FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 6 novembre 1997
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tout le monde.
Comme vous le savez, conformément à l'article 83.1 du Règlement, le Comité des finances tient des audiences, qui le mène d'ailleurs d'un océan à l'autre, pour demander aux Canadiens de proposer des mesures qui pourraient être intégrées dans le prochain budget afin de refléter leurs priorités et leurs attentes.
Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir, pour une présentation individuelle, M. Pierre Fortin du Département des sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal, ainsi que des représentants de l'Institut C.D. Howe, du Conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, de l'Association canadienne des constructeurs d'habitations, du Centre canadien de politiques alternatives, de la Coalition de la Banque du Canada pour les Canadiens et des Friends of Canadian Broadcasting.
Vous disposez chacun d'environ cinq minutes pour nous donner une vue d'ensemble de votre présentation. Ensuite, nous passerons aux questions. Nous allons commencer par entendre M. Pierre Fortin.
Monsieur Fortin, bienvenue.
M. Pierre Fortin (professeur, Département des sciences économiques, Université du Québec à Montréal): Merci, monsieur le président.
[Français]
Je lirai ma présentation lentement en langue anglaise. J'ai donné une copie de mes remarques à l'interprète, qui aidera ceux d'entre vous qui ne comprennent pas l'anglais.
[Traduction]
Mon exposé se divise en cinq rubriques: premièrement, les hypothèses économiques à court terme; deuxièmement, les objectifs financiers; troisièmement, les coupures affectant l'assurance- chômage et le transfert social; quatrièmement, l'éducation; et cinquièmement, les objectifs en matière d'inflation. Mon exposé prendra cinq minutes et douze secondes.
• 1240
Premièrement, les hypothèses économiques. Mon point de vue sur
l'inflation, la croissance réelle et les taux d'intérêt coïncide
avec le consensus qui s'est forgé dans l'ensemble du secteur privé.
Au cours des deux prochaines années, l'inflation se situera au-
dessous de 2 p. 100, dans le contexte d'un ralentissement de la
croissance réelle qui tombera à 3 p. 100 d'ici 1999 et d'une légère
hausse des taux d'intérêt destinée à empêcher l'économie de
s'emballer et l'inflation de dépasser 2 p. 100—et ainsi de se
conformer strictement à notre stratégie monétaire.
Il s'ensuit que la reprise économique durera seulement 18 mois, alors qu'il faudrait quatre ans pour rétablir le plein emploi, comme aux États-Unis.
Deuxièmement, les objectifs financiers. Je pense que le gouvernement devrait avoir trois objectifs financiers. Premièrement, faire tomber sur 10 ans le fardeau fiscal fédéral— qui représente actuelle 17 p. 100 du revenu national—à 16 p. 100, ce qui signifie réduire les impôts de 4 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années. Deuxièmement, enregistrer chaque année un petit excédent budgétaire de façon à alléger le fardeau de la dette fédérale, et de le faire passer en 10 ans de 71 p. 100 du revenu national à 40 p. 100. Cela signifie qu'en 2001, c'est-à-dire dans quatre ans, on atteindrait le niveau de 55 p. 100. Troisièmement, en règle générale, indexer les dépenses de programme sur l'inflation et la croissance démographique, mais, jusqu'en 2001, prévoir une injection ponctuelle de fonds de l'ordre de 3 à 5 milliards de dollars, afin de compenser les graves distorsions résultant des récentes coupures.
Donc, un, deux, trois objectifs. Un, alléger un peu le fardeau fiscal—pas trop, parce que le fardeau fiscal fédéral a été assez stable au cours des vingt dernières années. Dégager un faible excédent budgétaire afin d'accélérer la réduction du fardeau de la dette, et indexer les dépenses sur l'inflation et sur les taux de croissance démographique qui se situent actuellement entre 3 et 3,5 p. 100.
Troisièmement, les coupures qui ont affecté l'A.-C. ou l'A.-E. ainsi que les transferts sociaux. De mon point de vue, la compression des prestations d'A.-C. et du TCSPS ont sérieusement affecté le système de protection du revenu du Canada. Dans l'ensemble, le régime d'A.-C. du Canada n'est maintenant pas plus généreux que, disons, le système qui existe en Alabama. Seul 40 p. 100 des Canadiens au chômage touchent désormais des prestations. Le document de recherche que je viens de déposer et dont vous pourrez prendre un exemplaire—je vous préviens, il est rédigé en français—conclut qu'à cause des coupures de l'A.-C. dans les années 90, 194 000 Québécois vont bientôt s'ajouter à la liste des prestataires de l'aide sociale, ce qui représente, pour le Trésor québécois, un coût additionnel de 845 millions de dollars par an.
Si, en partant des chiffres s'appliquant au Québec, on fait une projection qui s'étend à l'ensemble des provinces, on constate qu'en économisant, au total, 6 milliards de dollars de prestations, le gouvernement fédéral aura obligé les provinces à payer une facture de 2,5 milliards de dollars en prestations d'aide sociale supplémentaires. La façon dont nous administrons la politique sociale au Canada—où deux niveaux de gouvernement se repassent la balle—est à mon avis scandaleusement inefficace et extrêmement injuste; naturellement, envers les Canadiens pauvres qui sont au chômage.
Quatrièmement, l'éducation. Les recherches économiques les plus récentes suggèrent fortement que pour soutenir la croissance et empêcher que les inégalités en matière de rémunération s'accentuent, il ne faut pas nécessairement mettre l'accent sur l'éducation d'une élite ni sur la formation spécialisée, mais plutôt relever le niveau d'instruction de la population en général et assurer le plein emploi des actifs. En ce qui concerne le premier critère, l'instruction des jeunes, le Canada réussit très bien; mais ce n'est pas du tout le cas en ce qui a trait au second, le plein emploi.
Au cours des vingt dernières années, les provinces canadiennes ont assez bien réussi à augmenter le pourcentage d'adolescents et de jeunes adultes fréquentant l'école à plein temps. Au Québec, la fréquentation scolaire parmi ces deux groupes d'âge atteint maintenant des niveaux étonnamment élevés: 85 p. 100 pour les jeunes âgés de 15 à 19 ans et 38 p. 100 pour ceux qui ont entre 20 et 24 ans. À l'heure actuelle, le Québec domine toutes les autres provinces pour ce qui est de la fréquentation scolaire des jeunes âgés de 15 à 24 ans. Les jeunes Canadiens, mes concitoyens québécois les premiers, se montrent très doués pour les langues et les mathématiques, ce qui les place en haut de l'échelle des jeunes du monde entier; et, sans conteste, au-dessus des jeunes Américains.
Sur ce point, le conseil que je formulerai est simple. Ne touchez pas à un système qui fonctionne bien. N'enlevez pas aux provinces la compétence exclusive dont elles jouissent en matière d'éducation, et n'ajoutez pas un autre palier de gouvernement dans ce secteur.
• 1245
Enfin, cinquièmement, les objectifs en matière d'inflation.
Permettez-moi de souligner que, si dans les régions du centre et de
l'Est, le revenu n'arrive pas à décoller et le chômage reste élevé,
c'est que l'on a agi de façon peu judicieuse en se donnant pour
objectif un taux d'inflation se situant entre 1 et 2 p. 100; et
qu'à l'inverse, si aux États-Unis les revenus croissent et le
chômage baisse, c'est que l'on a été assez sage pour se fixer comme
objectif un taux d'inflation se situant entre 2,5 et 3,5 p. 100.
Les Américains ont compris qu'une légère inflation—un peu, mais pas trop—est nécessaire pour graisser les rouages de l'économie; un principe dont le bien-fondé n'est pas encore reconnu au Canada. C'est seulement en relevant la fourchette fixée comme objectif en matière d'inflation et en la faisant passer de son niveau actuel qui est de 1 à 3 p. 100 à 2 à 4 p 100—pour permettre à l'inflation d'atteindre un niveau de quelque 3 p. 100 si cela est nécessaire—que le Canada pourra atteindre son potentiel en matière de revenu et le plein emploi.
Il faut pour cela quatre années de croissance réelle au rythme de 4 p. 100 et plus, ainsi qu'une chute du taux de chômage, qui le ramènerait autour de 6 à 6,5 p. 100, ce qui est tout à fait réalisable. Maintenir à tout prix l'inflation en dessous de 2 p. 100, revient à dire que nous ne connaîtrons plus jamais le plein emploi au cours de ce siècle. En revanche, ajuster l'objectif légèrement à la hausse, c'est prendre un risque minime qui pourrait nous permettre de gagner très gros. Les gens sont prêts à acheter des billets de loterie pour moins que cela.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci de votre exposé, monsieur Fortin. Je suis sûr que l'on vous posera de nombreuses questions tout à l'heure.
Le prochain exposé va être présenté par M. William Robson de l'Institut de recherches C.D. Howe.
M. William Robson (Institut C.D. Howe): Merci. Je tiens à remercier le comité de se montrer tolérant au point de me permettre de pénétrer dans cette pièce deux fois en une seule journée. Je vous suis reconnaissant de votre indulgence.
Permettez-moi de dire, pour commencer, que c'est un plaisir de participer aux consultations prébudgétaires dans la conjoncture actuelle. Bientôt, nous n'allons plus féliciter le gouvernement fédéral d'être sur la voie de l'équilibre budgétaire, mais d'avoir bel et bien atteint cet objectif. Le faible taux d'épargne et le chômage élevé sont préoccupants; toutefois, dans l'immédiat, les perspectives de croissance et de création d'emplois sont meilleures qu'elles ne l'ont jamais été au cours des dernières années.
Voilà donc un préambule optimiste. Mes réponses aux questions que vous nous avez posées aujourd'hui seront nécessairement brèves. Plutôt que de dépasser le temps qui m'est imparti, je m'en tiendrai à une préfiguration générale.
Je pense que la croissance soutenue que nous connaîtrons au cours des prochaines années nous place dans une excellente position pour rembourser la dette. La baisse du coût des intérêts, qui représente, à mon avis, le véritable dividende budgétaire, nous autorise à inscrire au budget une réduction généralisée de l'impôt frappant les revenus moins élevés d'ici la fin de la présente législature.
En ce qui a trait aux hypothèses économiques que l'on nous a demandé de commenter, comme je viens de l'indiquer, je pense que les perspectives de croissance à moyen terme sont excellentes. Au cours des derniers 18 mois, la Banque du Canada a injecté des fonds dans l'économie à un rythme extraordinaire. La mesure des disponibilités monétaires que je préfère est l'indice M1, qui correspond à la monnaie en circulation, plus les dépôts à vu. C'est de l'argent que l'on dépense. Cette mesure est évidemment liée au comportement des consommateurs, et il a été prouvé que c'est l'un des meilleurs indicateurs économiques. Depuis l'été, par rapport à l'année dernière, la croissance de cet indicateur s'est située un peu au-dessous de 20 p. 100, ce qui laisse présager un envol de l'économie et une forte croissance de l'emploi; au moins au cours de 1998.
Il y a un nuage à l'horizon, et Pierre Fortin y a fait allusion, même si je ne suis pas entièrement d'accord avec lui sur l'importance des objectifs en matière d'inflation. Je pense que si la Banque du Canada continue à maintenir la croissance des disponibilités monétaires comme elle l'a fait récemment, devra freiner cette tendance à la fin de 1998 et en 1999 un peu plus brutalement qu'elle ne l'aurait fait si les circonstances étaient différentes. Si c'est ainsi que les choses se passent, alors, l'année financière 1997-1998 est un moment opportun pour réduire la dette. Au cas où des prévisions même prudentes n'incluant aucune modification de la politique fiscale produiraient des excédents qui seraient juste un peu trop alléchant, je conseillerais de consolider les provisions pour imprévus au cours de ces années d'abondance durant lesquelles nous devrions nous préparer aux années de vaches maigres.
En ce qui a trait aux investissements stratégiques et aux modifications de nature fiscale, j'ai sans doute déjà indiqué que je ne suis pas en faveur de nouvelles dépenses fédérales. L'économie n'en a pas besoin pour progresser. Le bas niveau de l'épargne national ainsi que le chômage élevé posent problèmes; mais si j'examine la colonne des dépenses dans le grand livre de compte du gouvernement fédéral, je ne vois pas beaucoup de programmes qui, si l'on augmentait leur financement, nous aideraient énormément à résoudre ces difficultés.
Quand on envisage les choses à plus long terme, il y a une mesure qu'à mon avis nous devrions éliminer; à savoir, la prestation pour personnes âgées. Cette nouvelle disposition va faire grimper de façon spectaculaire les taux d'imposition effectifs imposés, après la retraite, aux Canadiens à revenu moyen. Et je soupçonne que cela va, par voie de conséquence freiner sérieusement leur épargne avant qu'ils prennent leur retraite. On se retrouvera avec un niveau d'épargne national encore plus bas alors que justement, notre population vieillissante devrait épargner davantage; et, si cette réaction est assez forte, il se peut fort bien que les prévisions concernant l'épargne publique qui sont à l'origine du projet de prestation pour personnes âgées ne se matérialisent pas.
