-plan. Alors que l'on fait souvent appel à l'expertise et au leadership de Parcs Canada pour aider les autres ministères fédéraux à gérer leur patrimoine, il serait bénéfique pour la famille fédérale d'adopter un cadre d'action plus uniforme en matière de conservation et de protection des lieux patrimoniaux, et de définir plus clairement les rôles et les responsabilités.
Je dois par ailleurs souligner que l'investissement de 3,6 milliards de dollars dans les biens de Parcs Canada couvrira en grande partie les retards accumulés depuis plusieurs années au niveau de l'entretien des édifices et ouvrages de génie civil historiques et autres ressources culturelles. Toutefois, comme cela a été noté dans le budget de 2017, un plan à moyen et à long terme est en cours d'élaboration pour faire face aux besoins financiers permanents et veiller à conserver adéquatement les ressources culturelles.
[Français]
En conclusion, le gouvernement du Canada a adopté au fil du temps un certain nombre de lois et de politiques destinées à protéger notre patrimoine culturel irremplaçable. Parcs Canada est fier de son rôle de chef de file dans la conservation du patrimoine au sein de la famille fédérale et en tant qu'intendant des ressources culturelles.
Les obstacles que nous devons surmonter pour conserver notre patrimoine ne sont pas nouveaux: le manque de financement, les pressions du développement, l'inégalité de mesures de protection et les phénomènes naturels. Selon l'étude complétée en 1999, le Canada aurait perdu 20 % de son patrimoine bâti en l'espace d'une génération, et une bonne part de ce qui reste demeure menacée. Il est donc primordial de continuer à explorer les meilleures façons de faire face à ces difficultés pour éviter les pertes futures.
Les sondages révèlent de façon constante que la protection du patrimoine est importante pour les Canadiens. Dans le cadre de Canada 150, Parcs Canada a noté une hausse de 27 % du nombre de visites de ses lieux historiques nationaux, preuve irréfutable de l'attachement des Canadiens à l'histoire, à la culture et au patrimoine de leur pays.
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Je vous remercie.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de l'occasion qui m'est ainsi donnée de prendre la parole devant vous. Je suis encouragée par l'intérêt que vous manifestez pour les lieux historiques, et je vous félicite de l'étude pionnière que vous venez d'entamer.
J'interviens aujourd'hui ici au nom de la Fiducie nationale du Canada, organisation non gouvernementale à but non lucratif. Cet organisme, de type associatif, fondé en 1973 est agréé en tant qu'organisme caritatif. Nous faisons partie d'un réseau mondial de fiducies nationales visant à donner aux citoyens des divers pays les moyens et les ressources de préserver les lieux de mémoire. Nous procurons aux Canadiens ce supplément d'inspiration qu'offrent les lieux où il fait bon vivre, travailler ou se divertir. Nous sommes fiers de collaborer avec le gouvernement fédéral dans le cadre de programmes tels que Jeunesse Canada au travail et la Journée des lieux historiques du Canada.
Dans les 30 années entre 1970 et l'an 2000, le Canada a perdu plus de 20 % de ses constructions historiques. Rien ne semble arrêter la disparition de ces monuments, et si les provinces, les territoires et les autorités municipales font ce qu'elles peuvent, il est urgent que le gouvernement fédéral s'attelle lui aussi à la tâche.
Je voudrais, dans cet exposé, vous présenter une vue d'ensemble des lieux historiques du Canada, récapituler les difficultés auxquelles font face ceux qui tentent de sauvegarder et de rénover ces lieux de mémoire, et formuler quelques recommandations quant aux initiatives que pourrait prendre en ce domaine le gouvernement fédéral. Il s'agit d'un très large éventail de lieux possédés ou administrés par au moins quatre types de propriétaires. Ces lieux appartiennent en effet à des ONG ou des organismes caritatifs, à des propriétaires privés, à des gouvernements provinciaux ou municipaux ou au gouvernement fédéral. Il y a des milliers et des milliers de lieux historiques, un demi-million au total. Certains de ces lieux ont déjà fait l'objet d'une désignation patrimoniale, généralement au titre d'un règlement municipal institué en vertu d'une loi provinciale sur la protection du patrimoine. Treize milles d'entre eux figurent actuellement au Répertoire canadien des lieux patrimoniaux, une importante banque de données nationale qui fait référence.
La désignation patrimoniale donne souvent accès à des aides financières — subventions, incitatifs fiscaux et autres mesures d'incitation — destinées à compenser les inconvénients ou les coûts des contraintes découlant d'une telle désignation. La carotte et le bâton sont les deux points d'appui des stratégies mises en place dans la plupart des ressorts pour assurer la sauvegarde du patrimoine. Or, il est clair que ces incitatifs ne suffisent généralement pas à dissuader un propriétaire qui souhaite démolir ou altérer un immeuble. La désignation patrimoniale n'est pas une garantie de protection contre la démolition, et il n'est pas du tout aisé de protéger les lieux historiques.
Mais pourquoi un comité parlementaire aurait-il à s'inquiéter de l'état des lieux historiques du Canada? Eh bien, il y a pour cela de multiples raisons. D'abord, parce qu'il a la possibilité d'intervenir utilement sur le plan des changements climatiques. Les immeubles du Canada sont en effet, en importance, la troisième source d'émissions de gaz à effet de serre. Or, la réutilisation et la rénovation des édifices du patrimoine permettent de tirer parti des matériaux et de l'énergie déjà investis, ce qui permet de réduire les déchets auxquels donnent lieu tant la construction que la démolition, et d'éviter par ailleurs l'impact environnemental de constructions nouvelles.
