:
Je déclare la séance ouverte. Nous nous réunissons en public.
Bienvenue à la réunion no 115 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes.
Avant de commencer, je demanderais à tous les participants de lire les lignes directrices à jour sur les fiches qui se trouvent sur la table. Ces mesures sont en place pour aider à prévenir les incidents acoustiques et pour protéger la santé et la sécurité des participants, notamment des interprètes. Je vous invite également à visionner une courte vidéo de sensibilisation au moyen du code QR inscrit sur les fiches.
La réunion d'aujourd'hui se tient en mode hybride, mais je vois que tous les députés y assistent en personne.
J'aimerais rappeler aux participants les points suivants.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Que vous participiez en personne ou sur Zoom, veuillez lever la main si vous souhaitez intervenir. Le greffier et moi-même allons faire de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions. Chers collègues, j'aimerais également vous rappeler le processus que nous suivons au Comité. Si vous jugez que les témoins prennent trop de temps, je vous demanderais de lever la main au lieu de les interrompre. Je vais arrêter le chronomètre pour éviter que ce temps vous soit retranché. Merci de votre collaboration.
Passons à présent à notre étude.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 12 février, le 1er mai et le 12 juin 2024, le Comité reprend son étude portant sur la transférabilité de la pension et l'accès au Fonds de prévoyance obligatoire, et les retards dans le traitement de la résidence permanente et des visas pour les Hongkongais.
Au nom des membres du Comité, j'aimerais à présent souhaiter la bienvenue aux témoins qui se joignent à nous aujourd'hui.
Nous recevons M. James McNamee, directeur général, Direction de l'immigration familiale et sociale, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. De la Division de la législation de l'impôt au ministère des Finances, nous accueillons Mme Stephanie Smith, directrice principale, Conventions fiscales, et M. Jeffrey Smith, Politique des pensions. Nous recevons enfin — la dernière et non la moindre — Mme Kathleen Wrye, directrice, Politiques des pensions, Division des crimes financiers et de la sécurité, également du ministère des Finances.
Bienvenue à vous tous. Vous avez cinq minutes pour prononcer votre déclaration liminaire. Nous passerons ensuite aux questions des députés.
Je cède la parole à M. McNamee pour cinq minutes.
La parole est à vous.
:
Merci, monsieur le président.
Je veux d'abord reconnaître que je m'adresse à vous aujourd'hui depuis les terres traditionnelles non cédées du peuple anishinabe algonquin.
Je tiens également à souligner que je suis accompagné de mes collègues du ministère des Finances.
Le Canada est solidaire du peuple de Hong Kong. Nous continuons de surveiller la situation alors que ce peuple doit faire face aux répercussions de l'article 23 de la nouvelle loi sur la sécurité nationale. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ou IRCC, a également mis en œuvre des mesures spéciales qui permettent à des personnes de Hong Kong de venir au Canada grâce à une voie d'accès à la résidence permanente. Le nombre de demandeurs à cette voie d'accès demeure élevé.
Pour que personne ne perde son statut au Canada en attendant qu'une décision soit prise à l'égard de sa demande de résidence permanente, une nouvelle politique d'intérêt public a été lancée le 27 mai 2024. Celle-ci permettra à la plupart des demandeurs à la voie d'accès à la résidence permanente d'obtenir un nouveau permis de travail ouvert et de rester au Canada dans l'attente d'une décision.
Comme je l'ai mentionné lorsque j'ai comparu devant le Comité le 5 juin 2024, IRCC est responsable de la délivrance des cartes de résident permanent canadien, qui visent à prouver le statut de résident permanent. Certaines personnes de Hong Kong s'en servent aussi pour prouver qu'elles ont quitté Hong Kong de façon permanente.
En mars 2021, le gouvernement de Hong Kong a indiqué qu'il ne reconnaîtrait plus le passeport de ressortissant britannique d'outre-mer, ou passeport BNO, en tant que pièce d'identité. Il semble que, à ce même moment, les personnes possédant une carte de résident permanent associée à leur passeport BNO n'aient plus été en mesure d'accéder à leur fonds de pension.
IRCC reste déterminé à agir, dans la mesure du possible, pour aider les ressortissants de Hong Kong à s'établir au Canada.
Je vous remercie une fois de plus de me permettre de me joindre à vous aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Mes questions s'adressent principalement aux représentants du ministère des Finances. Merci beaucoup de votre présence.
Monsieur Smith, vous avez déjà témoigné devant le Comité auparavant. Madame Wrye, madame Smith, bienvenue au Comité.
Nos questions portent principalement sur le rôle du ministère des Finances dans la réglementation de deux entités canadiennes, en l'occurrence Sun Life et Manuvie, et sur l'application de la réglementation à ces assureurs lorsque ces derniers ont des filiales à l'étranger assujetties aux organismes de réglementation d'autres pays. Nous voulons en savoir plus sur la réglementation qui encadre le comportement de ces entités au Canada à l'égard des personnes qui ont peut-être un statut de résident permanent au pays.
Pourriez-vous expliquer un peu comment vous vous y prenez pour réglementer les activités menées par ces entités au Canada auprès de Canadiens qui proviennent, dans ce cas en particulier, de Hong Kong et qui n'ont pas accès à leur pension?
Bonjour, tout le monde.
Le 3 juin 2024, Mme Aileen Calverley, cofondatrice et présidente de Hong Kong Watch, a déclaré devant ce comité qu'on avait empêché certains Hongkongais au Canada d'accéder à leur propre épargne-retraite du Fonds de prévoyance obligatoire, ou MPF.
Selon ce que Mme Calverley nous a dit, des recherches effectuées par son organisation montrent que plus de 80 % des Hongkongais sondés qui ont migré de façon permanente vers le Royaume‑Uni et le Canada et qui ont présenté une demande de retrait du MPF ont vu leur demande rejetée.
