FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 7 octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte et je vous souhaite à tous la bienvenue ce matin.
Comme vous le savez, le comité parcourt le pays pour procéder à des consultations prébudgétaires et il tiendra compte de ce qu'il aura entendu dans ses recommandations à la Chambre des communes et au ministre des Finances qui s'apprête à dresser le budget de 1999.
Nous accueillons aujourd'hui des représentants de la Credit Union Central de la Colombie-Britannique, de la End Legislated Poverty, de la Fédération des francophones de la Colombie- Britannique, de l'Association nationale de la femme et du droit, et du Social Planning Research Council of British Columbia.
Comme bon nombre d'entre vous ont déjà comparu devant le comité, vous savez donc comment nous procédons. Mais pour ceux pour qui c'est la première fois, je dirai que nous vous accordons de cinq à sept minutes pour présenter votre point de vue, après quoi nous entamons une période de questions et réponses.
Nous donnons d'abord la parole au représentant de la Credit Union Central de la Colombie-Britannique, M. Helmut Pastrick.
Soyez le bienvenu.
M. Helmut Pastrick (économiste en chef, Credit Union Central of British Columbia): Merci, bonjour. Je serai bref.
Tout d'abord, merci de nous avoir invités à présenter notre point de vue sur les priorités du prochain budget fédéral.
Concernant l'utilisation du dividende budgétaire, le gouvernement devrait d'abord et avant tout viser à accorder des allégements fiscaux et à réduire la dette. Il est essentiel de réduire les impôts pour que l'économie canadienne soit plus concurrentielle et pour stimuler l'activité économique.
En particulier, les taux d'imposition du revenu, au niveau fédéral, sont trop élevés et représentent le maximum que peuvent payer la plupart des contribuables. Il conviendrait de réduire graduellement les taux d'imposition au cours des prochaines années, et on pourrait l'annoncer déjà dans le budget de 1999.
L'économie canadienne aurait tout à gagner de la mise en oeuvre de taux d'imposition sur le revenu comparables à ceux de notre plus important partenaire commercial, les États-Unis, étant donné que cela permettrait aux citoyens et aux entreprises d'être plus concurrentiels. Sur le marché ouvert et fortement concurrentiel d'aujourd'hui, les pays doivent veiller de près à conserver leurs atouts pour attirer des entrepreneurs et les garder, car ce sont eux les premiers à créer des emplois. De nombreux pays industrialisés réduisent leurs taxes, et le Canada ne peut pas se permettre de ne pas le faire.
L'abaissement des niveaux d'impôt sur le revenu a également ceci d'avantageux: il constitue une sorte de police d'assurance budgétaire advenant une prochaine récession économique ou s'il survenait un autre événement nécessitant une mesure d'encouragement fiscal. S'il devenait nécessaire de hausser les taxes dans ce cas, les contribuables l'accepteraient plus volontiers si le taux d'imposition était plus raisonnable.
Dans la nouvelle économie, il est essentiel que les gouvernements créent un climat favorable pour que les gens et les entreprises se montrent plus productifs et plus concurrentiels. C'est le meilleur moyen de diversifier les possibilités d'emploi. Dans ce monde plus ouvert, il est très important de veiller à la concurrence en ce qui concerne les coûts. Les politiques fiscales constituent de plus en plus un outil de concurrence entre les nations et cette concurrence se poursuivra dans les années qui viennent. Il faut réduire l'impôt sur le revenu des particuliers et l'impôt des sociétés.
Il est également nécessaire que le gouvernement prenne des mesures pour soutenir et développer l'infrastructure physique de base ainsi que l'infrastructure de formation. C'est en réduisant les subventions et le protectionnisme de manière que nos industries puissent livrer concurrence en étant plus productives, en réduisant leurs coûts et en offrant de meilleurs produits et services que nous aurons les meilleures chances de réussir dans ce nouveau contexte.
• 1215
En Colombie-Britannique, nous faisons face à la tâche
particulièrement ardue de diversifier notre économie provinciale
plus rapidement pour qu'elle s'adapte aux nouvelles industries,
pour stimuler une activité économique à valeur ajoutée plus
innovatrice et pour renforcer nos secteurs primaires traditionnels.
Ces nouvelles réalités du XXIe siècle exigeront des gouvernements à l'écoute. Nous comprenons bien que la politique fiscale fédérale ne peut être la solution à tous les problèmes économiques de la Colombie-Britannique. Toutefois, c'est un début de solution. Je le répète, dans la nouvelle conjoncture, on aura à livrer concurrence à ceux qui offrent des taux d'imposition plus attrayants.
En somme, à la longue, l'abaissement des taux d'imposition stimulera l'économie et améliorera la situation de la Colombie- Britannique.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Pastrick.
Nous allons maintenant entendre Linda Moreau de End Legislated Poverty.
Mme Linda Moreau (organisatrice, End Legislated Poverty): Bonjour et merci au comité de permettre à notre organisation de participer à ces consultations.
Nous sommes d'accord avec le Centre canadien de politiques alternatives que vous avez entendu lundi, pour ce qui est des taux d'intérêt en particulier et en ce qui concerne le rétablissement du financement des programmes sociaux et surtout de l'assistance sociale. De façon générale, nous appuyons la recommandation contenue dans le budget fédéral que propose cet organisme.
Je voulais simplement ajouter trois points à ce rapport.
Premièrement, nous fêtons le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le Canada l'a évidemment signée. D'autre part, le Canada a signé la Convention des Nations Unies relative aux droits économiques, sociaux et culturels. Cette année, le Canada doit faire un rapport sur la façon dont ces droits sont respectés dans notre pays.
En 1993, lors de notre dernier rapport, le Comité des Nations Unies sur les droits économiques, culturels et sociaux a dit au Canada qu'il ne semble pas que nous ayons gagné de terrain dans notre bataille contre la pauvreté au cours de la dernière décennie. Le comité s'est inquiété de ce que la moitié des mères célibataires au Canada et un grand nombre d'enfants vivent dans la pauvreté et qu'il n'y ait pas de moyen de veiller à ce que ceux qui dépendent entièrement de l'assistance sociale puissent avoir un revenu qui soit égal ou supérieur au seuil de pauvreté. Il y a des gens qui ont faim au Canada et on a constaté une discrimination assez générale pour le logement à l'égard des gens qui ont des enfants, des assistés sociaux et des faibles revenus ainsi que des gens qui sont endettés. Ce comité a remarqué que bien que ces formes de discrimination soient interdites par la loi dans les provinces canadiennes, cela n'élimine pas le problème.
Nous avons cette année la possibilité, notamment dans le contexte de ce budget, de corriger certaines de ces lacunes honteuses dans nos lois et notre politique. Je vous donnerai deux exemples de ce que l'on peut faire.
D'une part, la prestation fiscale pour enfants est certainement discriminatoire contre les parents et enfants assistés sociaux. Plus de 60 p. 100 des enfants pauvres au Canada n'en tireront rien parce que leurs familles sont assistés sociaux. Cette prestation confirme les stéréotypes des gens à faible revenu méritants et non méritants, à savoir que les gagne-petit semblent être considérés comme méritants alors que les assistés sociaux qui essaient d'élever leurs enfants semblent considérés comme non méritants. Si les assistés sociaux pouvaient bénéficier de cette prestation fiscale pour enfants, cela remédierait déjà un peu au problème.
• 1220
D'autre part, je voulais vous signaler que le Comité de
secours en cas de catastrophe de Toronto demande à tous les paliers
de gouvernement de considérer les sans-abri comme une catastrophe
nationale et de consacrer 1 p. 100 de leur budget au logement et à
d'autres services destinés aux sans-abri.
End Legislated Poverty juge que cela est important et nous espérons que ce budget reflétera non seulement les préoccupations des gens à faible revenu, mais contribuera à une économie forte qui permet de créer des emplois et que nous mettrons fin à la pauvreté due aux lois.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique.
Madame Côté et madame Friolet.
[Français]
Mme Diane Côté (présidente, Fédération des francophones de la Colombie-Britannique): Bonjour. Mesdames et messieurs membres du comité, je vous remercie de l'occasion qui nous est donnée de discuter avec vous des priorités du prochain budget fédéral. C'est la deuxième fois cette année que nous faisons l'expérience de comparaître devant votre comité et nous apprécions l'occasion qui nous est donnée d'engager un dialogue qui, nous l'espérons, vous permettra de mieux saisir l'importance des investissements dans le domaine des langues officielles au Canada.
Je m'appelle Diane Côté et je suis présidente de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique. La directrice générale de notre organisme, Mme Yseult Friolet, m'accompagne.
La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique a 53 ans cette année. Son rôle est de promouvoir, représenter et défendre les droits et intérêts des francophones de la Colombie-Britannique. Nous visons aussi à protéger leur patrimoine linguistique et culturel.
Selon les données du recensement de 1996, près de 61 000 personnes, en Colombie-Britannique, ont le français comme langue maternelle encore parlée et comprise. Nous sommes en fait la troisième communauté francophone hors Québec, en termes de population, après l'Ontario et le Nouveau-Brunswick.
La francophonie canadienne est un atout pour notre pays. Or, précisons que le budget réservé aux programmes d'aide à nos communautés représente 0,02 p. 100 du budget du gouvernement canadien. Ceux et celles qui qualifient ce montant d'excessif ont certes une vision du Canada qui ne correspond pas à celle inscrite dans notre Constitution.
Le Canada a fait un pacte, il y a déjà très longtemps, avec ses peuples fondateurs, les francophones, les anglophones et les peuples autochtones, afin que ceux-ci se sentent chez eux où qu'ils soient dans ce pays. Pour ce faire, au fil des ans, le Canada a fait des choix politiques et budgétaires pour que le pays puisse garder son caractère qui, reconnaissons-le, nous permet de nous distinguer de nos voisins du Sud.
Chaque année, un nouveau budget vient soit réitérer l'engagement du Canada envers nos communautés, soit déterminer de nouveaux défis à relever. Je dois dire qu'au cours des six dernières années, la balance a surtout penché du côté des défis à relever. En effet, chaque année a vu une baisse du niveau de financement des programmes destinés aux minorités de langue officielle.
Deux programmes ont été particulièrement touchés, deux programmes qui jouent un rôle de premier ordre dans le développement et l'épanouissement de nos communautés: le Programme d'appui aux communautés de langue officielle et le Programmes des langues officielles en enseignement, tous deux sous l'égide du ministère du Patrimoine canadien.
En voici quelques exemples. Le budget 1998 du ministre des Finances est venu amputer le budget principal du ministère du Patrimoine canadien de 6,6 p. 100. Cette situation a des répercussions sur l'action de nos organismes. Au pays, l'an dernier, les programmes d'aide à nos communautés ont subi une coupure de 15 p. 100. En Colombie-Britannique, depuis 1993, les sommes destinées au fonctionnement des organismes francophones ont été diminuées de plus de 30 p. 100. Pour ce qui est de l'appui au secteur de l'éducation, l'aide du gouvernement fédéral a été amputée de 21 p. 100, entre 1993 et 1998, en Colombie-Britannique.