Mais outre l'avantage qu'ils nous offrent sur le plan du changement climatique, les lieux historiques ont des retombées économiques non négligeables. En effet, les projets de réhabilitation des bâtiments entraînent la création de jusqu'à 21 % d'emplois de plus que les constructions nouvelles. Ce sont d'excellents facteurs de relance économique, qui emploient en général une main-d'oeuvre et des matériaux locaux. Il semble en outre que, de manière générale, 75 % des bienfaits économiques découlant de la réhabilitation d'immeubles patrimoniaux sont acquis à la communauté environnante. C'est donc, effectivement, une excellente mesure de relance économique. On pourrait, toujours sur le plan économique, citer également le tourisme culturel. On s'attend en effet à voir le nombre de touristes américains venant au Canada à la recherche de lieux de mémoire atteindre, d'ici l'année 2025, le nombre de 12 millions.
N'oublions pas, cependant, l'importance que ces lieux revêtent pour notre identité nationale. Ils ont, en outre, une certaine valeur sur le plan social étant donné que ce sont souvent les seules sources de logement abordable, ou de locaux bon marché pour les entreprises naissantes. Cela dit, les propriétaires du secteur privé qui souhaiteraient sauvegarder ou rénover des immeubles historiques se heurtent à de nombreux obstacles qui finissent souvent par les décourager. J'entends par cela l'augmentation de la valeur des terrains qui, dans les grandes villes, porte les propriétaires à démolir les constructions anciennes afin de tirer un meilleur parti de leur terrain. J'ajoute que les promoteurs, voire les prêteurs, ont souvent du mal à entrevoir la rentabilité de travaux de rénovation. Les incitatifs portant les propriétaires à passer outre à ces obstacles sont généralement insuffisants et c'est pour cela qu'on voit disparaître des immeubles tels que l'immeuble Etzio, élevé en 1898 dans le quartier Old Strathcona d'Edmonton, le bâtiment emblématique qui abritait à Toronto, au coin des rues Yonge et Bloor, le grand magasin Stollery's, et, à Ottawa, la Somerset House, morte de négligence.
Les ONG et les organismes caritatifs qui oeuvrent pour la sauvegarde et la restauration des lieux historiques font face en outre à de lourdes difficultés financières. Il leur faut lutter âprement pour obtenir des subventions. C'est ainsi que la semaine dernière, après des décennies d'effort, la Société de rénovation des immeubles du comté de Guysborough, en Nouvelle-Écosse, a dû se résigner à la démolition, à Hazel Hill, du Commercial Cable Building, construit en 1888, et où est parvenue la première nouvelle du naufrage du Titanic.
Le seul programme fédéral de subvention consacré aux lieux historiques est le programme de partage des coûts prévu pour les lieux historiques nationaux, les gares et phares patrimoniaux, ainsi que Joëlle l'a indiqué tout à l'heure. Mais ce programme ne concerne que quelques centaines de lieux appartenant à des organismes non lucratifs. Pendant longtemps le financement annuel de ce programme a oscillé entre 0 dollar et 1 million de dollars, et nous craignons fort que l'actuel crédit de 20 millions de dollars sur deux ans, qui représente pour nous une occasion inespérée, retombera l'année prochaine à 1 million de dollars seulement.
Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer dans la sauvegarde du patrimoine? Le Canada met en oeuvre des politiques qui renforcent l'économie, protègent l'environnement et évitent les conséquences climatiques. Notre stock d'immeubles constitue notre bien de consommation le plus important et le recyclage et la réutilisation d'immeubles existants devraient aider le gouvernement fédéral à réaliser ses objectifs. Cela suppose une collaboration intergouvernementale, les provinces et territoires aidant à élaborer des normes pancanadiennes et à envisager la possibilité de cumuler les subventions et les incitatifs. Beaucoup de gens estiment qu'en cela l'initiative revient au ministère du Patrimoine canadien, qui a institué de nombreux programmes permettant de financer, d'encourager et de soutenir un vaste réseau d'organismes consacrés à la culture et à la sauvegarde du patrimoine. Or, généralement, les lieux historiques n'ont pas de place au sein de ces programmes. En effet, aux termes de sa loi habilitante, la responsabilité en matière de lieux historiques incombe à Parcs Canada, qui répond lui-même de son action devant le ministre de l'Environnement. Tout cela est un peu déroutant pour le commun des défenseurs du patrimoine et je dois dire que j'aurais beaucoup de satisfaction à voir ces deux ministères relever progressivement les défis qui se posent en ce domaine, et résoudre les difficultés.
Je voudrais, pour conclure, proposer au gouvernement du Canada, l'adoption d'un certain nombre de mesures prioritaires qui permettraient d'assurer dans de meilleures conditions la sauvegarde des lieux historiques, qu'ils se situent ou non dans le périmètre des compétences fédérales. Je pense que c'est ce genre de dispositif que Joëlle évoquait tout à l'heure.