• 1250
Sur le plan fiscal, je suis contre les réductions sélectives,
ou contre toutes nouvelles dépenses sous forme de dégrèvements
fiscaux. Tous les postes budgétaires sont financés à la même
source; par conséquent, ces propositions se résument
essentiellement à imposer davantage le plus grand nombre afin de
financer les subventions accordées à quelques-uns—ce qui ne permet
guère d'espérer une imposition plus juste et plus simple où il
existerait moins de distorsions.
Enfin, en ce qui a trait à l'emploi et à la création de capital humain—la troisième question—comme vous pouviez sans doute vous y attendre, je n'ai pas d'idées neuves sur la façon de créer des emplois et du capital humain. Je saisis l'occasion d'appuyer l'observation de Pierre Fortin concernant l'éducation, même dans les provinces où le secteur ne fonctionne pas aussi bien qu'au Québec. Les provinces devraient régler elles-mêmes les problèmes qui se posent dans l'enseignement élémentaire et secondaire.
La suggestion que je voudrais faire n'apporte rien de vraiment nouveau, mais c'est une méthode plutôt éprouvée. À l'heure actuelle, la demande, dans l'économie canadienne, monte en flèche; toutefois, notre potentiel de production, c'est-à-dire l'offre, est plutôt chancelant. Pour encourager le travail et l'épargne, nous devons avoir recours à des allégements fiscaux généralisés. Ils sont d'autant plus nécessaires là où les coûts sont les plus élevés, au bas de l'échelle. À cause des impôts de toutes sortes et de la récupération des prestations sociales, les taux marginaux d'imposition sont beaucoup plus élevés au Canada pour les gens dont le revenu se situe au-dessus de la moyenne; mais même une réduction d'un point de pourcentage du taux le plus bas d'imposition du revenu des particuliers, coûterait beaucoup d'argent—plus de 2 milliards de dollars par an.
Où allons-nous trouver une somme pareille? Il faut que nous gagnions notre dividende budgétaire. Il faut que nous réduisions notre facture d'intérêt annuelle, en remboursant la dette.
J'aimerais terminer par une suggestion. Au cours du précédent exercice, les intérêts nets versés par le gouvernement fédéral représentaient, pour une famille canadienne de quatre personnes, un fardeau d'environ 5 400 $. L'année précédente, c'était 5 700 $; mais cette somme dépassait quand même les 4 800 $ que nous avions à financer à la fin des années 80. Pourquoi ne pas faire de la facture d'intérêts la cible principale des initiatives envisagées pour le prochain exercice? Vu les bons résultats obtenus cette année, on pourrait faire tomber cette facture au-dessous de 5 000 $ par famille en 1998-1999; et, en cas de bon excédent la même année, la somme à payer tomberait au-dessous de 4 800 $ l'année suivante.
Et cela autoriserait à inscrire dans le budget une baisse du taux minimum d'imposition des particuliers, ce qui serait à mon avis une très bonne façon d'entamer le prochain siècle.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Robson.
Je vais maintenant passer la parole au représentant du Conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, M. Leo de Bever. Bienvenue.
M. Leo de Bever (vice-président, Recherche et économie, Conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario): Merci, monsieur le président. Je vais respecter les instructions et vous donner un bref résumé des points que j'aimerais soulever afin de pouvoir consacrer le reste du temps à une discussion plus approfondie de ces questions clés.
Tout d'abord, la bonne nouvelle, à mon avis, c'est que pour la première fois depuis 20 ans, nous allons avoir un excédent budgétaire. Toutefois, le revers de la médaille, c'est qu'au cours des 19 ou 20 dernières années, nous avons enregistré des déficits qui ont fait grimper le ratio de la dette au PIB à un niveau stupéfiant.
Qui plus est, on semble penser implicitement qu'à partir de maintenant, nous allons être plus sages et ne pas fabriquer de déficits. Permettez-moi de rappeler que l'on n'a pas interrompu le cycle économique et qu'à un moment ou à un autre, nous n'allons pas être en mesure d'éviter les déficits. Par conséquent, il serait sage de faire preuve de circonspection lorsqu'on parle de dépenser le dividende budgétaire dont nous pensons jouir. Je recommanderais notamment de continuer à faire une provision pour imprévus.
Voilà plus de 20 ans que j'exerce la profession d'économiste. Je peux probablement aussi bien que n'importe lequel de mes collègues essayer de prévoir quand aura lieu le prochain retournement cyclique, mais ce n'est pas un domaine où la profession s'est illustrée, et nous devrions donc être prêts; juste au cas.
J'aimerais également souligner que les excédents sont en partie dus à des augmentations d'impôts effectives. Dans le cadre de notre système, une augmentation du PIB nominal de 1 p. 100 génère plus de 1 p. 100 en impôts supplémentaires. Il s'agit donc d'une augmentation fiscale effective. À l'heure où nous commençons à avoir des excédents, je suggère d'envisager des réductions fiscales qui permettraient de plafonner le ratio de l'impôt au PIB.
J'aimerais également signaler qu'au plan démographique, les dix prochaines années vont être relativement calmes. Il va falloir attendre environ 10 ans avant que les pressions exercées sur les programmes sociaux se fassent plus lourdement sentir. Après 2005, ou à peu près, les choses évolueront de façon spectaculaire; cette évolution va s'accélérer jusqu'après 2010. Les programmes sociaux axés sur les soins médicaux et les prestations aux personnes âgées vont subir des pressions supplémentaires importantes. Pour nous y préparer, nous devrions essayer de redresser autant que possible la situation en ce qui concerne notre dette.
• 1255
Vous nous avez demandé quelles mesures nous recommanderions en
matière de chômage—où investir pour créer plus d'emplois. Je sais
que lorsqu'on est au gouvernement, il est très tentant d'aller
chercher de l'argent et de le dépenser en création d'emplois.
Malheureusement, les bonnes intentions n'ont pas toujours l'effet
escompté. Je pense notamment à l'une des questions à laquelle vous
nous avez demandé de répondre; comment créer plus d'emplois au sein
des petites et moyennes entreprises, dans l'industrie de la
connaissance, dans le secteur économique axé sur le savoir? J'ai
remarqué qu'au plan de l'emploi et de la rémunération, ce n'est pas
l'activité économique élaborée sur la connaissance—où les choses
marchent relativement bien—qui est la plus touchée; c'est plutôt
les secteurs qui se trouvent au bas de l'échelle. Rob et Pierre ont
tous deux laissé entendre cela.
Ce sont les gens qui ont le moins de compétences qui font face aux plus grandes difficultés; et investir davantage dans la haute technologie ne va rien faire pour régler le problème. Il semble également qu'implicitement, on parte du principe que pour faire démarrer ces entreprises, il faille n'ont seulement plus de main- d'oeuvre mais également plus de capitaux. Ce n'est pas ce que nous avons pu observer; dans bien des cas, j'ai constaté que le problème est que les gens manquent des compétences nécessaires pour exploiter la petite entreprise qu'ils veulent créer. Peut-être est- ce à ce niveau que le gouvernement pourrait jouer le plus grand rôle.
Il y a aussi l'idée que l'on devrait favoriser les petites entreprises. Je ne veux pas me lancer dans un débat idéologique, mais je ne pense pas que nous en sachions assez sur la symbiose qui peut exister entre les grandes et les petites entreprises pour décider qu'appuyer les petites entreprises est nécessairement la meilleure façon de créer plus d'emplois. Je vous incite donc à vous montrer prudents et à ne pas faire preuve de trop de partialité dans ce dossier.
Les gouvernements aiment penser que c'est en agissant au plan macro-économique—en investissant de l'argent ici, en actionnant certains leviers là—qu'ils peuvent exercer une influence. Si l'on examine les antécédents en la matière, on peut voir que les effets de ce genre d'initiatives n'ont pas toujours été heureux. Je vous engage donc à vous concentrer sur les fonctions fondamentales d'un gouvernement, celles dont Pierre a parlé, celles qui touchent l'éducation, le niveau d'instruction générale de la population; à mon avis, cela a foncièrement plus d'impact sur la création d'emplois que certaines des autres mesures que l'on peut envisager- -qui ont des effets plus visibles et dont on parlera au départ beaucoup plus—mais qui n'auront guère de conséquences à plus long terme.
Je crois avoir utilisé les cinq minutes qui m'étaient allouées et je vais donc m'arrêter.
Le président: Merci, monsieur de Bever.
Le prochain exposé va être présenté par M. Kast, au nom de l'Institut des dirigeants financiers du Canada. Bienvenue.
M. H.M. (Mack) Kast (président, Institut des dirigeants financiers du Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Mack Kast et je suis vice- président aux finances de la société Central Gas Manitoba Inc. Je viens de Winnipeg, la capitale ensoleillée du Manitoba où l'accueil que l'on vous réserve est toujours chaleureux. Je suis président de l'Institut des dirigeants financiers du Canada que je représente ici aujourd'hui. Je vous remercie de m'avoir offert la possibilité de comparaître devant un comité qui jouit d'une grande estime, pour participer à l'important processus de consultation sur le budget 1998 du gouvernement fédéral.
L'Institut des dirigeants financiers du Canada est une association professionnelle nationale qui regroupe 1 350 dirigeants financiers, représentant plus de 900 sociétés canadiennes.
Globalement, la façon dont le gouvernement envisage ses responsabilités financières vis-à-vis notre pays—et la manière dont il s'en décharge—s'est grandement améliorée. Le Canada n'est plus au bord de la faillite. Nous ne sommes toutefois pas loin encore du précipice et il reste beaucoup à faire pour améliorer notre performance. Dans cette optique, l'Institut des dirigeants financiers du Canada estime que le gouvernement devrait, dans son budget 1988, envisager d'orienter son action autour de quatre pôles: la réduction de la dette, les dégrèvements fiscaux, les régimes de retraite et les dépenses publiques.
En ce qui concerne la réduction de la dette, maintenant qu'il est près d'avoir éliminé le déficit, le gouvernement devrait concentrer ses efforts sur la réduction du fardeau que représente la dette du Canada. Il faut fixer des objectifs à cet égard. En outre, il faut s'assurer que les paramètres budgétaires restent réalistes de façon à éviter de donner une fausse impression de sécurité qui pourrait nous exposer à la tentation de dépenser davantage. La gamme des projets et des initiatives qui pourraient bénéficier d'un financement public est vaste. À plus long terme, toutefois, l'investissement stratégique le plus important que le gouvernement puisse faire, c'est de financer de façon continue la réduction de la dette. Nous estimons que la plus grande partie des excédents financiers devrait être consacrée à la réduction de cette dette.
• 1300
La deuxième action que l'on devrait considérer, c'est
l'allégement du fardeau fiscal. Le Canada doit prendre des
initiatives pour résoudre le problème que posent les impôts sur le
revenu des particuliers—qui sont élevés—et qui le place dans une
position non concurrentielle. Cette imposition a un effet
pernicieux et négatif sur notre économie. Nous recommandons qu'une
modeste part de tout excédent financier durable serve à alléger
l'impôt. Selon nous, on devrait d'abord réduire les cotisations
sociales, ensuite, redresser la situation découlant du non-
ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation et
troisièmement, réduire les surtaxes temporaires qui sont très
élevées. Les allégements fiscaux feront renaître l'espoir parmi nos
concitoyens, et donneront un nouvel élan à notre économie.
Le troisième dossier auquel le gouvernement devrait s'intéresser est celui des revenus de retraite. Les pouvoirs publics devraient promouvoir la retraite en toute autonomie. La prestation pour personnes âgées devrait encourager les gens, quel que soit leur revenu, à travailler et à épargner. Le principe de l'équité entre les générations doit être pris en compte dans le cadre de la réforme du RPC. Les prestations des régimes enregistrés d'épargne-retraite ne sont plus adéquates à cause du plafond imposé il y a plus de 20 ans. Ce plafond devrait être relevé afin de favoriser une plus grande autonomie parmi les personnes âgées. En outre, on devrait éliminer la règle voulant que le pourcentage des placements en biens étrangers ne dépasse pas 20 p. 100.
Le quatrième point que je soumets à votre considération a trait aux dépenses publiques. Tout comme l'industrie privée, le gouvernement fait face à la concurrence. Des dépenses inconsidérées et les hauts niveaux d'imposition que cela entraînent non seulement découragent la croissance et la vitalité de notre pays, mais cela a également tendance à faire des pays voisins des endroits plus propices aux affaires. Le gouvernement doit fixer, pour ses dépenses, des objectifs par habitant, les appliquer et les respecter.