Pourtant, cette aide est supposée traduire l'engagement du gouvernement canadien vis-à-vis de l'éducation en milieu minoritaire. Il faut savoir que l'éducation en milieu minoritaire demande des aménagements spécifiques que les gouvernements provinciaux ne sont pas toujours prêts à faire. Les communautés de langue officielle au pays reconnaissent volontiers l'importance du gouvernement fédéral à ce chapitre. Toutefois, les coupures des dernières années mettent en péril l'édification de structures éducatives qui permettent de donner à la jeunesse francophone les outils nécessaires à son développement linguistique et culturel.
• 1225
Votre comité doit reconnaître l'importance d'accorder
au ministère du Patrimoine canadien les crédits
nécessaires afin qu'il puisse assumer son rôle dans ce
domaine.
Les fonds qui nous sont destinés représentent en moyenne moins de la moitié des budgets totaux de nos associations membres, mais ces fonds constituent en quelque sorte l'ossature qui nous amène à nous doter d'outils de développement importants, voire essentiels, pour la réalisation de nos objectifs de développement. L'aide gouvernementale représente un élément très important dans la planification de nos initiatives de développement.
Pour l'année qui vient, nous devons compter sur des fonds adéquats afin de négocier de nouvelles ententes entre le Canada et ces communautés, ententes qui nous permettront d'atteindre nos objectifs de développement, tels qu'inscrits dans notre plan de développement global.
Le ministère du Patrimoine canadien ne peut voir son budget encore une fois réduit en 1999. Dans quelques semaines, nous amorcerons nos discussions avec Patrimoine Canada afin de nos entendre sur un niveau de financement pendant cinq ans. Cette démarche se fera dans chaque province. Nous sommes donc à la croisée des chemins.
Pour que le Canada continue d'être un lieu où les langues officielles ne sont pas qu'un concept théorique, il faut que les choix budgétaires reflètent l'engagement du gouvernement fédéral envers cet élément fondamental de la société canadienne. Tout porte à croire que nous avons tout à gagner de notre bilinguisme officiel.
En 1999, deux événements importants placeront le Canada sous les feux des projecteurs, et le ministre des Finances devra, lui aussi, participer à ces deux grands événements. Ainsi, 1999 marquera le trentième anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Sans aucun doute, ce sera l'heure des bilans et de l'évaluation du chemin parcouru.
L'année 1999 pourra aussi être qualifiée d'année de la Francophonie puisque nous accueillerons la Francophonie internationale à Moncton, au Nouveau-Brunswick, pour le Sommet de la Francophonie.
Un des premiers gestes concrets du gouvernement quant à ses intentions vis-à-vis de la francophonie canadienne sera le dépôt du budget 1999. Votre comité a l'occasion de transmettre au gouvernement un message clair quant à l'importance que doit revêtir la question de l'épanouissement des langues officielles. Vous avez l'occasion de signaler au ministre des Finances son rôle unique quand vient le temps de réitérer aux Canadiens et Canadiennes que la spécificité de notre société est reconnue à tous les échelons du gouvernement.
Nous savons que la ministre du Patrimoine canadien demandera des ressources budgétaires supplémentaires afin de donner aux communautés de langue officielle des moyens d'entrevoir l'avenir avec optimisme.
Nous recommandons que les initiatives présentées par la ministre du Patrimoine canadien soient accueillies favorablement par le Cabinet et qu'on leur attribue les crédits nécessaires à leur réalisation.
Nous recommandons que les budgets consacrés au Programme des langues officielles en enseignement soient augmentés afin que le gouvernement du Canada puisse remplir les engagements qui lui incombent en vertu de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Votre comité doit prendre position sur cette question fondamentale et indiquer que, comme les 60 000 francophones et les 250 000 personnes bilingues de la Colombie-Britannique, le Canada respecte ses engagements envers la dualité linguistique. Nous croyons fermement que ces investissements sont le gage de l'avenir d'un Canada prospère et uni.
Loin de demander que le gouvernement canadien réemprunte la voie des dépenses incontrôlées, nous demandons un geste de reconnaissance à l'endroit de ceux et celles qui permettent au Canada d'être un modèle sur la scène internationale.
Pour reprendre des expressions propres au domaine des finances, ce que nous demandons, c'est un investissement dans le capital humain de la francophonie canadienne. Le dividende que nous en retirerons sera une société respectueuse des différences culturelles et linguistiques qui contribuera à l'épanouissement de notre société canadienne.
Le président: Merci beaucoup, madame Côté.
[Traduction]
Nous entendrons maintenant l'Association nationale de la femme et du droit représentée par la professeure Young et Mme Day. Bienvenue.
Mme Margot E. Young (professeure et membre, Association nationale de la femme et du droit): Merci.
Shelagh Day et moi-même allons prendre la parole pour l'Association nationale de la femme et du droit. Je suis professeure de droit à l'Université de Victoria et Shelagh Day est experte-conseil sur les droits de la personne et l'égalité. Nous sommes l'une et l'autre membres de cette association.
• 1230
L'Association nationale de la femme et du droit, constituée
depuis 1974, est un organisme féministe national à but non
lucratif. Ses membres, plus de 1 000, viennent de tous les coins du
Canada et comprennent des avocats, des professeurs, des juges, des
étudiants en droit et d'autres qui s'intéressent à l'égalité entre
les sexes. En plus de son bureau national, l'Association compte
17 sections locales au Canada.
Shelagh.
Mme Shelagh Day (conseillère spéciale en matière de droits de la personne, Association nationale de la femme et du droit): Merci beaucoup. Nous sommes très heureuses d'être ici ce matin pour vous communiquer notre message le plus important, soit que le prochain budget doit porter en priorité sur ce qui est maintenant devenu un déficit social inquiétant au Canada. Cela est beaucoup plus important que les réductions d'impôt et que la réduction de la dette.
Lorsque la Loi d'exécution du budget a été déposée en 1995, on a convaincu les Canadiens que c'étaient des dépenses sociales trop élevées qui expliquaient le déficit. C'est le message qu'on a communiqué à l'époque. Cependant, aujourd'hui, en fait, tous les économistes soutiennent que ce n'est pas le cas.
Les dépenses sociales ne sont pas à l'origine du déficit. Il a plutôt été causé par des taux d'intérêt trop élevés et par le fort taux de chômage et la croissance économique limitée qui en ont résulté. En fait, on n'a même pas démontré que les réductions de dépenses relatives aux programmes sociaux nous ont en fait permis d'avoir le budget équilibré que nous avons maintenant. Cette situation est plutôt attribuable aux taux d'intérêt plus faibles et à une meilleure croissance économique.
Par conséquent, rien ne démontre clairement que les réductions de dépenses relatives aux programmes sociaux, ces réductions radicales auxquelles nous sommes soumis depuis 1995, sont dans quelque mesure que ce soit à l'origine de l'équilibre budgétaire. Cependant, ces réductions ont créé de graves problèmes sociaux au Canada. Compte tenu du message que nous avons entendu en 1995, les Canadiens s'attendent à ce que lorsque nous aurons un surplus, il soit utilisé pour corriger les problèmes engendrés par ces réductions.
Ce qui nous inquiète particulièrement, c'est que ces réductions ont fortement visé les femmes et les enfants. J'ai été très intéressée de lire dans le Globe and Mail d'hier que M. Martin, lorsqu'il s'est adressé au Comité de développement du Fonds monétaire international à Washington, a dit:
-
Nous avons tous ressenti les effets du bouleversement financier,
mais les économies fragiles des pays les plus pauvres du monde sont
celles qui ont été le plus durement ébranlées. Même si nombre de
ces pays n'ont pas été touchés directement par l'instabilité du
marché des capitaux, ils sont les victimes des effets indirects des
prix plus faibles pour les produits et de la chute de la demande
pour les exportations.
Et voici ce que je veux que vous reteniez:
-
Cependant, les pauvres de ces sociétés, ceux qui sont le moins en
mesure de se protéger, sont les plus grandes victimes. Les femmes
et les enfants, les plus vulnérables, sont les premiers à
ressentir, et ce de la façon la plus dramatique, l'impact des
efforts de rajustement.
-
Cela montre bien le premier vrai message que nous ont communiqué
les récents événements—nous ne pouvons pas ignorer les vraies
conséquences pour la population lorsqu'on lancera un programme
d'aide ou d'intervention. Les répercussions sociales doivent être
reconnues d'entrée de jeu et recevoir la même priorité que la
réponse économique.
M. Martin parle au Fonds monétaire international des pays pauvres. À mon avis, la situation qu'il a décrite s'est produite également au Canada en raison de la restructuration qui s'est déroulée au cours des derniers mois. Les répercussions sociales de la restructuration n'ont pas été prises en compte. Le temps est maintenant venu de corriger le problème.
Ces réductions ont touché plus directement les femmes, et ce pour diverses raisons. Le taux de pauvreté est plus élevé chez les femmes. Ces dernières ont moins accès à de bons emplois. Elles assument le fardeau du travail non rémunéré. C'est pourquoi les femmes ont été les plus durement touchées. Elles ont été plus touchées également par la perte de bons emplois dans le secteur public, les bons emplois que les femmes ont eus traditionnellement dans le secteur de la santé et de l'éducation.
• 1235
Elles ont été touchées par les réductions apportées à l'aide
sociale parce qu'elles sont le plus important groupe de pauvres au
Canada. C'est un fait.
Elles ont été touchées par les réductions apportées aux services sociaux qui sont tout particulièrement importants pour les femmes. Je pense aux réductions apportées aux services de garderies publiques, au financement des abris pour femmes maltraitées, à l'aide familiale dans le domaine du droit de la famille, de l'immigration et des réfugiés plutôt que dans le secteur de l'aide pénale; et aux réductions effectuées dans les services de soins pour les personnes handicapées et ceux qui s'occupent d'elles à la maison. Toutes ces choses ont frappé les femmes très directement, et il s'agit des programmes dont les budgets ont été réduits pendant cette période.
Le TCSPS annoncé dans la Loi d'exécution du budget comportait des caractéristiques qui ont eu un impact marqué sur les femmes. Tout d'abord, on a simplement proposé une réduction des montants des transferts, ce qui a entraîné des réductions dans les services sociaux, comme nous le savons tous. Puis, on a abandonné la formule de partage des coûts moitié-moitié. Cela a donc moins encouragé les provinces à investir dans les services sociaux dont je viens de vous parler. Auparavant, si elles investissaient 50 cents, elles avaient des services qui valaient 1 $ pour les résidents de leur province. Cet encouragement a disparu.
De plus, dans le TCSPS, puisque tout l'argent se trouve dans un transfert unique, aucun montant particulier n'est réservé pour le bien-être social. Cela a permis aux provinces de réduire les fonds réservés à ce programme et nous savons tous qu'elles l'ont fait.
Nous parlons ici d'une question de justice et d'équité. Il y a ici une question de justice sociale. Il y a un déficit au titre de l'équité qui a été créé par les politiques financières du gouvernement au cours des trois dernières années. Il y a une autre raison pour laquelle nous devons nous attaquer à ce déficit social: cela met en péril notre prospérité économique future.
