FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 1er octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes cet après-midi. Conformément au paragraphe 108(2) et à l'article 83.1 du Règlement, le comité reprend ses consultations prébudgétaires.
Cet après-midi nous avons le plaisir d'accueillir les témoins suivants: Sharon Chisholm, directrice générale de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine; Carl Nicholson, trésorier de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants; James Horan, président sortant de Troubles d'apprentissage - association canadienne; Dianne Bascombe, Maggie Fietz et Harvey Weiner, de l'Alliance nationale des enfants; Helen Saravanamuttoo, vice-présidente du Conseil national des femmes du Canada, qui est accompagnée de Joyce Ireland et de Shirley McBride; et enfin, Roy Culpeper, président de l'Institut Nord-Sud.
Soyez tous les bienvenus. Nous attendons vos commentaires avec intérêt. Nous allons commencer par l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine.
Mme Sharon Chisholm (directrice générale, Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine): Merci.
Le budget fédéral de 1998 s'est surtout distingué par ses omissions. En filigrane des récents budgets fédéraux, on commence à distinguer l'histoire d'un pays qui néglige les problèmes d'ordre social, alors que nos collectivités commencent certainement à entrevoir les signes avant-coureurs d'un État - providence en pleine décrépitude.
• 1535
Cette situation est particulièrement évidente dans le secteur
de l'habitation. Il est bien difficile de circuler dans les rues de
nos grandes villes sans devoir enjamber ou contourner des personnes
qui, par la force des choses, sont devenues des marginaux des rues.
Dans la salle d'urgence d'un hôpital, vous êtes peut-être obligé d'attendre un peu avant qu'on s'occupe de vous, mais vous êtes au moins protégé contre le froid et la pluie. C'est un avantage dont ne jouissent pas les sans-abri du Canada, qui comptent un nombre croissant d'enfants.
Jusqu'en 1995, nous avions une politique active de logement social qui promouvait la construction de logements sans but lucratif à prix abordable. Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il renoncé à faire oeuvre si utile dans ce domaine, alors que la plupart des provinces n'ont pas pris la relève?
Dans son récent rapport, Anne Golden déclarait que 20 p. 100 de la population des sans-abri de Toronto est constituée par des enfants, et que les familles et les jeunes de moins de 18 ans forment le segment des utilisateurs des centres d'accueil pour indigents qui croît le plus rapidement.
Pendant près de 20 ans, jusqu'en 1995, 2 100 logements sans but lucratif étaient construits chaque année dans le grand Toronto. Il n'est donc pas surprenant que depuis la disparition de ces programmes si dynamiques, le nombre des sans-abri commence à prendre des proportions inquiétantes à Toronto.
Permettez-moi de vous lire un récent communiqué de presse de Anne Golden:
-
C'est à Toronto que la croissance urbaine est la plus forte de tout
le Canada. Une famille sur quatre vit actuellement dans la pauvreté
et 80 000 personnes risquent de perdre leur logement.
On prévoit que cet hiver, chaque nuit il y aura plus de 5 000 personnes sans logis à Toronto.
D'autre part, maintenant que les responsabilités dans le domaine du logement sont déléguées dans la plupart des cas aux provinces, on peut constater que celles-ci réagissent de manière très différente.
Permettez-moi de citer ce que Ralph Klein dit des sans-abri:
-
J'ai parlé à beaucoup de ces gens-là. La plupart d'entre eux sont
satisfaits de leur sort. Je me souviens du vieux Bob; autrefois, il
arrivait toujours nu-pieds au champ de courses; on l'appelait Bob,
le sans-souliers.
Ce que je veux vous montrer, c'est qu'au niveau provincial, l'approche au problème du logement manque de cohérence ou de réalisme, et je ne crois pas que le gouvernement fédéral puisse se contenter de se laver les mains de la question. Comment peut-on voir la situation s'aggraver sans réagir, non seulement à Toronto mais aussi dans les autres grands centres et dans les petites collectivités du Canada? Combien d'autres histoires de personnes sans logis faudra-t-il encore entendre avant d'intervenir?
J'ai visité Baltimore le mois dernier avec une délégation de citoyens canadiens, américains et britanniques. Nous avons pu constater l'immense effort qu'exige la reconstruction de certains des quartiers dévastés dans diverses parties de la ville. Les ouvertures de nombreuses maisons étaient condamnées, la violence et l'abus des drogues étaient devenus une véritable épidémie, et des animateurs communautaires m'ont déclaré qu'il n'y a pas une seule famille de leur quartier qui ne soit pas touchée, d'une façon ou d'une autre, par l'abus des drogues par un de ses membres ou par un proche.
Nous n'avons pas encore été témoins d'une telle détérioration au Canada, mais elle ne saurait tarder si nous n'agissons dès maintenant.
Le recensement de 1996 a révélé que le nombre de foyers ayant besoin d'une aide au logement est passé de 2,2 millions en 1991 à 2,8 millions en 1996. Une bonne partie de cette augmentation est le fait de la population des locataires dont beaucoup vivent dans nos grands centres urbains.
À Montréal, Toronto et Vancouver, près de la moitié des locataires dépensent plus de 30 p. 100 de leurs revenus pour se loger. Il n'est donc pas surprenant qu'il suffirait qu'ils cessent d'être payés un mois pour qu'ils se retrouvent à la rue. Il faut faire quelque chose.
À leur dernière réunion annuelle, les membres de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine ont adopté deux propositions que je voudrais porter à votre attention.
Premièrement, l'ACLRU presse les gouvernements fédéral et provinciaux de faciliter l'accès à d'autres méthodes de financement de logements à prix abordable en favorisant notamment le développement économique, en apportant une aide financière dans le domaine de la santé et de l'aide sociale afin de régler les problèmes de logement et d'apporter les changements appropriés aux dispositions législatives de nature réglementaire, notamment la Loi sur les banques, le système de crédit d'impôt, le programme d'assurances hypothécaires de la SCHL, et les lois régissant les oeuvres de bienfaisance.
La seconde est que l'ACLRU insiste auprès du premier ministre du Canada pour qu'il reconnaisse qu'il incombe à son gouvernement de reprendre immédiatement l'initiative dans le domaine du logement afin de manifester sa volonté de faire de l'accès à un logement décent et à prix abordable un droit universel au Canada; pour cela, il faut qu'il donne l'ordre au ministre du Logement d'entreprendre immédiatement un processus d'examen et de consultation dans l'ensemble du pays en vue de renouveler la politique de logement nationale.
• 1540
On a beaucoup discuté de l'efficacité comparée des logements
sans but lucratif et des logements offerts par le secteur privé.
L'ACLRU a fait un travail considérable dans ce domaine et est
parvenue à la conclusion que dans la plupart des cas, avec le
temps, les logements sans but lucratif sont nettement moins coûteux
que ceux qui sont construit dans le cadre d'opérations spéculatives
du secteur privé et qu'ils contribuent en outre à créer un esprit
de communauté.
Dans tout le Canada, les groupements de logements sans but lucratif ont créé un cadre communautaire qui continue à offrir à ceux qui ont la chance d'y vivre la possibilité de stabiliser leur vie, de trouver un emploi et d'élever leurs enfants en sécurité. De toute façon, il n'est pas nécessaire de répéter aux Canadiens ou à la communauté internationale que chez nous nous avons d'excellents ensembles de logements sociaux. Et je sais bien sûr qu'il n'est pas nécessaire d'essayer de vous en convaincre.
Mark Assad a eu la bonté de parler à nos membres à notre congrès annuel de cette année et de discuter avec eux des avantages d'un investissement dans nos collectivités. La triste vérité est que le gouvernement actuel ne crée plus de communautés en bonne santé.
L'ACLRU a proposé l'établissement d'un fonds spécial ou d'une fondation qui pourrait servir de catalyseur à la création de nouveaux partenariats dans le domaine du logement. Nous savons qu'il y a des municipalités et des groupes communautaires qui accueilleraient favorablement cette idée de partenariat. Nous savons pertinemment, grâce à notre liste des nouvelles méthodes de création de logement à prix abordable et grâce au programme de solutions locales que nous administrons au nom de la SCHL, que de telles initiatives sont possibles.
De nombreux autres pays ont encouragé le secteur privé à construire des logements à prix abordable en leur offrant des allégements fiscaux. C'est une approche que le Canada devrait également étudier.
Le secteur du logement sans but lucratif a beaucoup souffert ces dernières années. Il est temps de prendre soin de lui et de trouver un nouveau moyen d'encourager la construction de logements communautaires et municipaux sans but lucratif afin que notre malade se rétablisse.
Il faut donc que les autorités fédérales prennent la direction de ce mouvement. On pourrait beaucoup faire en créant des partenariats avec des groupes communautaires, des municipalités et même des provinces. Mais rien ne se fera tant que le gouvernement fédéral n'assumera pas son rôle traditionnel de direction. Dans le cadre de tels partenariats, le Canada pourra rétablir un environnement sain, propice à la construction de logements sans but lucratif à prix abordable.
Le président: Merci beaucoup, madame Chisholm.
Nous allons maintenant entendre le représentant de Troubles d'apprentissage-Association canadienne. M. James Horan, vous avez la parole.
[Français]
M. James Horan (président sortant, Troubles d'apprentissage-Association canadienne): Monsieur le président, membres du comité,
[Traduction]
Je m'appelle Jim Horan; depuis environ dix ans, je travaille à titre bénévole pour la TAAC à l'échelon local, provincial et national, mais pour tout dire, je suis un simple bénévole, comme tous les autres membres de cette organisation.
Plus de trois millions de Canadiens sont en difficulté d'apprentissage. Il s'agit d'hommes ou de femmes moyens ou supérieurs à la moyenne, mais qui éprouvent certaines difficultés dans la vie, que ce soit sur le plan de la lecture, de l'écriture, parfois de l'orthographe ou des mathématiques ou encore, de l'aptitude à la vie sociale. Nous reconnaissons cependant que lorsque ces enfants, ces jeunes et ces adultes ne bénéficient pas d'un soutien continu, ils deviennent des personnes qui ont une mauvaise estime de soi et qui subissent des échecs scolaires. Cela crée donc des problèmes et ces personnes se retrouvent tout à coup désavantagées sur le plan social et économique.
Que faisons-nous dans notre association pour lutter contre cela? Ce sont nos bénévoles qui font notre force. Nous en avons des milliers dans nos 140 sections au Canada. Ce sont des personnes qui travaillent tous les jours pour aider ceux qui ont des difficultés d'apprentissage. Pour cela, ils leur consacrent une partie de leur temps et de leur argent, ils les font bénéficier de leurs compétences et de leur expérience, et dans certains cas, ils consacrent leur vie entière à cette oeuvre.
En fin de compte, ces personnes deviennent ce que j'appelle les créateurs de notre tissu social. Elles ne sont pas rémunérées et elles ne demandent pas grand-chose en échange de leurs efforts. Elles sont là pour aider les personnes qui ont des difficultés d'apprentissage, ainsi que celles qui sont en péril afin de leur permettre de rompre le cycle d'échecs dont elles sont prisonnières. Pour cela, elles les aident à exploiter leur potentiel au maximum et contribuent ainsi à faire du Canada un pays meilleur.
Ces bénévoles font échec aux forces qui déchirent parfois notre tissu social. En fait, ce sont de véritables héros au quotidien. Peut-être ne connaissez-vous pas leurs noms, mais ce sont malgré tout des héros de chaque jour qui oeuvrent dans leurs collectivités dans tout le pays, que ce soit au Yukon, à Terre-Neuve ou en Colombie-Britannique.
• 1545
Ces bénévoles relèvent là un défi de taille, car beaucoup de
ceux qu'ils aident vivent en marge de notre société. Ce sont les
gens que vous voyez lorsque vous croisez une queue devant une soupe
populaire ou un bureau de chômage. Vous en voyez parfois aussi à
Ottawa. Il suffit pour cela de descendre la rue Sparks. Parfois,
ils sont là assis, et ils attendent.
La question que je me pose constamment est de savoir comment ils en sont venus là. Lorsque vous voyez quelqu'un de très jeune, comment se fait-il qu'il soit là? Comment en est-il arrivé à ce stade, alors qu'il est encore si jeune? Lorsque je regarde ces gens-là, je me pose toujours ces questions. Ils semblent avoir littéralement été parachutés.
Les recherches et l'expérience acquises dans ce domaine ont confirmé qu'une intervention précoce peut changer bien des choses. Savez-vous que 80 p. 100 des jeunes qui ont des problèmes d'apprentissage souffrent d'un retard de lecture. Si vous avez des difficultés d'apprentissage, cela ne signifie pas nécessairement que vous allez devenir un jeune contrevenant. Il n'en reste pas moins que vous gravitez parfois dans cette direction. Après tout, si vous vous retrouvez prisonnier d'un cycle d'échecs, que vous ne sachiez pas très bien lire, que votre orthographe n'est pas très bonne, et que tout le monde s'en prend à vous, que pouvez-vous faire? En un clin d'oeil, vous vous retrouvez en marge de notre société.
Savez-vous que des recherches ont montré que près de 70 p. 100 de nos jeunes contrevenants ont des problèmes d'apprentissage? Cela finit aussi par être un facteur de coût pour notre pays, par créer un cycle d'échecs.
Lors de mes deux comparutions devant le comité permanent, j'ai parlé de deux choses. La première avait naturellement trait à l'intervention précoce dont nous continuons à parler aujourd'hui, et la seconde, au crédit d'impôt pour handicapés qui reconnaît le fait que les dépenses encourues par un parent sont des dépenses légitimes.
Il ne me paraît pas nécessaire de vous parler des coupures budgétaires faites dans le domaine des soins de santé ou de l'éducation. Tout le monde les connaît. Je ne suis pas venu ici pour pontifier à ce sujet. Ce que je suis venu vous dire, c'est que beaucoup de parents sont prisonniers d'un cycle d'échecs, de crises, et commencent à se décourager; ce que je suis venu vous dire c'est que les parents dépensent de l'argent pour donner des précepteurs à leurs enfants, pour les soumettre à des évaluations psychopédagogiques et à une thérapie psychologique, pour leur offrir des services de counselling assurés par des psychiatres compétents. Les parents dépensent beaucoup d'argent pour cela. Ce que nous voudrions, c'est que l'on reconnaisse l'existence de ces dépenses supplémentaires et qu'on aide financièrement à les assumer.
Supposons que je sois un parent qui paie un précepteur; si vous me remboursez en partie ces dépenses en réduisant mes impôts, savez-vous ce que je vais faire de cet argent? Je vais l'utiliser pour continuer à payer un précepteur, car on ne peut pas se passer de lui au bout de six semaines. Il faut parfois des années et nous savons que de nombreux parents ont bien des difficultés à trouver l'argent nécessaire.
En conclusion, je dirais que diriger un gouvernement est une tâche bien difficile. Pour l'instant, notre gouvernement mérite des félicitations, en dépit de l'existence d'énormes problèmes et d'une situation économique difficile. Du moins partez-vous du principe que nous devrions offrir une place égale à tous et que nous devrions être productifs. Du moins vous fondez-vous sur un certain nombre d'idées importantes, quel que soit le parti auquel vous appartenez. Fondamentalement, nous croyons tous que le Canada devrait être une société englobante. Je crois donc, que nous devrions commencer à exploiter ce potentiel au profit des jeunes Canadiens.
L'extension du crédit d'impôt pour handicapés est, à mon avis, un investissement, un investissement dans les familles en péril. De toute façon, si vous ne payez pas maintenant, vous serez obligé de le faire plus tard. Si vous investissez dès aujourd'hui, dans dix ans, votre investissement commencera peut-être à être rentable.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Horan.
Nous allons maintenant entendre Mme Dianne Bascombe, qui représente l'Alliance nationale des enfants. Soyez la bienvenue.
Mme Dianne Bascombe (Alliance nationale des enfants): Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître.
Je parle aujourd'hui au nom de l'Alliance nationale des enfants. Celle-ci regroupe 25 organisations nationales qui s'occupent des problèmes très divers auxquels sont confrontés les enfants et les jeunes de notre pays. Je travaille avec la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance qui est un des 25 membres de l'Alliance.
Si je suis venue aujourd'hui, c'est pour vous rappeler certains des problèmes auxquels les enfants, les jeunes et les familles sont confrontés au Canada. Nous voulons tous avoir des enfants en bonne santé. Nous voulons tous des familles en bonne santé et nous voulons aussi des communautés en bonne santé, mais il y a un gros travail à accomplir pour que cela se réalise car nous constatons une augmentation des problèmes qui menacent les enfants, les jeunes, les familles et les communautés vulnérables.
Étant donné que je ne dispose que de cinq minutes pour mon exposé, je tiendrai leur existence pour acquise si vous me le permettez, et je passerai à autre chose. Je voudrais proposer quelques solutions en fonction des orientations sur lesquelles nous nous sommes mis d'accord et sur lesquelles nous travaillons depuis plusieurs mois avec 25 organisations nationales pour nous entendre sur certaines des options importantes que vous pourriez envisager à court et à moyen termes afin de vraiment changer le sort de l'enfance et de la jeunesse au Canada.
Nous n'ignorons pas les difficultés créées par les réalités financières. Certaines des mesures que nous recommandons sont donc à court terme et pourraient ou devraient être mises en oeuvre immédiatement; la mise en oeuvre d'autres mesures pourrait être étalée sur plusieurs périodes budgétaire
• 1550
Ensemble, ces mesures visent dans l'immédiat certaines des
responsabilités fédérales qui, à notre avis, devraient constituer
un élément important d'un plan d'action national pour les enfants,
plan que ce genre de cadre d'action permettrait d'établir. Nous
savons que cela doit entraîner non seulement l'adhésion du
gouvernement fédéral mais aussi celle des autres ordres de
gouvernement et même, ce qui est particulièrement important, du
secteur bénévole.
Nous savons également tous qu'il faudra régler un certain nombre de questions de compétence politique pour être vraiment certains que les résultats seront bénéfiques pour nos enfants et nos jeunes.
Nous proposons aujourd'hui d'établir un plan d'action fédéral en faveur de l'enfance qui reposera sur quatre piliers: nous voudrions voir adopter des mesures de sécurité du revenu pour les familles; des mesures de soutien social et communautaire; un cadre de recherche national et de surveillance; des moyens de renforcer la capacité du secteur bénévole.
Premièrement, en ce qui concerne le plan d'action en faveur de la sécurité du revenu, nous reconnaissons que la pierre angulaire d'une stratégie de lutte de la pauvreté chez les enfants existe déjà sous la forme du régime national de prestations pour enfants. C'est un bon départ, mais il faut aller plus loin. Nous présentons un certain nombre de recommandations précises visant le renforcement de ce régime national, notamment l'accélération de l'investissement. Il faudrait investir 850 millions de dollars de plus. Dans notre mémoire, nous prévoyons deux versements de ce montant, un en juillet 1999 et le second, en juillet 2000, ce qui permettrait d'accélérer le processus d'investissement et d'atteindre un objectif de 2,5 milliards de dollars en l'an 2000. Cela constituerait un acompte important dans la lutte contre la pauvreté chez les enfants.
Nous recommandons également que le régime national de prestations pour enfants soit indexé afin de protéger les enfants et les familles pauvres contre l'inflation.
Nous sommes aussi fermement convaincus que ce régime de prestations devrait être étendu à toutes les familles à faible revenu. Il ne faut pas qu'il comporte de discrimination en fonction de la source de revenu. Vous pourriez envisager d'utiliser les stratégies du marché du travail au lieu du régime national de prestations pour enfants afin de régler certains des problèmes d'emplois faiblement rémunérés qui existent dans ce pays.
En ce qui concerne la réforme fiscale, nous vous recommandons d'envisager la mise en place d'un crédit d'impôt national pour enfants. Nous sommes l'un des rares pays qui n'utilise pas ce mécanisme dans son programme de dépenses fiscales. C'est une façon progressiste de faire bénéficier les familles canadiennes d'un allégement fiscal, et nous souhaiterions que vous envisagiez de porter ce crédit à 2 000 $ par enfant.
D'accord avec certains des termes utilisés par James, nous recommandons également qu'on examine l'incidence de la politique fiscale et qu'on apporte certaines améliorations dans le cas des familles qui ont un enfant ayant des besoins spéciaux.
Pour ce qui est du régime d'assurance-emploi, nous recommandons qu'à court terme, on revienne aux niveaux antérieurs à 1994 afin de rétablir les conditions d'admissibilité, la durée des prestations, le taux de remplacement et le montant maximum de la rémunération assurable. Les statistiques montrent clairement que ces deux dernières années, il y a eu une augmentation constante du nombre des chômeurs qui n'étaient plus admissibles aux prestations ainsi qu'un recours accru au système d'aide sociale. Nous recommandons donc vivement que l'on revienne aux niveaux antérieurs à 1994.
D'autre part, nous vous demandons de vous fixer comme objectif l'adoption d'une approche plus complète à l'égard du congé parental, portant la durée d'admissibilité à un an—les recherches sur le développement des jeunes enfants montrent que les 15 semaines actuelles ne sont pas suffisantes. Nous demandons aussi que les prestations soient portées à 75 p. 100 des gains de manière à assurer un revenu suffisant aux parents qui s'occupent des plus jeunes de nos enfants au Canada.
Nous sommes aussi fermement convaincus de l'importance des mécanismes de soutien social et communautaire pour la santé des familles et celle des enfants afin de permettre à ceux-ci de réaliser leur potentiel. Nous reconnaissons la nécessité d'un accès à toute une gamme de services de soutien social et communautaire. Nos collectivités ont des besoins urgents auxquels il faut répondre à l'échelon fédéral. Nous envisageons trois domaines prioritaires dans le cadre d'un plan d'action national pour l'enfance. Nous voudrions voir adopter une stratégie nationale de garde d'enfants et de développement des jeunes enfants, une stratégie nationale d'aide sociale à l'enfance et une stratégie nationale destinée à répondre aux besoins de la jeunesse en péril. Ce sont là des questions qu'il conviendrait d'étudier immédiatement.
Nous nous intéressons également beaucoup à certaines des approches qui relèvent actuellement de la compétence fédérale et qui sont utilisées dans des programmes tels que le programme d'action communautaire pour les enfants, le programme canadien de nutrition prénatale et le programme de nutrition qui s'inspirent avec succès de modèles fondés sur la collaboration avec les autres ordres de gouvernement ainsi qu'avec le secteur bénévole. À court terme, nous demandons qu'on affecte immédiatement des ressources financières à la création de services communautaires intégrés afin de répondre à certains des besoins les plus urgents des enfants et des familles au Canada, en particulier en ce qui concerne les jeunes enfants, l'aide sociale à l'enfance et la jeunesse en péril.
• 1555
Dans l'immédiat, un plan d'action national pour les enfants
pourrait également comprendre des mécanismes nationaux de recherche
et de surveillance. Il y a de graves lacunes dans les données, ce
qui fait qu'il est difficile pour nous de surveiller la santé et le
bien-être des enfants du Canada. D'énormes progrès pourraient être
réalisés dans ce domaine.
Sur le plan de la recherche nationale et de la surveillance, trois questions nous intéressent: l'établissement d'un processus de concertation à l'échelon national afin de définir un programme de recherche nationale sur l'enfance et sur la jeunesse; la création et la mise en oeuvre d'un mécanisme fédéral de coordination de la recherche nationale; l'élaboration de systèmes nationaux de rapport et de collecte de données permettant de surveiller la santé et le bien-être des enfants dans notre pays.
Le dernier des quatre piliers d'un plan d'action national pour les enfants est constitué par la prise d'un certain nombre d'initiatives destinées à renforcer les capacités du secteur bénévole. Je crois que nous commençons tous à mieux comprendre l'importance des collectivités et du secteur bénévole, mais il est indispensable qu'ils travaillent de concert avec le gouvernement et les autres secteurs. Il faut donc que nous facilitions ce processus et que nous trouvions des moyens de collaborer pour être efficaces.
Ce que nous voudrions à court terme, c'est un mécanisme de collaboration pour élaborer et mettre en oeuvre un cadre stratégique pour le plan d'action national pour les enfants. Il est excellent que l'on commence à en discuter, mais il ne faut pas s'en tenir là. Il est impossible de mettre en oeuvre un plan d'action national pour les enfants sans travailler avec les ONG et le secteur bénévole. Nous vous demandons donc de nous consulter le plus tôt possible. Permettez-nous d'agir plutôt que de réagir. Nous voudrions également que l'on établisse et mette en oeuvre une politique nationale et une stratégie de financement afin de renforcer la capacité du secteur bénévole.
Pour assurer la cohérence du plan d'action national pour les enfants, il nous paraît également souhaitable de mettre sur pied une campagne intégrée de sensibilisation du public aux facteurs déterminants de la santé et du bien-être des enfants.
Nous espérons que vous saisirez immédiatement cette occasion de prendre la direction de la mise sur pied et de la mise en oeuvre du plan d'action national pour les enfants. Si vos décisions sont prises en fonction des besoins des enfants, vous permettrez aux bonnes intentions exprimées de se concrétiser immédiatement, et c'est le moins que les enfants du Canada peuvent attendre de nous.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, madame Bascombe.
Nous allons maintenant entendre Helen Saravanamuttoo, du Conseil national des femmes du Canada.
Mme Helen Saravanamuttoo (vice-présidente, Conseil national des femmes du Canada): Merci.
Je tiens tout d'abord à vous remercier vivement de m'offrir la possibilité de vous parler au nom du Conseil national des femmes. Ce conseil a été fondé en 1893. C'est un organisme sans but lucratif qui regroupe des conseils locaux et provinciaux et 25 sociétés nationales. Le processus d'élaboration de notre politique est très démocratique, et je vous parle donc aujourd'hui au nom de membres très différents. Nous avons des membres de notre personnel qui jouent un rôle consultatif au Conseil économique et social des Nations Unies et nous sommes membres du Conseil international des femmes.
Comme le témoin qui m'a précédée, nous voudrions que les enfants soient une des priorités du budget 1999. Nous notons que le nombre d'enfants pauvres a considérablement augmenté dans notre pays. Il en va de même du nombre des familles pauvres dont les membres ont un emploi à plein temps.
Nous recommandons donc, tout d'abord, que la prestation fiscale pour enfants soit indexée; deuxièmement, que les enfants des familles assistées bénéficient également de cette prestation. Enfin, nous recommandons qu'une partie du budget soit affectée à la prestation d'une gamme complète de services aux enfants, conjointement avec les provinces. Nous comprenons que cela soulève la question de la compétence provinciale, mais nous espérons que le gouvernement fédéral saura maintenir des normes très rigoureuses lorsqu'il élaborera ces programmes en collaboration avec les provinces.
• 1600
Les programmes sociaux et les programmes de soins de santé
sont un autre domaine important dans lequel il faut continuer à
faire observer des normes fédérales rigoureuses. Nous applaudissons
le gouvernement fédéral pour sa défense des principes de la Loi
canadienne sur la santé, et nous vous demandons instamment de
poursuivre vigoureusement les efforts dans ce domaine et de veiller
à ce que l'on ne supprime plus de services—nous vous demandons en
fait de veiller à la prestation de services des soins de santé
complets.
Nous nous inquiétons particulièrement de l'accent qui est mis sur les soins de santé aux dépens des programmes autrefois couverts par le Régime d'assistance publique du Canada, et nous pensons qu'il est absolument indispensable de rétablir des normes dans ce domaine et de rétablir l'appui financier.
Il est absolument nécessaire d'avoir des programmes d'aide sociale adéquats et de respecter des droits aussi fondamentaux que le droit d'appel par un organisme indépendant.
Le financement des programmes pour les femmes est une de nos autres priorités. Le soutien financier accordé à des programmes très divers a permis aux femmes de se faire entendre. Je crois que les femmes représentent 52 p. 100 de la population. Elles ont toujours été sous-représentées au gouvernement ainsi qu'aux conseils d'administration des grosses sociétés et dans la structure du pouvoir de notre pays. Il est absolument indispensable qu'elles puissent mieux se faire entendre. Au cours des dix dernières années, compte non tenu de l'inflation, l'aide financière a diminué de 38 p. 100. C'est absolument inconcevable. On est en train d'étouffer la voix des femmes. Nous serions prêts à appuyer de nombreux programmes du gouvernement fédéral, par exemple, mais lorsque nous écrivons aux journaux, nos lettres ne sont pas publiées. Nous avons beaucoup de mal à nous faire entendre. Nous avons terriblement besoin d'une aide financière.
Nous nous intéressons à l'analyse comparative entre les sexes, à la protection du niveau de vie des personnes âgées, aux logements sociaux, et aux programmes de déjudiciarisation des jeunes contrevenants. Cela fait aussi partie de nos priorités.
En ce qui concerne les modifications fiscales, nous recommandons que, comme pour la prestation pour enfants, toutes les autres prestations soient indexées à l'inflation, que les niveaux des dispositions de récupération le soient également, ainsi que les tranches d'imposition. En fait, nos impôts augmentent du fait que ces tranches ne sont pas liées à l'inflation.
Si l'on réduit les impôts, nous voudrions que l'on commence par ceux des familles à revenu faible et modeste. À notre avis, on devrait augmenter le nombre des tranches d'imposition pour les niveaux supérieurs de revenu. Nous sommes tout à fait d'accord avec le gouvernement lorsqu'il déclare que la réduction des primes d'assurance-emploi n'est pas une priorité. Il n'y a aucune raison pour qu'elle le soit.
Il est bien plus urgent d'indexer les tranches d'imposition et les prestations en fonction de l'inflation, et de réduire les impôts des familles à revenu faible et modeste.
Nous avons demandé à comparaître devant vous plus tard au cours des audiences consacrées au groupe de travail sur l'aide financière. Vous trouverez dans notre mémoire quelques références à ce sujet ainsi qu'à la situation des banques.
Le mémoire que vous avez entre les mains a été rédigé en août. Depuis lors, la volatilité du marché a augmenté et le dollar canadien a été de plus en plus violemment battu en brèche, sans compter que l'on entend parler de plus en plus fréquemment du risque d'une récession mondiale. Ce que nous avons écrit à l'époque demeure valable. À la page 7 de ce mémoire, nous évoquons la nécessité de stimuler l'économie nationale. C'est encore plus vrai aujourd'hui, en dépit de l'instabilité du marché. Nous savons que notre économie stagne depuis bien trop longtemps, probablement depuis la récession de 1991. Si l'on veut que le Canada survive aux dangers de la situation mondiale actuelle, il faut que le gouvernement recommence à dépenser de l'argent, c'est une priorité. Il ne s'agit pas de nous enfoncer encore plus dans les dettes, mais de l'excédent financier, et je crois que cette année il y en aura encore un.
• 1605
Dans notre mémoire nous avons également dit combien il serait
important d'envisager d'imposer des contrôles aux cambistes, et
nous tenons à applaudir le gouvernement pour avoir décidé
d'intervenir dans ce domaine. Nous ne sommes pas nécessairement
d'accord avec les solutions qu'il propose, mais nous estimons qu'il
s'agit d'un domaine extrêmement important dans lequel il est
indispensable d'affirmer à nouveau notre souveraineté.
Nous souhaitons vivement que ce budget contribue à une répartition véritablement équitable du revenu. C'est non seulement juste pour tous les Canadiens, mais c'est aussi un des facteurs les plus importants de la cohésion sociale et souvent même, d'une croissance économique plus forte. Nous voulons que ce budget privilégie l'emploi plutôt que les mécanismes de contrôle de l'inflation, et nous voulons qu'on adopte une dernière mesure très importante, à savoir l'incorporation du calcul du travail non rémunéré dans le PIB.