D'abord, le gouvernement fédéral devrait, de concert avec les municipalités, les provinces et les territoires, prendre des mesures permettant d'attirer les investissements nécessaires. Sans doute faudra-t-il adopter des approches diversifiées afin de tenir compte des différences tant au niveau de la propriété des lieux que des lieux eux-mêmes. Ainsi, les sources classiques de fonds de contrepartie telles que les programmes à frais partagés donnent de bons résultats lorsqu'il s'agit de biens patrimoniaux appartenant à des organismes caritatifs ou à des organisations non lucratives. On pourrait envisager cependant un mécanisme dans le cadre duquel les dons effectués par des entreprises ou des particuliers permettraient d'obtenir du gouvernement fédéral une somme correspondante. Ce serait un moyen d'encourager la philanthropie. Le gouvernement fédéral pourrait ainsi prévoir en faveur des projets de rénovation des incitatifs fiscaux. Ce type de mesures, récemment proposées dans le cadre du projet de loi a fait ses preuves lorsqu'il s'agit d'encourager les investissements privés dans des projets rentables de mise en valeur de certains lieux historiques, et de donner une nouvelle vie à d'anciennes constructions. Il y a tout un éventail de mécanismes auxquels on pourrait recourir.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral pourrait adopter deux mesures simples, mais qui feraient beaucoup pour les lieux de mémoire, qu'ils soient inscrits ou non au répertoire fédéral. D'abord, il s'agirait d'adopter une politique de priorité au patrimoine, qui imposerait à tous les ministères fédéraux d'accorder la priorité aux immeubles patrimoniaux appartenant au gouvernement, voire à ceux qui appartiennent à d'autres propriétaires, avant même songer à louer des locaux ailleurs ou à en faire construire de nouveaux. De telles mesures aideraient du jour au lendemain à créer un nouveau marché pour les édifices patrimoniaux. Selon un promoteur local, une telle mesure transformerait radicalement le paysage des lieux historiques du Canada. Deuxièmement, l'adoption d'une politique fondée sur le principe de précaution permettrait de mieux mesurer l'impact que l'action du gouvernement fédéral peut avoir sur les lieux historiques inscrits au répertoire canadien, quel qu'en soit par ailleurs le propriétaire. Cela permettrait notamment d'assurer que les fonds d'infrastructure dispensés par le gouvernement fédéral ne sont pas affectés à des projets préjudiciables à nos ressources culturelles. Je dis cela, car nous savons très bien que la construction de nouveaux centres des congrès, de nouvelles routes et de nouveaux équipements porte parfois atteinte à un lieu historique important.
Numéro trois, le gouvernement fédéral devrait mettre un peu d'ordre chez lui et donner l'exemple en matière de gérance du patrimoine. Le Canada est en effet le seul pays du G8 à ne pas avoir adopté de loi sur la protection des lieux historiques dont le gouvernement national est propriétaire. Ainsi que Joëlle le disait tout à l'heure, en novembre 2003, la vérificatrice générale du Canada s'est penchée, en matière de protection du patrimoine, sur les pratiques de plusieurs organismes et ministères du gouvernement fédéral, et a constaté que si nous ne prenons pas sans tarder des mesures visant à le protéger, le patrimoine bâti qui relève du gouvernement fédéral ne sera plus là pour les générations à venir. Or, pas grand-chose n'a été fait depuis. On peut le constater à la lecture du rapport de la vérificatrice générale, et je vous invite à réfléchir à l'éventail des mesures qui pourraient être prises, y compris l'adoption d'un texte de loi permettant d'assurer la protection des lieux historiques situés sur des terres fédérales, les sites historiques nationaux et les sites du patrimoine mondial inscrits au répertoire fédéral, ainsi que la protection des sites archéologiques enfouis sous des terres appartenant au gouvernement fédéral ou sous des eaux relevant de sa compétence.
Numéro quatre, le gouvernement fédéral pourrait en outre encourager les peuples autochtones à jouer pleinement leur rôle dans le repérage et la sauvegarde de leurs lieux historiques.
Et enfin, le gouvernement devrait faire en sorte de consacrer par un texte de loi le Répertoire canadien de lieux historiques ainsi que les Normes et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux au Canada. Il conviendrait, par ailleurs, d'assurer tant au Répertoire qu'aux Normes, les financements nécessaires, fondement essentiel des recommandations dont je viens de faire état.
Je vous remercie de votre attention, et de l'intérêt que vous portez à nos lieux historiques.
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Merci, madame la présidente.
Je sais que les membres du Comité ont l'habitude d'assimiler très rapidement de vastes quantités d'information, mais on ne veut tout de même pas être submergé.
Permettez-moi de me présenter. Je préside actuellement l'Institut pontifical d'études médiévales à l'Université de Toronto. Il s'agit d'un projet que j'avais déjà envisagé avant de prendre ma retraite après 20 ans de présidence du University of St. Michael's College, rattaché à l'Université de Toronto. On m'a demandé de m'occuper de cet institut de recherche un peu comme une occupation à mi-temps, mais après neuf ans, c'est plutôt devenu une seconde carrière.
Dans l'optique de vos travaux, cependant, c'est plutôt ma présidence de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada qui vous intéresse. Cet organisme conseille le ministre de l'Environnement et du Changement climatique, ministre responsable de Parcs Canada, ainsi que le gouvernement lui-même en matière de commémoration de lieux, de personnes et d'événements ayant une importance historique nationale. C'est la mission confiée à la Commission depuis sa création par décret en conseil en 1919.
J'exerce, au sein de la Commission de la capitale nationale, les fonctions de vice-président du Comité sur les résidences officielles du Canada, et j'ai été par deux fois, directeur général et président de la Fondation du patrimoine ontarien, devenu depuis la Fiducie du patrimoine ontarien, le principal organisme de protection, de sauvegarde et de promotion des ressources culturelles et naturelles.