Les gens reconnaissent maintenant qu'il n'y a pas qu'une seule économie. En fait, les gens parlent maintenant de trois économies, celle du marché privé, du secteur public et de la famille, de la collectivité. Chacune de ces économies est très importante si l'on veut générer la richesse au Canada.
L'économie du secteur privé n'est pas indépendante. Elle dépend de l'économie du secteur public pour des services comme ceux offerts dans le domaine de la santé, de l'éducation et de l'infrastructure. Elle dépend de la famille et de la collectivité ainsi que des soins pour tout le travail non rémunéré, qui est accompli principalement par des femmes qui s'occupent des enfants, des personnes âgées et qui sont également des bénévoles. L'économie du secteur privé dépend de ces deux facteurs.
Si nous comprimons l'économie du secteur privé et bouleversons l'économie de la famille et de la collectivité en lui imposant un fardeau trop lourd, à long terme, nous nous retrouverons avec une économie moins saine, ce qui créera des problèmes à long terme.
Que devrait faire le gouvernement maintenant? Quelle est la chose la plus importante à faire? Nous avons plusieurs recommandations.
Tout d'abord, nous croyons qu'il importe, puisque nous avons maintenant un surplus budgétaire, de réinvestir de l'argent dans les paiements de transfert. Nous devrions retourner, dans le domaine de l'éducation, de la santé et du bien-être social, au niveau de financement qui existait avant 1995.
Le gouvernement devrait également se faire le chef de file à nouveau et rétablir des normes nationales pour les programmes sociaux. Nous savons que les provinces exercent des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu'il abandonne ce rôle, mais à notre avis—et je crois que c'est également l'avis de nombre de Canadiens—si nous voulons une certaine uniformité au niveau des programmes sociaux, des services sociaux offerts au Canada, il faut qu'il existe des normes pour tous.
Nous croyons en l'article 36 de la Loi constitutionnelle, autrement dit. Nous croyons que le gouvernement fédéral a un rôle très important à jouer en assurant cela pour tous les Canadiens. Nous vous exhortons à assumer ce rôle.
• 1240
Nous recommandons également qu'il y ait des fonds réservés
pour les services sociaux car ils jouent un rôle important en ce
qui a trait à l'égalité des femmes. Je pense à certaines des choses
que nous avons maintenant perdues—les services de garderies
publiques, l'aide juridique pour le droit familial et bien
d'autres. Il s'agit de choses que j'ai d'ailleurs déjà mentionnées.
Nous recommandons également que, encore une fois, nous établissions des normes pour l'aide sociale au Canada. Certaines des choses qu'on fait dans certaines régions du pays dans ce domaine sont absolument incroyables. Elles sont cruelles. Nous ne devrions pas accepter de telles choses.
Nous vous encourageons également dans le cadre de votre engagement à établir de nouvelles normes pour les programmes sociaux, à inclure dans ces normes un principe d'égalité. C'est très important maintenant. Le gouvernement s'est engagé à l'égalité des sexes, et nous voulons que ce soit là quelque chose de concret, ce qui n'est pas encore le cas.
En fait, des politiques ont été mises en oeuvre par l'entremise des budgets au cours des trois dernières années qui ont nui énormément aux femmes en général. Nous voulons que cette situation soit renversée.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Mme Margot Young: J'aurais quelques commentaires à ajouter.
Le président: Bien sûr, allez-y.
Mme Margot Young: Je voudrais consacrer les dernières minutes de notre exposé à l'utilisation du régime fiscal pour venir en aide aux femmes qui prodiguent des soins.
J'insiste en particulier sur de récentes propositions de crédit d'impôt pour soins et de déduction des frais engagés pour élever un enfant, qui montrent bien la nécessité d'une analyse et d'une mise en oeuvre de programmes visant spécifiquement les femmes. Les recommandations de notre association concernant ces programmes fiscaux mettent l'accent sur la nécessité d'un régime fiscal qui tienne compte de la réalité du travail rémunéré ou non effectué par les femmes. Nous faisons une mise en garde contre l'utilisation des dépenses fiscales comme seule méthode d'application des programmes sur les questions qui entourent le travail non rémunéré des femmes.
Notre association affirme, en s'appuyant sur un grand nombre d'études d'experts, notamment universitaires, que l'utilisation des déductions fiscales pour assurer la distribution des ressources destinées aux soins des enfants constitue une mauvaise utilisation de ces ressources et risque de moins bien servir les objectifs que constitue un système généralisé et accessible de soins pour les enfants.
Les déductions fiscales profitent avant tout aux familles à revenu élevé et ne sont d'aucun intérêt pour les plus nécessiteux, qui n'ont pas suffisamment de revenu imposable pour avoir droit à des déductions. Elles ne favorisent en rien l'augmentation du nombre de places dans des garderies réglementées à but non lucratif, ni la protection des employés de garderies contre les conditions de travail abusives.
En résumé, un programme de déductions fiscales ne saurait tenir lieu de politiques concernant les garderies publiques, et le gouvernement ne peut y recourir pour s'acquitter de sa promesse électorale concernant la mise en oeuvre d'un programme national de garderies.
L'ANFD félicite le gouvernement d'avoir reconnu que les soins non rémunérés prodigués par les femmes ont une valeur économique, mais elle demande instamment au gouvernement de faire en sorte que cette reconnaissance se traduise par des politiques conformes aux objectifs d'égalité des sexes.
Ainsi, l'ANFD approuve la proposition de création d'un nouveau crédit d'impôt au profit des personnes qui résident avec un parent âgé ou infirme et qui s'en occupent, mais elle demande instamment au gouvernement de veiller à ce que ce crédit d'impôt soit mis en oeuvre de façon à promouvoir l'égalité des femmes.
Le crédit d'impôt devrait nécessairement présenter trois caractéristiques essentielles du point de vue de l'égalité des sexes, lesquelles s'appliquent également aux autres programmes de dépenses fiscales.
Tout d'abord, le crédit devrait être accordé directement à la personne qui prodigue des soins et on devrait présumer, sauf preuve du contraire, qu'au sein de l'unité familiale, cette personne est la femme.
Deuxièmement, une personne qui prodigue des soins devrait avoir droit au crédit indépendamment de ses autres sources de revenu. Le phénomène de la double journée de travail des femmes, qui est bien documenté par la recherche en sciences sociales, nous indique que les femmes sont principalement responsables des soins prodigués à la famille même lorsqu'elles travaillent à plein temps.
Troisièmement, le crédit doit être remboursable, de façon que les ménagères à plein temps et à faible revenu puissent en profiter. Un crédit non remboursable n'est d'aucune utilité pour une personne à revenu modeste ou nul, qui n'a aucun revenu imposable sur lequel elle puisse imputer ce crédit. Il faut donc que ce crédit soit remboursable si l'on veut qu'il puisse profiter aux personnes qui prodiguent des soins.
Le recours au régime fiscal pour accorder des avantages fiscaux relatifs aux régimes privés de retraite pose d'autres problèmes. Nous n'avons pas le temps d'en parler maintenant, mais j'aimerais attirer l'attention des membres du comité sur cet élément de notre mémoire et sur la nature problématique d'un tel programme de dépenses fiscales pour les femmes.
• 1245
En conclusion, l'ANFD demande instamment au gouvernement
d'adopter des principes d'égalité des sexes qui serviront de base
à l'élaboration des politiques concernant le travail non rémunéré
des femmes et le financement des garderies. Le gouvernement doit
être sensible au risque d'effet discriminatoire de la politique
fiscale à l'égard des femmes, en particulier des femmes à faible
revenu.
Notre mémoire et notre exposé d'aujourd'hui énoncent certains de ces principes d'égalité des sexes que nous invitons le gouvernement à adopter, de façon que ses politiques et ses choix budgétaires favorisent l'égalité des sexes dans les domaines tant publics que privés.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins pour la qualité de leurs exposés, pour le travail qu'ils y ont consacré et pour leur présence parmi nous aujourd'hui.
Ils ont abordé de nombreuses questions selon des perspectives différentes, mais j'aimerais revenir au dernier argument de Mme Young concernant un régime fiscal plus équitable pour les personnes qui prodiguent des soins chez elles.
Est-ce que votre association souhaite que l'on transforme l'actuelle déduction fiscale des frais de garderie en un crédit remboursable destiné à la personne qui prodigue des soins? Est-ce cela que vous proposez?
Mme Margot Young: En fait, j'ai parlé de deux programmes différents. Il y a tout d'abord la déduction des frais de garderie que l'on peut utiliser pour récupérer une partie de l'argent consacré aux services de garderie, à une gardienne, à un camp d'été, à un internat, etc. L'autre programme concerne un ensemble de dépenses fiscales qui équivalent à un crédit pour les personnes qui prennent soin d'un parent âgé ou infirme résidant chez elles. Ce sont deux programmes différents.
M. Jason Kenney: Mais qu'en est-il des enfants?
Mme Margot Young: Le crédit pour soins ne s'applique pas aux soins prodigués par les femmes à leurs enfants. Il ne peut s'agir que d'une personne âgée ou infirme. Il vise donc, par exemple, une femme qui s'occupe d'un parent infirme et qui lui prodigue des soins. Voilà un exemple de soins non reconnus prodigués par les femmes dans le cadre de l'économie des soins, comme l'a expliqué Mme Day.
M. Jason Kenney: J'ai peut-être mal compris. Je vais essayer de préciser ma question.
Parmi les soins non reconnus prodigués par les femmes et par certains hommes en milieu familial, on trouve aussi les soins aux enfants. Actuellement, le régime fiscal prévoit la déductibilité des frais de garderie sur présentation d'une facture, mais il ne reconnaît pas les services assurés par le parent qui renonce à un deuxième revenu familial pour s'occuper des enfants à la maison.
Souhaitez-vous que l'on modifie le régime fiscal de façon à transformer la déductibilité des frais de garderie en un crédit remboursable lorsque les enfants sont gardés à la maison?
Mme Margot Young: Non; de façon générale, je peux dire que l'ANFD aurait plusieurs réserves à formuler à l'endroit d'une telle solution.
Tout d'abord, nous nous préoccupons du recours aux dépenses fiscales comme seul mode d'application d'un programme national pour reconnaître les soins non rémunérés actuellement prodigués par les femmes à leurs enfants. Les préoccupations que j'ai exposées concernant les frais de garde déductibles s'appliquent également à certaines formes de programmes fiscaux qui accorderaient une rémunération ou un revenu aux femmes qui s'occupent de leurs enfants chez elles.
Je crois qu'il est véritablement dangereux d'utiliser les déductions fiscales dans les programmes destinés aux activités de ce genre.
M. Jason Kenney: Je ne propose pas un crédit remboursable. Je vous demande simplement pourquoi on ne pourrait pas utiliser le même mécanisme... La Chambre des communes est actuellement saisie d'une proposition d'un de nos collègues, M. Paul Szabo, qui vise à accorder un crédit remboursable aux personnes qui s'occupent d'enfants ou de personnes âgées ou infirmes. Pourquoi ne pourrait- on pas appliquer aux enfants dont les femmes s'occupent à la maison les principes que vous proposez pour les personnes âgées ou infirmes? Quelle distinction faut-il faire?