Nous vous remercions vivement de nous avoir permis d'exposer nos vues.
La présidente suppléante (Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.)): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre M. Culpeper, président de l'Institut Nord-Sud.
M. Roy Culpeper (président, Institut Nord-Sud): Merci, madame la présidente. Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant le comité permanent.
Je voudrais faire deux observations qui sont présentées plus en détail dans notre mémoire au comité. La première a trait à l'importance du maintien d'un engagement sincère du Canada à l'égard de l'aide publique au développement et des besoins des pays en développement. Nous recommandons une réorganisation de notre programme APD, après presque dix ans de profondes coupures budgétaires.
La seconde observation concerne l'objectif de cet engagement, de notre programme APD. Nous recommandons que les efforts d'aide au développement du Canada soient de plus en plus axés sur l'objectif fondamental de la réduction de la pauvreté.
Mais auparavant, un très bref préambule. J'ai eu le privilège, le mois dernier, de faire partie d'une mission de civils et de parlementaires dans les pays asiatiques en crise—l'Indonésie et la Thaïlande. Je serais ravi de revenir avec d'autres membres de notre mission pour parler au comité de nos constatations et de nos recommandations.
En résumé, cependant, la crise asiatique qui dure maintenant depuis un an montre clairement que le développement n'est pas un processus linéaire ni prévisible. Le développement dans cette région a fait un pas brutal en arrière et il est compromis dans d'autres parties du monde en développement au fur et à mesure que la crise s'étend. Nous sommes actuellement confrontés à une gigantesque crise systémique mondiale telle qu'on n'en avait pas vue depuis les années 30. Il est donc clair que le Canada et les autres pays riches devront envisager le développement à beaucoup plus long terme et accroître les fonds alloués à l'aide étrangère et à l'aide publique au développement.
En résumé, le marché ne tient pas compte des besoins des gens et des pays les plus pauvres. L'aide étrangère est un facteur vital d'équité et de sécurité dans un monde que nous devons nous partager.
Je voudrais tout d'abord parler de l'aide publique au développement. Entre 1991 et 1998, le budget APD du Canada a été réduit d'environ 26 p. 100. Cela constitue une diminution réelle de près de 40 p. 100. Le ratio APD/PIB du Canada, indicateur de base utilisé pour mesurer et comparer les efforts des pays donateurs, est tombé de 0,49 p. 100 en 1991-1992 à 0,31 p. 100 en 1997-1998, ce ratio est inférieur à la moyenne de 1997 des pays donateurs du CAD de l'OCDE, qui est de 0,39 p. 100, et nettement inférieur à la moitié de l'objectif APD adopté aux Nations Unies, qui est de 0,7 p. 100 du PIB.
• 1610
Cela vous intéressera peut-être de savoir, madame la
présidente, que même en termes absolus, en comparaison d'autres
pays, nos dépenses sont maintenant inférieures à celles de la
Suède. Je précise bien que je parle de dollars constants. Nos
dépenses n'atteignent que 90 p. 100 de celles de la Suède qui est
un pays de huit millions d'habitants. Nous dépensons à peine plus
que le Danemark, un pays de cinq millions d'habitants. Autrefois,
nous faisions partie des leaders mondiaux dans le domaine de l'aide
publique au développement. Très bientôt nous nous retrouverons dans
le groupe des traînards.
Ces réductions disproportionnées du programme d'aide canadien ont considérablement restreint la capacité du Canada de continuer à être un des principaux promoteurs de l'aide au monde en développement et de respecter les engagements pris par notre gouvernement devant diverses instances internationales.
En fait, l'examen par les pairs du programme d'aide du Canada, qui a été effectué en 1998 par le comité d'aide au développement de l'OCDE, a conclu que les réductions de l'APD canadienne permettent à se demander si le Canada est capable de respecter ses engagements nationaux et internationaux.
Sur le premier point, pour que les engagements du Canada à l'égard de la communauté mondiale demeurent crédibles et que ses efforts d'aide aux pays en développement soient adaptés aux priorités de ces pays dans ce domaine, nous recommandons que le gouvernement canadien augmente de manière soutenue l'aide publique au développement.
Que cela signifie-t-il exactement pour nous? L'examen par les pairs du CAD effectué en 1998, que je viens de citer, conclut qu'une augmentation minimum d'environ 5 p. 100 est nécessaire pour que l'APD canadienne ne perde pas encore plus de terrain par rapport à la croissance du PIB. Nous prenons pour hypothèse que cette croissance va se poursuivre à des niveaux prévisibles et ne sera pas compromise par la crise mondiale. En outre, et encore une fois je cite l'examen par les pairs: «Même si l'appui canadien devait augmenter de 1 p. 100 de plus que le PIB, il faudrait un demi-siècle avant que le Canada ne retrouve le niveau de 0,45 p. 100 du PIB» que nous n'avons pas vu depuis le début de cette décennie.
Dans le mémoire qu'il a soumis au comité la semaine dernière, le Conseil canadien pour la coopération internationale a présenté un programme de croissance de l'APD canadienne qui permettrait de rétablir un ratio APD-PIB de 0,35 p. 100, ce qui, rappelons-le, ne représente que la moitié du ratio international ou du niveau fixé par les Nations Unies, d'ici l'an 2005-2006. Cela représenterait cependant une augmentation annuelle constante d'environ 200 millions de dollars du budget APD.
Ma seconde observation concerne l'établissement des objectifs du programme APD et la priorité qu'il accorde à la réduction de la pauvreté. En 1985-1986, les pays les plus pauvres et les moins développés bénéficiaient d'un tiers de notre APD. En 1996, cependant, les paiements nets aux pays les moins développés avaient diminué de 37 p. 100, et la part de l'aide réservée à ces pays avait baissé d'un tiers et ne constituait plus que 19 p. 100 de l'APD totale, ce qui situe encore une fois le Canada au-dessous de la moyenne des donateurs du CAD qui était de 21 p. 100.
Dans nos recommandations concernant la priorité à donner aux personnes et aux pays les plus pauvres, nous déclarons tout d'abord que la réduction de la pauvreté est un principe fondamental de l'aide canadienne, comme le soulignent l'énoncé de politique étrangère du gouvernement fédéral Le Canada dans le monde et les documents de politique de l'ACDI eux-mêmes.
Il convient de noter que le Canada est un des principaux promoteurs des objectifs du CAD décrits dans le document intitulé Le rôle de la coopération pour le développement du XXIe siècle, notamment de l'objectif ambitieux visant à réduire de moitié d'ici l'an 2015, la proportion des personnes vivant dans un état de pauvreté extrême dans le monde en développement.
Conformément à cet engagement, le Canada est membre du Réseau de réduction de la pauvreté du CAD et appuie actuellement une étude de délimitation de l'étendue des pratiques et des leçons apprises dans les pays donateurs dans ce domaine. Cependant, pour pouvoir vaincre les difficultés que présente le phénomène général de la pauvreté généralisée, le Canada devrait non seulement augmenter sa contribution financière à l'APD, comme nous l'avons déjà dit, mais il devra également consacrer de plus en plus ses fonds aux programmes de réduction de la pauvreté et à l'aide aux pays les moins développés.
• 1615
Permettez-moi de dire en conclusion, et cela d'autant plus que
je me trouve en compagnie de collègues que préoccupe surtout les
questions de bien-être et d'équité sur le plan national, qu'une
société qui met l'accent sur les besoins des plus pauvres et des
plus vulnérables doit effectivement pratiquer une charité bien
ordonnée et commencer par elle-même, mais qu'elle ne doit pas s'en
tenir là. La pauvreté est mouvante, et elle se déplace souvent sans
passeport. De simples frontières ne permettent pas de contenir la
maladie, le terrorisme, l'instabilité régionale et les conflits. Il
est donc dans l'intérêt de tous les Canadiens de contribuer à un
développement humain équitable et durable dans le monde entier.
Merci, monsieur le président.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Epp, vous avez la parole.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président. Je vous remercie tous de vos exposés.
Ce que je viens d'entendre montre clairement que lorsqu'il s'agit de décider des actes et des priorités du gouvernement, les avis sont très différents. Nous voyons passer ici un défilé incessant de personnes qui nous proposent sans doute suffisamment de façons de dépenser trois ou quatre fois plus d'argent que les contribuables canadiens ne nous en fournissent.
Je ne sais pas si les autres membres du comité sont comme moi, mais comme j'ai tendance à avoir le coeur tendre, j'aimerais pouvoir dire oui à tout le monde. Malheureusement, la réalité nous en empêche à cause du montant limité d'argent dont nous disposons. Il n'en reste pas moins que vous nous avez présenté des idées très intéressantes et je vous en remercie.
Je souhaiterais poser mes questions dans l'ordre de vos interventions. Je vais donc commencer par Sharon Chisholm, de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine; les autres peuvent donc se détendre un peu en attendant.
J'estime qu'en ce moment les divers ordres de gouvernement consacrent beaucoup d'argent aux logements sociaux. Il est certain qu'en Alberta, d'où je viens, les municipalités dépensent beaucoup d'argent, et je sais pertinemment que c'est vrai de la ville d'Edmonton.
Avez-vous des statistiques qui montrent que les montants de l'aide au logement pour les personnes dans le besoin ont diminué? C'est bien cela que vous voulez dire?
Mme Sharon Chisholm: Au Canada, nous avons construit des logements sociaux pendant 20 ans, jusqu'en 1995, notamment en Alberta où l'on en a construit un assez grand nombre. C'est pourquoi cette province a actuellement un projet de loi concernant les logements construits jusqu'en 1995, pour lesquels les prêts hypothécaires n'ont pas totalement été remboursés. Mais depuis lors, on n'a plus rien construit, et c'est là où réside le problème; c'est à cause de cette situation que nous commençons à voir des sans-abri.
Je sais que vous avez de très gros problèmes en Alberta. J'ai été appelée là-bas, et Iris Evans, le ministre provincial, tenait beaucoup à trouver des solutions pour les villes dans lesquelles des emplois étaient créées, où les nouveaux arrivants ne trouvaient pas de logement, et il était absolument impossible de se loger avec les salaires offerts pour ces nouveaux emplois. Il y a donc un sérieux problème dans certains de vos centres urbains, en particulier à Edmonton.
Les fonds dont vous parlez et que l'on utilise actuellement correspondent à des engagements financiers antérieurs. Aucun nouvel engagement n'a été pris en Alberta. En fait, je sais qu'il y a actuellement des liquidations forcées; il n'y aura donc plus d'hypothèques à rembourser.
Compte tenu des ressources d'un pays comme le Canada, il devrait y avoir un apport d'argent frais dans le secteur du logement. Ni le gouvernement fédéral ni la majorité des provinces, dont l'Alberta, n'injectent actuellement d'argent frais dans ce secteur. Il y a un peu d'activité dans le domaine en Colombie- Britannique et au Québec, mais c'est à peu près tout.
M. Ken Epp: Dans votre exposé, vous avez dit que nous devrions encourager la participation du secteur privé par le biais de la réforme fiscale. Comme vous le savez probablement, la TPS, par exemple, est une taxe qui pose des problèmes aux constructeurs de logements, sans même parler des autres taxes. Avez-vous des mesures spécifiques de réforme fiscale à suggérer pour encourager l'entreprise privée à construire des logements sociaux?
Mme Sharon Chisholm: Nous étudions actuellement les systèmes de crédit d'impôt utilisés dans d'autres pays tels que les États- Unis, où l'on encourage le secteur privé à contribuer à la poursuite de projets de construction de logement sans but lucratif dans leurs collectivités. Chez nos voisins, les entreprises privées participent aux projets communautaires qui les intéressent, elles investissent de l'argent et obtiennent un crédit d'impôt pour cela. La situation est un peu différente de celle qui existe ici où les promoteurs—je ne dis pas qu'ils ont tort—se plaignent de la TPS, des prélèvements et d'une foule d'autres choses.
Une étude a été effectuée à Toronto afin de déterminer s'il serait possible, en réduisant ou en éliminant la TPS et certaines taxes au développement et de taxes pour l'éducation, de permettre aux promoteurs de construire des logements sans but lucratif à prix abordable pour les personnes qui en ont besoin. Il s'est avéré qu'ils ne pouvaient pas le faire et qu'un apport considérable d'argent demeurait nécessaire.
Nous ne recommandons donc pas ce genre de coupures pour le secteur privé; nous recommandons simplement qu'on l'encourage à établir des partenariats avec des groupes communautaires. Pour cela, il faudrait modifier le régime fiscal de manière à ce que les entreprises privées bénéficient d'un crédit d'impôt.
M. Ken Epp: D'accord. Cela soulève une question fort intéressante. Un des changements constructifs apportés par le gouvernement est l'augmentation considérable, depuis deux ou trois ans, du pourcentage qui peut être utilisé pour les dons de bienfaisance. Il y a des oeuvres de charité notamment celles dont Jimmy Carter s'occupait, Habitat for Humanity. On pourrait penser qu'avec ce genre de mesures d'incitation et avec un peu de publicité, cela libérerait beaucoup d'argent, et de nombreuses personnes seraient favorables à de telles mesures. Les entreprises peuvent maintenant faire des dons de matériel et obtenir un crédit d'impôt. En fait, le gouvernement se met pratiquement en quatre pour permettre ce genre de choses.
Je voudrais savoir si c'est suffisant ou si cela ne vous paraît pas suffisant.
Mme Sharon Chisholm: Le gouvernement est loin de se mettre en quatre, et ce n'est certainement pas suffisant.
Je suis membre du comité consultatif du Centre canadien du partenariat public et privé dans l'habitation par le biais de la SCHL. Depuis quatre ou cinq ans, nous essayons d'encourager le secteur privé à apporter sa contribution et à participer aux partenariats créés dans les collectivités pour construire des logements à prix abordable. Jusqu'à présent, nous avons eu relativement peu de succès.
Je suis cependant convaincue que les entreprises privées accepteront de devenir nos partenaires lorsqu'elles bénéficieront d'un crédit d'impôt. Si vous voulez qu'elles interviennent sur le marché, il faut absolument adopter des mesures d'incitation en leur faveur. Dans le cas de Habitat for Humanity, il se peut quelles contribuent un peu, mais bien peu de logements sont construits en comparaison de ce dont nous avons besoin.
M. Ken Epp: Naturellement, ce genre d'organisations encouragent les bénévoles à effectuer le travail physique. C'est un remarquable effort communautaire. J'en ai été témoin et c'est vraiment admirable.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Une dernière question.
M. Ken Epp: Un instant, monsieur le président; tout à l'heure, on m'a accordé dix minutes et voilà que vous voulez réduire ce temps à six minutes.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Vous aurez une autre occasion de poser des questions. Nous avons pris un peu de retard.
M. Ken Epp: Je paie sans doute le prix pour ce que j'ai dit tout à l'heure.
Je vais donc passer à la question suivante, celle qui a trait aux difficultés d'apprentissage. C'est un problème qui me touche personnellement beaucoup, car j'ai une soeur qui est presque totalement handicapée dans ce domaine. Comme elle ne peut pas parler, elle a besoin d'être totalement prise en charge. Ce n'est pas vraiment le genre de problèmes dont vous vous occupez, mais cette expérience personnelle me permet de bien mieux comprendre la situation des personnes qui ont des besoins spéciaux.
Ce que vous avez dit m'a beaucoup intéressé. Il est indiscutable que beaucoup de Canadiens ont des difficultés d'apprentissage et souffrent d'autres problèmes qui nuisent à leur développement. Nous pourrions certainement en faire plus.
Si je vous ai bien compris, vous proposez une participation fédérale dans ce domaine. Ne pensez cependant vous pas, que cela relève de la compétence provinciale ou non, que nous aurions plus de succès si nous intervenions auprès des politiciens locaux qui sont peut-être un peu plus proches de nous. Je ne sais pas si vous partagez mon impression, mais je sais que dans la région d'où je viens, la capitale m'apparaît bien lointaine, et la plupart des gens pensent qu'avec un peu plus de liberté et quelques mesures d'incitation fiscale, nous pourrions très bien nous en sortir nous- mêmes. Laissons donc Ottawa en dehors de tout cela au lieu de la laisser nous écraser d'impôts.
J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
M. James Horan: Certainement. Je crois qu'il s'agit de travailler dans le cadre de partenariats, et c'est précisément ce que je propose dans mon modèle. Les parents investissent déjà dans l'avenir de leurs enfants. Il s'agit essentiellement de leur donner un coup de main et la meilleure façon de le faire, est de nous placer dans une perspective fédérale.
M. Ken Epp: Le crédit d'impôt pour handicapés est une solution un peu limitée en ce sens que pour en bénéficier, il faut qu'une personne soit vraiment gravement handicapée. Selon vous, cette mesure devrait-elle être étendue aux personnes dont le handicap est beaucoup moins grave et beaucoup moins manifeste?
M. James Horan: Il est peut-être moins manifeste, mais il pourrait avoir un effet tout aussi destructif sur la vie personnelle de cet individu.
Par exemple, savez-vous qu'une simple évaluation psychopédagogique coûte de 800 à 1 500 $, selon l'endroit où vous vivez au Canada? Pour beaucoup de parents, c'est une somme énorme car ils ne peuvent pas toujours obtenir une aide du système scolaire. Ils ne peuvent pas non plus l'obtenir de leur employeur à cause de la manière dont fonctionnent les crédits d'impôt.
À notre avis, si un parent placé dans cette situation était obligé de payer 1 500 $ pour ce genre d'évaluation, le gouvernement devrait considérer qu'il s'agit là d'un bon investissement. Nous savons qu'une évaluation psychopédagogique peut fournir une somme considérable d'information sur le jeune sujet et que ces données peuvent être communiquées à son école et à ses conseillers.
Savez-vous, monsieur Epp, que cela coûte 100 000 $ pour maintenir en détention un jeune contrevenant? C'est ce que nous payons en ce moment. C'est invraisemblable. Andy Scott l'a déclaré lui-même. Chaque année, nous payons 100 000 $ pour chaque jeune détenu, c'est absolument incroyable. C'est le gouvernement fédéral qui paie. Il faut bien que ce soit quelqu'un.
Ce que je veux dire c'est qu'il faut trouver un moyen d'aider les parents qui se trouvent pratiquement prisonniers d'un cycle de risques. Chaque semaine, il y a des parents qui paient des répétiteurs de leur poche, et il s'agit d'argent après impôts. Ce que nous demandons, c'est qu'on leur en rende un peu pour qu'ils puissent peut-être continuer à le payer l'année suivante.
M. Ken Epp: Lorsque vous dites qu'il faudrait leur en rendre un peu, envisagez-vous, par exemple, que les factures que ces parents paient soient déductibles de leurs impôts sur présentation d'un reçu?
M. James Horan: Oui. C'est à un cadre très précis que nous songeons. Nous ne voulons pas d'un système qui serait accessible à tout le monde. Ce serait la dernière chose à faire. Nous voulons une formule tout à fait spécifique permettant d'aider ceux qui sont vraiment dans le besoin.
M. Ken Epp: Mes dix minutes sont écoulées; il va donc valoir que je m'arrête, n'est-ce pas?
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Vous en êtes en fait à votre onzième minute.
M. Ken Epp: Non, à la vingt-quatrième, mais de toute façon...
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): J'aimerais également remercier tous les participants et participantes qui sont venus nous présenter leur point de vue cet après-midi et nous dire comment les surplus budgétaires devraient être utilisés.
Madame Bascombe, lorsque vous avez parlé de l'amélioration de la sécurité du revenu grâce au programme d'assurance-emploi, vous avez dit qu'entre 1996 et 1997, le nombre de bénéficiaires de prestations de congé de maternité avait diminué de 7 p. 100 tandis que le nombre de naissance avait diminué de 2 p. 100. Avez-vous des nombres plus précis à nous donner? Où les 5 p. 100 de bénéficiaires ont-ils cherché à obtenir de l'aide?
[Traduction]
Mme Dianne Bascombe: Je crois qu'elles ne peuvent s'adresser nulle part pour obtenir de l'aide pendant qu'elles sont en congé de maternité. Ces chiffres nous viennent du Conseil canadien de développement social qui dispose certainement de plus de détails pour les confirmer.
[Français]
M. Odina Desrochers: S'ils n'ont pas pu obtenir d'aide, sont-ils allés frapper à la porte des provinces pour avoir de l'aide sociale?
[Traduction]
Mme Dianne Bascombe: C'est possible. Je ne crois pas que nous ayons le type de système de vérification des données qui nous permette de suivre les personnes en congé de maternité, mais de toute façon, beaucoup de personnes n'obtiennent pas le soutien dont elles ont besoin.
[Français]
M. Odina Desrochers: Vous voudriez qu'on revienne à l'ancien régime d'assurance-emploi?
[Traduction]
Mme Dianne Bascombe: Ce que nous voulons dire, c'est qu'il y a deux choses à faire, à court terme, il serait très utile de revenir aux niveaux des droits et de prestations antérieurs à 1994, avant le début des coupures budgétaires. Deuxièmement, il devrait y avoir un examen plus approfondi des programmes de congé parental.
[Français]
M. Odina Desrochers: Avez-vous des suggestions à nous faire? Vous parlez de revenir à l'ancien régime. Pourriez-vous préciser ce que l'assurance-emploi pourrait faire pour palier les lacunes qu'on voit actuellement et aider ceux qui prennent des congés parentaux?
[Traduction]
Mme Dianne Bascombe: Il s'agirait surtout des personnes admissibles à un congé de maternité. Le règlement antérieur à 1994 était plus généreux. Les conditions d'admissibilité étaient plus souples qu'elles ne le sont aujourd'hui. Les primes payables aux parents en congé parental ont tout d'abord été ramenées de 60 à 57 p. 100, puis aujourd'hui, à 55 p. 100 des gains assurables. C'est donc un domaine dans lequel une amélioration immédiate serait possible si l'on ramenait le pourcentage à 57 ou 60 p. 100 des gains.
[Français]
M. Odina Desrochers: J'aimerais poser une dernière question rapidement, monsieur le président, puisque que le temps passe et que j'aimerais permettre à d'autres personnes d'intervenir.
Vous dites réclamer du gouvernement fédéral qu'il présente une politique de l'enfance, mais sans l'apport du palier provincial. Est-ce que votre demande respecte les dispositions de la Constitution actuelle?
[Traduction]
Mme Dianne Bascombe: Je le crois. Nous ne tenons bien sûr pas à engager un débat sur les questions constitutionnelles mais nous sommes convaincus que pour répondre aux besoins des enfants et des familles au Canada, il faut créer un mécanisme de collaboration avec le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec le secteur non gouvernemental et le secteur bénévole. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons répondre aux besoins urgents des enfants au Canada.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci, madame.
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Thank you.
C'est maintenant au tour de monsieur McKay de poser des questions.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Ma question s'adresse à madame Chisholm. Elle a trait au dernier paragraphe de votre déclaration dans laquelle vous dites que l'ACLRU ne recommande pas un retour à l'approche passe-partout.
Le gouvernement actuel se livre à une difficile réflexion sur des questions telles que la délégation de pouvoir, etc. Nous avons conclu des ententes avec un certain nombre de provinces portant sur diverses formules de logements sociaux. Nous avons beaucoup de mal à nous mettre d'accord avec l'Ontario sur la manière dont ce genre de programme doit être administré, subventionné, traité, etc. Recommanderiez-vous que le gouvernement fédéral noue des liens directs avec les municipalités?
Mme Sharon Chisholm: Pour résumer, je dirais que je souhaiterais voir des liens plus directs s'établir entre les municipalités et le gouvernement fédéral. Beaucoup de membres de mon association sont des municipalités, et de nombreuses villes ont décidé soit d'établir un service de logements et de construire leurs propres logements sans but lucratif à l'époque où il existait des programmes fédéraux, soit de créer au moins une division des politiques chargée d'aider les groupes communautaires à construire des logements sans but lucratif. Les résultats ont été absolument inespérés. Certaines provinces ont aussi aidé à établir des partenariats entre les gouvernements fédéral et municipaux, mais cela ne s'est pas fait partout.
D'après mon expérience du domaine, toutes les connaissances relatives à la politique de logement, tout ce qu'il y a à faire et comment il faut procéder; tout cela a été appris à l'échelon fédéral. À mon avis, il est vain d'essayer de recréer tout cela à l'échelon municipal dans l'ensemble du Canada. Pour moi, ce que je vois, c'est qu'il y a des gens qui ont besoin de logement.
D'après ce que me disent les membres de mon association, le problème des sans-abri et des personnes qui n'ont pas les moyens de payer leur logement est particulièrement ressenti à l'échelon municipal. Les politiciens municipaux se retrouvent donc confrontés à cet énorme problème; ils en entendent partout parler, et ils n'ont plus les moyens de le régler. Il y a quelques années, ils auraient pu créer leur propre société et bénéficier ainsi de l'aide d'un programme fédéral. Tout cela est maintenant terminé; ils lèvent donc les bras au ciel et vous disent, étant donné notre assiette fiscale, comment sommes-nous censés régler le problème? Nous ne levons pas d'impôt comme le fait le gouvernement fédéral. Comment pouvons-nous nous en sortir?
M. John McKay: À notre avis, en particulier le gouvernement de l'Ontario, compte tenu de ce que j'appellerais ses prédispositions philosophiques, serait ravi d'éluder la question et, disons-le carrément, de laisser les sans-abri se débrouiller tout seuls. Votre association interprète-t-elle les choses de la même manière?
Mme Sharon Chisholm: L'Ontario a effectivement déclaré qu'il aimerait ne plus avoir à s'occuper de ces questions—je me contente de le citer—et rien n'indique qu'il ait changé d'avis. On pourrait cependant peut-être interpréter sa position de manière un peu plus positive puisqu'il a établi un groupe de travail chargé d'étudier le problème des sans-abri et les moyens de la résoudre. C'est un bien petit groupe de travail, qui est demeuré muet jusqu'à présent. On entend déjà dire par la communauté urbaine de Toronto que la situation est désastreuse. Je suis certain que vous l'avez déjà lu dans les journaux locaux, dans le Toronto Star et dans le Globe. C'est maintenant qu'il faut agir.
M. John McKay: C'est là une réaction typique au groupe de travail sur la situation des sans-abri de Anne Golden. Il est uniquement composé de secrétaires parlementaires à la solde du gouvernement.
Mme Sharon Chisholm: C'est vrai.
M. John McKay: Je voulais simplement m'assurer que c'est ainsi que vous voyez les choses, que ce ne sont pas...
Mme Sharon Chisholm: Mes chiffres.
M. John McKay: Bien.
J'ai une petite question à poser à monsieur Horan, il s'agit des 100 000 $ que coûte un jeune détenu. J'ai déjà lu cette statistique, et je sais que ça coûte deux fois plus cher que pour un détenu adulte. Je n'ai jamais réussi à comprendre pourquoi.
Pourquoi les jeunes contrevenants coûtent-ils deux fois plus que les adultes?
M. James Horan: Je crois que cela tient beaucoup au fait que... Dans le cas des jeunes contrevenants, il y a toujours un élément de thérapie, de counselling, dont ils bénéficient, du moins peut-on l'espérer. Ce sont des services spécialisés qui sont fort coûteux. Je crois que cela joue probablement un rôle; c'est du moins notre impression. Le chiffre est directement lié à la prestation de ce genre de services spécialisés.
Il arrive cependant parfois que cela coûte moins de 100 000 $, quelquefois nettement moins. Nous constatons cependant que ces jeunes détenus ne bénéficient pas toujours de la thérapie et du counselling spécialisés dont ils pourraient avoir besoin pour repartir d'un bon pied.
M. John McKay: Merci.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur McKay.
Monsieur O'Brien, et ensuite, monsieur M. Riis.
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.
Comme vient de le faire mon collègue M. McKay, j'ai aussi deux ou trois questions à poser à Mme Chisholm.
La première a trait à une mesure possible dont beaucoup d'entre nous sont vigoureusement partisans: l'établissement d'ententes administratives directes entre le gouvernement fédéral et les coopératives, lorsqu'on a les pouvoirs requis pour cela. Certains de mes mandants à London, en Ontario, m'ont dit que c'est une possibilité qui les intéressait beaucoup. Auriez-vous des remarques à faire à ce sujet?
Mme Sharon Chisholm: Certainement.
Lorsque, il y a quelques années, M. Martin a annoncé dans son budget que le gouvernement fédéral transférerait aux provinces l'administration du portefeuille de logements sociaux, y compris les coopératives d'habitation, il a également dit que la SCHL serait habilitée à négocier avec les groupes communautaires qui pourraient également prendre en main l'administration, et jauger les options.
À l'époque, le secteur des coopératives d'habitation ainsi que le secteur communautaire que je représente ont proposé des méthodes d'administration. Nous estimions en effet que nous étions capables d'assumer l'administration des portefeuilles existants de manière tout aussi efficace, sinon plus, et certainement avec plus de doigté. Cela permettrait de maintenir le programme dans l'ensemble du pays au lieu de commencer à l'amputer ici et là. Nous craignons tous que certaines provinces n'essaient de se débarrasser de ces logements comme cela se produit indiscutablement. Nous sommes en train de perdre le parc de logements que tous les Canadiens ont acheté et qu'ils commençaient à payer.
Les coopératives d'habitations ont donc présenté une proposition qui me paraissait tout à fait acceptable, mais les deux secteurs ont trouvé qu'aucune de nos deux propositions n'étaient mûrement réfléchies. En fait, on nous a dit que les offres seraient faites tout d'abord aux provinces, et qu'en cas de rejet, on reviendrait à un examen d'autres méthodes possibles d'administration. Ces propositions ont donc été mises en veilleuse, ce que je trouve un peu injuste car ce n'était certainement pas l'intention première.
M. Pat O'Brien: Merci.
Monsieur le président, je ne suis pas avocat comme mon ami et collègue M. McKay, mais j'ai dix années d'expérience du gouvernement municipal. Il me semble qu'il n'est pas aussi facile d'écarter les provinces une entente fédérale-municipale, puisque les municipalités sont ce que j'appellerais, à défaut du terme légal approprié, des créatures des provinces.
Avez-vous des commentaires à faire sur la question que M. McKay a posée tout à l'heure? Ce pourrait-il que j'exagère l'importance du problème? Qu'en pensez-vous?
Mme Sharon Chisholm: Je reconnais que c'est extrêmement compliqué. Actuellement, au Canada, les provinces dépensent aujourd'hui beaucoup plus que le produit des impôts que nous payons collectivement que ce n'était le cas auparavant. Plus elles dépensent, plus elles veulent contrôler ces dépenses. Le gouvernement fédéral légifère moins et dépense moins qu'il ne le faisait auparavant. C'est une situation dangereuse pour lui.
Revenons à la question du logement. Tout ce que je sais c'est qu'auparavant, les municipalités pouvaient agir. Aujourd'hui, elles ne le peuvent plus. La raison pour laquelle elles pouvaient intervenir autrefois c'est que le gouvernement fédéral donnait l'exemple, qu'il avait établi un programme communautaire innovateur qui fonctionnait bien pour les collectivités et qui permettrait à celles-ci de créer des logements intégrés chez elles. C'est ce que souhaitaient leurs mandants, les résidents aussi, et cela a bien fonctionné, mais ce n'est plus possible aujourd'hui.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): En quelle année cela se passait-il?
Mme Sharon Chisholm: Cela a duré jusqu'en 1995.