Pour me résumer, je dirais que le gouvernement en place a su maintenir le cap et sortir d'eaux dangereuses. Ce n'est pas pour autant, toutefois, que nous pouvons être moins vigilants. Il doit non seulement continuer d'afficher la même détermination qu'au cours des trois dernières années, mais également saisir toutes les occasions de la renforcer.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Kast.
La parole est maintenant à MM. Bob McLaughlin, Dick Miller et John Kenward de l'Association canadienne des constructeurs d'habitations.
Bienvenue.
M. Bob McLaughlin (président, Association canadienne des constructeurs d'habitations): Merci, monsieur le président. Je serai bref.
Nous sommes venus représenter l'industrie canadienne de la construction résidentielle, une industrie dont nous sommes très fiers. Je suis entrepreneur de construction au Nouveau-Brunswick et je préside l'Association canadienne des constructeurs d'habitations. Dick Miller, qui est entrepreneur de construction à Halifax, fait partie de notre bureau national. John Kenward est chef de l'exploitation. Nous parlons au nom de milliers d'entreprises de notre secteur industriel situées partout au Canada.
L'industrie de la construction résidentielle est l'une des plus importantes industries nationales du Canada. Nous employons des centaines de milliers de travailleurs d'un océan à l'autre. On estime que notre activité économique représente au moins 6 p. 100 du PIB. En outre, cette activité a un impact direct sur d'autres secteurs, comme celui de la fabrication des matériaux de construction. En bref, notre industrie produit une réelle richesse et contribue à l'emploi de façon appréciable. Pour cette raison, notre industrie continue à être l'un des principaux indicateurs de la santé économique globale du Canada.
Le message plus important que je souhaite vous transmettre aujourd'hui est le suivant: la santé économique de notre industrie continue d'être précaire. Nous ne sommes pas sur la voie d'une amélioration durable. Même si la construction a repris quelque peu cette année dans de nombreux marchés du Canada, l'industrie ne fonctionne toujours pas à pleine capacité. Les raisons de cette sous-performance sont les mêmes que celles qui compromettent les perspectives d'une amélioration durable. Dans l'ensemble, la politique gouvernementale ne favorise pas le retour à une industrie de la construction résidentielle viable et saine.
Nous félicitons le gouvernement fédéral d'avoir remis de l'ordre dans ses finances. C'était essentiel. L'étape suivante est tout aussi essentielle: se fonder sur les meilleures conditions financières et économiques qui prévalent au Canada pour prendre des mesures dans le cadre d'une politique gouvernementale qui appuiera une croissance économique s'inscrivant dans la durée et se traduisant par des retombées positives pour les Canadiens. Balancer les comptes est le moyen qui nous permettra d'atteindre cet objectif. Le ministre des Finances l'a très clairement indiqué dans sa mise à jour économique et financière.
Nous conseillons au ministre de ne pas accorder trop d'importance à l'amélioration de l'activité dans le secteur de la construction d'habitations que l'on a pu observer cette année. N'allez pas imaginer que cette amélioration signale le retour d'une industrie capable d'assurer un rendement raisonnable aux investissements, et de contribuer de façon durable à l'économie canadienne. A l'arrière plan des statistiques et des analyses économiques, il y a les conditions concrètes dans lesquelles ont fait des affaires dans cette industrie.
Le ministre rappelle plusieurs principes fondamentaux dans sa déclaration: les gouvernements doivent se concentrer sur des secteurs clés, car ils ne peuvent plus tout faire pour tout le monde; un gouvernement efficace s'adapte à l'économie et aux marchés au lieu de chercher à contrer ces deux éléments; les impôts devraient être perçus dans le cadre d'un régime favorable à la création d'emplois et à la croissance; et les impôts dus devraient être acquittés.
• 1305
Il faudrait que ces principes soient appliqués aux politiques
gouvernementales qui ont un impact sur la construction
d'habitations. Le fait qu'ils ne le sont pas entraîne l'érosion
constante des capacités de l'industrie, la perte de dizaine de
milliers d'emplois, la perte de recettes substantielles pour
l'État, la perturbation des marchés de l'habitation, et la
croissance de l'économie souterraine.
L'environnement créé par la politique gouvernementale va à l'encontre de la rentabilité d'une industrie de la construction d'habitations saine. En réalité, cela empoisonne notre industrie. Nous voulons un environnement qui assurerait une rentabilité raisonnable des investissements, et qui nous permettrait de mener nos affaires de façon intelligente. Faute de mesures favorables à un tel environnement, nous ne pourrons pas espérer une reprise durable.
Dick Miller a quelques remarques à faire.
M. Dick Miller (secrétaire, Association canadienne des constructeurs d'habitations): Monsieur le président, j'aimerais commencer par dire que l'industrie de la construction d'habitations bénéficie actuellement de plusieurs initiatives que nous devons au leadership exercé ces dernières années par le gouvernement. Il faut maintenant accroître la portée de ces initiatives; je ne pense pas nous ayons besoin de réinventer la roue.
Nous allons vous laisser un document que vous pourrez parcourir; il s'intitule «The Housing Industry and the Government's Job Creation Strategy». J'aimerais souligner deux points qui sont soulevés dans ce document et qui, à mon avis, sont ceux sur lesquels nous dirigeants devraient se pencher aujourd'hui en priorité. Encore une fois, il s'agit de mesures qui ont déjà été lancées.
La première concerne le remboursement de la TPS. Un remboursement est déjà consenti. Il est temps de réévaluer son niveau et d'envisager de le relever afin de créer des règles du jeu équitables pour cette industrie, et d'éliminer ainsi les obstacles qu'elle rencontre depuis l'instauration de cette taxe.
Il y a un autre point qu'il est, selon nous, urgent d'examiner: la réforme fiscale. Il faut examiner les systèmes de réforme réglementaire. Il faut que le gouvernement assume le leadership en ce domaine, collabore avec l'industrie pour étudier cette question et encore une fois, cherche à instaurer des règles du jeu équitables qui favorisent la participation de notre industrie.
Notre secteur est un indicateur économique clé. Nous sommes fiers d'avoir un impact important sur l'économie canadienne, et nous aimerions faire mieux. Nous savons que nous pouvons faire mieux. Et encore une fois, je ne pense pas que nous devions réinventer la roue. D'excellentes initiatives ont été lancées, et en apportant certains ajustements—et grâce à la consultation—nous pouvons multiplier le nombre des mises en chantier; nous pouvons améliorer le parc immobilier; nous pouvons construire de nouvelles maisons; et nous pouvons accroître les recettes tirées de la rénovation.
Avant de conclure, étant donné que je viens du Canada atlantique et de l'une des provinces où l'on a instauré la TVH, je me dois de vous dire qu'en ce domaine, la circonspection est de mise. La mise en oeuvre de la TVH a eu des effets négatifs sur le coût du logement; tant et si bien que la demande, dans notre région, est marquée par une grande résistance de la part du consommateur suite à l'instauration d'une taxe qui s'est traduite par une hausse des facteurs de production dans le secteur de la construction d'habitations.
Je vous remercie de nous avoir permis de vous faire part de nos observations. Je vous encourage à lire les documents que nous vous laissons. Vous y trouverez des suggestions et des solutions de remplacement qu'il est possible d'envisager. Nous serons heureux de prolonger le processus de consultation, et de les approfondir avec vous.
Merci.
Le président: Merci, monsieur McLaughlin et monsieur Miller.
L'exposé suivant va être présenté par M. Bruce Campbell, du Centre canadien de politiques alternatives.
Bienvenue.
M. Bruce Campbell (directeur général, Centre canadien de politiques alternatives): Merci de m'avoir invité.
Je comparais à titre de directeur général du Centre canadien de politiques alternatives et également parce que je suis l'un des coordonnateurs de ce que l'on appelle le budget fédéral de remplacement, un document que nous préparons depuis quelques années—c'est maintenant la quatrième année que nous faisons cela.
J'ai laissé à la greffière le premier rapport technique que nous avons publié suite à nos consultations et à nos délibérations sur le budget fédéral de remplacement de cette année. Ce rapport est intitulé: «Over the Rainbow: The balanced budget, how we got it, and how to hang on to it». Son auteur n'a malheureusement pas pu se joindre à nous. C'est donc moi qui vais en quelque sorte en assumer la responsabilité à sa place.
• 1310
Permettez-moi de commencer par situer l'exercice dans son
contexte. Les années 90 ont été une décennie difficile pour la
plupart des Canadiens. Si on le mesure en PIB par habitant, le
niveau de vie, en 1996, avait baissé de presque 3 p. 100. On peut
faire une comparaison avec les années 80—une décennie où la
situation n'a guère été réjouissante par comparaison aux trois
décennies précédentes—une période où le PIB par habitant avait
progressé de 24 p. 100. Si les choses continuent sur leur lancée,
les années 90 seront pires que les années 30.
La moyenne des gains réels, corrigée de l'inflation, n'a pratiquement pas augmenté; la croissance est jusqu'ici de 1,2 p. 100, alors que la productivité a cru bien davantage—de près de 5 p. 100.
Pour certains, il y a eu des avantages. Les salaires des cadres ont par exemple augmenté rapidement—de plus de 50 p. 100 au cours des premières six années de la décennie—et les bénéfices ont également été substantiels, particulièrement après 1993.
J'en arrive au sujet que je souhaite développer dans mon exposé. Comme il a été dit auparavant, le budget est désormais essentiellement équilibré, ou sur le point de l'être. Dans notre rapport technique nous démontrons que le gouvernement aurait pu atteindre et même dépasser les objectifs qu'il s'était officiellement fixé en matière de réduction du déficit s'il s'était contenté de bloquer les dépenses fédérales aux niveaux de 1994-1995—au lieu de procéder à des coupes sombres.
On se demande maintenant quoi faire du dividende budgétaire. Selon nous, la question que l'on doit se poser avant tout, c'est à combien s'élève ce dividende budgétaire?
Ce chiffre est fondamentalement déterminé par la politique monétaire de la Banque du Canada. Si la banque maintient les taux d'intérêt aux niveaux où ils étaient au début de l'année, laisse l'inflation approcher les 3 p. 100 et permet à l'économie de continuer à croître au cours des cinq prochaines années au rythme modeste de 4 p. 100 qui est enregistré actuellement, d'après nos calculs, cela aboutira à un déficit budgétaire total de 152 milliards de dollars.
Si la Banque du Canada, avec l'approbation du ministre des Finances, continue sur sa lancée—elle a déjà relevé les taux d'intérêt deux fois, et il semble qu'une troisième hausse soit imminente—et poursuit une politique combinant des mesures préventives destinées à ralentir ce qui, selon elle, est une économie qui risque de s'emballer ainsi que le maintien d'une inflation extrêmement basse, les dommages économiques et financiers, et par conséquent les dommages au dividende budgétaire, seront considérables.
Deux scénarios sont possibles. Dans le cas d'un retour maîtrisé à une croissance plus faible, le taux de croissance moyen tombera à 2,5 p. 100 en cinq ans; et le dividende budgétaire sera réduit de 70 milliards, et se chiffrera à 82 milliards de dollars. L'autre scénario est celui du décrochage où une hausse des taux précipite une récession en 1999, comme cela s'est passé lorsque la banque a relevé les taux en 1994 ce qui a provoqué une légère récession en 1995. Selon ce scénario, le dividende budgétaire se contracte et ne se chiffre, au bout de cinq ans, qu'à 34 milliards de dollars.
La question que je pose est la suivante: est-ce que 70 milliards de dollars ou peut-être plus, c'est-à-dire le coût de la politique monétaire qui est menée actuellement—et je souligne que la Banque du Canada est responsable devant le gouvernement—est un prix que la population canadienne doit accepter de payer pour appuyer une politique monétaire axée uniquement sur le maintien de l'inflation à un niveau pratiquement nul?
Nous nous apprêtons maintenant à mettre la dernière main à notre budget de rechange, et les recommandations préliminaires que nous pouvons faire—en suggérant au gouvernement d'adopter la même politique macro-économique—sont les suivantes:
- maintenir l'équilibre budgétaire ou s'en rapprocher le plus possible au cours des cinq prochaines années;
- maintenir la croissance du PIB à 4 p. 100 par an au cours des cinq prochaines années;
- augmenter la fourchette des taux d'inflation visés par la Banque du Canada et les faire passer de 1 à 3 p. 100 ou de 1 à 2 p. 100 à 2 à 4 p. 100;
- maintenir le taux d'imposition global au niveau où il se situe actuellement—pas d'augmentation et pas de réduction;
- rééquilibrer le régime fiscal dans le but de le rendre plus juste et d'en faire un instrument qui permettra d'atteindre les objectifs de la politique sociale, industrielle et environnementale;
- consentir des investissements publics stratégiques afin de reconstruire une infrastructure publique qui s'est détériorée— services sociaux, santé, éducation et formation, environnement, équipements, télécommunications, services culturels, etc.;
- fixer des objectifs en matière de réduction des déficits persistants, c'est-à-dire les déficits sociaux et le chômage.