Mme Shelagh Day: Ce qui nous inquiète, c'est la façon dont on appliquerait un tel programme. Je sais que c'est ce qu'on a proposé. Nous en sommes parfaitement conscientes. Mais on peut envisager des modalités de mise en oeuvre qui, à notre avis, ne feraient qu'exacerber les inégalités entre hommes et femmes, au lieu de les atténuer. Les modalités d'application de cette proposition sont d'une importance capitale.
• 1250
Il semblerait, par exemple, que la proposition de M. Szabo
prévoie un fractionnement du revenu.
M. Jason Kenney: Il a plusieurs propositions, dont celle-là, effectivement.
Mme Shelagh Day: Bien.
M. Jason Kenney: En fait, je n'en suis pas sûr. Il y a eu un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par un député réformiste au cours de la dernière législature.
Mais allez-y.
Mme Shelagh Day: D'accord.
Si l'on opte pour le fractionnement du revenu, c'est l'homme qui risque de recevoir le crédit. On suppose que d'une façon ou d'une autre, la femme qui ne gagne aucun revenu va avoir accès au supplément de revenu dont bénéficiera l'homme grâce à ce crédit, mais rien ne permet de penser que les choses se passeront forcément de cette façon. À notre avis, cette formule n'accorde donc aucun avantage direct aux femmes qui font concrètement le travail.
Ce qui nous inquiète, ce sont les modalités d'application d'un tel programme. Comme nous l'avons dit, il peut être appliqué d'une façon qui va profiter aux hommes à revenu élevé, dont la femme reste à la maison, et il risque de dissuader les femmes de la nécessité d'avoir des revenus autonomes, c'est-à-dire qu'il ne favorisera pas l'égalité des sexes.
Nous pensons qu'il est possible d'organiser un tel programme de façon à reconnaître le travail non rémunéré des femmes mais tout dépend de la façon dont on procédera. Nous avons énoncé des principes qui, à notre avis, devraient s'appliquer à tous les programmes de ce genre où il est question de travail non rémunéré. Les crédits devraient être accordés directement aux femmes, comme nous l'avons dit, sous réserve de preuves indiquant que les soins sont prodigués par l'homme. On doit impérativement reconnaître que les femmes qui effectuent un travail rémunéré devraient également recevoir ce crédit; on ne peut se contenter de nous renvoyer à l'image traditionnelle, désuète et non réaliste de la famille, où l'homme est soutien de famille et où la femme reste à la maison.
M. Jason Kenny: Vous allez au fond des choses, n'est-ce pas? Mais il me semble qu'il y a des millions de Canadiens et de Canadiennes qui renoncent à un deuxième revenu pour rester à la maison et s'occuper de jeunes enfants. Je le sais. C'est un fait incontestable.
Un tel choix est-il irréaliste de leur part? La société ne devrait-elle pas permettre un tel choix? Pourquoi faudrait-il faire de la discrimination en faveur des familles à double revenu qui sont plus à l'aise, qui peuvent déduire les frais de garderie, au détriment des familles qui font le sacrifice d'élever les enfants à la maison, estimant agir ainsi dans l'intérêt de leurs enfants? Pourquoi favorisez-vous une telle inégalité?
Mme Shelagh Day: Nous disons que les programmes doivent être conçus de façon à favoriser un tel choix...
M. Jason Kenney: Bien.
Mme Shelagh Day: ...et non pas de façon à privilégier un modèle de...
M. Jason Kenney: Mais vous avez dit qu'à votre avis, le choix qui consiste à travailler à l'extérieur en confiant la garde des enfants à une tierce partie rémunérée est préférable à la solution dans laquelle l'un des parents renonce à un deuxième revenu pour élever les enfants à la maison.
Mme Shelagh Day: Non, ce n'est pas ce que je pense.
M. Jason Kenney: D'accord.
Mme Shelagh Day: Je pense qu'il est très important, en particulier pour les femmes, de pouvoir choisir, mais les modalités d'application d'un tel programme sont tout aussi importantes. Pour les femmes, ce choix est toujours extrêmement difficile, et il ne faut pas... Les femmes ne sont pas sur un pied d'égalité avec les hommes face à l'économie de marché, puisqu'elles assument toujours ce que nous considérons comme un fardeau, à savoir les soins non rémunérés qu'elles prodiguent, n'est-ce pas? Elles n'ont donc pas les mêmes facilités d'accès à des activités rémunérées.
Voilà un élément dont il faut tenir compte: les hommes et les femmes ne sont pas sur un pied d'égalité en ce qui concerne l'accès à un revenu de travail, et il ne faut pas mettre en place un programme susceptible d'accentuer cette inégalité.
Mme Margot Young: Permettez-moi d'ajouter quelques commentaires.
Il me semble important de dire que bon nombre de femmes ne peuvent choisir de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants. Nous connaissons bien quels sont les taux de pauvreté au Canada. Ils sont déjà élevés, et ils le seraient bien davantage si bon nombre de ménages canadiens ne bénéficiaient pas du deuxième revenu que contribuent les femmes.
M. Jason Kenney: Oui, mais si elles avaient accès à un crédit remboursable, cette possibilité serait davantage à leur portée, n'est-ce pas?
Mme Margot Young: En effet, et je tiens à répéter que cela dépend des modalités qui caractérisent un tel crédit. Ce sont là des détails tout à fait cruciaux. C'est ce que je tentais de montrer en énumérant les caractéristiques que devrait avoir le crédit destiné à la dispensatrice de soins pour qu'il soit jugé utile par les femmes qui en ont besoin.
L'Association nationale de la femme et du droit est tout à fait favorable à la reconnaissance du travail non rémunéré qu'effectuent les femmes à la maison mais, en principe, nous respectons non seulement les femmes qui décident de rester à la maison et de s'occuper de leurs enfants mais aussi celles qui décident de participer au marché du travail ou qui n'ont d'autre choix que celui d'y participer en raison de la situation économique de leur famille.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kenney.
Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): J'aimerais d'abord remercier les gens d'avoir participé à cet exercice aujourd'hui. C'est toujours important d'entendre le point de vue de chacun de vos organismes afin que le Comité des finances soit mieux éclairé pour formuler les recommandations voulues.
J'aurais quelques questions pour la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique. Vous dites avoir amorcé des négociations avec la ministre du Patrimoine canadien pour faire comprendre que les budgets consacrés aux programmes des langues officielles doivent être augmentés. Est-ce que vous avez mentionné de quel ordre devaient être ces augmentations? Est-ce que vous avez parlé de pourcentage, de montants d'argent?
Mme Diane Côté: Dans la recommandation, nous n'avons pas parlé de pourcentage ou de montants. En ce moment, les communautés francophones dans tout le pays sont à chiffrer très précisément leurs besoins dans des plans de développement global étalés sur cinq ans. Maintenant, il y a des chiffres qui sont connus. On sait qu'avec l'avènement de la gestion scolaire, par exemple... On parle notamment du programme d'appui à l'éducation et des transferts fédéraux-provinciaux.
On sait qu'ici, en Colombie-Britannique, c'est une étape qui ne fait que débuter. Notre conseil scolaire est très jeune et doit mettre en place un plan d'immobilisation qui est tout nouveau et qui doit fournir des écoles à nos jeunes francophones de Colombie-Britannique. Le conseil scolaire a évalué ses besoins, pour les cinq prochaine années, à 30 000 $. En ce qui concerne l'ensemble de la communauté francophone de Colombie-Britannique, selon notre plan de développement global, nos besoins pour les cinq prochaines années peuvent être évalués à près de 12 millions de dollars.
M. Odina Desrochers: Est-ce que les coupures que vous avez subies récemment ont entraîné une diminution des services offerts à votre communauté?
Mme Diane Côté: Certainement, et surtout dans le domaine de l'éducation. L'impact s'est fait sentir sur les possibilités de croissance. En ce moment, nous voulons et nous devons, avec l'avènement du conseil scolaire et le nombre de plus en plus élevé de jeunes qui vont terminer leur cours secondaire en français, travailler à mettre sur pied un système postsecondaire ici, en Colombie-Britannique. Nous devons mettre sur pied, pas nécessairement un système universitaire, mais un système postsecondaire en accord avec les besoins et les moyens de la Colombie-Britannique. Ce sont des choses qu'il est impossible d'organiser en ce moment. Nous avons fait un travail préliminaire, mais les coupures budgétaires ne nous permettent pas d'aller plus loin dans ce dossier.
Quant aux coupures subies par les organismes francophones ici, en Colombie-Britannique, au cours des dernières années, elles ont été énormes dans les budgets de programmation, ce qui fait que nos associations ont dû travailler extrêmement fort pour rebâtir les services qu'elles offraient à leurs membres.
On a réussi, grâce à certains projets, à compenser dans une certaine mesure certaines de ces sommes. Par ailleurs, vous savez très bien que quand on travaille à l'élaboration et à la présentation de projets, à leur promotion auprès du public et à la recherche de commanditaires—ce à quoi 50 p. 100 des budgets sont consacrés, comme on le dit dans le mémoire—, il ne reste plus de temps à consacrer aux membres. C'est un peu le cercle vicieux qui fait dire aux organismes qu'il est extrêmement important qu'ils aient un fonds de base qui leur permette de fonctionner et d'aller plus loin dans les services qu'ils offrent.
M. Odina Desrochers: Est-ce que le gouvernement provincial appuie votre action?
Mme Diane Côté: Ici, en Colombie-Britannique, pas du tout. Le gouvernement provincial a toujours opposé une fin de non-recevoir à toutes nos démarches.
M. Odina Desrochers: J'ai une autre question à vous poser.
• 1300
Les montants que vous recevez au prorata de la
population que vous représentez sont-ils
aussi importants que ceux qui sont versés présentement
à Alliance Québec, au Québec?
Mme Diane Côté: Je ne suis pas au courant de ce qu'Alliance Québec reçoit. Nous avions fait un calcul pour la dernière entente Canada-communautés, signée en mars 1996, permettant de nous comparer aux autres provinces de l'Ouest. Nous avons évidemment comparé ce qui se passe dans le milieu de la francophonie. À ce moment-là, la Colombie-Britannique était bien en-dessous de la norme appliquée dans les autres provinces de l'Ouest.
Nous avons pu récupérer une certaine somme, mais nous ne sommes pas encore à égalité ou à un niveau équitable.
M. Odina Desrochers: Lorsque vous parlez de comparaison par rapport au Manitoba, par exemple, vous dites que votre province est quand même...
Mme Diane Côté: Oui. En ce moment, la moyenne dans les autres provinces de l'Ouest est d'environ 30 $ par personne. En Colombie-Britannique, elle est toujours de 19 $.
M. Odina Desrochers: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
[Traduction]
Monsieur Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Les exposés de ce matin ont été fort intéressants. Il est évident qu'ils s'appuient sur une longue réflexion.
J'ai trois ou quatre questions à poser. J'adresserai ma première à Helmut.
