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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 056 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 4 octobre 2023

[Enregistrement électronique]

(1630)

[Traduction]

    Bienvenue à la 56e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche. La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément au Règlement. Les membres sont présents en personne dans la salle ou à distance au moyen de l'application Zoom.
    J'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Ceux qui participent à la réunion par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour activer leur micro. Lorsque vous avez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être en sourdine.
    Pour l'interprétation sur Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Ceux qui sont dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
    Conformément aux motions de régie interne du Comité concernant les tests de connexion des témoins, on m'informe que tout le monde s'est connecté et que des tests ont été effectués.
    Conformément à l'article 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 6 juin 2023, le Comité poursuit son étude sur l'utilisation des subventions, fonds et contributions du gouvernement fédéral en matière de recherche et de développement par les universités et les établissements de recherche canadiens dans le cadre de partenariats avec des entités liées à la République populaire de Chine.
    Nos témoins feront des exposés de cinq minutes. Veuillez surveiller votre temps pour vous assurer de ne pas dépasser cinq minutes. Lorsque vous approcherez de la fin du temps alloué, si vous regardez l'écran, j'essaierai d'attirer votre attention pour accélérer les choses.
    Pour commencer, nous accueillons, par vidéoconférence, Jim Hinton, avocat spécialisé en propriété intellectuelle. Monsieur Hinton, vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous.
    Merci de m'avoir invité à m'entretenir encore une fois avec les membres du Comité. Veuillez m'excuser de ne pas être là en personne avec vous aujourd'hui. J'ai suivi l'excellent travail du Comité et je vous ferai part de quelques observations qui s'appuient sur les commentaires que j'ai formulés plus tôt, en juin.
    Je vais me présenter à l'intention de ceux que je n'ai pas rencontrés. Je suis avocat spécialisé en propriété intellectuelle, agent de brevets et agent de marques de commerce chez Own Innovation. Je suis agrégé supérieur au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, où j'étudie l'innovation et la politique en matière de propriété intellectuelle. Je suis également professeur adjoint à l'Université Western Ontario. Je comparais aujourd'hui devant le Comité à titre personnel.
    Il est clair que les universités canadiennes entretiennent des liens étroits avec des entreprises chinoises, ainsi qu'avec des entités liées à l'armée et au gouvernement chinois. Comme nous le savons, 50 universités canadiennes ont mené des recherches approfondies avec l'armée chinoise depuis 2005, et Huawei s'est associée à plus de 20 établissements de recherche au Canada.
    Même si certaines universités canadiennes ont indiqué qu'elles ne travailleront pas avec Huawei à l'avenir, de nombreux partenariats se poursuivent. En me préparant à la réunion d'aujourd'hui, j'ai découvert que, pas plus tard qu'il y a quelques semaines, de nouvelles demandes de brevets ont été publiées, indiquant que Huawei est le propriétaire et que des chercheurs universitaires canadiens sont les inventeurs, notamment des chercheurs de l'Université de Toronto, de l'Université de la Colombie-Britannique, de l'Université Queen's, de l'Université d'Ottawa, de l'Université McMaster et de l'Université Western. Les dates de dépôt de ces brevets remontent au début de 2022, ce qui signifie que les universités canadiennes sont encore très actives dans la création de la propriété intellectuelle et son transfert à Huawei, et ce malgré les Lignes directrices sur la sécurité nationale pour les partenariats de recherche, publiées en 2021 par ISDE.
    Même si les brevets sont essentiels pour extraire la valeur économique des recherches qui peuvent être publiées, ce n'est que la pointe de l'iceberg. Il n'y a pas seulement les brevets: il y a des renseignements confidentiels sur de nouveaux domaines d'étude. Il y a des données, notamment des données génomiques et des données sur la santé. Il y a des algorithmes, l'intelligence artificielle et des logiciels, mais les universités ne communiquent pas l'information concernant ce qui a été transféré et quelles entités sont visées par ces transferts.
    J'ai déjà formulé trois recommandations claires, et je vais les répéter en ajoutant un contexte supplémentaire.
    La première porte sur la transparence. Nous devons savoir qui travaille avec les établissements de recherche canadiens et dans quelle mesure ils en bénéficient. Nous ne connaissons pas du tout l'ampleur des relations ni leurs répercussions. Cette information doit être rendue disponible de façon continue, et certains aspects doivent être communiqués au public. Où est la reddition de comptes? Qui est responsable?
    Deuxièmement, nous devons nous doter de politiques proactives qui obligent les universités à travailler avec le milieu du renseignement au Canada, afin que nous disposions des renseignements les plus récents et que nous comprenions les enjeux, en vue de gérer les relations de façon proactive dans l'intérêt du Canada. Il ne s'agit pas seulement d'une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux; les universités elles-mêmes doivent vouloir être plus performantes, non seulement pour apaiser les bailleurs de fonds publics, mais aussi pour assurer leur propre pertinence au pays.
    La structure actuelle qui guide le changement, à savoir un groupe de travail composé de représentants d'universités et du gouvernement fédéral, comporte de graves lacunes. Ce groupe est hermétique. Il n'inclut pas des experts du domaine qui comprennent bien la propriété intellectuelle, la sécurité nationale, la souveraineté des données et la protection des renseignements personnels, pour ne nommer que quelques éléments. En outre, ce groupe de travail universitaire et gouvernemental n'inclut pas des représentants d'entreprises canadiennes innovantes. Si nous créons des politiques destinées à gérer uniquement les besoins du gouvernement et des universités, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les entreprises canadiennes novatrices qui commercialisent des technologies soient en mesure de stimuler la valeur économique de la recherche pour le Canada.
    Enfin, nous devons conserver la propriété intellectuelle et les actifs de données stratégiques du Canada. En juin dernier, j'ai affirmé que nous devons cesser de conclure de terribles accords pour nous assurer de ne pas nous retrouver de nouveau avec le même problème, mais d'après ce que j'ai vu jusqu'à maintenant, cela n'a pas eu les répercussions nécessaires.
    Je serai ravi de poursuivre la discussion avec vous.
(1635)
    Nous passons maintenant à Ivana Karaskova.
    Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je représente l'Association for International Affairs, un important groupe de réflexion de la République tchèque. Nous nous concentrons sur l'examen des activités de la République populaire de Chine en Europe centrale et orientale, notamment dans les domaines de la science, de la technologie et de l'innovation, ou STI. Je suis ici aujourd'hui pour clarifier la position sur la recherche de confiance en Europe et pour décrire certaines mesures prises par l'Union européenne et plusieurs de ses États membres pour améliorer la sécurité de leurs connaissances.
    Votre éminent comité a tout à fait le droit de souligner que les efforts de recherche concertée avec la Chine posent plusieurs problèmes.
    Premièrement, en STI, la Chine se concentre, entre autres, sur l'intelligence artificielle, les technologies quantiques, l'exploration de l'espace lointain, les nouveaux matériaux, la neuroscience et les biotechnologies. Compte tenu des limites de sa production intérieure, malgré ses progrès dans des technologies clés, la Chine continue d'aller chercher ces technologies à l'étranger, en utilisant des moyens légitimes et des moyens en zone grise pour les acquérir.
    Deuxièmement, comme la Chine utilise stratégiquement des technologies étrangères pour renforcer sa propre base technologique et favoriser l'innovation nationale, elle accroît la compétitivité de son industrie et de ses secteurs de recherche par rapport à ses homologues étrangers.
    Troisièmement, la Chine a clairement indiqué que son but ultime est de remplacer les technologies étrangères par des technologies mises au point dans son pays et de dominer dans tous les secteurs clés. Cette ambition se conjugue à un manque de réciprocité pour ce qui est de permettre aux établissements étrangers d'avoir accès à la science, à la technologie et à l'innovation chinoises.
    Enfin, l'acquisition de technologies par la Chine à l'étranger est liée à la modernisation de son armée, car bon nombre de ces technologies ont un double usage. En s'engageant dans la coopération technologique et le transfert avec leurs homologues chinois, les établissements de recherche étrangers peuvent indirectement soutenir la croissance des prouesses militaires chinoises.
    L'Union européenne a graduellement pris conscience de ces problèmes. Hier, la Commission européenne a dévoilé une liste de 10 technologies essentielles, dont quatre sont perçues comme étant plus sensibles: les technologies avancées de semi-conducteurs, les technologies d'intelligence artificielle, les technologies quantiques et les biotechnologies. Ces technologies ont été désignées en fonction de certains critères, à savoir leur nature habilitante et transformatrice, le risque d'une double utilisation civile et militaire et le risque d'une utilisation de ces technologies à des fins de violations des droits de la personne.
    La Commission européenne recommande une évaluation collective des risques d'ici la fin de l'année. Bien que la loi se présente sous la forme d'une recommandation uniquement et que la Chine ne soit pas mentionnée expressément, elle envoie un signal fort indiquant que, compte tenu de la concurrence géopolitique actuelle, l'Union européenne a l'intention d'être un participant actif plutôt que d'être un spectateur.
    Malgré les nouvelles pressions de la Commission européenne, le sentiment d'urgence et l'efficacité des mesures adoptées pour atténuer les risques liés à la collaboration en matière de recherche avec la Chine diffèrent considérablement entre les États membres de l'Union européenne. En Europe centrale et en Europe de l'Est, la sensibilisation à ce problème ne fait que commencer. Nos recherches menées en Europe centrale ont révélé que plus de 800 résultats de recherche ont reçu un financement exclusif de sources chinoises — y compris du Programme des mille talents et de la Commission militaire centrale, un organisme qui supervise l'Armée populaire de libération — et que la coopération n'a cessé de croître. À la lumière du paysage mondial de la recherche interconnectée et de la prévalence des consortiums de projets internationaux, la protection des connaissances dans chaque pays et la collaboration avec les pays alliés revêtent une importance primordiale.
    J'aimerais conclure en formulant cinq recommandations qui pourraient également s'appliquer au contexte canadien.
    Premièrement, il est important de s'attaquer à l'éléphant dans la pièce. La plupart des recommandations et des lignes directrices publiées par divers établissements à l'échelle mondiale adoptent une approche indifférente aux acteurs. Cependant, la portée mondiale et les objectifs ambitieux de la Chine, son programme de plus en plus révisionniste et la nature de son régime politique en font un risque et un problème sans pareil. De plus, cela aiderait les universités à mieux comprendre les enjeux si les recommandations étaient propres à chaque acteur en ce qui concerne la nature des risques et les domaines à protéger.
    Deuxièmement, le fait d'établir des limites à ne pas franchir pourrait donner aux universités et aux centres de recherche des indications plus claires quant aux domaines potentiellement risqués.
    Troisièmement, les mesures ciblant les universités et les centres de recherche doivent être conçues dans le but de les faire participer en tant que partenaires de collaboration. Dans tous les processus, ils devraient être soutenus par les administrations nationales sur les plans financier et juridique.
    Quatrièmement, au lieu de nommer un gestionnaire de la sécurité dans chaque centre de recherche et chaque université, on pourrait créer un point de contact national qui fournirait des conseils et formulerait des recommandations. Un tel système fonctionne déjà aux Pays-Bas, où il aide les universités à faire preuve de diligence raisonnable.
(1640)
    Enfin, l'Europe, le Canada et d'autres pays aux vues similaires devront s'assurer de demeurer concurrentiels. Particulièrement dans le domaine des technologies émergentes, le financement de la recherche doit faire en sorte que les activités les plus prometteuses restent au pays.
    Merci. Je suis reconnaissante au Comité pour l'attention qu'il porte à cette question urgente, et je serai ravie de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre notre dernier témoin de ce groupe, M. Kevin Gamache. Vous disposez de cinq minutes.
    La parole est à vous, monsieur Gamache.
    Je suis vice-chancelier associé et responsable de la sécurité de la recherche pour le Texas A&M University System. Je parlerai des défis uniques liés à la protection des technologies de pointe et au maintien de la sécurité nationale dans le milieu de la recherche universitaire.
    Le Texas A&M University System est l'un des plus importants systèmes d'enseignement supérieur des États-Unis, avec un budget annuel de 7,8 milliards de dollars. Grâce à un réseau national de 11 universités et de 8 organismes d'État, le A&M University System emploie plus de 26 000 professeurs et employés et forme plus de 153 000 étudiants chaque année. Les dépenses en recherche et développement à l'échelle du système dépassent 1,1 milliard de dollars, ce qui stimule considérablement l'économie de notre État.
    L'un des principaux rôles des établissements d'enseignement est la production et la diffusion libres et ouvertes des connaissances. La recherche américaine jette les bases d'une main-d'œuvre diversifiée et motivée et favorise la découverte et l'innovation. La collaboration internationale est essentielle au progrès scientifique et au succès des établissements de recherche aux États-Unis.
    Les universités américaines sont devenues un pôle d'attraction pour les étudiants et les chercheurs du monde entier qui unissent leurs efforts pour résoudre nos problèmes les plus pressants et promouvoir les progrès scientifiques. Malheureusement, notre leadership technologique est menacé par des gouvernements de pays comme la Russie, la Chine, l'Iran et d'autres pays dont les règles en matière d'échange d'information et d'intégrité de la recherche diffèrent des nôtres. Ces gouvernements s'emparent du capital intellectuel, des données de pointe et de l'expertise spécialisée à un rythme sans précédent et mettent en péril notre leadership technologique. Les entités du secteur universitaire doivent travailler en étroite collaboration avec nos partenaires fédéraux pour protéger l'information et la recherche ayant des répercussions sur la sécurité nationale.
    En 2016, le chancelier du A&M University System, John Sharp, a reconnu cette menace croissante et a établi, au sein du A&M University System, le Research Security Office, ou RSO, un bureau de la sécurité de la recherche. Le RSO assure la gestion et la surveillance, dans l'ensemble de notre système, de tous les travaux de recherche classifiés, des programmes non classifiés contrôlés et des travaux de recherche dont l'exportation est contrôlée.
    Détenir une bonne compréhension des collaborateurs constitue l'un des aspects les plus importants de tout programme de sécurité de la recherche. Avec qui collaborons-nous? Qui finance ces collaborateurs? Y a‑t‑il un lien avec un gouvernement étranger? Quels sont les risques pour l'établissement? Ces risques peuvent-ils être atténués? Pour répondre à ces questions, le RSO a mis en place un solide programme de diligence raisonnable dans le cadre duquel tous les chercheurs invités et postdoctoraux provenant des pays préoccupants font l'objet d'un examen. De plus, tous les employés qui participent à nos programmes de recherche les plus sensibles font aussi l'objet d'un examen.
