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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 072 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 février 2024

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bienvenue à la 72e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Tous les membres du Comité sont présents dans la salle, mais quelques témoins comparaîtront à distance.
    J'invite les témoins à choisir la langue officielle de leur choix à l'écran en sélectionnant le parquet, l'anglais ou le français. Si l'interprétation flanche, veuillez nous le faire savoir tout de suite, et nous veillerons à ce qu'elle soit rétablie avant de poursuivre nos délibérations.
    Je vous demanderais d’attendre que je mentionne votre nom avant de parler pour faciliter le déroulement de la réunion. Il serait également préférable de vous adresser à la présidence.
    Lorsque vous ne parlez pas, assurez-vous de mettre votre microphone en sourdine. Les personnes dans la salle doivent garder l'oreillette loin du microphone pour éviter que nos interprètes entendent une rétroaction acoustique. Nous voulons assurer leur sécurité tout au long de la réunion et ne voulons pas leur causer de dommages auditifs parce que nos écouteurs sont trop près des microphones.
    Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 18 septembre 2023, le Comité reprend son étude de l'intégration du savoir traditionnel et des connaissances scientifiques autochtones à l'élaboration des politiques gouvernementales.
    J'ai le plaisir d'accueillir Marjolaine Tshernish, directrice générale de l'Institut Tshakapesh. Nous recevons également Carole Lévesque, professeure titulaire au Réseau de recherche et de connaissances relatives aux peuples autochtones, et la cheffe Jessica Lazare, du Conseil mohawk de Kahnawake. Elle est ici. Elle vient d'arriver de Montréal, de sorte qu'elle sera à temps pour son tour de parole.
    Sur ce, nous allons passer aux exposés de cinq minutes, à commencer par Carole Lévesque, du Réseau de recherche et de connaissances relatives aux peuples autochtones.
    Merci de vous joindre à nous. Nous avons hâte d'entendre votre témoignage.

[Français]

    Je m'appelle Carole Lévesque, comme vous l'avez entendu. Je suis anthropologue et je travaille principalement avec les communautés et les instances autochtones du Québec, principalement, depuis plus de 50 ans. J'ai eu le privilège, au cours de ma longue carrière, de concert avec des leaders et des détentrices et détenteurs de savoirs autochtones, d'aborder de nombreux enjeux sociétaux, notamment la santé, l'éducation, la condition des femmes, l'environnement, les réalités urbaines et les politiques publiques destinées aux populations autochtones. Indépendamment des thèmes, toutefois, un dénominateur commun traverse tous les questionnements que nous avons formulés ensemble, hier comme aujourd'hui. Il s'agit de la place et de la reconnaissance des systèmes de savoirs autochtones au sein de la société, qu'on parle de l'université, des gouvernements ou du monde communautaire autochtone.
    Plusieurs collègues, autochtones et non autochtones, et moi-même avons mis sur pied, il y aura bientôt 25 ans, le Réseau de recherche et de connaissances relatives aux peuples autochtones, communément appelé le Réseau DIALOG. C'est dans ce cadre que nous travaillons à construire une nouvelle relation entre le monde universitaire et le monde autochtone, en privilégiant la coconstruction des connaissances et la prise en compte des perspectives, aspirations, pratiques et compétences des Autochtones en matière de recherche et d'avancement des connaissances. Nous croyons fermement que la réconciliation avec les peuples autochtones réside dans la création d'espaces d'engagement éthiques et partagés, à l'instar de ce que nous faisons au Réseau DIALOG.
    Forts de nos contributions conjointes, nous pouvons aujourd'hui identifier trois défis relatifs aux travaux entrepris par le Comité permanent de la science et de la recherche.
    Le premier défi est celui du statut des savoirs autochtones. Parler d'intégration des savoirs autochtones, comme cela est proposé ici, réduit considérablement leur portée, qu'elle soit scientifique ou autre. À l'instar de la science, les savoirs autochtones doivent être compris comme parties constitutives de systèmes, c'est-à-dire des ensembles d'informations organisées, dynamiques, organiques et autonomes. Ces systèmes se composent de données, bien sûr, mais aussi de pratiques, de dispositifs, d'habiletés, d'opérations intellectuelles et d'actions revêtant un caractère collectif. À ce titre, l'objectif de faire une place aux savoirs dans l'élaboration des politiques publiques ne peut donc se résumer à l'intégration d'informations diverses, aussi pertinentes soient-elles, dans les corpus scientifiques. Il convient plutôt de créer des ponts de compréhension entre les sciences qui agissent aussi comme des systèmes, d'une part, et les systèmes de savoirs autochtones, d'autre part. Il faut déjà admettre, ici, que la science, on en conviendra, est loin d'être univoque. Par exemple, les modes d'explicitation qui proviennent des sciences naturelles et ceux qui proviennent des sciences sociales ou des sciences humaines sont fort distincts.
    Le deuxième défi dont j'aimerais vous faire part est celui des politiques publiques en elles-mêmes. Parle-t-on exclusivement des politiques environnementales, ou parle-t-on aussi des politiques sociales? La question doit être posée, car les discours émanant des sciences environnementales dominent dans les questionnements qui ont trait aux savoirs autochtones. Ce n'est pas par hasard qu'on parle si facilement des savoirs écologiques. Je...
(1105)

[Traduction]

    L'écran est gelé ici. Je vais faire une pause et voir si nous pouvons rétablir la connexion.
    Elle est peut-être simplement en train d'insister sur un point.
    C'est exact. Elle nous laisse y réfléchir.
    Pendant que nous attendons, madame Marjolaine Tshernish, pourriez-vous allumer votre microphone pour que nous puissions rapidement vérifier votre son? Je crois comprendre que nous avons eu quelques difficultés techniques.

[Français]

    Vous ne m'entendez pas, n'est-ce pas?
    Alors, on parle...

[Traduction]

    C'est bon. Je vous remercie.

[Français]

    Est-ce mieux?

[Traduction]

    C'est bien. Veuillez m'excuser. Nous avons arrêté le chronomètre, mais nous sommes de retour, madame Lévesque.
    Je vais redémarrer le chronomètre.

[Français]

    D'accord, merci.

[Traduction]

    D'accord. Allez‑y, je vous prie.

[Français]

     On part avec l'idée préconçue que la condition itinérante est la même pour toutes et tous. On ne s'interroge pas suffisamment sur les formes que peut prendre la condition itinérante lorsqu'elle est le fait de personnes autochtones. En y regardant de plus près, on se rend compte que les trajectoires des personnes autochtones en situation d'itinérance sont suffisamment exclusives pour nécessiter des solutions particulières, qui reflètent les pratiques et les modes de socialisation qui ont cours au sein du monde autochtone. Ces pratiques et modes de socialisation relèvent aussi des systèmes de savoirs autochtones. À bien des égards, les systèmes de savoirs viennent éclairer les zones d'ombre qui existent dans les sciences. Leur prise en compte permet de modifier, parfois très favorablement, les travers hiérarchiques et linéaires qui colorent les sciences, tant sociales que naturelles.
    Le troisième et dernier défi que j'aimerais aborder ici est celui de l'ouverture et du croisement des sciences. Les questions qui se posent aujourd'hui ne sont pas nouvelles. Il y a déjà 30 ans, le gouvernement fédéral, dans la foulée de la Convention sur la diversité biologique de 1992, a mis en avant de très nombreuses initiatives visant à documenter et à caractériser les savoirs écologiques autochtones dans de nombreux domaines de l'environnement. Outre une [difficultés techniques] découlé et qui, dans la très forte majorité des cas, est restée confinée à la communauté scientifique, force est de constater que très peu d'enseignements ont été tirés de ces projets. Trop peu d'informations ont circulé au sein des instances et communautés autochtones, trop d'études ont ignoré les aspects sociaux et culturels des savoirs.
    Voilà donc des situations...

[Traduction]

    Nous allons devoir nous arrêter ici. Nous avons un peu dépassé le temps imparti. Nous avons entendu une partie de votre conclusion, mais nous pourrons peut-être écouter le reste lors des interventions et des questions. Je vous remercie de votre témoignage.
    Nous allons maintenant entendre la cheffe Jessica Lazare, du Conseil mohawk de Kahnawake.
    C'est un plaisir de vous avoir parmi nous.
    [La témoin s'exprime en mohawk.]
    [Traduction]
    Je suis la cheffe Jessica Lazare du Conseil mohawk de Kahnawake. Je tiens à remercier le Comité de me donner l'occasion de participer à une étude aussi importante et intéressante. Je ne suis pas une personne qui étudie ou a étudié la science. Cependant, je parlerai aujourd'hui de mon expérience personnelle et des enseignements qui m'ont été transmis par les aînés, mes collègues et les gardiens du savoir. Les principaux messages que j'aimerais vous communiquer aujourd'hui sont ancrés dans ces enseignements.
    Je présume que le travail que vous faites dans le cadre de cette étude consiste à examiner plus en profondeur deux visions du monde très différentes pour tenter de résoudre les conflits entre ces deux systèmes de connaissances. Souvent, il peut y avoir des conflits lorsque l'accent est mis sur les différences. Il est également important de voir les similitudes, car différentes perspectives et approches permettent d'atteindre des objectifs communs. Ces deux systèmes de connaissances peuvent se compléter et s'aider mutuellement afin de bien comprendre les sciences.
    Notre système de connaissances, celui de Kahnawake, découle de notre langue. La langue fait partie intégrante de notre vision du monde. Elle est fondée sur des verbes, des actions, et sur ce que nous voyons, entendons et observons. Elle renferme des enseignements sur la science et démontre que mon peuple a compris la science du monde naturel, les relations qu'il comporte et la nécessité de maintenir un équilibre avec tous les êtres vivants. Pour être honnête, il sera très difficile de vous l'expliquer de façon à ce que vous puissiez pleinement saisir en cinq minutes, surtout sans les gens qui maîtrisent très bien la langue kanienkehaka, ou mohawk.
    La terre est également un facteur important dans l'étude des systèmes de connaissances autochtones. Quand on est autochtone et qu'on vient de cette terre, on possède une compréhension du monde naturel qui est enseigné par des générations de coexistence avec la terre. Le savoir est transmis par une langue, qui est plus ancienne que les générations de familles établies ici. Lorsque les colons sont arrivés, l'environnement était hostile. Les moyens de subsistance étaient difficiles. Ce territoire et ses éléments étaient complètement étrangers à la biologie européenne. Cependant, les Premières Nations ont appris aux colons à coexister avec la terre et leur ont enseigné les remèdes qui les ont aidés à survivre aux maladies que ces nouveaux arrivants n'avaient jamais vues.
    Il faut aussi discuter de la façon dont les systèmes d'éducation occidentaux ont cherché à discréditer les systèmes de connaissances autochtones simplement parce qu'ils étaient différents. L'histoire des pensionnats en est la preuve. C'est un exemple des obstacles systémiques auxquels les Premières Nations ont été confrontées.
    À l'avenir, les politiques doivent admettre que le savoir autochtone est égal au savoir occidental. Nous pouvons collaborer pour mieux comprendre le monde en constante évolution qui nous entoure et utiliser nos savoirs respectifs pour atteindre des objectifs communs. Nous venons peut-être de territoires différents et parlons des langues différentes, mais nous pouvons trouver un terrain d'entente pour communiquer. Dans le cadre de votre étude, j'espère que vous trouverez une façon d'y parvenir grâce à l'élaboration de politiques.
    S'il y a une chose à retenir de ce discours, c'est que pour résoudre les conflits, il faut avoir l'esprit ouvert et comprendre les différentes perspectives. Lorsque vous me poserez vos questions, je vous demande d'écouter dans le but de comprendre, et non de répondre.
     Niiowén:nake.
(1110)
     C'est merveilleux. Je vous remercie infiniment.
    Notre dernière intervenante est Marjolaine Tshernish, qui a cinq minutes.