Je vous prierai tout d'abord, Helmut, de ne pas prêter à ma question un sens qu'elle n'a pas. Évidemment, je me rends compte que vous représentez une organisation qui a des recommandations précises à formuler en matière de réduction d'impôt et de réduction de la dette, aspects jugés prioritaires. Diverses autres demandes nous sont faites autour de cette table. À l'heure actuelle, 1,4 million d'enfants vivent dans la pauvreté parce que leurs parents vivent eux-mêmes dans la pauvreté. Le maire de Vancouver nous a parlé de milliers de personnes qui sont sans abri dans cette ville et qui n'ont donc aucun endroit où habiter. On peut en dire autant de toutes les villes du pays. Il y a par ailleurs une crise d'une certaine ampleur dans le secteur des soins de santé—en matière de soins aux personnes âgées, de garde d'enfants, d'assurance-médicaments, de soins à domicile—et une crise dans le secteur de l'éducation à cause d'un financement insuffisant des nouveaux programmes, de la R-D.
Ainsi, je vous prie de bien comprendre le sens de ma question lorsque je vous demande si vous nous laissez entendre que nous devrions tout simplement faire abstraction de tout cela et consentir en priorité une réduction d'impôt tout en remboursant une partie de la dette?
M. Helmut Pastrick: En bref, je vous répondrai par la négative.
M. Nelson Riis: D'accord.
M. Helmut Pastrick: Je ne crois pas que nous puissions faire abstraction d'autres besoins légitimes qui existent dans notre société. Mon exposé visait un aspect assez précis. La science économique n'a pas réponse à toutes les questions d'ordre social. On peut cependant dire, en règle générale, que toute amélioration des résultats sur le plan économique tend également à réduire les besoins sociaux.
M. Nelson Riis: Je le comprends fort bien. Je tenais tout simplement à vous faire préciser ce que j'avais cru comprendre, à savoir que même si, comme d'autres, vous préconisez certaines solutions, vous n'êtes pas par contre insensible au fait que, à l'heure actuelle, des milliers de personnes ne savent pas où elles vont se loger l'hiver qui prochain.
M. Helmut Pastrick: J'en suis tout à fait conscient.
M. Nelson Riis: D'accord. Fort bien.
J'ai maintenant une question adressée à la professeure Young et à Mme Day. Il n'a pas été question d'équité salariale. Je serais bien curieux de savoir, madame Young, quelles seraient vos observations sur cette question.
Dans votre cas, madame Day, vous avez très bien fait valoir la notion de déficit social et fait senti la douleur causée dans la société par certaines compressions. Nous sommes, me semble-t-il devant un dilemme...
Vous avez certainement appris aux nouvelles hier que les quatre partis fédéraux d'opposition avaient fait front commun, probablement pour la première fois dans l'histoire, pour demander au ministre des Finances de ne pas affecter les surplus du fonds de l'assurance-emploi à autre chose qu'à l'aide aux personnes ayant perdu leur emploi ou à des mesures destinées aux cotisants du fonds.
Donc, je pense que si on agissait ainsi, comme les partis d'opposition le réclament, il n'y aurait pas de surplus; car c'est le surplus. Le surplus est le surplus du fonds de la caisse d'assurance-emploi.
• 1305
Si vous étiez à notre place, que feriez-vous, étant donné que
vous ne faites pas partie des milieux politiques, en un sens? Parce
que j'ai vraiment l'impression que c'est un dilemme auquel nous
allons devoir faire face probablement la semaine prochaine.
Ma dernière question, monsieur le président, s'adresse à Linda qui nous a rappelé certaines circonstances affligeantes, surtout en ce qui concerne les plus pauvres parmi les pauvres au Canada.
Que pensez-vous des nouvelles entendues hier à propos du Conseil canadien des chefs d'entreprise qui propose que le gouvernement fédéral accorde la plus grande priorité à l'octroi d'allégements fiscaux à ceux qui gagnent plus de 100 000 $?
C'est une question un peu de pure forme, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le président: Professeure Young.
Mme Margot Young: Je vais d'abord répondre à la question concernant la parité salariale. J'ai deux arguments à présenter à cet égard d'abord en ce qui concerne la décision récente du gouvernement de faire appel de la décision rendue par le tribunal en matière de parité salariale dans la cause présentée par l'Alliance de la fonction publique du Canada.
Je trouve cette décision consternante. Notre association est énormément déçue et dégoûtée de constater que le gouvernement fédéral a manqué à ses obligations, tant en ce qui concerne l'engagement ferme qu'il avait pris en matière de parité salariale au moment où le Parti libéral formait l'opposition, parce qu'il concerne son obligation en tant que gouvernement fédéral de montrer la voie.
Le tribunal a qualifié la parité salariale de droit de la personne en indiquant qu'il s'agit d'une caractéristique importante du statut des femmes dans la société. La pauvreté qui frappe les femmes d'une façon disproportionnée dans la société canadienne est attribuable au statut de la femme sur le marché du travail qui s'explique en majeure partie par le fait que les femmes ne reçoivent pas un salaire égal à celui des hommes dans des situations de travail comparables. C'est pourquoi je pense qu'il faudrait presser le gouvernement de ne pas faire appel de la décision et de verser aux femmes l'argent qu'il leur doit. C'est de l'argent auquel elles ont droit après avoir été sous-payées pendant les 13 ou 14 dernières années.
Deuxièmement, de façon plus générale, je considère que le principe de la parité salariale est important. Ici encore, le gouvernement devrait montrer la voie en s'assurant que cette condition essentielle de l'égalité des femmes est une caractéristique de sa participation au marché du travail et de la participation des organisations qui relèvent de sa compétence en vertu de la Constitution.
Je ne sais pas si j'ai répondu à tous les aspects de votre question, mais je suis disposée à répondre à d'autres questions s'il y en a d'autres dont vous aimeriez parler.
Mme Shelagh Day: J'aimerais ajouter quelques commentaires.
Si le gouvernement fédéral a fait appel, c'est apparemment parce qu'il y a des questions de droit dont il faut traiter. Les questions de droit sont soulevées dans deux décisions, l'une de M. Muldoon et l'une concernant le SEPQA.
En fait, ces décisions ne constituent pas vraiment un fondement très valable pour un appel. Si vous les examinez attentivement, vous constaterez que ce sont des décisions peu convaincantes à cet égard. Car, pour quiconque connaît assez bien les droits de la personne, il est très difficile de voir sur quoi s'appuie réellement le gouvernement pour dire qu'il existe d'importantes questions juridiques à résoudre. Cela rend la situation d'autant plus grave.
De plus, on nous dit depuis des années que des fonds ont été réservés expressément pour assurer la parité salariale aux femmes lorsque le tribunal aurait rendu une décision à cet égard. Le gouvernement n'a cessé de nous dire oui, nous nous en occupons; oui, nous assumons nos responsabilités; oui, nous nous assurons que des sommes sont réservées expressément à cette fin. Puis, lorsque la décision est rendue, nous les entendons alors dire, eh bien, vous savez si nous donnons cet argent aux femmes, nous ne pourrons pas consacrer de l'argent aux soins de santé.
Je trouve cela absolument aberrant parce qu'en fait non seulement on ne verse pas aux femmes le salaire qu'on leur doit bel et bien, mais on prétend également que pour augmenter les dépenses dans le domaine de la santé, il faudrait que les femmes payent une taxe. Donc c'est encore les femmes qui devraient en porter le fardeau alors qu'elles ont dû déjà assumer le fardeau des coupures dans le domaine de la santé.
• 1310
C'est donc une décision très irrespectueuse qui a été prise,
et que les Canadiennes ont beaucoup de mal à accepter.
En ce qui concerne le dilemme de l'assurance-emploi. Je comprends très bien l'opinion des partis d'opposition à propos des fonds d'assurance-emploi car il a toujours été entendu qu'il s'agissait d'un régime d'assurance auquel cotisaient les employeurs et les employés et qu'il devait expressément servir à venir en aide aux chômeurs. Depuis l'entrée en vigueur du programme, les Canadiens avaient compris qu'il s'agissait d'un programme auquel il ne fallait pas toucher.
Ce qui est malheureux, à notre avis, c'est que l'une des raisons pour lesquelles la caisse d'assurance-emploi affiche maintenant cet énorme excédent, c'est que nous avons réduit de façon tellement draconienne les prestations que nous nous trouvons en fait à faire de l'argent précisément sur le dos des employés qui ont besoin de cet argent et qui n'en voient pas la couleur.
Nous soutenons également que les nouvelles exigences en matière d'admissibilité nuisent particulièrement aux femmes parce que les femmes, plus que les hommes, travaillent à temps partiel et parce que la présence des femmes sur le marché du travail est plus intermittente. Parce que les exigences en matière d'admissibilité ont été resserrées, les femmes subissent le gros de ces changements également.
J'aimerais donc dire tout d'abord que nous aimerions qu'on assouplisse à nouveau ces exigences en matière d'admissibilité afin que l'excédent de la caisse d'assurance-emploi soit utilisé pour ceux qui sont au chômage et qui ont besoin de cet argent. Je pense qu'il serait inadmissible de verser simplement cet argent dans les recettes générales.
J'irais même encore plus loin. Si, en fait, c'est là l'excédent, comme vous dites, et c'est là le seul excédent qui existe, je considère qu'il serait scandaleux de la part du gouvernement qu'il dépense cet argent ailleurs que dans le domaine des programmes sociaux, et je parle ici de programmes sociaux qui visent à répondre aux besoins des plus démunis au Canada.
C'est à mon avis l'unique utilisation de cet excédent qui serait légitime.
Mme Margot Young: J'aimerais ajouter un commentaire.
Le président: Bien sûr, je vous en prie.
Mme Margot Young: Il est également important de reconnaître que les salariés à faible et moyen revenu payent, en tant que pourcentage de leur revenu, un montant plus important sous forme de cotisations d'assurance-chômage. Donc, si en fait on se sert de l'excédent pour réduire la dette, cela signifie que la réduction de la dette s'effectue d'une façon disproportionnée sur le dos des salariés à faible et moyen revenu.
Le président: Madame Moreau.
Mme Linda Moreau: Je vous remercie.
Simplement pour répondre à votre question, le Conseil canadien des chefs d'entreprise est un groupe de pression réunissant des gens d'affaires qui préconisent la théorie économique de la relance par le haut, selon laquelle il y a des gagnants et des perdants. De toute évidence ils sont les gagnants. Ils ont préconisé de réduire l'aide sociale, de diminuer les impôts pour les riches, d'augmenter les taux d'intérêt—donc essentiellement d'accroître la concurrence, et dans le cas des travailleurs et des salariés à faible revenu, d'accroître la pauvreté.
Sur les 10,4 milliards de dollars que le budget fédéral de 1995 a retirés des programmes de santé et d'éducation et des programmes sociaux, pratiquement 85 p. 100 de ce montant a été versé à des investisseurs et à des détenteurs d'obligations sous la forme de frais d'intérêt. Le gouvernement fédéral se trouve donc à servir d'agence de recouvrement pour les banques et les riches financiers, en versant aux riches 35c. sur chaque dollar qu'il prélève sous forme d'impôt auprès des travailleurs. C'est ce qu'indique un observateur du Centre canadien de politiques alternatives.