    Nos politiques exigent la divulgation obligatoire de toutes les collaborations à l'étranger et l'approbation des voyages à l'étranger. Nous exerçons une surveillance continue du réseau et nous avons inclus des mots-clés et des signatures dans nos systèmes de prévention de la perte de données axés explicitement sur la détection de l'influence étrangère malveillante dans nos activités de recherche. Nous avons mis à jour les politiques sur les conflits d'intérêts et les engagements à l'échelle du système et nous avons établi des processus d'examen et d'approbation des collaborations et des accords étrangers. Nous avons créé une enclave informatique sécurisée conforme aux directives NIST 800‑171 qui est accessible à tous les membres au sein de notre système afin de protéger nos recherches sensibles financées par le gouvernement fédéral.
    Tout ce travail repose sur une relation solide avec nos partenaires fédéraux, y compris la Defense Counterintelligence and Security Agency, le ministère de la Justice, le Federal Bureau of Investigation et d'autres entités du milieu du renseignement. La collaboration entre les universités et le gouvernement fédéral est essentielle pour faire face aux menaces. Le directeur du FBI, M. Wray, a déclaré que nous ne pouvons pas régler ce problème en procédant à des arrestations. En tant que point de contact unique au sein du système, le RSO interagit quotidiennement avec nos partenaires que sont la DCSA et le FBI. Mon bureau dispose également des autorisations appropriées, des capacités nécessaires d'échange de renseignements et de collaboration ainsi que d'installations sécurisées afin de pouvoir travailler efficacement avec nos partenaires fédéraux.
    Peu après la création du RSO, nous avons mis sur pied le groupe de travail universitaire sur la sécurité et la lutte contre l'exploitation, qui regroupe des professionnels de la recherche universitaire et leurs homologues fédéraux. Ce groupe existe pour tirer parti de l'expertise des universités qui ont fait preuve d'excellence dans les programmes de sécurité de la recherche, afin d'aider à contrer la menace que représentent les adversaires étrangers pour les universités américaines et de mener des activités de sensibilisation à l'échelle internationale en vue d'établir un dialogue mondial et une solide communauté de pratique. Nous collaborons activement, en particulier, avec le U15, le Regroupement des universités de recherche du Canada.
(1645)
    Le premier séminaire de formation sur la sécurité dans le milieu universitaire et la lutte contre l'exploitation a eu lieu en 2017 afin d'offrir aux universités une tribune pour comparer et échanger les pratiques exemplaires de leurs programmes respectifs. Depuis cette première année, le séminaire a pris de l'expansion pour inclure l'ensemble du milieu universitaire et accroître la participation du gouvernement fédéral.
    Tandis que ce séminaire de formation permet aux professionnels de la sécurité dans le milieu universitaire…
    Je suis désolé. Le temps alloué est écoulé. Durant la période des questions, vous aurez l'occasion, je l'espère, de nous faire part de ce que vous étiez sur le point de dire.
    J'aimerais rappeler à tous les témoins qu'ils peuvent toujours présenter un mémoire écrit, une fois leur témoignage terminé, sur toutes les questions qu'ils jugent pertinentes.
    Nous allons commencer notre premier tour de six minutes. La parole est d'abord à Gerald Soroka pour six minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je vais commencer par M. Hinton.
    Si la République populaire de Chine enfreignait la propriété intellectuelle canadienne, connaissez-vous des recours que les personnes touchées pourraient utiliser? Le gouvernement fédéral est‑il en faveur qu'on exerce des recours lorsqu'un autre pays enfreint la propriété intellectuelle canadienne?
    C'est une très bonne question.
    La question est donc de savoir ce qui se passerait si la Chine enfreignait la propriété intellectuelle d'une entreprise canadienne…
(1650)
    C'est exact.
    … ou si une entreprise chinoise faisait une telle chose.
    Il n'y a pas de ressources au pays. L'entreprise serait laissée à elle-même pour gérer cette situation. Je travaille avec des entreprises canadiennes qui doivent continuellement gérer de telles situations.
    En réalité, si une entreprise réalise ses activités manufacturières en Chine, elle se fera copier, alors elle doit éviter de donner des informations à un point tel qu'elle perdrait son avantage économique si elle se faisait copier.
    Il n'y a pas de ressources. Des initiatives s'en viennent, comme le Collectif d'actifs en innovation,ou CAI, le Collectif de brevets et Assistance PI, mais en fait, elles ne visent pas les cas de non-respect de la propriété intellectuelle ou la prévention des copies ou du non-respect de la propriété intellectuelle en Chine.
    Le gouvernement recommande‑t‑il de poursuivre ces entreprises étrangères, ou est‑ce qu'il déconseille de le faire?
    Il n'y a pas de recommandations à cet égard. Il appartient à l'entreprise touchée de déterminer si c'est avantageux pour elle sur le plan financier d'intenter des poursuites. Les systèmes chinois de brevets et de propriété intellectuelle continuent d'évoluer.
    Il y a eu quelques succès, mais il est très difficile de faire respecter la propriété intellectuelle en Chine.
    En ce qui a trait à la collaboration internationale dans le domaine de la recherche ou avec des établissements universitaires, le Canada a‑t‑il des lois pour protéger la propriété intellectuelle?
    Nous avons nos lois nationales. Nous avons la Loi sur les brevets et la Loi sur les marques de commerce. Elles s'appliqueraient aux acteurs internationaux. Donc, si quelqu'un au pays viole la Loi sur les brevets, nous avons ces lois. Elles sont généralement parallèles ou harmonisées aux règles mondiales.
    Vous avez dit que Huawei a un partenariat avec 20 établissements de recherche différents au Canada. Quelles sont les répercussions de ces partenariats en ce qui concerne nos alliés, comme le Groupe des cinq? Qu'en pensent-ils selon vous?
    Ils ne les voient pas vraiment d'un bon œil.
    Il y a déjà plus de cinq ans que les États‑Unis et l'Australie ont banni Huawei de leurs réseaux de télécommunications. Depuis, nous continuons d'alimenter la machine Huawei avec de la propriété intellectuelle, avec des centaines de brevets. Ce n'est pas très avisé du point de vue des affaires. Lorsqu'on ajoute les problèmes de sécurité nationale qui sont décrits, c'est encore plus insensé.
    Nous avons beaucoup de rattrapage à faire. Cela ne devrait pas surprendre qui que ce soit. C'est en mai 2018 que le Globe and Mail a révélé que Huawei achemine systématiquement de la propriété intellectuelle vers l'extérieur du pays. Cela se poursuit.
    Je crois que c'est seulement l'indignation publique qui a amené les universités à ne plus faire ces transactions. Ce n'est pas leur compréhension des conséquences sur l'économie ou la sécurité nationale.
    Vous avez présenté des recommandations, mais je veux savoir quelles mesures sont nécessaires pour montrer à nos alliés que le Canada prend le problème au sérieux. Pouvez-vous également nous donner des conseils à ce sujet?
    Eh bien, il faut passer à l'action. Nous devons joindre le geste à la parole. Lorsque nous disons que nous allons bannir des organisations comme Huawei de notre infrastructure de télécommunications, nous devons également agir en conséquence. Allons-nous financer et encourager les mêmes organisations, à hauteur de dizaines de millions de dollars, pour qu'elles travaillent avec nos universités et prennent la propriété intellectuelle? Nous devons cesser — tout simplement — de faire ce que nous faisons actuellement.
    Comme je l'ai mentionné, j'ai fait une recherche rapide, et on a déposé des demandes de brevet et publié des brevets le 21 septembre 2023 — il y a seulement quelques semaines — dans des institutions avec lesquelles je travaille. J'ai fréquenté l'Université de Toronto. J'enseigne à l'Université Western. J'ai également enseigné à l'Osgoode Hall Law School de l'Université York la dernière session. Je connais bien ces institutions. Elles ne se réorientent pas, ou elles ne le font pas assez rapidement. Nous devons tous le faire et indiquer que nous accordons la priorité à l'activité économique et à la sécurité nationale.
    Je sais que le ministre a comparu ici à propos d'un sujet différent il y a quelques mois et qu'il a dit qu'on allait vraiment prendre des mesures, mais en fait‑on assez? Se traîne‑t‑on tout simplement les pieds, ou permet‑on aux universités d'avoir leurs propres politiques en place?
    Ce qui me préoccupe, c'est que nous pensons que parce que personne ne nous a dit de ne pas le faire, nous pouvons gérer ainsi des milliards de dollars d'activités de recherche financées par le secteur public. C'est l'avenir économique du Canada. C'est Mme Karaskova qui a le mieux résumé la situation, à savoir que les possibilités les plus prometteuses devraient rester au pays. Ce n'est pas le cas. Les universités ne sont pas dirigées comme il se doit. C'est un échec de gouvernance de leur part. C'est également une responsabilité provinciale et fédérale.
    Tout le monde doit agir et dire que nous devons faire mieux et nous réorienter.
(1655)
    En février, le gouvernement a annoncé qu'il allait faire tout cela. On ne répond vraiment pas à la situation aussi rapidement qu'il le faudrait compte tenu de la vitesse à laquelle la technologie évolue, n'est‑ce pas?
    Avec la technologie, la géopolitique continue de changer. Nous le voyons dans différents pays, comme la Chine, la Russie, l'Iran et ainsi de suite. Nous devons adopter une approche très énergique, mais les universités avancent lentement, tout comme le gouvernement.
    C'est la raison pour laquelle j'ai laissé entendre qu'il faut faire participer des experts du domaine, qui agissent rapidement et qui comprennent comment les choses ont résolument changé. Il y a les groupes de témoins que vous avez entendus, mais aussi les innovateurs proprement dits. Les gens sur le terrain qui commercialisent la technologie comprennent comment les choses changent et bougent, surtout lorsqu'il est question de l'intelligence artificielle et des données. Ils doivent être de très proches alliés et une ressource au moment d'établir ces politiques et d'agir rapidement pour les mettre en œuvre.
    On dirait que mon temps est écoulé. Merci.
    Merci beaucoup pour vos questions, monsieur Soroka.
    Monsieur Turnbull, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui pour participer à cette importante étude.
    À ma connaissance, notre gouvernement, contrairement au gouvernement Harper, a pris la sécurité en matière de recherche très au sérieux. En juin 2021, nous avons mis en place le projet pilote de lignes directrices sur la sécurité en matière de recherche. Nous avons créé un mécanisme d'évaluation des demandes par l'entremise du programme Alliance afin de protéger les chercheurs et les établissements du Canada contre des partenariats risqués. Je crois que cela fonctionne. L'année dernière, une série de décisions ont été prises, en partenariat avec Sécurité publique Canada, pour rejeter catégoriquement toutes les demandes impliquant Huawei. Nous savons aussi maintenant que nous travaillons pour élargir la portée de ces lignes directrices afin d'englober les risques associés aux entités militaires.
    De mon point de vue, notre gouvernement a été très clair. Je pense que de nombreux établissements postsecondaires emboîtent le pas ou ont compris le signal. Je ne fais que le mentionner.
    Monsieur Gamache, je veux revenir à vous. Vous avez parlé de l'importance des responsables de la sécurité de la recherche, ou du bureau qui jouait un rôle central selon vous. Je fais remarquer que notre gouvernement s'est engagé, dans le budget de 2022, à financer un centre pour la sécurité de la recherche, qui sera mis sur pied par le ministère de la Sécurité publique, ce que nous verrons sous peu. Ce sera un centre de soutien centralisé pour les chercheurs de partout au pays.
    Pouvez-vous nous donner deux ou trois pratiques exemplaires de votre bureau responsable de la sécurité de la recherche dont nous pourrions tenir compte au moment de mettre sur pied le centre pour la sécurité de la recherche?
    J'aimerais d'abord dire que je suis conscient des progrès réalisés par le gouvernement du Canada, plus particulièrement au cours des deux dernières années. Certains des produits que vous avez élaborés à l'échelle nationale sont très impressionnants, car nous n'avons pas vu le même genre d'activité ici aux États-Unis. En fait, nous avons pris certains des documents que vous avez préparés et nous les avons utilisés comme modèles. Certains de mes collègues dans des universités canadiennes m'ont également vraiment impressionné, en particulier mon collègue de l'Université de Toronto.
    Au bout du compte, je pense que les pratiques exemplaires se résument au programme de diligence raisonnable de l'université. Comme je l'ai mentionné, nous passons beaucoup de temps à essayer de comprendre avec qui nous collaborons afin que notre administration en sache assez pour prendre une décision éclairée et fondée sur le risque. Tout reposera sur la qualité de la diligence raisonnable dont nous faisons preuve par rapport aux différents collaborateurs et projets, et nous consacrons beaucoup de temps à cela.
    Je pense que l'autre chose qui est vraiment importante, c'est qu'en définitive, les universités devront régler le problème. Certaines ont progressé plus que d'autres. Nos efforts ont été très fructueux ici aux États-Unis, surtout grâce à notre programme de sécurité et de lutte contre l'exploitation dans le milieu universitaire et parce que des universités qui ont beaucoup d'expérience en aident d'autres qui n'en ont pas autant.
    En fin de compte, le problème sera réglé grâce à la participation du corps professoral, et nous consacrons donc beaucoup de temps au développement de relations individuelles avec les professeurs, en les aidant à comprendre le risque pour leur capital intellectuel et en les intégrant à l'équipe.
(1700)
    Merci. C'est une excellente réponse, une réponse complète.
    Je vais passer à Mme Karaskova. Vous avez parlé d'une approche indépendante des acteurs ainsi que des risques et des défis, et vous avez mentionné une approche axée sur les acteurs. Je voulais confirmer auprès de vous que vous ne préconisez pas, sauf erreur de ma part, d'interdire totalement la recherche avec certains pays.
    Est‑ce bien le cas, ou ai‑je mal compris vos propos?
    Non, pas du tout. Je me suis probablement mal exprimée.
    Le problème ici, c'est que lorsque nous avons des recommandations qui ne tiennent pas compte des acteurs, la plupart des universités ne les comprennent tout simplement pas. Vous parlez de certains pays, de certains risques et de certains acteurs non démocratiques, et la réponse initiale des universités et des centres de recherche est: « De qui s'agit‑il et que devons-nous protéger exactement? »
    Lorsqu'on ne peut pas axer la discussion sur la Chine — et la plupart du temps, c'est l'acteur concerné —, nous prétendons alors qu'il n'est pas question de ce pays. La plupart du temps, lorsqu'il s'agit vraiment de la Chine, nous devons dire que la Chine cible 15 technologies clés, et elle ne se gêne pas. C'est essentiellement dans tous les documents. Toutes les technologies inscrites aux fins d'importation sont là. Il n'est pas seulement question de l'informatique quantique; la Chine cherche à obtenir une technologie quantique précise.
    Je pense que nous devons probablement opter pour une approche équilibrée et indépendante des acteurs dans laquelle nous parlons des risques, peu importe le type d'acteur qui en est à l'origine, mais aussi des risques en matière d'emploi qui sont précisément attribuables à la Chine en tant qu'acteur aux caractéristiques uniques au sein du système des sciences, de la technologie et de l'innovation.
    Non, je ne prône pas l'examen de toutes les collaborations avec la Chine, pour la simple raison que dans certains domaines, comme celui de l'intelligence artificielle, nous sommes perdants. Pour avoir accès aux données de la Chine, nous devons procéder de façon plus intelligente quant à la manière d'obtenir ces données et de collaborer avec elle, mais selon nos conditions, pour être certains que la recherche est protégée de notre côté.
    Merci pour ces explications.
    Je rappelle à certains des nouveaux membres de notre comité que je n'aime pas interrompre qui que ce soit, surtout des témoins, lorsque j'assume les fonctions de président. J'accorde donc une petite marge de manœuvre, mais je vais interrompre les membres du Comité s'ils abusent intentionnellement de ma générosité.
    Nous passons au prochain député, à Maxime Blanchette-Joncas du Bloc, pour six minutes.