• 1315
Si le gouvernement s'engage dans cette voie, d'après nos
calculs préliminaires, le ratio de la dette par rapport au PIB—qui
se situe actuellement à un peu plus de 70 p. 100—tombera, d'ici
cinq ans, à 50 p. 100, soit une réduction substantielle du fardeau
de la dette. Merci.
Le président: Merci, monsieur Campbell.
Je donne maintenant la parole au représentant de la Coalition de la Banque du Canada pour les Canadiens, M. Jordan Grant. Bienvenue.
M. Jordan B. Grant (président, Coalition de la Banque du Canada pour les Canadiens): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte de m'exprimer devant vous aujourd'hui.
Le comité nous a fait parvenir trois questions en nous demandant d'y répondre. Je sauterai la première, sauf en ce qui concerne un des points qu'elle soulève.
Je n'ai essentiellement aucune objection à formuler à propos des prévisions concernant le secteur privé. J'aimerais toutefois vous faire remarquer que dans le cadre de ces prévisions générales qui vous sont fournies, les taux de chômage restent au-dessus de 8 p. 100 dans l'avenir prévisible, à cause de l'orientation politique actuelle et future.
Cela m'amène à la troisième question, la plus importante, selon moi: que pouvons-nous faire pour nous assurer que tous les Canadiens ont de réelles perspectives d'emploi?
Soyons clairs. La principale raison pour laquelle l'économie se porte aussi bien au cours des dernières années, c'est la politique monétaire qui accompagne la conjoncture. Comme l'a déclaré son gouverneur, M. Thiessen, la Banque du Canada a accordé «un soutien monétaire substantiel à l'économie... pour compenser à la fois l'impact direct... des compressions budgétaires et les effets sur la confiance des consommateurs des... grandes initiatives de restructuration».
Or, la Banque du Canada semble sur le point de durcir sa politique monétaire afin d'écarter la menace de l'inflation. Si la banque se trompe, comme elle l'a fait en 1994, son action pourrait aller à l'encontre d'autres initiatives bien intentionnées du gouvernement, initiatives destinées à favoriser la croissance de l'emploi. Cette décision pourrait également compromettre la santé budgétaire à laquelle le gouvernement est péniblement parvenu.
Examinons certaines données de base. De nombreuses coupures budgétaires annoncées pendant la session précédente commencent seulement maintenant à prendre effet. Nombre d'entre elles doivent être mises en oeuvre au cours des deux prochaines années. L'Ontario, une des provinces les plus importantes sur le plan économique, doit encore procéder à de nombreuses coupures. Nous allons continuer à vivre une période de freinage budgétaire prononcé.
Je ferais remarquer également que près de la moitié des économies réalisées par le gouvernement fédéral grâce à la compression des dépenses ont été absorbées par l'augmentation du service de la dette. De fait, au cours de la dernière année financière, le service de la dette s'est chiffré à près de 45 milliards de dollars alors que le total des dépenses s'élevait à 150 milliards. Près du tiers des dépenses totales du gouvernement a été absorbé par le service de la dette.
Je soulignerais également que le redressement de la situation financière est dû pour une bonne part à l'augmentation des recettes budgétaires découlant d'une accélération de la croissance économique provoquée par la politique monétaire. Une fois que l'on a pris en compte l'augmentation du service de la dette au cours des quatre dernières années, les réductions de dépenses qui ont entraîné un revirement de la conjoncture se chiffrent seulement à quelque 8,2 milliards de dollars.
Il faut que nous réduisions les sommes consacrées au paiement des intérêts afin de libérer de l'argent pour des allégements fiscaux et pour des dépenses plus socialement productives. L'équation relative à la dette que l'on trouve dans le document de politique macro-économique du ministère des Finances, Croissance et emplois, fixe très clairement les conditions nécessaires à la réduction du fardeau du service de la dette—c'est-à-dire des taux d'intérêt qui resteraient modestes et une croissance économique vigoureuse.
Pour le moment, le taux de chômage se situe toujours à environ 8 p. 100. Cela signifie que l'on compte 1 350 000 personnes officiellement au chômage, sans compter les centaines de milliers de travailleurs sous-employés et découragés. Cette description correspond-elle à celle d'une économie où il existe un risque de surchauffe? Est-il vraiment nécessaire de relever maintenant les taux d'intérêt?
Examinons les répercussions que peuvent avoir les taux d'intérêt plus élevés. Les mesures de stimulation monétaire prises par la banque ont porté sur le maintien de taux d'intérêt peu élevés, combinés à un taux de change du dollar canadien également peu élevé. Comparés aux niveaux qui ont précipité la récession persistante des années 90, ces taux sont moins élevés. Sont-ils à l'heure actuelle anormalement bas, ou est-ce qu'à l'époque ils étaient élevés au point de perturber l'économie?
• 1320
Je me permets de souligner qu'en fait, les taux d'intérêt
réels—c'est-à-dire la différence entre le taux d'intérêt nominal
et l'inflation—ne sont pas particulièrement bas lorsqu'on les
compare avec le niveau où ils se situaient à l'époque où le Canada
a connu sa meilleure performance économique, c'est-à-dire entre les
années 40 et les années 60. Selon certains économistes, pour que le
système soit viable à long terme, les taux d'intérêt à court terme
devraient être à peu près équivalents au taux d'inflation, c'est-à-
dire se situer plus ou moins au niveau actuel. Les taux à long
terme ne devraient pas être plus élevés que le taux de croissance
durable de l'économie, autrement dit, ils devraient se situer
autour de 5 ou 6 p. 100—en présumant une inflation de 2 p. 100.
Donc, à l'heure actuelle, les taux sont à peu près au bon niveau
économiquement parlant.
Pour ce qui est du taux de change, la baisse du cours du dollar nous a aidés à pratiquement éliminer le déficit de notre compte courant. Mais en dépit de toutes les mesures budgétaires pénibles qui ont été prises, notre pays n'a pas commencé à rembourser sa dette extérieure. Nous devons toujours à l'étranger presque 400 milliards de dollars. Si nous souhaitons reprendre une plus grande indépendance économique—et par conséquent politique— nous devons réduire notre dette extérieure.
Quiconque se déclare en faveur d'une hausse délibérée du cours du dollar canadien par le biais d'un relèvement des taux d'intérêt recommande en fait que l'on s'enfonce encore plus profondément dans une dette qui nous met à la merci des prêteurs étrangers. La seule façon de rembourser notre dette extérieure est de dégager régulièrement un excédent dans notre compte courant. Ce n'est qu'à ce moment-là que nous aurons gagné le privilège d'acheter des biens étrangers à moindre prix, avec un dollar canadien qui aura plus de valeur.
Oui, le marché boursier s'emballe et il est instable. Les bénéfices des sociétés montent en flèche. Il est donc compréhensible que du point de vue de Bay Street, il semble que l'économie soit en plein essor. Mes collègues me disent que tout marche au mieux. Les retombées commencent juste à se faire sentir dans la population. Nous sommes loin de fonctionner à pleine capacité.
Selon certains économistes—y compris malheureusement un grand nombre de ceux qui travaillent à la Banque du Canada et au ministère des Finances—il faut maintenir le chômage à un taux de 8 à 9 p. 100 pour contrer la hausse de l'inflation. Ce qui s'est passé aux États-Unis nous a démontré qu'à cet égard, les idées reçues étaient tout simplement erronées. Les innovations technologiques et la concurrence internationale ont modifié l'environnement dans lequel se forment les pressions inflationnistes. Il est fort probable que l'on ait fait une erreur de jugement en la matière. Aux États-Unis, le fameux TCIS devait se situer, de l'avis de tous, à 6 p. 100; cela fait maintenant plus d'un an qu'il est à 5 p. 100, et qu'aucune pression inflationniste ne se fait sentir.
Quelle que soit la position que l'on adopte face au dilemme chômage/inflation, l'hypothèse de départ est également trop étroite. L'idée d'entretenir une armée de chômeurs pour faire à l'inflation une guerre qui ne finira jamais est immorale. Comme le disait le regretté professeur John Hotson, «Tout économiste qui défend le chômage comme le moyen de lutter contre l'inflation devrait être au chômage lui-même».
Relever les taux d'intérêt est une solution très brutale, et très dommageable, de modérer l'enthousiasme de Bay Street. Le défi que je vous lance à vous, qui faites partie du gouvernement en place, c'est de trouver des moyens un peu moins primaires pour consolider la victoire chèrement acquise sur l'inflation, sans engendrer pour autant un marasme économique permanent.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Pierre et Bruce parce que je pense que nous pouvons avoir le beurre et l'argent du beurre. Nous pouvons faire baisser le chômage sans entraîner une hausse de l'inflation; mais il faut y réfléchir sérieusement. Il faut envisager d'autres moyens—à part des taux d'intérêt élevés— pour combattre l'inflation. J'ai plusieurs suggestions à faire à ce sujet qu'il me fera plaisir de vous présenter un cours de la période des questions.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Grant. Je passe maintenant la parole à M. Ian Morrison qui représente les Friends of Canadian Broadcasting.
M. Ian Morrison (porte-parole, Friends of Canadian Broadcasting): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier, vous et vos collaborateurs de nous avoir caser sur l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui. Je pense que vous allez avoir l'impression de passer de la chaîne spécialisée dans les bulletins météorologiques à celle qui se consacre à la comédie, mais je peux vous assurer que dans cinq minutes, vous pourrez revenir à votre programmation favorite.
Friends of Canadian Broadcasting est une organisation civique appuyée par 45 000 foyers dans tout le Canada. Notre mission est de défendre et de consolider la qualité et la quantité des émissions canadiennes qui s'inscrivent dans le paysage audiovisuel.
À notre connaissance, les députés sont des gens très occupés qui n'ont tout simplement pas le temps de regarder la télévision. Quand vous le faites, vous regardez souvent les informations et des émissions qui n'entrent pas dans la catégorie des programmes de fiction, du moins, nous espérons que ce n'est effectivement pas de la fiction. Mais comme vous le savez, vos électeurs regardent beaucoup la télévision. Le Canadien moyen passe 23 heures chaque semaine devant son téléviseur, et regarde surtout des émissions de fiction axées sur le divertissement; or sur 20 heures d'émissions de divertissement, il n'y en a qu'une qui soit d'origine canadienne.
• 1325
En moyenne, un enfant anglophone âgé de 12 ans a regardé la
télévision pendant 12 000 heures—c'est-à-dire deux fois le temps
qu'il aura passé à l'école. Sur ce total, on compte 9 000 heures
d'émissions de fiction américaines dont la plupart sont très
violentes. Il n'est pas étonnant que cet enfant en sache plus sur
la vie à Miami et à Los Angeles que sur la vie à Halifax ou à
Edmonton.
Nous avons joint à notre mémoire un graphique montrant le nombre d'émissions canadiennes diffusées sur les principaux réseaux anglophones du pays entre 19 h et 23 h; c'est-à-dire au moment où le plus de gens regardent la télévision. Vous remarquerez que si nous n'avions pas la télévision de Radio-Canada, la programmation télévisée anglophone aux heures de grande écoute refléterait fort peu des modes de pensée que partagent les Canadiens.
La SRC est au coeur du système de radiodiffusion canadien. C'est de loin la source du plus grand nombre d'émissions conçues pour les Canadiens et axées sur leurs intérêts—à l'échelle nationale et régionale, en anglais, en français et en langues autochtones—que ce soit à la radio ou à la télévision.
Le gouvernement a réduit le financement de la SRC de 379 millions de dollars depuis 1994. Cela représente une coupure des crédits parlementaires de 33 p. 100, alors que, dans l'ensemble et pendant la même période, c'est une réduction de 19 p. 100 qu'ont subi les programmes gouvernementaux. Cela s'est soldé par exemple, à la radio anglophone de la SRC, par une augmentation des reprises qui, au cours de l'année écoulée, ont occupé non plus 15 p. 100 mais 30 p. 100 du temps d'antenne. Les auditeurs s'en aperçoivent.
La SRC centralise sa programmation à Toronto et à Montréal, et elle réduit l'activité des centres de moins grande envergure. L'an dernier, par exemple, la SRC a coupé 7 p. 100 de ses effectifs à Montréal, 8 p. 100 à Toronto, 15 p. 100 à Vancouver et 23 p. 100 à Regina. À Terre-Neuve, les coupures ont été encore plus draconiennes.
Tout cela rend la SRC de moins en moins apte à couvrir les événements locaux, et à donner au reste du Canada une image de la vie quotidienne dans chacune des régions de notre pays. Cela rend la SRC de moins en moins apte à refléter, d'un océan à l'autre, la diversité du Canada; à refléter les différences régionales et à contribuer à une vision commune et à un sentiment d'identité nationale.