Pourtant, selon les données de la Sun Life, entre 2021 et le premier trimestre de 2024, la compagnie a rejeté 1,2 % des 14 590 demandes qu'elle a reçues de Hongkongais du monde entier pour non-respect des critères ou pour des raisons administratives mineures.
Monsieur McNamee, votre ministère a-t-il les chiffres concernant les retraits du MPF? Si c'est le cas, qu'est-ce qui a motivé le rejet des demandes?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur McNamee, vous avez été en contact avec ces compagnies d'assurance. Vous avez essayé de comprendre pourquoi les demandes avaient été rejetées, mais vous n'êtes pas allés plus loin.
Pour nous, c'est difficile à comprendre. Nous traitons avec des personnes qui subissent carrément la répression transnationale. En fait, Hong Kong a mis en place des critères pour que ces gens ne puissent pas retirer leurs fonds. Hong Kong utilise indirectement les critères établis non seulement par des compagnies d'assurance, mais aussi par votre ministère. Vous y participez donc indirectement.
Je sais que ce n'est pas volontaire, mais êtes-vous conscient que vous participez à une répression transnationale en n'adaptant pas vos critères et en ne demandant pas à ces compagnies d'assurance de faire la même chose?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux représentants des ministères d'être venus témoigner devant le Comité aujourd'hui.
Un des témoins a dit dans sa déclaration liminaire que le gouvernement du Canada était « aux côtés du peuple de Hong Kong. » Des mesures d'immigration spéciales ont été mises en place, qui auront entre autres pour effet de prolonger le statut de résident permanent des Hongkongais.
Vous me corrigerez si je me trompe, mais normalement, lorsque les personnes admissibles au programme obtiennent un permis de travail ouvert, la réalisation d'une étude d'impact sur le marché du travail, ou EIMT, n'est pas exigée.
:
C'est exact. Toutefois, au titre des mesures d'immigration spéciales, l'EIMT n'est pas exigée.
J'ai une liste des demandeurs aux prises avec ces circonstances. Après le rejet de leur demande de renouvellement de permis de travail, on leur a demandé de façon erronée de soumettre une EIMT. La situation devient extrêmement préoccupante pour les personnes dont le permis de travail est rejeté et qui attendent de recevoir leur statut de résident permanent. À ce rythme, vu les cibles du plan d'immigration et les retards actuels dans le traitement des demandes, il faudra, en tenant compte du nombre actuel de demandes, environ huit ans pour venir à bout de l'arriéré de demandes de statut de résident permanent. Comme ces personnes doivent fournir une preuve de résidence permanente, il leur faudra attendre huit ans pour avoir accès à leur pension.
Voilà une préoccupation majeure. J'espère que le ministère prendra des mesures pour corriger cette erreur qui touche les demandeurs dont le permis de travail ouvert est rejeté dans le cadre de ce volet d'immigration.
Les représentants des ministères peuvent-ils confirmer que des mesures seront prises?
Le gouvernement a décidé de déposer un plan triennal continu des niveaux d'immigration, et ce sont donc les chiffres que nous utilisons, en supposant que ce sont les bons chiffres. Bien sûr, par la suite, il se peut même qu'un nouveau gouvernement modifie toutes ces choses; nous ne savons pas ce qui peut se passer. Ce que nous savons, ce sont les chiffres que nous avons sous les yeux, et d'après mes calculs, compte tenu du nombre de personnes qui ont présenté une demande, il faudra au moins huit ans pour éliminer l'arriéré. Selon les calculs des fonctionnaires, c'est au moins quatre ans.
Pour les gens qui ont désespérément besoin de leurs revenus, est‑il raisonnable qu'ils ne puissent pas demander leur prestation de retraite avant au moins quatre ans?
:
J'ai ici des lettres de deux Hongkongais qui disent que leur statut implicite expirera cinq mois après leur demande. Je vais maintenant conclure. Il est écrit qu'ils doivent joindre la lettre à leur numéro de permis de travail actuel, qui est évidemment un formulaire rempli, comme preuve qu'ils sont autorisés jusqu'au 25 décembre 2024 à continuer de travailler dans les mêmes conditions que leur permis de travail initial. Ça sera un très joyeux Noël pour eux, je suppose.
J'en ai aussi une qui a été envoyée le 26 juillet. On dit que le statut temporaire expirera le 22 janvier 2025.
D'après votre propre témoignage d'aujourd'hui, vous avez essentiellement dit qu'aucune de ces personnes n'obtiendra sa résidence permanente d'ici cinq mois. Le délai de traitement des demandes de résidence permanente peut aller jusqu'à huit ans. C'est un chiffre que Mme Kwan a en main. Ce sont les Hongkongais qui nous l'ont fourni.
Si nous utilisons les cibles que vous avez, cela prendra 14 ans. Tous ces gens perdront leur statut implicite.
Comment pouvez-vous alors dire au Comité qu'ils ont un statut implicite jusqu'à ce que leur demande de résidence permanente soit traitée, alors que les lettres du ministère disent tout le contraire, qu'ils n'ont le statut implicite que cinq mois?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur McNamee, ma dernière question n'était peut-être pas assez claire. Je ne veux surtout pas que vous pensiez que je vous jette la pierre. Ce n'est vraiment pas le cas.
Présentement, les autorités de Hong Kong utilisent le gouvernement canadien et des compagnies d'assurance, comme Manuvie et Sun Life, pour faire de la répression transnationale.
Je ne dis pas du tout que c'est volontaire de votre part ou que vous ne voulez pas changer les choses.
Cela étant dit, réalisez-vous que les autorités de Hong Kong font de la répression transnationale en utilisant le ministère et les compagnies d'assurance? Êtes-vous conscient de cela?
:
Nous reprenons la séance.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 24 octobre 2024, le Comité reprend son étude des réformes récentes du Programme des étudiants étrangers.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins.
Nous recevons M. Herb Emery, qui témoigne en ligne.