[Français]

    Je salue les témoins qui se joignent à nous pour cette étude.
    Madame Karaskova, vous avez présenté des recommandations à l'Union européenne et aux pays européens, dont celle de créer un point de contact national indépendant qui fournirait des conseils aux établissements de recherche et qui pourrait proposer des formations.
    Vous avez mentionné également que les Pays‑Bas avaient mis en place une telle structure. Pouvez-vous expliquer plus en détail comment cela s'est passé, quelles améliorations ont pu être apportées à la sécurité de leur recherche et quels bénéfices on a pu tirer de ces démarches?

[Traduction]

    Certainement.
    Le système est relativement nouveau — il a été mis sur pied il y a deux ou trois mois —, et on recueille donc encore les données primaires. Cependant, il y a manifestement un apprentissage qui se fait. Les premières questions posées par des universitaires et d'autres établissements d'enseignement supérieur étaient plutôt élémentaires. Comme il y a une courbe d'apprentissage, on pose maintenant des questions très précises, surtout à propos de la diligence raisonnable dans des dossiers très précis.
    Ce système diffère d'autres systèmes puisque dans certains pays, comme en République tchèque, nous avons décidé de nommer un gestionnaire de la sécurité dans chaque université, ce qui coûte cher.
    Les Pays-Bas ont opté pour l'autre solution. Ils ont créé un seul point de contact national qui relève du gouvernement. Il y a un lien vers tous les ministères qui pourraient être touchés. De plus, il y a un lien direct avec les services de sécurité. À cet égard, si un particulier ou un établissement a une question, on peut essentiellement parvenir à une réponse, y compris une réponse des services de sécurité, pour savoir si l'idée est bonne ou non. Ce qui pose problème ici, c'est qu'on est encore libre de donner suite ou non aux recommandations du point de contact national, ce qui signifie que l'université peut décider, malgré tous les obstacles, de donner suite à la collaboration.
(1705)

[Français]

    Merci, madame Karaskova.
    Effectivement, comme vous l'avez mentionné, si un point de contact national est implanté, comme c'est le cas aux Pays‑Bas, c'est fait par les universités sur une base volontaire.
    L'Australie, quant à elle, demande automatiquement que toute collaboration avec des pays étrangers soit rapportée directement au gouvernement. Quel est votre avis là-dessus?

[Traduction]

    Je ne sais pas si ma réponse sera adéquate, car je ne connais pas bien le système australien. Cela dit, je pense que c'est probablement impossible compte tenu de l'ampleur de la collaboration, surtout lorsqu'il s'agit de certains pays technologiquement avancés, disons, dans ces 15 domaines essentiels. L'obligation de faire rapport au gouvernement de chaque collaboration en matière de recherche semble essentiellement être une mesure disproportionnée.
    Une meilleure façon de procéder consisterait probablement à mettre l'accent sur ces joyaux qui devraient être protégés. Une fois de plus, la question est toutefois la suivante: qui définit les joyaux? Ici, nous portons souvent atteinte à l'autonomie des universités. Tous les systèmes doivent trouver un équilibre entre les besoins des universités et la protection de la liberté universitaire et les besoins en matière de sécurité nationale. C'est une question très délicate.

[Français]

    Merci beaucoup.
    En 2016, vous avez lancé deux projets, soit MapInfluenCE et China Observers in Central and Eastern Europe, qui se concentrent notamment sur l'étude de l'influence de la Chine en Europe centrale.
    Comment l'influence chinoise a-t-elle évolué dans cette région au cours des dernières années, selon vous?

[Traduction]

    C'est ma question préférée. Merci beaucoup. Je pourrais en parler pendant des heures.
    Très brièvement, la Chine est entrée en Europe centrale et orientale dans le contexte de l'initiative 16+1 en 2012, et au cours des 10 ou 11 années qui ont suivi, nous l'avons vue devenir beaucoup plus douée pour influencer la réponse de la société.
    Au début, elle a tout simplement tendu la main au parti au pouvoir; puis aux partis d'opposition, puis aux leaders d'opinion; puis aux journalistes, par exemple; puis aux universitaires; et maintenant au grand public. Nous voyons donc la Chine nouer des liens avec toutes les couches de la société.
    Ce qui est probablement le plus inquiétant, c'est qu'on ne se contente plus de transmettre à la population locale les nouvelles positives sur la Chine, pour la présenter comme un pays formidable. On ne cherche plus tout simplement à répandre une soi-disant « énergie positive ». On déploie maintenant activement des efforts avec les forces antigouvernementales, les partis politiques marginaux, l'extrême droite et l'extrême gauche. C'est ce que nous avons vu la Russie faire dans notre région depuis un certain temps, et je vois donc aussi que ces pays apprennent l'un de l'autre. Dans ce cas‑ci, la Chine apprend de la Russie comment accroître son influence.

[Français]

    Merci, madame Karaskova.
    Comme il me reste peu de temps de parole, j'aimerais que vous me répondiez en allant droit au but.
    Selon vous, les universités et les autres établissements d'enseignement portent-ils une plus grande attention aux questions liées à la sécurité de la recherche et à la propriété intellectuelle?

[Traduction]