Le célèbre réalisateur d'émissions de télévision de Vancouver, Daryl Duke, a déclaré récemment, «s'il doit y avoir un tremblement de terre ici, il vaudrait mieux que cela n'arrive pas pendant le week-end—parce que la télévision de la SRC ne pourra pas assurer la couverture de l'événement».
La meilleure analogie que l'on puisse faire c'est de comparer la SRC à un arbre. Si vous coupez ses racines, éventuellement, l'arbre mourra; mais cela va arriver progressivement. C'est la mort lente.
En conséquence, nous nous adressons à vous pour que vous recommandiez au ministre des Finances de ne pas imposer, comme il est prévu, des coupures de 50 millions de dollars à la SRC au cours de la prochaine année financière—c'est-à-dire en 1998. C'est une première étape; à part cela, le gouvernement devrait réinjecter des fonds dans les installations de production locale et régionale, aussi bien à la radio qu'à la télévision, du côté anglophone et du côté francophone.
Certains vous diront que le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes figure en haut de la liste des priorités. Même si notre organisme ne remet pas en cause le mérite de ce fonds, nous nous permettons de vous rappeler que la SRC ne peut y avoir accès que pour certains types de programmes, uniquement pour acheter des émissions réalisées par des sociétés de production privées qui se livrent une concurrence acharnée pour en bénéficier elle-même. Ni la radio de la SRC, ni les émissions d'information et d'affaires publiques, ni les capacités de production locale de la SRC ne bénéficient de ce fonds. Cela incite plutôt le conseil d'administration et la direction générale de la Société à investir ailleurs des fonds qui devraient être consacrés à ses activités prioritaires.
Les sondages d'opinion confirment que plus de 80 p. 100 des Canadiens considèrent que la SRC est l'une des plus importantes institutions nationales, et reconnaissent le rôle clé qu'elle joue dans la création d'un sentiment d'appartenance et d'identité partagé dans tout le nord de notre continent. À l'heure où l'on remet en question l'intégrité future de notre pays, la SRC joue un rôle absolument essentiel.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Morrison.
Nous allons maintenant passer à la période de questions. Monsieur McNally.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins de nous avoir fourni une telle abondance d'informations. Merci de nous avoir transmis cette documentation.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les exposés, et j'aimerais éclaircir quelques points. J'aimerais vous poser des questions à tous, mais je ne pense pas que nous disposions d'assez de temps.
• 1330
Monsieur de Bever, vous avez dit que le prochain budget sera
équilibré, ce qu'un certain nombre d'entre vous a également
mentionné tout en disant que les choses se présentent bien. Vous
avez, de façon tout à fait pertinente, souligné que la raison pour
laquelle il en est ainsi, c'est qu'il y a eu une hausse d'impôt.
Essentiellement, si nous pouvons nous attendre à avoir un budget
équilibré, nous le devons à la politique financière du gouvernement
et à une hausse plus marquée des impôts. Je suis d'accord avec vous
sur ce point.
Monsieur Robson, je crois que vous avez évoqué l'idée qu'un allégement fiscal généralisé pourrait relancer l'économie. Je suis aussi d'accord avec vous sur ce point.
Monsieur de Bever, vous avez parlé de l'A.-E, de la TPS et du RPC ou d'une combinaison de réduction d'impôts qui pourrait s'avérer bénéfique pour l'économie.
Monsieur McLaughlin, vous avez évoqué le développement de l'économie souterraine.
Monsieur Kast, vous nous avez parlé de la lourdeur du fardeau que représente l'imposition du revenu des particuliers et des dépenses publiques, et vous nous avez dit que le gouvernement doit contrôler ses dépenses comme nous le faisons tous à titre personnel.
Je suis d'accord avec vous tous sur ces points, et je pense également que c'est là que nous devrions concentrer notre action.
J'aimerais simplement poser une question à une ou deux personnes. Monsieur McLaughlin, dans votre exposé, vous avez repris certains des principes et des points essentiels qu'évoque M. Martin. En particulier, vous avez déclaré que les impôts devraient être perçus de façon à ce que cela encourage la création d'emplois, ainsi que la croissance. Comment un gouvernement peut-il créer un emploi, à votre avis? Peut-être que deux ou trois autres témoins pourraient répondre également à cette question. D'après vous, quel est le rôle du gouvernement dans la création d'emplois?
Le président: Monsieur McLaughlin.
M. Bob McLaughlin: Ma femme et moi avons une petite entreprise de construction; au cours des six à sept dernières années, nous nous sommes retrouvés dans une situation très décourageante parce qu'il existe deux économies—celle qui est légale et celle qui ne l'est pas. J'ai essayé de retenir certains employés, mais j'en ai perdu deux ou trois au fil des années. Ils quittent mon entreprise et se mettent au chômage, mais ils se retrouvent également pris dans un autre type d'économie, l'économie illégale. C'est très difficile de se montrer concurrentiel à ce niveau. Je trouve que c'est très décourageant pour des gens comme moi qui possèdent une petite entreprise d'essayer d'employer des gens. J'ai besoin de ces employés. La seule façon dont je peux survivre en affaires, c'est de garder les mêmes employés et d'essayer de faire en sorte qu'il y ait continuellement du travail pour eux. C'est ce que nous avons fait, et c'est ce que nous nous efforçons autant que possible de continuer à faire.
Pour que je puisse créer des emplois, il faut que je bénéficie de règles de jeu équitables. Or, en tant qu'entrepreneur, ce n'est pas ce que je constate. Le consommateur et l'entrepreneur concluent un marché, mais c'est toujours à l'entrepreneur—qui est tenu de payer ses impôts—que le consommateur demande de conclure un marché dans d'autres conditions; ce qui est fort décourageant. Autrement dit, on lui demande de participer à l'économie souterraine en acceptant d'être payé comptant, ce qui permet au consommateur de ne pas payer d'impôt; et c'est très décourageant.
Je pensais que ce n'était que ma femme et moi qui vivions ce genre de frustration dans cette industrie. Cette année, étant président de l'association, j'ai voyagé d'un bout à l'autre du pays et j'ai découvert que tous les membres à qui j'ai pu parler partagent les mêmes préoccupations que moi. Les règles du jeu ne sont pas équitables. C'est très décourageant. Lorsque je dis que nous n'arrivons pas à rentabiliser notre investissement, c'est un peu plus vrai. Or, si nous n'arrivons pas à rentabiliser notre investissement, comment voulez-vous que nous embauchions de nouveaux employés?
Merci.
Le président: Monsieur Kast, et ensuite, monsieur Robson.
M. Mack Kast: Je veux juste faire une brève observation à propos de la création d'emplois.
Mes observations étaient centrées sur la réduction de la dette. La réduction de la dette et la création d'emplois étant liées, je crois que les entreprises sont les moteurs de notre économie. Nous avons besoin d'une économie en plein essor. Il faut que nous réalisions qu'un tiers de chaque dollar de recettes sert à rembourser des intérêts. Si nous pouvions faire baisser le coût de ces intérêts, nous pourrions réduire les coûts de fonctionnement des entreprises en baissant leurs impôts. Ce faisant, nous créerions pour les entreprises des conditions plus favorables à leur expansion, et notre économie commencera à croître. La croissance économique entraînerait la création d'emploi. On en revient toujours à la même chose: fondamentalement, c'est l'entreprise qui est à l'origine de la croissance.
Le président: Monsieur Robson.
M. William Robson: Je vais m'efforcer d'être bref. J'ai trois choses à dire en réponse à votre question.
Tout d'abord, en ce qui concerne la relance économique— l'effet keynésien des réductions d'impôt—je ne sais pas quelle est l'ampleur de ces effets; ni combien de temps cela prend avant qu'ils ne se fassent sentir. Ni d'ailleurs beaucoup d'autres choses qui restent des inconnus. Au fil des ans, les gens sont devenus un peu plus sceptiques à propos de notre capacité à gérer l'économie de cette façon.
Je m'intéresserai plutôt à l'offre, et je vais me concentrer sur deux choses. Premièrement, en ce qui a trait aux taux d'imposition marginaux dont j'ai parlé, le ministère des Finances est doté d'un merveilleux programme informatique qui les produit sur demande. On peut constater que les gens à faible revenu font face à des obstacles de taille, beaucoup plus importants qu'ils ne le sont pour les gens qui appartiennent aux catégories supérieures. C'est l'une des raisons pour laquelle je pense que l'on a besoin d'allégements fiscaux au bas de l'échelle.
En ce qui a trait à l'économie souterraine et à la fuite des cerveaux, certains ont prétendu que l'économie souterraine, c'est les Îles Caïman du pauvre. Ce qui fait problème, c'est le taux moyen d'imposition, et non le taux marginal. Ce n'est pas l'impôt que vous devez verser sur les tranches supérieures de votre revenu qui va vous pousser à participer à l'économie souterraine, ou à chercher refuge à l'étranger; c'est la totalité de votre fardeau fiscal.
Encore une fois, cela plaide en faveur d'allégements fiscaux à la base, parce que de cette façon, cela s'applique à tout le monde. Mais cela coûte cher. Et je ne peux que répéter ce que j'ai dit auparavant, c'est-à-dire que pour en arriver au point où nous pouvons accorder une réduction d'impôt, il serait certainement utile de commencer par alléger la charge que représente l'intérêt. Je pense que le remboursement de la dette passe avant toute chose; et qu'ensuite, on pourra envisager une réduction appréciable et généralisée du taux de base de l'impôt sur le revenu des particuliers.
Le président: Monsieur Grant.
M. Jordan Grant: J'aimerais me faire en partie l'écho des observations de M. Robson. Permettez-moi de souligner que ceux qui se déclarent en faveur d'une baisse des impôts pour faire démarrer l'économie, tout en appuyant la politique de la Banque du Canada qui est d'éviter une surchauffe de l'économie par le biais de taux d'intérêt élevés, défendent deux orientations contradictoires qui ont l'effet désastreux de ne pas produire l'impact économique que nous souhaitons. Parallèlement, cela signifie en réalité que des sommes qui, autrement, auraient servi à rembourser la dette se retrouve simplement entre les mains des bailleurs de fonds.
Le président: Monsieur Fortin.
M. Pierre Fortin: J'aimerais faire deux remarques. Premièrement, je pense que le comité devrait prêter une grande attention à ce qu'a déclaré M. McLaughlin.
Plus précisément, je pense que l'on met à très rude épreuve le sens moral du consommateur moyen si on lui donne le choix entre faire faire des réparations pour 15 $ de l'heure de la main à la main—car il ne faut pas oublier les taxes de toute sorte et les avantages sociaux, etc. qui s'empilent—et payer sur le marché blanc entre 35 et 40 $ de l'heure—ce qui varie d'ailleurs d'une province à l'autre. C'est exactement ce dont parle M. McLaughlin; et cela a des effets extrêmement néfastes sur l'emploi, sur le marché blanc comme d'ailleurs sur les recettes du gouvernement. À mon avis, il s'agit là d'un problème majeur, tant sur le plan économique que du point de vue moral.
Deuxièmement, permettez-moi de souligner que le ministre des Finances ne peut pas, en règle générale, créer d'emplois dans l'économie par le biais de son budget. Il peut redistribuer l'emploi, tout dépendant des secteurs où il décide de dépenser ou d'accorder des allégements fiscaux. Mais il ne peut pas créer d'emplois.
Voici comment le système fonctionne: la Banque du Canada fixe un objectif en matière d'inflation et, pour le respecter, la Banque établit un objectif intermédiaire pour la croissance économique. Si par hasard le ministre des Finances a préparé un budget expansionniste qui va entraîner une croissance plus forte que celle que souhaite la Banque du Canada, M. Thiessen va alors dire à M. Martin, «Je vais relever les taux d'intérêt afin d'éviter cette expansion excessive qui va créer de l'inflation». En conséquence, par le biais de taux d'intérêt plus élevés, il va neutraliser toute création d'emplois nette que, de façon générale, le ministre des Finances va provoquer.
Permettez-moi de le répéter, le budget n'a absolument aucun effet sur la création nette d'emplois à court ou à moyen terme au Canada. C'est la Banque du Canada qui tient les rennes; et peu importe que les effets multiplicateurs soient importants ou non, comme l'a fait remarquer M. Robson. Essentiellement, c'est l'entité qui a la haute main sur l'économie canadienne à court et à moyen terme qui joue un rôle décisif; et ce n'est certainement pas le ministre des Finances, mais plutôt la banque centrale.
Le président: Monsieur Perron.
[Français]
M. Gilles-A. Perron (Saint-Eustache—Sainte-Thérèse, BQ)): Monsieur le président, je vais attaquer un point qui me semble un peu obscur. Monsieur Fortin, vous prêchez un taux d'inflation d'environ 3 p. 100.