M. Pat O'Brien: J'étais d'accord avec vous jusqu'à votre dernière déclaration. Comme beaucoup d'entre nous, je voudrais bien que l'on puisse ne pas passer par les provinces. Le problème c'est beaucoup plus compliqué dans la pratique. Cela a toujours été beaucoup plus compliqué, aussi bien avant qu'après 1995. Je vous avouerai donc que je ne comprends pas votre critique. J'accepte les critiques de notre gouvernement, mais pas celle-ci. J'ai travaillé dans le secteur fédéral de 1982 à 1993, et j'ai constaté qu'il était très difficile de ne pas passer par les provinces et d'aller directement du fédéral au provincial. En tout cas, c'est ainsi que se passaient les choses en Ontario.
Pourriez-vous préciser votre remarque?
Mme Sharon Chisholm: Pour ce qui est du logement, monsieur O'Brien, les municipalités avaient encore tout récemment leur mot à dire.
M. Pat O'Brien: Il fallait tout de même l'accord de la province.
Mme Sharon Chisholm: Pas nécessairement.
M. Pat O'Brien: Voilà qui est intéressant.
Mme Sharon Chisholm: Dans bien des cas, cela se réglait directement avec les bureaux locaux de la SCHL, et dans certaines provinces, c'est par l'administration provinciale que l'on passait.
M. Pat O'Brien: Franchement, certains députés, dont moi-même et certains de mes collègues de mon parti, considèrent que la SCHL est responsable des difficultés lorsqu'il s'agit d'ententes administratives. Certains d'entre nous se demandent si l'on veut que le gouvernement fédéral poursuive dans cette voie. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
Mme Sharon Chisholm: Si l'on veut que le gouvernement fédéral poursuive...?
M. Pat O'Brien: L'établissement d'ententes administratives directes avec les coopératives, qui nous permettrait...
Mme Sharon Chisholm: Oh, vous parlez des coopératives. Eh bien, il semble que la SCHL négocie d'abord avec les provinces. Deuxièmement, en veilleuse, il y a la proposition des coopératives.
M. Pat O'Brien: Savez-vous si la SCHL ne tient pas à ce que le gouvernement poursuive dans cette direction?
Mme Sharon Chisholm: Non, je n'en sais rien.
M. Pat O'Brien: Bien.
Merci, monsieur le président.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur O'Brien.
Monsieur Riis, vous avez la parole.
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Monsieur le président, dans une vie antérieure j'ai aussi fait de la politique municipale. Je sais que la ville de Kamloops comptait un certain nombre de développements directement reliés au gouvernement fédéral. Le mouvement de logement coopératif bénéficiait essentiellement de subventions directes et une bonne partie des projets de logement des Autochtones bénéficiaient également d'un financement direct. Nous avons mis sur pied je ne sais combien de projets, mais il y en avait probablement de 15 à 20 pour une ville de la taille de Kamloops, et ils sont actuellement la fierté de la ville. Parfois, on stigmatise le logement social et pourtant, je puis vous dire que chez nous ce sont les meilleurs ensembles de logement, sans exception. Malheureusement, il ne s'en construit plus. Pour être honnête, on compte quelques projets de logement pour les Autochtones; par contre le programme de logement coopératif qui relevait directement de la SCHL était remarquable.
Je pense qu'il est temps d'y revenir. Sans vouloir faire de prêchi-prêcha cet après-midi, je crois qu'il est juste de dire que la plupart des gens—de fait, je dirais tout le monde—conviendraient que l'alimentation, le vêtement et le logement sont trois droits fondamentaux des citoyens de notre pays. Et pourtant, quand j'entends des gens comme Sharon nous dire que 20 p. 100 des sans-abri à Toronto sont des enfants, je sens un spectre dans mon dos.
Je soupçonne qu'aucune municipalité du pays n'échappe au problème des sans-abri ou des personnes qui ne peuvent tout simplement pas s'offrir un logement décent. C'est une crise qui s'accentue. En tant que gouvernement fédéral, je ne crois pas que nous puissions l'ignorer et prétendre que la responsabilité incombe à quelqu'un d'autre, à quelqu'un qui n'est manifestement pas capable d'y faire face de manière convenable.
Mon autre point est le suivant: s'il y a une chose qui distingue le Canada d'une foule d'autres pays, c'est que nous sommes convaincus de la nécessité d'offrir l'égalité des chances, ce qui m'amène aux propos de M. Horan. Il me semble que nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour offrir une égalité des chances aux parents qui élèvent des enfants ayant des difficultés d'apprentissage et qui font face à des dépenses supplémentaires pour cela. Ce n'est qu'un des nombreux défis qu'une telle famille doit relever. Vous faites au moins une modeste proposition en ce sens.
• 1645
Quant aux autres questions concernant les enfants, le
Parlement a adopté à l'unanimité, en 1989, une résolution visant à
éradiquer la pauvreté chez les enfants dès l'an 2000. Nous sommes
très prêts de cette date. Pendant notre tournée du pays, je crois
que nous continuerons d'entendre dire que la situation ne s'est pas
seulement détériorée, mais qu'elle empire chaque jour. Il me semble
qu'en tant que pays, nous ne pouvons nous permettre d'ignorer toute
la question de la pauvreté chez les enfants. Je ne dis pas que nous
l'ignorons parce que, je dois le dire, nous avons pris certaines
mesures. Par contre, je ne crois pas que nous prenions la situation
très au sérieux.
Comme nous le rappelait notre ami de l'Institut Nord-Sud, il s'agit d'une question globale, et nous avons certains défis à relever au plan international. Prenons le fait que certains pays n'ont pas de problème de pauvreté chez les enfants. Nous parlions plus tôt de ce que font certains pays en matière de programmes de congé parental. Dans plusieurs des pays nordiques—et peut-être tous—la mère qui accouche a droit à un congé d'une année avec 95 p. 100 de son salaire. À la fin de cette année, le père peut prendre jusqu'à six mois de congé avec 95 p. 100 de son salaire. En d'autres mots, on insiste pour que les parents demeurent avec les enfants pendant ces années de formation. Ici, on fait en sorte qu'il soit à peu près impossible de prendre quelque congé que ce soit.
Les exemples ne manquent pas. Vous nous en avez fourni de toutes sortes dans votre exposé de cet après-midi, et je suis sûr qu'on nous en fournira d'autres au cours des trois prochaines semaines.
Tout cela se résume à nos priorités. En tant que comité, nous devons décider si la priorité doit être d'accorder un allégement fiscal aux personnes à plus haut revenu afin qu'elles ne soient pas tentées d'aller aux États-Unis—cela peut bien être une priorité—ou s'il faut trouver une bonne façon d'aider ces jeunes enfants d'une manière quelconque. Pour moi, il s'agit d'un véritable dilemme au plan éthique. Que faut-il penser de la moralité d'un pays qui peut se permettre d'intervenir, mais qui ne veut pas aborder le problème de la pauvreté chez les enfants et des enfants sans foyer? Je crois que la réponse est claire.
Je n'ai pas de question particulière à poser. Je ne veux pas non plus avoir l'air de prêcher. C'était une occasion de dire certaines choses qui, selon moi, nous aideront dans nos délibérations.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Madame Saravanamuttoo.
Mme Helen Saravanamuttoo: Vous avez parfaitement raison. Depuis 1989, le nombre d'enfants vivant dans la pauvreté s'est accru de 50 p. 100 selon les chiffres de Campagne 2000.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Merci.
Nous passons à Mme Leung, qui sera suivie de M. Brison.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président. Ma première question s'adresse à Mme Chisholm.
Je crois que le gouvernement cherche à travailler de différentes façons avec le secteur privé. De fait, j'ai vu un produit fini en Colombie-Britannique d'où je suis. Vous en connaissez probablement davantage que moi au sujet de la SCHL, mais j'ai participé à l'inauguration. Je dois dire que c'est un exemple très frappant. La SCHL a, en quelque sorte, garanti l'hypothèque et a fait intervenir le secteur privé. Il ne s'agissait pas d'un projet de logements à prix modiques, mais bien de logements pour les personnes âgées.
Je voulais attirer votre attention sur cette question parce que le logement social m'intéresse beaucoup et que je crois que ce type d'exemple est excellent. Si j'avais plus de temps, j'aimerais que l'on construise une de ces habitations dans ma circonscription. Je crois que c'est un projet qu'il faut poursuivre et que vous pouvez continuer d'appuyer.
Mme Sharon Chisholm: Je vous remercie de soulever cette question. Je crois que la réalisation de ce projet a été possible grâce au partenariat entre le secteur public et le secteur privé, qui est parvenu à fournir certains outils comme l'assurance hypothécaire. C'est un système merveilleux que nous avons au pays. La SCHL a accompli des choses fantastiques depuis la guerre, et l'une d'elles est l'assurance hypothécaire. Il s'agit d'un outil incroyable qui a permis de lancer un assez grand nombre de projets au pays.
Nous, du comité consultatif, poussons la SCHL à offrir davantage de garanties hypothécaires pour un plus grand nombre de projets innovateurs et pour un plus grand nombre de projets à prix modique. Si vous logez des personnes qui ont vraiment un faible revenu, vous avez toujours un risque. Nous insistons pour que l'assurance hypothécaire soit élargie parce que nous croyons que cela peut être vraiment efficace.
Mme Sophia Leung: Merci.
Monsieur Horan, je suis plutôt sensible aux besoins des enfants ou des adultes qui ont un problème d'apprentissage. Vous demandez un crédit d'impôt pour handicapé. Ne croyez-vous pas aussi qu'il faut davantage de programmes éducatifs de soutien? Ces éléments sont liés, vous savez.
M. James Horan: Je crois que vous avez raison. Il est intéressant de noter qu'à l'époque où M. Jim Peterson était président, nous cherchions désespérément à fournir du matériel didactique aux familles à risques. Le gouvernement s'est rendu compte aussi du besoin et nous avons collaboré pour donner suite à ce projet. L'année suivante, ce besoin s'est étendu aux très jeunes enfants et à leurs familles. Encore une fois, le gouvernement a collaboré et il a mis sur pied un programme à caractère éducatif pour intervenir auprès des collectivités. Nous avons connu passablement de succès dans ce domaine.
À l'heure actuelle, nous nous intéressons à l'alphabétisation et nous commençons un programme appelé Project Success, un tutoriel national pour aider les jeunes Canadiens vulnérables, et nous n'avons pas d'appui financier du gouvernement. Je me souviens qu'il y a quelques années, M. Jim Peterson nous avait posé la question suivante: «Qu'entendez-vous faire à titre individuel?» Nous avons relevé son défi. Peu importe son allégeance politique, nous avons décidé de réagir en mettant sur pied un programme tutoriel national avec seulement deux sites pilotes. Nous n'avons pas demandé d'aide financière au gouvernement. De fait, nous sommes allés voir des entreprises et des individus. Encore une fois, l'élément éducatif est essentiel.
Je crois qu'il y a un grand nombre de pièces qui constituent le casse-tête, et aujourd'hui je vous en ai présenté une seule. Je vous remercie de nous avoir rappelé qu'il y a plusieurs pièces qui semblent aller ensemble.
Mme Sophia Leung: Dianne, vous avez présenté une liste bien pensée dans le résumé des actions. Je me pose des questions sur une partie, c'est-à-dire le soutien social et communautaire. Je suis sûre que dans différents milieux et dans différentes provinces, il doit y avoir une foule de plans déjà en oeuvre. Il y a peut-être beaucoup de chevauchement. Je crois que l'intégration des services est probablement plus importante.
Mme Dianne Bascombe: C'est un de nos points d'intérêt en matière de services communautaires intégrés. Nous comptons 25 grandes associations nationales qui travaillent auprès des enfants et des familles et qui leur offrent une vaste gamme de services. Nous constatons qu'il y a des difficultés au niveau communautaire pour tenter d'offrir des services intégrés aux enfants et aux familles et pour tenter d'abattre les obstacles, tant juridictionnels que ministériels, aux trois paliers de gouvernement. Et je peux vous dire que c'est difficile!
C'est pourquoi dans notre exposé nous demandons au gouvernement fédéral de faire preuve de leadership en allant de l'avant avec un plan national pour les enfants. Il nous faut un peu d'aide pour que nous puissions bien intégrer les services au niveau communautaire.
Mme Sophia Leung: À Vancouver, nous avons un projet appelé «fenêtre d'apprentissage». Il s'agit d'un projet très bien intégré mais coûteux, auquel nous nous consacrons.
Mme Dianne Bascombe: Oui, on note des succès retentissants au niveau communautaire. Nous devons aussi faire appel à la politique nationale et à l'infrastructure nationale pour laisser savoir aux gens qu'il y a des cas de succès, pour examiner les meilleures pratiques, pour communiquer la façon de faire, pour fournir certains outils et la capacité aux collectivités qui cherchent à faire ce travail.
Mme Sophia Leung: J'ai une toute dernière question.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Allez-y très rapidement.
Mme Sophia Leung: D'accord. Helen, je tiens à vous féliciter en tant que présidente du Conseil national des femmes. Vous savez que nous progressons au Parlement. Vingt-cinq pour cent des députés sont des femmes et vous pouvez faire du lobbying auprès de nous toutes. Nous vous aiderons.
Mme Helen Saravanamuttoo: Merci. Nous apprécions beaucoup votre soutien. Nous devons poursuivre nos efforts jusqu'à ce que cette proportion soit d'au moins 50 p. 100.
Mme Sophia Leung: Je suis heureuse que vous ayez relevé ce détail.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Merci. C'est là la deuxième allocution politique que j'ai entendue cet après-midi.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.
C'est une excellente transition à mon intervention, parce que notre parti, le Parti progressiste conservateur, a été le seul à réaliser l'égalité des sexes à la Chambre des communes après l'élection de 1993. J'en suis très fier, bien que la transition ait été un peu pénible, comme c'est le cas pour tous les changements sociaux marquants.
Des voix: Oh, oh!
M. Scott Brison: Je vous remercie beaucoup des exposés que vous avez faits aujourd'hui.
• 1655
J'ai quelques questions à l'attention de Mme Saravanamuttoo.
Vous avez déclaré que vous préféreriez que le budget mette l'accent
sur l'emploi plutôt que sur l'inflation, du moins sur les
augmentations. Vous avez dit aussi que les primes d'assurance-
emploi ne devraient pas être réduites. Il y a des preuves
quantifiables qui montrent que les charges sociales élevées—impôt
direct sur le coût du facteur de travail—entraînent des taux de
chômage plus élevés. Manifestement, vous reconnaissez l'importance
de la croissance de l'emploi et d'une diminution du chômage. N'y a-
t-il pas contradiction par rapport à la position sur les primes
d'assurance-emploi?
Mme Helen Saravanamuttoo: Je ne crois pas. Premièrement, nous parlons d'emploi par rapport à l'inflation; il est question de taux d'intérêt. Nous savons que les charges sociales ne sont pas très élevées au Canada. J'ai ici des références si vous ne me croyez pas; nous savons que ces charges sont moins élevées qu'aux États- Unis, par exemple.
Nous savons aussi que le fait d'abaisser les charges sociales constitue une façon moins équitable de redistribuer le revenu. Nous savons que les gens à plus haut revenu profitent davantage d'une réduction des charges sociales que si, par exemple, nous rendons le système fiscal plus équitable et moins régressif pour les particuliers.
Nous parlons ici d'emploi par rapport à l'inflation et je ne crois pas que les charges sociales soient nuisibles aux emplois. Je crois que si les contribuables à revenu faible et modéré ont davantage d'argent dans leurs poches pour dépenser, il y aura plus d'emplois.
M. Scott Brison: Vous comparez les économies canadiennes et américaines, qui comptent certaines différences structurelles. Il y a au Canada un certain nombre d'obstacles structurels qui contribuent à réduire notre productivité, en tant que Canadiens, à réduire nos niveaux d'emploi et à réduire notre potentiel économique. La structure fiscale en est un, mais la plus grande partie de la preuve économique dont je vous ai donné lecture indique, sans équivoque, que les charges sociales sont un obstacle important à la croissance de l'emploi. Cela est assez logique compte tenu du coût des intrants. De plus, la comparaison avec les États-Unis ne comprend pas l'augmentation du Régime de pensions du Canada qui a été de 70 p. 100.
De toute façon, je voulais à tout le moins susciter la réflexion et vous dire que si nous sommes sérieux dans nos intentions de réduire le chômage, la meilleure façon d'y parvenir n'est peut-être pas d'augmenter les charges sociales ou de le maintenir à des niveaux considérables et inutilement élevés.
Mme Helen Saravanamuttoo: Mais elles ne sont pas élevées si on les compare à...
M. Scott Brison: Elles le sont si on tient compte du RPC.
Mme Helen Saravanamuttoo: De fait, les pays d'Europe ont des charges sociales beaucoup plus élevées. Nous détenons un avantage concurrentiel réel avec un régime de soins de santé qui aide vraiment les employeurs. Nous comptons sur un bon soutien social et sur une main-d'oeuvre bien instruite. À long terme, ce sont les éléments qui contribueront à augmenter l'investissement dans les collectivités et à générer des emplois bien rémunérés.
M. Scott Brison: Nous avions un système de soins de santé, mais je vous dirais qu'il n'est plus ce qu'il était. Cela fait partie du problème actuel, compte tenu que nous perdons un nombre important de jeunes gens parmi les meilleurs et les plus intelligents, y compris 80 p. 100 des diplômés en informatique de l'Université de Waterloo qui, chaque année, vont aux États-Unis.
Tous les politiciens en poste à Ottawa pourraient aller à la frontière et pontifier sur les avantages de rester au Canada, mais les gens quitteraient quand même si dans les faits ils sont persuadés qu'ils pourront assurer leur prospérité ailleurs. Nous perdons un grand nombre de jeunes gens de qualité.
Mme Helen Saravanamuttoo: Cela est peut-être vrai, mais nous attirons également des jeunes. Ils reviennent au Canada plus tard...
M. Scott Brison: Pour prendre leur retraite.
Mme Helen Saravanamuttoo: Non, bien souvent ils reviennent plus tôt pour réintégrer le marché du travail. Je crois que nous devons songer à rebâtir notre fonction publique afin d'attirer des gens. Nous devons envisager d'améliorer la recherche au pays. Nous devons examiner tous ces autres secteurs dont le gouvernement fédéral s'est retiré au fil des ans—au cours des années Mulroney, par exemple.
M. Scott Brison: Nous semblons en avoir payé le prix. Les personnes qui ont participé à ces activités n'ont pas toutes été touchées...
Mme Helen Saravanamuttoo: Cela s'est poursuivi sous le régime Chrétien.
M. Scott Brison: De toute façon, un des problèmes du point de vue de l'économie globale, qui est d'ailleurs une des suggestions formulées récemment par M. Jeff Garten—qui dirige actuellement l'école de gestion à Yale et qui a été sous-secrétaire du Commerce sous M. Brown dans la première administration Clinton—est qu'il faut une banque centrale globale. Cette banque centrale globale pourrait être associée à un groupe G-8 élargi, qui pourrait devenir les pays du G-15. J'aimerais connaître votre opinion sur le sujet.
Monsieur Culpeper, il est fort intéressant que votre mémoire mentionne l'engagement réduit du Canada pour l'APD mais qu'il n'aborde pas vraiment le rôle accru des ONG au cours des dernières années. Je crois comprendre que les ONG ont joué un rôle beaucoup plus important que par le passé, et qu'elles ont été très actives.
Vous ne mentionnez pas non plus le rôle du commerce pour améliorer le sort des pays en développement et pour donner accès aux leviers de développement et de croissance économiques. J'aimerais connaître votre opinion sur cette question. J'ai aussi une question sur l'intervention précoce et sur le bon départ, et j'aimerais avoir un peu de rétroaction sur le sujet.
M. Roy Culpeper: Merci. En ce qui a trait aux banques centrales globales, je suis tenté de vous dire qu'il y en a déjà une, qu'elle s'appelle la U.S. Federal Reserve et que le gouverneur en est M. Alan Greenspan. Plus tôt cette semaine, les marchés du monde entier attendaient fébrilement de voir ce que ferait la Federal Reserve, et quand elle a bougé, les marchés ont réagi.
Sur une note plus sérieuse, je crois que nous allons dans le sens de l'établissement d'une banque centrale unique et d'une monnaie unique. Plusieurs pays du monde ont une devise qui s'appelle le dollar, notamment l'Argentine et Hong Kong. On parle aussi beaucoup d'offices des devises. Essentiellement, ces organismes transfèrent la souveraineté sur la politique monétaire au pays qui a le droit d'émettre la devise.
M. Scott Brison: Dans un contexte d'après-guerre froide, où la notion d'État-nation devient de moins en moins pertinente sous certains angles et où la sécurité nationale n'est pas considérée aussi importante, par exemple que la sécurité humaine, l'idée n'est peut-être pas si mauvaise si elle permet d'éviter certains des désastres que nous avons connus.
M. Roy Culpeper: Cela serait souhaitable si la banque centrale globale était un organisme démocratique, responsable et transparent.
M. Scott Brison: Oui, vous avez raison.
M. Roy Culpeper: Malheureusement, je crains que l'évolution des banques centrales et de la politique sur les banques centrales au cours des dix dernières années ont été dans des directions opposées. Nous avons porté les banques centrales aux nues dans notre société, nous les avons placées complètement hors de la portée des humains, des comités des finances, des ministres des finances et ainsi de suite. J'ai de fortes réserves quant à la création d'une banque centrale globale qui ne soit pas démocratique ou obligée de rendre des comptes.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Madame Saravanamuttoo.
Mme Helen Saravanamuttoo: Merci. Je crois qu'il est vraiment important de considérer la façon dont les institutions de Bretton Woods ont été frappées d'incapacité. Je crois qu'il faut chercher de nouvelles solutions.
J'appuie les propos de Roy qui estime que ces organismes doivent être tenus de rendre des comptes et de faire preuve d'ouverture. En 1994, j'ai assisté à une conférence internationale au cours de laquelle on a senti un ras-le-bol concernant la Banque mondiale après 50 années d'existence. C'était très intéressant. Après, il y a eu changement de leadership et depuis on s'intéresse davantage aux effets sur les collectivités.
• 1705
Pour ce qui est des banques, il y a les politiques de la
Banque des règlements internationaux, à Bâle, une organisation dont
on a peu entendu parler. Je conviens que l'influence de
M. Greenspan a été déterminante, mais je trouve cela incroyable.
M. Scott Brison: Manifestement, il faut repenser une bonne partie de tout cela, comme vous l'avez mentionné, par exemple les organismes de Bretton Woods, parce qu'ils ont été constitués dans un contexte global très différent de celui qui existe actuellement. Par exemple, vous avez raison de dire que la Banque mondiale, sous la direction de M. Wolfensohn, s'est grandement améliorée et que cela est visible.
J'ai une question...
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Monsieur Brison, pourriez-vous faire en sorte que ce soit votre dernière question? Merci.
M. Scott Brison: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Vous êtes beaucoup trop gentil.
En ce qui a trait à une intervention précoce ou à un programme bon départ national—je crois que cela a rapport aux jeunes en situation à risque élevé et aussi aux jeunes qui ont des difficultés d'apprentissage—vous avez mentionné les programmes d'alphabétisation pour les jeunes adultes. S'il y avait des programmes d'intervention précoce et des programmes bon départ, il ne serait peut-être pas nécessaire de créer plus tard des programmes d'alphabétisation pour les jeunes adultes.
L'an dernier, le gouvernement a consacré 2,5 milliards de dollars au Fonds des bourses du millénaire, qui vise à favoriser l'accès à l'éducation supérieure. Une fois établi, ce programme profitera à 5 p. 100 des étudiants qui veulent faire des études supérieures.
Depuis ce moment, je répète qu'il serait préférable d'investir dans un programme d'intervention précoce ou dans un programme bon départ. Si nous voulons maximiser l'investissement social, je crois qu'il vaut mieux commencer tôt, même avant l'âge de trois ans. C'est ce que nous apprennent la plupart des études, qui font état d'un rendement de un pour sept.
De toute façon, j'aimerais connaître votre opinion sur les retombées d'une intervention précoce et sur ce que vous recommanderiez à un gouvernement fédéral qui a décidé de réinvestir mais qui a choisi de le faire pour l'éducation postsecondaire. Qu'en pensez-vous, et où auriez-vous investi cet argent?
Mme Sharon Chisholm: Je ne pense pas qu'on puisse faire une chose et ignorer l'autre.
L'intervention précoce donne des résultats incroyables, et le Canada a fini par entreprendre une étude longitudinale nationale qui nous permettra de connaître les coûts-avantages de l'intervention précoce au fil des ans.
L'étude a été amorcée, mais on sait que beaucoup de recherches ont été faites dans d'autres pays et qu'elles ont permis de constater qu'une intervention minimale pendant les toutes premières années de la vie d'un enfant peuvent avoir des retombées considérables à l'adolescence—à l'âge où les jeunes font face à l'incarcération. Ces jeunes sont plus aptes à faire face au stress, il y a aussi un moins grand nombre de grossesses chez les adolescentes, et les jeunes terminent leurs études.
Les résultats de la recherche n'ont pas montré qu'il y avait des changements marqués dans le rendement à l'école parce que, selon moi, le système scolaire devrait changer afin que des enfants de talents différents puissent arriver au même niveau. Par contre, les chercheurs ont constaté des différences dans la façon dont les jeunes faisaient face à la vie en vieillissant. Nous savons que si nous faisons en sorte qu'un enfant évite les ennuis et que nous lui donnons la possibilité de s'instruire, deux choses qui selon moi vont de paire, nous réalisons éventuellement des économies importantes.
C'est pourquoi l'intervention précoce revêt une telle importance. Selon moi, nous devrions tous être du même avis. L'ACLRU est membre de Campagne 2000 et nous appuyons fermement ce que l'association a à dire sur le sujet.
À l'adolescence, ces jeunes savent qu'ils peuvent espérer participer à l'économie canadienne. Si vos parents sont au salaire minimum ou à peine un peu mieux, il n'y a pas beaucoup d'espoir. C'est pourquoi je pense qu'il faut les deux éléments.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Merci.
Je crois que M. Horan voulait ajouter quelque chose.
M. James Horan: Je suis d'accord. Je crois qu'il faut les deux volets. Il est essentiel d'avoir un système parallèle pendant un certain temps.
Je ne crois pas que les gens autour de cette table contestent le fait qu'une certaine forme d'intervention précoce s'impose. Plusieurs travaux de recherche indiquent qu'il y a des retombées positives à ce genre d'intervention. L'intervention précoce donne toujours des résultats.
Par contre, il faut aussi offrir des opportunités aux jeunes, comme vous l'avez indiqué, afin qu'ils aient de l'espoir. Actuellement, il y a toute une génération de jeunes de 16 à 24 ans—et il suffit de regarder autour de vous pour savoir de qui je parle—qui a perdu espoir. D'une certaine façon, il faut nous assurer qu'eux aussi peuvent avoir le droit d'espérer.
Voilà donc une autre pièce du casse-tête ou de la situation, comme vous voulez. Il faut plutôt regarder l'ensemble des possibilités avant de décider d'investir. Par la suite, il faudra continuer d'investir pendant un certain temps.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): D'accord, merci.
Madame Bascombe.
Mme Dianne Bascombe: Un des éléments clés de notre stratégie est la nécessité d'un programme national de soins à l'enfant et de développement de la petite enfance. Toutes les raisons qui nous sont fournies, les résultats de nouveaux travaux de recherche sur le fonctionnement du cerveau et le fonctionnement neurologique et l'importance de la période de zéro à six ans devraient nous inciter à aller de l'avant.
• 1710
Je crois aussi qu'il faudrait aller au-delà de l'intervention
précoce et du bon départ et réfléchir sérieusement à un cadre de
haute qualité pour le développement des jeunes enfants et de tous
les enfants. Il est très difficile d'identifier en si bas âge les
enfants qui sont à risques.
Nous devons nous assurer de l'existence d'un environnement communautaire de qualité pour les jeunes enfants et d'un soutien pour les familles qui ont de jeunes enfants. Nos collectivités ont besoin de toute la gamme de ces services. Si nous tentons de cibler nos efforts, particulièrement en pensant aux très jeunes enfants, nous pourrions très facilement manquer l'objectif, parce qu'il n'y a pas de point d'entrée. Ces enfants ne sont pas encore à l'école et il est donc difficile de faire un repérage. Je pense que nous souhaitons une stratégie nationale beaucoup plus large en matière de soins à l'enfant et l'éducation des jeunes enfants.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame Saravanamuttoo.
Mme Helen Saravanamuttoo: Nous demandons avec insistance au gouvernement fédéral de travailler sérieusement avec les provinces à l'élaboration de normes dans ce domaine. Nous sommes constamment confrontés à des coupures au niveau communautaire dans des programmes qui ont beaucoup de retombées positives. Certaines provinces ne semblent pas en reconnaître l'importance. C'est mon premier point.
Mon deuxième point est que le ministère de la Justice vient tout juste de lancer un très bon programme de prévention du crime chez les enfants. Nous sommes favorables à un soutien financier complet pour ce programme qui vise surtout l'enfant de zéro à six ans et qui comporte plusieurs de ces éléments. Je me préoccupe beaucoup des conséquences des coupures dans des programmes vitaux pour la collectivité.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Monsieur Culpeper, vous avez le dernier mot.
M. Roy Culpeper: Merci. Je voulais simplement répondre à quelques questions soulevées par M. Brison. Premièrement, il est vrai que le Canada donne une proportion relativement élevée de son aide par l'entremise d'ONG, et nous avons bonne réputation à ce chapitre. Malgré cela, le soutien aux ONG dans le cadre du programme d'aide a été réduit, comme ce fut le cas pour beaucoup d'autres initiatives. En 1995, le montant versé était de 775 millions; en 1996, il est passé à 153,4 millions de dollars. Les activités sont nombreuses et la réputation est excellente, mais cela ne se reflète pas dans les dépenses publiques.
Quant au rôle du commerce, notre mission en Asie du sud-est nous a permis de constater que le modèle ou le paradigme d'exportation commerciale que les «Tigres d'Asie» avaient mis de l'avant ne sont pas très durables. Il est tout simplement impossible pour de tels pays de maintenir indéfiniment un taux de croissance des exportations de 6 à 8 p. 100. Il faut que quelque chose cède. Soit les marchés deviennent saturés, soit la durabilité s'effrite dans d'autres secteurs, par exemple, une dégradation de l'environnement. Nous avons visité des installations qui avaient été manifestement érigées en tenant compte des marchés d'exportation mais qui se dégradaient, par exemple des usines de pâtes et papiers qui polluent l'environnement local.
Je crois que le commerce peut jouer un rôle. Il est bien sûr dans notre intérêt de pratiquer un commerce équitable avec les pays en développement et de leur ouvrir nos marchés. Mais je ne crois pas qu'il faille mettre tous nos oeufs dans le même panier. Il n'est pas nécessairement vrai que tous profiteront du commerce.
Selon moi, nous devons user de prudence face au type de commerce que nous voulons entreprendre. Par exemple, on a critiqué nos ventes de réacteurs CANDU parce qu'on les disait dommageables pour l'environnement, et on a aussi critiqué nos services publics d'électricité—Hydro-Québec et Ontario Hydro, qui sont actives dans le secteur du bassin hydrographique du Mekong. Actuellement, il se construit 200 barrages dans ce bassin et nos deux grandes compagnies hydroélectriques y jouent un rôle. Les conséquences environnementales de cette activité laissent beaucoup à désirer. Je crois que nous devrions favoriser le commerce, mais il faudrait qu'il soit durable au plan de l'environnement et équitable.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Je vous remercie beaucoup.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président. J'espère que cela signifie que j'ai droit aux 45 prochaines minutes, est-ce exact?