    Je veux juste m'assurer de comprendre la question. Me demandez-vous si les universités prennent des mesures pour contrer l'influence exercée?
    Oui, c'est ce que vous demandez.
    Cela dépend des pays. Dans ma région, l'Europe centrale et orientale, je dirais que la République tchèque est une cheffe de file à cet égard, mais on n'est passé à l'action qu'après un énorme scandale dans une de nos plus vieilles et prestigieuses universités. Certaines activités de cette université étaient financées par l'ambassade chinoise ici à Prague, y compris des cours sur les nouvelles routes de la soie et le profilage d'étudiants qui ont ensuite été invités en Chine dans le cadre de voyages entièrement financés. Après le scandale, le pays a commencé à s'engager dans la bonne direction, mais très lentement, je dirais.
(1710)
    Merci beaucoup pour ces explications.
    Maintenant, pour la dernière série de questions, nous avons Gord Johns du NPD. Vous avez la parole, monsieur Johns, pour six minutes.
    Je vais commencer par M. Gamache.
    Au nom de l'Alliance Canada Hong Kong, Benjamin Fung a comparu devant le Comité le 20 septembre 2023, et il a dit que la stratégie de recrutement de la Chine consiste à « nourrir, piéger, tuer ». Elle attire ses proies en faisant des offres généreuses puis en faisant des demandes déraisonnables, comme « transférer des droits de propriété intellectuelle, obtenir des données sensibles ou faire de fausses affirmations. »
    Monsieur Gamache, pouvez-vous dire dans quelle mesure vous connaissez cette stratégie et peut-être comment nous pouvons combattre ce genre de stratégies de recrutement? Dans la négative, les chercheurs sont-ils suffisamment au courant de ce genre de menace? Comment pouvons-nous les sensibiliser davantage?
    Je tiens à dire que d'après mon expérience, il y a beaucoup de naïveté au sein du corps professoral. J'ai vu de nombreux cas, en particulier aux États-Unis, où des sommes considérables sont utilisées pour attirer la recherche en Chine.
    Je n'ai pas vu l'élément « tuer » de l'analogie, mais je vois encore partout des efforts de recrutement très délibérés, en particulier dans les domaines des sciences pures, du génie et de l'agriculture.
    Comment pouvons-nous lutter contre ce genre de stratégies de recrutement? Comment pouvons-nous accroître la sensibilisation?
    Une fois de plus, je pense que nos partenaires fédéraux doivent participer, tout comme notre bureau pour la sécurité de la recherche et le corps professoral. C'est un problème pour lequel des efforts de sensibilisation accrus se font grandement attendre, et à cet égard, je pense que nous ne faisons que percer la surface en ce moment.
    Devrions-nous établir une liste des organisations que les établissements canadiens de recherche devraient éviter pour former des partenariats? Nous pourrions cesser le soutien financier fédéral pour ces partenariats. Pensez-vous que ce serait une bonne approche? Devrions-nous publier une liste ou en transmettre une aux universités, pour indiquer les organisations qui risquent d'adopter des stratégies de dissimulation?
    L'adoption de stratégies de dissimulation est très certainement un problème. On se retrouve à jouer au chat et à la souris.
    Aux États-Unis, il existe diverses listes semblables à ce que vous décrivez. Nous avons consolidé ces listes au sein du A&M University System. C'est un outil qui fait partie intégrante de notre processus de diligence raisonnable. Les listes de ce genre peuvent mener à la dissimulation, mais elles sont également très utiles pour guider les chercheurs vers les relations appropriées.
    Qu'est‑ce qui est préférable, selon vous: une approche centrée sur la Chine ou une approche plus large qui consiste à se tenir au courant de toutes les différentes menaces?
    Je pense que l'approche la plus efficace consiste à mettre l'accent sur le comportement. À mon avis, lorsque vous faites cela, un pays finira par ressortir. En réalité, je pense que nous devons nous concentrer sur les comportements qui compromettent réellement les relations de recherche.
    Madame Karaskova, dans votre rapport sur les relations de recherche dignes de confiance intitulé « How to Do Trusted Research », vous décrivez les résultats d'un questionnaire en ligne sur les expériences des chercheurs qui ont été financés au moins en partie par la Chine. Je cite:
L'enquête a révélé que ces chercheurs n'ont fait état d'aucune expérience négative dans le cadre de la coopération avec la Chine, ce qui est également en corrélation avec la perception positive du financement chinois. Il n'est donc pas surprenant que la coopération en matière de recherche avec des homologues chinois n'ait pas été perçue comme un risque par 65 % des personnes interrogées qui ont répondu aux questionnaires.
    Vous dites également ceci:
Les répondants ont principalement souligné l'importance de l'expérience positive antérieure avec un partenaire chinois ainsi que les contacts personnels établis ou l'expérience acquise en Chine. Ils ont également souligné que ce sont principalement les partenaires chinois qui ont amorcé la coopération en matière de recherche.
    Est‑ce là le principal problème, à savoir que nos chercheurs ne sont pas conscients de la menace que représente la Chine? Comment pouvons-nous changer cette perception?
(1715)
    Ce n'est pas qu'un problème parmi d'autres; je pense que tout commence chez nous.
    Ce que les chercheurs disent en fait, c'est qu'ils ont un accès rapide à l'argent, au financement, alors que dans l'Union européenne, ils doivent constamment faire des demandes de subventions, sans savoir s'ils en obtiendront une. En Chine, c'est relativement facile. Les formalités administratives sont encore plus simples. L'une des raisons est donc que le processus de demande de subventions scientifiques a été excessivement alourdi, ce qui a pour effet de décourager les chercheurs de présenter une demande ou de les pousser à préférer les subventions de la Chine à d'autres sources de financement.
    Deuxièmement, la Chine dispose de toutes les infrastructures. Ils disent que c'est facile. C'est pratique. Ils peuvent obtenir très rapidement tout ce dont ils ont besoin.
    Troisièmement, l'une des raisons invoquées est qu'ils n'ont pas à s'occuper de questions éthiques ou de normes éthiques dans le domaine de la science en Chine. Ils ont dissimulé cela, mais je le dis sans détour. S'ils veulent coopérer avec des partenaires chinois, ils obtiendront des résultats très rapides sans avoir à consulter des comités d'éthique pour divers types d'expériences. Ce sont des éléments qui rendent la Chine attrayante pour différentes collaborations.
    Le dernier point, et non le moindre, c'est qu'il y a aussi beaucoup de naïveté, comme l'a dit M. Gamache. Les chercheurs se concentrent sur leur seul domaine scientifique, qu'il s'agisse de physique expérimentale ou... Ils ne voient pas toutes les incidences géopolitiques. Une fois de plus, nous devrons travailler individuellement, pas nécessairement avec les directeurs, les vice-directeurs et les doyens, mais avec les chefs de laboratoire et les chercheurs, afin de les sensibiliser et, peut-être, d'associer la carotte et le bâton. Il ne suffit pas de créer des conditions égales pour l'accès au financement; il faut aussi leur faire comprendre que la coopération avec la Chine peut parfois avoir des conséquences.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à notre tour de cinq minutes, et c'est M. Soroka, député conservateur, qui a la parole.
    Monsieur Soroka, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président, et merci encore aux témoins.
    Je commencerai par Mme Karaskova.
    Dans bon nombre de vos articles et même aujourd'hui, vous avez parlé de la coopération économique entre l'Europe et la République populaire de Chine. Je suis curieux, cependant. Étant donné l'influence politique que la République populaire de Chine exerce au Canada par l'intermédiaire de notre économie, et maintenant de nos établissements universitaires, et peut-être même de notre système électoral, que pensez-vous qu'il soit possible de faire pour mettre un terme à cette influence intensive de la RPC sur la société canadienne?
    C'est une question très vaste, et je vais essayer d'y répondre dans les quelques minutes qui me sont imparties.
    En gros, une fois de plus, nous devons appeler un chat un chat. Ne vous contentez pas de faire des déclarations très vagues pour masquer les choses, mais soyez plus ouverts sur ce qui pose réellement problème dans l'influence ou l'ingérence de la Chine. Je fais ici un peu allusion à ce que vous avez mentionné, à savoir l'ingérence dans nos systèmes électoraux. Comme M. Hinton l'a mentionné, une plus grande transparence serait probablement bénéfique à cet égard. C'est la première chose.
    La deuxième, bien sûr — la deuxième étape —, c'est la sensibilisation, fondée sur une plus grande transparence de notre part.
    La troisième consiste à repérer les failles que nous avons dans le système. Ce n'est pas la Chine, l'autre acteur, qui crée les failles. Ces failles existent déjà dans nos sociétés, soit en raison des divisions sociétales, soit en raison de l'absence de mesures législatives concernant différentes failles dans différents domaines.
    Si vous souhaitez en dire davantage par écrit, j'en serais ravi.
    Vous avez mentionné que les gouvernements européens commencent à mettre en place des politiques. Pensez-vous que certaines de ces politiques pourraient être utiles au Canada en même temps?
    Je pense que cela va plus ou moins dans le même sens. Les approches peuvent varier, mais il est possible qu'elles reviennent à cette recommandation de la Commission européenne. Une forme différente de mesures législatives aurait sans doute eu plus de poids. Elle va en fait dans le même sens et décrit les mêmes domaines qui doivent être abordés, à savoir les semi-conducteurs, l'intelligence artificielle, la technologie quantique, la biotechnologie et tous les autres.
    J'ajouterais à cela qu'aucun des pays alliés ne devrait être exclu, car nos recherches ont également démontré que si la Chine ne peut pas trouver la technologie dans un pays plus avancé sur le plan technologique, elle se concentrera sur les brèches. Elle trouvera des pays qui possèdent des foyers d'excellence dans différents domaines de recherche, mais qui n'ont probablement pas beaucoup de garanties.
(1720)
    Ils sont simplement à la recherche de possibilités de taille.
    Je cède le temps qu'il me reste à M. Lobb.
    Merci, monsieur Soroka.
    Ma question s'adresse à M. Hinton.
    Lors de notre dernière réunion, M. Chad Gaffield était présent comme représentant du groupe U15, le Regroupement des universités de recherche du Canada. Je suis sûr que vous le connaissez bien. C'est un homme sympathique.
    Je lui ai posé des questions, et il m'a dit qu'il pensait que nous pouvions tous avoir la certitude que les recherches menées sur nos campus l'étaient dans des conditions de sécurité telles qu'elles ne représentaient pas une menace pour nous.
    Monsieur Hinton, pensez-vous que c'est le cas? Est‑ce qu'il y a encore des améliorations à apporter?
    Je dirais que c'était une réponse très intéressante, sans vouloir manquer de respect aux lobbyistes qui ont comparu devant ce comité — et j'ai suivi les témoignages très attentivement.
    Il ne s'en fait pas assez. De mon point de vue et du point de vue du public, les universités du groupe U15 au Canada ont été prises la main dans le sac, à s'enrichir aux dépens de la sécurité nationale, et ont ensuite eu le culot de demander plus d'argent, en disant qu'elles n'en recevaient pas assez.
    Je ne suis pas impressionné par les déclarations du groupe. Ils auraient sans doute mieux fait de reconnaître qu'il y a eu une erreur et de dire qu'ils vont la corriger. S'ils disent que tout va bien, pour moi, cela signifie qu'il y a toujours une défaillance dans la gouvernance et le leadership.
    J'ai une dernière question sur un point qui m'a un peu surpris. À la fin de notre échange, j'ai eu comme réponse que nous devrions nous en remettre aux organismes subventionnaires et à Sécurité publique Canada, mais qu'il n'y a pas vraiment de freins et de contrepoids. Tout repose sur de bons espoirs.
    Qu'en pensez-vous?
    Bien qu'ils soient des universitaires de renommée mondiale, ils continuent de confondre la science et la recherche avec l'innovation. L'innovation concerne l'utilisation économique de la science et de la recherche, et ce ne sont pas les universités qui extraient la valeur économique de la recherche. Ce sont les entreprises qui le font.
    Ils parlent beaucoup de talents et de création de talents, mais ce n'est que le point de départ. Il faut qu'il y ait des organisations et des entreprises qui accueillent ces talents, génèrent la propriété intellectuelle, la commercialisent et gagnent de l'argent à l'échelle mondiale à partir de là. Il n'est pas exact de dire que tout fonctionne.
    Merci infiniment.
    Nous passons maintenant à la députée libérale Valerie Bradford, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins d'avoir bien voulu consacrer du temps à cette étude très importante. Nous vous savons gré de votre contribution.
    La sécurité de la recherche est manifestement un enjeu très grave qu'il faut traiter. Cependant, j'ai entendu parler d'inquiétudes et de cas où se sont manifestés racisme, discrimination et préjugés à l'égard de chercheurs d'origine chinoise, à la suite de commentaires exprimés avec véhémence sur la question.
    Monsieur Gamache, quels sont les effets de cela sur la communauté des chercheurs?
    Il est certain que cela peut poser problème.
    Malheureusement, d'après ce que j'ai vu, le comportement dont nous parlons aujourd'hui est davantage le fait d'un pays que de tout autre, et les gens saisissent cette occasion d'en faire une question de racisme ou de xénophobie. Cela peut avoir un effet dissuasif, et je pense que cela a été le cas, mais encore une fois, je pense que c'est une raison de plus pour nous concentrer sur le comportement plutôt que sur les pays, car il s'agit d'un problème très sérieux.
    Selon les constatations de nos recherches dans l'ensemble du A&M University System, en 2021, 80 % des collaborations problématiques provenaient d'un seul pays. Ce sont simplement des faits statistiques. Pour cette raison, je pense qu'il est facile de faire de ce problème quelque chose qu'il n'est pas, et nous devons nous concentrer sur le comportement.
(1725)
    Je vous remercie.
    Pouvez-vous nous parler du tort que cela pourrait causer si la question devait être abordée de manière inappropriée? Par exemple, des gens demandent l'interdiction totale de toute recherche avec la Chine et de toute collaboration avec des chercheurs chinois.
    Je pense que l'entreprise de recherche est une chose très particulière. Ce n'est pas pour rien qu'elle est conçue de cette manière. Elle repose sur une collaboration libre et ouverte et sur l'échange d'idées. Elle se fonde sur la réciprocité, ainsi que sur la transparence.
    Je crains que nous ayons un adversaire qui s'est emparé de tous les points forts de notre entreprise de recherche et en a fait un point faible. Nous courons le risque, si nous ne gérons pas cela correctement, de casser un système qui est très important pour nous, et c'est ce que je crains le plus.
    En outre, si on ne traite pas correctement ces questions délicates, on risque de ruiner des carrières et d'en faire une question de xénophobie là où il n'y a pas de xénophobie.
    Une fois de plus, je pense que nous devons faire preuve d'une grande prudence dans la recherche de solutions à ces problèmes.
    Merci.
    Madame Karaskova, vous avez parlé de 10 technologies essentielles qui sont habilitantes et transformatrices, ainsi que du risque d'une mauvaise utilisation de ces technologies.
    Qu'en est‑il des entités évolutives et d'une liste de domaines de recherche délicats qui pourraient s'inspirer des travaux menés par la Commission européenne? Avez-vous des idées à ce sujet?
    Non, pas particulièrement, et je m'en excuse. Ce n'est pas mon domaine de spécialité.
    Pourriez-vous reformuler votre question? Sinon, je vais céder mon temps de parole à d'autres, s'ils veulent faire des commentaires.
    D'accord. Je me demandais simplement s'il serait utile d'établir une liste des entités évolutives, le cas échéant, afin d'éclairer certains travaux menés par la Commission européenne. Avez-vous une idée à ce sujet?
    Je suis désolée. Je n'ai pas d'avis sur cette question, mais je serais ravie d'apporter des précisions dans mon témoignage écrit.
    D'accord.
    Je pense que mon temps de parole est pratiquement écoulé.
    Si vous voulez réfléchir un peu plus à cette question et vous documenter, pourriez-vous nous envoyer quelque chose par écrit? Je vous remercie.
    Je vais le faire.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à nos derniers tours de deux minutes et demie.
    Pour le Bloc, nous avons M. Blanchette-Joncas. Vous disposez de deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Hinton, c'est un plaisir renouvelé de vous recevoir comme témoin aujourd'hui.
    J'ai bien entendu vos recommandations. Vous souhaitez notamment voir une plus grande transparence ainsi qu'une meilleure relation avec les universités pour accroître la confiance, la sécurité, les échanges et la collaboration. De plus, en matière d'éducation, vous avez parlé des moyens de protéger l'économie du savoir pour y gagner.
    Vous avez également mentionné un élément très important, soit le leadership, c'est‑à‑dire le fait de rassembler les experts pour avoir les meilleures pratiques, les meilleures façons de faire et, surtout, des directives assez claires quant à la sécurité nationale de la recherche.
    En février dernier, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il allait demander aux universités de respecter une liste d'établissements qui ne pourraient plus recevoir de financement et avec lesquels on ne devrait plus collaborer. Cela a été annoncé en février. Mes collègues et moi avons posé des questions aux témoins lors de la dernière étude en comité. Nous sommes en octobre et il n'y a toujours pas de liste.
    J'aimerais connaître votre opinion à ce propos, vous qui êtes professeur d'université. Est‑ce que cela compromet des collaborations que vous entendez avoir dans le secteur universitaire?

[Traduction]

    Oui. Ne pas avoir de lignes directrices et de listes claires pour aider les chercheurs à savoir avec qui travailler et avec qui ne pas travailler ralentit vraiment les choses et entrave les possibilités de faire de la recherche.
    Nous devons agir rapidement dans ce domaine. Comme M. Gamache l'a fait remarquer à juste titre, il y a des listes et des endroits où commencer. Nous sommes en retard, mais beaucoup d'autres ont déjà lancé le bal et nous pouvons nous joindre à eux et continuer. Nous n'avons pas besoin de partir de zéro.
(1730)

[Français]

    Merci, monsieur Hinton.
    Certaines provinces n'ont pas attendu les directives du gouvernement fédéral et ont décidé d'agir pour mettre en place leurs propres directives dans leurs établissements universitaires.
    Selon votre expérience comme professeur, la situation deviendra-t-elle critique à tel point que les universités devront prendre en main leur autonomie et assurer leur propre sécurité, si elles n'ont pas de directives du gouvernement fédéral?

[Traduction]