M. Pierre Fortin: Entre 2,5 et 3,5 p. 100.
M. Gilles-A. Perron: Le président de la Banque du Canada vise le taux d'inflation le plus bas possible.
Quel devrait être le juste taux d'inflation? Je pose cette question à tout le monde. Quel en sera l'effet sur l'ensemble de l'économie canadienne?
M. Pierre Fortin: Personne ne peut dire avec une certitude absolue quel est le taux d'inflation idéal dans l'économie. Mais à un moment donné, il faut prendre des décisions et être pratique. Ce qu'on observe autour de nous en Amérique du Nord, c'est que les États-Unis d'Amérique visent un taux d'inflation qui, au cours des sept ou huit dernières années, a oscillé entre 2,5 et 3,5 p. 100. Or, ce pays est capable d'atteindre, avec une telle politique monétaire, des taux de chômage qui sont les plus bas qu'on a vus depuis les années 1960. Par conséquent, ma perception pratique—et je ne parle pas en théoricien, en abstraction du 1 p. 100 idéal—, c'est que si on considère que les Américains ont eu du succès dans l'atteinte du plein emploi chez eux, soit un taux de chômage de 5 p. 100, il n'y a aucune raison qui nous empêche de nous donner un intervalle d'entre 2 et 4 p. 100 et de connaître le même succès au Canada. Cela pourrait représenter, compte tenu que nos mesures sont légèrement différentes ici au Canada, un taux de chômage qui, comme je l'ai mentionné plus tôt, pourrait osciller entre 6 et 7,5 p. 100.
[Traduction]
Le président: Monsieur de Bever.
M. Leo de Bever: La question de l'écart entre les taux d'inflation a maintenant été soulevée à plusieurs reprises. En fait, ce n'est pas aussi marqué que cela en a l'air. Aux États- Unis, on surestime sans doute l'inflation de 1,5 p. 100. Au Canada, cette surestimation est probablement de l'ordre de 0,5 p. 100. Il y a des raisons d'ordre technique qui expliquent ces différences.
Donc, si les taux d'inflation sont exprimés en chiffres nets, nous avons toujours un taux légèrement inférieur, mais l'écart n'est pas si marqué que cela.
Ce n'est pas uniquement l'inflation, ni uniquement la Banque du Canada qui peut expliquer, selon moi, ce qui se passe au Canada. Si l'on veut vraiment savoir pourquoi il y a plus de chômage au Canada, il faut approfondir la question. Au fur et à mesure que je vieillis, je prends de plus en plus mes distances par rapport à la macro-économie, parce qu'on arrive à la conclusion que nombre de ces facteurs sont liés à des choses qui sont fondamentalement très personnelles—comme les compétences et une aptitude plus ou moins grande à fonctionner dans une économie où tout évolue rapidement.
Lorsqu'on joue avec la politique monétaire, on présume qu'une hausse de l'inflation n'entraîne aucun coût, et que cela revient uniquement à imposer des coûts à divers agents économiques. Si je hausse l'inflation, cela revient à dévaluer tous les éléments d'actifs de valeur nominale: les obligations, les CPG. J'impose donc des coûts à certaines personnes et non à d'autres. C'est une question de choix social et peut être que ce qui est en cause, c'est que certaines personnes sont plus méritantes que d'autres; mais prétendre que hausser l'inflation n'entraîne aucun coût n'est tout simplement pas exact.
Le président: Monsieur Fortin.
M. Pierre Fortin: Nous ne parlons pas de hausser l'inflation; ce dont nous parlons, c'est de faire baisser le chômage.
Je suis tout à fait d'accord avec Leo pour dire que des taux élevés d'inflation ont des effets nocifs sur l'économie. On a recueilli des preuves solides à travers le monde que des taux élevés d'inflation sont néfastes à la croissance économique. Mais ce dont nous parlons, c'est d'un écart entre un taux d'inflation de 1 à 2 p. 100, c'est-à-dire celui qui existe actuellement au Canada, et un taux d'inflation de 2,5 à 3,5 p. 100, c'est-à-dire celui des États-Unis.
Si vous examinez la façon dont fonctionne le marché du travail, ce dont nous avons la preuve, c'est que plus vous réduisez le taux d'inflation, plus vous rendez rigide le marché du travail, plus il est difficile pour les entreprises de modifier les salaires parce que toute coupure de salaire se heurte à une résistance extraordinaire. Lorsque l'inflation est très basse, vous ne pouvez tout simplement pas geler les salaires et espérer un ajustement à la baisse du pouvoir d'achat réel des salaires si cela s'avère nécessaire.
• 1345
Je suis donc à 150 p. 100 d'accord avec M. de Bever. Une
inflation élevée a des effets néfastes. Mais je dis simplement
qu'un léger taux d'inflation est nécessaire pour graisser les
rouages de la croissance économique. C'est ce que font les
Américains, et ils réussissent très bien. Je suis nationaliste et
je ne dis pas que nous devrions imiter les Américains en tout
point. En l'occurrence, toutefois, ce sont eux qui s'en tirent bien
et pas nous. Je pense qu'il vaudrait la peine de suivre leur
exemple.
Le président: Merci, monsieur Fortin.
Monsieur Campbell.
M. Bruce Campbell: J'aimerais juste ajouter qu'au début de mon exposé, j'ai parlé de la chute du niveau de vie au cours de la première moitié de la décennie. Je n'ai pas parlé des causes. J'aimerais souligner maintenant que la raison de ce phénomène—ou ce qui l'a causé en grande partie—c'est la politique monétaire austère de la Banque du Canada. L'obsession de l'inflation nulle ou pratiquement nulle.
Il est vrai, selon moi, qu'une inflation pratiquement nulle s'est traduite par des avantages pour certaines personnes. Pour la grande majorité des Canadiens, toutefois, dans les années 90, cela s'est avéré incroyablement destructeur. Lorsque le comité se penchera sur la question de la politique monétaire en matière de taux d'intérêt, étant donné qu'il va formuler des recommandations, il devra, je pense, veiller à mettre dans la balance d'un côté, les avantages dont ont profité certains et de l'autre, ce que d'aucuns ont payé.
Dans le document que j'ai déposé, je me concentre sur le sujet de vos discussions, c'est-à-dire le dividende budgétaire. Eh bien, si le gouvernement et la Banque du Canada persistent à tout faire pour maintenir l'inflation à ce niveau extrêmement bas, alors, l'effet que cela aura sur la croissance, sur l'emploi, sur le dividende budgétaire, sur l'importance de ce dividende—dont on fera je ne sais trop quoi—sera énorme.
Le président: Merci.
Monsieur Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci, monsieur le président.
Je tiens à dire à Bob que j'apprécie ses observations. Dans ma propre région, j'entends de nombreuses personnes qui viennent d'acheter de grandes maisons dirent qu'elles ont économisé entre 15 000 et 20 000 $ en les faisant construire sur le marché noir, essentiellement. Il y en a d'autres qui sont obligés de fonctionner sur ce marché parce qu'ils sont dans une situation économique désespérée; cela les met mal à l'aise mais, en réalité, ils opèrent complètement dans le cadre de l'économie parallèle. C'est évidemment une question très grave, notamment dans votre secteur; et il faut que nous l'examinions.
Il y a beaucoup de questions que j'aimerais poser. Je vais me concentrer sur vous, Mack, si vous n'y voyez pas d'inconvénients. Je tiens à dire tout d'abord que vous m'avez tous rappelé mes professeurs d'économie. Je les écoutais et j'ai souvent essayé d'appliquer concrètement ce qu'ils disaient; sans jamais vraiment très bien y parvenir. Je ne vous critique pas personnellement, mais certaines de vos remarques... et vous n'êtes pas les seuls à les avoir faites.
Tout d'abord, vous mentionnez que les cotisations d'assurance devraient être radicalement réduites—on parle des charges sociales. Nous reconnaissons désormais que la plupart des emplois qui sont créés sont des emplois de travailleurs indépendants, qu'il y en a d'autres au sein des petites entreprises, et que les grandes sociétés en ajoutent, je pense, très peu. Pensez-vous vraiment qu'une baisse de 50c. et quelque des cotisations d'assurance- chômage aurait une influence quelconque sur la création d'emplois— si l'on se rappelle dans quel secteur les emplois sont plutôt créés de nos jours?
Voilà donc la question et j'en ajouterai deux autres, rapidement.
Vous demandez que l'on relève le plafond des contributions au REER—tout en reconnaissant que moins de 2 p. 100 des gens font à l'heure actuelle des versements qui atteignent ce plafond; devrions-nous réellement mettre cette augmentation au rang des priorités, afin de tenir compte des 2 p. 100 de la population dont les contributions se situent à ce niveau?
Vous dites également que l'on devrait relever la limite de 20 p. 100 qui frappe les placements en biens étrangers—en réalité, vous avez dit qu'elle devrait être éliminée. Dans les pays où un tel plafond n'existe pas, ce type de placement dépasse rarement 20 p. 100. Aux États-Unis, il est de 10 p. 100. En Australie, où il n'existe pas de plafond, les placements de ce genre n'atteignent pas 20 p. 100. Si cela est si bénéfique, pourquoi dans ces autres pays n'y a-t-il pas plus de placements à l'étranger?
M. Mack Kast: Je crois que la façon de répondre brièvement à votre question, monsieur, c'est de dire qu'ainsi, on met les choses sur les rails. C'est un début. C'est le début d'un changement. C'est une façon de donner de l'espoir aux gens, de les inspirer et de les motiver. Je ne peux pas dire, par exemple, que 50c. de plus ou de moins en charges sociales vont faire une grosse différence; mais je pense qu'il faut commencer quelque part.
• 1350
D'un autre côté, pourquoi le gouvernement a-t-il augmenté les
charges sociales de 50c.? Je pense que l'on peut invoquer les mêmes
raisons pour demander une réduction.
Quand j'examine la question des REER, ce que j'essaie de suggérer, c'est que l'on donne aux gens la possibilité d'être plus autonome lorsqu'ils prennent leur retraite. La situation évolue; on envisage apporter des changements au programme de prestations pour personnes âgées, et je pense que nous avons besoin d'un système qui soit mieux intégré. Si l'on donne aux gens la possibilité d'investir d'avantage dans des REER, cela leur laissera les coudées plus franches et les rendra autonome.
Je ne sais pas exactement quel est l'effet multiplicateur lorsqu'on prend des mesures axées sur une minorité par rapport à des initiatives qui toucheraient la majorité. Mais de mon point de vue, pour mettre les choses sur les rails, c'est la bonne façon de procéder. Nous savons que c'est vrai parce que ce que nous voulons, c'est que les prestations pour personnes âgées représentent un fardeau moins lourd pour le gouvernement.
Si l'on ne prend aucune mesure à propos des REER, le gouvernement va devoir, selon nous, financer des prestations pour personnes âgées qui se situeront, au minimum—pour un couple—à 19 000 $. Je ne pense pas que cela soit la voie sur laquelle nous devrions nous engager. C'est une bonne solution de rechange sur laquelle on peut se rabattre, mais il est plus fondamental de donner aux gens la possibilité d'épargner pendant qu'ils travaillent et qu'ils ont les moyens de le faire. Par conséquent, ce que je recherche, ce sont des mesures qui «mettent les gens sur les rails».
En ce qui a trait à la limite de 20 p. 100 qui frappe les placements en biens étrangers, j'estime que les gens devraient essentiellement pouvoir disposer de tous les moyens qui leur permettent de rentabiliser au maximum leurs placements. Imposer un plafond aux placements en biens étrangers dans le cadre des REER, c'est agir en vertu d'une raison qui n'est pas valable dans ce contexte: restreindre les placements en biens étrangers. Je ne pense pas que ce soit la bonne façon de s'attaquer à ce problème particulier.
Selon moi, si vous donnez aux gens de meilleures occasions de maximiser leurs placements, ils en tireront partie. Au bout du compte, les revenus imposables augmenteront et les gens seront dans une meilleure situation économique. J'essaie de ne pas m'en tenir à une comparaison avec nos voisins du Sud et de me placer plutôt dans le contexte d'une économie mondiale, si vous voulez.
J'espère avoir répondu à vos questions.
M. Pierre Fortin: J'aimerais appuyer ce que M. Kast vient de déclarer. M. Riis a dit très clairement, je pense, que les pays hésitent habituellement à relever le plafond des placements en biens étrangers, mais cela dépend des circonstances dans lesquelles se trouvent ces pays.
D'une part, vous ne voulez pas libérer d'impôt l'épargne canadienne investie dans les REER et ainsi de suite. Ces gens-là vont prendre leur argent, qui est libre d'impôt, et l'utiliser pour investir dans le développement de l'économie d'autres pays. C'est la raison pour laquelle nous voulons conserver certaines limites.