Nous accueillons également M. Christopher Worswick, qui comparaît en personne.
Nous accueillons enfin M. Maxime Colleret, de l'Université du Québec.
Un maximum de cinq minutes sera accordé à chacun des témoins.
Qui veut commencer?
Comme personne ne lève la main, j'accorderai la parole à M. Emery en premier.
Vous avez la parole pour cinq minutes.
:
Merci. J'espérais que M. Worswick parlerait en premier.
Je m'appelle Herb Emery et je suis titulaire de la chaire Vaughan sur l'économie régionale à l'Université du Nouveau-Brunswick. Mes recherches portent sur les options stratégiques pour faire croître l'économie régionale et sur la compréhension de l'adaptation du marché du travail dans un contexte infranational. J'ai eu la chance de travailler avec l'Institut de recherche, de données et de formation du Nouveau-Brunswick de l'Université du Nouveau-Brunswick, qui est dirigé par M. Ted McDonald. Cet institut permet d'accéder à des données administratives liées et dépersonnalisées, offrant ainsi de nouveaux points de vue sur des sujets comme la rétention des immigrants dans la région et les résultats des titulaires de diplôme d'études postsecondaires au Nouveau-Brunswick.
Les changements récents apportés au plafond du nombre d'étudiants étrangers et l'augmentation des obstacles financiers pour les étudiants étrangers qui cherchent à fréquenter les établissements d'enseignement postsecondaire canadiens, notamment les limites sur les heures de travail hors campus, auront des répercussions importantes sur les établissements d'enseignement postsecondaire dans la région de l'Atlantique. Ils peuvent avoir des répercussions notables sur l'offre de main-d'œuvre régionale, la croissance démographique et l'augmentation de la productivité, mais, compte tenu de la situation économique de nos marchés du travail dans ce contexte infranational, je m'attends à ce que dans la région, les principales répercussions se fassent sentir sur les établissements d'enseignement postsecondaire et leurs finances, ainsi que sur un grand nombre de petits employeurs qui dépendent de la production et de la prestation de services à forte intensité de main-d'œuvre.
Depuis 2016, année où j'ai déménagé dans la région de l'Atlantique, j'ai répertorié cinq raisons principales que les acteurs et les gouvernements évoquent en faveur de l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers inscrits dans les collèges et les universités de la région.
Il y a d'abord l'objectif de croissance démographique. Les quatre provinces qui composent la région de l'Atlantique font toutes face à des défis liés au vieillissement de la population et à l'exode de leurs résidants. L'immigration est considérée comme un moyen efficace de compenser l'exode interprovincial, voire d'augmenter la taille de la population de la région. Le Programme des étudiants étrangers n'était qu'un autre programme d'entrée ciblé par la province pour augmenter le nombre d'immigrants dans la région.
Deuxièmement, en raison du vieillissement de la population et du déclin démographique des groupes d'âge habituels qui font des études postsecondaires, on considérait que les étudiants étrangers fourniraient des revenus dans le secteur de l'éducation postsecondaire et feraient également augmenter le nombre d'inscriptions, ce qui allait poser un problème quand les subventions provinciales aux établissements stagnent et que les augmentations des frais pour les étudiants nationaux sont plafonnées. L'immigration allait régler un problème de revenus pour les établissements d'enseignement postsecondaire.
Troisièmement, on voulait constituer un bassin de main-d'œuvre pour pourvoir des emplois à bas salaire avec des étudiants qui doivent travailler pendant leurs études. Cette décision est arrivée juste après que la région a perdu son abondance traditionnelle de main-d'œuvre peu qualifiée et peu rémunérée, qui était une source d'avantage concurrentiel dans bon nombre d'industries, comme la fabrication. Avec la disparition de cette abondance, il était idéal de trouver une source de main-d'œuvre qui accepterait des emplois que dédaignaient beaucoup de Canadiens, en particulier les plus jeunes. C'était la deuxième option, et c'est pourquoi des pressions se sont exercées en faveur des très longues heures de travail pour les étudiants à temps plein.
Quatrièmement, les objectifs en matière de croissance économique et d'innovation devaient être atteints grâce aux étudiants étrangers qui obtiendraient leur diplôme dans la région et y resteraient pour devenir des entrepreneurs, des innovateurs et des travailleurs qualifiés pour accroître la productivité régionale.
On a enfin jugé qu'avec l'exode d'employés hautement qualifiés, les étudiants étrangers formés dans la région pourraient combler le manque dans des secteurs stratégiques, comme les TI et les TIC, afin de conserver une sorte d'avantage stratégique dans les régions qui cherchent à faire croître certaines de ces nouvelles industries.
Il devrait être immédiatement évident que l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers dans la région visait à répondre à un certain nombre d'objectifs et de défis variés — comme la croissance de la population et la croissance des ressources universitaires et collégiales —, à fournir un bassin de main-d'œuvre à faible coût et, à long terme, à accroître la productivité dans la région. Les objectifs diffèrent peut-être selon les intérêts et les acteurs de la région, mais l'intérêt envers un nombre accru d'étudiants ne varie pas. Par conséquent, le soutien pour un plus grand nombre d'étudiants étrangers est généralement élevé, car on considère que cela a un certain nombre d'avantages diversifiés à court et à long terme pour la région.
Les recherches que mes collègues de l'Institut de recherche, de données et de formation du Nouveau-Brunswick et moi-même avons menées donnent à penser que cette augmentation du nombre d'étudiants étrangers a principalement favorisé les finances des établissements d'éducation postsecondaire et fourni une offre temporaire de main-d'œuvre à faible coût aux employeurs de la région. Il n'y a pas eu d'augmentation des taux de rétention des immigrants à long terme et pas beaucoup d'étudiants ont acquis la résidence permanente dans la région. Le taux de rétention est plus élevé lorsqu'ils ont un permis de travail, mais je dirais qu'ils constituent toujours une part minoritaire de l'augmentation totale de l'immigration.