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Tout à fait.
Mme Carolyn Bennett: Ma première question s'adresse à Mme Chisholm. Il y a eu une évolution importante du nombre de personnes qui fréquentent les banques alimentaires et de l'incidence de pauvreté chez les enfants. Que pensez-vous des répercussions que le manque de logements à prix abordable peut avoir sur les sommes disponibles que les gens peuvent consacrer au loyer, ce qui entraîne par la suite une insécurité alimentaire?
Mme Sharon Chisholm: Le lien entre les deux est très étroit. Nous constatons que lorsque le marché du logement se rétrécit et que les loyers augmentent, les gens se rendent aux banques alimentaires. Ils n'ont pas le choix. Il faut garder sa maison. Quand les loyers augmentent ou quand la situation se corse, les familles déménagent plus souvent, et cela a des effets dévastateurs sur les enfants.
Selon notre expérience, les familles qui emménagent dans des logements à but non lucratif savent qu'elles pourront y demeurer et que le loyer demeurera abordable. À ce moment, les enfants se stabilisent. Leurs résultats scolaires s'améliorent et la famille a davantage d'argent pour la nourriture. On note aussi un sens de sécurité et tous les aspects qui accompagnent l'établissement d'une bonne collectivité. Tout à coup, ces gens peuvent participer à la vie communautaire.
Le rapport est donc très direct, non seulement pour ce qui est des approvisionnements alimentaires mais aussi des admissions à l'urgence des hôpitaux et aussi du taux de surveillance policière dans les quartiers. Le fait de ne pas avoir suffisamment de logements abordables dans une collectivité entraîne une foule d'autres coûts directs.
Mme Carolyn Bennett: Pouvez-vous nous donner plus de détails sur les listes d'attente pour un logement à prix abordable? Je crois comprendre qu'en Ontario, il y a plusieurs années déjà, on construisait en moyenne 12 000 nouveaux logements par année et que l'an dernier, ce nombre n'a été que de 786, environ. Quelles sont les répercussions sur les listes d'attente?
Mme Sharon Chisholm: Il y a eu des effets sur les listes d'attente, c'est sûr. J'en ai eu des échos de quelques municipalités. Il y a quelques semaines, les conseillers de Peel me disaient que leur liste d'attente est d'environ dix ans. Aujourd'hui, c'est une question de temps. Vous vous inscrivez, et dans huit ou dix ans, il est possible qu'il y ait un logement pour vous. Malheureusement, la situation des gens change. Ils ne peuvent attendre huit à dix ans.
Mme Carolyn Bennett: Dans le cadre des négociations sur l'union sociale, il est manifestement question de responsabilité ou de normes nationales pour certaines de ces choses. Se pourrait-il que les listes d'attente se mesurent en terme de logements? Existe- t-il une norme qui empêche quelqu'un de s'inscrire sur une liste d'attente à moins d'avoir un revenu déterminé?
Mme Sharon Chisholm: Tout d'abord, je voudrais vous dire que nous n'avons pas beaucoup entendu parler des discussions sur l'union sociale parce qu'elles se déroulent surtout à huis clos. Ce sont des discussions très importantes et j'estime qu'elles devraient être ouvertes à la collectivité. J'aimerais bien savoir quel type de propositions le gouvernement fédéral a déposées récemment. Malheureusement, je ne saurais vous le dire.
Je crois que le gouvernement fédéral est le seul qui sera en mesure d'établir des normes et d'adopter une politique, peu importe que les provinces se chargent de la mise en oeuvre des programmes, établissent leurs propres programmes ou fassent quoi que ce soit d'autre. Je supporte ardemment les institutions fédérales et j'aimerais qu'elles demeurent en place.
Par le passé, les besoins de logement étaient mesurés en nombre de logements requis. Aujourd'hui, ces chiffres ne sont plus générés de la même manière. Est-ce là une façon de faire disparaître les besoins? Nous n'avons plus accès aux chiffres et il est plus difficile de réagir à la situation, même si les chiffres publiés par Statistiques Canada, dont j'ai parlé plus tôt, indiquent une augmentation des besoins.
Mme Carolyn Bennett: L'adhésion à votre organisation se fait- elle sur une base volontaire? Votre organisation pourrait-elle faire des pressions pour qu'il y ait une façon commune de mesurer ces choses?
Mme Sharon Chisholm: Oui, c'est sur une base volontaire, et peut-être que nous devrions le faire. Je vous remercie de l'avoir signalé, et j'en parlerai très certainement à notre conseil d'administration.
En général, nos membres sont des municipalités—les villes adhèrent d'elles-mêmes—des organismes municipaux à but lucratif, des gestionnaires, des conseils d'administration, des professeurs d'université, les gens qui sont inscrits sur les listes d'attente et les gens qui vivent dans des logements à but non lucratif un peu partout au pays.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Dianne, mon intervention porte sur les questions de mesure, qui est un de mes sujets favoris, la recherche nationale et la surveillance, et un peu de ce dont parlait aussi M. Horan.
Comme vous le savez, le livre rouge traitait de la disponibilité d'apprendre. Selon moi, nous pourrions mesurer des tonnes de choses si nous commencions à mesurer la disponibilité d'apprendre. Manifestement, les difficultés d'apprentissage sont une de ces choses. Selon mon expérience, il est un peu difficile d'apprendre que son fils qui est en onzième année a un problème d'apprentissage après toutes ces années passées à l'école. Placeriez-vous un programme national de mesure des difficultés d'apprentissage en tête de liste des priorités?
M. James Horan: Je crois que tout tourne autour de l'ajout d'un composant supplémentaire. Je crois qu'il faut faire certaines études longitudinales. Il faut aussi prévoir un financement avant de commencer à suivre ce qu'il adviendra de ce groupe de jeunes gens sur une période donnée. Était-ce la meilleure solution pour eux? Je crois que je dirais probablement oui.
Mme Carolyn Bennett: Je ne crois pas que le pourcentage de jeunes contrevenants ayant des difficultés d'apprentissage ait été porté au dossier.
M. James Horan: Il est de 70 p. 100.
Mme Carolyn Bennett: J'imagine que cela a un rapport avec le degré de frustration par rapport au système...
M. James Horan: Vous avez raison. Tout à coup, un tas de jeunes de 11 ou 12 ans se rendent compte qu'ils ne lisent pas au même niveau que les autres et que peut-être, ils sont moins forts en orthographe que les autres. Soudainement, tout devient un peu plus frustrant, le niveau d'estime de soi diminue, et puis il s'installe un cycle d'échecs. Avant que l'on sache ce qui se passe vraiment, l'élève entre en neuvième année, et même s'il réussit assez bien, il ne veut plus aller à l'école. Bien sûr, il y a des choses qui vous attirent à l'extérieur, peut-être de l'argent facile à gagner, peut-être des choses qui sont plus intéressantes que d'essayer chaque jour de lire des documents que vous ne pouvez lire.
Mme Carolyn Bennett: Dianne, quelles sont les premières choses que vous chercheriez à mesurer s'il y avait un programme national de recherche et de surveillance?
Mme Dianne Bascombe: Quand il est question de programme national de recherche et de surveillance, il y a deux aspects. L'un s'intéresse aux résultats de l'enfant. L'un de ces aspects est le résultat obtenu par les enfants. Je crois que l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes est un bon point de départ, qui mérite d'être développé. De fait, on effleure à peine le problème et il est possible de faire beaucoup plus en termes de travail et de ressources pour cette enquête.
L'autre point est que nous manquons de données de base portant uniquement sur les services destinés aux enfants et aux jeunes enfants. Il n'y a pas d'uniformité dans la façon de recueillir les données dans des domaines comme les soins à l'enfant. Je ne saurais vous dire combien d'enfants bénéficient de services de soins réglementés à l'échelle du pays parce qu'il n'existe aucune norme pour la collecte de données. Nous manquons de normes pour une foule de données sur les enfants les plus à risques dans le système de protection de la jeunesse.
Il est tout à fait possible d'en venir à une entente sur des normes et sur la façon de recueillir les données, ce qui nous permettrait d'avoir une meilleure idée du sort des enfants au Canada. Il y a vraiment deux aspects à la question.
Mme Carolyn Bennett: Y a-t-il dans les pays qui offrent un congé de maternité plus long, par exemple un an dans les pays scandinaves, des retombées sur le taux d'emploi? J'ai tendance à croire qu'un congé de 15 semaines seulement peut causer des problèmes à l'employeur privé d'une employée, tandis que si le congé est d'une année, il peut embaucher quelqu'un d'autre.
Mme Dianne Bascombe: Il est très difficile de se prononcer parce que ce sont des pays scandinaves qui offrent un congé de maternité d'un an et que, en général, leur structure des emplois est très différente de la nôtre—il y a le temps partiel et le temps plein, applicables aux femmes également—de sorte qu'il est difficile d'établir une corrélation directe.
La façon d'envisager un congé de maternité d'une année est rendue plus difficile parce qu'il existe une crise majeure en matière de garderies réglementées au pays. Il n'existe pas de réglementation applicable aux garderies au Canada, de telle sorte qu'il est non seulement difficile de retourner au travail après 15 semaines, mais il est aussi difficile de trouver la gardienne appropriée et des soins abordables.
Nous voudrions bien avoir un ratio de un pour trois, par exemple, mais ce n'est pas facile...
Mme Carolyn Bennett: Si le gouvernement était en mesure d'accroître le financement pour les programmes d'action communautaire pour les enfants, et je crois comprendre qu'il y a des possibilités de ce côté, quel serait un bon point de départ? Que devrions-nous faire? De plus, il y a certainement des responsables des banques alimentaires qui craignent que le programme de nutrition prénatale, aussi bon qu'il puisse sembler, a permis peut-être d'embaucher un employé de plus, mais les aliments viennent toujours des banques alimentaires.
Mme Dianne Bascombe: Nous ne disons pas que les programmes d'action communautaire pour les enfants et de nutrition prénatale sont parfaits. Il est très difficile d'avoir des programmes parfaits et il est toujours possible d'envisager des améliorations. Nous nous intéressons aux modèles d'exécution. À ce chapitre, je crois qu'il est tout à fait possible que ces programmes agissent comme catalyseurs de certains des services communautaires intégrés dont nous avons besoin.
Nous nous intéressons à autre chose qu'aux populations qui sont desservies par les programmes d'action communautaire pour les enfants et de nutrition prénatale. Nous envisageons une gamme plus large de programmes de soins à l'enfant et de développement précoce des enfants, de programmes pour les jeunes à risques et de programmes de protection de l'enfance, et nous pensons peut-être à nous servir du programme d'action communautaire pour les enfants comme modèle.
Mme Carolyn Bennett: Le programme d'action communautaire pour les enfants est-il généralement perçu comme un programme qui connaît beaucoup de succès?
Mme Dianne Bascombe: Assurément.
Mme Carolyn Bennett: Merci. J'aimerais aussi poser une question au sujet des crédits d'impôt pour handicapés, bien que je risque d'exposer le pot aux roses.
M. James Horan: C'est un risque en effet.
Mme Carolyn Bennett: Mes amis qui s'occupent de fibrose kystique éprouvent des problèmes face à cela. Est-ce véritablement la solution optimale ou serait-il mieux tout simplement de considérer les frais d'évaluation psychopédagogiques comme des frais médicaux et de les déduire?
M. James Horan: je crois qu'il y a plus. Il y a aussi des aspects comme l'enseignement, et c'est la raison pour laquelle il faut que l'application soit plus large. Dès qu'il est question d'enseignement, le champ s'élargit. C'est le genre de choses dont il est question.
Parfois, ce sont des dispositifs assistés par ordinateur, parce que nous savons que la technologie informatique fait beaucoup pour simplifier l'existence de certains de ces jeunes. La technologie est si avancée qu'elle les aide véritablement dans leur lutte pour apprendre. Par conséquent, il faut que l'on puisse déduire un élément de technologie spécialisée que les parents ont acquis pour aider leur enfant. C'est en cela que l'approche est plus large que la simple définition au plan médical.
Mme Carolyn Bennett: Est-il possible d'étendre la notion pour qu'elle englobe des frais médicaux, si les difficultés d'apprentissage sont un diagnostic médical?
M. James Horan: Actuellement, la difficulté d'apprentissage est diagnostiquée par des pédopsychologues et des psychométriciens dans les écoles du pays en général.
Mme Carolyn Bennett: Mais le médecin de famille ne participe- t-il pas à ce diagnostic?
M. James Horan: Cela dépend.
En Ontario, par exemple, la majorité des jeunes sont évalués dans le cadre d'un système scolaire et par un pédopsychologue ou par un psychométricien autorisé, qui soumettent un rapport au médecin de famille sur leurs constatations.
Cela m'amène également à un autre point, si je puis dire. Récemment, nous avons décidé de chercher à savoir si les Canadiens s'intéressent à ce genre de choses. J'ai devant moi une pétition de 500 noms sur le sujet, c'est-à-dire, sur le crédit pour handicapés. Il est probable que nous ayons pu avoir 50 000 ou même 500 000 noms, mais un organisme de charité ne souhaite pas que ses 140 chapitres s'occupent de faire signer des pétitions. Nous avons plutôt décidé que le bureau national ferait un échantillonnage auprès de quelques centaines de personnes. Nous avons donc obtenu récemment une pétition de 500 noms—que je remets au président—qui ne représente qu'un échantillonnage de ce que le Canada pense de la question.
Je préfère nettement que mes bénévoles et mon organisation consacrent leur temps à travailler, au sein de leurs chapitres, auprès des personnes qui éprouvent de difficultés d'apprentissage, plutôt que de s'activer à 140 endroits. Je ne crois pas qu'il soit très utile d'aller dans les centres commerciaux pour faire signer des pétitions.
Par contre, j'estime qu'il est important que le comité sache si oui ou non les Canadiens sont favorables à cette approche, et ce que les Canadiens sont disposés à accepter, parce qu'il s'agit d'un partenariat. Je crois que les Canadiens sont beaucoup plus sensibilisés à la notion de partenariat actuellement. Nous ne voulons pas tout vous donner mais nous sommes disposés à vous aider. Nous voulons former un partenariat avec vous.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Madame Saravanamuttoo.
Ce sera la dernière intervention.
Mme Helen Saravanamuttoo: Je suis fermement convaincue qu'un crédit d'impôt ne suffit pas parce que les pauvres, les personnes à faible revenu, n'en profiteront absolument pas. Il faut plus qu'un crédit d'impôt pour traiter de cette question.
La question des difficultés d'apprentissage est très importante et elle est d'autant plus grave que les enfants vivent dans la pauvreté et qu'il y a des niveaux de stress élevés dans la famille à cause de la pauvreté. Le simple fait de savoir que 70 p. 100 des contrevenants adultes ont des difficultés d'apprentissage devrait nous mettre la puce à l'oreille.
M. James Horan: C'est 70 p. 100 des jeunes contrevenants.
Mme Helen Saravanamuttoo: Même chez les contrevenants adultes, on constate un pourcentage très élevé de difficultés d'apprentissage.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Monsieur Epp souhaite avoir une minute pour faire une déclaration.
M. Ken Epp: Non, ce sera beaucoup plus bref. J'aimerais que Mme Bascombe m'éclaire un peu. Elle a soulevé quatre points et je crois bien les saisir, mais j'aimerais qu'elle m'explique plus précisément ce qu'elle entend par la mise en valeur du potentiel.
Mme Dianne Bascombe: Nous souhaitons une initiative nationale qui permettrait de soutenir les efforts du secteur du bénévolat national en collaboration avec le gouvernement fédéral pour accomplir ce qui doit être fait de concert, par exemple la diffusion de l'information sur les meilleures pratiques concernant les programmes axés sur la créativité.
M. Ken Epp: Que voulez-vous dire par là, recruter des bénévoles?
Mme Dianne Bascombe: Ce pourrait être aussi le cas. Il s'agit d'une large gamme d'activités dans lesquelles le secteur du bénévolat est engagé, et cela comprend la mobilisation de bénévoles, le rôle de catalyseurs pour le développement communautaire, le partage des renseignements sur les réussites et l'échec du pays. Nous nous intéressons aux différentes façons dont le secteur du bénévolat et le gouvernement fédéral pourraient travailler dans un partenariat pour que tout se déroule efficacement et avec efficience.
Le président suppléant (M. Roger Gallaway): Merci, madame Bascombe, et merci à vous, monsieur Epp.
Je vous remercie d'être venus ici aujourd'hui. Comme vous pouvez le constater, vous êtes parvenus à créer beaucoup d'animation au sein du groupe et vos exposés étaient très animés. Je crois que vous avez fourni des renseignements utiles au comité et que vous l'avez forcé à prendre conscience de certaines choses. Je vous remercie d'être venus et d'avoir collaboré aux travaux de notre comité.
Les travaux de notre comité sont suspendus jusqu'à 18 h.
Merci.
Le vice-président (M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.)): Je déclare la séance ouverte.
Je souhaite la bienvenue aux personnes qui ont des exposés à faire au Comité permanent des finances, qui tient des consultations prébudgétaires. Chacune des personnes qui doit faire un exposé ce soir aura dix minutes pour le faire, et après les exposés, nous passerons aux questions des membres de notre comité.
Mme Marie-Josée Corbeil, Association des producteurs de films et de télévision du Québec, nous fera le premier exposé. Madame Corbeil.
Mme Marie-Josée Corbeil (vice-présidente et chef des Affaires juridiques et commerciales, CINAR Films; Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ)): Pourrais- je suggérer que Mme Elizabeth McDonald, qui représente l'Association canadienne de production de films et télévision, commence?
Le vice-président (M. Dick Harris): Oui. Allez-y madame McDonald.
Mme Elizabeth McDonald (présidente et chef de la direction, Association canadienne de production de films et télévision): Nous sommes très heureux d'avoir la possibilité de comparaître devant le comité permanent. Mon nom est Elizabeth McDonald et je suis présidente-directrice générale de l'Association canadienne de production de films et télévision. Je compte bien que M. Guy Mayson, notre vice-président principal, pourra se joindre à moi dans quelques minutes. Il livre actuellement le texte d'une intervention au CRTC à la suite d'une panne de notre télécopieur.
Nous sommes les porte-parole d'une association professionnelle qui représente plus de 300 producteurs indépendants de film et d'émissions de télévision au Canada. Nous vous remercions de nouveau de l'invitation de prendre part aux travaux importants de votre comité. Depuis plusieurs années, l'Association canadienne de production de film et télévision comparaît chaque automne devant le comité, et nous attachons beaucoup de prix à cette possibilité de participer au processus de consultation.
Je tiens aussi à remercier le président et tous les membres de votre comité de l'attention accordée à nos observations au cours de l'année écoulée et de leur soutien dans le renouvellement de l'appui du gouvernement au Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes—qui depuis peu porte le nom de Fonds de la télévision canadienne (FTC)—, dont il est question dans le rapport de l'année dernière. C'est sûrement cette recommandation qui a incité le gouvernement à s'engager plus fermement vis-à-vis le fonds et qui a permis de constituer un cadre de financement plus stable pour les producteurs d'émissions canadiennes. Les membres de notre industrie et les téléspectateurs canadiens ont grandement apprécié les efforts qu'a déployés le comité à cet égard.
Je sais que nous avons peu de temps et nous ne voulons surtout pas retarder les travaux du comité avec des observations interminables. Je compte bien que le comité a eu le temps d'étudier les suggestions contenues dans notre mémoire présenté le 4 septembre pour l'étude des priorités du gouvernement en matière de dépenses au cours de l'année qui vient.
Je présenterai brièvement les points principaux après quoi je serais heureuse d'en discuter plus à fond avec le comité et de répondre à vos questions.
Nous sommes conscients qu'une tâche considérable attend votre comité. Vous recevrez des mémoires de plusieurs secteurs et groupes d'intérêt et vous serez soumis à de fortes pressions en vue de consacrer de futurs dividendes budgétaires à l'allégement fiscal ainsi qu'à une gamme de nouveaux programmes et de priorités de politique.
Nous sommes fermement convaincus que le gouvernement devrait envisager de nouvelles initiatives dans deux domaines principaux pour le secteur de la production de film et de vidéo. Traditionnellement, le gouvernement a maintenu un engagement politique ferme pour encourager la croissance d'un secteur de production solide appartenant à des intérêts canadiens et la production de documents à contenu canadien. L'émergence d'une forte industrie est un cas de réussite majeure. Le profil de notre industrie de production, que nous mettrons à la disposition des membres de votre comité, indique des augmentations marquées au chapitre des activités globales de production, de la valeur des exportations et des emplois créés entre 1991 et 1997.
L'appui du gouvernement à la production cinématographique et télévisuelle a été un facteur déterminant de cette croissance, mais le secteur s'est aussi graduellement affranchi de l'aide gouvernementale. Depuis six ans, moins de 15 p. 100 en moyenne du financement des films et vidéos portant visa viennent du secteur public. Bien que l'aide gouvernementale demeure essentielle pour atteindre les objectifs culturels du gouvernement, les fortes hausses enregistrés sur le plan de l'exportation et de l'emploi au cours de la même période font bien ressortir que le financement public peut aussi être interprété comme une façon de stimuler la croissance d'une industrie axée sur la main-d'oeuvre.
• 1810
Nous estimons que l'appui du gouvernement constitue un bon
investissement autant pour l'avenir économique que pour l'avenir
culturel du pays.
En ce qui concerne les nouveaux investissements et les changements d'ordre fiscal, nous prions le gouvernement d'envisager des initiatives dans deux grands domaines. Premièrement, il faudrait réévaluer la structure et la conception du crédit d'impôt accordé pour la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne de manière à en simplifier l'application et à augmenter les retombées pour les producteurs de documents à contenu canadien. Deuxièmement, il faudrait soutenir la création de nouvelles initiatives dans le secteur des longs métrages et du doublage pour les salles de cinéma, afin d'améliorer la production et les milieux de production, la promotion, la formation et le développement au sein de l'industrie.
Pour ce qui est du dégrèvement fiscal de la production cinématographique ou magnétoscopique, le gouvernement fédéral maintient depuis longtemps une structure fiscale qui favorise le secteur canadien de la production cinématographique et télévisée et qui contribue à la croissance du secteur de la production indépendante au Canada.
Il existe aujourd'hui deux systèmes de dégrèvement fiscal pour la production télévisuelle et cinématographique. Le premier est un crédit d'impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique portant visa, créé en 1995, et qui s'applique aux oeuvres qui répondent aux critères énoncés en matière de contenu créatif et technique canadiens qui sont produites par des sociétés appartenant à des intérêts canadiens. Le crédit maximum pouvant être accordé équivaut à 12 p. 100 du budget total. Le second est un crédit d'impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique, créé en 1997, et qui accorde aux producteurs ou aux prestataires de services le remboursement des coûts de main- d'oeuvre associés à la production qui ne sont visés par aucun critère minimum quant au contenu canadien. Il vise à encourager le recours à la main-d'oeuvre canadienne au Canada mais il sert surtout à inciter les producteurs étrangers à tourner leurs films au Canada. Le crédit maximum habituellement accordé est d'environ 5,5 p. 100 du budget global.
Récemment, une étude préparée par le cabinet comptable Ernst & Young à notre demande et portant sur l'application du crédit d'impôt sur la production portant visa au cours des deux premières années d'entrée en vigueur a été remise au bureau de M. Martin pour examen.
L'analyse d'Ernst & Young montre que le crédit d'impôt moyen consenti en vertu du programme actuel est d'environ 8,5 p. 100 du budget total de la production, mais les remboursements consentis pour les productions régionales, les productions en français, les documentaires et les longs métrages sont souvent bien inférieurs. C'est bien loin du maximum de 12 p. 100 que prévoit le programme.
Nous sommes encore plus inquiets lorsque nous constatons que l'appui financier offert par le gouvernement canadien à des productions sans contenu canadien par le truchement du nouveau programme de crédits d'impôt semble être de l'ordre de 5,5 p. 100 du budget global. Bref, les incitatifs créés pour les productions étrangères se rapprochent beaucoup de ceux qui s'appliquent aux productions canadiennes.
L'analyse porte aussi à croire que cette iniquité est peut- être attribuable à la trop grande complexité du calcul des crédits d'impôt, puisqu'il y a deux montants à calculer. Le montant admissible est généralement 25 p. 100 du moindre des coûts de main- d'oeuvre ou de 48 p. 100 du coût total de la production. Le calcul du coût global de la production limite les coûts de main-d'oeuvre admissibles. Il donne lieu aussi à certaines complications administratives qui sapent l'avantage que peut présenter le dégrèvement fiscal.
À notre avis, le plafond constitué par un pourcentage du budget total au coût admissible du dégrèvement fiscal n'est pas nécessaire. Le crédit d'impôt devrait être simplement fonction des coûts de main-d'oeuvre admissibles, comme c'est le cas actuellement pour les productions à contenu non canadien. Il suffirait pour cela d'éliminer le second calcul du crédit d'impôt pour contenu canadien, qui est basé sur le budget total.
Cette approche ne devrait pas entraîner une hausse sensible du coût du programme et serait conforme aux objectifs du programme. Elle simplifierait le calcul des crédits d'impôt et respecterait les intentions déclarées du ministère des Finances que le programme d'allégement fiscal pour la production canadienne devrait représenter un avantage nettement supérieur sur des programmes semblables visant d'autres types de production.
Pour ce qui est des longs métrages, nous exhortons aussi le comité à prendre conscience de la nécessité d'accorder des ressources supplémentaires à la production et à la promotion de longs métrages pour les salles de cinéma.
Le contexte culturel et économique des longs métrages est tout autre que celui de la production télévisuelle. Les longs métrages présentent l'oeuvre et la vision créatrice d'un pays à son peuple et au reste du monde et c'est le long métrage qui doit se disputer la faveur de la clientèle des cinémas avec les productions généreusement financées et largement publicisées des grands studios américains.
• 1815
Le secteur des longs métrages au Canada a atteint de nouveaux
sommets et, grâce à des mécanismes de soutien supplémentaires en
matière de politique publique et de financement, il pourrait
connaître une expansion majeure, au pays comme à l'étranger. Les
producteurs canadiens produisent régulièrement des récits originaux
de haute qualité pour le marché international, y compris des films
comme De beaux lendemains, Le jardin suspendu et Le Violon rouge,
qui a été récemment présenté au Festival du film de Toronto.
Une stratégie politique spécifique pour les longs métrages et le soutien financier supplémentaire pour l'industrie à ce moment critique permettra d'assurer une masse critique de produits de haute qualité sur le marché concurrentiel des longs métrages.
L'honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien, a entrepris un important examen du secteur du long métrage de même que de la politique et des objectifs du programme du gouvernement à ce sujet. Dans le cadre de cet examen approfondi, il y a de nouveaux travaux de recherche et la publication de documents de travail, des consultations officielles des intervenants de l'industrie et du public et la création d'un comité consultatif pour aider le ministère à mener son analyse.
L'examen visait principalement à trouver le moyen d'augmenter la popularité et le rendement des longs métrages canadiens sur notre propre marché où, malgré certains succès remarquables, le succès en salle et les parts de marché demeurent faibles. Les travaux de recherche du ministère montrent que les budgets pour les films internationaux passaient de 17 à 35 p. 100 d'un pays à l'autre, tandis que les budgets moyens pour les longs métrages canadiens diminuaient de 8 à 10 p. 100 entre 1988 et 1996.
La recherche montre aussi une corrélation directe entre des budgets moyens minimums et les succès en salle, et indique que la fréquentation des cinémas canadiens pour les films produits chez nous demeure traditionnellement parmi les plus faibles au monde. Les budgets de commercialisation et de distribution sont également insuffisants. Entre-temps les ressources du gouvernement pour des longs métrages dans le cadre de Téléfilm Canada ont grandement diminué pendant la longue période de réductions budgétaires des dernières années et n'ont jamais été remises à niveau.
Nous croyons comprendre que la ministre du Patrimoine canadien cherche peut-être à obtenir l'appui du ministre des Finances en vue de nouvelles mesures fiscales ou de programme de soutien dans les mois à venir pour aider à corriger ces problèmes. Nous demandons au comité d'accorder son attention et son appui à ces initiatives.
Comme nous l'avons signalé plus tôt, le secteur cinématographique et télévisuel du Canada a connu une croissance rapide, tout comme le nombre des emplois qui y sont rattachés. En 1996-1997, l'industrie a soutenu près de 30 000 emplois directs et 48 000 emplois indirects dans toutes les régions du pays, et tout porte à croire que tant qu'il y aura des mesures pour inciter la production au Canada, des emplois continueront d'être créés.
Ces emplois sont liés de près à la nouvelle économie fondée sur la connaissance. Ce sont des emplois très spécialisés, mieux rémunérés et axés sur la créativité, qui offrent de nouveaux débouchés surtout aux jeunes. Le secteur de la production est lui aussi de plus en plus axé sur la technologie de pointe, et ce sont les milieux de la production traditionnelle et de la postproduction, ainsi que les nouveaux médias, qui évoluent le plus.
À la faveur de l'expansion de l'industrie, le Canada s'est acquis une réputation enviable pour la qualité de ses équipes de création et de ses équipes techniques, ce qui contribue à stimuler l'intérêt et à ouvrir de nouvelles perspectives. Le Canada est, en outre, hautement spécialisé dans la conception de logiciels cinématographiques de pointe pour la production d'effets spéciaux, comme le démontrent les compagnies de renommée internationale comme Alias, Discreet Logic, Softimage et IMAX.
Il n'est pas surprenant que les consultations menées auprès de l'industrie du film par le ministère du Patrimoine ont aussi fait ressortir la nécessité pressante d'encourager les nouveaux venus dans l'industrie, de favoriser le perfectionnement dans la rédaction de scénarios et la réalisation et d'offrir plus de possibilités d'encadrement dans le domaine de la production et de la réalisation de films. Toute initiative dans le domaine du long métrage devrait aller dans un sens et contribuer à accroître les capacités de notre industrie de recruter.
L'industrie de la production cinématographique et télévisuelle joue déjà dans la nouvelle économie un rôle important qui ne cesse de croître. Le soutien de notre secteur constitue un bon investissement pour assurer l'avenir économique et culturel de notre pays, et ainsi cultiver le dynamisme et la créativité de nos jeunes.
Je vous remercie de votre attention et du temps que vous nous consacrez.
Je demande maintenant à Marie-Josée, notre collègue de l'APFTQ, de prendre la parole. Nous avons travaillé en étroite collaboration et j'appuie toutes les initiatives qu'elle abordera.
Le président: Merci, et soyez la bienvenue.
Mme Marie-Josée Corbeil: Je vais présenter mon exposé en français, mais je répondrai avec plaisir à vos questions en français ou en anglais.
[Français]
Je vous remercie infiniment de nous avoir conviés à cette rencontre. Je m'appelle Marie-Josée Corbeil et je suis membre du Comité des finances de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec. Je suis accompagnée de Mylène Alder, directrice des affaires juridiques et des relations de travail. Elle pourra également répondre plus tard aux questions qui nous seront posées.
• 1820
Évidemment, nous appuyons les propos que vient de
tenir Mme McDonald.
L'Association des producteurs de films et de télévision du Québec regroupe plus de 110 maisons de production indépendantes, soit la majeure partie des maisons de production de films et de télévision du Québec, cela dans tous les secteurs de la production. Le volume total des productions des membres de l'APFTQ totalisait l'an dernier près de 390 millions de dollars. La moitié de ce chiffre d'affaires correspond à des salaires versés à plus de 2 500 employés permanents et à plusieurs milliers de travailleurs pigistes.