D'autre part, après avoir étudié pendant 30 ans ce que la Caisse de dépôt a fait au Québec, le gouvernement fédéral en est arrivé à la conclusion—cela comprend d'ailleurs 15 ans passés à se battre contre la caisse—que c'était une excellente idée de se constituer un portefeuille diversifié avec l'argent versé par les contribuables au Régime de pensions du Canada, au lieu de l'investir à 100 p. 100 dans des obligations provinciales. Le gouvernement fédéral a estimé que ce serait une excellente idée de faire fructifier les cotisations de retraite des Canadiens.
Si l'on décide de procéder ainsi, au cours des quelques prochaines années que prendra la constitution de l'énorme portefeuille que détiendra la caisse canadienne, c'est une institution énorme—gigantesque—qui va intervenir en grand sur les marchés canadiens des actions et des obligations. Peut-être devrions-nous alors envisager relever le plafond des placements en biens étrangers, précisément pour éviter que le marché soit complètement perturbé par la participation à grande échelle de la nouvelle caisse.
D'un autre côté, je dois avouer que cela m'inquiéterait si l'on relevait trop ce plafond, pour les raisons que l'on invoque habituellement: on libère les REER d'impôt et l'on permet aux gens d'utiliser cet argent pour investir dans le développement d'économies étrangères. En revanche, je pense que nous devrions suivre de très près les répercussions de la participation de la grande caisse canadienne au marché canadien des actions et des obligations.
M. Leo de Bever: Monsieur Riis, je pourrais vous renvoyer la balle. Si dans les pays étrangers où il n'y a pas de plafond, on a constaté que ce genre de placement ne prenait pas plus d'envergure, pourquoi imposer un plafond?
M. Nelson Riis: Pourquoi ces préoccupations? Je pense que ma question a été mal interprétée.
Je ne dis pas que l'on devrait abaisser le plafond ou quoi que ce soit. Toutefois, quand j'examine ce qui se passe dans les pays où il n'y a pas de plafond, et que je constate comment se répartissent les placements, dans presque tous les cas les investissements en biens étrangers sont bien au-dessous de 20 p. 100. C'est la raison pour laquelle je me pose la question suivante: si c'est si prudent et si utile, pourquoi est-ce que des pays comme les États-Unis et l'Australie ne cherchent pas à investir sur les marchés étrangers à hauteur de 35 ou 40 p. 100?
M. Leo de Bever: Parce que les différents acteurs de ce marché disposent de moyens de diversification différents. Par exemple, mon fonds possède plus de 20 p. 100 d'intérêts à l'étranger. C'est une façon prudente de procéder pour assurer la diversification globale d'un portefeuille. C'est une raison du même ordre que celle que Pierre a mentionnée, à savoir que la caisse a été handicapée par ses objectifs opérationnels de rendement maximal.
Je pense que c'est le signe d'une économie mature et confiante lorsqu'on ne s'inquiète pas de ces flux de capitaux. Le Canada ne connaît pas, au sens abstrait, de pénurie de capital. Beaucoup de gens sont prêts à investir dans l'économie canadienne pour les mêmes raisons que nous investissons dans les économies étrangères, c'est-à-dire par souci de diversification et de répartition des risques.
M. William Robson: J'aimerais ajouter un post-scriptum à la question relative à la limite des 20 p. 100. Quand on appartient à un fonds de pension aussi gros et aussi bien administré que celui de Leo, il y a quelqu'un qui s'occupe en mon nom de trouver des produits dérivés pour court-circuiter la limite des 20 p. 100. Sans que cela me coûte pratiquement rien, je peux bénéficier de l'avantage d'une présence à l'étranger. Mais si je fais partie des tout petits investisseurs, ce n'est pas la même chose. C'est injuste au plan des conséquences.
Au sujet des limites s'appliquant aux REER et aux RPA, je ne peux m'empêcher de poser la question suivante: si les limites sont justes, pourquoi ne s'appliquent-elles pas aux députés et aux fonctionnaires fédéraux? On semble dire que leur cas est particulier, mais j'aimerais savoir pourquoi. Il me semble qu'il y a un grave problème qui se pose quand il existe des limites qui ne sont pas les mêmes pour les dirigeants politiques et certains cadres du secteur privé que pour leurs employés et les citoyens ordinaires qui contribuent au même régime de retraite.
M. Dick Miller: Je voudrais faire deux brèves observations. Comme vous pouvez le constater, je ne suis pas économiste.
J'aimerais revenir à l'économie souterraine un instant. Nous avons fait des recommandations à Revenu Canada et à d'autres. Je pense que nous avons, au moins, des solutions partielles pour nous attaquer à ce problème et pour transformer certains de ces emplois du marché noir en emplois fiscalisés. Le gouvernement devrait pouvoir profiter de ces recettes.
En ce qui concerne la rénovation l'équation est très simple. Les 14 à 16 milliards de dollars qui sont dépensés en rénovation ont un impact majeur sur cette industrie. Il y a une exonération de TPS pour les rénovations, mais il y a une taxe sur ce que l'on qualifie de «rénovation substantielle». Ce n'est vraiment pas pratique. Le personnel du ministère a convenu avec l'industrie que la définition actuelle ne marche tout simplement pas.
Là encore, on peut partir de quelque chose. Il suffit de procéder à quelques ajustements mineurs et cela donnera un résultat immédiat en termes de recettes fiscales additionnelles pour le gouvernement.
L'autre observation que je voudrais faire se rapporte aux taux d'intérêt. Je viens d'une région où, à l'échelle de la province, le taux de chômage moyen se situe probablement autour de 12 p. 100. S'il y a une chose dont nous n'avons absolument pas besoin, c'est d'une hausse ou d'une augmentation des taux d'intérêt. L'économie n'est pas surchauffée dans notre région. Je sais que la façon d'aborder le problème à l'échelle nationale n'est pas aussi facile. On ne peut avoir des taux d'intérêt régionaux ni une politique monétaire régionale. Mais je puis vous assurer qu'il y aura plus de chômage et plus de problèmes si l'on permet aux taux d'intérêt de progresser dans notre région.
Le président: Merci, monsieur Miller.
Monsieur Jones.
M. Jim Jones (Markham, PC): Oui, merci, monsieur le président.
Pierre, vous avez laissé entendre tout à l'heure que la reprise ne durerait pas plus de 18 mois. J'aimerais que vous développiez votre pensée à ce sujet. Mais à part cela, j'aimerais voir si les autres économistes ici présents sont d'accord avec vous.
M. Pierre Fortin: Parfait. Mon point de vue s'appuie sur la lecture des récents discours et déclarations de politique du gouverneur Thiessen. Il disait dans son dernier rapport sur la politique monétaire, en mai de cette année—il va y en avoir un autre qui va sortir, je pense, le mois prochain dans lequel il va probablement dire la même chose—que l'économie canadienne à l'heure actuelle est à environ 1,5 p. 100 de son plein potentiel, et qu'au-delà, on court le risque de faire repartir l'inflation.
• 1400
Ce que l'on peut en déduire, sachant que la Banque du Canada
considère que le taux de croissance potentiel de l'économie se
situe à 2,5 p. 100 ou 2,6 p. 100 à moyen terme, et vu que cette
croissance est à l'heure actuelle de 3,5 p. 100 à 4 p. 100 par an,
c'est qu'il nous reste seulement une autre année à passer avec un
pourcentage à un point au-dessus du pourcentage normal de
2,5 p. 100; autrement dit, une autre année à 3,5 p. 100 avant que
nous absorbions le dernier point de pourcentage qui nous sépare de
notre potentiel.
Par conséquent, on peut en déduire qu'à partir de maintenant il va hausser les taux d'intérêt au niveau nécessaire pour s'assurer que, dans 18 mois ou 2 ans d'ici, le taux de croissance économique au Canada retombera à 2,5 p. 100. Avec un taux de croissance de 2,5 p. 100, le taux de chômage arrête de baisser et la situation reste stationnaire. On peut également en déduire que le taux de chômage minimum que l'on pourra connaître dans le cadre de cette stratégie se situe probablement autour de 8,5 p. 100.
Ces gens-là sont de très bons amis à moi; et je m'entends très bien avec eux. Mais je suis très critique de leur stratégie, qui revient à minimiser le risque de ne pas combattre l'inflation quand elle se manifeste. Songez que c'est totalement à l'opposé de ce qui se passe aux États-Unis. La stratégie de Greenspan, aux États-Unis, est de minimiser le risque de combattre l'inflation quand elle n'existe pas. Grâce à cette stratégie, les États-Unis ont pu réduire leur taux de chômage à 5 p. 100. À mon avis, si M. Thiessen utilisait la même stratégie, nous ferions baisser le chômage au Canada à 6 ou 6,5 p. 100.
Le président: Merci, monsieur Jones, et merci, monsieur Fortin.
Monsieur Campbell.
M. Bruce Campbell: Je suis d'accord avec cela. J'aimerais ajouter une remarque.
Si la stratégie se retourne contre ses auteurs comme en 1994, alors, loin de provoquer un atterrissage en douceur à 2,5 p. 100, cela pourrait entraîner une autre récession modérée dans 18 mois d'ici, ce qui aurait également des conséquences très fâcheuses pour l'éventuel dividende budgétaire, alors que c'est l'argument qu'ils invoquent.
Le président: Merci.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Fortin, vous avez fait observer que le ministre des Finances n'avait aucun contrôle sur l'économie à court et moyen terme. Ne reconnaissez-vous vraiment aucun mérite au ministre des Finances et à son gouvernement pour la réduction du déficit, l'amélioration des perspectives économiques et la baisse des taux d'intérêt au Canada?
M. Pierre Fortin: Si, nous avons un grand ministre des Finances. C'est simplement qu'il ne peut pas créer d'emplois. Mais il peut réduire le déficit, et il l'a fait.
C'est probablement le ministre à la fois le plus perspicace et le plus prévoyant que nous ayons eu depuis C.D. Howe—c'est un coup d'oeil à Bill Robson. Je le placerais au même niveau. Il a bénéficié de l'appui du Premier ministre, et je pense que l'on devrait aussi attribuer le mérite qui lui revient au Premier ministre.
Il a aussi bénéficié de l'aide du ciel sous la forme de la crise du peso mexicain à la fin de l'année 1994, ce qui l'a autorisé à annoncer la grande compression budgétaire de février 1995. C'est, selon moi, grâce à lui que le budget fédéral est sur la bonne voie, en dépit de ce qu'ont pu déclarer ici plusieurs personnes, qui ont prétendu que la politique monétaire de la présente décennie a précipité le Canada dans la plus forte dépression qu'il ait connue depuis les années 30.
• 1405
Je voudrais reprendre à mon compte une observation de
M. Campbell il y a quelques instants. Parmi les pays
industrialisés, le Canada est le seul à avoir connu une baisse de
niveau de vie depuis 1989.
Nous nous trouvons donc dans une dépression relativement prononcée, mais ce n'est pas du tout la faute du ministre des Finances. Il a dû faire face à des taux d'intérêt élevés et à une crise économique qui a précipité la crise financière qu'il a dû régler.
Mme Karen Redman: Je suis prête à admettre que le rôle du gouvernement n'est pas de créer des emplois. Il doit cependant créer un climat favorable à la création d'emplois par le secteur privé et les entreprises...
M. Pierre Fortin: Mais c'est également mon point de vue.
Mme Karen Redman: C'est ce qu'a fait le présent gouvernement.
M. Pierre Fortin: En revanche, je suis aussi d'avis que celui qui peut créer des emplois devrait en créer. Cette personne, c'est celle qui dirige la Banque du Canada.
Le président: Y a-t-il d'autres observations sur le sujet?
M. Leo de Bever: Nous devrions mettre de côté toute la question de la création d'emplois. Je pense que Pierre a parfaitement raison: la politique budgétaire ne crée pas d'emplois.
Je ne suis pas non plus convaincu que nous... J'en reviens tout le temps à mes antécédents à la Banque du Canada; c'est là que j'ai débuté.
M. Pierre Fortin: Cela se voit.
M. Leo de Bever: Cela ne fait rien.
Comment se fait-il que la banque soit seule responsable de certains mauvais calculs? Reportez-vous à 1989, à l'époque où, en Ontario notamment, le prix des éléments d'actifs montait en flèche. Les gens partaient de l'hypothèse que l'inflation n'aurait pas de fin. S'ils avaient écouté la banque quand elle déclara qu'elle n'allait pas tolérer une inflation de cette ampleur, la terrible dépression qui a suivi—tout le monde en parle—aurait été beaucoup moins sévère.
Je dis simplement que tous les torts ne peuvent pas être du même côté. Une banque centrale ne s'attaquera à l'inflation que lorsqu'elle est élevée. Aujourd'hui, nous pouvons débattre du niveau d'inflation auquel elle devrait intervenir, mais il est indéniable que dans les années 80, nous avions une économie où il y avait de sérieux déséquilibres. Il y avait un déséquilibre non seulement dans la façon dont les gens dépensaient, mais également entre la politique budgétaire et l'économie.