En évaluant les répercussions des mesures récentes, il faut discuter davantage des objectifs à atteindre dans le cadre du Programme des étudiants étrangers et de la façon dont les pouvoirs et les responsabilités des provinces et de leurs établissements d'enseignement postsecondaire, qui recrutent les étudiants, s'harmonisent avec ces intérêts pour atteindre les objectifs énoncés du programme plutôt que de répondre aux besoins et aux objectifs qu'ils établissent eux-mêmes.
Je pense qu'un gros problème pour la région, c'est le désalignement entre ce que tentaient d'accomplir les établissements avec le recrutement et certains des objectifs plus généraux du programme en matière de croissance économique et démographique dans la région.
Il importe également d'admettre que ce n'est pas seulement avec un grand nombre d'immigrants et d'étudiants étrangers qu'on peut résoudre les problèmes de main-d'œuvre dans la région ou redresser les finances des universités. C'était peut-être une solution rapide à court terme, car il était très difficile de relever certains autres défis à long terme liés au marché du travail, comme la réforme de l'assurance-emploi et ce qui constitue une taille viable pour le secteur de l'éducation postsecondaire. Mais c'est ainsi que nous nous retrouvons avec un problème: la région a pris des risques en se fiant aux étudiants étrangers pour résoudre un certain nombre de problèmes. Le nombre d'étudiants étrangers risquant maintenant d'être plafonné...
:
Je vous remercie de me donner la parole.
Monsieur le président, messieurs les vice-présidents, chers membres du Comité, je m'appelle Maxime Colleret. Je m'occupe des relations gouvernementales à l'Université du Québec.
Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui pour parler des étudiants internationaux, plus particulièrement de l'introduction d'une mesure de plafonnement par le gouvernement fédéral. Je pense qu'il est important d'entendre le point de vue de l'Université du Québec à ce sujet, particulièrement en raison de sa mission d'accessibilité aux études universitaires en français et de son envergure nationale grâce à 10 établissements présents dans plus de 40 municipalités dans l'ensemble du Québec.
Pour vous donner une idée de son influence, l'Université du Québec accueille 100 000 étudiants, dont un sur deux est le premier de sa famille à accéder à l'université.
L'Université du Québec a été créée en 1968 par une loi du gouvernement du Québec. Depuis ce temps, elle a décerné 850 000 diplômes. Aujourd'hui, près de 7 500 professeurs et chargés de cours travaillent à l'Université du Québec. Il y a aussi 5 000 étudiants au doctorat, et 30 000 articles scientifiques ont été écrits depuis cinq ans, dont 52 % en collaboration internationale. Cela montre non seulement l'envergure de l'Université du Québec, mais aussi l'importance des collaborations internationales et la place de l'international chez nous, notamment celle des étudiants internationaux. Nous le verrons plus tard.
Une fois toutes ces données réunies, l'Université du Québec, dont le réseau compte 10 établissements, devient la plus grande université en Amérique du Nord. Sur le plan de la taille, avec ses 100 000 étudiants, elle est même plus grande que l'Université de Toronto.
Parmi les 100 000 étudiants que nous accueillons, 18 % sont des étudiants internationaux. Au cours des 10 dernières années, ce chiffre a augmenté, mais de façon contrôlée. Nous sommes passés de 11 à 18 % d'étudiants étrangers, ce qui représente 7 points de pourcentage.
Depuis environ un an, le gouvernement fédéral a annoncé plusieurs mesures pour réduire ou encadrer les étudiants internationaux sur le territoire canadien. En 2024, un plafond de 485 000 permis d'études a été établi. On comprenait alors que l'objectif était notamment de s'attaquer aux abus, particulièrement de certains acteurs qui faisaient de l'immigration un véritable modèle d'affaires.
On comprenait aussi que le Québec exerçait ses compétences en immigration, notamment en délivrant des certificats d'acceptation aux étudiants internationaux. Je tiens à rappeler que le Québec a été cité en exemple par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, lors de l'annonce.
En vertu de cela, le plafond qui a été mis en place par le gouvernement fédéral au Québec excédait le nombre d'étudiants inscrits dans les établissements. Par contre, on assistait à l'application d'une mesure pancanadienne pour régler un problème qui semblait spécifique et pour obliger les acteurs qui se livraient à des pratiques frauduleuses à cesser leurs activités, ce qui ne concerne pas l'Université du Québec ni les autres universités québécoises.
Après cette première mesure, on apprenait dernièrement que le gouvernement fédéral désirait revoir à la baisse le plafond pour l'année 2025. Selon l'annonce, le plafond de 485 000 permis d'études de 2024 sera effectivement réduit de 10 % en 2025.
Mis à part cette réduction, on apprenait aussi que les maîtrises et les doctorats seraient désormais inclus dans le plafond. Même si on ne connaît pas encore le plafond qui sera établi par province, cette nouvelle mesure est inquiétante pour l'Université du Québec.
Inclure les cycles supérieurs dans ce plafond me semble une avenue particulièrement inquiétante. À l'Université du Québec, par exemple, plus de 50 % de nos étudiants internationaux sont inscrits aux cycles supérieurs. Concrètement, cela veut dire qu'un nombre important d'étudiants qui étaient exclus du plafond l'an dernier seront désormais inclus.
On comprend que cette mesure vise encore une fois à contrer les pratiques de certains acteurs à l'extérieur du Québec qui, pour contourner le dernier plafonnement qui excluait les cycles supérieurs, ont commencé à offrir des maîtrises, par exemple. Or, je tiens à rappeler que les grades de maîtrise et de doctorat sont réglementés au Québec par le ministère de l'Enseignement supérieur, duquel relèvent les universités et les cégeps. On assiste, il me semble, à une mesure générale qui est parfois mal adaptée à la réalité des établissements de l'Université du Québec et des établissements québécois en général.