Le nombre de Canadiens frappés par la pauvreté et les privations a beaucoup augmenté au cours des huit dernières années. Les 20 p. 100 des Canadiens les plus riches ont vu leur revenu moyen augmenter de 2 000 $ tandis que les 20 p. 100 des Canadiens les plus pauvres ont vu en moyenne leur revenu diminuer de 500 $.
• 1315
Il faut de toute urgence s'attaquer dès maintenant aux
problèmes de l'itinérance, de la faim et de la pauvreté que connaît
le Canada. Je pense que la seule chose que nous pouvons faire en
toute conscience, c'est d'établir un budget qui répondra aux
besoins des plus démunis, de remédier à certains des problèmes
constants en matière d'inégalités sociales, de cet écart scandaleux
entre les riches que le Conseil canadien des chefs d'entreprise
représente et défend et le reste d'entre nous—surtout les
travailleurs ordinaires et les pauvres.
Le président: Les témoins ont-ils d'autres commentaires à formuler?
Madame Leung.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins pour leurs excellents exposés.
J'ai une question à poser à Mme Moreau. Vous demandez que 1 p. 100 du budget fédéral serve à aider les démunis. Bien sûr, notre gouvernement a essayé d'évaluer différentes façons de soutenir et d'aider les défavorisés. Je me demande si à votre avis il faudrait examiner un programme social en particulier ou peut-être la question du recyclage? Je sais évidemment qu'une aide financière est fort utile, mais je pensais plutôt à mobiliser ce qu'ils ont déjà pour développer leur potentiel, pour essayer de les recycler afin qu'ils puissent s'en sortir, si possible.
Je ne veux pas dire que nous ne devrions pas les appuyer, mais j'aimerais que vous étudiiez les programmes qui à votre avis sont les plus utiles.
Mme Linda Moreau: Je suis surtout au courant de la situation en Colombie-Britannique, où je sais que la majorité des bénéficiaires de l'aide sociale ne reçoivent des allocations que pendant une période maximale d'environ 6 mois. Et cela comprend les mères célibataires.
Donc, lorsque nous parlons des démunis, on se rend compte qu'ils quittent le régime d'aide sociale et y reviennent—certains trouvent un emploi, d'autres le perdent pour quelque raison que ce soit, ou le conservent, obtiennent des prestations d'assurance-emploi, et trouvent ensuite un autre emploi. Il y a un fort roulement. La plupart des gens, sauf ceux qui ont de jeunes enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées, quittent le régime d'aide sociale assez rapidement.
Ce qui pourrait être utile, entre autres choses, ce serait de faire un effort véritable pour discuter sincèrement de la création d'emplois—nous estimons qu'il y a maintenant une crise de la pauvreté et du chômage, et qu'on ne peut se fier uniquement au secteur privé pour créer des emplois. Nous devrions tenir un dialogue ouvert sur les sources de revenu des particuliers.
Avec l'avènement de l'économie mondiale, où les gens doivent rivaliser avec les travailleurs mexicains, à des salaires de plus en plus bas, nous devons amorcer une réflexion quant à savoir où les gens trouvent du travail. Comment les gens peuvent-ils gagner un revenu? S'ils n'ont pas d'emploi, ils doivent alors tirer leur revenu des programmes sociaux.
Tout le problème est laissé entre les mains des particuliers et des familles, ce qui est très cruel, surtout si nous considérons le fait que nous vivons dans un pays très riche et que nous devrions nous soutenir les uns les autres.
Alors, c'est une des choses possibles, c'est-à-dire d'examiner les mesures prises par le gouvernement pour soutenir la création d'emplois. Cela serait très utile.
Mme Sophia Leung: Professeure Young et madame Day, mais d'abord j'aimerais faire quelques observations.
Pendant l'été, le caucus de la Colombie-Britannique s'est rendu dans le Nord. En fait, j'ai rencontré un groupe de santé mentale, un groupe mixte, à Prince George. J'y ai vu exactement ce que vous avez décrit. C'était accablant. Mais il s'agissait d'un programme de recyclage mis en oeuvre spécialement par le gouvernement fédéral, le ministère des Ressources humaines.
Bien sûr, j'avais peu de temps, mais j'ai observé des progrès. Deux groupes ont présenté des exposés. L'un dÂeux a parlé des femmes maltraitées, qui ont vécu des expériences accablantes, et l'autre groupe a traité du recyclage. Les deux misent sur le recyclage pour l'obtention d'emplois. C'était un excellent exemple, puisque j'ai vu qu'il y avait beaucoup de croissance sur le plan humain, que l'on pouvait mobiliser le potentiel humain grâce à des programmes valables de recyclage.
J'aimerais connaître vos commentaires à ce sujet.
Mme Shelagh Day: Je pense qu'un des problèmes, lorsque nous parlons des bénéficiaires de l'aide sociale au Canada en particulier, c'est que depuis les cinq dernières années, nous laissons entendre dans notre discours qu'il y a des emplois pour tout le monde et que c'est de leur faute si les prestataires d'aide sociale n'ont pas d'emploi. C'est donc un débat peu réaliste, car Linda l'a déjà dit, je crois, nous avons au Canada un fort taux de chômage et il n'y a pas suffisamment d'emplois pour tout le monde.
Les autres points dont nous ne tenons pas compte à mon avis c'est l'augmentation des emplois non conventionnels au Canada. Cela contribue pour beaucoup au roulement des bénéficiaires de l'aide sociale, comme Linda l'a expliqué.
M. Nelson Riis: Qu'est-ce qu'un emploi non conventionnel?
Mme Shelagh Day: Un emploi non conventionnel c'est un emploi qui n'est pas à plein temps, ni en année complète. Il y a donc une augmentation des emplois à temps partiel, occasionnels, temporaires et saisonniers au Canada, et c'est une des conséquences de la mondialisation et de la libéralisation du commerce.
Je dirais qu'un plus grand nombre de ces emplois sont occupés par des femmes. Environ 40 p. 100 des femmes occupent maintenant des emplois non conventionnels, et beaucoup de personnes doivent avoir deux ou trois emplois de ce genre pour vivre convenablement. Parce que ces emplois sont instables—les employeurs embauchant essentiellement des travailleurs à titre temporaire le temps d'effectuer certains travaux—la situation financière de bon nombre de travailleurs est très précaire.
Comme Linda l'a dit, ces travailleurs qui perdent leur emploi non conventionnel se trouvent dans une situation où ils n'ont pas droit à l'assurance-emploi, parce qu'on a resserré les critères d'admissibilité et qu'ils peuvent difficilement respecter ces critères. Ils doivent donc se tourner vers l'aide sociale, la seule solution qui leur reste jusqu'à ce qu'ils trouvent un autre emploi conventionnel, essentiellement la seule chose qu'on leur offre.
Je pense que cette recherche d'un coupable que l'on a entreprise est très déplorable, et cela déchire le tissu social du Canada, cela mine la tolérance et le sentiment de justice sociale qui, à mon avis, nous a unis.
Ce serait donc un soulagement, comme Linda l'a dit, que d'arrêter de chercher des coupables et d'ouvrir un véritable dialogue pour déterminer comment les travailleurs canadiens vont pouvoir gagner un revenu décent.
Mme Sophia Leung: Je tiens à vous dire que je vous félicite, mesdames. J'estime que vous faites un excellent travail.
Je tiens à ce que vous sachiez que la députation libérale est composée à 25 p. 100 de femmes. C'est la première fois que nous atteignons cette proportion—et nous reconnaissons que nous devrions accroître notre représentation la prochaine fois.
• 1325
Nous voulons aussi que vous sachiez que nous partageons bon
nombre de vos préoccupations. Mes collègues et moi sommes membres
d'autres sous-comités. Nous nous intéressons aux questions
féminines et nous les soulevons. De fait, il y a un caucus des
femmes au Parlement.
Je veux donc que vous sachiez que vous n'êtes pas seules. Nous sommes toutes préoccupées. Je vous encourage à poursuivre votre excellent travail et à garder ouvertes les voies de communication.
Merci.
Mme Margot Young: Merci. Nous vous savons gré de vos commentaires. Cela nous réconforte.
J'aimerais ajouter un commentaire pour faire suite aux points soulevés par ma collègue, puis traiter directement des mesures que vous pouvez prendre au sein du caucus libéral pour soutenir les groupes de femmes dans leur lutte pour l'égalité.
J'aimerais préciser encore davantage les liens entre certains points dont nous avons discuté en réponse aux questions qui ont été posées. Mme Day a décrit fidèlement les caractéristiques de ce qu'on appelle le marché du travail secondaire par opposition au marché du travail primaire—c'est-à-dire un secteur du marché du travail constitué d'emplois à temps partiel instables, assortis d'aucun avantage.
C'est exactement le genre d'emplois qui, à cause des restrictions imposées dans les critères d'admissibilité à l'assurance-emploi, ne permettent pas à leurs titulaires d'avoir accès à l'assurance-emploi. Lorsqu'on parle du problème de la pauvreté, de l'incapacité de nombreux Canadiens à bien vivre dans ce pays immensément riche, nous devons nous pencher sur les facteurs, les facteurs systémiques, comme le droit à l'assurance- emploi, les taux d'intérêt et les dépenses publiques. Voilà le genre de facteurs systémiques responsables du taux de chômage et du taux de pauvreté que nous observons en ce moment au Canada.
Comme Mme Day l'a souligné, on ne peut pas attacher de l'importance uniquement à l'inadaptation des gens qui sont pauvres, il est important également d'envisager les facteurs systémiques.
J'ai beaucoup travaillé avec des personnes à faible revenu dans le cadre de groupes de défense des citoyens, et je peux vous dire que ces personnes sont très compétentes, ont reçu une excellente formation. Le problème, c'est que les emplois qui pourraient leur assurer la sécurité financière dont elles ont besoin pour vivre ou pour réaliser leur potentiel dans la société n'existent tout simplement pas.
Il est importe donc d'aller plus loin que les programmes de recyclage, et le gouvernement doit s'occuper activement de création d'emplois, à la fois directement dans le cadre de programmes, mais également en changeant sa politique économique générale en matière de taux d'intérêt et de dépenses gouvernementales.
Comme nous l'expliquons en détail dans notre mémoire, beaucoup d'emplois disparaissent à cause des réductions des dépenses gouvernementales. Les programmes gouvernementaux qui, jusqu'à présent, offraient un grand nombre d'emplois dans le secteur primaire, en particulier aux femmes, ces programmes sociaux ont subi des coupures, si bien que d'une part ils sont devenus moins accessibles, mais d'autre part, ils fournissent moins d'emplois convenablement rémunérés, d'emplois assortis de bons avantages sociaux.