Permettez-moi de commencer par féliciter le Comité de l'étude qu'il vient d'entreprendre. C'est une initiative extrêmement prometteuse. On peut espérer qu'elle débouchera sur un rapport à la fois mûrement réfléchi et réaliste comportant des recommandations susceptibles d'être graduellement mises en oeuvre. Ainsi que l'ont rappelé les deux personnes qui m'ont précédé ici ce matin, on doit au rapport de la vérificatrice générale de 2003 d'avoir attiré l'attention des Canadiens sur leur patrimoine et sur la menace qui pesait alors sur le patrimoine bâti du Canada. Il ressortait clairement de ce rapport que les deux tiers des sites historiques nationaux du Canada appartenant au gouvernement fédéral étaient dans un état oscillant entre mauvais et passable, et que de nombreux sites étaient en fait en piètre état. Le rapport s'est montré très critique vis-à-vis de la négligence dont le gouvernement fédéral avait fait preuve en ce domaine, et a recommandé très fortement la mise en place d'un cadre législatif permettant de mieux assurer la sauvegarde et la protection du patrimoine.
Vous vous souvenez combien ce rapport a capté l'attention à l'époque. Il a fait couler beaucoup d'encre, mais cela n'a guère duré, faute d'action coordonnée et cohérente de la part des citoyens. Les sondages d'opinion ont récemment montré que si, de manière générale, les Canadiens sont attachés à la sauvegarde du patrimoine bâti, les gens ont des intérêts très divers, et n'ont guère de temps à y consacrer.
Votre comité a en l'occurrence l'occasion de faire ressortir l'importance du rôle que notre patrimoine occupe dans la culture de notre pays.
Or, sur quoi reposait en fait le rapport de la vérificatrice générale, et quelles sont les étapes des mesures qui ont été adoptées en vue de la sauvegarde de notre patrimoine historique?
En 1908 est adoptée la Loi concernant les champs de bataille nationaux de Québec, texte portant essentiellement sur les plaines d'Abraham. En 1919, un décret en conseil porte création de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, qui lance le Programme de commémoration fédérale des personnes, lieux et événements d'importance nationale. En 1953, la Loi sur les lieux et monuments historiques donne une assise législative à l'action du gouvernement fédéral en ce domaine, qu'il s'agisse de l'installation de plaques commémoratives, ou, à l'occasion, d'une acquisition — mais nous n'en avons guère vu ces derniers temps — afin de marquer l'importance nationale d'un lieu, d'une personne ou d'un événement.
L'organisme de Natalie a été fondé par décret du gouvernement du Canada en 1973, et s'appelait à l'époque Patrimoine canadien. En 1982, la Politique sur les édifices fédéraux du patrimoine a été adoptée et couvre les structures appartenant au gouvernement fédéral. Cette politique stipule que les édifices qui ont plus de 40 ans doivent faire l'objet d'une évaluation patrimoniale et qu'un énoncé de valeur patrimoniale soit produit pour chacun. En fait, on parle ici de deux choses: un genre d'inscription et la classification. L'inscription n'entraîne pas vraiment de mesure particulière de protection ou de processus important de conservation de la ressource. Par contre, si un édifice est classé, certaines mesures sont prises pour le protéger, qui visent essentiellement à en interdire la démolition, mais c'est très incomplet.
Comme nous l'avons entendu, le processus qui a mené à l'adoption de la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales s'est déroulé de 1985 à 1988, et une loi sur les forts a suivi en 2008. Fait intéressant, les deux lois étaient d'initiative parlementaire, mais j'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'aucune ne nécessitait de gros investissements du fédéral ni aucune forme de transfert d'argent. C'est le genre d'information qui intéresse toujours le ministère des Finances. Les deux projets de loi d'initiative parlementaire ont été adoptés.
Le projet de loi , tout à fait d'actualité, propose un encouragement fiscal. Je me réjouis de voir ce qui arrivera de ce côté. C'est le genre de mesure que j'appuie sans réserve, mais je pense que l'application est beaucoup plus difficile, d'autant plus que c'est pour ainsi dire un premier pas.
Qu'est-ce qui serait le plus logique aujourd'hui?
Tout d'abord, je crois que la législation visant à protéger les lieux historiques nationaux appartenant au gouvernement fédéral, dont 171 sont administrés par Parcs Canada et 65 par d'autres ministères, devrait prévoir des mesures de protection pour ceux qui sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Nous faisons des pieds et des mains pour ajouter de nouveaux sites canadiens sur cette liste, perçue très favorablement, mais il n'existe aucune garantie de protection une fois qu'ils figurent sur la liste. Nous sommes le seul pays du G8 qui n'a pas de législation fédérale pour protéger ses lieux d'importance nationale. C'est une grave lacune qui serait relativement facile à corriger, et je pense que le gouvernement accueillerait volontiers une recommandation en ce sens.
De plus, des mesures législatives devraient empêcher les actions du gouvernement fédéral susceptibles de porter atteinte aux quelque 730 lieux historiques nationaux qui appartiennent à d'autres propriétaires, soit des provinces dans quelques cas, mais surtout des particuliers. Le champ d'action du Canada est assez limité en raison de la compétence sur les droits de propriété attribuée aux provinces et aux territoires par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et la Constitution canadienne. Le gouvernement fédéral n'a pas toujours les coudées franches. Il est primordial de protéger les ressources archéologiques sur les terres fédérales, mais aussi celles qui sont dans l'eau.
Je crois que la question du partage des frais a déjà été abordée. Le programme fédéral s'établissait à 6 ou 7 millions de dollars il y a une quinzaine d'années. Il y a quelque temps, il a été réduit à 1 million de dollars, une situation qui a perduré pendant plusieurs années. Il a été rétabli à 10 millions de dollars ces 2 dernières années, mais ce sera bientôt la fin. Je recommanderais une prolongation du partage des frais et le maintien du budget à 10 millions pendant au moins 5 ans. C'est le moins que l'on puisse faire pour rendre le programme permanent, et je crois que ce serait justifié.