Il est donc un peu simpliste de blâmer la Banque du Canada pour ce qui s'est passé ensuite. Si nous avions fait montre de plus de retenue, les effets n'auraient pas été aussi graves.
Le président: Monsieur Campbell.
M. Bruce Campbell: J'aimerais m'inscrire en faux vis-à-vis les opinions que j'ai entendues à propos du rôle du gouvernement en matière de création d'emplois. Je suis d'avis que le gouvernement et le secteur privé ont tous les deux d'importants rôles à jouer dans la création d'emplois. En ce qui concerne le gouvernement, il s'agit d'une action indirecte, au travers du contrôle de la politique monétaire, et directe au travers d'investissements dans le secteur public.
Quand on dit que le gouvernement ne crée pas d'emplois... Il a certainement eu un grand rôle à jouer dans la disparition des emplois du secteur public. Quand on considère les emplois éliminés dans le secteur public fédéral, on peut dire que cela monte jusqu'à environ 50 000 au cours des trois dernières années, d'après mes calculs. Le gouvernement a certainement eu un rôle à jouer dans la destruction des emplois, alors pourquoi l'inverse ne serait pas tout aussi vrai?
On peut étendre la proposition au secteur culturel, à Radio- Canada et aux autres institutions culturelles. On peut l'étendre à l'éducation et aux soins de santé. Dieu sait qu'on a grand besoin des services et des biens publics qui jouent un rôle important, par exemple les garderies.
Le secteur privé et les investissements qu'il a consentis ne sont pas parvenus à créer d'emplois. Il y a donc un rôle pour le secteur public, à la fois direct, au travers d'investissements stratégiques, et indirect, au travers des macro-politiques, particulièrement de la politique monétaire.
Le président: Monsieur Fortin, souhaitiez-vous ajouter quelque chose?
M. Pierre Fortin: Merci. Je voudrais répéter que je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit M. de Bever. À la fin des années 80, la banque centrale se devait de corriger certains excès. Je soutiens seulement qu'il y avait des excès dans toute l'Amérique du Nord à l'époque. Par exemple, en matière d'inflation. Le taux était de 5 p. 100 au Canada. Et aux États-Unis ce taux était aussi de 5 p. 100. Déjà à l'époque, le Canada avait accumulé une importante dette publique. Et il y avait également une importante dette publique aux États-Unis.
Si l'on examine les statistiques de l'OCDE, par exemple, on se rend compte que la dette représentait 40 p. 100 du revenu national des deux pays. Autrement dit, le problème de la dette au Canada n'était pas pire que le problème de la dette aux États-Unis. Nous avions des problèmes, mais ils n'étaient pas pires qu'aux États- Unis. Il y avait aussi une flambée de spéculations foncières, une débâcle boursière et tout le reste, et personne ne peut prétendre que ces excès étaient pires au Canada qu'aux États-Unis.
• 1410
Mon propos est que dans les années 90, nous avons dû, dans les
deux pays, corriger ces excès. Comment se fait-il que les États-
Unis se portent bien alors que nous, nous n'allons pas si bien que
cela?
Ma réponse est que notre politique monétaire fut trop ambitieuse, avec un objectif—très bas—de 1 p. 100 d'inflation, ce qui a rigidifié le marché du travail et amplifié le taux de chômage. Les États-Unis se sont montrés plus prudents et se sont contentés de 3 p. 100 d'inflation. C'est la raison pour laquelle ils ont si bien réussi.
Le président: Monsieur Robson.
M. William Robson: Je ne veux pas abuser de la patience du comité en continuant à parler de l'inflation. Je ne m'attendais pas à ce que ce soit un des principaux sujets de discussion. Il est important de ne pas confondre les tactiques utilisées par une banque centrale qui tente d'atteindre un objectif en matière d'inflation et le débat que peut susciter l'établissement de l'objectif lui-même.
Une des raisons pour lesquelles j'ai insisté sur la croissance monétaire un peu plus tôt, c'est que je suis d'avis que la croissance monétaire est un très bon indicateur des résultats d'une politique monétaire. Nous avons critiqué officiellement à de nombreuses reprises la rigidité de la Banque du Canada quand la croissance monétaire indiquait qu'effectivement elle s'était montrée trop rigide.
L'année 1994 est un exemple parmi d'autres. Le fait que notre taux d'inflation soit tombé au-dessous de l'objectif de 2 p. 100 est la conséquence de la trop grande rigidité de la politique suivie par la banque.
Cela signifie-t-il pour autant que l'objectif d'une inflation de 2 p. 100 est erroné? Il semble que c'est ce dont nous arrivons à discuter aujourd'hui. J'appuie vigoureusement—et je le répéterai mot pour mot si je pouvais me le rappeler mot pour mot—ce qu'a déclaré Leo au sujet de la différence entre les taux d'inflation canadien et américain.
Compte tenu des distorsions et des indices, on parle d'une petite proportion de 1 p. 100. Si quelqu'un peut me démontrer que cette petite proportion de 1 p. 100 est responsable de toutes les différences entre leur économie et la nôtre au cours des dernières années, je regrette, mais j'ai du mal à le croire.
Permettez-moi de faire une brève observation: si on nous avait demandé de venir parler des objectifs en matière d'inflation, j'aurais souligné une chose que nous risquons d'oublier. L'argent, c'est comme un système de poids et mesures, de longueur, de distance, je ne sais quoi d'autre. Il y a, dans une discussion de ce genre, une dimension qui risque d'être oubliée.
Supposez—et là j'abuse vraiment de votre patience, et vous risquez de clore la séance—que le gouvernement puisse rétrécir le mètre chaque année d'une petite fraction. Toutes les maisons deviendraient plus grandes et si nous étions imposés en fonction de la superficie de nos maisons, les recettes afflueraient. Nos amis les entrepreneurs de construction pourraient faire de la publicité pour des maisons de plus en plus grandes tous les ans—en disant, mon Dieu, il vaudrait mieux acheter tout de suite. J'imagine que si le gouvernement pouvait manipuler les autres systèmes de poids et mesures, on pourrait même en arriver à croire que l'on crée la prospérité en agissant de la sorte. L'argent est un important indicateur. Les gens haïssent l'inflation, parce qu'ils n'aiment pas voir l'argent leur filer entre les doigts.
C'est bien pour cela que si l'on prétend qu'un point de pourcentage, ou une fraction d'un point de pourcentage, explique toutes nos difficultés par rapport à ce qui se passe aux États- Unis, ou risquerait de passer à côté du fait que l'argent sert à toute autre chose. Si vous augmentiez votre taux d'inflation au nom de la politique budgétaire, vous feriez aux gens une grande déclaration à laquelle ils pourraient se fier.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Le président: Monsieur Grant.
M. Jordan Grant: Il est utile de revenir en arrière pour voir où on s'est trompé, afin d'éviter de refaire les mêmes erreurs. Mais il y a une limite.
Au point où nous en sommes, je pense que nous serions tous d'accord pour dire qu'au cours des 18 derniers mois, ou à peu près, la Banque du Canada a fait du bon travail. Elle a fait du bon travail en baissant les taux d'intérêt canadiens et en aidant l'économie canadienne.
Il y a quelques années, certains des gens qui sont ici ont comparu devant le même comité. Certains d'entre nous prétendaient que les taux d'intérêt devraient descendre au-dessous de ceux des États-Unis; d'autres disaient que cela était impossible. La Banque du Canada s'est arrangée pour y parvenir avec l'aide des restrictions financières imposées par M. Martin. Il faut lui rendre justice aussi.
La question est de savoir ce que l'on fait maintenant? Je parle aussi au nom de mes deux autres collègues, et je dirais que je ne crois pas que nous préconisions un changement quelconque à la politique monétaire dans l'immédiat. On a fait du bon travail, et on obtient le résultat que l'on escomptait. Contentons-nous de garder le cap. Ce que nous craignons, c'est que la Banque du Canada anticipe les événements et fasse une erreur de jugement. Elle risque d'agir inutilement pour ralentir l'économie, alors qu'il n'y a aucun signe de surchauffe.
Le président: Merci, monsieur Grant.
Il nous reste une minute, car nous devons faire une pause pour assister à la période des questions. Monsieur Assad, vous avez une question.
M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Oui. Merci, monsieur le président.
Monsieur Fortin, de nombreux groupes ont soulevé la nécessité de réduire le chômage. Il n'y a pas de doute; on a entendu cela à maintes et maintes reprises.
Selon vous, les cibles monétaires de la Banque du Canada demeurent-elles la cause principale de notre taux de chômage trop élevé?
M. Pierre Fortin: Je vais distinguer deux choses. Premièrement, est-il bon que la banque centrale fixe des objectifs en accord avec le ministre des Finances? Ma réponse est oui. C'est utile, c'est important et c'est particulièrement informatif pour l'ensemble des gens qui prennent des décisions relatives à l'économie. Dès que la banque centrale a déterminé une bande de fluctuation à l'intérieur de laquelle elle veut maintenir le taux d'inflation, on peut pratiquement prédire ce qu'elle va faire d'un trimestre à l'autre, sans avoir besoin de détenir un doctorat en psychanalyse. C'est extraordinairement utile.
La deuxième chose, par contre, sur laquelle on peut discuter, c'est non pas la stratégie d'avoir ou non une bande de fluctuation à l'intérieur de laquelle on veut restreindre l'inflation, mais la détermination de la cible qu'on va poursuivre. Parmi les pays qui, à l'heure actuelle, visent entre 1 et 2 p. 100 d'inflation, il n'y en a aucun dont la performance économique soit satisfaisante. Ils connaissent tous de très importants problèmes économiques.
Depuis le début des années 1990, on a vu que tout d'abord, dans la première partie, les taux d'intérêt sont restés élevés au Canada pendant beaucoup plus longtemps qu'aux États-Unis, créant une quasi-dépression au Canada. Par la suite, puisque cette crise économique avait créé une crise financière pour les gouvernements, ces derniers ont dû faire des compressions budgétaires énormes. M. Martin n'a pas nécessairement été le premier à le faire; il y a eu aussi M. Klein. Tout le monde a dû faire des compressions budgétaires énormes.
On a donc perpétué pendant sept ou huit ans un état de quasi-dépression économique. Oui, le fait d'avoir été beaucoup plus ambitieux qu'aux États-Unis, c'est-à-dire de viser 1 à 2 p. 100 plutôt que 2,5 p. 100 à 3,5 p. 100, est la cause principale de la durée de nos problèmes économiques. En réalité, il faut surtout regarder l'inflation des salaires. Bien que MM. de Bever et Robson aient surtout parlé de l'inflation des prix, en réalité, la rigidification du marché du travail que ces cibles ont apportée passe principalement par le marché du travail.
Quelles que soient les mesures ou les chicanes techniques sur le niveau de la mesure de l'inflation, on ne peut pas échapper au fait qu'aux États-Unis, on a pu, au cours des quelques dernières années, avoir un taux d'augmentation des salaires de 4 p. 100 par année, ce qui donne énormément de flexibilité aux entreprises pour s'ajuster lorsqu'elles ont besoin de faire des compressions. Elles n'ont alors qu'à geler les salaires, sachant que les prix vont augmenter pour compenser cela. Nous, on ne peut pas faire ça.
Donc, le principal responsable, non pas de toute l'augmentation du taux de chômage, mais du fait qu'il est monté très haut et qu'il prend beaucoup de temps à descendre, c'est une politique monétaire trop restrictive. Je partage le souhait de M. Grant. Évidemment, il n'y a personne ici qui va déchirer sa chemise sur la place publique pour une augmentation d'un quart de point de pourcentage ou de deux ou trois quarts de point de pourcentage du taux d'intérêt. Tout le monde sait qu'il faudra revenir à des taux d'intérêt plus élevés ultérieurement. Mais nous le faisons peut-être de façon prématurée. Nous sommes peut-être en train de combattre un phénomène d'inflation qui n'existe pas en voulant minimiser l'erreur de ne pas le combattre si jamais il était là.
Je pense qu'il faut avoir la sagesse de M. Greenspan et attendre les signes tangibles d'une montée d'inflation avant de commencer à la combattre. De toute façon, c'est un phénomène qui est très, très lent et il y a amplement de temps pour intervenir si nécessaire.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Fortin.
Au nom du comité, j'aimerais vous remercier. Cette table ronde a été des plus intéressantes comme le montre les échanges que nous avons eus et les questions qui ont été posées ainsi que les excellentes réponses qui ont été données. Au nom du Comité des finances, je tiens à vous exprimer ma sincère gratitude d'avoir bien voulu prendre le temps de nous faire part de vos points de vue.
Merci beaucoup.
La séance est levée.