C'est avec plaisir que nous partageons avec le Comité permanent des finances de la Chambre des communes nos réflexions sur les quatre questions qui nous ont été posées. Évidemment, étant donné la nature de notre association, notre mémoire porte essentiellement sur des propositions relatives à l'industrie du cinéma et de la télévision, et c'est évidemment ce dont nous allons discuter.
Cette industrie est un pilier important de la culture. Elle est hautement stratégique, notamment parce qu'elle est fortement créatrice d'emplois intéressants pour les jeunes Canadiens et bien rémunérés. Elle nécessite cependant des contributions importantes des gouvernements pour le financement du développement et de la production de contenus canadiens originaux. Sans ces contributions, la qualité, la spécificité et l'existence même des productions canadiennes seraient compromises.
Que le maintien du soutien du gouvernement pour le financement des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles canadiennes demeure une priorité pour les dividendes budgétaires prévus, cela nous semble évident. Les statistiques démontrent que la production indépendante cinématographique et télévisuelle canadienne est en plain essor; que l'on pense au volume de production au Québec, qui est passé de 145,4 millions de dollars en 1991-1192 à 387,5 millions de dollars en 1996-1997 pour les seules productions admissibles au programme de crédit d'impôt du Québec.
L'essor de la production indépendante est également fort bénéfique pour les gouvernements, qui en perçoivent d'importantes retombées par les taxes directes et indirectes qui en découlent. À ce sujet, le Bureau de la statistique du Québec a compilé des statistiques fort éloquentes—que l'on retrouve d'ailleurs dans notre mémoire—, qui montrent les revenus des gouvernements issus des dépenses de productions cinématographiques et télévisuelles. À titre d'exemple, une dépense de production de 18 millions de dollars générait en 1996 plus de 2,2 millions de dollars en revenus pour le gouvernement fédéral, ce qui est supérieur aux coûts dérivés des crédits d'impôt.
Tel que je vous le mentionnais, j'espère que nous aurons l'occasion de revenir sur ce tableau plus tard, lors de la période de questions.
Nous favorisons deux domaines d'intervention et de soutien du gouvernement qui, à notre avis, seraient rentables pour l'économie canadienne: premièrement, le maintien à long terme des mécanismes de financement public pour le soutien et la croissance de l'industrie de la production indépendante au Canada et, deuxièmement, un appui renforcé et renouvelé à la production de longs métrages canadiens.
Tel que le mentionnait Mme McDonald un peu plus tôt, le programme de crédit d'impôt à la production cinématographique et magnétoscopique canadienne a été mis en vigueur en 1995. Il a été adopté en remplacement de la DPA. L'expérience acquise au cours des trois années passées a permis une analyse critique de ce crédit d'impôt, tant au niveau de son fonctionnement que de son rendement qui, croyons-nous, est décevant dans bien des cas. En effet, le programme de crédit d'impôt avait été annoncé comme conférant en principe un avantage net de l'ordre de 12 p. 100 du coût de production. Tel que l'indiquait Mme McDonald, au Canada, ce crédit semble plutôt être de l'ordre de 8,5 p. 100, cela avant vérification.
Dans le cas des productions québécoises, la situation est encore plus dramatique. On se rend compte que le taux du crédit moyen serait plutôt de l'ordre de 6 à 7 p. 100 du budget total de production. De plus, les productions de langue française, en particulier les longs métrages, sont de par leur nature plus sujettes à bénéficier d'investissements des institutions gouvernementales, ce qui réduit encore le taux du crédit qu'elles reçoivent. Ainsi, les longs métrages en langue française qui ont le taux du crédit d'impôt le plus bas peuvent atteindre par exemple 0,5 p. 100.
• 1825
Il y a différentes causes à l'ensemble de ces
réductions, comme le mentionnait brièvement Mme
McDonald, dont
l'obligation de déduire les montants d'aide et les
investissements, le plafond de la dépense de
main-d'oeuvre admissible et l'interprétation faite par
Revenu Canada de la notion du coût total de la
production au moment du traitement des demandes.
Ceci a deux impacts: d'une part, un crédit moindre que celui que les producteurs croyaient recevoir et, d'autre part, une totale incapacité pour les producteurs de savoir quel crédit d'impôt ils peuvent obtenir. Souvent, on peut attendre un an ou deux avant qu'on nous confirme le montant du crédit d'impôt.
Ce sont là des problèmes fort importants. Nous ne disons pas que le mécanisme fiscal devrait être aboli. Au contraire, nous croyons qu'il devrait demeurer en place, mais nous souhaitons qu'il soit simplifié et bonifié.
L'élimination des facteurs réducteurs atteint, selon nous, ses deux objectifs. Quels sont-ils? Premièrement, l'abolition du plafond calculé sur le montant du coût du film et, deuxièmement, l'élimination des réductions des montants d'aide et des investissements. C'est d'ailleurs une solution qui nous a été inspirée par le nouveau programme de crédit d'impôt pour les productions de service, où ces deux facteurs réducteurs n'existent pas.
Ces deux mesures proposées feraient en sorte que l'aide nette du crédit se situerait en réalité autour de 12,5 p. 100, selon la prémisse reconnue que les dépenses de main-d'oeuvre représentent 50 p. 100 du coût total de production. Ceci nous permettrait donc de nous rapprocher de ce qui avait été annoncé à l'époque, lors de l'introduction du crédit d'impôt.
Je dirai maintenant quelques mots au sujet du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production des émissions canadiennes, maintenant appelé le Fonds canadien de télévision. Le bien-fondé de l'engagement du gouvernement dans le maintien à long terme de ce fonds est incontestable. L'APFTQ a constaté avec satisfaction, au printemps dernier, que le gouvernement reconnaissait l'importance de son engagement en renouvelant sa contribution de 100 millions de dollars par année à ce fonds pour les trois prochaines années. Nous l'en remercions.
Finalement, nous suggérons un appui renforcé à la production de longs métrages canadiens. Selon les données du ministère du Patrimoine canadien, les budgets de production des longs métrages canadiens ont subi une baisse importante depuis 10 ans. L'Association canadienne de production de film et télévision faisait allusion plus tôt à une réduction pour les productions de langue anglaise. Cette diminution est encore plus importante pour les productions de langue française; elle est d'environ 10 p. 100.
De même, l'argent disponible pour financer la production des films canadiens se fait plus rare. Des ressources additionnelles pour soutenir la production sont donc essentielles si on veut maintenir un standard minimum pour notre cinématographie canadienne et encourager le développement d'une industrie authentiquement canadienne. Il s'agit de permettre que soit produite une masse critique de films canadiens aux genres diversifiés, avec des budgets correspondant à ces genres ainsi qu'aux exigences du scénario.
De la même façon, toute l'industrie s'accorde pour conclure que la commercialisation a aussi besoin d'une injection de ressources supplémentaires. Dans le document que l'APFTQ a déposé au ministère du Patrimoine canadien, nous proposons de trouver une solution inspirée du succès remporté par le Fonds canadien de télévision. Il s'agit de la création d'un fonds unique de financement de la production et de la mise en marché des longs métrages canadiens, amalgamant des ressources financières publiques et privées et ayant un budget annuel de 100 millions de dollars.
Évidemment, pour obtenir un budget de fonctionnement de cette taille, nous proposons trois choses, dont une augmentation de la contribution directe du ministère du Patrimoine canadien ainsi que l'instauration d'une contribution obligatoire des entreprises de distribution et des grossistes en vidéocassettes calculée sur leurs recettes annuelles brutes. À ceci s'ajouterait une portion des contributions que les entreprises de radiodiffusion font actuellement au Fonds canadien de télévision, correspondant à la part proportionnelle de leurs recettes afférentes à la diffusion de longs métrages. Nous sommes convaincus qu'un tel fonds serait un levier tout aussi extraordinaire pour la production cinématographique que le Fonds canadien de télévision l'est pour la télévision.
• 1830
En terminant, l'attribution de dividendes budgétaires
au bénéfice de la production indépendante canadienne
aura un impact positif sur l'emploi. Tel que nous
l'avons mentionné plus tôt, c'est un secteur de pointe
où 50 p. 100 des budgets de production sont affectés
aux dépenses de main-d'oeuvre. Notre industrie peut
assurer un avenir aux jeunes Canadiens si elle demeure
en bonne santé et réussit à profiter de l'ouverture des
nouveaux marchés.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, madame Corbeil.
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre l'Association of Canadian Publishers, représentée par M. Jack Stoddart. Bienvenue.
M. Jack Stoddart (président, Association of Canadian Publishers): Merci.
Je crois qu'il s'agit de notre quatrième comparution devant le comité des finances, et nous vous remercions de nous avoir invités encore une fois.
Nous vous avons déjà remis un mémoire, alors plutôt que de l'examiner en détail j'aimerais me concentrer sur la proposition que nous avons soumise au ministère du Patrimoine canadien. Il s'agit d'une proposition dont j'ai déjà parlé l'an dernier à la toute fin de mon exposé, mais qui était encore embryonnaire. Nous ne l'avions pas présentée en détail.
Nous parlons ici de la question des capitaux propres que les éditeurs peuvent accumuler dans les maisons d'édition—ou qu'ils n'arrivent pas à accumuler—et qui, à mon sens, est au coeur du problème.
Notre industrie a fait l'objet d'études à n'en plus finir, si j'en juge par la manne de données qui s'y rapportent. On ne cesse de répéter que l'industrie est très stable. C'est un succès sur le plan culturel; elle produit de merveilleuses oeuvres canadiennes—des ouvrages de tous les genres. Elle ne fait pratiquement jamais faillite; notre taux d'impayés s'établit à 3 ou 5 p. 100 depuis 25 ans, ce qui est incroyable pour une industrie culturelle. Pourtant, nous n'avons jamais tout à fait assez d'argent pour réinvestir dans notre industrie et dans nos entreprises.
Heureusement, le ministère du Patrimoine canadien, le Conseil des arts du Canada et certaines provinces offrent des programmes qui contribuent au développement des aspects culturels des ouvrages que nous publions. Notre industrie éprouve cependant une difficulté fondamentale, elle est incapable de croître ou, si elle le fait, elle doit s'endetter parce que les revenus ne suffisent pas à reconstituer le capital des sociétés.
Ce problème a été aggravé il y a plus de dix ans quand toutes les maisons d'édition internationales—américaines dans le cas des ouvrages de langue anglaise—ont obtenu l'autorisation de mener des activités au Canada et ont pour la plupart décidé de publier des oeuvres canadiennes. Avant la création des entreprises et leur approbation par Investissement Canada, elles ne publiaient pratiquement jamais de livres canadiens; elles nous laissaient ce secteur, à nous, Canadiens.
Mais en vertu de la politique canadienne, il faut contribuer d'une façon quelconque si l'on veut mener des activités ici. La vie est donc plus difficile pour le secteur possédé par des Canadiens, parce que les règlements nous ont forcés à une participation concrète.
Du point de vue des auteurs, et je suis certain que Merilyn Simonds sera d'accord avec moi, cette activité accrue est évidemment bénéfique. Sur le plan de la compétition, la situation ne me plaît pas, mais je crois que c'est là le monde où nous vivons et où nous devrons continuer à vivre.
La préoccupation que nous voulons exposer ici est que le secteur possédé par des Canadiens n'est peut-être pas en mesure de se maintenir. Nous sommes assujettis à des restrictions touchant les ventes: si l'entreprise est possédée par des Canadiens, elle ne peut pas être vendue à un acheteur étranger à moins d'être en faillite. Si elle est en faillite, il ne s'agit plus d'une vente. Essentiellement, c'est un interdit.
Une partie de notre industrie considère la réglementation comme injuste. Personnellement, je l'appuie. Je crois que la propriété des industries culturelles est une question très importante et qu'il faut la maintenir, mais vous ne pouvez pas laisser l'industrie s'endetter au-delà de ses moyens. Si nous ne pouvons trouver de solution à ce problème, j'ai bien peur que dans deux ans, dans cinq ans ou dans dix ans, nous ne soyons tout simplement plus viables en tant qu'industrie de propriété canadienne. Nous n'aurons plus alors sur le marché que des ouvrages produits aux États-Unis—dont des ouvrages rédigés par des Canadiens, mais essentiellement sous le contrôle d'agents étrangers.
Des subventions pures et simples régleraient le problème, mais je crains fort que dans la situation économique actuelle cette requête soit malvenue.
Nous nous sommes donc penchés sur le traitement réservé à d'autres industries lorsque ces industries ont besoin d'investissements pour démarrer, pour prendre de l'expansion ou pour accroître leur capacité. Prenez l'industrie de l'exploitation minière, elle a droit à des déductions pour épuisement de la ressource. Du côté des sciences et du programme de recherche technologique des années 80, je crois qu'il s'agissait d'un programme—tombé depuis en discrédit, je crois—effectivement très innovateur qui a connu un vif succès, mais dont les contrôles étaient insuffisants. Parce que ces contrôles n'étaient pas assez stricts, le programme a été exploité de façon abusive. Par conséquent, le concept même de fonds gouvernementaux correspondant, dans une certaine mesure, aux investissements privés semble avoir totalement disparu. Nous avions des programmes de développement de logiciel basés sur des mesures fiscales qui ont porté fruit et permis à certaines de nos entreprises logicielles de prospérer.
• 1835
Aujourd'hui, nous proposons une mesure que nous avons baptisée
le crédit d'impôt à l'investissement en actions d'éditeurs. Ce
crédit d'impôt s'allierait aux fonds investis par le secteur privé
dans les maisons d'édition pour accroître la capitalisation des
maisons d'édition. De la sorte, on pourrait reconstruire les
sociétés, assurer la transition d'une génération à l'autre ou d'un
propriétaire à l'autre. La proposition est exposée assez clairement
dans le mémoire que nous vous avons remis et dans un document
supplémentaire que nous distribuerons à ceux que la chose
intéresse.
Nous ne croyons pas que la question relève strictement du domaine de l'édition. L'enregistrement sonore et plusieurs autres industries culturelles connaissent évidemment des difficultés similaires. Au fond, nous proposons, que le gouvernement examine ce modèle pour renforcer les industries de notre base culturelle qui sont possédées des Canadiens.
Dans certaines industries, il est possible de financer le produit. L'industrie cinématographique constitue un bon exemple, car en raison de la taille et du budget des films il est tout à fait logique d'investir des crédits d'impôt dans le produit, dans le film. Dans le domaine de l'édition, il n'en va pas de même. Les chiffres sont trop modestes et, compte tenu de l'ampleur de la tâche, cela n'est pas valable. Vous devez investir dans les entreprises elles-mêmes.
Notre association comprend quelque 135 maisons d'édition de tout le pays, dont la majorité existent depuis 25, 30 ou 35 ans. Il ne s'agit pas d'une industrie qui se crée pour profiter d'un avantage quelconque avant de disparaître. Il s'agit d'une industrie très spécialisée dont les produits connaissent un vif succès.
Sans trop m'attarder—je sais que le temps nous est compté ce soir—je vais m'arrêter ici et simplement préciser que nous pouvons fournir des détails. Nous avons entamé des discussions avec le ministère du Patrimoine canadien, qui examine actuellement nos propositions. Nous nous adresserons en particulier au ministère des Finances, mais aussi à d'autres. Nous espérons que nos propositions paraîtront logiques non seulement pour l'industrie de l'édition à très court terme mais aussi pour plusieurs autres industries culturelles, en tant que modèle. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stoddart.
Nous allons maintenant écouter Mme Philippa Borgal, qui représente la Conférence canadienne des arts. Soyez la bienvenue.
Mme Philippa Borgal (directrice associée, Conférence canadienne des arts): Merci beaucoup. Megan Williams, qui est notre directrice nationale, vous prie de bien vouloir l'excuser. Elle effectue actuellement une tournée auprès des membres de notre organisation dans diverses régions du Canada.
La Conférence canadienne des arts vous est reconnaissante de lui fournir l'occasion de présenter à nouveau au Comité permanent des finances un mémoire en vue de la préparation du budget. Ces dernières années, le Comité permanent des finances a bien accueilli nombre de nos recommandations, et nous espérons sincèrement qu'il en sera encore ainsi à l'avenir.
Nous avons aussi été encouragés du fait que le gouvernement du Canada a tenu ses promesses envers le secteur culturel, conformément à ce qu'il avait exposé dans le deuxième livre rouge, Bâtir notre avenir ensemble. Le ministre des Finances a réussi à équilibrer le budget et à réduire considérablement le déficit, mais le fardeau de la dette demeure énorme.
Le secteur culturel du Canada se trouve lui aussi à la croisée des chemins, en cette fin de siècle. Le secteur lui-même est sain. Les artistes et les créateurs canadiens de toutes les disciplines se sont mérité et continuent de se mériter reconnaissance et admiration sur la scène internationale. Pourtant, les effets détaillés des compressions découlant de l'examen des programmes du gouvernement commencent seulement à se faire sentir. La SRC/CBC n'a pas encore réglé ses problèmes de financement. Les organisations de service aux arts ont été forcées soit de réduire dramatiquement les effectifs soit de fermer leurs portes. Nos établissements de formation nationaux sont toujours incertains de leur financement pour les années à venir, et pour contrer l'érosion du financement gouvernemental les organisations des arts mettent sur pied des fonds de stabilisation—des partenariats entre les secteurs privé et public, conçus pour assurer la stabilité financière et corriger les déficits.
Comme en témoigne la nouvelle publication du ministère du Patrimoine canadien, pratiquement tous les pays au monde cherchent des façons de maintenir leur identité culturelle malgré la vague de culture mondiale qui déferle sur la planète.
À l'automne 1997, la Conférence canadienne des arts a réuni un groupe éminent d'artistes, de créateurs et de travailleurs de la culture—le Groupe de travail sur la politique culturelle au XXIe siècle—et il l'a chargé de tracer un plan complet pour guider le gouvernement et les milieux de la culture au cours des prochaines décennies. Le rapport final de ce groupe présente des suggestions créatrices, innovatrices et radicales pour renforcer le partenariat entre le gouvernement et le milieu culturel. Nous avons joint des exemplaires du rapport final à notre mémoire, et j'espère que ceux d'entre vous qui n'ont pas eu la chance d'en prendre connaissance pourront le faire. Il s'agit d'un excellent rapport.
• 1840
Plusieurs des recommandations du groupe de travail sur la
politique culturelle au XXIe siècle figurent dans notre mémoire
préalable au budget. Je ne vais donc pas les reprendre ici. Je me
contente simplement de jeter un bref regard en arrière. Malgré la
situation économique, il est encourageant de constater que depuis
la présentation des mémoires de l'an dernier au comité permanent
certaines des recommandations du secteur culturel ont été mises en
oeuvre et ont donné des résultats intéressants.
Téléfilm a reçu de l'aide pour lancer un fonds multimédias de 30 millions de dollars qui reconnaît l'importance de la participation des artistes canadiens en tant que créateurs de contenu pour les nouveaux médias. Le renouvellement du financement du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes a été confirmé, tout comme le soutien opérationnel accordé à Radio-Canada International. Patrimoine canadien a restauré le financement de son programme d'édition.
L'importance que présente la protection des industries culturelles du Canada en vertu des accords de libre-échange mondiaux a été confirmée par les mesures proposées en vue de protéger les magazines canadiens à la suite de la décision de l'OMC. L'initiative de la ministre du Patrimoine en vue d'organiser une conférence internationale des ministres de la culture et d'appuyer une rencontre parallèle des ONG culturelles, en juin, a aussi été bien accueillie par le secteur de la culture. Le défi, maintenant, consiste à conserver la vitesse acquise.
Pour ce qui est de l'assurance-emploi, je me contenterai de dire que le ministre des Finances semble ne pas trop savoir que faire de tant d'argent pour l'instant. La Conférence canadienne des arts aimerait suggérer qu'avant de détourner les fonds de l'AE, il conviendrait d'envisager d'accorder aux travailleurs autonomes le droit de recourir à l'assurance-emploi et, par conséquent, aux fonds de formation et de perfectionnement professionnel. Permettez- moi de citer un article paru le 29 septembre dans le Globe and Mail.
-
Un sondage mené [...] précédemment cette année a révélé que les
Canadiens préféraient que tout surplus du fonds de l'assurance-
emploi soit appliqué à des mesures d'emploi, notamment la
formation.
Il ne faut pas oublier qu'une partie de ce surplus de l'assurance- emploi provient des contributions prélevées auprès des membres du secteur culturel qui ont une double occupation.
J'aimerais soulever encore quelques autres points. Je me joins à mes collègues du Writers' Union of Canada, de l'Association of Canadian Publishers et du Conseil des ressources humaines du secteur culturel pour presser le ministre des Finances de rétablir l'étalement du revenu. Nous sommes convaincus que des réductions fiscales choisies, ciblées, notamment celles définies dans le rapport de Price Waterhouse intitulé «Promoting Fairness for the Self-Employed through Income Averaging», annexé à notre mémoire, feraient beaucoup pour alléger le fardeau financier de nombreux artistes et créateurs.
Nous adressons aussi au ministre des Finances une recommandation visant la modification de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'occasion du prochain budget fédéral, afin de faciliter la proposition relative aux personnes qui font des dons modestes. Cette mesure relèverait le taux de dégrèvement fiscal pour la croissance, d'année en année, des dons faits à des organismes caritatifs enregistrés et à des organisations de service aux arts.
Nous aimerions signaler que dans le rapport de Statistique Canada intitulé «Canadiens dévoués, Canadiens engagés», publié au mois d'août, les données confirment notre sentiment que les Canadiens seraient plus généreux si des encouragements fiscaux leur étaient offerts. Nous relevons dans le rapport l'affirmation suivante, «Le point à retenir est que les dons en un montant moins élevé ont leur importance».
Même si nous ne faisons aucune allusion précise à cet aspect dans notre mémoire, le CCA appuie aussi la recommandation de l'Association des musées canadiens, qui souhaite que le financement du programme d'appui aux musées soit porté à des niveaux adéquats.
Pour terminer, j'aimerais vous citer un passage d'un article de Hal Jackman, paru le 31 juillet dans le Globe and Mail:
-
Pour la croissance spirituelle, le soutien de l'âme, la création
d'emplois, le perfectionnement des compétences, l'attrait
touristique, le renouveau urbain, le développement économique, le
marketing d'ensemble et l'intérêt des consommateurs, les arts se
sont avérés l'un des investissements à long terme les plus valables
qu'un gouvernement puisse appuyer.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, madame Borgal.
Nous allons maintenant écouter le représentant de l'Association des musées canadiens, M. John G. McAvity. Bonsoir.
M. John G. McAvity (directeur exécutif, Association des musées canadiens): Merci. Comme les autres témoins, nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui. J'aimerais souligner que nous comparaissons depuis un certain nombre d'années déjà. C'est la première fois en trois ans que vous n'avez pas tenu d'audience le jour de mon anniversaire, mais je vous pardonne si vous consentez quand même de m'accorder certains de mes souhaits.
Je ne vais pas vous faire lecture de notre mémoire. Vous en avez des exemplaires, et j'imagine que vous avez eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil. J'aimerais vraiment mettre ici l'accent sur quelques-unes des grandes questions et reprendre certaines impressions qui, j'en suis certain, vous ont déjà été communiquées. Avant de poursuivre, cependant, j'aimerais signaler qu'à mon avis—du moins je l'espère—nous sommes tous d'accord, les musées sont une institution fondamentale de notre société. Ils ne se contentent pas de préserver le passé; ils explorent aussi notre présent et nous aident à dégager ce que nous réserve l'avenir.
Notre organisation regroupe 2 400 musées sans but lucratif. Ceux que je représente sont tous des organismes caritatifs sans but lucratif enregistrés au Canada. Ces établissements attirent plus de 55 millions de visiteurs chaque année. Il s'agit donc d'un groupe très dynamique. Il s'agit aussi d'un secteur minuscule et très fragile dans son ensemble.
Je veux souligner que pour mesurer l'efficacité de nos établissements on se fonde souvent sur le tourisme ou l'incidence économique. Toutes les études concluent que les résultats sont très positifs, mais elles ne donnent pas une bonne idée de la raison d'être d'un musée. Un musée s'intéresse essentiellement à l'étude et à la préservation de notre passé et de notre présent. Il sert de centre éducatif pour améliorer nos collectivités et notre pays dans son ensemble. Je vous supplie d'y réfléchir en ces termes. L'activité culturelle est véritablement une des caractéristiques d'une société civilisée. Je pense que nous tous ici présents aimerions que la culture canadienne soit le plus possible considérée et protégée.
Comme l'industrie de M. Stoddart, notre secteur a aussi l'impression d'avoir fait l'objet d'innombrables études. Nous avons participé à de nombreuses audiences devant divers comités parlementaires. Nous avons été examinés par des groupes de travail. Nous avons eu droit à des examens stratégiques. Toutes sortes d'interventions très professionnelles et bien intentionnées ont été faites; toutefois, je me dois de faire valoir qu'au bout du compte, nous n'avons constaté pratiquement aucun progrès, honnêtement, et que les compressions ont effectivement continué d'affaiblir notre secteur.
Si je pense à la communauté muséale aujourd'hui et si je la compare, par exemple, à ce qu'elle était il y a dix ans, je constate la perte d'un important nombre d'emplois—bien plus de 1 000, sans doute près de 1 500. Des programmes ont été abolis. Des expositions itinérantes ont été annulées ou interrompues, d'autres n'ont jamais été concrétisées. Certains établissements ont dû vendre leurs collections. Un certain nombre d'établissements ont même dû fermer leurs portes. Je ne peux donc pas vous dire que tout va bien aujourd'hui.
J'aimerais m'arrêter sur certaines de nos recommandations. Je crois qu'elles sont de nature très terre-à-terre.
La première figure à la page 3 de notre mémoire et porte sur la question du financement. Le programme d'appui aux musées, créé par M. Gérard Pelletier en 1972, demeure le pivot de la politique muséale au Canada. Il s'agit d'un bon programme. Il a survécu à de nombreux examens réalisés par des experts-conseils, les gouvernements et la communauté. Cependant, son budget aujourd'hui est malheureusement identique, à quelques sous près, à ce qu'il était en 1972. Il n'a même pas été indexé. Il dépasse à peine les sept millions de dollars par année. Bonifié pendant quelques années au début des années 90, il a ensuite été victime des compressions de programmes.
La première recommandation que nous vous adressons fait vraiment l'unanimité dans notre secteur et dans des secteurs connexes, et c'est que le financement du programme d'appui aux musées soit porté à 15 millions de dollars par année dès le prochain exercice.
Je veux aussi souligner que les subventions d'aide aux musées représentent une très petite portion des recettes totales de la communauté muséale, moins de 2 p. 100 dans l'ensemble du secteur, mais cette petite somme est encore essentielle car elle nous assure des niveaux de soutien correspondants de la part des gouvernements provinciaux, des municipalités et du secteur privé, elle se trouve plusieurs fois multipliée.
• 1850
Nous nous réjouissons aussi des augmentations qui ont été
accordées au Conseil des arts du Canada l'an dernier. Nous sommes
très heureux de ces augmentations parce qu'elles ont permis au
Conseil des arts d'accroître son soutien aux centres d'art
contemporain et aux musées d'art. Elles ont toutefois
malheureusement créé une certaine disparité, car les musées d'art
historique et d'histoire ne sont pas admissibles à ce type de
financement. Ces établissements doivent s'adresser au programme
d'appui aux musées.
Le deuxième domaine sur lequel j'aimerais attirer votre attention se rapporte à la recommandation relative à ce que nous appelons l'indemnisation, un bien grand mot. L'indemnisation est une proposition que nous avons soumise à la ministre du Patrimoine canadien, et la mesure permettrait au gouvernement fédéral d'appuyer, de façon très économique, les expositions itinérantes et les grandes expositions qui viennent dans nos musées et que nous avons de la difficulté à assurer. Nous avons reçu un accueil très ouvert de la ministre, et nous espérons une annonce prochaine et une mesure législative qui amènera des progrès à cet égard.
En matière d'incitatifs fiscaux, nous vous soumettons deux propositions cette année. La première vise les frais d'adhésion à des organismes sans but lucratif comme les musées, qui devraient être déductibles ou donner droit à un crédit d'impôt. Des particuliers ou des familles deviennent membres de l'organisation pour environ 25 $ par année, souvent pour se prévaloir des avantages offerts aux membres. Si on en faisait une dépense déductible, cela serait déjà quelque chose. La mesure a été adoptée aux États-Unis. Je crois surtout que le geste serait symbolique parce qu'il indiquerait que le gouvernement fédéral encourage l'engagement individuel à l'égard de ces établissements.
Notre deuxième recommandation se rapporte aux successions d'artistes, parce que des membres ont attiré notre attention sur certains problèmes dans ce domaine. Quand les héritiers d'un artiste désirent faire don d'une partie de la collection de cet artiste à un musée, ils sont pour ainsi dire pénalisés en comparaison du traitement qui aurait été réservé à l'artiste lui- même s'il avait fait ce don. Nous avons attiré l'attention de M. Paul Martin sur cet aspect, et nous avons reçu de lui une lettre indiquant qu'il appuie entièrement notre proposition et qu'il cherchera à faire modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous nous en réjouissons et nous aimerions que ce projet se concrétise le plus tôt possible.
Finalement, nous vous signalons aujourd'hui la situation de l'emploi chez les jeunes. La communauté muséale comme d'autres secteurs, a profité d'un certain nombre de programmes modestes mais très efficaces qui ont permis à des jeunes d'acquérir de l'expérience, des habiletés et des compétences dans nos lieux de travail. Nous pensons leur avoir offert d'excellentes occasions non seulement d'améliorer leurs compétences mais aussi de contribuer aux milieux dans lesquels ils ont travaillé, de voyager et de mieux connaître notre pays. Nous vous prions de veiller à ce que ces programmes d'emploi des jeunes soient maintenus et élargis.
Voilà qui termine l'essentiel des recommandations que je voulais vous exposer aujourd'hui. Nos recommandations mettent largement l'accent sur le rôle du gouvernement fédéral à l'extérieur d'Ottawa. Le gouvernement fédéral a une responsabilité directe à l'égard des grands musées qui sont ici à Ottawa. Parce qu'il s'agit d'établissements nationaux, ils sont appuyés à hauteur d'environ 130 millions de dollars par année. Notre préoccupation actuelle, toutefois, porte essentiellement sur les établissements de l'ensemble du Canada et sur le rôle du gouvernement fédéral.
J'espère que les recommandations que nous vous avons présentées sont claires et pratiques et que vous me ferez le cadeau dont je rêve pour mon anniversaire cette année.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McAvity.
Accueillons maintenant le représentant du Conseil des ressources humaines du secteur culturel, M. Jean-Philippe Tabet.
[Français]
M. Jean-Philippe Tabet (directeur général, Conseil des ressources humaines du secteur culturel): Bonsoir et merci de nous avoir demandé de venir faire une présentation ce soir.
Comme mes collègues de l'ensemble du secteur culturel, je suis venu vous présenter un mémoire qui parlera d'un aspect un peu plus spécifique pour nous, c'est-à-dire la main-d'oeuvre, la population active du secteur culturel. Le mémoire que vous avez contient des recommandations sur lesquelles je vais insister un petit peu plus tard.