Des encouragements fiscaux permettraient d'offrir une gamme complète d'outils, mais je crois que l'application ne serait pas facile et il faut rester réaliste. J'espère que le Comité présentera des recommandations générales qui favoriseront une réflexion approfondie sur tous les aspects en jeu, étant entendu que la réalisation de certaines recommandations devra se faire une étape à la fois.
Bonne chance pour la suite. Vous êtes investis d'une mission importante. Merci de m'avoir donné l'occasion de me faire entendre.
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Merci, madame la présidente, et merci au Comité de me donner la possibilité de prendre la parole aujourd'hui.
Je vais commencer par expliquer brièvement mes antécédents pour que vous compreniez bien ma perspective. J'ai travaillé pour Parcs Canada pendant 24 ans. Quand j'ai pris ma retraite, j'étais à la tête de la Direction de l'archéologie et de l'histoire. Auparavant, jusqu'en 1992, j'ai travaillé pour le gouvernement de l'Alberta, où je dirigeais l'organisme Archaeological Survey of Alberta. J'étais notamment chargé de la supervision du programme de fouilles et de gestion des ressources archéologiques, dont le personnel a déjà compté jusqu'à 24 membres. J'ai également été consultant privé en archéologie pendant cinq ans, surtout dans l'Ouest canadien, et j'ai fait de l'archéologie de terrain partout à l'ouest du Québec.
Je vous parlerai aujourd'hui de gestion des ressources archéologiques au Canada. J'aimerais tout d'abord brossé un portrait général des programmes provinciaux et territoriaux, puis je me concentrerai sur les programmes fédéraux et sur les aspects qui selon moi méritent amélioration. Je ne parlerai pas vraiment d'épaves et d'archéologie sous-marine, parce que c'est un sujet complexe qui déborderait le cadre de mon exposé.
Quand j'emploie le terme archéologie, je fais référence à l'étude des vestiges matériels des activités anthropiques du passé, y compris ceux laissés par les Autochtones 20 000 ans en arrière dans certains cas. Il va de soi qu'il s'agit de matériel non renouvelable. C'est pourquoi les archéologues réclament des appareils d'enregistrement et de récupération à haute résolution. Les sites archéologiques varient beaucoup. Il peut s'agir d'un artéfact unique en pierre, ou d'un grand village autochtone, de vestiges de bâtiments industriels, d'un poste de traite de fourrure. Le site peut être enfoui sous la surface océanique ou trôner au sommet d'une montagne. On trouve des sites à la grandeur du pays.
La valeur qu'on leur accorde est aussi variable, un facteur déterminant de la gestion des ressources. Diverses échelles sont utilisées pour déterminer la valeur d'un site. L'évaluation peut être qualitative, ou elle peut se faire à partir de paramètres très quantitatifs liés à des éléments ayant une valeur scientifique, historique ou culturelle. Il est important de le rappeler.
Chaque province et territoire a une législation qui lui est propre pour protéger les ressources archéologiques, et leur gestion — parce que les ressources se trouvent pour la plupart sous la surface du sol, mais pas toutes — est plus facile si on oblige les promoteurs à faire des évaluations dans le cas de projets d'aménagement qui exigent de remuer le sol, comme la construction de barrages, de routes, de lotissements, de parcs de stationnement, ou les améliorations portuaires.
Des organismes gouvernementaux examinent les projets pour déterminer s'ils pourraient avoir des impacts sur ces ressources. La localisation géographique peut avoir une incidence sur la présence de ressources archéologiques. On peut penser qu'un terrain de premier choix dans le marché immobilier d'aujourd'hui était aussi recherché il y a 20 000 ans.
Les évaluations sur place exigées par les lois ou les règlements sont ensuite effectuées par le promoteur, soit un gouvernement provincial ou une entreprise privée, à ses propres frais. L'évaluation vise à trouver ce qu'il pourrait y avoir d'intéressant sur les lieux et à apprécier la valeur relative. S'il y a lieu, elle est suivie d'analyses plus poussées pour établir la nature des ressources découvertes, puis de la collecte de celles qui présentent un intérêt pour la province, le territoire ou l'ensemble de la population canadienne. Bien évidemment, les organismes gouvernementaux organisent et préparent les artéfacts ainsi recueillis.
Le contexte est différent au gouvernement fédéral. Tout d'abord, comme l'ont déjà évoqué les intervenants qui m'ont précédé, il n'existe pas de législation fédérale, aucune loi qui protège les ressources archéologiques, hormis peut-être la Loi sur les Indiens, qui, à une époque, comportait des mesures de protection de lieux très précis comme des monuments funéraires ancestraux, des poteaux totémiques ou des peintures rupestres. Très honnêtement, je ne sais pas si ces dispositions sont toujours en vigueur. En 1989 ou 1990, des efforts intenses ont été déployés pour convaincre le gouvernement fédéral d'adopter une législation sur les ressources archéologiques. Un projet de loi a été rédigé, mais il n'a jamais été adopté.
Ces efforts se faisaient parallèlement à un programme triennal d'accès à l'archéologie de l'ancien ministère des Communications qui octroyait du financement pour les activités archéologiques grand public. Le programme a connu un grand succès. Il visait en particulier la participation des communautés autochtones aux travaux liés au patrimoine et à l'archéologie.