[Français]

    Kwe kwe.
    Je remercie...
    Veuillez m'excuser, madame Tshernish.
    Je m'appelle Philip den Ouden, je suis le greffier du Comité. J'aimerais vérifier une chose.
    Nous vous entendons, mais je ne crois pas que cela vienne de votre appareil.
    Au bas de l'écran, il y a l'icône du microphone, et il y a aussi une petite flèche. Si vous pouvez sélectionner la flèche et choisir le microphone avec le nom qui correspond à votre casque d'écoute, ce serait bien.
    M'entendez-vous? Est-ce que c'est bien de votre côté?
    Nous vous entendons, mais nous croyons que cela vient du microphone de votre ordinateur, et non du microphone de votre casque d'écoute.
    Maintenant, nous ne vous entendons plus.
(1115)

[Traduction]

    Je pense que nous devrons demander au soutien technique de communiquer avec vous pour essayer de résoudre les problèmes techniques afin que nous puissions poursuivre notre réunion. Si vous voulez bien rester en ligne avec eux, nous allons passer à notre première série de questions de six minutes chacune. Une fois que nous aurons réglé le problème technique, nous pourrons peut-être entendre votre exposé de cinq minutes et vous poser des questions par la suite.
    Pour l'instant, commençons par Gerald Soroka. Vous avez six minutes, je vous prie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins, en particulier la cheffe Lazare, d'être venus aujourd'hui.
    Je vais d'ailleurs commencer par la cheffe Lazare.
    De nombreux représentants autochtones m'ont parlé du manque de consultation du gouvernement libéral au sujet de la législation sur les armes à feu et de ses répercussions sur les communautés autochtones. Croyez-vous que vos voix sont maintenant entendues en ce qui a trait au savoir traditionnel autochtone, compte tenu des priorités du processus d'élaboration des politiques fédérales?
    Je crois qu'il y a encore des efforts à faire pour mener des consultations adéquates. Le problème n'est pas seulement attribuable au gouvernement libéral, mais bien à tous les gouvernements au cours des décennies de colonisation pendant lesquelles le gouvernement canadien a essayé d'éradiquer les peuples autochtones, le savoir autochtone et les systèmes autochtones, puisqu'ils étaient très différents de ce que les colons ont apporté ici.
    Ce n'est pas propre à un gouvernement ou à un autre. C'est constamment un enjeu pour les Premières Nations et les peuples autochtones du Canada.
    Comment un gouvernement peut‑il améliorer son processus de consultation pour s'assurer que les points de vue des Autochtones sont adéquatement représentés dans les décisions stratégiques, en particulier dans les domaines qui touchent les pratiques et les droits traditionnels?
    Avez-vous toute la journée?
    Honnêtement, je ne passerai pas par quatre chemins. Je dirais qu'il faut offrir des espaces aux peuples autochtones et leur donner la possibilité d'exprimer leur voix et leurs opinions et de divulguer leur savoir. Nous avons de nombreux talents et gardiens du savoir dans nos collectivités qui ont différentes connaissances et compétences, et qui peuvent participer à l'élaboration des politiques et des lois pour veiller à ce que le Canada n'empiète pas sur nos droits et nos intérêts.
    Je vous remercie de votre réponse.
    J'aimerais poser des questions à chaque témoin. Je vais donc maintenant m'adresser à Mme Lévesque.
    D'après vos recherches et votre collaboration avec les communautés autochtones, quels principes clés recommanderiez-vous pour une intégration réussie des connaissances autochtones à l'élaboration des politiques gouvernementales?

[Français]

     Je reprendrais les propos de ma collègue qui vient de parler. À partir du moment où on ne parle pas d'intégration, mais plutôt de reconnaissance des systèmes de savoirs, de leur mode d'apprentissage et de ce que les peuples autochtones, les groupes autochtones et les instances autochtones mettent en place, on pourrait créer des espaces de connexion entre les sociétés canadienne et autochtones. Il ne faut pas seulement voir cela sous l'angle de l'intégration, mais bien sous l'angle de la reconnaissance de systèmes de savoirs différents.

[Traduction]

    Dans le même ordre d'idées, avez-vous trouvé de meilleures méthodes de reconnaissance et de meilleures façons de les utiliser?

[Français]

    Oui, nous avons mis sur pied des projets avec certaines communautés anishinabes et innues du Québec. Ces projets ont eu des répercussions sur l'enseignement ainsi que sur les cursus du primaire et du secondaire, par exemple, et concernaient la transmission des connaissances aux jeunes générations. Comme je le soulignais plus tôt dans mon allocution, ces projets touchent des questions aussi délicates que la condition itinérante.
     Nous avons intégré des pistes de solutions dans des mémoires destinés aux comités parlementaires, fédéraux ou provinciaux. Ces pistes de solutions permettent justement la rencontre de connaissances différentes, en vue de développer des politiques qui reconnaissent l'existence des systèmes de savoirs et leur rendent justice, mais aussi des manières d'aborder ces savoirs en contexte autochtone.
    Évidemment, nous sommes en faveur de ces ensembles de connaissances convergentes pour des espaces où il est possible d'interagir, plutôt que de simplement voir le monde autochtone d'un côté et le monde non autochtone de l'autre. Au bénéfice des populations autochtones, il faut créer des espaces de rencontre, des interfaces où se retrouvent des préoccupations communes. Il faut que cela passe par des politiques et des programmes, dont des programmes de santé et de services sociaux. On doit tenir compte des attentes et des perspectives autochtones.
     C'est dans ce sens que nous notons des résultats très concrets au Québec. Nous en voyons dans plusieurs domaines, dont l'habitation, le logement, les nouveaux immeubles développés par le Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec. Ce sont des milieux de vie qui reprennent des valeurs, des principes et des savoirs autochtones, en plus de permettre d'accueillir, à l'échelle de la province, une population de futurs étudiants et étudiantes autochtones qui vont s'installer dans ces nouveaux immeubles en famille, et souvent sur plusieurs générations. Dans certains cas, des précédents ont été créés au Québec. Ils résultent souvent des travaux que nous avons menés ensemble.
(1120)

[Traduction]

    Je vous remercie. C'est très bien. Je vous suis reconnaissant de cette réponse complète.
    Je vous remercie de vos questions, monsieur Soroka.
    Le temps ne peut pas être déjà écoulé.
    Six minutes, c'est vite passé.
    La parole est maintenant à Mme Bradford, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie infiniment nos témoins qui sont avec nous aujourd'hui, en personne et virtuellement. J'espère sincèrement que Mme Tshernish pourra être en ligne avec nous.
    Tout d'abord, j'aimerais commencer par Mme Lévesque.
    J'invoque le Règlement. L'interprétation est inversée.
    Nous pourrions peut-être inverser les canaux anglais et français.
    J'ai arrêté le chronomètre. Pourriez-vous poser une autre question pour que nous puissions nous assurer que nous avons la bonne langue d'interprétation?
    Bonjour. Est‑ce que c'est mieux?
    C'est bon, tout va bien.
    D'accord, le problème est réglé.
    C'est bien.
    Veuillez continuer.
    Je vous remercie, monsieur Cannings.
    Madame Lévesque, je m'intéresse beaucoup à votre travail au sein de Dialog, le Réseau de recherche et de connaissances relatives aux peuples autochtones que vous avez fondé en 2001. Si j'ai bien compris, il met en relation des étudiants, des chercheurs et des partenaires autochtones depuis 2001. Cela ne date pas d'hier.
    Quelles leçons peut‑on tirer des échanges que le réseau Dialog a permis depuis plus de deux décennies?

[Français]

     Je vous remercie de votre question.
    En fait, on voit les résultats dans les exemples que je viens de donner à l'instant. Dans nos travaux, et dans ceux qui se déroulent toujours en coconstruction, on a pu démontrer que le thème de l'intégration ne permet pas d'atteindre les objectifs que nous partagions avec nos collègues non autochtones. Lorsqu'on parle d'intégrer les savoirs autochtones dans la science, on se trouve à banaliser, en quelque sorte, la valeur et la consistance de ces systèmes de savoirs. Il faut plutôt aller vers quelque chose qui permet l'interaction, la connexion. Il ne s'agit donc pas simplement d'une intégration. À partir du moment où on parle d'intégration, on minimise le rôle des savoirs et de tout l'appareil des systèmes de savoirs. Déjà, en ne parlant pas d'intégration, on a pu mettre au jour des pratiques, des habiletés, des compétences qui, autrement, ne seraient pas prises en compte.
    Lorsqu'on parle d'intégrer les savoirs dans la science, on réduit les savoirs autochtones à des informations, à des données très précises. Cela ne veut pas dire que cela n'a pas d'importance, cela veut simplement dire qu'on perd de vue tout le système social et communautaire qui nourrit les savoirs autochtones. Cela veut dire qu'on ne tient pas compte de ce qui accompagne les informations alors que, dans la science, on sait bien que ce n'est pas simplement une question de données. Ce sont des protocoles, des procédures méthodologiques, des enquêtes, des compétences que développent les chercheurs, les scientifiques.
    En contexte autochtone, si on s'en tient à intégrer des informations dans la science, on perd de vue les modes de transmission, les modes d'apprentissage. On perd de vue la signification intergénérationnelle de ces connaissances. C'est en ce sens que nous avons fait des progrès et que ceux-ci se sont répercutés dans de nombreux travaux et de nombreux domaines.
(1125)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je pense que vous venez de décrire les défis que pose le rapprochement des deux solitudes. La méthode scientifique est entièrement fondée sur des données quantifiables, alors que le savoir autochtone repose sur l'expérience vécue au fil des générations — littéralement, l'observation sur le terrain et ce genre de choses.
    Je peux comprendre qu'il y a probablement eu des difficultés et des malentendus au cours des 20 années pendant lesquelles Dialog a été opérationnel. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont vous surmontez ce problème et vous assurez que les connaissances autochtones sont traitées de façon égale sans être supplantées par l'approche scientifique?