    Oui. Nous avons l'exemple particulier de l'Alberta, et le Québec, comme vous le savez, dispose d'Axelys et d'autres programmes qui travaillent en étroite collaboration avec les universités.
    C'est en grande partie une affaire provinciale, et les provinces doivent donc agir, mais c'est aussi une affaire fédérale, provinciale et universitaire. Tout le monde doit assumer ses responsabilités. Il est de ma responsabilité, en tant que témoin de ce qui se passe, de ne pas rester sans rien dire.
    C'est uniquement grâce à Sean Silcoff, à Christine Dobby et aux autres journalistes du Globe and Mail, comme Bob Fife et Steve Chase, qui se sont intéressés à cette histoire en mai 2018 et avant. Ils ont vu qu'il se passait beaucoup de choses et ont demandé pourquoi 13 universités canadiennes retiraient systématiquement la propriété intellectuelle des universités alors qu'au même moment, plus tard dans l'année, les deux Michaels étaient détenus pour ce qui allait dépasser les 1 019 jours.
    C'est une chose dont nous devons être très conscients, et le succès de cela repose en grande partie sur les provinces.
    Nous passons maintenant à notre dernier tour de deux minutes et demie. La parole est au député néo-démocrate, M. Johns.
    Je vous remercie. Je vais poursuivre dans la même veine, avec M. Hinton.
    Nous avons entendu des témoins dire que nous devons être sur nos gardes non seulement face à la Chine, mais aussi face à de nombreux pays. Pour ce qui est de la meilleure façon d'assurer la sécurité de la propriété intellectuelle, nous avons dit qu'il ne suffit pas de réduire le nombre d'entités interdites — mon collègue vient de poser une question à ce sujet. Il faut aussi que les chercheurs reçoivent une formation sur la façon de repérer les menaces à la sécurité.
    Monsieur Hinton, pouvez-vous nous en parler? Qui doit prendre l'initiative de veiller à ce que cette formation soit dispensée?
    Il existe un excellent programme, appelé Propriété intellectuelle Ontario, qui a été mis en place assez récemment, il y a environ un an. Il s'agit d'un programme de collaboration. Mon ami Peter Cowan dirige cette initiative. Sur le plan de la propriété intellectuelle, il s'efforce d'améliorer les connaissances en matière de propriété intellectuelle dans toute la province, tant au sein des entreprises que dans les universités.
    Une démarche semblable consisterait à développer des programmes en s'inspirant des meilleures pratiques à l'échelle mondiale. Nous avons ici de grands experts. Il s'agit de s'inspirer de ces pratiques, de les adapter au Canada et de les déployer.
    En réalité, je pense qu'il faut que les gouvernements fédéral et provinciaux travaillent en collaboration, ainsi que les universités. Ces dernières font de l'éducation mieux que quiconque dans le pays. Quoi de mieux, donc, que la contribution des établissements eux-mêmes à l'élaboration des programmes d'éducation, puisqu'ils ont besoin d'en apprendre davantage et d'être mieux sensibilisés aux problèmes?
    Pouvons-nous revenir à la recommandation présentée par le Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine dans son rapport sur la menace pour la souveraineté canadienne? Elle se lit comme suit:
Que le gouvernement du Canada envisage de délivrer des attestations de sécurité à des personnes clés du secteur à but non lucratif, du secteur privé, du milieu universitaire et des établissements de recherche afin de leur permettre de recevoir des séances d'information approfondies des services nationaux de renseignement et de sécurité, et ainsi de prendre les mesures nécessaires pour protéger leur propriété intellectuelle.
    Monsieur Hinton, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cette recommandation?
    Connaissant le SCRS et l'excellent travail qu'il fait, je sais que de nos jours beaucoup d'informations circulent dans une direction. Le SCRS conserve les renseignements et les preuves qu'il collecte. Certains renseignements devraient circuler dans l'autre sens et être partagés, en indiquant la façon de les interpréter, comme M. Gamache l'a souligné. Il faut faire connaître les comportements qui nécessitent une vigilance et la façon de gérer ces comportements.
    En fait, beaucoup d'institutions avec lesquelles je travaille ont une politique selon laquelle la propriété intellectuelle appartient à l'inventeur. Les chercheurs sont souvent laissés à eux-mêmes. Il s'agit de le reconnaître et de mettre en place des ressources de programmation pour initier cela.
    Nous terminons notre série de questions. Je vais toutefois me prévaloir du privilège de la présidence et poser une question à M. Hinton.
    Vous avez parlé de Huawei et de la PI qui a été déposée et payée par les contribuables. J'aimerais juste confirmer la séquence des événements. Nous savons que les deux Michaels ont été arrêtés, je crois, à la fin de 2018. Vous dites que quatre ans plus tard, la propriété intellectuelle, financée par les contribuables, a été enregistrée et que tous les profits ou la protection de ce brevet seraient à l'avantage de la Chine, aux frais des contribuables canadiens. Est‑ce exact?
(1735)
    D'après ce que je comprends, c'est tout à fait exact. J'ai devant moi aujourd'hui un brevet qui a été publié en septembre 2023. On y mentionne Huawei Technologies Canada et le conseil directeur de l'Université de Toronto. J'en ai mentionné d'autres. Il y a d'autres exemples. Dans bien des cas — et probablement dans ce cas précis —, tous les droits commerciaux de la PI inventée et financée par des universitaires canadiens, du moins en partie, sont la propriété exclusive de Huawei.
    Si une entreprise canadienne voulait utiliser cette invention, payée par les contribuables canadiens, émanant de l'Université de Toronto ou des 19 autres établissements de recherche, il lui serait légalement interdit de le faire en raison de ce brevet. Nous avons créé une propriété et l'avons donnée à Huawei, qui nous a poursuivis pour nous empêcher de l'utiliser... et ce n'est que la pointe de l'iceberg.
    Juste pour que ce soit clair par rapport à cette technologie, il est horrible de penser que les contribuables canadiens ont payé pour cela et que les avantages sortiront du pays.
    J'ai une question complémentaire. Évidemment, on parle de Huawei, donc de communications. C'est une technologie qui pourrait être utilisée contre nous. Je suppose que les avantages pour leur pays ne sont pas uniquement d'ordre financier, mais que cela pourrait aussi servir à des fins d'espionnage et d'autres usages discutables. Ai‑je raison?
    Oui, et c'est lié à la 5G, une technologie que nous devons utiliser. Prenons mon téléphone cellulaire, que j'ai ici; il fonctionne avec la 5G. Pour utiliser cette propriété — après l'avoir payée, en tant que contribuable canadien, je le rappelle —, je paie des redevances au titre de cette licence d'exploitation de brevet sur les brevets essentiels au respect des normes. C'est un problème.
    À cela s'ajoute l'intelligence artificielle — et certaines de ces technologies y sont liées —, qui peut évidemment être utilisée à des fins malveillantes. Il y a des brevets publiés pour le profilage automatique des minorités ethniques. On parle de choses très problématiques. Plus vite on parvient à comprendre le profil racial d'une personne à partir d'une image d'une caméra de rue, plus cela peut être utilisé à des fins malveillantes...
    Monsieur le président, nous perdons beaucoup de temps pour l'étude suivante. Si c'était la même étude, je ne serais peut-être pas...
    Nous y arrivons.
    Je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui. Je m'excuse de vous avoir interrompus. Chers collègues, je tiens à rappeler que nous aimons entendre l'entièreté des témoignages et que je suis réticent à interrompre les députés, sauf s'ils essaient de déjouer le système pour avoir plus de temps.
    C'est là‑dessus que se termine cette partie. Merci encore une fois. Nous allons suspendre la séance afin de permettre au prochain groupe de témoins de prendre place.
    Merci beaucoup.
(1735)