Je reviens à vos observations sur les débouchés pour les femmes au gouvernement. Je vous prie instamment de soutenir notre programme de la juste part. Dans tout le Canada, il y a des groupes de femmes qui essaient de persuader le gouvernement d'augmenter leur financement. Les groupes de femmes souffrent actuellement d'une pénurie de fonds qui a des effets véritablement destructeurs. Nous aimerions que les fonds consacrés aux programmes des femmes atteignent 2 $ pour chaque femme canadienne et qu'ils soient consacrés à des groupes de défense des intérêts des femmes.
Vous trouverez dans le dernier chapitre de notre mémoire des détails sur le rôle important que ces groupes jouent en s'assurant que le gouvernement respecte ses obligations en ce qui concerne l'égalité des sexes, et nous espérons que vous essaierez d'obtenir une juste part des dépenses gouvernementales pour ces programmes destinés aux femmes.
Le président: Merci. Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président.
Un des problèmes du gouvernement, c'est qu'il n'est pas possible de tout faire. Toutefois, il ne faudrait pas abandonner la partie sous prétexte que la perfection n'existe pas. En effet, parfois, le gouvernement essaie d'accomplir quelque chose de bon et se fait critiquer sous prétexte que ce n'est pas parfait. À mon avis, le crédit d'impôt pour enfant en est un bon exemple.
Madame Moreau, dans votre mémoire, vous dites, je crois, que ce crédit n'était pas destiné à réduire la pauvreté chez les enfants, mais qu'il avait un objectif bien précis, celui de faire tomber le mur du bien-être. Les patientes qui viennent dans mon bureau, dont la plupart préféreraient de beaucoup travailler, pensent certainement que cela a été utile sur ce plan-là.
Évidemment, il serait possible de faire plus, par exemple en donnant aux gens une carte de médicaments pour la première année où ils sont au bien-être. Beaucoup de mesures ont été prises en Australie qui pourraient être utiles également. Tout ce que nous savons confirme que le fait de travailler est ce qui valorise le plus les gens à leurs propres yeux, n'est-ce pas? Cela dit, ils ont également besoin de faire garder leurs enfants, etc.
Jusque là, c'était une déclaration.
• 1330
En ce qui concerne les mesures que le gouvernement fédéral
pourrait prendre face à la prochaine série de choix, le transfert
social... Si on considère les facteurs sociaux qui déterminent la
santé, on aurait pu penser que l'idée de regrouper santé et
pauvreté était une bonne idée. Si les gens peuvent consacrer plus
à la pauvreté, il va falloir qu'ils économisent sur le plan de la
santé. Nous savons cela. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Le
transfert social a permis des coupures d'impôt dans certaines
provinces, et cela, je crois, sans trop déranger les pions.
Nous sommes nombreux à penser que des normes nationales sont nécessaires, en particulier dans le domaine de la santé, et j'aimerais savoir si à votre avis il y a des éléments que nous pourrions mesurer dans ce filet de sauvetage de la sécurité sociale, des choses qui seraient acceptées facilement par tout le monde et qui feraient comprendre aux Canadiens que, peu importe la région où ils habitent, ce filet de sauvetage sera là pour préserver leur santé et leur bien-être?
Mme Linda Moreau: Tout d'abord, les parents qui profitent maintenant de prestations fiscales pour enfants pourraient bien en être privées dans un an. Au fur et à mesure que les enfants grandissent, leurs parents ne reçoivent plus d'aide sociale. Mais une crise dans la famille peut les obliger à y avoir de nouveau recours. S'il vous plaît, continuez d'envisager de donner cet argent aux personnes qui reçoivent de l'aide sociale, car ce sont en fait les mêmes personnes.
Grâce à l'argent que vous donnez à une mère prestataire d'aide sociale, les enfants seront en meilleure santé et la mère elle-même pourra se préparer à travailler car sa famille aura un revenu supplémentaire. Ne croyez pas que c'est assez de donner un crédit d'impôt pour enfants aux parents qui travaillent. Il est très important de conserver cette option et de l'offrir également aux prestataires d'aide sociale.
Pour ce qui est du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, la question revient en fin de compte aux normes qui ont été abandonnées, au Régime d'assurance publique du Canada que nous n'avons plus. Le Canada était semble-t-il fier de ses normes; il se vantait devant les Nations Unies que c'est ainsi que le Canada veillait, dans un esprit d'égalité, au bien-être de tous ses citoyens. On disait que tous les Canadiens où qu'ils vivent, devaient jouir des mêmes normes.
Les normes du Régime d'assurance publique du Canada étaient très simples: le niveau des prestations devait être suffisant, les prestataires devaient pouvoir déménager d'une province à l'autre et continuer d'obtenir des prestations, ils ne devaient pas être obligés de travailler pour obtenir leurs prestations, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de travaux forcés au pays—et dans deux provinces au moins, l'Alberta et l'Ontario, les prestataires d'aide sociale doivent travailler pour obtenir leurs prestations, ce qui nuit totalement aux salariés, puisque les salaires diminuent lorsque les gens sont obligés de travailler pour obtenir leur aide sociale. En outre, le processus d'appel dont pouvaient se prévaloir les personnes insatisfaites de leur préposé à l'aide sociale était simple.
En appliquant de nouveau ces normes, surtout celles relatives au niveau suffisant de l'aide sociale, on ferait un grand pas en avant pour aider les gens à sortir de la pauvreté et à vivre en bonne santé. Nous avions ces normes auparavant et rien n'empêche qu'elles puissent s'appliquer de nouveau.
Mme Carolyn Bennett: L'autre élément dont nous ne tenons pas suffisamment compte, c'est peut-être le pourcentage de leur revenu que les gens payent en loyer.
Il est intéressant de constater que 1 p. 100 du budget du Comité de secours aux sinistrés de Toronto est consacré au logement et aux autres services destinés aux sans-abri. Il faudrait, à mon avis, ajouter à tout cela l'aspect de la santé mentale, en plus des programmes de lutte contre la toxicomanie. Comme nous le savons tous, ces choses-là viennent de problèmes profondément enracinés et ne dépendent pas de la personne elle-même. J'espère que nous pourrons articuler la nécessité de faire un examen national à ce niveau également.
• 1335
Du côté de l'assurance-emploi, bien des femmes choisissent un
travail non traditionnel à temps partiel, et si nous pouvions
résoudre de la façon appropriée le dossier des soins que donnent
les femmes à domicile, celles-ci pourraient être payées pour aider
les personnes qui doivent quitter l'hôpital pour rentrer chez
elles. Il y aura des choix.
L'une des agences nous a dit que bon nombre de femmes qui travaillent dans des organismes de soins à domicile choisissent un travail à temps partiel et non traditionnel. Nous aimerions savoir comment il serait possible de tenir compte de cette catégorie de travailleuses afin qu'elles puissent profiter de l'assurance- emploi.
En outre, j'aimerais savoir ce que vous pensez des congés de maternité et si vous croyez, qu'en passant à un modèle plus européen de ces congés, qu'il y aurait une augmentation de la création d'emploi. Évidemment, lorsque quelqu'un est en congé de maternité pendant un an, il y a plus de chances que son poste soit comblé au lieu d'essayer de remplacer la personne en congé pendant 15 semaines.
Mme Shelagh Day: Cela représente beaucoup de questions.
Permettez-moi de revenir un peu en arrière, cependant...
Mme Carolyn Bennett: En fait, permettez-moi d'en ajouter une autre.
Mme Shelagh Day: Oh, oh.
Mme Carolyn Bennett: Dans le contexte du débat sur l'assurance-emploi, le premier ministre a dit à la Chambre des communes que si l'argent restait dans la caisse, 60 p. 100 de la somme serait récupérée par les employeurs. Si, pour le prochain budget, nous avions la possibilité d'augmenter le crédit d'impôt personnel pour tous les citoyens, cela ne serait-il pas considéré comme ayant le même effet que d'emprunter à la caisse? Ne serait-ce pas aussi crédible?
Si cet argent sert à éponger le déficit, il vient du Trésor. Nous avons toujours été en mesure d'augmenter la caisse de cette façon. Maintenant, nous disons que le moment est venu, sur le plan du déficit social, d'emprunter à cette caisse pour prendre des mesures qui pourraient s'inscrire dans les deux colonnes, comme hausser le crédit d'impôt personnel qui, à mon sens, est aussi une initiative pour contrer la pauvreté des enfants.
Par conséquent, je dois dire...
Mme Shelagh Day: D'accord. Revenons au commencement parce que je voudrais faire certains commentaires au sujet du crédit d'impôt pour enfants.
Linda a dit quelque chose de très important, soit que nous traitons ces groupes de citoyens comme s'ils étaient distincts: d'une part, les assistés sociaux et d'autre part, les travailleurs alors qu'en fait, il y a énormément de va-et-vient entre les deux.
Je pense que cette idée d'un mur, le mur de l'aide sociale, est théorique. On dit que d'une façon ou d'une autre, il faut trouver des incitatifs pour encourager les gens à faire le saut de l'autre côté de ce mur, alors qu'en fait, nous savons tous qu'il n'y a rien que souhaitent plus les assistés sociaux que de passer de l'autre côté. À mon sens, c'est un concept politique théorique que de parler du mur de l'aide sociale.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt un article du «Globe and Mail» il y a quelque temps, sous la plume de Patrick Monahan. Il invitait les lecteurs à considérer le cas de l'Ontario où le nombre d'assistés sociaux a diminué à la suite d'une réduction des prestations d'aide sociale. Selon lui, cela prouve que si l'on offre une aide sociale moins généreuse, certains assistés sociaux vont se débrouiller pour se trouver du travail car c'est de toute évidence un moyen de décourager le recours à l'aide sociale que d'offrir aussi peu.
À mon avis, il est tout à fait absurde d'affirmer que plus on pénalise les assistés sociaux, plus ils réintégreront en bon nombre la population active. En fait, on ne sait même pas pourquoi ces gens ont disparu. Nous n'avons pas d'explications, et j'estime que c'est très inquiétant. On n'a même pas cherché à savoir ce qui pouvait expliquer ce phénomène.
Mme Carolyn Bennett: Ils ont été expulsés de leur logis ou ils sont dans la rue.
Mme Shelagh Day: C'est juste. Il y a maintenant des milliers de sans-abri à Toronto. Ce genre de conclusion est par trop simpliste, et nous devons veiller à ne pas tomber dans ce piège.
• 1340
L'une des choses qui aiderait beaucoup les femmes à abandonner
l'aide sociale pour le milieu du travail serait des garderies à
prix abordable. Le fait qu'il n'existe pas de bonnes garderies à
prix abordable est un obstacle considérable pour les femmes très
pauvres qui souhaitent travailler. À mon avis, c'est sans doute
l'un des plus grands obstacles à leur entrée sur le marché du
travail, et il faudra en tenir compte.
Cela m'amène à parler du Transfert social...
Mme Carolyn Bennett: Est-ce un domaine où vous préconisez des normes nationales?
Mme Shelagh Day: Absolument.
Mme Carolyn Bennett: La législation ontarienne sur l'aide sociale ne renferme pas de dispositions concernant les garderies. Or, sans garderies on ne peut pas retourner à l'école.
Mme Shelagh Day: Absolument.