Par ailleurs, je tiens aussi à dire que les établissements de l'Université du Québec ont pris leur responsabilité pour s'assurer d'accueillir et de faciliter l'intégration des étudiants de la façon la plus optimale possible. Nous avons mis en place une foule de mesures, dont nous pourrons discuter tantôt.
Je tiens aussi à rappeler que les établissements universitaires du Québec ainsi que les étudiants internationaux et les communautés qui bénéficient de leur présence risquent de se trouver pénalisés en raison de l'application de cette mesure pancanadienne.
Certes, s'il y a des abus et des acteurs qui ne respectent pas les règles, il faut intervenir.
Toutefois, il faut le faire de façon ciblée, au lieu de mettre en place des mesures qui s'appliquent à tous, même aux acteurs légitimes.
Je vous remercie de votre attention.
:
Je vous remercie de m'offrir l'occasion de témoigner. J'ai pensé faire quelques observations générales sur les étudiants étrangers et les programmes d'immigration, lesquels constituent en quelque sorte mon domaine de recherche.
Comme tout le monde le sait sans doute, les étudiants étrangers peuvent représenter un gain substantiel pour un pays comme le Canada, puisqu'il bénéficie d'un secteur de l'enseignement postsecondaire de qualité supérieure et d'un niveau de vie élevé. Les universités et les collèges peuvent engranger des frais de scolarité considérables, ce qui leur permet d'offrir des programmes de grande qualité qui profitent tant aux étudiants étrangers qu'aux étudiants canadiens. Des sommes comme le revenu locatif que les étudiants étrangers versent aux propriétaires canadiens peuvent également être appréciables et représenter une part importante de l'économie canadienne.
Là où je pense que la situation se complique, c'est si nous avons un système d'immigration en deux temps où la résidence temporaire accordée aux travailleurs étrangers temporaires, ou aux étudiants étrangers dans le cas présent, offre un accès privilégié à l'admission dans le cadre du système d'immigration permanente. Je pense que ce genre de système en deux temps est attrayant, car nous en apprenons souvent beaucoup de certains étudiants étrangers en raison de leur rendement et de leurs études au Canada. C'est excellent. Cela permet également d'éviter les problèmes de reconnaissance des titres de compétences étrangers des immigrants au Canada, qui sont importants depuis de nombreuses années.
Permettez-moi de dire brièvement quels sont, à mon avis, les risques que ce genre de programme pose avec les étudiants étrangers. Premièrement, une importante population d'étudiants étrangers peut créer de la pression afin d'élargir considérablement le système d'immigration au‑delà de ce qui est probablement optimal. Dans le cadre des recherches que j'ai effectuées à ce sujet avec mes collègues, nous avons constaté que l'on voudrait que les immigrants qui arrivent dans les catégories d'immigration économique augmentent le niveau de compétence moyen de tous les résidants du Canada. Je pense qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que ce soit le cas si une personne obtient un diplôme universitaire. Ses revenus après son entrée sur le marché du travail et son établissement seront plus élevés que la moyenne et augmentent le niveau de compétence moyen. Il est moins clair que ce serait le cas à l'échelle des collèges publics et surtout des collèges privés.
Je proposerais d'accorder la priorité aux visas d'étudiants étrangers de manière à ce qu'ils ne soient accordés que dans des programmes où les revenus attendus des diplômés sur le marché du travail sont probablement supérieurs à la moyenne au Canada, du moins dans un délai raisonnable de, disons, 5 à 10 ans ou quelque chose comme cela.
Je pense que ce ne serait pas difficile à accomplir, étant donné que nous avons beaucoup de données et d'analyses sur les revenus des diplômés des universités et des programmes canadiens. À mon avis, c'est faisable. Ce critère d'attribution des visas d'étudiants étrangers éliminerait probablement tous les collèges privés au Canada. Quant à savoir si cela éliminerait les collèges communautaires publics, cela dépend peut-être du programme d'enseignement, mais je pense que cela devrait en fin de compte être une question empirique pour tout programme d'enseignement, que ce soit à l'université ou au collège. On pourrait aborder la question de façon scientifique, en utilisant les données disponibles plutôt que de laisser les universités et les collèges faire du lobbying auprès du gouvernement pour l'obtention de ces visas.
À mon avis, l'autre problème que pose un gros programme des étudiants étrangers, c'est ce qu'on appelle traditionnellement la capacité d'accueil, comme on l'a constaté au Canada au cours des dernières années. L'idée ici, c'est qu'on craint que le nombre de nouveaux immigrants qui arrivent au pays chaque année soit si élevé que cela perturbe les salaires, les prix ou l'accès aux principaux services gouvernementaux. Nous devrions être prudents dans l'établissement de cibles ou de limites du nombre d'étudiants étrangers, car nous ne voulons pas que ce nombre soit si élevé qu'il entraîne une augmentation des loyers à grande échelle ou une réduction de l'accès aux services comme les soins de santé publics. Je crois que l'augmentation de la population de résidents non permanents au Canada, qui est passée d'environ 786 000, ou 2,18 % de la population, en 2016 à plus de 3 millions, ou 7,27 % de la population, en 2024 est susceptible de dépasser de loin ce que l'économie canadienne était en mesure d'accueillir. Les limites que le gouvernement fédéral a instaurées pour les différents programmes de migration internationale, mais particulièrement pour les programmes des étudiants étrangers, sont justifiées, à mon avis, même si elles arrivent peut-être beaucoup plus tard qu'elles ne l'auraient dû.
Enfin, les informations selon lesquelles un nombre croissant d'étudiants étrangers dont le visa tire à sa fin pourraient présenter de fausses demandes d'asile sont très préoccupantes. Cela coûterait très cher à l'économie canadienne et limiterait grandement notre capacité à contrôler la taille de la population. On peut réduire ce risque en utilisant le critère de revenu, en vertu duquel nous n'accordons des visas d'étudiant que quand les revenus de la personne après l'obtention de son diplôme sont susceptibles d'être si élevés, ou suffisamment élevés, qu'elle serait admissible à la résidence permanente dans la catégorie des immigrants économiques. Or, si c'est le cas, on peut se demander pourquoi elle présenterait une fausse demande d'asile.