(1740)
    Merci beaucoup. Nous allons commencer avec notre deuxième groupe de témoins.
    Aujourd'hui, nous accueillons trois témoins. Nous allons commencer par l'Université du Manitoba et Mme Susan Prentice.
    La parole est à vous pour cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup de l'occasion de m'adresser à votre comité au sujet de l'iniquité salariale pour les universitaires des groupes systématiquement marginalisés. Je vous félicite d'étudier ce problème qui persiste malgré des décennies de preuves.
    Pour mettre mes propos en contexte, vous serez peut-être intéressés de savoir que je fais partie du groupe de huit professeures qui ont déposé, avec succès, une plainte relative aux droits de la personne concernant l'iniquité dans le Programme des chaires de recherche du Canada, et que j'ai rédigé et publié des articles sur la discrimination systémique en enseignement supérieur. De 2016 à 2019, j'ai été coprésidente d'un comité mixte de l'Université du Manitoba sur les écarts salariaux fondés sur le sexe.
    Je suis accompagnée de Mme Tina Chen, première vice-rectrice de l'équité à l'Université du Manitoba. Mme Chen a récemment reçu le tout premier prix Robbins-Ollivier d'excellence en matière d'équité pour un projet visant à démanteler le capacitisme et à promouvoir l'équité pour les personnes handicapées par l'intermédiaire de mesures concrètes et de reddition de comptes dans les institutions. Mme Chen était également membre du comité salarial conjoint de l'Université du Manitoba.
    J'aimerais parler brièvement de l'histoire de notre université et revenir à 1994. En 1994, à la demande du syndicat des professeurs, l'Université du Manitoba a étudié l'écart salarial entre les hommes et les femmes du corps professoral universitaire. Un écart a été constaté et une augmentation forfaitaire de 2,84 % du salaire de base a été ordonnée pour toutes les femmes. Ce montant, versé sur deux ans, n'incluait aucune rémunération rétroactive ni correction relative à la pension.
    Plus tard, une équipe de recherche non financée, dont je faisais partie, a réexaminé la rémunération du corps professoral et a constaté des écarts. Notre étude a été publiée en 2011. Dans la foulée, après la création du comité mixte en 2016, l'équité salariale est devenue une revendication de négociation.
    J'aimerais parler du comité mixte. Malheureusement, les travaux de notre comité se sont limités aux femmes du corps professoral et nous n'avons pas ventilé nos données. Notre rapport portait uniquement sur un axe de discrimination, et cet élément a tout de même été traité de manière binaire. Ce sont des limitations réelles, mais permettez-moi de vous présenter ce que nous avons néanmoins trouvé.
    Notre rapport de 2019 fait état de profils salariaux très différents entre les femmes et les hommes dans les rangs du corps professoral et des instructeurs. En résumé, des tests de la signification statistique ont été jugés nécessaires. Nos résultats ne se sont pas avérés statistiquement significatifs, même s'ils étaient assez révélateurs. Par contre, notre rapport met en évidence un écart statistiquement significatif du temps de promotion à un poste de titulaire, soit 18 mois entre les femmes et les hommes. Nous avons appris qu'à partir de la 12e année, les femmes avaient 15,5 % moins de chances que les hommes d'être titulaires. Même si toutes les femmes sont moins susceptibles d'être promues professeures après 12 ans de carrière ou plus, la faible probabilité est particulièrement marquée dans notre campus médical, ainsi que dans les facultés des sciences et du génie.
    Notre comité mixte a formulé sept recommandations, notamment un examen annuel des salaires et un rapport écrit sur ces analyses au moins tous les cinq ans. Nous avons recommandé une étude sur l'avancement professionnel afin de comprendre pourquoi les femmes ont 15,5 % moins de chances que les hommes d'être titulaires à la 12e année. Nous avons recommandé la tenue de recherches qualitatives et d'enquêtes sur les charges de travail des hommes et des femmes, la progression de carrière plus lente chez les femmes, les différences sur le plan de l'emploi après 65 ans et d'autres questions liées au climat. Nous avons également recommandé des études sur les différentes dimensions de l'inégalité salariale, en particulier les lacunes dans les comptes des caisses de retraite des membres, ce qui a évidemment une incidence sur les revenus au cours de la vie. À ma connaissance, aucune de nos recommandations n'a été mise en œuvre.
    Ce très bref historique des écarts fondés sur le sexe au sein de notre université des Prairies est riche en enseignements, et je dirais qu'il est représentatif. Lorsque les écarts salariaux ont fait l'objet d'un examen, cela résulte, dans presque tous les cas, d'un élan découlant du travail bénévole des chercheurs, des caucus de professeurs ou des syndicats, plutôt que de la direction. Le suivi régulier se fait rare et il y a peu de reddition de comptes. La publication de rapports plus étoffés dans le cadre de l'enquête sur le Système d'information sur le personnel d'enseignement dans les universités et les collèges par Statistique Canada contribuerait à réduire l'improvisation dans ce dossier. Pour des résultats significatifs, il faudrait que les établissements accordent une attention accrue à cet enjeu et aient la capacité de faire un suivi des données relatives à l'équité, probablement grâce à des fonds dédiés, y compris un volet Dimensions.
    Il y a deux points clés que je vous invite à retenir.
    Premièrement, il est évident que des données sur l'équité sont nécessaires si l'on veut agir. Cela inclut — et c'est important — des données sur les membres du corps professoral ayant un handicap, un groupe de collègues qui font rarement l'objet de suivi ou de signalements pour des raisons complexes que vous me demanderez peut-être d'expliquer. Le suivi des données relatives à l'équité pourrait se faire par le renforcement des exigences de conformité du Programme de contrats fédéraux ainsi que le renforcement de la Loi sur l'équité en matière d'emploi et de la Loi sur l'équité salariale.
(1745)
    Le deuxième point clé à souligner est qu'en raison de l'austérité, on observe dans la plupart des universités canadiennes un changement du ratio des nominations à des postes de titulaires permanents et une augmentation des emplois atypiques en milieu universitaire. Ce groupe, que l'on surnomme « le précariat », est formé de façon disproportionnée de personnes racisées et genrées. Ce type d'emploi exacerbe la précarité des femmes, des Autochtones, des personnes 2ELGBTQ+ et des personnes handicapées. Le renouvellement du corps professoral est essentiel pour offrir l'équité et un emploi à temps plein aux collègues méritants.
    J'espère que vous êtes au courant que selon les données nationales, le nombre de personnes qui travaillent en enseignement postsecondaire, mais qui ne sont pas dans un poste menant à la permanence a augmenté de 500 % au cours des 20 dernières années. Au Canada, le nombre d'étudiants universitaires à temps plein a augmenté de 18 % entre 2010 et 2020, mais le nombre de professeurs à temps plein n'a augmenté que de 6 % au cours de la même période.
    Cela dit, et pour nous préparer à la discussion, je vais conclure en soulignant qu'il y a un mythe selon lequel le milieu universitaire est un lieu fondé purement et simplement sur le mérite, et c'est ce qui explique en bonne partie la résistance historique à s'attaquer aux problèmes documentés que sont l'exclusion, la marginalisation et la discrimination systémique.
    Même si nous sommes en 2023, il subsiste des obstacles démontrables à l'équité salariale pour les membres du corps professoral de genres différents et issus de groupes systématiquement marginalisés. Votre comité a la possibilité de formuler des recommandations pouvant contribuer à changer la situation.
(1750)
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Boon, de l'Université de Toronto.
    Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je devrais peut-être me présenter brièvement. Je suis membre du corps professoral de l'Université de Toronto depuis 1999. J'ai été doyenne de la faculté de pharmacie Leslie Dan de 2014 à 2018. J'occupe actuellement le poste de vice-provost pour la faculté et la vie académique, et ce, depuis les cinq dernières années. Dans le cadre de cette fonction, je supervise les questions relatives aux ressources humaines du corps professoral, y compris les salaires des professeurs de l'université.
    Comme Mme Prentice l'a mentionné, la question de l'équité salariale dans les universités canadiennes et dans les établissements homologues du monde entier a fait l'objet d'études approfondies au cours de la dernière décennie et au‑delà. Nous sommes heureux de voir le Comité se pencher sur cette question. Nous espérons que certaines des conclusions que nous sommes en mesure de vous communiquer vous aideront dans vos délibérations.
    J'ai remis au Comité un rapport de 2019 intitulé « Report of the Provostial Advisory Group on Faculty Gender Pay Equity », soit un rapport du groupe consultatif du provost sur l'équité salariale entre les sexes au sein du corps professoral. Il décrit l'approche rigoureuse que nous avons adoptée à l'Université de Toronto pour aborder cette question.
    Nous avons élaboré un modèle statistique qui nous permet de dégager les comparaisons entre pairs les plus proches des salaires des hommes et des femmes dans les facultés, en tenant compte des différences concernant l'expérience, le domaine d'études et de quelques autres facteurs pertinents.
    Avant de vous présenter les résultats de cette étude, je vous rappelle qu'à l'Université de Toronto, nous avons deux principales catégories de professeurs qui ont des nominations permanentes à des postes: la titularisation et l'enseignement.
    En ce qui concerne la titularisation, notre analyse a relevé des différences entre les salaires des hommes et des femmes et a montré qu'elles s'expliquaient principalement par l'expérience dans le domaine d'études. Après avoir contrôlé l'expérience et le domaine d'études, nous avons également constaté qu'en moyenne, nos professeures femmes titulaires ou en voie de titularisation à l'université gagnaient 1,3 % de moins que les hommes en situation comparable.
    Notre analyse n'a pas relevé de différences importantes entre les salaires des hommes et des femmes dans le volet d'enseignement.
    En réponse à cela, à compter du 1er juillet 2019, chaque femme membre du corps professoral titularisée ou en voie de titularisation à l'Université de Toronto a reçu une augmentation de 1,3 % de son salaire de base afin de compenser la différence que nous avions constatée.
    Je veux vous faire part de quelques leçons clés que nous avons tirées dans le cadre de ces analyses.
    Premièrement, deux variables clés ont une incidence considérable sur les salaires et doivent donc être prises en compte dans toute analyse: l'expérience et le domaine d'études. Il est peut-être évident de dire qu'une personne qui a 25 ans d'expérience professionnelle aura un salaire plus élevé qu'une personne qui n'a qu'une année d'expérience. Étant donné que les nouveaux professeurs sont plus susceptibles d'être des femmes à l'université et que les professeurs qui ont plus d'ancienneté sont plus susceptibles d'être des hommes, on ne peut pas se contenter de comparer les salaires moyens de tous les hommes et de toutes les femmes à l'université, car cela confondrait le sexe et l'expérience. Toute analyse de l'équité salariale doit tenir compte de ce facteur.
    De même, nous devons contrôler les domaines d'études, car il existe des différences importantes de salaires entre les différents domaines d'études. Par exemple, les professeurs dans le domaine de la gestion ou du droit ont des salaires plus élevés que les professeurs dans d'autres domaines d'études, principalement en raison des forces du marché, qui sont au moins partiellement motivées par le fait que ces professeurs pourraient toucher des salaires plus élevés dans le secteur privé.
    Comme Mme Prentice l'a mentionné, nous estimons qu'il est très important de revoir périodiquement toute analyse salariale. À l'Université de Toronto, nous nous sommes engagés à le faire tous les cinq ans. Nous sommes actuellement en train de refaire notre analyse pour voir si les changements que nous avons apportés en 2019 sont encore en place. Je n'ai pas encore les résultats, mais l'analyse préliminaire porte à penser qu'il n'y a actuellement aucune différence de rémunération entre les hommes et les femmes membres du corps professoral. Nous rendrons ce rapport public dès qu'il sera terminé.
    Je voulais également souligner que toute stratégie en matière d'équité salariale entre les hommes et les femmes doit tenir compte d'un certain nombre d'éléments. L'un d'entre eux est la réflexion sur la diversité à l'embauche. À l'université, environ la moitié des nouvelles embauches dans les domaines de la titularisation et de l'enseignement sont des femmes. Nous devons continuer de suivre cette évolution pour nous assurer que nous réfléchissons bien aux personnes que nous embauchons.
    Nous devons également réfléchir à la façon dont nous payons les salaires de départ lorsque nous embauchons de nouvelles personnes. À l'Université de Toronto, toutes les nouvelles embauches sont approuvées de manière centralisée et leurs salaires sont approuvés de manière centralisée, en fonction d'une analyse du rang auquel ils sont embauchés, du temps écoulé depuis l'obtention de leur diplôme le plus élevé — qui est un indicateur de l'expérience — et du domaine d'études.
    Nous avons sensibilisé des centaines de membres du corps professoral et d'administrateurs qui jouent un rôle dans les décisions liées à l'embauche ou à l'évaluation de carrière dans le cadre de formations, d'ateliers et de discussions sur les préjugés inconscients. Ces discussions fondées sur des données probantes et menées par le corps professoral ont joué un rôle essentiel en aidant à maintenir les questions d'équité au cœur des préoccupations dans l'ensemble de l'université, pour veiller à ce que l'iniquité salariale ne réapparaisse pas, maintenant que nous l'avons corrigée.
     J'espère que certains enseignements tirés de nos travaux vous seront utiles dans vos délibérations continues sur cette question.
(1755)
    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Nous passons maintenant à la première série de questions, en commençant par les conservateurs, avec Mme Michelle Rempel Garner, pour six minutes.
    La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais commencer par Mme Prentice.
    Je veux vous donner l'occasion d'approfondir votre recommandation au sujet de l'amélioration des données.
    Avez-vous une recommandation plus détaillée que le Comité pourrait étudier pour ce qui est des domaines pour lesquels la collecte de données pourrait relever du gouvernement fédéral?
    Je vous remercie de la question et de l'occasion d'apporter des éclaircissements.
    Je pense que les universités seront tenues, dans le cadre d'un Programme de contrats fédéraux amélioré, de présenter des rapports plus solides. Elles devront faire un suivi, en interne, du type de données leur permettant de faire rapport au gouvernement fédéral. À mon avis, il s'agit d'un mécanisme qui relève directement de vous. C'est probablement le plus vaste et le plus important.
    L'autre...
    Suggérez-vous que les universités créent un système de suivi normalisé qui permettrait la production de rapports par l'intermédiaire de... quel mécanisme? S'agirait‑il de financement par les trois conseils? Pour ce qui est de la compétence du gouvernement fédéral, à quoi cela serait‑il rattaché?
    Auparavant, dans le cadre du Programme de contrats fédéraux, toutes les universités qui faisaient affaire avec le gouvernement fédéral pour un montant supérieur à 200 000 $ étaient tenues de présenter un rapport. Le seuil a augmenté au fil des ans. Cette exigence constituait un mécanisme permettant une reddition de comptes à l'extérieur de l'université.
    Un des points névralgiques qui doit être renforcé, à mon avis, c'est que malgré la nécessité de respecter l'autonomie institutionnelle, la reddition de comptes est tout aussi nécessaire. Si elles doivent rendre des comptes à l'extérieur, les universités porteront davantage attention en interne.
    L'hon. Michelle Rempel Garner: Je vois.
    Mme Susan Prentice: C'est là, je pense, que le Programme de contrats fédéraux pourrait être un outil pour aider à atténuer l'iniquité salariale.
    J'aime bien interroger les chefs de file de mon alma mater, alors il y a cela.
    Madame Chen, une partie du travail du Comité est de déterminer quel genre de recommandations pourraient être utiles tout en étant de compétence fédérale. Bon nombre des enjeux qui ont été soulevés devant le Comité semblent davantage propres aux établissements ou relever des gouvernements provinciaux. Je comprends, par exemple, les derniers propos de Mme Prentice.
    Concernant certaines des questions que vous avez soulevées, je me demande, encore une fois, s'il existe des mesures précises qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral et qui ne brouillent pas nécessairement les limites entre les différents champs de compétence. Par exemple, l'actuel ministre de l'Éducation du Québec a soulevé des préoccupations quant au fait que les normes des chaires de recherche du Canada en matière de diversité, d’équité et d’inclusion empiètent en quelque sorte sur les compétences provinciales. Quelles recommandations avez-vous pour le Comité afin de réduire cette portée, peut-être, et d'éviter cet écueil?
(1800)
    Je pense que c'est une excellente question.
    Pour ce qui est de la portée fédérale dans le contexte de la collecte de données et du genre de données, j'encouragerais tout le monde à penser aux façons de mettre en œuvre le plan d'action de Statistique Canada sur les données désagrégées à l'échelle nationale. Le Plan d'action sur les données désagrégées nous invite non seulement à aller au‑delà de données fondées sur le genre ou de simples données sexospécifiques, mais aussi à réfléchir aux endroits où nous cherchons à cerner les inégalités systémiques, puis à utiliser ces données pour le suivi de nos actions visant à réduire ces inégalités. Faire savoir à l'ensemble des secteurs — y compris en enseignement postsecondaire — que nous travaillions conformément au Plan d'action sur les données désagrégées est un élément essentiel.
    J'ai aussi hâte que certains d'entre nous prennent connaissance des résultats de l'étude pilote du SIPEUC, le Système d'information sur le personnel d'enseignement dans les universités et les collèges, dont le but était d'utiliser les données sur les ressources humaines pour essayer de créer un formulaire plus uniforme. L'espoir, c'est que cela permette de collecter les données relatives à l'équité, à la diversité et à l'inclusion — les données démographiques — de manière cohérente. J'ignore si tous ceux qui ont adhéré à Dimensions ont réellement suivi cette voie et collectent les données de la même façon, mais je pense qu'il s'agit d'une autre façon d'établir des liens entre les initiatives nationales — ce qui se fait à l'échelon fédéral — et ce qui se passe à l'échelle locale.
    L'autre aspect, selon moi, est la réflexion concernant les données administratives. Comment peut‑on établir ces liens avec les données administratives, comme dans les secteurs de la santé? Comment pouvons-nous relier les systèmes tout en évitant la « fatigue des sondages »?
    Voilà qui est fort utile.
    Je pense à une autre chose qui m'a frappée pendant notre étude. Mme Smith-Carrier a dit que le salaire des hommes augmentait de façon significative selon leur productivité universitaire, contrairement aux femmes.
    Ma question s'adresse aux vice-provosts de l'Université de Toronto et de l'Université du Manitoba. Cette déclaration concorde‑t‑elle toujours avec les données de vos établissements?
    Je m'adresserai d'abord à notre témoin de l'Université de Toronto, qui est le centre de l'univers pour les Canadiens de l'Ouest.
    Ce n'est pas le centre de l'univers, mais je peux vous dire que ce n'est pas ce que notre analyse a révélé. En effet, elle a démontré très clairement qu'il n'y a plus d'écart salarial entre les hommes et les femmes dans notre établissement. Nous avons seulement décelé un petit écart en 2019.
    Je ne crois pas...
    Je suis désolée, mais je n'ai presque plus de temps.
    À votre connaissance, la propriété intellectuelle et la commercialisation des technologies sont-elles prises en compte dans les discussions sur les écarts salariaux entre les hommes et les femmes?
    Je me tournerais peut-être à nouveau vers ma collègue de l'Université du Manitoba qui vient d'être nommée responsable de l'initiative Dimensions pour savoir si elle y a réfléchi.
    Je n'ai pas...
    Nous allons vous demander de nous envoyer une réponse écrite. Le temps est écoulé.
    L'hon. Michelle Rempel Garner: D'accord.
    Le vice-président (M. Corey Tochor): Nous allons maintenant passer aux libéraux avec Mme Jaczek.
    J'aimerais rappeler aux députés d'éteindre leur micro lorsqu'ils ne posent pas de questions dans la salle. Merci beaucoup.
    Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos témoins de leur travail des dernières années sur cet enjeu fort important.
    Je suis assez nouvelle à ce comité. Je crois que c'est vous, madame Chen, qui avez parlé de l'initiative Dimensions. Si j'ai bien compris, elle a été administrée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le CRSNG, pour les trois organismes subventionnaires fédéraux, fournissant évidemment un guide pour tenter d'aider les établissements d'enseignement supérieur à accroître l'équité, la diversité et l'inclusion dans leur milieu.
    Si je ne m'abuse, madame Chen, vous avez parlé de cette initiative et de son renouvellement. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Comment le gouvernement fédéral pourrait‑il améliorer l'initiative actuelle?
    Je vous remercie de cette question et de cette référence.
    Je m'intéresse tout particulièrement aux mesures lancées l'an dernier pour réfléchir aux implications de la modernisation de l'université et du sondage sur le personnel universitaire. Je pense surtout à l'équité, la diversité et l'inclusion, et notamment à celle de professeurs à temps partiel. Je pense que c'est Mme Prentice qui a parlé de l'importance de cet enjeu dans le dossier de l'équité salariale.
    Pour mener à bien cette tâche, il faut vraiment essayer d'inclure cet aspect et de réfléchir à ce que cela signifierait à l'échelle nationale avec le projet pilote qui a été lancé. Je pense que cela nous fera réfléchir à plusieurs enjeux nationaux. Nous savons que dans le processus de recrutement, nos salaires sont déterminés non seulement par ce qui se passe au sein de nos établissements, mais aussi par les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres. Il est essentiel de continuer à financer cette étude.
    Nous ne sommes pas sans savoir que l'initiative Dimensions et le travail de Statistique Canada, auquel nous nous fions tous, dépendent également du long formulaire de recensement. Il faut poser des questions approfondies, financer les sondages sur le travail, etc. Je pense notamment au financement des 20 dernières années. Il est arrivé qu'on retire des programmes avant de les relancer. Cela complique vraiment la donne en matière de données. Nous avons besoin de données robustes pour trouver des solutions propres aux établissements.
    Je vais m'arrêter là. J'ai l'impression que mes collègues réfléchissent beaucoup à l'initiative Dimensions également, alors elles auraient peut-être quelque chose à dire à ce sujet.
(1805)
    Merci beaucoup.
    Le Programme de contrats fédéraux m'intrigue. Nous avons reçu un mémoire de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, ou ACPPU, datant de septembre dernier. Elle recommande de renforcer ce programme.
    Madame Prentice, que devrait‑on renforcer dans ce programme, selon vous?
    Ce programme fédéral existe depuis longtemps. Je crois qu'il existe depuis près de 30 ans.
    En vertu du Programme de contrats fédéraux, toute université ayant un contrat avec le gouvernement fédéral doit produire des rapports. Dans la plupart des cas, nous finançons nos recherches par l'entremise de groupes tripartites et d'autres subventions. C'est également ce sur quoi misent nombre d'universités pour trouver d'autres façons d'opérer. Nous sommes donc obligés de produire des rapports, et l'une des exigences à cet égard consiste à... Bon, je me répète, mais tout a commencé par les données sexospécifiques. Cela dit, nous pourrions — et devrions, même, devrais‑je dire — recueillir davantage de données afin d'inclure d'autres types d'iniquités.
    Pour ce faire, les universités devront se conformer aux exigences en matière de rapport et au type de responsabilité qui découle d'un contrôle externe qui pousse, encourage et incite les universités à adopter un comportement favorable à l'équité.
    Le seuil a été placé trop haut. À un moment donné, il était de 200 000 $. Il est maintenant de plus de 1 million de dollars par cas. Il pourrait être abaissé. L'ACPPU a probablement une meilleure idée de la façon dont cela fonctionne à l'échelle nationale, mais je sais qu'à l'Université du Manitoba, certains des groupes de femmes sur le campus ont dû consulter les rapports de conformité des entrepreneurs fédéraux pour savoir ce qui se passait dans nos propres universités.
    La création de données sur l'équité a des répercussions très positives; d'autres personnes peuvent ensuite les utiliser.
    Merci.
    Le mémoire contenait également une troisième recommandation sur la nécessité de faciliter le renouvellement du personnel.
    Madame Boon, pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Quelles seraient les implications d'une telle recommandation pour le gouvernement fédéral?
    Oui, bien sûr. Comme je l'ai dit, nous avons beaucoup réfléchi à tout cela. Lorsque nous avons l'occasion d'embaucher de nouvelles personnes, nous veillons à effectuer des recherches pour encourager le plus grand nombre de personnes à postuler. Nous assurons un suivi de ceux qui réussissent dans nos études et veillons à réfléchir de façon approfondie aux préjugés inconscients qui auraient pu s'immiscer dans nos processus. Nous faisons ainsi de notre mieux pour veiller à être ouverts et accueillants envers tout le monde.
    Lorsque nous observons les recrutements dans notre communauté, nous constatons, comme je l'ai déjà dit, que nous avons presque atteint la parité entre les hommes et les femmes pour les postes de professeurs adjoints et agrégés depuis une quinzaine d'années. J'occupe ce poste depuis quelques années, et j'examine les embauches annuellement. Environ 50 % des employés embauchés annuellement sont des femmes, parfois un peu plus. Je parle ici des postes permanents et des postes d'enseignement.
    Nous réfléchissons également beaucoup à d'autres axes de la diversité et mettons en place des programmes pour nous assurer que nous accueillons et recrutons un corps professoral diversifié.
    Ces éléments sont vraiment importants pour tout programme dans ce domaine, selon moi.
(1810)
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer au Bloc pendant six minutes. Vous avez la parole, monsieur Blanchette-Joncas.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je salue les témoins qui se joignent à nous pour cette étude.
    Madame Chen, comme vous le savez sans doute, l'équité salariale et l'administration des universités relèvent, dans une large mesure, de la compétence du Québec et des provinces. Certains programmes fédéraux abordent des questions d'équité en imposant des critères d'équité, de diversité et d'inclusion, notamment, mais n'abordent pas nécessairement l'équité salariale à proprement parler.
    J'aimerais que nous nous concentrions sur ce qui relève du gouvernement fédéral, comme le Programme de contrats fédéraux, les trois organismes subventionnaires et les chaires de recherche du Canada. J'aimerais entendre votre opinion là-dessus.
    De mon point de vue, on reconnaît l'équité pour les gens qui sont dans des groupes sous-représentés, mais existe-t-il réellement des mécanismes pour assurer une équité salariale dans les programmes qui relèvent directement du gouvernement fédéral?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    Lorsqu'il est question d'équité salariale, je crois qu'on pense aux différents types de rémunérations dans ces domaines. Je pense aux divers programmes, comme celui des chaires de recherche du Canada ou de certains conseils subventionnaires. À ma connaissance, il n'y a pas beaucoup d'études qui examinent les iniquités entre les sexes dans les bourses accordées.
     Ce que la recherche nous apprend, c'est qu'il existe en fait des écarts et des iniquités dans les demandes de recherche. Ceux qui sont systématiquement marginalisés ne demandent pas les plus grosses sommes d'argent. Ils ne cherchent pas à obtenir les subventions les plus importantes. Pour une demande de 300 000 à 500 000 $, beaucoup demanderont ce qu'ils considèrent être le minimum nécessaire pour mener leur recherche. Par contre, ceux qui se trouvent dans une situation privilégiée demanderont souvent plus. Ils demanderont le montant maximum, en fait.
    Je reviens à la question précédente. Les établissements commencent à parler de la valeur et de la rémunération au mérite et récompensent souvent leurs employés en fonction de l'argent perçu. Compte tenu de la façon dont de nombreux établissements fonctionnent, il y a moyen de se sensibiliser davantage aux différentes formes d'iniquité. Je pense non seulement à la quantité de bourses octroyées, mais aussi, et surtout, à la façon dont elles sont valorisées dans les divers domaines.
    Ce serait vraiment une étape majeure que de transférer de nombreuses pratiques hors du Programme des chaires de recherche du Canada et d'entamer une réflexion plus poussée sur la manière dont elles s'appliquent au financement tripartite, car les iniquités relevées en milieu de travail dans les établissements d'enseignement supérieur ne concernent pas seulement l'équité salariale et les salaires nets versés par les établissements; elles concernent aussi la définition des conditions de travail. Il serait important de faire ce travail, puisqu'il nous permettrait d'entamer la réflexion sur certains de ces enjeux et sur ce qui relève du fédéral.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Chen.
    Je vais maintenant m'adresser à Mme Boon. Je vais préciser ma question concernant ce qui relève des programmes fédéraux.
    De votre point de vue, existe-t-il des exigences qui assurent réellement l'équité salariale entre les sexes ou entre les groupes en quête d'équité dans le corps professoral des universités? Selon vous, quand le fédéral finance des chaires de recherche par l'intermédiaire des trois organismes subventionnaires ou finance d'autres organisations au moyen du Programme de contrats fédéraux, y a-t-il des mécanismes en place pour assurer cette équité?