[Français]

    Je dirais que les savoirs autochtones ne se confinent pas dans le registre du qualitatif. Il y a des savoirs autochtones qui sont très normés et qui donnent aussi des résultats qu'on pourrait classer dans le quantitatif. C'est une préconception de penser que les savoirs autochtones ne sont que dans le qualitatif. Il y a des normes, des façons de faire. La science est aussi très normée et codifiée, mais il ne faut pas perdre de vue que la science n'est pas que les sciences environnementales, les sciences naturelles, les sciences physiques. C'est aussi les sciences sociales, les sciences humaines.
    En abordant la question des savoirs autochtones, on dépasse les frontières que nous avons érigées dans nos systèmes scientifiques. Les gens des sciences sociales ne travaillent pas souvent avec des gens des sciences naturelles. Dans le Réseau DIALOG, nous avons travaillé à partir de multiples disciplines pour tenter de voir les correspondances entre ces disciplines, parce que les systèmes de savoirs autochtones ne peuvent pas s'appréhender sous l'angle disciplinaire. Elles s'appréhendent sous l'angle de la compréhension du monde.
     En travaillant de manière interdisciplinaire, voire transdisciplinaire, on a réussi à développer l'écoute et les apprentissages nécessaires, de notre côté, pour aborder et circonscrire les systèmes de savoirs autochtones qui, eux, ne sont pas cloisonnés.

[Traduction]