En résumé, les réformes récentes du Programme des étudiants étrangers représentent un premier pas dans la bonne direction pour reprendre le contrôle d'un programme qui a crû de manière alarmante.
Reconnaître que les étudiants étrangers souhaitent habituellement obtenir la résidence permanente après l'obtention de leur diplôme signifie que nous pouvons avoir un programme des étudiants étrangers fonctionnel et avantageux pour les Canadiens. À cette fin, la délivrance de visas d'étudiant doit être axée sur les étudiants qui s'inscrivent à des programmes universitaires susceptibles de favoriser leur réussite sur le marché du travail canadien et de les rendre admissibles à l'entrée au Canada au titre des programmes d'immigration économique.
Merci encore. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
:
On aurait idéalement des systèmes distincts pour les étudiants étrangers et pour les travailleurs étrangers temporaires, où les gens qui arrivent savent qu'ils sont ici temporairement et qu'ils devront partir s'ils ne sont pas admissibles à la résidence permanente. Je pense que vous avez raison: la capacité de traitement est manifestement limitée.
On pourrait envisager de prolonger les permis de travail, temporairement.
Encore une fois, ce n'est pas vraiment mon champ de compétence, mais ce qui me frappe, c'est que nous essayons maintenant de réduire nos programmes de mobilité internationale alors qu'ils connaissent une forte croissance. Je ne serais pas contre l'idée de prolonger ces permis d'un an ou deux.
À part cela, à mon avis, le choix est simple: soit le système d'immigration doit avoir la capacité de traiter toutes ces demandes, soit les gens qui n'ont plus le droit légal de demeurer au Canada devraient partir.
:
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
Ma question s'adresse à M. Worswick.
Le mois dernier, comme vous le savez, notre gouvernement a annoncé une réduction du nombre de résidents permanents et a publié pour la première fois des cibles pour les migrants temporaires. Dans un récent article que vous avez écrit dans le Globe and Mail, vous affirmez que ces changements sont une « réponse réfléchie à l'évolution de l'immigration et de la situation macroéconomique au Canada. »
Pourriez-vous préciser, pour le Comité, votre point de vue sur ces changements récents, ainsi que sur les changements apportés plus tôt cette année au Programme des étudiants étrangers du Canada?
Pourriez-vous également nous dire quelles recommandations vous feriez au gouvernement fédéral pour assurer l'intégrité du système?
:
Il m'est plus facile de répondre aux premières parties de la question.
Nous n'avions pas de limites pour de nombreux volets d'immigration temporaire dans le passé. Je pense que cela s'est avéré une erreur. Étant donné les préoccupations entourant la capacité d'absorption, je pense que nous devrions toujours avoir des cibles et des limites.
J'admets que c'est une notion dont les économistes spécialisés en immigration débattent depuis des décennies, mais elle n'est pas très bien définie. Concernant le point soulevé par le professeur Emery, la capacité d'absorption pourrait être différente à Halifax et à Toronto. Cela pourrait être une question régionale, surtout si le logement est la préoccupation.
J'ai été très critique à l'égard du gouvernement pour avoir laissé les choses en arriver là, à savoir qu'en juillet 2024, les migrants temporaires formaient 7,27 % de la population. Aux États-Unis, pour mettre les choses en perspective, le pourcentage de population née à l'étranger est de 14 %. Au Canada, le pourcentage de la population de résidents temporaires équivaut, par habitant, à la moitié de la population immigrée, tous âges et toutes catégories confondus, aux États-Unis.
Je réagissais aux changements de politique. Ils sont logiques. Je pense que c'est la voie à suivre. C'est malheureux, mais c'est ainsi.
Quant à l'intégrité du système, encore une fois, je suis un économiste. Je ne suis pas un spécialiste en administration publique; je vais donc m'arrêter là et répondre à d'autres questions.
:
Je vous remercie de la question.
Je pense que tout le monde est conscient de la croissance du nombre d'étudiants internationaux. À l'Université du Québec, cette croissance est importante, mais elle n'est pas incontrôlée. Cela amène néanmoins un lot de défis. Je pense notamment aux agences qui envoient des demandes d'admission en masse. Par exemple, nous avons reçu 99 000 demandes d'admission en 2023, ce qui représente une augmentation de 269 % par rapport à 2018. Évidemment, ces demandes n'ont pas toutes été acceptées. À l'Université du Québec en Outaouais, 4 000 demandes d'admission ont été déposées en 2024, mais 431 demandes ont été jugées recevables et 355 étudiants se sont inscrits. Il importe de souligner que nous travaillons en ce moment sur plusieurs éléments et que nous prenons nos responsabilités.
Dernièrement, il a été question des demandes d'asile dans les médias. D'ailleurs, on a posé une question à cet égard tantôt. Nous, les universités, nous évaluons des dossiers universitaires. L'évaluation du risque du candidat incombe davantage au gouvernement québécois et au gouvernement fédéral.
Nous essayons néanmoins de nous assurer que le projet d'études des étudiants qui fréquentent nos établissements est sérieux et qu'ils viennent vraiment dans le but d'étudier. Plusieurs établissements ont mis en place un système de dépôt lors de l'évaluation des demandes d'admission. Autrement dit, au moment de l'évaluation, un dépôt est nécessaire, mais le montant sera remboursé par la suite. On s'assure ainsi de court-circuiter les agences et on vérifie que le projet d'études des candidats qui sont admis est sérieux.