Un autre projet de loi fédéral sur l'archéologie a été rédigé il y a une quinzaine d'années. Il a donné naissance à l'Initiative des endroits historiques, qui a permis d'étendre les mesures de protection et d'encouragement à l'égard du patrimoine bâti en collaboration avec les provinces et les territoires. Cependant, le volet archéologique n'a jamais abouti.
L'Agence Parcs Canada est la seule au sein du gouvernement fédéral à faire une gestion active des ressources archéologiques. À un certain moment, l'organisme maintenant connu sous le nom du Musée canadien de l'histoire recevait du financement du Programme d'initiatives pétrolières et gazières dans le Nord pour mener des fouilles archéologiques dans l'Arctique, mais ces travaux étaient plus axés sur la recherche que sur la gestion des ressources.
De toute évidence, les terres fédérales recèlent beaucoup moins de ressources que les terres des provinces et des territoires, et elles ne sont pas réparties uniformément. À titre de comparaison, les terres fédérales occupent une superficie approximative de 440 000 kilomètres carrés, ce qui équivaut aux deux tiers environ du territoire de l'Alberta. L'Agence Parcs Canada administre 93 % d'entre elles environ.
Les autres gestionnaires de terres fédérales sont les ministères de la Défense nationale, des Pêches et des Océans, des Transports et des Affaires autochtones. Par exemple, le ministère des Transports supervise les terrains aéroportuaires — j'ai moi-même collaboré de très près aux travaux archéologiques à l'aéroport international de Vancouver. Évidemment, la superficie des terres n'est pas le seul facteur à prendre en compte pour estimer les besoins de gestion des ressources archéologiques. Par exemple, de nombreuses terres du ministère de la Défense nationale et de Pêches et Océans se trouvent à des emplacements portuaires stratégiques, et des réserves indiennes sont situées sur des terres riches en ressources économiques.
Toujours à titre comparatif, quelque 10 000 sites archéologiques sont inscrits au répertoire de l'Agence Parcs Canada actuellement. Celui de la province de l'Alberta doit en compter de 35 à 40 000, de même que celui de la Colombie-Britannique. La plupart des inventaires ont été faits par des équipes de gestion des ressources dans le cadre de projets d'aménagement industriel.
Les archéologues de Parcs Canada font de la gestion de ressources essentiellement pour les besoins des parcs, soit dans le cadre d'activités de gestion des ressources proprement dites, soit pour des activités liées à l'histoire publique et à l'éducation du public. L'Agence tient des registres pour chaque site, organise et prépare les artéfacts, informe et mobilise la population, et travaille en étroite collaboration avec les communautés autochtones. Toutefois, ses archéologues sont aussi appelés en renfort pour la gestion des ressources archéologiques d'autres terres fédérales.
Je vais décrire brièvement comment le volet archéologique est administré dans le cas des autres terres fédérales. En vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, les ressources archéologiques doivent être prises en compte dans la détermination des effets environnementaux d'un projet. L'Agence Parcs Canada a été désignée comme ministère compétent pour aider les autres ministères à faire l'évaluation des effets et à édicter les mesures à prendre. Cependant, la consultation des experts de Parcs Canada n'est pas obligatoire. La Loi s'avère relativement efficace pour les grands projets, mais très peu pour ce qui est d'évaluer les effets sur les ressources archéologiques de projets de moindre envergure qui, de façon générale, ont une incidence négligeable sur l'environnement.
Quoi qu'il en soit, il appartient toujours au gestionnaire des terres, soit le ministère de l'Environnement, de la Défense nationale ou un autre, de déterminer l'incidence possible sur le plan archéologique. Des projets archéologiques sont menés en vertu de la Loi — en fait, ils sont nombreux — à l'insu de Parcs Canada. Il arrive que des projets, dont l'aménagement d'importantes installations portuaires à Prince Rupert par le CN n'est qu'un exemple, aillent de l'avant dans des zones où la réglementation est floue et souvent administrées par les provinces, qui là encore refusent de les reconnaître comme étant leurs terres.
En dehors du cadre de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, des politiques fédérales sur l'archéologie octroient à l'Agence Parcs Canada le mandat de conseiller d'autres ministères. Actuellement, cette aide est demandée pour 5 à 10 projets fédéraux seulement par année, mais l'Agence n'est pas l'autorité dirigeante et elle n'a pas un rôle proactif qui lui permet d'examiner les projets fédéraux en amont de leur conception, sauf si le ministère responsable le lui demande.
Je soupçonne que beaucoup de projets qui ont une incidence sur les ressources archéologiques des terres fédérales passent sous le nez de Parcs Canada. Je fonde cette affirmation sur des travaux que j'ai menés dans les années 1990 pour le compte de divers ministères, dans une période de réduction des ressources gouvernementales et de refonte du mode de gestion de l'administration des réserves indiennes. J'étais en contact avec plusieurs ministères, dont les ministères de la Défense nationale, des Travaux publics, des Affaires indiennes et du Nord canadien, ainsi que des Pêches et des Océans en Colombie-Britannique et en Alberta. J'aidais ces ministères à faire des évaluations dans le cadre de projets liés notamment à la fermeture de bases de la Défense nationale, à la privatisation de ports, à l'exploitation forestière, ou à l'aménagement d'infrastructures et de logements dans les réserves indiennes. Je supervisais des consultants privés rémunérés à l'acte; en 2005, avec mon personnel, nous supervisions une quarantaine de projets par année. Nous avons réalisé à ce moment que beaucoup d'autres projets passaient au travers des mailles très larges de notre filet.