    Je voulais simplement apporter une précision. Je comprends que les peuples autochtones ont également beaucoup aidé les gouvernements au fil des ans à quantifier les espèces en voie de disparition.
    Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur Blanchette‑Joncas, vous avez la parole pour six minutes.
    Je salue les témoins qui se joignent à nous aujourd'hui.
    Madame Lévesque, j'ai bien écouté votre allocution d'ouverture. Je veux profiter de votre forte expérience comme anthropologue pour tenter de démystifier des choses. Plusieurs témoins se sont joints à nous au cours de cette étude, et on ne s'entend pas tous sur la même chose.
    Existe-t-il une définition claire de la science occidentale?
    Dans l'histoire humaine, à quel moment a-t-on attaché un caractère ethnique ou national à la science?
(1130)
    Vous abordez une question extrêmement complexe, et je ne crois pas être en mesure de vous apporter une réponse.
    Je dirais que la science s'est développée sur des centaines, voire des milliers d'années, à partir d'éléments qui ont constitué les sciences modernes. Il en est de même en contexte autochtone.
    Il n'y a pas une science, mais des sciences. La science permet de comprendre des réalités ou des phénomènes sociaux et environnementaux dans une foule de domaines. Cela nous permet de créer des savoirs communs. La science agit à l'échelle collective, alors qu'on avait tendance, auparavant, à voir cela de manière très individualiste.
    En milieu autochtone, c'est la même chose: les savoirs sont détenus collectivement. Quand on va chercher une information auprès d'une seule personne, on n'a qu'un tout petit bout du système de savoirs.
    Pour ce qui est des caractéristiques de la science en général, je ne peux pas vous les dire autrement qu'en me basant sur mon expérience comme anthropologue: il y a des sciences et des pratiques différentes, mais il s'agit toujours de créer des savoirs qui sont validés par les pairs et remis en contexte collectif, contrairement à une opinion. Une opinion n'est pas un savoir; une opinion est un point de vue individuel. En revanche, un savoir est une information validée, remise en contexte, étudiée et explicitée qui s'inscrit dans un corpus commun. Or c'est souvent là que le bât blesse.
    Alors, quand on veut joindre des personnes pour qu'elles nous livrent leur savoir, elles peuvent nous fournir des informations à titre d'individus, mais il faut comprendre le système de la même manière qu'on le fait pour comprendre la science. Il faut voir les systèmes scientifiques et les systèmes de connaissances qui ont été développés en médecine, en santé et en éducation à l'échelle sociétale dans leur ensemble.
    La science n'est pas portée par une personne.
    Madame Lévesque, je vais poursuivre sur la façon de voir l'ensemble.
    Sur le plan universel, existe-t-il une définition de la science ou du savoir autochtone?
    Non, pas plus qu'il n'y a une définition exclusivement universelle du savoir scientifique. Les sciences sociales, les sciences humaines, qui produisent du sens; les sciences physiques, les sciences naturelles et les sciences technologiques relèvent de savoirs cumulatifs. On peut prétendre à une universalité dans ce cas-là. Cela dit, en sciences sociales, ce ne sont pas des savoirs cumulatifs, mais des savoirs explicatifs. Ce sont des savoirs qui relèvent d'une compréhension des sociétés et de leurs manifestations.
     Les systèmes de savoirs autochtones rejoignent l'universel, en ce sens qu'il y en a partout. Les sciences sociales rejoignent l'universel dans la mesure où il y a des sciences sociales qui se pratiquent différemment en Afrique, en Amérique du Sud et au Canada. Il y a des spécificités liées à l'aspect sociétal, et c'est la même chose en contexte autochtone.
    On souhaite que la science soit universelle — c'est une de ses prétentions, d'abord —, mais jusqu'où la science est-elle universelle, et quelles sont les disciplines scientifiques qui nous apportent des compréhensions vraiment universelles?
     Madame Lévesque, je veux poursuivre avec vous pour bien comprendre.
    Vous dites que le savoir autochtone a un mode de connaissance différent de celui de la science traditionnelle. Vous l'avez évoqué, la méthode scientifique a un processus normalisé.
    S'il y a deux modes de connaissance différents et qu'on n'utilise pas le même processus scientifique, puisque vous dites qu'il n'est pas nécessairement applicable, comment fait-on, alors, pour distinguer le vrai du faux?
    Comment fait-on pour distinguer les croyances, les traditions, les opinions et les hypothèses de la réalité, ainsi que d'une connaissance, qui peut être validée par des pairs, par un processus scientifique normalisé?
(1135)
    J'aime beaucoup votre question. Elle me permet de rappeler que le réseau DIALOG a créé des espaces où la rencontre est possible, et il continue de le faire. Nous ne visons pas à changer la science au complet comme nous ne visons pas à changer les systèmes de savoirs au complet, mais nous pouvons créer des espaces de rencontre, où nous arrivons à trouver des dénominateurs communs.
    Je reviens à votre question, à savoir comment distinguer un savoir d'une opinion ou d'une croyance. Là, il faut voir tout le travail qui se fait en sciences sociales. Nous sommes formés pour établir s'il s'agit d'un réel savoir, qui a été validé par des gens, c'est-à-dire un savoir qui se distingue d'une opinion.
     C'est le propre des sciences sociales. Je ne peux donc pas faire autrement que d'inscrire ma réflexion dans mon propre domaine.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je fais preuve d'un peu de souplesse à l'égard du temps, parce que nous avons un témoin ici, mais nous devons nous en tenir le plus possible aux six minutes.
    Nous passons maintenant à M. Cannings, qui a les six dernières minutes.
    Merci. Je tiens à remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui. C'est très intéressant.
    Je vais commencer par la cheffe Lazare.
    En tant que cheffe de Kahnawake, comment votre gouvernement utilise‑t‑il le savoir autochtone dans son travail, et qu'en est‑il de la science occidentale ou des colons? Comment rapprocher les deux? Vous avez parlé de mettre l'accent sur les similitudes. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de la façon dont cela se fait?
    Je vais répondre au meilleur de mes connaissances, étant donné que je ne suis pas une scientifique.
    Nous avons différents services au sein du Conseil mohawk de Kahnawake. Un exemple prédominant serait le Bureau de protection de l'environnement, ou KEPO. Son travail consiste à protéger les terres sur lesquelles nous avons malheureusement été entassés. Ces gens font beaucoup de surveillance des ruisseaux, des sols, des cours d'eau et de l'air. Ils examinent la situation du point de vue des sciences naturelles, puis envoient des échantillons à analyser: « Qu'est‑ce qui se trouve dans l'air? Qu'y a‑t‑il là‑dedans? » Parallèlement, nous surveillons le réchauffement climatique. Nous examinons toutes les différentes choses qui sont arrivées dans la société qui nous entoure, y compris les voitures, les trains, les bateaux ou les navires. Comme vous le savez, les trois passent par notre communauté. Nous en évaluons l'incidence sur la qualité de l'air et du sol, et observons comment la terre se nettoie.
    La Terre mère a toujours été capable de se nettoyer. Elle a toujours pu subvenir à ses besoins et prendre soin d'elle-même. Cependant, compte tenu de l'interaction et de l'invasion humaine en général, elle a du mal à suivre le rythme. Plus de dommages sont causés que ce que la terre peut réparer. Comme vous le savez, les arbres peuvent purifier l'air et le sol. Les racines... Elles sont toutes liées. Tous ces enseignements se trouvent dans les langues et les histoires. Je sais que c'est difficile à comprendre pour certains. Comment peut‑on apprendre une chose aussi scientifique à partir d'une histoire qui est transmise et racontée? Cependant, si vous prêtez vraiment attention aux mots et à la racine de l'histoire, vous apprenez pourquoi ces relations sont si importantes les unes pour les autres. Si nous commençons à abattre tous les arbres et à simplement conserver les racines, la qualité de l'air se détériorera. La qualité du sol se détériorera parce que ces arbres finiront par mourir. Il en va de même pour les plantes. Au Canada, il y a beaucoup d'espèces envahissantes qui sont arrivées sur ces terres et qui ont détruit les écosystèmes naturels nous entourant.
    En plus de ce qu'il fait dans son propre service, le KEPO travaille également avec notre comité de consultation, qui reçoit très souvent — chaque semaine — des documents aux fins de consultation visant à cocher les cases de différentes demandes de permis. Malheureusement, ce n'est rien de plus. Il suffit de parler à quelqu'un. Ce n'est qu'une case cochée: « D'accord, nous leur avons parlé, et c'est tout. » Les gens ne tiennent pas véritablement compte de nos renseignements, de notre compréhension du monde ou de nos pratiques de chasse et de récolte. Tous ces éléments sont compensés par ce que nous savons de la science et des relations entre tous les êtres naturels.
    Nous ne pouvons pas trop chasser, sans quoi l'équilibre ne sera pas durable. Il y a des abattages sélectifs de cerfs. Les gens vont chasser le chevreuil parce qu'il y a une surpopulation. C'est une autre façon d'essayer de maintenir l'équilibre. Il y a toutes sortes de méthodes différentes dans ma collectivité, qu'il s'agisse des bureaux et des services avec lesquels je travaille au sein du Conseil mohawk de Kahnawake, ou des membres de la communauté qui élaborent des programmes pour revitaliser et diffuser ces connaissances, parce qu'une grande partie était... Je ne veux pas dire qu'on nous les a enlevées, parce que nous avons toujours ce savoir. Cependant, les décideurs ont essayé d'en supprimer une grande partie. Très peu de gens possèdent les connaissances. Maintenant, d'après ce que je vois, les membres de notre communauté essaient de donner un nouveau souffle au savoir. C'est très culturel, mais aussi scientifique. Il y a une raison pour laquelle nous faisions les choses de cette façon.
    Il y a aussi la cérémonie. L'intégration de la cérémonie à la science est probablement un concept étrange. Cependant, c'est ainsi que nous accueillons le monde naturel et tout ce qui nous a été donné par notre Créateur. Tout cela est fort important. Cela nous rappelle que nous ne faisons que vivre sur cette terre. Elle ne nous appartient pas. Ces êtres ne nous appartiennent pas. Nous ne pouvons pas les détruire. Nous devons travailler ensemble pour que le « cycle annuel » se poursuive. Ces cérémonies sont fondées sur la langue et les modes de vie, et nous rappellent chaque saison ce à quoi nous rendons grâce, pourquoi nous le faisons, à quoi servent ces différents remèdes et quels sont les rôles et les responsabilités des animaux, des arbres, des plantes et des eaux. S'il n'y a pas de poisson dans l'eau, il n'y aura pas d'eau propre. C'est ce genre de choses qui importent.
(1140)
    Mon peuple de Kahnawake, c'est‑à‑dire les Mohawks, le sait depuis des temps immémoriaux. Nous connaissons ces enseignements et nous les perpétuons en racontant des histoires aux enfants pour qu'ils commencent à les comprendre en bas âge. Lorsqu'on raconte des histoires aux enfants, c'est plus intéressant et beaucoup plus engageant qu'un discours comme celui‑ci. Différents outils et différentes méthodes entrent en jeu et, bien entendu, nous voulons que nos enfants grandissent en sachant ces choses, en les ayant, plutôt que de devoir les enseigner après, quand c'est un peu trop tard.
    M. Richard Cannings: Merci.
    Merci.
    Merci, monsieur Cannings, d'avoir accordé le temps nécessaire à la réponse. Les réunions de comité se déroulent parfois tellement rapidement que nous n'obtenons pas ce genre de réponse élaborée.
    Merci de la réponse.
    Merci d'avoir accordé le temps nécessaire, monsieur Cannings.
    Pour les cinq prochaines minutes, nous allons passer à Corey Tochor.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    Cheffe Lazare, vous avez parlé de l'importance de la Terre mère et des rôles des animaux. On vous a posé des questions plus tôt, et des membres du Comité ont malheureusement ricané lorsque nous avons parlé de l'importance de la chasse. Pouvez-vous parler de certaines des histoires de chasse que les aînés racontent à la prochaine génération pour qu'elle comprenne l'importance de la chasse et, dans le contexte des connaissances, la façon dont nous interagissons avec la Terre mère et les animaux?
    Voulez-vous que j'en dise tout simplement plus à ce sujet?
    Oui, s'il vous plaît.
    Dans la culture de Kahnawake, nous avons l'expression Kanien'kehá:ka onkwawén:na raotitióhkwa, qui signifie: « les mots avant tout le reste ». Je suis certaine que vous l'avez entendue dans différentes tribunes. Vous avez entendu des chefs ou des aînés, voire même des jeunes qui commencent à pouvoir prendre la parole dans ces tribunes publiques réciter ces mots: Kanien'kehá:ka onkwawén:na raotitióhkwa. Ils se traduisent par « les mots avant tout le reste »; c'est ce qui est le plus important.
    Avant de commencer nos journées, de commencer ces réunions, nous devons unir nos esprits en une même entité. Nous devons réfléchir ensemble. J'essaie de traduire. C'est très difficile. J'ai trois langues en tête. Nous devons d'abord remercier la Terre mère. Nous la remercions pour tout ce qu'elle nous donne: pour le territoire sur lequel nous marchons; pour permettre aux plantes de pousser; pour l'eau. Nous la remercions pour l'eau, pour les poissons. Nous la remercions pour les arbres, les animaux et les autres êtres vivants, des insectes et des racines jusqu'aux vents qui portent les graines du changement et ainsi de suite.
    Tout cela pour dire que nos rôles et nos responsabilités en tant qu'humains consistent à coexister avec tous ces êtres vivants et que nous n'avons pas préséance sur eux. Nous ne sommes pas plus importants. Nous sommes sur un pied d'égalité avec ces différentes choses. Nous avons la même importance.
    Dans mes enseignements, lorsqu'il est question de la chasse et de la cueillette, je dis que le Créateur nous a donné ces animaux pour nous permettre de survivre. Lorsqu'un chasseur voit un cerf ou qu'un cueilleur voit des plantes médicinales, l'enseignement est de ne pas prendre le premier. Dans le cas des plantes médicinales, vous savez que c'est parce que cela pourrait être la dernière. On attend jusqu'à ce qu'on en voit quelques autres, jusqu'à ce qu'on sache que ce n'est pas la dernière. C'est une pratique durable, car nous savons qu'il n'y en aura plus si nous cueillons la dernière. C'est la même chose pour la chasse. Nous savons qu'il est très difficile de chasser. Il faut parfois patienter des heures, voire des jours avant de voir un cerf ou un orignal, et on peut alors finalement abattre l'animal pour assurer la subsistance de sa famille.
    On doit comprendre que notre façon de nous comporter a beaucoup changé. Il arrive que les autres ne soient pas chasseurs ou que des familles ne chassent pas, et que des personnes chassent pour d'autres familles. Nous mettons en commun ces moyens de subsistance, ces protocoles, ces connaissances.
    J'espère que je réponds à votre question, car je pourrais continuer indéfiniment à en parler.
(1145)
    Eh bien, pour cerner la question, car je n'ai pas beaucoup de temps, que diriez-vous aux personnes qui ricanent à l'idée que la chasse n'est pas importante pour les Autochtones au Canada ou que les pratiques qui sont transmises depuis des générations pourraient prendre fin sous le gouvernement actuel? Que diriez-vous à ceux qui ricanent ou qui ne comprennent pas l'importance de la chasse pour la communauté et l'importance, comme vous en avez parlé un peu, de partager dans la communauté ce qui est chassé et cueilli? Pouvez-vous en parler un peu?
    Je dirais qu'il est très triste de voir un manque de compréhension, un manque de volonté pour comprendre une culture différente, une pratique différente, une vision du monde différente.
    Je dirais que si vous voulez apprendre, nous vous emmènerons chasser. Si vous voulez apprendre, venez dans notre communauté, et nous vous montrerons ce que cela signifie d'être une communauté. Nous vous montrerons ce que cela signifie pour nous de chasser et de cueillir, pour que vous puissiez pleinement comprendre et pour mettre fin aux ricanements.
    Je trouve frustrant, en tant que parlementaire et chasseur, que notre mode de vie soit remis en question, lorsque des gens pensent que nos fusils de chasse ont en quelque sorte une incidence sur le crime au centre-ville de Toronto. Cela me semble ridicule. Y a‑t‑il des gens dans votre communauté qui pensent également que ce lien est faux?
    Oui, bien sûr. Je crois qu'une grande partie des pratiques des Autochtones, surtout les Kahnawa'kehró:non, le peuple de Kahnawake, semblent ridicules et illégales pour les gens de l'extérieur. C'est un autre défi auquel nous faisons face — et je vais parler au nom de Kahnawake, car je ne viens pas de l'autre communauté —, et nous estimons que c'est injuste.
    Merci beaucoup.
    Merci pour le témoignage et les questions.
    Nous passons maintenant à M. Turnbull pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci aux deux témoins. J'aime vraiment la discussion et l'espace que vous nous aidez à créer ici.
    Cheffe Lazare, je pourrais peut-être commencer par vous. À la toute fin de votre déclaration liminaire, vous avez fait une observation sur l'écoute et son importance. Vous avez fait une distinction qui me plaît beaucoup en disant qu'il est question de l'écoute dans l'intérêt d'écouter plutôt que pour répondre. Je pense que vous avez dit...
    J'ai parlé d'écouter pour comprendre.
    Il est question d'écouter pour comprendre, ce qui est très différent. Voulez-vous démêler cela pour les députés? Je pense que c'est vraiment important. C'est peut-être lié à certains autres témoignages aujourd'hui, à propos de l'importance d'être ouvert d'esprit et d'avoir une bonne attitude. J'estime que c'est une sorte d'attitude face à l'apprentissage, mais vous l'expliqueriez peut-être différemment; je ne sais pas. Pouvez-vous expliquer cela un peu plus pour nous et dire à quel point c'est important?
    Oui, bien sûr. Dans les différentes tribunes où j'ai travaillé et où j'ai pris la parole, j'ai constaté qu'écouter pour comprendre permet d'avoir un dialogue plus productif et plus propice à l'apprentissage de différents points de vue, que ce soit en parlant à mes enfants ou dans un contexte professionnel.
    Quand on écoute seulement pour répondre, on constate que l'écoute se fait sur la défensive, et on est déjà bloqué et fermé à la compréhension. On a une discussion ou une tribune pour participer et apprendre, et on prend uniquement la parole pour répondre et critiquer ce qu'on entend, plutôt que de dire: « D'accord, je veux en entendre plus. »
    Nous avons peut-être des désaccords. Nous ne nous comprenons peut-être pas, mais le but de la conversation et des échanges, c'est d'apprendre quels sont ces points de vue. Nous pouvons convenir que nous ne sommes pas d'accord; c'est de bonne guerre. Cela m'arrive. Nous pouvons convenir que nous ne sommes pas d'accord. Je suis la plus jeune dans mon groupe de 12. Cela me donne honnêtement un point de vue différent de celui de la personne la plus âgée ou de la personne qui est là depuis le plus longtemps.
    Il est bon d'avoir ce genre de diversité, d'avoir ce genre de dialogues et de discussions, car différents points de vue sont exprimés pour atteindre un objectif commun. On prend connaissance de nombreuses choses différentes dont on n'a peut-être pas tenu compte. Par exemple, vous pouvez dire: « Voici ce que je comprends de la situation. D'accord, savez-vous quoi? Nous pourrions également en tenir compte. » C'est de cette façon qu'on apprend. C'est ainsi qu'on fait des progrès et qu'on peut favoriser la résolution de problèmes.
(1150)
    Merci.
    J'ai peut-être juste une question complémentaire. Je pense vous avoir entendu dire — ou c'est mon interprétation — que lorsqu'on écoute pour comprendre, on est ouvert et prêt à changer de point de vue, à voir les choses autrement.
    Je dirais que le point de vue évolue.
    Oui.
    Il est bon d'avoir ses convictions, mais en même temps, il est bon d'évoluer et de changer, car nous sommes des êtres naturels.
    Je comprends.
    Madame Lévesque, je pourrais peut-être m'adresser à vous pour donner suite à ce qui a été dit. Vous avez mentionné l'importance de l'écoute, et vous avez aussi parlé de créer des espaces pour interagir, des carrefours, et vous avez dit à quel point c'est important. Vous avez aussi un peu critiqué l'idée de l'intégration, ce que j'ai trouvé très perspicace.
    Je veux vous demander quels obstacles ou défis vous pourriez envisager lorsque le gouvernement fédéral essaie de créer ce genre d'espaces. Je pense que vous avez acquis une certaine expérience pendant les quelque 20 années que vous avez consacrées à cela. Pourriez-vous parler d'obstacles ou de défis qui pourraient survenir au moment de créer ce genre d'espaces? Pouvez-vous nous aider?
    Vous avez environ une minute.
    Je pense que sa connexion est gelée.
    Je pense que nous avons perdu Mme Lévesque.
    Dommage. J'avais vraiment hâte d'entendre sa réponse.
    Nous pourrions peut-être lui transmettre la question par écrit pour essayer de l'inclure aux témoignages de la journée.
    Il vous reste environ 20 secondes, si vous avez une autre question.
    Je vais peut-être revenir à vous, cheffe Lazare.
    À propos de vos modes de connaissance et de votre savoir traditionnel, quels sont les signes des changements climatiques que vous voyez et qui vous préoccupent profondément?
    Veuillez répondre très brièvement, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    Vous pourriez peut-être en donner un ou deux.
    Nous voyons beaucoup de choses en ce moment. Je ne peux pas parler précisément de ce qui se rapporte aux changements climatiques, car je ne me suis pas préparée à cette fin. Je suis désolée. Je peux probablement répondre par écrit.
    C'est ce que nous ferons. Revenons à la case départ. Malheureusement, le temps n'est pas de notre côté pour cette question. Merci d'avoir essayé.
    Monsieur Blanchette-Joncas, vous avez deux minutes et demie, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Lévesque, tout à l'heure, vous avez parlé de l'importance des ponts de compréhension.
    J'aimerais que vous nous expliquiez une chose. Comment le gouvernement fédéral peut-il prendre des décisions qui intègrent les expériences des communautés autochtones si les modes de connaissances sont différents? Vous avez dit que l'évaluation se faisait de façon différente. J'aimerais savoir si les communautés ont eu des expériences qui diffèrent de ce que les données scientifiques démontrent. Autrement dit, y a-t-il des contradictions? Comment fait-on pour intégrer tout cela et pour distinguer ce qui est bon de ce qui l'est moins?
    Là est toute la question. Comment peut-on dire que la méthode scientifique s'applique ou non aux connaissances autochtones?
    Comme je l'ai brièvement mentionné plus tôt, il ne s'agit pas de rejeter la science ou les savoirs autochtones, mais de donner une chance égale à chaque système de savoirs. Cela peut passer par la coconstruction et par les rencontres de travail, par exemple. Il s'agit de trouver des liens entre la science et les savoirs autochtones.
    Bien sûr, il peut arriver que ça n'aille pas nécessairement dans le même sens. Cela dit, si une équipe est convaincue de l'importance de trouver des solutions ensemble, il est possible qu'elle trouve deux solutions, dont l'une provient de la science et l'autre des systèmes de savoirs autochtones. Ces deux solutions peuvent coexister.
    Il ne s'agit donc pas de mettre en opposition la science et les savoirs autochtones; il s'agit plutôt de trouver des mécanismes permettant la rencontre de ceux-ci. Il faut qu'il y ait un échange entre les scientifiques ouverts à d'autres modes de compréhension et des personnes qui détiennent des savoirs autochtones. Il ne s'agit pas d'isoler, d'opposer ou de polariser deux mondes, mais de trouver des espaces de rencontre et de travailler au sein de ces espaces. Il ne faut pas présenter des réponses prédéterminées ou écrites d'avance. Il faut se donner les moyens d'aller plus loin dans nos systèmes de savoirs respectifs.
(1155)
    D'accord.