Nous avons aussi mis en place un super guide au sein de l'Université, qui est une encyclopédie de tous les établissements du monde et des programmes qu'ils offrent. Il y a aussi un système informatisé d'aide à la décision, qui nous aide à nous assurer que les gens que nous accueillons sont de véritables diplômés et que ce sont des gens qui ont vraiment le niveau de scolarité qu'ils disent avoir.
Contrairement aux acteurs qui sont principalement à l'extérieur du Québec, l'Université du Québec n'a pas l'immigration pour modèle d'affaires. Au contraire, nous voulons nous assurer du sérieux des candidats qui viennent étudier, et nous prenons les mesures nécessaires pour y arriver. Ce n'est évidemment pas encore parfait, mais nous y travaillons.
:
Au Québec, il y a effectivement un système particulier, puisque les établissements universitaires relèvent du ministère de l'Enseignement supérieur. Pour ce qui est du permis de travail postdiplôme, selon notre compréhension, les baccalauréats, les maîtrises et les doctorats seraient exemptés de cette mesure. Cependant, tous les programmes courts, notamment les diplômes d'études supérieures spécialisées, ou DESS, qui existent dans la plupart, voire la totalité des établissements universitaires au Québec, seront touchés par cette mesure.
Évidemment, nous nous attendons à ce que cela puisse avoir une incidence sur les inscriptions à long terme dans ces programmes. Or, les universités mettent au point des programmes sur 5, 10 ou 15 ans, et ce ne sont pas des programmes qu'on peut changer du jour au lendemain. D'ailleurs, certains établissements de l'Université du Québec, en collaboration avec le gouvernement du Québec, mettent en place des DESS pour pallier certaines lacunes. Je pense notamment au DESS en enseignement, qui vise à contrer la pénurie d'enseignants dans le système d'éducation québécois, et au DESS en administration, qui vise à pallier la pénurie de main-d'œuvre actuelle.
À l'Université du Québec, il y a 10 universités qui sont ancrées dans leur communauté. Ces établissements se retrouvent non seulement à Montréal, mais partout en région. Ses programmes sont, la plupart du temps, élaborés en collaboration avec les communautés, en réfléchissant aux besoins mêmes de ces communautés.
Une mesure pancanadienne est mal adaptée pour prendre en considération la réalité de ces communautés et des établissements qui sont ancrés dans celles-ci. Par exemple, si un secteur est nécessaire dans une communauté donnée, mais ne se retrouve pas sur la liste des secteurs prioritaires du gouvernement fédéral, cela peut faire en sorte qu'un programme ne sera pas offert. Dans des régions, les cohortes sont parfois relativement petites, et l'absence d'étudiants internationaux dans ces programmes peut littéralement faire en sorte que la cohorte ne peut pas démarrer.
Dans ce contexte, même les étudiants québécois n'auraient pas accès à ces programmes. Il s'agit d'une mesure spécifique, et il est très difficile de l'adapter à la réalité de chaque région, particulièrement au Québec.
Le défi est... Encore une fois, j'aurais dû faire attention de ne pas prêter des intentions au gouvernement. Cependant, je dirais que l'absence d'examen et de discussions préalables, la rapidité avec laquelle on a établi ces plafonds dans la foulée de diverses crises, notamment la crise du logement abordable, la perception selon laquelle il y a des acteurs malveillants en Ontario, les pressions financières de plus en plus fortes sur les universités et collèges de l'Ontario, la rapidité avec laquelle on a procédé, sans examen ni consultation préalables... De mon point de vue, on semble avoir davantage examiné les impacts après coup. Voilà ce qui est à l'origine de bon nombre de ces commentaires.
C'est aussi le cas dans les Maritimes. Une bonne partie des discussions sur les niveaux d'immigration et le rôle des étudiants étrangers... La question n'a pas encore été examinée sous l'angle de la capacité d'absorption ou de certains des facteurs évoqués par le professeur Worswick. Essentiellement, le message, c'est qu'il nous faut plus de données. Cela remonte à 2016, lorsque l'idée d'augmenter le nombre d'étudiants étrangers, le nombre total d'immigrants, était aussi une façon politiquement rentable d'essayer de favoriser la croissance de l'économie régionale, car il n'existait aucune preuve évidente que cela donnerait des résultats dans une économie ouverte de petite taille. Il faut stimuler la demande en main-d'œuvre pour faire augmenter la population. On ne peut pas y arriver en augmentant l'offre de main-d'œuvre.
Pendant au moins une dizaine d'années, les gouvernements ont eu tendance à étudier les choses après avoir pris une décision politique, au lieu de les examiner au préalable. Voilà en partie pourquoi j'estime que bon nombre de ces mesures sont des réactions, des changements que l'on tend à apporter lorsque les choses ne tournent pas comme prévu.
:
Merci beaucoup. Je vous suis très reconnaissante de ces commentaires.
D'autres ont déjà laissé entendre que la décision du gouvernement n'était qu'une réponse politique à la crise du logement qui, soit dit en passant, n'a pas vraiment été causée par les nouveaux arrivants, mais est plutôt le fait des gouvernements libéraux et conservateurs successifs qui n'ont pas réussi à assurer l'offre de logements dont les gens ont besoin. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet maintenant. J'y reviendrai un autre jour.
Les gens disent aussi qu'ils craignent que ces décisions et l'annonce faite par le gouvernement n'aient des conséquences imprévues. Vous en avez parlé dans votre balado. Vous avez dit: « L'effet domino va bientôt commencer. La crise financière est sur le point de frapper une grande partie du système d'enseignement postsecondaire de l'Ontario, ce qui aura un effet d'entraînement: les entreprises ne trouveront pas de travailleurs et les usines devront fermer leurs portes ou menacer de le faire. »
Pouvez-vous nous donner une idée des répercussions économiques que ces plafonds pour les étudiants étrangers pourraient avoir, selon vous, dans les différentes provinces et régions, et, plus particulièrement dans les régions rurales ou les petites collectivités?