En 1999, ces travaux ont abouti à la rédaction par Parcs Canada d'un document destiné au ministère de la Défense. Ce manuel de référence en archéologie de terrain présentait des procédures d'évaluation des ressources archéologiques, y compris la consultation des communautés autochtones et la désignation de dépôts appropriés. Aujourd'hui, lorsque des travaux sont exécutés sur les terres fédérales, le matériel recueilli est conservé dans les dépôts désignés par la province.
J'aimerais souligner un point important. Depuis les années 1970, les communautés autochtones ont une conscience aiguë de la valeur du patrimoine archéologique de leurs territoires et des programmes de grande qualité ont vu le jour, notamment en Colombie-Britannique. Un programme d'inventaire des ressources, sous la gouverne du Resources Inventory Committee, a permis de former des Autochtones pour qu'ils puissent contribuer aux projets d'aménagement qui ont une incidence sur les ressources forestières.
Je suis certain que tant les milieux professionnels canadiens que la communauté internationale accueilleront très favorablement une loi fédérale sur l'archéologie. À mon avis, il serait souhaitable de solliciter la participation des gouvernements provinciaux et territoriaux, du moins dans une certaine mesure. Il faudra réfléchir attentivement aux procédures d'organisation et de préparation des collections.
Et, dernier point, je suis convaincu qu'en intégrant de manière significative les communautés autochtones à son programme d'archéologie, y compris leur consultation dès l'étape de l'ébauche des projets, le gouvernement enverra un signal très clair de sa détermination à faire une gestion responsable des vestiges matériels de leur histoire dans notre pays.
Je vous remercie de votre invitation.
Je remercie les témoins de s'être déplacés et de nous avoir fait des exposés de grande qualité. C'est notre première séance d'étude sur le patrimoine. Vous nous avez donné un état des lieux très instructif sur ce qui se fait en matière de protection patrimoniale au Canada, aussi bien nos bons coups que les défis qui nous attendent.
Je tiens également à remercier le Comité d'avoir accepté de consacrer une partie de la session d'automne à cette étude. J'espère que les interventions de ce matin vous auront déjà convaincus de la nécessité de nous pencher sur la question de la protection du patrimoine au Canada.
Franchement, je ne sais pas vraiment par où commencer. Je voudrais remercier l'Agence Parcs Canada de nous avoir livré des commentaires réalistes et un aperçu très précis qui nous a rappelé que nous avons un réseau de lieux historiques nationaux. En fait, je pense que l'étude se divisera en deux volets. Le premier a trait à ce que je qualifierais de nécessité pour le gouvernement fédéral de faire de l'ordre dans ce qui lui appartient et dont il est responsable, soit les lieux historiques administrés par Parcs Canada et les autres, de même que les ressources archéologiques. Le deuxième volet est celui du leadership fédéral à l'égard de ce qui ne relève pas directement de lui, dont Natalie nous a parlé au nom de son organisme.
Je vais débuter par la nécessité pour le gouvernement fédéral de faire de l'ordre et d'examiner les exigences législatives et les processus. Parlons tout d'abord des lieux historiques nationaux, qui sont au nombre de 171 si je me souviens bien. Au début de l'année, nous avons étudié les parcs nationaux et le plan de réseaux. J'aimerais que les représentants de l'Agence Parcs Canada, et M. Alway s'il le souhaite, nous expliquent le processus de désignation et la manière dont des initiatives d'envergure locale associées à des personnages, des lieux ou des événements d'importance nationale entrent dans le giron fédéral. Qui prend les décisions au sein de l'Agence et des autres ministères fédéraux?
Je sais qu'il en existe déjà un bon nombre, mais est-il possible d'en ajouter de nouveaux? Dans votre réponse au volet de ma question sur le plan de réseaux, vous serait-il possible de nous dire ce qui s'est passé dans les 20 dernières années, disons, concernant l'ajout de nouveaux lieux? Monsieur Alway, voulez-vous commencer?
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C'est du rôle du fédéral dont il est question ici, qui se rapporte évidemment aux lieux historiques nationaux qui lui appartiennent. C'est la partie la plus facile de l'équation. Il sera relativement facile d'édicter une loi qui s'appliquera directement à ces lieux.
Actuellement, c'est le Bureau d'examen des édifices fédéraux du patrimoine qui est chargé de l'application des dispositions de la politique, mais ses pouvoirs sont très restreints. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cet organisme agit sous l'autorité de l'Agence Parcs Canada. En fait, l'outil est déjà là pour faire ce dont vous parlez, mais il ne suffit pas, si je puis dire.
Quant aux lieux historiques nationaux appartenant à d'autres organismes et à des particuliers, je crois que l'exercice sera beaucoup plus difficile. Il est possible d'interdire les actions du gouvernement fédéral qui portent atteinte à un lieu historique national dont un autre organisme ou particulier est propriétaire, comme c'est déjà arrivé. Je ne sais pas combien de fois, mais il y a des exemples. Les différents rapports produits au fil des années sur cette question réclament tous des mesures en ce sens.
L'autre aspect à considérer au sujet de ces lieux est bien entendu celui du soutien. Quel soutien peut-on offrir, pas tant aux gouvernements provinciaux, mais surtout aux particuliers à qui appartiennent ces lieux? Le ministère des Finances préfère généralement les programmes de subventions parce qu'ils sont prévisibles. Il connaît le montant exact des sommes qu'il devra sacrifier. C'est très important pour faire des estimations et établir les budgets, et toutes ces choses. Il est beaucoup plus difficile de le convaincre d'utiliser le régime fiscal, et il faut beaucoup plus de bagou. J'imagine que c'est encore plus vrai aujourd'hui, dans le contexte actuel.