[Traduction]

    Monsieur Cannings, vous avez les deux dernières minutes et demie. Je vous en prie.
    Merci.
    J'aimerais poursuivre avec Mme Lévesque.
    Vous avez fait une distinction très énergique et, je pense, très appropriée à propos du mot « intégration ». Nous ne voulons pas parler de l'intégration des connaissances autochtones avec la science. Le but de cette étude, c'est l'intégration des connaissances autochtones dans nos décisions stratégiques — tout comme je préférerais, en tant que scientifique, voir plus de données scientifiques intégrées dans nos cadres décisionnels.
    Je me demande juste si vous pouvez en parler, si vous pouvez dire comment nous pouvons utiliser plus de connaissances autochtones dans notre prise de décisions, et comment cela fonctionnerait parallèlement à la science occidentale, ou colonisatrice.

[Français]

    Encore une fois, cette idée d'intégrer peut avoir un sens très large dans le contexte de ce comité de la Chambre des communes. Il ne s'agit pas de partir de la science comme point principal et d'ajouter un ingrédient qui proviendrait des sciences autochtones, des savoirs autochtones et des systèmes de savoirs autochtones. Il s'agit plutôt de voir comment on peut trouver des éléments de réponse dans les deux systèmes et comment on peut les faire coexister, plutôt que de les intégrer.
    Ce qu'on a fait au cours des décennies antérieures, en souhaitant intégrer les savoirs, n'a pas donné de résultats très probants, puisque la base était scientifique et peu ouverte à d'autres genres d'information. En créant une base un peu plus équitable, on arrive à faire intervenir des pratiques et des façons de faire. La science, ce n'est pas que des données; c'est aussi des pratiques et des façons de faire qui se rejoignent, parfois plus souvent qu'on pense. En fait, quand on s'en tient à l'idée d'intégrer, on perd de vue l'essence même des systèmes de connaissances autochtones, qui pourraient être d'autres façons de construire le savoir ou de construire l'expérience. Mme Lazare l'a bien démontré.
    Cependant, si on n'est pas ouvert à ce genre de pratiques, on perdra de vue des éclairages qui nous permettraient, par exemple, de développer des politiques en environnement, en santé ou en éducation plus effectives.

[Traduction]

    Merci.
    Vous en avez toujours plus long à dire que ce que le temps nous permet d'entendre, mais c'est la nature de ce que nous faisons ici, malheureusement.
    Madame Lévesque, cheffe Lazare, merci de votre contribution aujourd'hui. C'était une très bonne discussion, et je sais que nos analystes nous présenteront une partie de cette information.
    Nous travaillons encore en arrière-plan pour essayer de récupérer du temps avec Marjolaine Tshernish. Nous pourrons peut-être entendre son témoignage pendant la deuxième partie de la réunion. Dans la négative, nous allons continuer d'essayer pour obtenir le portrait le plus global possible.
    Monsieur le président, puis‑je faire une observation?
(1200)
    Avez-vous un rappel au Règlement?
    Ce n'est pas vraiment un rappel au Règlement. Je veux juste faire une très brève observation.
    J'ai posé une question à Mme Lévesque, et je pense qu'il serait vraiment formidable d'obtenir une réponse. Je sais qu'elle a eu des difficultés techniques au même moment. Ce n'était de la faute de personne. Je me demande juste si je peux obtenir...
    C'était mon prochain point.
    Vraiment? Toutes mes excuses.
    Nous n'avons pas obtenu toutes les réponses. Nous avons manqué de temps pour certaines, et nous avons eu quelques difficultés techniques. Je vous prie donc de transmettre les réponses au greffier.
    Si vous étiez hors ligne et que vous avez raté une question, nous allons essayer de vous la transmettre. Le greffier communiquera avec vous pour vous donner la question, pour que nous puissions l'inclure aux témoignages de ce matin. C'est parfois ainsi avec l'application Zoom.
    Merci à tous nos témoins.
    Nous allons suspendre brièvement la séance, puis entamer la deuxième partie de notre réunion.
(1200)

(1205)
    Nous avons encore des difficultés techniques en arrière-plan, mais nos deux témoins ont fait les tests de son, et nous sommes prêts.
    Conformément à l'article 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 18 septembre 2023, le Comité reprend son étude de l'intégration du savoir traditionnel et des connaissances scientifiques autochtones à l'élaboration des politiques gouvernementales.
    C'est maintenant avec plaisir que je souhaite la bienvenue à notre comité à Mme Nancy Turner, professeure émérite distinguée, ainsi qu'à Mme Vicki Kelly, professeure adjointe à l'Université Simon Fraser. Les deux se joignent à nous par vidéoconférence et se trouvent dans une partie du pays où il serait formidable pour nous de les visiter. L'inverse n'est pas vrai.
    Vous avez chacune cinq minutes pour faire une déclaration liminaire.
    Nous allons commencer par Mme Turner. Vous avez cinq minutes pour faire votre exposé. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président, et merci à tout le monde pour l'aide technique que nous avons reçue.
    Je souligne, avec respect, que je me trouve actuellement sur les terres de la Première Nation Snuneymuxw, et je salue les peuples autochtones du Canada et d'ailleurs.
    Je veux également saluer, avec une profonde gratitude, les nombreux gardiens du savoir autochtones qui me font généreusement profiter de leurs connaissances et de leur sagesse depuis plus de 50 ans.
    Je suis ethnobotaniste et ethnoécologiste. J'ai étudié les sciences biologiques occidentales, mais aussi l'anthropologie et la géographie. J'ai travaillé avec de nombreuses communautés autochtones et j'en suis venue à comprendre l'importance de la langue pour communiquer les connaissances...
    Je suis désolé. Je dois vous interrompre deux secondes. Nous n'avons pas les services d'interprétation.
    Pouvez-vous reprendre du début? Nous allons voir si nous pouvons entendre l'interprétation.
    J'ai arrêté le chronomètre.
    D'accord. Merci, monsieur le président.
    Je souligne, avec respect, que je me trouve...

[Français]

     Excusez-moi, monsieur le président.

[Traduction]

    Je suis désolé. Nous n'avons pas les services d'interprétation, et je dois vous interrompre encore une fois.

[Français]

    Monsieur le président, l'interprète nous informe que la qualité du son n'est pas bonne et que l'interprétation est donc impossible.