:
L'économie canadienne s'urbanise de plus en plus autour d'un petit nombre de très grandes villes et de très grands centres, et bon nombre d'industries traditionnelles comme la pêche et l'agriculture s'affaiblissent, étant délaissées par les travailleurs. Le vieillissement de la population se fait sentir plus rapidement dans ces régions que dans les villes. Ainsi, bon nombre des décisions en matière d'immigration ont été prises pour pallier le manque d'investissement que nous constatons dans la fabrication de pointe et l'automatisation. On a fait venir des travailleurs dans ces régions pour que les usines qui n'investissent pas dans l'automatisation et qui dépendent encore beaucoup de la main-d'œuvre puissent continuer à produire. Les usines traditionnelles ont pu poursuivre leurs activités grâce à une nouvelle source de main-d'œuvre qui a remplacé la main-d'oeuvre canadienne plus jeune qui était partie.
Les défis relatifs au système d'enseignement postsecondaire en Ontario sont différents des défis en matière de main-d'oeuvre auxquels nous sommes confrontés, par exemple, dans la région de l'Atlantique. En Ontario, je ne sais pas si l'on envisage d'avoir recours au plus grand nombre de préposés aux bénéficiaires qui auront fait des études collégiales pour résoudre certains problèmes dans le domaine de la santé, comme dans le Canada atlantique. Dans notre région, grâce aux liens directs que nous avons avec le système collégial, nous envisageons des programmes qui produiraient des diplômés susceptibles de travailler, par exemple, dans le secteur des soins de santé. Ainsi, on a au moins réfléchi à la façon de trouver du personnel soignant pour aider ceux qui n'ont pas accès aux services dont ils ont besoin. Je le répète, aucune étude n'a été menée au préalable pour savoir si cette mesure fonctionnera. Cette mesure se fonde sur la théorie que l'on formera les gens, qu'il y aura des emplois et que ces gens les accepteront.
Ma réponse est décousue, mais je pense que tout cela a été fait pour remédier à la pénurie de main-d'œuvre. Beaucoup d'employeurs avaient du mal à joindre les deux bouts à cause des marges et des politiques relatives au marché du travail. Si l'on ne peut pas augmenter les salaires, il faut trouver une autre main-d'œuvre pour être en mesure de poursuivre ses activités. Je pense que c'est ce qui s'est passé dans de nombreuses régions.
:
Je remercie le député de la question.
L'économiste Pierre Fortin, que vous avez cité, a tout à fait raison de dire que les universités au Québec ont un problème récurrent de sous-financement. D'ailleurs, l'Université du Québec, pas plus tard que l'an dernier, a déposé un mémoire sur l'enveloppe budgétaire au gouvernement du Québec. Dans ce document, on parlait d'un retard historique de 100 millions de dollars que l'on devait rattraper pour simplement arriver à un financement équivalent à celui des autres universités. Chaque année, toutes les universités accumulent un retard important.
Cela dit, je tiendrais tout de même à rappeler que, pour ce qui est du réseau de l'Université du Québec, on facture environ 21 000 $ par année pour les étudiants internationaux. Pour un étudiant québécois, nous recevons environ 18 000 $ par année. Toutefois, il faut tenir compte des coûts liés aux outils pédagogiques ainsi qu'aux mesures d'accompagnement et d'intégration pour les étudiants internationaux. Il faut défaire un petit peu le mythe de la vache à lait, si je peux dire. Les étudiants internationaux rapportent énormément aux établissements universitaires, du moins dans le cas de l'Université du Québec.
Il est tout de même relativement difficile de répondre à la question visant à savoir ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour améliorer la situation. Je sais que le gouvernement du Québec se penche actuellement sur la question, ce qui ajoute aussi un niveau de complexité. Le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec agissent tous les deux, ce qui fait en sorte que nous nous retrouvons présentement entre les deux, c'est-à-dire entre les mesures du gouvernement fédéral et celles du gouvernement du Québec.
Il est certain que, si on veut améliorer la situation, si on veut garder la situation viable dans les universités, le gouvernement fédéral devrait, au minimum, prendre en considération le contexte québécois et exclure les cycles supérieurs de la mesure de plafonnement.
:
Effectivement, 50 % de nos étudiants internationaux étudient aux cycles supérieurs. Toutefois, selon une donnée qui me semble encore plus révélatrice, 8 000 étudiants internationaux étudient aux cycles supérieurs, ce qui représente 40 % de nos étudiants aux cycles supérieurs, à l'Université du Québec et dans l'ensemble des établissements.
Or, la recherche scientifique dépend de la présence d'étudiants aux cycles supérieurs. Les professeurs travaillent avec ces étudiants. Ce sont eux qui effectuent des travaux de recherche dans les laboratoires, en collaboration avec les professeurs. Tout le système québécois d'innovation et d'avancement des connaissances repose sur la présence d'étudiants internationaux.
Cela est d'autant plus important que, dans certains programmes de l'Université du Québec, par exemple, les professeurs ne sont pas capables de lancer des projets de recherche, parce qu'il n'y a pas assez d'étudiants dans les laboratoires. Si on réduisait de 40 % le nombre de nos étudiants internationaux aux cycles supérieurs, on se retrouverait quand même avec un problème patent sur le plan de l'innovation et de la recherche scientifique dans le milieu universitaire, particulièrement au sein de l'Université du Québec.
La mesure ne dit pas qu'on va couper tout accès aux étudiants internationaux. Toutefois, nous ne savons pas en ce moment ce qui va arriver. Il y a du flottement.
Au nom des membres du Comité, je remercie messieurs Emery, Worswick et Colleret des observations dont ils ont fait part aux membres du Comité. Sur ce, je vous souhaite une excellente fin de journée.
Je remercie également mes collègues d'être restés un peu plus tard aujourd'hui, et, bien sûr, les membres du personnel: les interprètes, le greffier, et l'équipe de soutien technique. Merci beaucoup.
Nous nous reverrons jeudi prochain.