[Traduction]

    Comme l'a dit Mme Prentice, nous produisons des rapports dans le cadre du Programme de contrats fédéraux. Il en va de même pour certains programmes des chaires de recherche.
    J'essaie de réfléchir de manière créative à d'autres éléments qui sont sous le contrôle du gouvernement fédéral, et l'un d'entre eux serait le salaire des étudiants diplômés, des boursiers postdoctoraux et des jeunes chercheurs. Une partie du défi réside dans le fait que nous ne recrutons pas autant de femmes et de personnes issues de la diversité que nous le souhaiterions, et je pense que le gouvernement fédéral a le contrôle là‑dessus.
    Si nous encouragions les femmes et d'autres personnes à s'engager tôt et à poursuivre des activités scientifiques et de recherche, nous pourrions former toute une mosaïque de chercheurs dans divers domaines.
    Je crois que le gouvernement fédéral pourrait réellement changer la donne à cet égard également.

[Français]

    Merci, madame Boon.
    Madame Prentice, avez-vous quelque chose à ajouter sur les exigences en place? Qu'est-ce que le gouvernement fédéral pourrait améliorer pour assurer une meilleure équité salariale entre les sexes dans les corps professoraux, de même qu'une équité sur le plan de l'accès, bien sûr?
(1815)
    Je vous remercie de votre question.
    Pour être mieux comprise, je préfère y répondre en anglais.

[Traduction]