[Traduction]

    Avons-nous un casque d'écoute approuvé par la Chambre?
    Oui, mon mari en a acheté un.
    Oh non. D'accord.
    Nous allons peut-être alors devoir vous entendre en deuxième, madame Turner. Je suis désolé. Nos techniciens pourraient peut-être vérifier si nous pouvons améliorer la qualité du son. Ce n'est pas assez bon pour permettre aux interprètes de faire leur travail.
    Nous pouvons passer à Mme Kelly pendant que nous essayons de résoudre le problème de votre côté. Je suis désolé de vous interrompre, mais nous avons besoin des deux langues officielles pour pouvoir poursuivre l'exposé.
    Nous allons passer à Mme Kelly pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Je vous remercie de votre invitation et de l'honneur que vous me faites d'être parmi vous aujourd'hui. Je vous parle depuis les territoires ancestraux traditionnels non cédés des peuples Salish de la Côte.
     Je suis une Métisse Anishinabe du Nord-Ouest de l'Ontario. En tant que directrice de l'Institut de recherche autochtone, je travaille avec les bureaux de recherche et d'éthique de l'Université Simon Fraser pour créer une série de dialogues sur le savoir et l'éthique autochtones et créer ainsi une nouvelle base pour le travail des services de recherche et de la communauté des chercheurs de l'université. En tant qu'universitaire autochtone, je travaille dans les domaines de la santé écologique et de l'éducation artistique autochtones.
     Tout d'abord, j'aimerais souligner que ces discussions s'inscrivent dans le cercle des visions du monde et qu'elles visent à créer la capacité d'honorer respectueusement les infrastructures tacites de leur profonde diversité. Nous nous efforçons d'honorer collectivement les diverses manières de connaître le monde qui nous entoure. Il s'agit d'un acte de résistance au paradigme dominant de l'universalisme, ou à la domination d'une seule vision du monde par la mondialisation et la colonisation. C'est la capacité de bien vivre dans le cercle des connaissances, où l'approche à double perspective est vue comme une voie d'accès à l'approche à multiples perspectives que nous aspirons à développer.
     Deuxièmement, la science est l'acte de connaître, ou d'apprendre à connaître, et consiste en la création d'un ensemble de connaissances dans le cadre d'un système ou d'une vision du monde. Il s'agit d'observer attentivement le monde, de manière à en lire la logique et à bien en tenir compte pour pouvoir agir de manière écologiquement respectueuse dans toutes nos relations. Quel genre d'être humain voulons-nous être?
     Troisièmement, une discipline est l'objet des connaissances ou des enseignements et l'apprentissage d'un domaine de connaissances. Quelle est la voie de l'enseignement holistique auquel nos ancêtres nous invitent? Quel genre d'ancêtres voulons-nous être?
     Enfin, la politique est un mode de gestion et l'étude des pratiques gouvernementales. Elle crée les structures de gouvernance ou les protocoles qui, en pratique, guident ou gouvernent notre vie à mesure qu'elle suit son cours.
     Quelles sont nos responsabilités à l'égard des générations futures?
     Je crois comprendre que le travail que vous faites vise une compréhension transsystémique de la science et un engagement interdisciplinaire ou holistique pour mieux connaître le monde, en honorant nos semblables et en respectant tous les êtres humains et tous les êtres vivants, et ce, pour le bien de la vie sur Terre.
     Ma vision comprend cinq principes ou protocoles: la révérence, soit marcher avec humilité et en vénérant la vie; le respect, soit respecter toutes les façons d'être et le droit d'être et de devenir; la responsabilité, soit bien agir en honorant notre responsabilité en tant que membre de la Création; la réciprocité, soit prendre soin de ce qui nous a été donné et en être reconnaissant; la relationnalité, soit vivre toutes nos relations de façon harmonieuse et éthique.
    Cette vision nous invite notamment, en tant qu'être humain, à nous asseoir en cercle et à placer au centre de notre attention et de nos préoccupations nos semblables et la Terre mère. Nos crises sociales et écologiques nous invitent à nous tourner vers le cercle et à nous concentrer sur le droit d'être de nos semblables, de tous les êtres vivants et de la Terre mère.
     Plus important encore, il s'agit du troisième élément ou brin de la tresse, et de l'élément le plus important dans le tressage du foin d'odeur, notre humble offrande. Il s'agit d'honorer la singularité de la nature et les droits de la nature en unissant les sciences autochtones et occidentales avec l'être de la nature d'une façon respectueuse, responsable, en réciprocité avec une relationnalité éthique. Il s'agit de se rassembler en cercles de soins autour du troisième brin de la tresse, soit le bien-être de la nature et de la Terre mère. Ce devrait être le principe directeur des politiques à venir, car qu'est‑ce que le Canada sans l'être de la terre?
(1210)
    Je vous remercie. Chi-meegwetch.
    Je vous remercie de votre témoignage.
    Je voudrais souhaiter de nouveau la bienvenue à Mme Tshernish. Vous n'êtes pas au même endroit. Vous pourriez nous présenter votre déclaration liminaire de cinq minutes pendant que nous essayons de régler les autres problèmes techniques.
    Nous ne vous entendons pas. Vous êtes en sourdine.

[Français]

     D'accord. Excusez-moi.
    M'entendez-vous, maintenant?

[Traduction]

    Je pense que c'est bien.

[Français]

    Bonjour, je vous remercie de m'avoir invitée à nouveau à cette séance.
    Je m'appelle Marjolaine Tshernish, je suis une Innue de la communauté de Maliotenam. Je travaille pour ma nation et je travaille avec elle. Je travaille également avec des personnes âgées et différents autres groupes. Nous soutenons les écoles, nous faisons la promotion de notre culture et nous menons des activités pour protéger notre avenir ainsi que nos savoirs traditionnels et notre langue. Je parle la langue innue et je pratique également la culture innue.
    Dans le cadre de l'étude sur l'intégration des savoirs traditionnels dans les politiques gouvernementales, il faut vraiment s'interroger quant aux objectifs de cette initiative et comprendre les objectifs à atteindre.
    Vous savez qu'il y a plusieurs nations d'un bout à l'autre du Canada. Nous avons deux familles linguistiques. Nous avons une diversité culturelle. Nos cultures sont différentes, nos croyances sont différentes et nos façons de penser le sont également. Toutefois, beaucoup d'éléments dans nos cultures sont très semblables. Nous accordons de l'importance aux récits de nos ancêtres, à nos légendes, à la terre et à tout ce qui nous entoure dans la vie.
    On peut constater que la hiérarchie des valeurs des Premières Nations et celle des valeurs de la société dominante sont différentes. Dans mon organisation, je travaille avec les Innus et les Allochtones, et je constate que les parcours des uns et des autres sont différents. Nos modes de vie sont vraiment différents.
    Les gens de ma génération ont une grande responsabilité. Nous sommes les porteurs de nos traditions. Nous devons nous assurer de bien transmettre nos savoirs traditionnels et notre langue. De plus, nous subissons une grande pression pour être scolarisés, pour obtenir des diplômes et pour correspondre à la société dominante.
    Les savoirs traditionnels sont importants et nos aînés le sont aussi. Leur mémoire est très importante, et il faut que ce soit pris en compte partout. Je sais que, dans certains ministères, le savoir traditionnel des aînés des Premières Nations comporte de très grands avantages. Cependant, dans d'autres ministères, je n'arrive pas à voir l'intégration des savoirs traditionnels dans les politiques gouvernementales.
    Par exemple, tout ce qui concerne les pratiques sacrées fait partie des savoirs traditionnels. Notre façon de penser est très différente de celle des autres cultures. Notre langue, l'innu‑aimun, provient du territoire. Nous l'utilisons sur le territoire et nous l'utilisons ici, dans nos réserves, dans nos communautés. La traduction des mots innus est très complexe à cause de leur sens.
    Il arrive donc souvent que ces savoirs et ces croyances ne concordent pas avec les façons de faire du système politique, système qui ne nous ressemble pas.
(1215)
     Ce système politique nous a été imposé par des conseils de bande. Cela crée une fracture dans nos valeurs et dans nos croyances. On peut constater que cela ne rejoint pas la population. Cela crée des conflits de valeurs par rapport à ces systèmes. Nos populations semblent s'y égarer...
(1220)

[Traduction]

     Je vous remercie. Je suis désolé de vous interrompre, mais nous avons dépassé le temps prévu.
    Nous allons faire une nouvelle tentative du côté de Mme Turner. Nos techniciens ont procédé à des ajustements.
    Madame Turner, pouvez-vous faire un essai en nous présentant votre déclaration liminaire? Nous allons voir si nos interprètes peuvent bien vous entendre.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les techniciens de leur aide.
     J'ai écouté avec intérêt les autres témoins.
     Je rends respectueusement hommage au peuple et aux terres de la Première Nation Snuneymuxw, où je me trouve actuellement, ainsi qu'aux peuples autochtones du Canada et d'ailleurs. Je tiens à exprimer ma profonde gratitude aux nombreux gardiens du savoir autochtone qui m'ont généreusement fait part de leurs connaissances et de leur sagesse au cours des 50 dernières années.
     Je suis une ethnobotaniste et une ethnoécologue formée en sciences biologiques occidentales, mais aussi en anthropologie et en géographie. J'ai travaillé dans de nombreuses communautés autochtones et j'ai pu me rendre pleinement compte de l'importance de la langue et de la transmission des connaissances, en particulier sur les plantes et l'environnement. Je suis aussi consciente de l'importance de la nourriture traditionnelle, des biens culturels, des médecines, des récits et des cérémonies qui reposent sur la relation avec d'autres espèces et leurs habitats. J'ai parcouru les terres et les eaux avec mes collègues et enseignants autochtones, et j'ai pu observer personnellement les liens historiques profonds qu'ils ont avec les espèces qui s'y trouvent et avec leurs lieux ancestraux.
     Il est important de reconnaître, comme je sais que vous le faites, que les groupes culturels vivant sur leurs propres terres ont des connaissances particulières bien ancrées qui témoignent souvent d'une présence plusieurs fois millénaire. Les habitats et les sites qui se trouvent sur leurs territoires — les zones humides, les rivages, les pentes montagneuses, les forêts, les lacs, les rivières, les sentiers, les sites de camping et les lieux de guérison — ont tous une signification particulière, et ont souvent leurs propres noms de lieux, récits, histoire et droits de propriété.
     Cela fait des années et des années que j'apprends l'importance des plantes et des autres formes de vie pour les premiers peuples, mais il m'a fallu beaucoup de temps avant de commencer à réaliser à quel point les relations entre les peuples autochtones et les autres espèces étaient profondes et à quel point leurs connaissances et leurs pratiques respectueuses des autres espèces et de leurs habitats étaient sophistiquées et complexes, et beaucoup de temps aussi avant de prendre conscience de l'ampleur de la transmission, de l'échange et de l'évolution des connaissances qui a eu lieu entre les nations au fil du temps.
     Par exemple, les parcs à myes, qui sont aujourd'hui reconnus comme d'anciens éléments distinctifs des plages le long de la côte Nord-Ouest, n'étaient pas reconnus comme des éléments anthropogéniques par les scientifiques qui les ont décrits pour la première fois. Ce n'est qu'après que Kwaxsistalla Wathl'thla, le chef de clan Adam Dick de la communauté Dzawada'enux Kwakwaka'wakw, a expliqué ce qu'ils étaient et comment ils avaient été créés et entretenus au fil des générations, qu'ils ont été identifiés comme tels.
     Les systèmes de connaissances écologiques traditionnelles des peuples autochtones sont souvent comparés aux connaissances scientifiques occidentales, mais ils s'étendent en fait à de nombreux autres domaines, de la langue à l'éducation et à la gouvernance, et ils incarnent presque toujours une vision du monde fondée sur l'intendance, le respect, la réciprocité et la relation avec les autres espèces et avec la terre. Ils ont soutenu le développement d'une série d'approches traditionnelles de gestion des terres et des ressources qui comprennent l'utilisation prudente du brûlage, la récolte sélective, la replantation de la propagule et bien d'autres techniques apprises, transmises et adaptées au fil du temps.
    Faute de temps, je vais sauter les exemples tirés des programmes auxquels j'ai participé — le groupe scientifique pour des pratiques forestières durables à Clayoquot Sound, le programme alimentaire et nutritionnel des Nuxalk à Bella Coola et le forum en ligne Reconciling Ways of Knowing — qui visaient à utiliser à la fois la science occidentale et le savoir autochtone également afin de trouver des solutions à des problèmes particuliers.
     Les engagements pris par le Canada en ratifiant et en adoptant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et en élaborant un projet de plan d'action basé sur la déclaration et sur les appels à l'action de la Commission de vérité et de réconciliation constituent un point de départ évident et approprié pour votre travail. Avec la pleine participation et le leadership des gardiens du savoir autochtone, des programmes éducatifs et des cours destinés à tous les membres du gouvernement peuvent être élaborés pour les renseigner sur l'histoire et les langues des peuples autochtones et sur les principes sous-jacents des cultures autochtones et des systèmes de connaissances environnementales, ainsi que sur la manière dont ils diffèrent des croyances ou des conceptions scientifiques ou s'y rattachent.
(1225)
    Certains volets, à tout le moins, de ces programmes éducatifs devraient se dérouler sur le terrain sous forme d'apprentissage participatif et en consultation avec les nations autochtones concernées par les politiques qui sont élaborées.
    Je vous remercie.
    Nous devons nous arrêter ici. Vous pouvez nous fournir plus d'information par écrit ou en répondant aux questions, auxquelles nous passons dès maintenant.
    Je remercie nos techniciens et les interprètes qui nous ont permis d'entendre ces témoignages aujourd'hui.
    Je cède la parole à M. Lobb pendant six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Mme Tshernish.
    Au cours des dernières réunions, nous avons beaucoup discuté d'intégration dans le domaine de l'environnement. On a beaucoup parlé de l'environnement naturel. Je me demande toutefois si le gouvernement ne devrait pas songer à une intégration dans d'autres domaines, d'autres ministères, où il pourrait y avoir des avantages. Je pense par exemple au logement ou à la santé. Il suffit de regarder certaines de nos grandes artères dans le centre-ville pour constater qu'il y a beaucoup de problèmes à l'heure actuelle. Je me demande si certaines solutions ne pourraient pas être trouvées en puisant dans le savoir traditionnel.
     Avez-vous des idées à ce sujet?