Notre secteur est en pleine croissance. C'est un secteur qui occupe presque un million de personnes au Canada et contribue à l'économie canadienne à raison de 30 milliards de dollars. C'est un secteur qui est en pleine croissance, qui a grossi de 32 p. 100 entre 1980 et 1996 et de 14 p. 100 entre 1991 et 1996. C'est un secteur qui attire énormément de valeur ajoutée au Canada. Mes collègues en ont parlé.
• 1855
Le secteur culturel est composé
pour 50 p. 100 de travailleurs autonomes. Cette
caractéristique de la population active joue un rôle
considérable dans les décisions que vous aurez à
prendre en matière de soutien au secteur culturel.
En effet, ces travailleurs, dont j'ai essayé de montrer l'importance et la contribution à l'économie, ne jouissent pas des avantages qui sont accordés depuis très longtemps par le système du filet de sécurité qui est en vigueur au Canada. Des discussions ont eu lieu sur le fonds d'assurance-chômage. J'aimerais attirer l'attention du comité sur le fait que si le fonds d'assurance-chômage est si élevé aujourd'hui, c'est probablement parce qu'il y a moins de travailleurs qui peuvent en bénéficier et parce qu'il est plus difficile pour ceux qui pourraient être admissibles aux prestations d'en bénéficier.
Ainsi, nous avons créé, au cours de ces années, une situation où il y a une grande partie importante de la population active qui ne bénéficie pas de ce filet de sécurité. C'est pour cela que nous recommandons au gouvernement fédéral, et c'est la quatrième recommandation de notre mémoire, de créer un fonds de développement des ressources humaines dans le secteur culturel qui pourrait être un projet-pilote dans le cadre de la Loi sur l'assurance-emploi, en particulier pour les travailleurs autonomes de ce pays.
C'est devenu extrêmement important, et je suis sûr que beaucoup de présenteurs au Comité permanent des finances ont signalé le fait que le nombre de travailleurs autonomes au Canada a crû considérablement au cours des cinq dernières années. Environ 20 p. 100 de la population active canadienne est composée de travailleurs autonomes comparativement à 8 ou 10 p. 100 aux États-Unis.
Il y a toute une partie de notre population qui n'est pas actuellement servie par le système en place. Nous recommandons au Comité permanent des finances de faire en sorte que le secteur culturel, étant donné qu'une énorme part de ce secteur est constituée de travailleurs autonomes, puisse être vu comme un secteur-pilote où le gouvernement fédéral pourrait étudier de nouvelles manières de répondre aux besoins de cette population active en évolution.
Les autres recommandations que j'aimerais formuler sont de trois ordres. Premièrement, je pense qu'il est très important de continuer à faciliter l'insertion professionnelle des jeunes Canadiens. En particulier, nous demandons la création d'une initiative qui s'appellerait Jeunesse Canada au travail en culture. Cette initiative viendrait compléter un certain nombre d'initiatives qui existent déjà, mais qui n'existent pas à strictement parler pour le secteur culturel.
On a parlé du domaine des musées. Dans le domaine des musées, il y a eu déjà des avancées. Nous demandons à ce que ces avancées soient un peu plus importantes afin qu'on reconnaisse la valeur de notre secteur et sa contribution, non seulement à l'économie d'une communauté, mais aussi à son bien-être.
Deuxièmement, nous recommandons une mesure très pratique. Nous demandons que Revenu Canada prépare un nouveau bulletin d'interprétation portant sur les frais de formation des personnes ayant un emploi et des travailleurs autonomes, que ce bulletin comprenne toutes les dernières informations pertinentes au sujet de la déductibilité des coûts et des frais de formation et qu'il indique les autres frais déductibles permettant de rendre plus accessibles le développement de la connaissance, le perfectionnement des compétences et l'apprentissage tout au long de la vie.
C'est un des points fondamentaux sur lesquels nous voudrions insister: que les mesures que vous pourriez prendre pour répondre aujourd'hui aux besoins de la main-d'oeuvre soient des mesures qui visent à consolider l'apprentissage tout au long de la vie. Enfin, nous demandons que le gouvernement du Canada adopte une disposition visant un procédé d'étalement du revenu en vue de réduire en général le fardeau fiscal des travailleurs à faible revenu comme les artistes, les écrivains et d'autres travailleurs culturels.
• 1900
Nous demandons également que
le nombre des incitatifs fiscaux à l'intention des
petites et moyennes entreprises soit élargi afin de
leur permettre d'attirer des investisseurs. C'est ce
que nos amis de l'ACPFT ont essayé de souligner. Il y
a actuellement des mesures qui limitent
l'investissement dans les petites et moyennes
entreprises qui produisent des biens culturels. C'est
aussi pour elles et pour nous une meilleure façon de
développer des stratégies efficaces de génération de
revenu autonome privé pour notre industrie. Il est
donc important de simplifier et de rendre plus claires
et plus productives les mesures d'incitation fiscale
à l'intention des investisseurs.
Je voudrais terminer en disant que c'est au moins la deuxième fois que les acteurs du secteur culturel viennent tous ensemble pour vous inciter à prendre des mesures qui vont de l'avant. L'une des choses que nous avons pu faire jusqu'à présent, c'est vous montrer qu'ensemble, nous avons essayé de développer une stratégie cohérente qui s'appuie, bien sûr, sur les décisions vous aurez à prendre, mais aussi sur la contribution que nos industries respectives sont capables de faire. Ce partenariat entre vous et nous que nous aimerions davantage développer est un élément important. Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Tabet.
[Traduction]
Nous allons maintenant écouter l'exposé du Writers' Union of Canada, présenté par Mme Merilyn Simonds. Soyez la bienvenue.
Mme Merilyn Simonds (coprésidente, Cultural Agenda Lobby Committee, Writers' Union of Canada): Merci.
Merci encore d'avoir invité le Writers' Union à venir présenter ses vues au comité. Je pense qu'il est très important que vous entendiez non seulement les industries culturelles, mais aussi les particuliers, les créateurs, ceux qui sont au bas de l'échelle ou au milieu en quelque sorte, selon la façon dont vous voyez les choses, dans le secteur culturel.
On ne nous a pas consacré beaucoup d'études. De fait, pratiquement personne ne connaît notre existence, parce que nous participons rarement à ce processus. Alors nous sommes vraiment très heureux d'être ici aujourd'hui.
Je pourrais vous présenter le même mémoire que celui que je vous ai remis l'an dernier, parce qu'en fait, mon thème est identique. L'an dernier, nous avons attiré votre attention sur les inégalités du régime d'impôt sur le revenu du Canada, qui est non seulement injuste mais menace la culture canadienne, puisqu'il complique inutilement la poursuite d'une carrière de créateur dans notre pays.
Nous avons affirmé l'an dernier que pour développer une économie axée sur la connaissance une nation devait encourager ceux qui créent la propriété intellectuelle, la monnaie de l'avenir. Pourtant, non seulement les créateurs se retrouvent dans les plus basses tranches de revenu du pays—nos revenus moyens se comparent à ceux des préposés aux soins des animaux d'agrément—mais en outre la façon dont ils touchent leurs revenus les défavorise vis-à-vis du régime fiscal.
Les créateurs sont des travailleurs autonomes, il leur faut des années pour réaliser leurs projets et ils sont payés d'un seul tenant—quelques instants de prospérité entre de longues périodes de disette. Alors lorsqu'il reçoit enfin un gros chèque, le créateur se voit imposé cette année-là comme s'il maintenait en permanence ce niveau de revenu.
L'an dernier, le comité—très sagement à mon avis—avait recommandé:
-
que le gouvernement songe à adopter des mesures d'étalement du
revenu qui permettraient de réduire le fardeau fiscal global des
contribuables dont le revenu est généralement faible, notamment les
artistes et les écrivains.
Cela est tiré du rapport de l'an dernier. La même recommandation a été présentée l'année précédente. Deux années d'affilée, le comité a donc recommandé l'étalement du revenu. Le gouvernement a ignoré ces deux recommandations.
En réponse au mémoire que nous avons présenté l'an dernier au ministre des Finances, l'honorable Paul Martin nous a écrit pour expliquer pourquoi l'étalement du revenu ne lui semblait pas nécessaire. Je vous fais part de ses raisons.
Il a souligné que le fait de réduire le taux marginal d'imposition le plus élevé et le nombre de tranches de revenu atténuait les inconvénients fiscaux de la fluctuation du revenu.
De fait, cela réduit les conséquences de la fluctuation du revenu seulement pour les personnes qui gagnent plus de 50 000 $ par année. Si votre revenu fluctue entre 50 000 $ et un million de dollars, par exemple, vous n'avez pas à vous en faire, parce que vous demeurez au même taux d'imposition. Mais si votre revenu fluctue entre 10 000 $ et 50 000 $, vous aurez des ennuis.
• 1905
Il a aussi affirmé que les REÉR réduisent la nécessité de
l'étalement du revenu parce que, de fait, un contribuable peut
utiliser les REÉR pour uniformiser son revenu sur plusieurs années,
en reportant les contributions non utilisées. Là encore, cela ne
vaut vraiment que pour les personnes qui ont un revenu assez élevé.
Les REÉR sont une bénédiction pour les personnes dont le revenu
augmente soudainement mais est habituellement suffisant.
Les dispositions relatives aux REÉR ne sont d'aucune utilité pour les artistes et les créateurs, ni pour les Canadiens à faible revenu qui doivent emprunter de l'argent chaque année pendant plusieurs années pour subsister en attendant qu'un gros montant leur soit versé. Ils utilisent alors ce montant non pas pour contribuer à un REÉR—personne ne fait d'économies là-dessus—mais plutôt pour payer les factures qu'ils ont laissées s'accumuler. Pour la plupart des écrivains, le REÉR est un rêve inaccessible. Sa probabilité est à peu près égale à celle de vendre des droits de production cinématographique à Tom Hanks.
J'en reviens à ce que je disais l'an dernier et à ce que d'autres ont dit avant moi à cette table l'an dernier et les années précédentes: C'est injuste. En décembre dernier, Scott Wilson, un associé de Price Waterhouse, a rédigé un rapport pour le compte du secteur de la gestion stratégique du ministère du Patrimoine canadien. Je crois d'ailleurs que le CCA a joint ce document à son mémoire. Patrimoine canadien a reconnu que lorsque l'étalement du revenu avait été éliminé, plusieurs années auparavant, certaines personnes étaient encore exposées à une inégalité fiscale liée à la fluctuation du revenu.
Ce rapport a analysé un secteur de la société qui compte parmi les plus vulnérables et a défini comme groupe cible celui des travailleurs autonomes, dont le revenu peut augmenter considérablement certaines années. Le rapport recommandait l'étalement ciblé du revenu pour les travailleurs autonomes dont le revenu moyen des deux dernières années avait doublé une année. En principe, nous acceptons les conclusions du rapport; il s'agit d'un excellent rapport qui fait progresser le débat. Cependant, les auteurs proposent non pas de calculer l'impôt en fonction du revenu réel, mais plutôt d'utiliser un crédit d'impôt. Nous jugeons cette proposition très contestable.
Les scénarios établis par Price Waterhouse ne correspondent guère à notre expérience de la réalité des écrivains. Les auteurs suggèrent d'étaler le revenu seulement quand il double. Qu'arrivera-t-il dans ce cas aux malheureux dont le revenu augmente de 85 p. 100? On ne parle en outre que du revenu qui double. Personnellement, je connais une personne dont le revenu des deux dernières années était de 10 000 $ et qui a touché cette année 70 000 $. Sur trois ans, son revenu total s'élève à 90 000 $. Étalé sur trois ans, cela donne 30 000 $ par année. C'est assez négligeable. L'impôt sur ce montant serait d'environ 12 000 $. L'impôt sur 70 000 $ est plutôt de l'ordre de 20 000 $. Alors l'impôt payé en trop est considérable et un crédit d'impôt de 2 000 $ ne suffit pas à rétablir les choses.
Nous recommandons que ce rapport soit étudié avec beaucoup de sérieux mais que le ministère des Finances consulte les représentants des créateurs avant de déterminer de quelle façon définir une formule équitable d'étalement ciblé du revenu. Nous croyons vraiment qu'un crédit d'impôt ne constitue pas une solution.
M. Martin, dans la lettre qu'il nous a adressée au sujet de l'étalement du revenu, a affirmé que les dispositions étaient très complexes, tant sur le plan de la vérification de conformité qu'au niveau de l'administration. Nous avons l'impression que malgré les recommandations répétées il y a encore beaucoup de résistance au ministère des Finances, peut-être parce que l'on craint de créer des précédents.
Nous proposons donc une autre façon de procéder, que nous avons mentionnée brièvement l'an dernier mais au sujet de laquelle nous incluons de la documentation cette année. Il existe un moyen pour le gouvernement d'accorder immédiatement un répit financier aux créateurs tout en remplissant son engagement officiel à l'égard de la culture canadienne.
La mesure est très élégante, très simple d'utilisation et d'administration et pratiquement impossible à contourner, contrairement à l'étalement du revenu. Elle est appliquée depuis plusieurs années déjà et a fait ses preuves. Ce que nous recommandons, c'est que le ministère des Finances instaure à l'intention des créateurs une réduction d'impôt pour le droit d'auteur.
Cette mesure a été mise en place au Québec, et j'ai joint à notre mémoire les articles pertinents du budget 1995-1996 du Québec pour montrer de quelle façon elle a été mise en oeuvre. Essentiellement, le revenu de droit d'auteur pourrait être déduit des autres revenus jusqu'à concurrence de 20 000 $. Cette disposition s'applique à tous les écrivains, artistes, cinéastes, quiconque produit du matériel protégé par le droit d'auteur. Le régime est très facile à administrer, parce que nous avons une Loi sur le droit d'auteur et qu'il ne peut planer aucun doute, à l'heure actuelle, sur le premier titulaire du droit d'auteur de tout le matériel créé.
• 1910
Les revenus de droit d'auteur peuvent être déduits jusqu'à
concurrence de 30 000 $. La mesure a donc un double effet,
puisqu'elle s'applique uniquement aux créateurs à faible revenu.
Cela élimine automatiquement les Margaret Atwood et les Pierre
Berton, mais pas les gens comme moi.
Elle élimine aussi efficacement les fluctuations du revenu des créateurs, parce qu'en vérité la plupart des créateurs de notre pays ne peuvent vivre de leur art. Ils subsistent grâce à diverses sources de revenu—l'enseignement, la relecture d'épreuves, le service dans les restaurants, des travaux de ce genre. Mais ce sont les redevances, le revenu qui entre tout d'un coup, qui créent vraiment les iniquités attribuables à l'impôt sur le revenu. La déduction du revenu de droit d'auteur corrigerait la situation.
La déduction du revenu de droit d'auteur ne nécessite pratiquement aucun calcul. Elle peut s'inscrire dans la formule de déclaration de revenu existante. Le Canada a déjà une longue histoire pour ce qui est d'accorder une considération spéciale aux entreprises qui servent l'intérêt national, et cette déduction fonctionnera de la même façon, fournissant un encouragement à ceux qui produisent une propriété intellectuelle.
Comme je l'ai dit, tout cela se trouve dans le mémoire et je ne vais pas m'y attarder.
Nous avons une autre recommandation à présenter. Nous voulons que le gouvernement accorde des subventions de subsistance non imposables aux créateurs. La subsistance est un problème constant pour les écrivains. Le Conseil des arts du Canada accorde des bourses de subsistance. Ces bourses sont calculées en fonction d'un revenu de subsistance mensuel de 1 500 $ et pourtant elles sont imposables, alors ce qui reste à l'artiste ou à l'écrivain pour produire son oeuvre est encore réduit de 17 p. 100. Nous vous demandons donc de remédier à cette situation.
Je ne crois pas que l'on puisse contester le fait que le régime de l'impôt sur le revenu, dans son état actuel, traite injustement le revenu des créateurs. Nous payons plus que notre juste part d'impôts. Nous ne touchons pas les avantages du régime. Nous ne sommes pas admissibles à l'assurance-emploi, même si nous tirons des revenus d'un emploi. Nous pressons donc le comité permanent de recommander une fois encore que le gouvernement corrige cette inégalité. Nous vous prions de rencontrer les groupes de créateurs afin de pouvoir comprendre notre situation financière et y chercher avec nous des solutions, de mettre en oeuvre l'étalement ciblé du revenu qui aidera tous les travailleurs autonomes à faible revenu, d'instaurer une déduction de revenu de droit d'auteur pour encourager spécifiquement la création canadienne, d'autoriser les créateurs à conserver l'intégralité des bourses de subsistance qu'ils reçoivent pour l'appliquer à la création plutôt que de payer de l'impôt sur des fonds déjà prélevés sur l'impôt des contribuables.
Il est inadmissible que cette inégalité se soit perpétuée si longtemps. Les créateurs forment un très petit segment de notre société. Je représente le Writers' Union, mais notre mémoire a été communiqué à d'autres groupes de créateurs. Nous avons leur appui et celui de l'UNEQ, l'Union des écrivaines et écrivains québécois. Nous croyons que même si nous sommes un petit groupe, nous sommes un élément essentiel au dynamisme culturel et économique du pays.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Simonds.
Nous allons maintenant commencer la période de questions, monsieur Harris, vous avez la parole.
M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.
Merci de tous ces exposés. Ma première question s'adresse à Mme Simonds.
Est-il exact de dire qu'en tant qu'écrivain, aux fins du régime d'impôt sur le revenu, vous êtes considérée comme propriétaire unique, un petit entrepreneur considéré comme propriétaire unique dans le régime d'impôt?
Mme Merilyn Simonds: En effet.
M. Dick Harris: Je crois que je vois ce dont vous parliez quand vous disiez que l'on craint les précédents, et je comprends pourquoi le gouvernement hésite à instaurer des dispositions spéciales aux fins de l'impôt sur le revenu pour les écrivains, car d'une certaine façon, il y a sans doute des dizaines de milliers d'autres propriétaires uniques au Canada qui ont simplement choisi d'offrir un produit ou un service différent. Les propriétaires uniques, de fait, connaissent d'importantes fluctuations de revenu, selon les époques. En un an, ils peuvent toucher un revenu de 30 à 60 000 $ et l'année suivante ils ne reçoivent que 10 ou 15 000 $. Ils sont imposés pour l'année au cours de laquelle ils ont touché ces revenus, en fonction des revenus gagnés au cours de l'année.
• 1915
Il me semble qu'en examinant votre demande, Revenu Canada se
dirait que s'il agit ainsi pour le groupe de propriétaires uniques
qui ont choisi l'écriture comme métier, alors il devrait faire la
même chose pour pratiquement tous les autres propriétaires uniques
au pays. Essentiellement, du point de vue de Revenu Canada, vous
faites tous partie d'un même groupe, d'une même catégorie
professionnelle. La seule différence se manifeste au niveau du
produit.
Mme Merilyn Simonds: Je comprends ce que vous voulez dire. Je pense qu'il faut consulter le rapport de Price Waterhouse, puisqu'il expose les chiffres de façon beaucoup plus précise que je ne suis en mesure de le faire, n'étant ni comptable ni particulièrement douée dans ce domaine.
Je crois que la difficulté vient du groupe des travailleurs autonomes à faible revenu, et non pas de l'ensemble. Dans le rapport de Price Waterhouse, on reconnaît que le groupe pour lequel l'étalement ciblé du revenu s'appliquerait dans son ensemble... Vous avez raison, cela vise beaucoup plus que les écrivains, les peintres ou quiconque a besoin de plusieurs années pour terminer un produit, et en effet la mesure toucherait toutes ces personnes, mais je maintiens qu'il s'agit d'un segment relativement modeste de la société et qu'il existe une façon de le cibler, si l'on en a l'intention, grâce à la Loi sur le droit d'auteur.
M. Dick Harris: Merci.
Ma seconde question s'adresse à M. Stoddart.
Ce qui m'intrigue vraiment, c'est la raison pour laquelle l'industrie de l'édition au Canada n'est pas rentable. Quel est l'obstacle insurmontable qui vous empêche de faire des bénéfices? N'y a-t-il pas suffisamment de clients, est-ce que le produit ne correspond pas à ce que la clientèle est prête à payer très cher?
M. Jack Stoddart: Non, je crois que nous faisons très bien notre métier. Le problème est fort simple, de fait, c'est que les livres ont tous le même aspect, qu'ils viennent d'un côté ou de l'autre de la frontière. Les auteurs sont différents, le contenu est différent, mais il est très difficile d'expliquer qu'un livre américain coûte 25 $ alors qu'un livre canadien en coûte 45. La différence, évidemment, vient de ce que vous produisez une oeuvre pour un public de langue anglaise de 14 ou 15 millions de personnes, de 18 millions peut-être—c'est selon—par opposition à un marché de 200 millions d'habitants. Les coûts sont essentiellement les mêmes pour la production de l'ouvrage, les redevances sont les mêmes et s'expriment en pourcentage du prix de détail suggéré. Au Canada, cependant, nous travaillons avec un multiple de cinq ou de six du coût de fabrication par rapport au prix de détail alors qu'aux États-Unis le multiple est de 12 ou de 15.
Par conséquent, aux États-Unis le profit moyen avant impôt d'un programme d'édition commercial s'établirait entre 10 et 20 p. 100. Au Canada, selon les chiffres de Statistique Canada ou du ministère du Patrimoine canadien, c'est à peu près 2 p. 100. Dans le cas de l'édition en langue française, cela s'établit généralement entre 0 et 5 p. 100. La différence entre les deux groupes linguistiques vient de ce que les coût des ouvrages en langue française sont sans doute de 33 à 50 p. 100 supérieurs, parce qu'il y a moins d'établissement de prix comparatif pour les livres en langue française que pour les livres en langue anglaise.
Nous sommes inondés... Soixante-dix pour cent des ouvrages vendus au Canada sont des ouvrages américains. Selon certains, cela est inacceptable. Par contre, 30 p. 100 des ouvrages sont canadiens, et je crois qu'il convient de souligner cette réalisation face au principal producteur mondial. Cependant, il est impossible de fixer des prix différents pour 30 p. 100 des livres sur le marché. Les clients ne sont pas prêts à payer la différence simplement parce qu'ils sont Canadiens. Nous devons établir les prix en fonction du marché, et le prix est fixé à New York et à Chicago plutôt qu'à Vancouver, à Toronto ou à Montréal.
M. Dick Harris: Est-ce que les éditeurs canadiens ont accès au marché américain? Je dois avouer que je l'ignore.
M. Jack Stoddart: Les éditeurs canadiens vendent des droits et des ouvrages publiés sur le marché américain. Je précise qu'il s'agit d'un marché difficile, très fermé. Sur les marchés du livre d'éducation, on a tendance à exclure tout ce qui n'est pas américain. Le New York Times ne s'intéresse qu'à la production américaine, alors aucune critique de livre canadien n'y paraît.
Oui, nous avons accès à ce marché dans une certaine mesure. Notre industrie a triplé ses exportations à destination des États- Unis au cours des cinq dernières années. Nous nous efforçons de nous implanter rapidement dans ce secteur parce que c'est un marché qui nous est ouvert. Nous sommes sans contredit le principal marché d'exportation des États-Unis. Nous parlons de centaines de millions de dollars. Notre activité de retour représente des dizaines de millions de dollars. Elle n'est donc pas assez importante pour effacer la différence de coût. Effectivement, c'est ce vers quoi nous nous dirigeons.
Notre industrie manifeste un grand dynamisme. Nos écrivains produisent des ouvrages de qualité. Nous n'éprouvons aucune difficulté sur le marché américain pour ce qui est de la qualité de l'écriture, de la conception de l'ouvrage ou de quoi que ce soit d'autre. Mais une bonne partie de ce que nous publions est destiné aux Canadiens. Le produit est conçu en fonction de notre marché, et c'est la raison pour laquelle bien des livres n'ont tout simplement pas de pertinence chez nos voisins du Sud.
M. Dick Harris: J'ai une dernière question à poser à M. McAvity. Je vois dans votre mémoire que vous demandez que les contributions de plus de 50 $ à un musée, je crois que c'est le montant mentionné, puissent être déduites aux fins de l'impôt sur le revenu ou donner droit à un crédit d'impôt. Je me demande pourquoi vous devez vendre des cartes de membre. Je sais que c'est pour ramasser des fonds, mais l'un des grands principes de la collecte de fonds est de recueillir un maximum de noms pour solliciter des dons. Ma question est peut-être redondante, mais est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux distribuer gratuitement les cartes de membre afin de consigner plus de noms dans une base de données, pour solliciter les dons lorsque ces personnes auront pris conscience des avantages qu'offrent les musées? Dans un tel cas, leurs dons seraient déductibles, à condition que l'organisme soit à but non lucratif.
M. John McAvity: C'est une excellente idée. Elle nous coûterait cependant très cher car nous perdrions beaucoup de revenus. Les organismes sans but lucratif, les musées, les hôpitaux et les universités, se font de plus en plus innovateurs pour recueillir des fonds de diverses façons, notamment grâce aux droits d'adhésion. Les personnes qui deviennent membres sont prêtes à en payer le coût, elles reçoivent des avantages en échange et elles sont plus proches de l'organisation. Le musée, l'hôpital ou l'université n'a rien à faire pour établir cette relation. Il attire les membres et s'en fait des amis.
Récemment, j'ai entendu parler d'une femme à Toronto qui avait payé sa carte 25 $ et qui a travaillé comme bénévole pendant des années. Elle est morte il y a environ un an et elle a laissé 50 millions de dollars au musée. C'est ce type d'amitié qui est essentielle aux organismes sans but lucratif.
Pour parler en termes commerciaux, il faut aussi voir s'il serait rentable d'accepter gratuitement les membres. Il y a environ dix ans, le gouvernement fédéral a créé un groupe de travail chargé d'examiner le financement des arts au Canada. À cette époque, l'entrée de la plupart des musées, des musées d'art et des établissements connexes était gratuite. L'accès au musée était gratuit. Le groupe de travail a recommandé de mettre fin à cette pratique et de percevoir des droits d'entrée. Nous l'avons fait, à contre-coeur, et aujourd'hui la plupart des musées perçoivent des droits d'entrée. Il en coûte environ 5 $ pour visiter le Musée canadien des civilisations. Il faut payer des frais pour entrer au Musée des beaux-arts de l'Ontario, au Vancouver Museum of Anthropology, en Colombie-Britannique, etc. Nous sommes désolés de devoir agir ainsi. Nous aimerions que ces établissements soient ouverts à tous, mais cette époque est maintenant révolue.
• 1925
En Angleterre, la question des droits d'admission au National
Museum fait l'objet d'un débat passionné dans les médias, dans les
journaux et à la Chambre des communes.
Nous avons dû nous y résoudre, et grâce à 55 millions de visiteurs—vous pouvez faire vous-même le calcul—cela représente un peu d'argent au titre des admissions. Nous avons vraiment essayé de veiller à ce que les droits d'entrée soient raisonnables. Il ne sont pas extravagants, nous ne sommes pas Disneyland. Nous ne pouvons pas exiger 50 $ des visiteurs de ces établissements, mais nous pouvons demander une somme raisonnable, modeste. Nous pouvons offrir des programmes à ceux qui n'ont pas les moyens de fréquenter les musées. De nombreux musées ont des journées où l'accès est gratuit ou des soirées pour les étudiants, la population en général et les chômeurs.
Je crois donc que nous avons adopté une approche très raisonnable et favorisé les contacts et les amitiés dont vous parlez, de telle sorte que nous pouvons mettre sur pied des programmes de dons de divers types.
L'autre recommandation que nous avons présentée portait sur la succession des artistes. À l'heure actuelle, au moment du décès d'un artiste, ses héritiers—et je parle de tableaux, d'oeuvres d'art qui forment la collection de l'artiste—sont imposés à un taux supérieur à celui qui s'appliquerait si l'artiste faisait lui- même un don au musée. À l'heure actuelle, rien n'encourage les artistes à faire don de leurs oeuvres à des musées. Ils ont tout intérêt à les vendre sur le marché privé ou à l'exportation. Rien ne les encourage à les donner à un musée, parce que le prix de base rajusté sur les gains de capitaux ne fait que refléter la juste valeur marchande. Il n'y a donc aucun encouragement.
Le président: Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Bonjour, chers amis, et merci de votre présentation. Cela me fait un peu drôle de vous retrouver dans le contexte de ce soir, parce qu'on discute habituellement d'autres choses.
Je lisais récemment, dans un article, que les gouvernements versent de moins en moins d'argent pour la culture. Statistique Canada nous disait qu'il y a des réductions dans les budgets de la culture depuis sept années consécutives. On nous présentait les chiffres de 1996-1997 et on disait que cette année-là, la baisse avait été de 2,8 p. 100.
Vous venez nous présenter, chacun à votre façon, des besoins qui me semblent tout à fait légitimes. Madame Borgal, savez-vous si ce que le gouvernement investit dans tous les secteurs culturel atteint 1 p. 100 du budget? Avez-vous ce renseignement?
[Traduction]
Mme Philippa Borgal: J'aimerais pouvoir vous communiquer cette information, madame Tremblay. Si vous le désirez, je peux m'informer et transmettre le renseignement à votre bureau demain. Je suis heureuse de vous voir ici et je vous remercie d'être venue. Je suis désolée de ne pas avoir ces renseignements à portée de la main.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Parfait. J'aimerais qu'on nous dise éventuellement, s'il était possible de le savoir, le pourcentage que cela représente. Cela pourrait nous donner un indice sur les montants qu'on pourrait réclamer par la suite.
Le fonds des câblos est un très bel exemple. Comme vous l'avez dit, cela a bien réussi, et vous demandez la création d'un fonds similaire pour autre chose. On demande des déductions d'impôt. Cependant, s'il y a moins d'argent qui entre parce qu'il y a des déductions un peu partout, est-ce qu'on va avoir un surplus?
Mme Marie-Josée Corbeil: Je peux répondre à cette question-là. D'une part, comme on le démontre dans le tableau qui est dans notre mémoire, étant donné les taxes directes que le gouvernement recevrait et l'effet de la parafiscalité—qu'on pense aux contributions à l'assurance-chômage et aux autres types de contributions—, si le gouvernement ramenait le taux du crédit d'impôt à 12 p. 100, tel qu'il l'avait annoncé, cela aurait un effet à peu près neutre.
Mme Suzanne Tremblay: Donc, cela ne coûterait rien au gouvernement.
Mme Marie-Josée Corbeil: Cela ne lui coûterait rien. Actuellement, le gouvernement fait de l'argent en nous accordant ce crédit d'impôt parce qu'il génère plus de taxes directes et indirectes que ce que lui coûte le crédit d'impôt. Donc, si le gouvernement faisait passer le taux pour les productions québécoises de 6 ou 7 p. 100 à 12 p. 100, tel qu'on nous l'avait annoncé, le coût serait minime pour lui. D'autre part, il y aurait une création d'emplois supplémentaire.
Pour répondre à votre question sur la création d'un fonds similaire au Fonds canadien de la télévision, il y aurait un coût, mais on suggère qu'une partie des contributions des radiodiffuseurs à ce fonds soit affectée aux longs métrages. Donc, ce ne serait pas des sommes complètement nouvelles qui seraient injectées dans le système. On prendrait des sommes existantes et on les réaffecterait à la production de longs métrages.
Mme Suzanne Tremblay: Vous parlez du fonds des câblos dont une partie irait obligatoirement au fonds de...?
[Traduction]
Mme Elizabeth McDonald: Non, je crois qu'en fait, la recommandation élaborée par les deux associations porte sur la création d'un fonds...
Mme Suzanne Tremblay: Un nouveau fonds.