    L'attribution des bourses est l'une des mesures fédérales les plus importantes, et je suis très fière d'avoir lutté pendant très longtemps pour veiller à ce que le système d'attribution des chaires de recherche du Canada se tienne, par exemple, afin que les femmes, les hommes, ainsi que les personnes racisées, autochtones et handicapées obtiennent leur juste part.
    Il y a moins de données disponibles sur les personnes vivant avec un handicap. Mme Chen pourrait peut-être vous en parler.
    Oui, il revient à l'établissement concerné de fixer le salaire des chaires de recherche nommées, mais le gouvernement fédéral peut assurément influencer l'attribution des bourses. Je pense d'ailleurs qu'il serait tout à fait approprié de ne pas nommer de nouvelles chaires dans les universités qui n'atteignent pas les objectifs en matière d'équité et de diversité tant qu'elles ne les atteindront pas. Je crois qu'il s'agit d'un mécanisme approprié pour le gouvernement fédéral, malgré la controverse qu'il a soulevée au Québec.
    Tout cela s'inscrit dans un contexte plus large, bien sûr. Nous sommes à la recherche d'une approche douce, qui reconnaîtrait à la fois l'autonomie des établissements et l'intérêt fédéral pour l'équité. Certains mécanismes intermédiaires de données et de rapports peuvent grandement aider les deux parties à instaurer plus d'équité dans ce contexte.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer au dernier tour de six minutes.
    Vous avez la parole, monsieur Johns.
    Je vous remercie toutes de votre témoignage fort important.
    Vous saurez peut-être m'éclairer, madame Boon.
    Il peut arriver que des établissements d'enseignement supérieur ou des universités versent des rajustements de paie uniques à leurs professeurs en cas d'iniquité. Cela dit, on considère davantage cela comme une solution temporaire que permanente.
    Comment les établissements peuvent-ils réellement s'attaquer aux problèmes d'iniquité salariale dans leurs rangs?
    Je vous remercie de cette question.
    Vous avez tout à fait raison. Si on ne va pas au fond des choses pour comprendre la raison de cette iniquité salariale, on ne réglera pas les problèmes.
    Voilà pourquoi j'ai dit qu'il fallait miser sur une stratégie plus large pour rectifier le tir. Il nous faut notamment réfléchir sérieusement aux biais inconscients dans le système. Nous examinons les salaires des nouveaux employés, entre autres, pour veiller à ce que le problème ne se reproduise pas. Cela dit, nous devons examiner d'autres éléments du système, dont l'évaluation du mérite, les promotions et la titularisation, pour voir s'il existe des biais au sein des processus d'examen universitaires. Mme Prentice a parlé de certains de ces enjeux.
    Nous devons réfléchir à ce que signifient l'excellence et le mérite dans le milieu universitaire et comprendre qu'il y a d'innombrables façons de faire preuve d'excellence.
    C'est ce que le concept de biais inconscient... Nous devons non seulement entamer un dialogue, mais le maintenir. Nous devons nous baser sur les faits; ils sont nombreux et très bien documentés. Nous devons les mettre à l'avant-plan et en discuter régulièrement dans nos établissements avec tous ceux qui prennent des décisions au cours de nos carrières. C'est ainsi que nous pourrons nous assurer de ne pas récréer un problème au fil du temps.
    Bien sûr, il faudra mener des évaluations régulières. Je crois que Mme Prentice l'a souligné également. Il faudra mener des analyses régulièrement pour faire état de la situation.
    D'accord.
    J'aimerais aller un peu plus loin et parler davantage du manque de données.
    Vous saurez peut-être m'aider, madame Prentice. Vous avez dit que Statistique Canada avait un rôle important à jouer à cet égard. Qu'en est‑il des établissements, cela dit? Quel devrait être leur rôle, selon vous?
    Mon employeur est l'Université du Manitoba; c'est elle qui verse mon salaire.
    Je suis chanceuse de faire partie d'un syndicat de professeurs, qui joue un rôle dans la négociation en matière d'équité.
    Je vais vous parler de ma carrière à titre d'exemple. On m'a embauchée en 1993. Au début des années 1990, donc, j'ai obtenu une partie du 2,84 % dont j'ai parlé. J'ai présenté deux demandes relatives aux écarts salariaux, qui ont été acceptées. Je ne suis toujours pas aussi bien payée que mes collègues masculins, bien que la différence ne soit pas grande sur le plan statistique. Il s'agit clairement de la responsabilité de mon établissement.
    Si ces données doivent être déclarées, si elles doivent être accessibles, présentées de manière transparente et ventilées par genre, alors elles peuvent être utilisées par les personnes concernées pour faire pression sur leurs établissements.
    Comme je l'ai dit plus tôt, à ma connaissance, toutes les études sur l'iniquité salariale ont été réalisées par les personnes visées par celle‑ci. Elles ne viennent pas d'en haut. Si Mme Boon a réussi à mettre en œuvre une politique à l'Université de Toronto, je lui lève mon chapeau. Les mesures sont presque toujours prises par les personnes qui cherchent à mettre fin aux inégalités; c'est de là qu'elles partent.
(1820)
    Merci.
    Dans le livre The Equity Myth: Racialization and Indigeneity at Canadian Universities, écrit par Frances Henry et d'autres, les auteurs font valoir qu'en règle générale, les corps professoraux plus racisés perçoivent que l’attribution des permanences et des promotions est fondée sur des indicateurs intangibles plutôt que sur des indicateurs tangibles comme les publications et les subventions obtenues. La tendance inverse est largement observée en ce qui concerne les perceptions relatives aux nominations aux postes administratifs et aux comités, ainsi qu’à l’embauche. Toutes les mesures de perceptions démontrent de façon cohérente que les corps professoraux moins racisés conviennent que les considérations relatives à l’équité sont des facteurs qui influent sur la permanence, les promotions, les nominations aux postes administratifs et aux comités ainsi que sur l’embauche.
    Au‑delà de la rémunération, comment les iniquités influencent-elles l’expérience des membres du corps professoral dans les universités canadiennes, notamment en ce qui concerne la permanence, les promotions, les nominations et l’embauche?
    Madame Prentice, vous pouvez peut-être répondre à cette question également.
    Merci.
    À mon université, par exemple, je dois consacrer 40 % de mon temps à l'enseignement, 40 % à la recherche et 20 % au service. Je crois que les gens qui ne travaillent pas dans ce domaine ont du mal à comprendre la teneur et la complexité du travail des professeurs.
    Par exemple, mon université ne tient pas compte du dossier de service d'un professeur dans le cadre de la promotion vers un poste de titulaire. Ma faculté tient uniquement compte de l'enseignement et des publications. Bien que 20 % de mon temps doive être consacré au service — notamment à l'autogouvernance collégiale, à la participation aux comités de programmes, à la révision pour les journaux, à la participation aux réunions sénatoriales, à la participation aux conseils des gouverneurs, etc. —, ce type de travail n'est pas pris en compte.
    Nous savons, d'après de nombreuses données probantes, que les minorités — habituellement les femmes, mais aussi de plus en plus de collègues autochtones et d'autres — consacrent beaucoup plus de temps que les autres au service. Or, leur structure de récompense institutionnelle n'en tient pas suffisamment compte. Je crois qu'il faut reconnaître l'excellence dans tous les volets du travail des professeurs. Mon point rejoint celui évoqué par Mme Chen.
    La règle du 40/40/20 que je vous ai donnée vise les postes menant à la permanence. Dans le cadre du volet enseignement, c'est peut-être 80 % d'enseignement et 20 % de recherche. L'important, c'est que le travail est souvent réparti de manière disproportionnée et que ces mécanismes visant à évaluer la tâche de travail ne sont pas toujours bien utilisés.
    C'est pourquoi, à mon université, par exemple, malgré toutes les mesures prises, il y a une différence d'un an et demi à 18 mois entre les hommes et les femmes pour l'obtention d'un poste de professeur titulaire. De plus, à l'année 12, les femmes sont 15,5 % moins susceptibles que les hommes d'avoir obtenu un poste de professeur titulaire, peut-être parce que leur tâche de travail exhaustive n'est pas reconnue de la même façon que celle de leurs collègues.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à une série de questions de cinq minutes. M. Lobb est notre premier intervenant. Allez‑y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à Mme Prentice.
    Que dit le service des ressources humaines de l'Université du Manitoba lorsque vous leur présentez vos plaintes? Lorsque les professeurs disent que la règle du 40/40/20 est injuste, on ne vous dit rien? Quels sont les arguments invoqués par le service?
    Je n'ai jamais eu à rencontrer les membres du service des ressources humaines. La plupart du temps, nous abordons la question de la charge de travail avec le chef de département, le doyen ou le vice-recteur.
    La chose la plus importante que je demande aux universités de mieux surveiller, c'est la charge de travail. Je leur demande aussi de reconnaître que certains collègues font d'autres types de travail. Par exemple, mes collègues autochtones passent énormément de temps à faire du mentorat auprès des étudiants autochtones de l'Université du Manitoba. C'est essentiel à la réussite de ces étudiants. Si ces professeurs passent plus de temps à enseigner et à encadrer les étudiants, mais qu'ils publient moins d'articles, est‑ce qu'ils font un moins bon travail?
    Je comprends.
    Il y a des milliers de personnes qui travaillent à l'administration des universités. Que font-elles? Je me demande vraiment ce que font les ressources humaines dans ce dossier. Elles devraient parler aux doyens et à tout le monde, dans le but de régler le problème. Ce n'est pas le cas?
(1825)
    Je crois que ma collègue aimerait répondre à cette question.
    D'accord.
    Je crois qu'il faut songer aux diverses responsabilités dans un contexte universitaire.
    À l'Université du Manitoba, comme dans de nombreux autres établissements, c'est le bureau du doyen qui surveille le travail des professeurs. Je dirais qu'il y a beaucoup à faire dans ce domaine. Il faut notamment établir de nouvelles lignes directrices d'embauche.
    Cela revient à ce que disait Mme Boon sur la situation à l'Université de Toronto. Au bout du compte, c'est le bureau du doyen qui veille à ce que les approches axées sur l'équité fassent partie des processus d'embauche, à ce que nous abordions la question de la charge de travail et à ce que l'on fasse état de la situation.
    Je crois que pour s'attaquer aux inégalités systémiques dans les universités, il faut un changement de culture pour que les divers départements — ceux qui sont responsables de l'embauche — créent un environnement qui favorise l'équité.
    Je ne crois pas que nous devions nous centrer uniquement sur l'embauche des personnes marginalisées et sous-représentées; il faut aussi penser à la façon dont elles peuvent réussir...
    Que font les ressources humaines? Est‑ce qu'il y a un service des ressources humaines à l'Université du Manitoba?
    Les ressources humaines supervisent bon nombre des nominations des membres du personnel. Elles font un travail en vue d'aborder la question des inégalités systémiques au sein du personnel, mais l'embauche du corps professoral passe par le bureau du doyen; c'est là que la surveillance se passe.
    Que font les doyens ou les chanceliers des universités? Ne devraient-ils pas prendre les choses en main pour changer le système?
    Oui, absolument. Ces mesures sont prises à tous les niveaux dans les universités. Je travaille dans le bureau du doyen et je supervise les stratégies en matière d'équité. Le doyen les transmet. Nous travaillons avec les doyens en vue d'assurer une formation et une surveillance continues.
    Il faut que l'on puisse réunir les gens de tous les niveaux. Certaines équipes y arrivent mieux que d'autres. Comme d'autres l'ont fait valoir, on utilise à la fois la carotte et le bâton. Nous devons toutefois travailler dans la collaboration.
    Il faut désigner les attentes, non seulement sur le plan institutionnel, mais aussi à l'échelle nationale. Il est très difficile pour le membre d'une équipe ou d'une faculté de dire: « Mon travail consiste à accorder la priorité à ce type de travail. Je m'investis beaucoup dans le travail communautaire et l'enseignement, mais je n'arrive pas à obtenir une subvention nationale parce que mon travail n'est pas reconnu. »
    Je suis un homme ordinaire; je viens d'une petite ville. Il me semble que le problème est évident. Les doyens ne relèvent pas des ressources humaines. Je ne sais pas ce que font les présidents des universités. Le problème est là, devant leurs yeux.
    Il faut que vous m'aidiez, parce que je vois qu'il y a un problème et que les ressources humaines ne travaillent pas avec les départements pour le régler, et que le conseil d'administration... Je ne parle pas seulement de l'Université du Manitoba. Il me semble que les universités se dégagent de leurs responsabilités. Tous ces professeurs tentent d'égaliser les règles du jeu et il me semble que les administrations ne font rien. Je ne sais pas. J'ai peut-être tort. Qu'en pensez-vous?
    Je crois que vous avez tort à ce sujet, en effet.
    D'accord.
    Je crois qu'un travail important est fait en ce sens, mais on parle ici de plusieurs siècles de sexisme, de misogynie, de transphobie, d'homophobie et de racisme institutionnels. Ces enjeux sont enchâssés dans nos méthodes de travail et dans la façon dont nous évaluons le travail des gens.
    Lorsque de telles pratiques font partie intégrante du système, il ne suffit pas à une personne de dire qu'il faudrait qu'elle soit mieux payée, parce que la valeur que la société accorde à un travail en particulier — le caractère approprié de certains organismes et la valeur qu'on leur accorde — finit par faire partie de nos institutions. Il n'est pas seulement question de dénonciation et de responsabilisation; il faut changer complètement notre vision du monde.
    Lorsque j'entre dans une pièce, je me demande toujours s'il y a des personnes qui appartiennent à des groupes racialement marginalisés et si elles peuvent s'exprimer. Quand est‑ce qu'on entend ces voix? Quand est‑ce qu'on entend les personnes non binaires s'exprimer au sujet des inégalités? Est‑ce que tout ce qu'on fait, c'est demander pourquoi on ne peut pas régler le problème?
    Je crois qu'il faut songer aux enjeux systémiques et comprendre que dans les universités, les doyens sont les responsables. Il y a plusieurs niveaux de rapports, mais alors que nous établissons ces nouvelles cultures, nous devons accorder une valeur, non seulement au salaire et à ce qui est convenu en ce sens, mais aussi à la façon dont nous traitons les personnes.
    Merci beaucoup. Nous avons dépassé le temps prévu d'une minute.
    Nous allons maintenant entendre Mme Diab, qui dispose de cinq minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup.
    Mesdames, merci de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Madame Chen, j'apprends de votre témoignage. Je vous remercie pour la candeur avec laquelle vous répondez à nos questions. Notre étude porte sur les écarts dans ce domaine en particulier, mais je crois qu'ils existent dans de nombreux volets de notre société.
    Ma question s'adresse à Mme Boon. Je suis très heureuse de vous entendre parler de votre étude et j'ai très hâte à 2024 pour voir ces statistiques.
    Vous avez parlé de la permanence et des deux volets de l'enseignement, et des différences très minimes entre eux.
    J'aimerais savoir si vous tenez compte des professeurs à temps partiel, des professeurs à forfait, des bibliothécaires et des membres du corps professoral clinique. Avant que vous ne répondiez à cette question, j'aimerais vous en poser une autre. Vous dites que vous avez mis sur pied un processus visant à embaucher environ 50 % de femmes. Quand a‑t‑il été mis sur pied et quels sont les pourcentages d'hommes et de femmes — ou d'autres genres — dans votre université? J'aimerais savoir si les statistiques que vous avez évoquées, qui démontrent une différence statistique minimale, représentent un pourcentage raisonnable.
(1830)
    Les résultats sont publics et sont mis à jour chaque année. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais nous sommes très près de la parité entre les sexes pour les postes de professeurs adjoints et de professeurs agrégés. Pour les postes de professeurs titulaires — les scientifiques chevronnés —, le nombre d'hommes est supérieur au nombre de femmes, en raison des méthodes d'embauche qui étaient utilisées il y a plus de 15 ans. Il faudra donc du temps avant d'atteindre la parité pour ces postes.
    Nous avons adopté une règle voulant que 50 % des personnes embauchées soient des femmes. Nous avons demandé aux gens de réfléchir longuement à la culture dont ont parlé Mme Prentice et Mme Chen. Comment accorde‑t‑on une valeur à la carrière et à la trajectoire des personnes? Comment accorde‑t‑on de la valeur à leurs réalisations? À quoi ressemble l'excellence? Nous devons avoir une vision d'ensemble et songer aux personnes dont le parcours professionnel n'est peut-être pas traditionnel, par exemple, et encourager délibérément les gens issus de milieux diversifiés à postuler.
    Évidemment, lorsqu'on a un bassin de candidats diversifié et que l'on adopte une vision large de l'excellence, on embauche environ 50 % d'hommes et de femmes, et d'autres candidats diversifiés également...
    J'aimerais vous poser une autre question pour les quelques minutes qu'il nous reste.
    Nous savons que la pandémie a grandement affecté les femmes au travail, surtout celles qui ont des enfants en bas âge. Est‑ce que vous tenez compte de cette réalité et du fait que les femmes ont des bébés? C'est un fait: lorsqu'elles accouchent, elles prennent congé.
    Comment pouvons-nous tenir compte de cette réalité dans le contexte universitaire, en ce qui a trait aux promotions, à l'attribution des permanences et aux autres enjeux dont nous avons parlé?
    Nous offrons des congés très généreux aux femmes puisque lorsqu'une femme prend un congé, le délai associé à la permanence est mis en pause. Dans la plupart des universités, il y a un nombre maximal d'années; à la sixième année, on procède à l'examen des permanences. Lorsqu'une personne est en congé, le temps s'arrête; cette période ne compte pas. Bon nombre d'hommes et de femmes prennent plus d'une période de congés.
    Nous tentons aussi de normaliser les congés. Les gens les prennent pour toutes sortes de raisons: l'éducation des enfants ou la maladie. Dans le cadre de l'examen des permanences, nous rappelons à nos collègues qu'il faut tenir compte du nombre d'années de travail actif, et non du nombre d'années total. On ne peut pas dire d'une personne qu'elle travaille depuis huit ans et devrait donc avoir plus de publications à son actif; elle compte le même nombre d'années de travail actif que tous ses collègues.
    Encore une fois, il faut apporter certaines précisions au sujet des congés. Oui, les femmes prennent plus de congés que les hommes, mais environ 25 % — c'est une estimation approximative — des membres de notre corps professoral ont pris au moins une année de congé et ont mis le temps à pause. Nous le rappelons à nos collègues.
    C'est ainsi que nous...
    Madame Chen, comment abordez-vous la question à l'Université du Manitoba?
    Je dirais que nos politiques ressemblent à celles décrites par Mme Boon. Nous avons un processus établi dans notre convention collective. Je crois que la normalisation des congés est un élément clé de la solution et je crois que vous en avez parlé plus tôt lorsque vous avez abordé la question du travail à temps plein. C'est là que l'on peut voir la différence entre les divers types d'expériences.
    Nous pouvons normaliser les congés et songer aux façons d'appuyer les personnes qui se prévalent de ces congés pour diverses raisons à l'Université du Manitoba. Nous nous préoccupons aussi beaucoup des professeurs autochtones et de ceux qui participent à certaines cérémonies, qui doivent s'occuper de leurs enfants ou qui ont d'autres responsabilités familiales, et de la façon dont leur situation façonne leur vie.
    Nous ne pouvons toutefois pas nous attaquer de façon similaire aux inégalités ou à la façon dont la vie personnelle des professeurs à temps partiel a une incidence sur leur travail. La COVID a exacerbé leur précarité et l'écart se creuse. Nous n'avons pas toutes les données sur le sujet, mais nous sommes au courant de la situation.
(1835)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entreprendre notre dernière série de questions, d'une minute chacune.
    Nous allons d'abord entendre M. Blanchette-Joncas, du Bloc.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vais procéder rapidement.
    Madame Prentice, lors de mon dernier tour de parole, je vous ai demandé ce que le gouvernement fédéral pouvait faire dans le cadre de ses programmes ou de ses exigences. J'aimerais maintenant vous poser la question inverse.
    Qu'est-ce que les universités, les provinces et le Québec ne peuvent pas faire pour assurer eux-mêmes l'équité salariale au sein de leurs corps professoraux? Qu'est-ce qui nécessite l'intervention du gouvernement fédéral?

[Traduction]

    Je vous remercie de poser la question inverse. Je crois que c'est une façon intéressante de procéder.
    Il est évident que les universités sont des employeurs, mais je vais prendre cette dernière minute pour dire qu'elles sont aussi des professeurs. Nous n'avons pas beaucoup parlé de la cohorte d'étudiants diplômés.
    À titre de mesure immédiate, le gouvernement pourrait veiller à ce que les étudiants qui sont payés par les trois organismes subventionnaires et qui prennent un congé parental — que ce soit un homme ou une femme, un congé de 6, 12 ou 18 mois — continuent d'être payés. Alors que les professeurs continuent d'être payés pendant ces congés, les étudiants diplômés reçoivent du temps, mais pas d'argent. C'est l'une des mesures fédérales qui pourraient être prises.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer au NPD. Monsieur Johns, vous disposez d'une minute.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais simplement demander à Mmes Chen et Boon de répondre par écrit à ma dernière question. Je leur en serais reconnaissant.

[Traduction]

    Tout à fait.
    Monsieur Johns, vous disposez d'une minute. Allez‑y.
    Le 1er mai, les intervenants du domaine de la recherche scientifique du Canada ont quitté leur travail. Des milliers d'étudiants diplômés et de boursiers postdoctoraux provenant de 49 universités et établissements scientifiques ont protesté contre une augmentation inadéquate de leur salaire au cours des 20 dernières années. Non seulement la faible valeur réelle des bourses d'études supérieures du Canada force‑t‑elle nos meilleurs étudiants à vivre dans la pauvreté, mais elle cause aussi des préjudices.
    Madame Prentice, pourriez-vous nous expliquer l'incidence du sous-financement sur l'iniquité salariale dans le milieu universitaire?
    C'est vrai. Nous nous attendons à ce que les étudiants diplômés travaillent pendant des années — deux ans pour une maîtrise et entre quatre et six ans ou plus pour un doctorat — pour obtenir les plus hauts titres universitaires, mais nous leur versons un salaire honteux. Je parle ici de familles qui n'ont pas assez d'argent, de personnes seules, de personnes qui sont déjà désavantagées et de personnes dont le coût de la vie est plus élevé, parce qu'elles ont des enfants ou pour d'autres raisons. Toutes ces personnes sont désavantagées. L'augmentation des allocations que nous donnons à nos meilleurs étudiants, qui obtiendront un diplôme d'études supérieures, représente une étape très importante.
    Nous remercions les témoins d'avoir été avec nous aujourd'hui et d'avoir répondu aux questions des députés.
    Nous terminons juste à temps. Nous allons mettre fin à la réunion. Plaît‑il aux membres du Comité de lever la séance?
    Oui. La séance est levée.
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