[Français]

     Je suis désolée, mais je n'ai pas bien compris la question. Est-ce que l'interprète pourrait résumer la question, parce que celle-ci n'était pas assez ciblée dans la traduction?

[Traduction]

    J'ai arrêté le temps. Vous pourriez poser de nouveau la question, mais d'une façon différente.
    Bien sûr. Je peux essayer.
    Ce ne serait pas la première fois que l'on m'accuse d'avoir dit une foule de choses qui n'ont pas été clairement exprimées, je suppose.
     Ce que je voudrais demander simplement, c'est s'il existe des enseignements ailleurs que dans l'environnement naturel. On a beaucoup parlé de l'environnement naturel. Existe‑t‑il d'autres enseignements et pratiques culturelles que nous devrions envisager d'intégrer dans la politique gouvernementale, par exemple en ce qui concerne le logement, la pénurie de logements ou d'autres maux de la société, où nous pourrions peut-être apprendre des premiers peuples ce qu’il serait judicieux d'intégrer dans nos politiques gouvernementales?

[Français]

     Je sais que les aînés et les gardiens du territoire lancent beaucoup d'alertes. Ils sont comme les yeux des Premières Nations, qui sont maintenant sédentarisées. Ils observent les effets des changements climatiques lorsqu'ils sont sur le territoire et apportent beaucoup d'information aux environnementalistes et aux biologistes. De plus, des aînés lancent des alertes depuis maintenant plusieurs décennies à propos des changements qu'ils voient.
    Pour ce qui est des politiques, la réponse est oui, surtout sur les plans économique et commercial. Il est important de consommer de façon responsable.
    Lorsque nous chassions le caribou, nous nous en tenions au nombre nécessaire pour assurer notre subsistance. De plus, l'animal était utilisé de nombreuses façons, notamment dans les remèdes utilisés dans la médecine traditionnelle des Premières Nations. Nous utilisions aussi des parties de l'animal pour créer des instruments, comme le teueikan. Certaines parties de l'animal servaient à nous nourrir, alors que d'autres étaient utilisées pour créer des outils et confectionner nos habits. Cet animal a assuré notre survie pendant des millénaires. Ainsi, rien n'était gaspillé.
     Maintenant, on assiste à de la surconsommation. On ne fait pas attention aux ressources naturelles et il y a beaucoup de gaspillage. On ne vit pas en symbiose avec l'environnement et en le respectant. On le met au second plan, derrière les êtres humains. Pourtant, ce sont des êtres vivants également, et je crois que l'on devrait accorder beaucoup plus d'importance à la terre qui nous nourrit et qui assure notre survie et celle de la faune. Alors, je crois que notre façon de voir le monde devrait être prise en considération.
    Je pourrais également parler du traitement des aînés. Nos aînés ont une grande importance pour nous. Ce sont eux qui nous transmettent leur mémoire, et je crois qu'on devrait s'inspirer de ce que nous faisons, de nos valeurs et de nos principes. Cela pourrait être bénéfique lorsque des politiques sont rédigées ou modifiées.
    Le respect est une autre de nos valeurs fondamentales, et ce, à plusieurs égards. Il y a le respect des différences, par exemple. Cela doit se refléter dans les politiques qu'on adopte. Il y a aussi le respect des croyances et des principes des groupes, de leur hiérarchie de valeurs, qui est différente, et de la démarche qu'ils utilisent. Tout cela provient d'un contexte historique et de notre langue, qui cristallise notre pensée.
(1230)

[Traduction]

     Je vous remercie. C'était une question formidable, et on aurait pu en parler encore longtemps, mais vous nous avez donné de bonnes idées pour voir les choses sous un autre angle.
    Madame Jaczek, vous avez six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins de leurs témoignages. Comme vous le savez, ce que nous essayons de faire au sein du Comité, c'est de trouver la meilleure façon d'intégrer le savoir traditionnel et scientifique des populations autochtones dans l'élaboration des politiques gouvernementales. J'aimerais vraiment que vous nous fassiez part de suggestions pratiques sur la manière d'y parvenir. La politique gouvernementale peut être mise en œuvre, par exemple, par les organismes fédéraux. Je pense aux crédits de recherche et à des organismes tels que les IRSC, les Instituts de recherche en santé du Canada, le CRSNG, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, etc.
     Que diriez-vous si certains de ces organismes fédéraux étaient tenus de chercher ou de consulter des partenaires autochtones lorsqu'ils accordent des fonds pour la recherche? Je ne fais que lancer cette idée, mais avez-vous des suggestions à nous faire à ce sujet?
    Madame Turner, nous pourrions sans doute commencer par vous.
(1235)
    Je vous remercie beaucoup de cette question. Je pense qu'elle est très importante.
     L'un des points que j'avais l'intention de soulever dans mon exposé est qu'il existe souvent une grande disparité de financement entre, d'une part, les scientifiques occidentaux, les universitaires et leurs étudiants, et d'autre part, les gardiens du savoir autochtone, les jeunes Autochtones et ceux qui veulent en savoir plus sur leurs terres. De nombreux aînés dans les communautés des Premières Nations, même parmi ceux qui ont le plus de connaissances, vivent en dessous du seuil de pauvreté et doivent compter sur d'autres personnes pour les emmener sur les terres. Ils n'ont pas nécessairement l'équipement, les allocations de déplacement ou les salaires qui sont nécessaires pour s'y rendre.
     C'est pourquoi je pense que combler ce déficit pour les peuples et les communautés autochtones devrait être une grande priorité. Cela peut se faire par l'intermédiaire des organismes subventionnaires fédéraux, comme vous l'avez mentionné, ou par d'autres moyens. Il serait vraiment important de veiller à ce que les gardiens du savoir autochtone bénéficient du même soutien financier que les universitaires et les scientifiques occidentaux.
    Je vous remercie beaucoup.
    Madame Kelly, pour revenir à la question de M. Lobb, pourriez-vous nous donner quelques exemples tirés de votre expérience sur la façon dont l'intégration du savoir autochtone dans les questions et les problèmes que vous avez vus au cours de votre carrière a peut-être aidé dans des domaines autres que les questions environnementales, comme la santé, l'itinérance, la consommation de drogues ou tout autre sujet qui vous vient à l'esprit? Pourriez-vous nous donner des exemples de cas où cela a été très utile?
    Oui. Je vous remercie beaucoup de la question.
    Ce à quoi j'essayais de faire référence dans ce que je disais, c'est que dans mon travail avec les bureaux de recherche, par exemple, ou lorsque j'enseigne à mes étudiants dans tous les programmes, qu'il s'agisse de santé, d'environnement ou d'enseignement autochtone, ce que je rencontre, ce sont des jeunes qui, depuis leur enfance, sont mécontents de la vision du monde actuelle, de la façon d'aborder la médecine, l'éducation et les questions environnementales. Ce qu'ils me disent, c'est qu'ils sont reconnaissants de connaître la conception autochtone des choses. Ils sont reconnaissants de découvrir cette vision du monde, cette autre façon de voir le monde, et ils disent que cela transforme leur façon de voir le domaine dans lequel ils ont choisi de travailler, qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation, de l'utilisation des terres ou de n'importe quel autre domaine. Ils sont reconnaissants. L'un de mes étudiants m'a dit ce qui suit: « Vous nous avez demandé quel genre d'ancêtre nous voulons être et comment nous perpétuons l'héritage que nous avons reçu. Mon fils de 15 ans m'a posé la même question. »
     Comment pouvons-nous contribuer à créer cette capacité afin que nous ayons tous une meilleure compréhension de cette conception dans notre vie quotidienne? Il faut repenser nos façons de travailler. C'est ce qui se fait en médecine. J'ai travaillé dans des hôpitaux en Europe et, comme l'a déjà dit l'un de vos témoins précédents, ils sont passés de l'homéopathie à l'allopathie. Tout cela était sur la table lorsque nous nous sommes penchés sur le bien-être et la guérison.
     Il en va de même dans le domaine de l'éducation. Quelle est la façon holistique et inclusive de comprendre le monde dans le domaine de l'éducation? Le modèle déficitaire, je le dis respectueusement, qui est basé sur nos connaissances scientifiques, cause beaucoup de tort aux enfants.
(1240)
    En d'autres mots, la qualité de la vie est sans doute tout aussi importante que la longévité ou d'autres mesures que nous utilisons habituellement, si je peux paraphraser ce que vous dites.
    Je pense que les enseignements des peuples autochtones sont pertinents pour tout ce que nous faisons aujourd'hui.
    C'est un beau témoignage.
    Je vous remercie aussi d'avoir posé ces questions.
    C'est merveilleux de vous avoir toutes les trois ici aujourd'hui.
    Nous passons à M. Blanchette-Joncas pendant six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je salue les témoins qui se joignent à nous pour cette deuxième heure d'étude.
    Madame Tshernish, mes questions s'adresseront à vous. D'abord, je tiens à saluer votre engagement et ce que vous faites concernant la valorisation de la langue et de la culture innues. C'est très important. Vous avez droit à votre propre identité. Sur le plan culturel, cela fait partie de vous, de votre communauté et de votre histoire.
    Aujourd'hui, j'aimerais que vous nous aidiez à démêler l'intégration du savoir autochtone. Nous avons déjà consacré plusieurs réunions à ce sujet. Vous avez parlé, dans votre allocution, de croyances et de traditions. En ce qui concerne la science, comme vous le savez, une méthode scientifique a été mise au point. Cela ne date pas d'hier. Je comprends que les communautés autochtones ont des expériences différentes qui peuvent bonifier la science.
    En ce qui concerne les expériences autochtones, pourriez-vous nous expliquer comment vous faites pour isoler les traditions et les croyances, qui ne sont pas toujours le résultat de la vérité ou qui mènent à certaines expériences, du processus scientifique habituel qu'on connaît?
    Comment faites-vous pour jumeler les deux? Comment faites-vous pour les bonifier afin que ce soit positif pour tout le monde?
    Je reviens à la façon de travailler de nos groupes. Nous avons constaté que les employés innus et les employés allochtones partent du même endroit et arrivent au même point, mais empruntent un chemin différent. La façon de piloter un projet chez les allochtones est très définie. Il y a des étapes à respecter. Chez les Premières Nations, certaines de ces étapes se trouvent un peu plus tard au cours de la démarche. Parfois, une étape se fait une deuxième fois, mais un peu plus loin. Il faut comprendre pourquoi les Premières Nations mettent cette étape un peu plus loin.
    Les allochtones se sont dit que, finalement, la démarche des Premières Nations était beaucoup plus logique. Toutefois, on n'a pas poussé cette réflexion plus loin pour comprendre pourquoi une même étape revenait deux fois au cours de la démarche, par exemple.
    Il y a également des différences importantes dans la hiérarchie des valeurs. Par exemple, la famille est plus importante que le travail chez les Premières Nations. Ici, certains employeurs allochtones comprennent qu'il y a des différences dans la hiérarchie des valeurs des employés innus et des employés allochtones. Ils adaptent donc leurs politiques en fonction de ces différences.
    Madame Tshernish, comme vous l'avez dit tout à l'heure, il y a plusieurs communautés autochtones au Québec et au Canada. Elles n'ont pas toutes les mêmes expériences, la même histoire, ni la même langue. Elles ont donc des traditions et des croyances différentes. Sur le plan scientifique, elles ont possiblement des expériences qui pourraient bonifier la science.
    Cependant, j'imagine que, dans le savoir autochtone, il y a des différences. Vous ne pensez pas tous de la même façon, vous êtes différents. Alors, qui dit vrai? Comment faites-vous pour déterminer les priorités ou pour savoir ce qui fonctionne?
    Je comprends que vous avez vos propres méthodes, mais nous aimerions savoir comment intégrer les expériences autochtones à la science d'aujourd'hui. Il s'agit de savoir comment tracer la ligne. Il s'agit de savoir ce qu'on adopte et ce qu'on ne prend pas, ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins.
    J'aimerais que vous nous aidiez à démêler cela aujourd'hui.
(1245)
     Il faudrait travailler avec des groupes, travailler avec des organismes des Premières Nations en incluant les aînés aux tables de discussions et de réflexion.
    Il y a des ressemblances entre nous; nos passés se ressemblent. En fait, nous nous sommes adaptés à la situation géographique à laquelle nous étions exposés sur le territoire. Plus au nord, on s'habillait de peaux de phoques, parce que c'était plus chaud. Un peu plus au sud, on utilisait des peaux de caribous. Il y a des ressemblances, mais il y a des différences, aussi. Certains rituels sont différents d'une nation à une autre. Ce n'est pas moi, Marjolaine Tshernish, qui peux régler aujourd'hui cette question. Il faut vraiment s'asseoir et travailler avec plusieurs groupes et diverses nations pour que, nous aussi, nous puissions comprendre les objectifs de l'intégration des savoirs traditionnels dans vos politiques.