Mme Elizabeth McDonald: ...un nouveau fonds, qui regrouperait le plus possible les montants, parce qu'il y a de l'argent partout à l'heure actuelle et que cela n'est pas très efficace; il faudrait en outre regrouper les fonds privés et publics, mais que l'organisme de gestion englobe la participation du secteur privé, comme le Fonds de la télévision canadienne le fait, de façon à répondre efficacement aux besoins de l'industrie, plutôt que de laisser intervenir un organisme bureaucratique qui ne collaborera pas nécessairement directement avec l'industrie.
Le président: Monsieur Stoddart.
M. Jack Stoddart: J'ai une réponse un peut différente à vous proposer. Dans le cas des éditeurs canadiens ou des cinéastes canadiens ou des Canadiens qui oeuvrent au sein de ces industries, lorsque vous réalisez un profit vous devez payer de l'impôt. C'est élémentaire.
Je sais que la plupart de mes concurrents étrangers ne paient pratiquement pas d'impôt, sinon pas du tout, dans notre pays. Ils réalisent 500 millions de dollars par année et je serais bien étonné qu'ils versent 2 p. 100 de leurs profits sous forme d'impôt. En raison des prix de transfert et de questions de ce genre, ces intervenants préfèrent payer des impôts ailleurs qu'au Canada.
J'ai eu connaissance d'un exemple où un important concurrent des milieux de l'édition du livre avait droit à des allégements fiscaux plus considérables en tant que société étrangère. Il a commencé à perdre deux ou trois millions par année et, grâce aux allégements fiscaux, il a touché en cinq ans plus que la troisième maison d'édition canadienne au titre des subventions. Autrement dit, le gouvernement canadien permettait aux sociétés étrangères de sortir leurs profits du Canada mais il leur accordait quand même un allégement fiscal.
À mon avis, si les industries culturelles doivent fonctionner de façon réaliste sur le plan de l'impôt dans notre pays, qu'elles soient propriétés canadiennes ou étrangères, les recettes fiscales tirées de toute l'activité commerciale des industries culturelles, adéquatement compilées, représenteraient plus que toute subvention ou tout autre programme à caractère fiscal dont nous parlons aujourd'hui. Ce n'est pas le cas actuellement, et je crois qu'il faudrait vraiment se pencher sur cette question. Je ne crois pas qu'il s'agisse seulement des industries culturelles, mais je sais un peu de quoi je parle dans ce domaine.
J'en vois qui hochent la tête, qui connaissent ces industries, qui savent que les sociétés canadiennes et les sociétés étrangères ne sont pas sur le même pied en matière de concurrence. Pire encore, la situation n'est pas équitable pour la population du Canada et pour les contribuables canadiens, il est injuste que d'importants intervenants étrangers, qui réalisent un fort volume de transactions, ne paient pratiquement pas d'impôt dans notre pays et qu'Investissement Canada leur ouvre la porte sans examiner leur rentabilité, leur rendement, etc. Je crois que cela est révoltant et que vous et d'autres comités devriez examiner cette question parce que notre pays se prive d'un énorme revenu imposable et des impôts correspondants.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Puis-je poser une autre question?
J'ai lu quelque part que le boom du cinéma était dans la mire de Revenu Canada. Comment réagissez-vous au fait que, d'un côté, le ministre des Finances facilite les choses pour que les majors viennent faire des films à Montréal, à Toronto ou à Vancouver et que, de l'autre, on nous annonce que Revenu Canada va s'en occuper?
• 1935
Je ne sais pas comment vous pouvez concilier
cela avec ce que vous venez de me dire.
On nous dit que si Revenu Canada est trop
tatillon, Jules Vernes pourrait être réalisé ailleurs
qu'à Montréal.
Vous ne comprenez pas?
Mme Marie-Josée Corbeil: Non, je ne suis pas sûre d'avoir compris votre question.
Mme Suzanne Tremblay: L'industrie du cinéma craint que Revenu Canada, avec ses nouvelles directives, ne tue sa poule aux oeufs d'or.
Mme Marie-Josée Corbeil: Je comprends maintenant. Malheureusement, je n'ai pas lu l'article auquel vous faites allusion, mais si c'est bien ce à quoi je pense, en fait, on dit qu'il y a des lignes directrices qui ont été émises récemment par Revenu Canada et qui font l'objet de consultations dans l'industrie.
Ces lignes directrices visent à définir la notion d'«investisseur». Actuellement, selon la Loi de l'impôt sur le revenu, à moins que le investisseurs ne soient au nombre des personnes prescrites—il y a seulement quatre catégories—, la production n'est pas admissible au crédit d'impôt fédéral pour les productions canadiennes. C'est le cas d'une production comme Les aventures de Jules Vernes.
Ce qui inquiète énormément l'industrie, c'est le fait que la façon dont ces lignes directrices sont écrites pourraient mettre en péril la façon dont l'industrie fonctionne. Elles rendraient inadmissibles l'ensemble des structures financières qu'on établit. On pense à des ententes normales avec des distributeurs ou avec des radiodiffuseurs.
Donc, c'est une chose qui nous inquiète énormément. Il y a un problème parce que l'on ne retrouve pas, au niveau du crédit d'impôt, les production de service. En effet, ce crédit d'impôt pour les productions étrangères est un crédit basé sur les dépenses de main-d'oeuvre admissibles.
C'est une des raisons pour lesquelles on estime qu'il devrait y avoir abolition de ces règles du crédit d'impôt pour les productions canadiennes. Dans bien des cas, elles nous donnent un rendement à peu près semblable au crédit d'impôt pour les productions de service, et dans d'autres cas, le crédit d'impôt se trouve même inférieur au crédit d'impôt pour les productions de service.
On disait plus tôt que pour les productions québécoises, le taux du crédit est de 6 ou 7 p. 100. Le taux du crédit d'impôt pour les productions de service est de 5 p. 100. Dans le cas des longs métrages québécois en langue française, le taux se situe parfois à 0,5 p. 100. Je pense que c'est ce à quoi on faisait allusion dans l'article dont vous avez pris connaissance.
Mme Suzanne Tremblay: Plusieurs d'entre vous ont fait allusion aux frais de formation, aux bulletins d'information, à l'insertion professionnelle des jeunes, etc. Est-ce dire que vous voudriez qu'il y ait un programme spécial de stages de formation pour que des jeunes puissent être embauchés dans les différents secteurs culturels afin de commencer dans leur profession, un programme qui s'adresse spécifiquement aux jeunes? Pouvez-vous élaborer là-dessus?
M. Jean-Philippe Tabet: Il y a actuellement différentes stratégies pour l'insertion professionnelle des jeunes au Canada, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial. Un point important qui est ressorti de nos recherches, c'est que les jeunes sont très attirés par le secteur culturel. Ils sont très attirés par le côté glamour du secteur culturel. Nous voudrions qu'il y ait des stages d'insertion professionnelle des jeunes pour leur faire prendre mieux conscience des réalités du travail dans le secteur culturel et, en particulier, pour développer des approches de parrainage ou d'apprentissage qui permettent de répondre aussi aux besoins de l'industrie.
Un des domaines qui intéressent beaucoup les jeunes, c'est celui des nouveaux médias. Comme l'industrie des nouveaux médias a besoin de talents créateurs, nous aimerions que le gouvernement favorise un programme qui s'appellerait Jeunesse Canada au travail, si vous voulez, ou Programme de jeunes stagiaires en culture. Il faudrait que ce soit bien explicite, parce que pour l'instant, il y a une série de programmes qui se juxtaposent les uns à côté des autres, mais on n'a pas une approche cohérente et globale. C'est un vrai fouillis et c'est très compliqué, quand on est un jeune, d'essayer de savoir où on peut aller.
• 1940
Comme on l'a tous souligné, on
a besoin, dans toutes nos industries, de développer
cette approche globale, cette approche cohérente.
C'est un des moyens qu'on s'efforce de développer au Conseil
des ressources humaines du secteur culturel.
[Traduction]
Le président: Avez-vous d'autres questions, madame Tremblay?
Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Madame Simonds, vous avez mentionné que le Comité permanent des finances avait présenté quelques recommandations sur lesquelles vous aviez attiré notre attention auparavant et que le ministre des Finances vous avait adressé une lettre vous expliquant pourquoi ces recommandations ne seraient pas retenues dans le budget cette année-là.
Est-ce que je dois en conclure qu'il y a eu incompréhension, en particulier en ce qui concerne la tranche de revenu et le sort des écrivains et des créateurs, parce qu'ils sont au bas de l'échelle des revenus, et que c'est la raison pour laquelle vos préoccupations n'ont pas été entendues?
Mme Merilyn Simonds: C'est ainsi que je l'ai interprété. La lettre du ministre me semblait sous-entendre qu'il ne pensait pas aux travailleurs autonomes à faible revenu, que les mesures qui, selon lui, devaient atténuer les fluctuations de revenu favorisaient seulement les personnes à revenu élevé ou moyen—dans une certaine mesure—et n'étaient d'aucune utilité pour les Canadiens à faible revenu. C'est également la conclusion à laquelle en est arrivé Price Waterhouse. Évidemment, cela touche plus que les membres des milieux de la création, mais comme par hasard la plupart des créateurs se retrouvent dans ce groupe de travailleurs autonomes à faible revenu.
Mme Karen Redman: Vous avez dit au début de votre intervention que votre secteur n'avait pas fait l'objet de nombreuses études. Est-ce qu'il existe des statistiques et des études qui nous aideraient à prendre des décisions éclairées à ce sujet? Est-ce que nous savons combien il en coûterait et combien de personnes seraient touchées par les mesures que vous proposez?
Mme Merilyn Simonds: Non, je ne le crois pas—quelqu'un a peut-être d'autres renseignements. Nous sommes sur le point de commencer cette année une étude sur les revenus des écrivains et la façon dont ces revenus sont constitués, quelle part des revenus provient de matériel protégé par le droit d'auteur. Nous espérons que cela formera une base statistique sur laquelle appuyer notre proposition.
Est-ce que vous avez...?
M. Jean-Philippe Tabet: Il existe une étude, en quelque sorte, que nous avons réalisée sur le revenu moyen des travailleurs de la culture. Je dois toutefois vous dire que parce que nous traitons d'une main-d'oeuvre reconnue depuis peu par les chercheurs des organismes gouvernementaux il nous reste beaucoup à faire dans ce domaine.
Je vais vous donner un exemple. La classification des professions, qui est pratiquement la bible permettant de vous catégoriser lors du recensement, ne reflète pas adéquatement la réalité des travailleurs de la culture, surtout parce que nombre de nos professions sont trop nouvelles ou en devenir et évoluent, mais aussi parce que la façon dont nous nous définissions nous-mêmes est parfois fort différente de la façon dont l'enquêteur consigne l'information.
Il faut donc déployer plus d'efforts du côté de la sensibilisation, et de toute évidence Revenu Canada doit être plus conscient de la réalité de nos membres. Je dois toutefois souligner l'importance du concept de travailleur autonome.
C'est une main-d'oeuvre importante au Canada à l'heure actuelle. Les gouvernements font très peu pour elle, et cette population ne cesse d'augmenter. Elle a énormément augmenté depuis cinq ans. Je n'ai pas de statistiques à vous fournir ici, mais je pourrai vous les transmettre. Nous ne défendons pas seulement les écrivains ou les artistes, mais aussi une partie, un segment en pleine expansion, de la population canadienne.
Nous devons faire quelque chose à ce sujet. Nous parlons de la Loi sur l'assurance-emploi. Nous recommandons que l'un des projets pilotes du gouvernement fédéral porte sur la définition de nouvelles mesures ou de nouveaux moyens pour appuyer la croissance de cette main-d'oeuvre.
Le président: Madame Borgal.
Mme Philippa Borgal: J'aimerais ajouter que Statistique Canada a réalisé une enquête sur la main-d'oeuvre du secteur culturel. Le ministère a utilisé des données de 1993, et l'étude a été publiée en 1995. Comme Merilyn le sait, le rapport révèle que les revenus dans l'ensemble du secteur culturel sont extrêmement bas pour les écrivains ainsi que pour les artistes des arts visuels. À cette époque, les travailleurs des arts visuels déclaraient des revenus annuels moyens de moins de 8 000 $ découlant de leurs activités artistiques.
Il y a donc passablement d'information qui circule au sujet des faibles revenus de ces personnes, mais à d'autres égards nous avons besoin de plus de données.
Le président: Allez-y.
Mme Merilyn Simonds: Le comité pourrait très utilement recommander que l'on procède à de nouvelles études dans ce domaine. La population des travailleurs autonomes est un aspect. Au sein de cette population, dans ce secteur, il faut aussi tenir compte des fluctuations des revenus, et je pense qu'à cet égard les créateurs occupent une place un peu particulière. Ils travaillent pendant de longues périodes pour créer un produit unique. Je pense que c'est une situation tout à fait particulière.
En plus de tout cela, il faut tenir compte de la valeur de ce produit car toute une structure en est tributaire: le livre qui a été pendant huit ans en gestation devient une pièce de théâtre, puis un film, puis une série télévisée—il faut l'espérer. Les industries sont très précairement axées sur cet aspect. S'il devient trop difficile de continuer une activité artistique, cela menace toute la culture dans son ensemble. C'est pourquoi nous espérons sincèrement que le comité pourra se pencher attentivement sur la question.
Le président: Monsieur Stoddart.
M. Jack Stoddart: Je veux aussi soulever la question du grand nombre de créateurs dont le revenu n'est pas déclaré comme revenu canadien. Je songe en particulier au monde de la musique plutôt qu'aux écrivains. La plupart des compositeurs se constituent en société à l'extérieur du pays, et les redevances qu'ils touchent aux États-Unis et dans le monde ne sont jamais déclarées au Canada.
Les déclarations de revenu d'un grand nombre de personnes qui oeuvrent dans certaines industries culturelles, si elles étaient faites à l'échelle mondiale, seraient fort différentes de ce que nous voyons dans les statistiques canadiennes. Il ne s'agit pas uniquement de déterminer les revenus des créateurs au pays. Il faut aussi savoir ce qui est déclaré. Pour des raisons fiscales, dans bien des cas, le revenu n'est pas déclaré au Canada. Il est déclaré ailleurs, et circule dans des structures d'entreprise qui font que l'on ne peut pas le retracer.
J'aimerais que l'industrie de la musique soit représentée ici ce soir, car on y relève des anecdotes absolument extraordinaires sur les pertes de recettes fiscales pour le pays—ce que les Bryan Adam du monde réussissent à ne pas verser au pays en raison de nos structures fiscales qui permettent de détourner ces montants vers l'étranger. Ce n'est pas autant que... Merilyn parle de ceux qui sont tout au bas de l'échelle, mais je crois que tout cela a trait à la même question: le traitement que l'on réserve aux créateurs.
L'Irlande s'y est prise différemment. L'Irlande a déclaré: «Nous accueillons les écrivains à bras ouverts. Nous voulons qu'ils viennent chez nous. Nous allons leur accorder un traitement fiscal favorable parce qu'ils apportent à notre société une contribution très valable.»
Je ne dis pas qu'il faut réduire à zéro le taux d'imposition au Canada, mais nous devrions peut-être consentir aux créateurs de notre société et peut-être aussi aux créateurs étrangers qui vivent ici des taux d'imposition plus favorables. Je suis prêt à parier que le Canada toucherait plus d'impôts si nous fixions un taux d'imposition plus faible pour les créateurs d'oeuvres uniques. C'est une idée tout à fait neuve, tout à fait différente. Nous perdons beaucoup plus que ce qui est déclaré à l'extérieur du pays par les créateurs.
Le président: Madame Redman, nous vous écoutons.
Mme Karen Redman: Je sais, monsieur Stoddart, que vous venez souvent ici, alors quand vous reviendrez l'an prochain si vous avez d'autres solutions à proposer nous en serons ravis.
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: Je voulais simplement faire appel au règlement. En ce qui concerne la demande d'information de Mme Tremblay, je crois que l'information devrait être communiquée au comité plutôt que directement à Mme Tremblay.
Mme Philippa Borgal: Avec plaisir.
M. Roger Gallaway: Merci.
Je n'ai pas beaucoup de questions à poser, mais je crois que ce que nous avons entendu ce soir—du moins selon moi, et peut-être est-ce en raison de l'heure du jour—est un message contradictoire. C'est peut-être parce qu'il est déjà tard.
• 1950
J'ai entendu au sujet de certains aspects de l'industrie des
commentaires marquants. J'ai entendu des demandes de fonds. J'ai
entendu des demandes d'allégement fiscal. Je crois que la plupart
des gens ont beaucoup—je n'aime pas utiliser le mot
«sympathie»—d'admiration envers les travailleurs des industries
culturelles. De bien des façons, je crois que si vous oeuvrez dans
cette industrie au Canada c'est un peu comme entrer dans les
ordres, parce que vous faites voeu de pauvreté.
J'aimerais poser une question d'abord à Mme Borgal. J'essaie de comprendre les divers niveaux de l'industrie et je vais vous donner un exemple. Vous avez soulevé la question du Conseil des arts. Je crois savoir que le Conseil des arts reçoit des fonds du gouvernement du Canada. Il lui incombe ensuite d'évaluer les demandes et de distribuer cet argent. C'est peut-être une opinion simpliste, mais c'est généralement de cette façon que les choses se passent.
On m'a dit l'an dernier que l'orchestre symphonique de Toronto recevait de l'argent, par exemple, mais que le Mendelssohn Choir n'était pas subventionné. L'orchestre symphonique de Toronto reçoit des fonds, mais l'orchestre symphonique de Sault-Sainte-Marie n'en reçoit pas. Pour les Canadiens qui, concrètement, remettent cet argent au gouvernement, cela est très troublant parce que l'on perçoit les arts comme une activité élitiste. Si vous habitez à Toronto, vous pouvez aller entendre l'orchestre symphonique, si le coeur vous en dit. Si vous habitez à Sarnia, comme moi, il y a un orchestre symphonique de calibre international qui ne reçoit pas un sou du Conseil des arts. À Sarnia, vous ne profitez pas des bienfaits de vos impôts, parce que cet argent est canalisé vers deux ou trois grands centres.
Je sais que vous ne représentez pas le Conseil des arts, alors je ne vais pas vous demander d'expliquer les raisons de cet état de chose, mais j'aimerais que vous nous exposiez brièvement vos impressions à ce sujet.
Mme Philippa Borgal: Vous l'avez dit, je ne représente pas le Conseil des arts. La Conférence canadienne des arts n'est pas un organisme de financement, alors ce dont vous parlez ne relève absolument pas de moi. Cependant, en autant que je le sache, le Conseil des arts fait appel à un jury de pairs pour distribuer ces fonds. Chaque demande présentée au Conseil est examinée non seulement par le personnel du Conseil des arts du Canada, mais aussi par des personnes qui oeuvrent dans le domaine. Au fond, ce que vous dites, c'est peut-être qu'il n'y a tout simplement pas assez d'argent pour tout le monde.
J'aimerais pouvoir vous fournir une réponse plus complète, mais je n'ai pas d'expérience dans ce domaine.
Vouliez-vous répondre à cette question, monsieur McAvity?
M. John McAvity: Oui. J'ai mentionné le Conseil des arts dans un contexte différent, mais permettez-moi d'ajouter encore mon grain de sel ici.
J'ai entendu votre commentaire. C'est un aspect qui est souvent soulevé. On le divise fréquemment en deux éléments. Le premier est la nécessité d'un financement pour les orchestres symphoniques ou les compagnies théâtrales, par exemple—c'est-à- dire des institutions par opposition à l'artiste créateur, qu'il s'agisse d'un chanteur, d'un écrivain ou d'un danseur.
Je donne uniquement mon opinion ici, mais je crois que le Conseil des arts accomplit un travail admirable, tout à fait fantastique, pour évaluer les demandes. Le problème vient de ce qu'on attend du Conseil des arts qu'il soit le seul bailleur de fonds des institutions, car les institutions croissent, elles changent. Sarnia a peut-être un orchestre symphonique qui n'est pas subventionné, et dans ce cas le contexte est presque totalement différent.
Dans la communauté muséale, il y a un certain nombre de musées qui s'intéressent à l'art contemporain. Ils sont financés par le Conseil des arts. Mais dès qu'un musée s'intéresse à l'art historique—c'est-à-dire aux oeuvres d'un artiste décédé—il relève du ministère des Communications. Les musées d'histoire naturelle sont aussi du ressort du ministère des Communications. Nous avons une division sur le terrain, et personnellement je crois qu'il est nécessaire de le justifier. Je pense qu'il s'agit d'une division que ma communauté illustre bien et il est peut-être nécessaire que le ministère élabore une approche beaucoup plus concrète et stratégique pour financer la force institutionnelle de notre pays.
Le président: Merci.
Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: Madame McDonald, vous avez expliqué, et je crois qu'en fait vous avez plutôt répété ce que l'on trouve dans le rapport du ministère du Patrimoine canadien, que vous demandiez des ressources supplémentaires pour stimuler la production de longs métrages. Dans le paragraphe suivant, vous signalez qu'il y a une corrélation entre le budget moyen d'un film et les succès de salle, et vous avez indiqué que les recettes commerciales des films canadiens au Canada ont toujours été parmi les plus modestes au monde.
J'aimerais m'arrêter un instant sur cette question. Premièrement, je sais qu'une foule de raisons expliquent sans doute cet état de chose, mais vous pouvez peut-être nous en exposer quelques-unes.
Mme Elizabeth McDonald: Permettez-moi d'abord de préciser que je viens de consacrer beaucoup de temps à une audience publique, à Hull. Quelqu'un a demandé pendant combien de temps il faudrait fournir une aide publique à la télévision canadienne et on lui a répondu «Seulement jusqu'à ce que nous n'ayons plus de frontière commune avec les États-Unis.»
Je crois que c'est encore plus important dans le cas des longs métrages, parce que nous sommes le seul pays ayant en commun une langue, une frontière, des ondes et des cinémas avec le plus important marché du divertissement au monde. De fait, si vous vous tournez vers les États-Unis lorsqu'il n'y a pas de guerre, l'industrie du divertissement est le principal secteur d'activité, et c'est un aspect très important.
Il faut aussi voir ce qui se passe. Au Canada, nous avons accès à quelque 15 p. 100 du marché; 85 p. 100 de ce marché est détenu par nos amis d'outre-frontière. Ces amis ont aussi accès aux vecteurs de la publicité, que ce soit la télévision, les magazines, etc.
J'ai un fils de 18 ans. Quand il va au cinéma, il ne pense pas nécessairement à The Sweet Hereafter. Il a vu ce film et il l'a adoré, mais ce n'était pas son premier choix, parce que nous n'avons pas les fonds pour le diriger vers ce genre de produit.
The Sweet Hereafter est l'un des plus beaux longs métrages canadiens que nous ayons réalisés depuis longtemps, une production d'une valeur incontestable. Nous devrions tous en être fiers. Son budget ne dépassait pas cinq millions de dollars, ce qui est exceptionnel pour un long métrage canadien.
Mais le budget du long métrage américain moyen—et je ne parle pas de Titanic mais de films ordinaires—s'établit à environ 65 millions de dollars pour la production et à environ 30 millions de dollars pour la publicité.
Alors quand vous avez cinq millions de dollars, et c'est pour un produit haut de gamme comme The Sweet Hereafter, et le pourcentage... Je sais qu'à cette époque Alliance avait investi énormément d'argent dans la publicité.
D'autres films de langue anglaise, par exemple The Hanging Garden, qui ont peut-être eu droit à un crédit d'impôt de 2 p. 100 au bout du compte, avaient un budget encore plus modeste. Ce film a fait un malheur au Festival du film de Toronto l'an dernier, il a obtenu le prix du public, ce qui lui a valu beaucoup de publicité. Mais les grands studios américains ont le pouvoir de monopoliser les ondes et le temps d'antenne et ils savent comment rejoindre les publics.
Essentiellement, nous partageons notre marché. Nos enfants et les cinéphiles du vendredi soir, s'ils peuvent trouver une gardienne, connaissent d'abord et avant tout les films américains. Cela n'a rien à voir avec la qualité des longs métrages canadiens; nous nous améliorons sans cesse. Le Violon rouge, qui a été présenté au Festival du film de Toronto, est extraordinaire. Rhombus Media l'a réalisé avec un budget de 15 millions de dollars, mais la plus grande partie de cet argent a été trouvée grâce à une entente de coproduction. C'est un énorme travail que de réunir des fonds de toutes parts, et Danny Iron, qui y est parvenu chez Rhombus, mérite vraiment des félicitations. Une société qui existe depuis 20 ou 25 ans doit encore déployer d'immenses efforts, et la plupart de ces entreprises sont toujours au bord du gouffre.
Il y a donc la question de la publicité. Vous n'avez pas accès à votre marché. Vous avez moins d'argent. Il est très difficile de percer sur les grands marchés.
M. Stoddart a parlé de vendre au marché américain, qu'il a qualifié de fermé. Il est poli. Les Américains n'aiment pas notre accent; ils n'aiment pas notre climat. Ils n'aiment vraiment qu'eux-mêmes.
• 2000
Il y a donc bien des facteurs, et quand on les réunit cela
rend les choses très difficiles. Si nous pouvions réunir les fonds
et établir une stratégie unique, nous avons le pouvoir créateur.
Et s'il est incroyable d'arriver à faire quelque chose au Canada anglais, cela tient du miracle au Canada français. Avec Les Boys, on a vraiment su rejoindre le public. Quand on peut trouver...
Le président: Monsieur Stoddart.
M. Jack Stoddart: J'aimerais aborder cette question moi aussi, parce que la distribution du produit sur le marché est vraiment essentielle.
L'un des aspects où le Canada me semble avoir bien fait les choses dans l'industrie culturelle est celui de l'édition du livre, où nous avons adopté des règles relatives à la propriété. Toutes nos librairies sont de propriété canadienne. Cela ne signifie pas qu'elles sont excellentes ni qu'elles sont parfaites. Il y en a de bonnes et de moins bonnes. Mais les ouvrages d'auteurs canadiens occupent 30 p. 100 du marché. C'est extraordinaire. Lorsque vous songez à la compétition, aux Danielle Steele et aux Jeffrey Archer, etc., nos concitoyens ont le choix. S'ils ne voyaient jamais ces livres sur les rayons, nous n'aurions pas 30 p. 100 du marché. Nous aurions des écrivains canadiens qui seraient honorés partout dans le monde. Évidemment, 99 p. 100 des Américains croient que Margaret Atwood est Américaine. C'est très bien ainsi. Ce qui compte, c'est son oeuvre.
Si nous n'avions pas accès à nos librairies, nous n'occuperions pas cette part du marché. Et je crois qu'une bonne partie du problème dans l'industrie du cinéma vient de ce que l'on ne peut trouver de salle, sans parler des coûts de marketing. Même si l'une des grandes chaînes est, en quelque sorte, de propriété canadienne, la réalité est qu'elle fonctionne comme une chaîne américaine. Il en va ainsi dans le monde des affaires.
La seule industrie qui a vraiment adopté des dispositions relatives à la propriété est celle qui occupe 30 p. 100 du marché avec des produits canadiens signés par des Canadiens. Je pense donc qu'il faut y voir un indice. Je ne sais pas comment vous abordez la chose dans les autres industries, parce que lorsque vous avez perdu votre part du marché il est très difficile de la reprendre. Mais cela fait partie de ce dont nous avons parlé relativement à notre système de crédit d'impôt.
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: Merci, monsieur le président.
Je voulais simplement dire à M. Stoddart que les règles qu'il applique aux librairies nous semblent parallèles à celles en vigueur dans le secteur bancaire au Canada. De toute façon, c'est une autre question.
Mme Elizabeth McDonald: J'aimerais dire que vous avez tout à fait raison, nous conservons de peine et de misère 15 p. 100 du marché. Ce que M. Stoddart a dit est tout à fait juste.
Par ailleurs, à l'heure actuelle, grâce au crédit d'impôt aux services de production, nous sommes absolument débordés par les avantages dont jouissent les sociétés de production américaines. Je comprends que cela stimule l'emploi. Mais lorsque vous considérez la valeur de notre dollar est—et je sais que ce matin il ne pesait pas lourd et que les Américains s'en frottaient les mains—, cela, en soi, constitue un atout incroyable pour travailler avec des équipes extrêmement compétentes, etc.
Ils occupent le marché, ils ont le droit de travailler ici, ils ont droit à des crédits d'impôt, ils peuvent payer les gens avec un dollar dévalué... Nous avons de la difficulté à trouver des travailleurs parce que les équipes canadiennes préfèrent collaborer aux productions américaines, beaucoup plus intéressantes financièrement. Alors nous allons perdre une partie de nos créateurs, ceux qui ne se sont pas encore exilés. C'est l'un des crève-coeur de l'industrie du cinéma à Vancouver et à Montréal.
Le président: Merci.
Monsieur McAvity.
M. John McAvity: J'aimerais faire un bref commentaire au sujet de ces remarques.
Nous avons nous aussi essayé de lancer un projet aux États- Unis. Nous préparons un catalogue de ventes par correspondance pour les musées canadiens. Nous avons un entrepôt central, un centre de commandes et le reste. Nous imprimons ce catalogue à près 400 000 exemplaires et nous le distribuons au Canada. Nous voulions sonder le marché aux États-Unis.
Nous avons fait un essai à partir d'une excellente liste de distribution américaine mais notre catalogue parlait du «Canada», et de «culture canadienne», notre adresse postale se trouvait au Canada et les prix étaient en dollars canadiens, et c'est pour cela que cette tentative n'a rien donné aux États-Unis. Nous avons constaté que ce marché était très compétitif et qu'il était très difficile de s'y introduire. Ce marché est très tentant mais en général, les Américains ne s'intéressent pas beaucoup aux produits culturels canadiens.
Le président: Merci.
Madame Leung.
Mme Sophia Leung: Merci. Ma question s'adresse à Mme Simonds et à M. Stoddart.
Avant d'arriver ici, j'écrivais à temps partiel et je connais un peu les difficultés de la profession. J'ai publié trois livres, deux au Canada et un à l'étranger.
• 2005
J'ai une question pour Merilyn. Pourquoi est-ce que les
auteurs n'ont pas droit à l'AC? Est-ce parce que leurs revenus sont
trop faibles?
Mme Merilyn Simonds: Pour ce qui est de l'assurance-chômage, ou plutôt de l'assurance-emploi, ils parlent maintenant d'assurance-emploi mais je dois dire que c'est très trompeur, il faut Être employé pour pouvoir recevoir des prestations.
Mme Sophia Leung: Les auteurs ne sont pas des employés?
Mme Merilyn Simonds: Je suis une travailleuse indépendante.
Mme Sophia Leung: Quel est le revenu moyen d'un écrivain?
Mme Merilyn Simonds: C'est très difficile à évaluer, et c'est pourquoi nous allons effectuer cette étude. Cela dépend de la méthode de calcul utilisée et de leurs déclarations de revenu mais ce revenu est certainement inférieur à 15 000 $. Je dirais qu'il doit plutôt être d'environ 10 000 $.
Mme Sophia Leung: Cela est très faible.
Mme Merilyn Simonds: Oui, c'est très faible. C'est une moyenne. Cela tient compte des gens qui reçoivent des avances de 100 000 $. Le plus souvent, les droits d'auteur représentent quelques milliers de dollars.