Il faut faire plus, et je crois que la manière la plus simple de commencer est le programme de partage des frais. Pour que ce soit complet, il faut envisager des encouragements fiscaux, mais le partage des frais…
Permettez-moi de donner un exemple frappant. Quand le programme fédéral était en place voilà quelques années, son budget était de 1 million de dollars pour toutes les classes de structures à la grandeur du pays. Il y a quelques années, le gouvernement québécois avait un programme de 32 000 millions de dollars pour une seule classe de bâtiments, les établissements religieux. J'ai déjà pensé qu'un programme d'un million de dollars était ridicule parce qu'il ne faisait que susciter des attentes qui se transformaient en pétard mouillé à cause du manque de fonds. J'ai finalement réalisé qu'un programme insuffisant valait mieux que pas de programme du tout, que c'était au moins une mesure intérimaire. Il est beaucoup plus facile d'étendre un programme lorsque les circonstances s'y prêtent que d'en créer un nouveau. La structure existe; il suffit de l'étoffer. Le budget a été augmenté à 10 millions de dollars par année, ce qui est encore trop peu compte tenu de tout ce qu'il y a à faire.
L'effet de levier du programme est énorme. Par exemple, si pour chaque dollar donné, il faut en amasser deux, ou faire la démonstration que… Il existe toutes sortes de conditions possibles. Des statistiques ont montré que c'est efficace. Non seulement c'est efficace, mais se greffent à un tel programme toutes sortes d'activités dérivées qui entraînent des retombées économiques, la création d'emplois, et que sais-je encore.
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Je vous remercie de votre question.
Cela dépend évidemment de la portée de la loi envisagée. Dans un premier temps, on pourrait penser à une loi qui aurait pour objectif de préserver les lieux nationaux historiques protégés par le gouvernement fédéral et lui appartenant. Comme nous l'a dit M. Alway, les droits de propriété font en sorte qu'on ne pourrait pas légiférer au-delà de cela.
Pour les lieux qui sont sous la gouverne du fédéral, on pourrait imaginer que ces sites devront se soumettre à une série d'évaluations concernant les interventions possibles. Par exemple, si le ministère de la Défense nationale était propriétaire d'un site, il faudrait procéder à une évaluation des répercussions possibles avant de faire des modifications quant à l'utilisation des lieux ou des bâtiments. Par la suite, il faudrait obtenir des avis sur la façon de faire les restaurations nécessaires.
Les enjeux possibles, ce sont évidemment les coûts associés au maintien des sites historiques dans un état qui satisfait les normes et les directives que nous aimerions voir appliquées. Évidemment, si c'était inscrit dans la loi, il resterait toujours à vérifier si les ministères fédéraux ont les ressources nécessaires pour répondre aux exigences de la loi.
Présentement, on doit procéder par la voie d'une politique et donner des avis de cette nature. Par la suite, les ministères peuvent choisir de suivre ou non les directives, puisque cela n'a pas été inclus dans la loi. Si vous deviez inclure ces normes et ces pratiques dans une loi, il deviendrait alors nécessaire de suivre la norme. Voilà pour ce qui est des sites historiques.
Pour ce qui est de tous les bâtiments qui pourraient être désignés ou classifiés par le fédéral comme ayant une valeur patrimoniale, il en existe un très grand nombre de bâtiments qui appartiennent au gouvernement fédéral. Si la loi touchait à tous les lieux patrimoniaux et à tous les bâtiments historiques, ce serait la même chose, mais à une échelle encore plus élevée. En théorie, la question est de savoir comment répondre aux exigences du projet de loi qui sont liées à la conservation.
Si les ministères devaient se départir d'un bâtiment ou d'un lieu protégé par la loi, les exigences seraient très élevées. Il s'agit d'un cas rare, mais si cela devait se produire, nous exigerions que le bâtiment soit considéré pour d'autres usages, afin d'éviter qu'on s'en départisse. Si on le faisait, il faudrait que le nouveau propriétaire respecte les normes de conservation. Cela pourrait vraiment créer un cadre plus rigide, mais cela permettrait évidemment de maintenir la valeur patrimoniale de ces endroits.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de se prêter à cet exercice.
Vous nous éclairez quant à certaines pistes. Nous sommes ici pour améliorer la procédure et vous êtes dans cette réalité au quotidien.
Je constate que le problème qui ressort est d'ordre financier, et c'est un problème récurrent. On n'éliminera jamais un site patrimonial, on va toujours en ajouter. Les coûts de la restauration et de la mise à niveau vont faire en sorte que, même pour les sites existants, il y aura des coûts supplémentaires. Cette constatation me semble réaliste.
Maintenant, que faisons-nous?
Mon collègue M. Bossio parlait d'un bureau de poste. Dans ma circonscription, les sites d'une grande valeur historique sont un peu perdus. J'ai deux exemples très clairs qui sont différents relativement à la propriété et à la volonté du milieu.
Dans ma circonscription se trouve le site historique du Fort-Jacques-Cartier-et-du-Manoir-Allsopp, à Cap-Santé. Ce fort, laissé à l'abandon, a marqué l'histoire du Canada avec Jacques Cartier. Le manoir est un peu désuet et mal entretenu, et les gens du milieu n'ont pas les moyens de l'entretenir.
En tant que député, que puis-je faire pour les aider? Dans le rapport que nous déposerons, quels mécanismes ou outils pouvons-nous prévoir en vue de restaurer les sites historiques? Nous savons bien que les fonds ne sont pas illimités. Sachant cela, que faisons-nous maintenant?
Mes questions s'adressent à Mmes Montminy et Bull.