[Traduction]

    C'est excellent. Je vous remercie.
    C'est un sujet très difficile à démêler. Je vous remercie de l'avoir fait pour nous.
    Nous passons maintenant à M. Cannings pendant six minutes. Allez‑y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie, et je remercie tous nos témoins d'être ici aujourd'hui.
     Je vais me tourner vers Mme Turner. Je tiens à ce que l'on sache que c'est un honneur et un plaisir de vous voir ici aujourd'hui.
     Je voudrais dire quelques mots sur votre travail et sur l'importance qu'il a eue pour moi et pour d'autres. Vous êtes décorée de l'Ordre du Canada, pour que tout le monde le sache. Nous respectons tous cela. Vous êtes une véritable pionnière qui travaille au point de rencontre entre la science occidentale et le savoir autochtone, et je vous en remercie.Lim’limpt, comme on dit en langue nsyilxcn, pour tous vos livres, que j'ai utilisés si souvent au cours des 50 dernières années.
     Vous avez évoqué quelques exemples de votre travail où le savoir autochtone a été utilisé, ou a tenté d'être utilisé, dans des décisions politiques. Pourriez-vous utiliser le processus de Clayoquot pour nous parler de votre expérience à cet égard?
    Je vous remercie de vos bons mots, monsieur Cannings. Je suis ravie de vous voir également.
    Au début des années 1990, la façon dont la foresterie était pratiquée dans la région de la baie Clayoquot, sur la côte ouest de l'île de Vancouver, a suscité de nombreuses perturbations et inquiétudes de la part de nombreuses personnes. Le gouvernement de l'époque a convoqué un groupe d'experts — j'ai eu le privilège d'en faire partie — composé de gardiens du savoir des Nuu-chah-nulth et de scientifiques aux expériences diverses, afin de formuler des recommandations sur la manière dont les pratiques forestières devraient être mises en œuvre dans la région.
    M. Richard Atleo Umeek était le coprésident du groupe d'experts ainsi qu'un biologiste de la faune. Il est l'auteur de deux livres. L'un est intitulé Principles of Tsawalk. Le terme Tsawalk signifie « un ».
    La première chose que nous avons faite, conformément au protocole des Nuu-chah-nulth, a été de nous asseoir autour d'une table, de nous présenter et d'élaborer une série de principes directeurs, des moyens que nous accepterions tous. C'était le cadre fondamental du travail que nous faisions. Le premier principe était hishuk ish tsawalk, qui veut dire « tout est un ». C'est la reconnaissance de l'interdépendance entre tous les êtres que les scientifiques, les aînés des Nuu-chah-nulth et les spécialistes ont acceptée.
    Ce travail, qui s'est échelonné sur deux ou trois ans, a donné lieu à une série de recommandations. Je recommanderais à votre comité de se procurer ces rapports et de les examiner. Le « Report 3: first nations' perspectives relating to forest practices standards in Clayoquot Sound », ou Rapport 3: perspectives des Premières Nations concernant les normes en matière de pratiques forestières dans la baie Clayoquot, renferme beaucoup de bons conseils. Ces rapports fourniraient beaucoup de renseignements et de conseils, à mon avis.
(1250)
    Vous avez également mentionné l'importance de la langue.
    Je me demande si vous pouvez nous parler de la capacité de nombreuses Premières Nations à fournir ce savoir autochtone alors que, comme vous le savez, ce savoir est désormais détenu par un nombre très restreint de personnes au sein de leurs nations. C'est certainement le cas de la nation Okanagan.
    Je me demande si vous pouvez commenter l'importance de la langue.
    C'est un excellent point.
    Comme vous le savez tous, les langues autochtones ont été supprimées pendant la période des pensionnats, qui a duré plus d'une centaine d'années. Les élèves étaient parfois battus pour avoir prononcé des mots dans leur propre langue. J'ai parlé à des personnes à qui cela était arrivé, et je sais donc ce qu'il est advenu des langues des peuples.
    Heureusement, dans presque toutes les communautés ou dans des communautés apparentées, il y a des personnes — je les appelle des « refuges culturels » — qui, pour une raison ou une autre, ont réussi à conserver leur langue. Aujourd'hui encore, ils conservent cette langue et sont capables de la transmettre. C'est ainsi que l'on plante la graine de la revitalisation des langues, qui se produit dans de nombreux endroits. Mme Jeannette Armstrong, qui a siégé à votre comité, est l'un de ces refuges culturels. J'ai travaillé avec ses parents il y a longtemps. Je connais beaucoup d'autres personnes qui participent aujourd'hui à la restauration et à la revitalisation de toutes ces langues. Je suis très encouragée par ce qui se passe là‑bas.
    J'ai 30 secondes. Je vais me limiter à ceci.
    Je pense que vous avez mentionné un autre exemple sur lequel vous pourriez vous pencher rapidement: un groupe qui travaille sur ce problème précis pour rapprocher la science occidentale et le savoir autochtone.
    Oui. Mon amie, Harriet Kuhnlein, nutritionniste et fondatrice du Centre pour l'alimentation et l'environnement des peuples autochtones à l'Université McGill, a lancé, en collaboration avec les dirigeants de la nation Nuxalk, un programme dans les années 1980 appelé le programme alimentaire et nutritionnel Nuxalk, qui se penchait sur les changements alimentaires et leurs répercussions sur la santé dans la communauté Nuxalk de Bella Coola. J'ai participé à ce projet et j'ai pu constater par moi-même la relation respectueuse entre les universitaires, dont Mme Kuhnlein et d'autres, et les gardiens du savoir autochtone qui transmettaient leurs connaissances.
    Je vous remercie.
    Il y a trois livres sur le site Web de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture...
    Je suis désolé. J'aurais aimé avoir plus de temps.
    Pendant que vous parlez, je pense à Sheila Watt‑Cloutier et à son travail sur les aliments traditionnels, la contamination de ces aliments et les répercussions sur les communautés autochtones. Le droit au froid est un livre fantastique sur ces sujets.
    Malheureusement, nous allons devoir interrompre la séance. Nous n'avons pas le temps de faire un tour de table pour poser des questions rapides. Toutefois, en raison de difficultés techniques, nous avons été aussi indulgents que possible en ce qui concerne l'heure. De plus, la qualité des réponses que nous recevions était remarquable.
    Nancy Turner, Vicki Kelly et Marjolaine Tshernish, merci de votre présence ici et du travail supplémentaire que vous avez fait en changeant même de lieu pour que le soutien technique puisse travailler avec nous.
    De plus, je remercie les interprètes de nous avoir laissé une certaine marge de manœuvre, compte tenu de la qualité du son avec lequel nous avons travaillé aujourd'hui.
    Nous nous réunirons à nouveau le mardi 13 février pour poursuivre l'étude. À la fin de la réunion du 13 février, pour que nous puissions disposer de deux heures complètes, j'aimerais prolonger de 15 à 30 minutes l'examen de la demande de remboursement des frais de déplacement pour la semaine des vacances de mai, que le greffier est en train de préparer. J'espère que nous pourrons traiter ce budget de voyage de manière à ce qu'il soit soumis avant la date limite du 16 février.
    Autrement, je pense que nous allons ajourner.
    Merci encore une fois aux témoins.
    Je remercie les députés de la profondeur de leurs questions aujourd'hui.
    Pouvons-nous lever la séance?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Personne ne s'y oppose.
    Je vous remercie.
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