Mme Sophia Leung: Je sais que les livres canadiens coûtent très cher pour l'éditeur et que le marché est très petit. N'y a-t- il pas moyen de réduire les coûts? Je sais qu'il y a des éditeurs qui font imprimer leurs livres en Asie, où l'on fait du travail d'excellente qualité, et qui importent les livres lorsqu'ils sont prêts, comme cela se fait dans le secteur du vêtement. Avez-vous essayé de trouver d'autres façons de lutter contre les coûts?
M. Jack Stoddart: Tout d'abord, si le livre est écrit par un Canadien et que l'on souhaite obtenir une subvention du Conseil des arts du Canada, il n'est pas possible de faire imprimer le livre à l'étranger, sauf s'il n'y a pas d'entreprise canadienne qui puisse le faire. Les éditions de luxe qui coûtent 50 $, 60 $ voire 70 $, sont imprimées à Hong Kong, à Singapour, en Malaisie, etc., parce qu'il existe une énorme différence de coût.
L'édition est un secteur de l'industrie du divertissement. Nous publions un livre, à disons, 10 000 exemplaires. Nous espérons en vendre 40 ou 50 000 avant Noël. Il nous arrive d'en vendre 5 000. Il est très difficile de rééditer un livre rapidement; s'il nous en faut d'un seul coup 10 ou 20 000 de plus, il n'est pas très commode de faire venir la nouvelle édition d'Angleterre, de l'Extrême-Orient, d'Italie, pays qui offrent un excellent service dans ce domaine.
Avec la situation du dollar canadien, les Américains commencent à faire imprimer leurs livres ici parce que cela leur revient beaucoup moins cher. Je n'ai pas vu les chiffres mais en tant que société qui est obligée d'avoir des prix compétitifs par rapport aux livres américains et de faire face à nos autres concurrents... Si l'on faisait une étude, on constaterait que les oeuvres des auteurs canadiens qui sont publiées au Canada coûtent en fait moins cher que les livres américains équivalents, si l'on fait exception des livres de poche comme ceux de Danielle Steele qui sont imprimés à des millions d'exemplaires. Mais je suis convaincu qu'à l'heure actuelle nos livres coûtent moins cher que les livres étrangers. De toute façon, la plupart de nos publications ne sont pas destinées à Être exportées et nous produisons en fait pour le Canada.
C'est peut-être un peu la même chose dans le secteur du film. Lorsqu'on produit un film pour le public canadien, on ne peut pas espérer en vendre des millions de copies dans le monde entier, à moins que cela soit le but fixé au départ. Les éditeurs, les producteurs de musique et de films visent le marché et le public canadiens, pas le monde entier.
Mme Sophia Leung: Merci.
Madame McDonald, j'ai été contente de vous entendre parler de l'avenir du cinéma. Je viens de la Colombie-Britannique, et vous savez que cette province est en train de devenir l'Hollywood du Nord. Bien sûr, on y produit principalement des films américains. Il y avait des incitations fiscales et des abris fiscaux pour attirer les gros investisseurs. Je ne parle pas des petits. Est-ce que tout cela vous aide encore?
Mme Elizabeth McDonald: Le programme de déduction pour amortissement dont vous parlez a été supprimé en 1995. Il a été remplacé par les crédits d'impôt pour les productions de vidéo et c'est de cela dont je parlais. Le gouvernement a pris cette décision parce qu'il a estimé que ce programme avait donné lieu à des abus. On soupçonnait que les intermédiaires, les avocats et les comptables, en bénéficiaient davantage que les producteurs de films et c'est pourquoi l'on a introduit ce programme de crédit d'impôt. En fait, nous avons été mêlés par la suite à ce que je dois appeler la bataille des crédits d'impôt provinciaux. L'Ontario et la Colombie-Britannique se livrent une lutte très vive. Cela est très intéressant à observer.
• 2010
Pour ce qui est de la Colombie-Britannique, une partie du
problème vient du fait que le crédit d'impôt pour les services de
production qu'offrent le gouvernement fédéral et le gouvernement
provincial a fait augmenter la demande de services. Il y a
effectivement des Canadiens qui travaillent dans les studios de
télévision et de cinéma mais les droits d'auteur et l'exploitation
de ces produits n'appartiennent pas aux Canadiens. Ils sont devenus
des producteurs mercenaires. Ils ne créent pas d'oeuvres, les
bénéfices ne vont pas au Canada, mais ils travaillent. Ils
travaillent, ils gagnent de l'argent, et ils ont ainsi l'occasion
de travailler avec des groupes américains importants. Par contre,
on n'a pas donné le même genre d'encouragement aux éléments
créateurs qui existent en Colombie-Britannique.
Il y a maintenant une industrie cinématographique particulièrement dynamique en Colombie-Britannique. Nous avons créé un bureau à Vancouver pour travailler avec ce groupe et veiller à ce qu'il puisse se faire entendre. Ils sont très actifs. Ils déploient beaucoup d'énergie pour produire des longs métrages. Ils participent activement au Conseil consultatif sur les longs métrages. C'est la même chose pour la télévision. En fait, l'une des émissions canadiennes les plus populaires, Cold Squad, vient de Vancouver et elle arrive au premier rang pour les cotes d'écoute, même par rapport aux émissions américaines, dans certaines tranches horaires du réseau CTV.
Les programmes de crédit d'impôt doivent, en théorie, bénéficier aux cinéastes. C'est peut-être à cause de la complexité du programme fédéral... Tout d'abord, il faut attendre longtemps avant de recevoir des fonds, les versements prennent beaucoup de temps. L'autre aspect, c'est que ce programme est très complexe, et je ne suis pas sûr que les comptables aient perdu quoi que ce soit; ils doivent tout simplement utiliser un nouveau programme. C'est donc un problème.
Le programme de crédit d'impôt de la Colombie-Britannique vient tout juste d'être mis en route et vise les services de production. Il a pour but d'inciter les gens à travailler à l'extérieur de la zone, comme ils l'appellent. Ce secteur est donc très dynamique, en Colombie-Britannique, cela est certain. Si le dollar remontait, il n'est toutefois pas sûr que ce niveau d'activité se maintiendrait.
Il y a également le fait, pour ce qui est des services de production, que certains États américains, notamment la Californie, mettent sur pied des programmes pour inciter les Américains à revenir travailler dans leur pays. Il y a le Canada, avec son dollar dévalué comme certains le souhaitent apparemment, et c'est une façon d'attirer les Américains. Le problème est donc fort complexe.
Il y a aussi les investissements. Je me demande toutefois si ces investissements ont vraiment pour effet de créer une industrie ou simplement d'amener des Canadiens à offrir leurs services, c'est là la question.
Mme Sophia Leung: Notre gouvernement a accordé, tout récemment, une grosse subvention à l'industrie cinématographique de la Colombie-Britannique.
Mme Elizabeth McDonald: C'est vrai. Le gouvernement fédéral souhaite effectivement aider l'industrie locale.
Mme Sophia Leung: J'ai une dernière question pour M. McAvity. J'ai fait partie de plusieurs conseils d'administration de musées à Vancouver, de celui de Science World aussi, et je sais qu'il est très difficile de créer un grand musée. Je m'interrogeais sur votre demande. Vous voulez que l'on fasse passer cette somme de 7 à 15 millions de dollars. Nous recevons beaucoup de demandes de subventions. Quoi qu'il en soit, je crois que le traitement fiscal des dons est très favorable, puisqu'il représente 50 p. 100, et que cela dure depuis un moment.
M. John McAvity: C'est exact. Il y a quelques années, le gouvernement a adopté un budget qui comprenait des modifications très importantes destinées à encourager les dons privés. Ces mécanismes sont en place et ils sont utilisés. Il ne s'agit pas de ces aspects particuliers en ce moment. Les sommes dont nous avons parlé viendraient s'ajouter à ce qui existe déjà.
Pour revenir à votre première question, qui portait sur le financement qui était versé en vertu du programme d'aide aux musées, c'est un programme de subventions et de contributions, qui a pour objectif d'aider les musées financièrement. Nous avons été très raisonnables en demandant simplement que ce montant passe 15 millions de dollars. Ce n'est pas une grosse somme mais c'est une mesure concrète qui est je crois réaliste. Vous avez équilibré le budget, les comptes sont en ordre et il est temps de penser à ces aspects qui renforcent le sentiment de fierté des Canadiens.
• 2015
Je connais très bien Science World. Je ne connais pas les
autres institutions pour lesquelles vous avez travaillé mais
Science World est un excellent exemple d'une institution qui
représente plusieurs millions de dollars et qui a été créée...
Mme Sophia Leung: Nous avons toujours besoin d'argent.
M. John McAvity: Vous avez toujours besoin d'argent mais cet organisme a adopté une approche très dynamique, sur le plan économique. Il ne reçoit pas beaucoup de subventions du gouvernement mais il a tout de même reçu des fonds provenant du programme d'aide aux musées et du gouvernement de la Colombie- Britannique. Il a fait beaucoup d'efforts pour augmenter les dons et le parrainage ainsi que les recettes qui viennent de ses points de vente et des loyers qu'il perçoit.
Le président: Merci, madame Leung.
La dernière question s'adresse à Mme Bennett, à moins que madame Tremblay ne souhaite en poser une. Non? Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Je voudrais poser rapidement quelques questions, monsieur le président.
Le président: Je n'ai rien de prévu pour la soirée.
Mme Carolyn Bennett: Je ne peux pas m'empêcher de dire que je trouve honteux que notre loyale opposition n'assiste pas à nos débats, parce qu'elle n'accepte pas qu'il est dans l'intérêt de l'économie et de l'emploi d'investir dans les industries culturelles. Je vais peut-être commencer par cette question qui était destinée à Marie-Josée.
À la page 9 de votre mémoire, dans une note de bas de page, vous citez Statistique Canada, l'impact économique du secteur culturel. Au cours de leur réunion, les ministres de la Culture ont reconnu que l'investissement dans le secteur culturel était l'investissement le plus sûr qu'un gouvernement puisse faire, comme l'a déclaré M. Jackman. Cela veut dire que chaque fois que l'on verse 100 millions de dollars dans ce fonds, vos chiffres sont de... Est-ce bien 625 millions de dollars par année par tranche d'investissement de 100 millions de dollars? Ce sont les chiffres qui ont été mentionnés, je crois... Chaque dollar investi par le gouvernement en rapporte 6 $ ou 7 $ pour l'économie.
Mme Marie-Josée Corbeil: Je vais demander à Mylène de répondre à cette question.
[Français]
Mme Mylène Alder (directrice des affaires juridiques et des relations de travail, Association des producteurs de films et de télévision du Québec): C'est dans le document que vous avez reçu l'année dernière et qui s'intitule
[Traduction]
«Profil de l'industrie canadienne de la production de film et télévision». Ce sont les chiffres de Statistique Canada pour l'année 1996-1997. Dans quelques mois nous allons sans doute avoir les chiffres pour l'année dernière, 1997-1998.
Mme Elizabeth McDonald: En fait, nous allons les annoncer ici à Ottawa le 3 février lors de notre conférence. Je vous remercie de m'avoir permis de placer ce petit rappel.
Mme Carolyn Bennett: Très bien.
Mon autre question s'adresse à Mme McDonald. Les chiffres qu'a cités M. Stoddart au sujet du véritable miracle survenu dans le secteur de l'édition qui occupe près de 30 p. 100 du marché sont fort impressionnants. Pour ce qui est des projections en salle, quel est le pourcentage des longs métrages canadiens?
Mme Elizabeth McDonald: Deux pour cent environ. Le comité consultatif des longs métrages, et vous êtes peut-être au courant M. Bennett, s'est donné comme objectif à long terme de porter ce pourcentage à 10 p. 100 pour les grands films canadiens. C'est un objectif à long terme, très ambitieux.
Mme Carolyn Bennett: Le crédit d'impôt pour les services qui vise aujourd'hui les films étrangers qui sont produits au Canada, je crois qu'il a fait l'objet d'une plainte devant l'OMC parce qu'on nous reproche d'en faire trop pour attirer ces activités. Est-ce possible? Comment avons-nous réussi à le faire?
Mme Elizabeth McDonald: Comment avons-nous réussi à faire accepter le crédit d'impôt pour les services de production?
Mme Carolyn Bennett: Oui.
Mme Elizabeth McDonald: C'est très intéressant. Cela s'est fait en un après-midi. Je dois dire que j'ai été très surprise, tout comme l'APFTQ. Comment est-ce arrivé? Cela s'est fait parce que les grands studios américains ont exercé énormément de pressions. Ils ont également exercé des pressions sur les syndicats et les guildes de cette industrie, et leurs arguments étaient pratiquement irrésistibles. Je sais que les guildes et les syndicats canadiens de ce secteur appuient tous la création de contenu canadien, les droits d'auteur canadiens et le développement de l'industrie canadienne, mais ils ont beaucoup de mal à dire non aux grands studios américains quand ces derniers leur disent qu'ils vont cesser leurs activités ici, s'ils ne les appuient pas. Et c'est ce qu'ils ont dit.
Mme Carolyn Bennett: À combien s'élèvent les crédits d'impôt que nous accordons annuellement au Canada?
Mme Elizabeth McDonald: Le problème est que, et nous avons une étude de Ernst & Young qui examine les différences entre les deux programmes, le crédit d'impôt pour les services de production est tout récent et nous n'avons pas de chiffres.
Mme Carolyn Bennett: J'ai entendu parler de 55 millions de dollars. Cela vous paraît-il...?
Mme Elizabeth McDonald: C'est peut-être exact, c'est une évaluation conservatrice, avec un c minuscule. Ce que nous savons par contre, c'est que ce programme a entraîné un accroissement considérable des activités dans ce domaine.
Mme Carolyn Bennett: Le fait que les sociétés de production de la Colombie-Britannique, que les sociétés de production canadiennes ne peuvent recruter des équipes...
Mme Elizabeth McDonald: Il y a aussi Toronto, et c'est la même chose à Montréal.
Mme Carolyn Bennett: Si l'on avait investi ces 55 millions de dollars dans des productions canadiennes, ces gens auraient bien continué à travailler n'est-ce pas?
Mme Elizabeth McDonald: Absolument, cela est certain, et ils préféreraient de loin travailler dans cet environnement avec des sociétés canadiennes.
Mme Carolyn Bennett: De sorte que si l'on supprimait ce crédit d'impôt et constituait un fonds équivalent pour les films canadiens, les syndicats seraient satisfaits, parce qu'il y aurait encore du travail?
Mme Elizabeth McDonald: Tout à fait. Par contre, il y a un aspect qui ne changerait pas, et c'est l'écart qui favorise notre dollar. Il est très avantageux pour les Américains de travailler avec un dollar qui vaut 65c du leur, dans un environnement où on parle leur langue, qui se trouve dans la zone horaire de New York ou de Los Angeles et où les équipes de production sont excellentes. Je ne pense pas qu'ils sauteraient tous dans leur Mercedes ou dans leur BMW pour rentrer chez eux.
Mme Carolyn Bennett: Compte tenu de la valeur actuelle du dollar canadien, ce serait un bon moment pour le faire.
Mme Elizabeth McDonald: Absolument.
Mme Marie-Josée Corbeil: Permettez-moi d'ajouter quelque chose, le crédit d'impôt pour les services de production de films étrangers a remplacé un abri fiscal qui favorisaient les studios américains. Le but était d'offrir aux studios américains à peu près le même avantage que celui qu'ils obtenaient avec l'ancien abri fiscal. Il serait peut-être difficile de supprimer ce système à cause de l'accord sur le libre-échange. C'est un premier point.
Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de supprimer ce nouveau crédit d'impôt pour les services mais plutôt de veiller à ce que le crédit accordé pour les productions à contenu canadien soit beaucoup plus avantageux que le crédit d'impôt pour les services de production. Dans nos deux mémoires, nous parlons de 8,5, de 6 ou 7 p. 100 au lieu de 5 p. 100. Comme Elizabeth l'a mentionné tout à l'heure, cet écart de 5 p. 100 est une excellente affaire pour les Américains, compte tenu de la faiblesse actuelle de notre dollar.
Mme Carolyn Bennett: Pour ce qui est du programme de garantie pour les musées, qu'est-ce que cela représente en dollars?
M. John McAvity: Zéro. Cela ne coûtera rien au gouvernement fédéral, à part quelques frais d'administration. Il faut, pour cela, que nous réussissions à mettre sur pied un programme de garantie aussi efficace que ceux des autres pays. Cela fait près de 15 ans qu'il existe aux États-Unis un tel programme. Cela leur a permis d'économiser 90 millions de dollars.
Mme Carolyn Bennett: C'est parce que ce genre de programme entraîne une réduction des primes d'assurance payées par les musées.
M. John McAvity: Oui. Il n'y a eu que deux réclamations en 15 ans. Ces deux réclamations portaient sur des montants inférieurs à 100 000 $. C'est ce qui se passe également en Angleterre, en Allemagne, en France, en Norvège, à Singapour, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Nous sommes un des seuls pays à ne pas avoir de programme de ce genre. Ce type de programme est rentable et il facilite le prêt d'oeuvres d'art entre les pays.
Mme Carolyn Bennett: Vous avez parlé tous les trois d'étalement du revenu. J'ai cru comprendre que... vous en avez parlé plusieurs fois et l'on ne vous a pas écouté.
J'aimerais que Merilyn nous dise si la déduction des droits d'auteur vient au second rang? Si vous obteniez l'étalement des revenus...?
J'aimerais que Jean-Philippe me dise, à propos de la suggestion faite par Merilyn, ce qui arriverait aux comédiens et aux danseurs, à ces personnes qui travaillent de façon irrégulière, même s'ils ne sont pas créateurs de la même façon?
Mme Merilyn Simonds: Leurs revenus ne varient pas autant. Ce sont des gens qui sont dans la création qui connaissent ce problème de variation du revenu.
L'étalement des revenus est un excellent projet qui touchera beaucoup de Canadiens. Ce n'est pas un avantage fiscal. M. Gallaway l'a d'ailleurs mentionné, et je tiens à indiquer très clairement que l'étalement du revenu n'a rien à voir avec les allégements fiscaux. Ce mécanisme vise uniquement à remédier à une lacune fondamentale de notre système qui pénalise les Canadiens à faible revenu. Les travailleurs autonomes à faible revenu sont ceux qui paient le plus d'impôt, proportionnellement, au Canada et ce n'est pas équitable.
J'aimerais avoir les deux. La déduction des droits d'auteur est une façon d'appuyer les créateurs canadiens parce que ce sont eux qui génèrent la plus grande partie des activités dans le secteur de la culture.
Mme Carolyn Bennett: Est-ce qu'il y a des droits d'auteur dans les arts visuels?
Mme Merilyn Simonds: Oui, bien sûr, même pour les chorégraphes et les musiciens. La propriété intellectuelle, quelle qu'elle soit, est protégée par le droit d'auteur.
Le président: Madame Borgal.
Mme Philippa Borgal: Je voudrais ajouter à l'autre suggestion qu'a faite Merilyn que, si le ministre des Finances décide effectivement d'examiner la question de l'étalement du revenu, il faudrait que les artistes et les créateurs soient consultés. De cette façon, l'ensemble de la communauté culturelle en profitera, et non pas seulement certaines personnes. C'est un aspect très important de la proposition de Merilyn.
Mme Elizabeth McDonald: J'aimerais ajouter quelque chose. Vous avez dit qu'il était étrange que l'ACPFT, l'employeur, parle au nom de l'ACTRA, qui représente les employés. Je pense toutefois que les acteurs et les actrices ont des revenus qui varient beaucoup et que la plus grande partie de leurs revenus vient bien souvent des pourboires qu'ils reçoivent. Je crois donc qu'ils seraient également favorables à un mécanisme d'étalement du revenu.
M. Jean-Philippe Tabet: Pour revenir à ce dont nous parlons, ce sont des questions qui concernent un secteur où la plupart des gens sont des travailleurs indépendants. C'est pourquoi nous demandons que l'on examine des mesures destinées à aider les travailleurs autonomes, et il y en a de plus en plus.
L'une de ces mesures, sur le plan fiscal, est un mécanisme d'étalement du revenu. Il y a une autre mesure que nous essayons d'obtenir, parce qu'elle est importante pour les travailleurs autonomes, c'est le perfectionnement.
Tout le monde a parlé du fait que les Américains étaient attirés par le Canada. Ce n'est certainement pas à cause du climat, à moins de vouloir tourner The X-Files à Vancouver. Je ne sais pas, cela fait partie du cachet. Mais ils vont retourner à Los Angeles, si j'ai bien compris.
L'essentiel, selon moi, c'est qu'il existe au Canada une main- d'oeuvre très bien formée. L'année dernière, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour préserver le financement des institutions de formation culturelle, pour ne pas qu'elles disparaissent. C'est un peu ce que Jack a dit: une fois qu'il n'y en a plus, il n'y en a plus.
Il faudrait maintenant examiner la situation des travailleurs autonomes et trouver le moyen de les aider à investir dans leur perfectionnement professionnel par le biais, par exemple, d'un régime enregistré de formation permanente. Il ne s'agit pas d'assurance-emploi mais ce serait une façon d'aider les personnes qui se trouvent dans cette situation à préserver les compétences dont elles ont besoin. Cela vaut pour les écrivains et les danseurs. Cela vaut pour les travailleurs indépendants en général. Il n'y a pas que le régime fiscal canadien qui est inéquitable, le système de formation l'est aussi. La plupart des employés ont accès à des programmes de perfectionnement professionnel payés par leur employeur. Ce n'est pas le cas des travailleurs indépendants. Ils doivent y consacrer leur temps et leur argent. C'est pourquoi nous vous demandons de penser à de nouvelles initiatives qui viseraient cette catégorie de travailleurs.
Le président: Merci.
Mme Carolyn Bennett: Je crois que l'ACTRA reçoit des subventions de DRHC pour aider les acteurs à apprendre des accents pour qu'ils puissent jouer dans les films américains, par exemple. Je suis sûre que les acteurs participent également à d'autres activités de perfectionnement.
M. Jean-Philippe Tabet: Cet aspect est très intéressant. C'est un des programmes que les Ressources humaines du domaine culturel ont mis sur pied il y a quelques années. L'idée d'aider les personnes qui travaillent à se perfectionner n'est pas nouvelle. Nous l'avons examinée et nous avons fait un certain nombre de choses. Elizabeth, vous me direz si je me trompe, mais je pense que l'ACPTF et certains producteurs de films travaillent en collaboration avec l'ACTRA pour que les contrats de travail prévoient le versement de contributions à un fonds de formation pour les professionnels.
Mme Elizabeth McDonald: Je préfère ne pas en parler parce que nous allons bientôt entamer les négociations avec l'ACTRA. Le moment ne s'y prête pas.
M. Jean-Philippe Tabet: Je veux simplement dire qu'on a déjà réfléchi à ces choses.
Mme Elizabeth McDonald: Les syndicats, les guildes et les employeurs parlent beaucoup de formation.
Le président: Monsieur McAvity.
M. John McAvity: Je suis frappé par le fait qu'il y ait si peu d'artistes parmi les témoins. À l'exception de Merilyn, la plupart d'entre nous représentons des institutions ou des organismes.
Je sais que cela est mentionné dans le rapport de la Conférence canadienne des arts, mais je crois que cela mérite d'être répété, à savoir que la plupart des organismes nationaux de services pour les artistes ont pratiquement disparu ou ont beaucoup de mal à survivre. Dans mon domaine, celui des arts visuels, l'association nationale n'a pratiquement pas décollé. Elle ne reçoit plus de subventions et ils n'ont personne pour les représenter. La situation l'ACTRA est quelque peu différente. Mais je crois que c'est la même chose dans le domaine de la danse et dans les autres secteurs. C'est un point sur lequel je voulais attirer votre attention parce que je pense qu'il y a un manque et qu'il aurait été bon que vous entendiez ces gens.
Le président: Merci, monsieur McAvity.
Mme Merilyn Simonds: C'est tout à fait exact.
Il y a quelque chose qui n'a pas été dite aujourd'hui, et c'est qu'il est très important que le Conseil des arts continue de recevoir des subventions, et même qu'on les augmente pour que cet organisme puisse de nouveau prévoir des budgets d'opération.
Notre syndicat est uniquement alimenté par nos cotisations. Un écrivain qui gagne 3 000 $ par an verse 100 $ au syndicat. C'est pourquoi notre organisme n'est pas très riche. Nous travaillons tous à titre bénévole et c'est ce qui explique qu'il n'y ait pas davantage d'organismes représentant les créateurs ici. C'est pour cette raison que nous ne pouvons appuyer nos arguments sur des données statistiques, parce que nous n'avons pas les compétences pour le faire, ni les budgets pour les obtenir.
Le président: Madame Borgal.
Mme Philippa Borgal: Comme John McAvity l'a signalé, cela est mentionné dans notre mémoire.
Je tenais à signaler que, si l'on a supprimé les subventions versées à ces organismes, nous avons recommandé que le gouvernement du Canada maintienne le financement accordé au Conseil des arts à son niveau actuel. S'il ne le fait pas, la situation qui est déjà difficile sera bien plus grave dans trois ans. Nous voulons que le Conseil des arts revoie le financement des organismes de services dans le domaine des arts mais il est très important de maintenir le financement du Conseil des arts à son niveau actuel, qui est un niveau renforcé pour cinq ans, et qu'il ne soit pas réduit à la fin de cette période.
Le président: Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Vous avez beaucoup parlé de travailleurs autonomes et d'indépendants à faible revenu. Il n'y en a pas seulement dans le secteur de la culture. Il y en a dans tous les secteurs d'activité de la société. Souhaiteriez-vous qu'on adopte une loi sur le statut de l'artiste, comme au Québec, d'une part?
D'autre part, monsieur Stoddart, parlez-vous un peu de l'industrie du livre du côté des francophones ou si cela couvre seulement la réalité des anglophones?
[Traduction]
M. Jack Stoddart: Tout d'abord, nous communiquons régulièrement avec l'ANEL, qui est l'association des éditeurs de langue française. À part la question des prix, nos positions sont à peu près identiques. Les prix ne concernent que les livres. Nous parlons des auteurs, des éditeurs et des libraires. Les règles ne sont pas tout à fait les mêmes dans ces deux systèmes, notamment la vente au détail, mais à part cela, il n'y a pas beaucoup de différence.
Ils savent ce que nous faisons et ils ont décidé de ne pas assister à la séance de ce soir et ils nous ont demandé de les représenter. Nous avons soigneusement veillé, en particulier lorsque nous travaillons avec le ministère du Patrimoine canadien, tout comme nous le faisons pour les programmes de développement, à ce que ce soit des programmes tripartites, auxquels participent l'ANEL, l'ACP et Patrimoine canadien. Tous les intervenants participent à la discussion.
[Français]
M. Jean-Philippe Tabet: Pour ce qui est de la Loi sur le statut de l'artiste, c'est pour nous un objectif très important. C'est important parce que le secteur culturel au Canada, qui est surtout composé de travailleurs autonomes, n'a pas de représentation au niveau de la législation sur le droit du travail. C'est un des points sur lesquels le Québec a beaucoup avancé. Nous avons maintenant une Loi sur le statut de l'artiste. On n'en a pas dans les autres provinces canadiennes.
Il serait donc très important que les gouvernements provinciaux puissent regarder ces lois sur le statut de l'artiste de façon à pouvoir prendre en compte les réalités du travail culturel. D'ailleurs, on a appuyé cette démarche avec la Conférence canadienne des arts. C'est une de nos priorités, surtout dans le cadre de la loi qui a permis la dévolution de la formation aux provinces.
[Traduction]
Le président: Monsieur McAvity.
M. John McAvity: Il me semble que, lorsque le gouvernement accorde des droits à un secteur, aux artistes par exemple, il est important que les mesures législatives adoptées tiennent compte des répercussions qu'elles peuvent avoir sur les institutions qui emploient ces personnes, si je peux m'exprimer ainsi.
Les musées jouent un peu le rôle d'employeurs et à la suite de la première ronde de négociations sur le droit d'auteur, on a attribué un nouveau droit sans étudier les répercussions financières qu'une telle mesure pouvait avoir; on n'a pas mis en place les mécanismes de financement nécessaires.
Les musées ne sont pas comme des entreprises. Nous ne pouvons pas répercuter ce coût sur les consommateurs. Nous sommes des organismes charitables à but non lucratif et les droits accordés ont parfois des répercussions financières considérables.
Je tenais simplement à dire que je suis tout à fait d'accord pour que l'on accorde ces droits aux artistes mais il faudrait également que le gouvernement prévoie les fonds nécessaires, faute de quoi, cela revient à diminuer les fonds dont disposent des institutions qui ont déjà du mal à survivre. En fait, cela risque même de créer des divisions au sein de la communauté artistique et culturelle, entre ceux qui sont le plus mal en point, alors qu'il faudrait plutôt essayer de collaborer de façon constructive.
Le président: Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Je viens de m'apercevoir que je voulais poser une question à M. Stoddart.
Comment se fait-il qu'avec le programme de manuels scolaires auquel l'Ontario vient d'affecter 100 millions de dollars, nous ayons encore des livres américains dans nos écoles; pouvons-nous faire quelque chose à ce sujet?
M. Jack Stoddart: Au palier fédéral, je ne pense pas. L'Ontario a décidé de modifier les règles du jour au lendemain. Le ministère de l'Éducation n'était même pas au courant. C'était une décision politique.
Cette année, la plupart des manuels étaient canadiens parce que nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour adapter certains programmes américains, mais s'ils changent effectivement les règles, ce programme va connaître une forte croissance. Mais qu'un gouvernement canadien, un gouvernement provincial dans ce cas-ci, ait réagi de cette façon est très bizarre. Cette façon de procéder est très inhabituelle.
Mme Carolyn Bennett: Mais cela a eu pour effet d'avantager les multinationales parce que vous n'avez pas eu suffisamment de temps pour vous adapter aux programmes. Ou est-ce plutôt que vous n'aviez pas suffisamment de livres?
M. Jack Stoddart: C'est bien cela. Ils nous ont donné trois semaines, je crois, pour préparer les manuels pour les nouveaux programmes et pour les leurs soumettre pour approbation. Nous avons eu quatre semaines pour les examiner et les écoles, trois semaines pour les acheter, un processus qui prend normalement un an, ce qui est tout à fait normal. Cette façon de faire est particulièrement stupide.
Le seul effet positif, et c'est une excellente chose... La province de l'Ontario n'a pas acheté de manuel depuis près de 10 ans. La plupart des manuels scolaires remontent à au moins 10 ans, cela est terrible et tout à fait inacceptable.
Mme Carolyn Bennett: Oui. Il y a un livre de mathématiques pour trois enfants.
M. Jack Stoddart: Il y a au moins une chose qui est positive, c'est que, dans certaines disciplines, on a préparé de nouveaux manuels. Cela montre, je crois, que si l'éducation est un sujet provincial, lorsqu'une ou plusieurs provinces prennent tellement de retard que la plupart des manuels ont plus de 10 ans, cela devient un problème qui préoccupe le gouvernement fédéral.
Le président: Merci, madame Bennett.
J'aimerais remercier les témoins au nom du comité. Tous les ans, vous nous apportez le fruit de vos réflexions. Nous sommes très sensibles à votre message, et je crois pouvoir dire que vous nous transmettez ce message de façon très claire. Vous êtes une partie très importante de la société canadienne et la manifestation culturelle de notre identité. Vous ne faites pas qu'enrichir notre esprit et aviver notre fierté nationale; vous enrichissez aussi notre économie grâce à vos efforts. Avec un équilibre aussi heureux, il n'est pas surprenant que notre comité vous ait toujours appuyé.
Au nom des membres du comité, je vous remercie encore une fois.
La séance est levée.