Mme Margot Young: C'est également un domaine où le gouvernement fédéral a le loisir d'intervenir grâce à son pouvoir de dépenser. En fait, le Parti libéral avait promis d'augmenter de 50 000 places par an pendant trois ans le nombre de places en garderie et n'a pas respecté son engagement. C'est le genre de programme dont nous avons besoin pour atténuer le caractère problématique des choix que doivent faire les femmes, qui sont souvent réduites à opter pour des emplois mal payés dans le secteur des soins ou encore des emplois à temps partiel.
Je serais beaucoup plus convaincue que ces choix ont une valeur et une signification réelles sachant que les femmes ont d'autres options, options que leur permettrait l'existence d'un régime national de garderies sans but lucratif.
Mme Shelagh Day: Au sujet de la possibilité de choisir et du travail non traditionnel, je tiens à dire une chose. De nombreuses recherches établissent que parmi les femmes qui travaillent à temps partiel, un pourcentage très élevé—je suis désolée, mais je n'ai pas le chiffre sur le bout des doigts—, voudraient occuper un emploi à temps plein, mais n'en trouvent pas. Il est donc erroné de supposer que les femmes qui travaillent à temps partiel le font toutes par choix. C'est le cas de certaines, mais pour beaucoup, ce n'est pas le cas. Elles ne peuvent tout simplement pas trouver de travail à temps plein.
Je pense peut-être que c'est un facteur très important dans notre réflexion sur le travail non traditionnel. On a l'impression que la souplesse est avantageuse pour les femmes car elles peuvent choisir leurs heures de travail, elles peuvent travailler à temps partiel, etc., mais en fait, un pourcentage très élevé des femmes en question souhaitent occuper un emploi à temps plein et ne peuvent pas en trouver. Grand nombre de femmes n'ont pas qu'un travail à temps partiel—ce qui est encore là une idée fausse—mais bien plusieurs afin d'avoir un revenu suffisant pour faire vivre leurs familles. Ce sont-là des réalités importantes lorsqu'on parle de choix.
Évidemment, il faudrait aussi améliorer le congé de maternité. Je conviens avec vous que cela permettrait une meilleure rotation sur le plan professionnel.
Pour en revenir au Transfert social, il est très difficile pour quiconque d'entre nous a examiné sérieusement la question d'accepter l'abandon des normes qui a suivi l'abrogation du RAPC. En fait, nous avons conservé les normes de la Loi nationale sur la santé et abroger les normes du Régime d'assistance publique du Canada, alors qu'aucune raison ne le justifiait. Cela n'a entraîné aucune économie. Simplement, dès lors, tous les gouvernements provinciaux ont pu choisir de ne pas avoir de fonds désignés pour l'aide sociale, d'agir à leur guise et d'offrir des programmes d'assistance sociale selon le modèle qui leur plaisait, ou encore pas du tout. À l'heure actuelle, on n'exige pas d'eux qu'ils dépensent quoi que ce soit pour l'aide sociale.
Ce faisant, nous avons profondément modifié les valeurs politiques de notre pays. À mon avis, cela a été très destructeur et je pense qu'il est très important de revenir en arrière et de faire sérieusement le point. Nous pouvons améliorer ces normes. Les normes qui étaient en vigueur représentaient le strict minimum. Nous pouvons maintenant les améliorer. Nous devrons prendre des initiatives comme celles qui vous mentionnez. Il faut aussi que dans l'élaboration de ces normes, on reconnaisse qu'elles doivent lutter contre l'injustice faite aux femmes et les amener à l'égalité pleine et entière. Autrement dit, pour qu'elles puissent fonctionner adéquatement, il faut qu'elles soient sensibles à la situation des femmes.
• 1345
Il est de la plus haute importance d'avoir des normes
communes. D'ailleurs, c'est vital pour l'union sociale. En fait,
c'est également une question politique: Quels sont les liens qui
nous unissent? Il faut que ce soit des valeurs communes que nous
partageons tous, et je crois que cela en est un bon exemple.
Mme Carolyn Bennett: Il faut aussi qu'il y ait reddition de comptes à cet égard.
Mme Shelagh Day: C'est exact. Il faut établir les normes et prévoir des mécanismes stables pour assurer leur financement. Le gouvernement fédéral ne peut pas tout simplement reprendre ses billes sans rendre des comptes aux provinces. Nous pensions avoir un tel système.
Le président: Merci, madame Bennett.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Margot Day: Je voudrais ajouter brièvement trois éléments qui n'ont pas de rapport entre eux.
Je voudrais revenir sur la définition du crédit d'impôt pour enfants pour réitérer que, même si les objectifs visés sont valables, il n'y a aucune raison d'exclure les familles d'assistés sociaux. En fait, cela revient à créer une distinction entre ceux qui méritent cette prestation et ceux qui ne la méritent pas, ce qui est une fausse distinction. Cela sert tout simplement à stigmatiser les assistés sociaux.
Mme Carolyn Bennett: Il s'agissait là d'un problème de mise en oeuvre au niveau provincial. Nous n'avions absolument aucun recours.
Mme Margot Young: Vous avez tout à fait raison, mais il s'agit de fonds fédéraux, et le gouvernement fédéral doit s'assurer qu'ils sont dépensés en conformité des objectifs qu'il visait lorsque l'argent a été remis aux provinces à l'origine.
Deuxièmement, je voudrais parler de la façon dont nous abordons ces questions. Il est très facile pour nous de parler de la pauvreté des enfants et des mesures qu'il faut prendre pour lutter contre ce fléau, mais il importe de comprendre que si les enfants sont pauvres, c'est parce qu'ils vivent avec des adultes pauvres. Il faut donc parler plus ouvertement de la pauvreté des adultes et y remédier. En effet, c'est la raison pour laquelle les enfants sont pauvres. Cela devrait être l'objet de nos efforts. J'invite instamment le gouvernement fédéral à avoir le courage de parler de la pauvreté des adultes.
Enfin, je voudrais parler du congé de maternité. Mme Day a été très éloquente à ce sujet. J'ajouterais simplement que parmi les problèmes liés au congé de maternité, tel qu'il est énoncé dans la Loi sur l'assurance-emploi, une période de carence de deux semaines est absolument absurde. C'est déjà une disposition punitive dans le contexte de l'accès aux prestations d'assurance-emploi, mais cela n'a aucun bon sens lorsqu'il s'agit des prestations de maternité.
Vous savez ce que j'entends par période de carence. C'est cette période de deux semaines au cours desquelles les prestations ne sont pas versées, sans que l'on puisse pour autant avoir accès à d'autres sources de revenu.
Mme Carolyn Bennett: J'ai une petite question au sujet de la francophonie. Cela a trait au défi de l'unité, et je songe aux inondations au Manitoba et à ce qui s'est produit à St. Paul, en Alberta ou chez vous, en Colombie-Britannique. J'ai personnellement un chalet dans une région entièrement francophone du sud de l'Ontario et j'estime que nous devrions entendre davantage d'organismes qui cherchent à protéger la culture francophone dans notre pays. Certains d'entre nous estiment qu'advenant la séparation du Québec, la culture francophone n'aurait plus une masse critique au Canada. Vous auriez encore plus de mal qu'aujourd'hui à faire votre travail.
Je voudrais savoir s'il y a quelque chose que le gouvernement fédéral pourrait faire pour vous aider à promouvoir l'unité.
Mme Diane Côté: Entre autres choses importantes, le gouvernement fédéral devrait respecter sa promesse d'aider les populations francophones à s'épanouir. Pour se faire, il doit investir en milieu francophone.
Certains progrès ont été réalisés depuis 30 ans, mais nous sommes encore loin du compte. Il aurait fallu que le gouvernement intervienne pour compenser les pertes de terrains et l'assimilation qui sont survenues au fil des années. Les droits des francophones disséminés partout au Canada n'ont pas été respectés.
• 1350
J'ai l'impression que, depuis quelques années, l'un des
principaux problèmes consiste à définir la population francophone
du Canada. Il est facile de la définir au Québec, en Ontario et au
Nouveau-Brunswick mais, pour une raison quelconque, on a
complètement oublié le reste du Canada.
C'est pourquoi aujourd'hui j'ai souligné tout particulièrement le fait que c'est en Colombie-Britannique que l'on retrouve à l'heure actuelle le troisième groupe de francophones le plus important en nombre au Canada à l'extérieur du Québec. Je pense qu'il est extrêmement important que nous commencions à nous en rendre compte. Comme je l'ai dit, ce n'est pas seulement un pacte historique que nous avons conclu avec les trois nations fondatrices—les anglophones, les francophones et les peuples autochtones—mais c'est également un pacte qui s'étend d'un océan à l'autre. Ce n'est pas territorial. Par conséquent, il faut faire quelque chose pour les populations des différentes provinces et pour répondre aux besoins de cette population.
Le président: Merci.
Mme Yseult Friolet (directrice générale, Fédération des francophones de la Colombie-Britannique): Je voulais tout simplement ajouter que ce ne sont pas seulement les francophones de la Colombie-Britannique mais tous les Canadiens qui devraient s'intéresser à un projet d'unité.
Par ailleurs, il y a peut-être trois domaines dans lesquels le gouvernement fédéral pourrait nous aider et l'éducation en est un. Pourquoi nous a-t-on accordé il y a seulement deux ans, le droit d'avoir nos propres conseils scolaires? Nous avons dépensé beaucoup d'argent pour aller devant les tribunaux et nous allons toujours devant les tribunaux car nous n'avons toujours pas de conseils scolaires officiels. C'est ce qui se passe à l'heure actuelle en Colombie-Britannique. L'argent devrait provenir en partie du gouvernement provincial avec l'aide du gouvernement fédéral également. Nous avons souligné que les fonds consacrés à l'éducation diminuent, ce qui ne favorise pas l'unité, je puis vous l'assurer.
Certains de nos membres sont pauvres. Ils sont illettrés ou ils ont des problèmes. Nous avons un centre dans l'est du centre-ville de Vancouver qui est l'un des plus pauvres au pays et ces gens n'ont aucun service. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de services sociaux pour les francophones de notre province. Il n'y a pas de justice sociale. Il n'y a pas de services médicaux ni quelques services que ce soient. Voilà où le gouvernement fédéral pourrait nous aider. Je pense que cela serait extrêmement important.
Je pense par ailleurs que nous sommes un peu un obstacle. Nous avons beaucoup de chance d'être bilingues et de vivre ici au Canada, et je pense que cela aiderait la cause de l'unité si on permettait à tous les francophones de vivre n'importe où au Canada. Je pense que cela enverrait un message très clair aux nationalistes du Québec qui veulent la sécession. Ils se sentiraient à l'aise lorsqu'ils veulent quitter le Québec car ils seraient dans un pays qui est le leur et où ils peuvent recevoir des services en français. Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle très important à jouer à cet égard.
Le gouvernement fédéral est intervenu lorsque la Colombie-Britannique a décidé, comme vous vous en rappelez peut- être, que pour les transferts sociaux, si un Canadien arrivait d'une autre province, il devait attendre avant de pouvoir recevoir des prestations médicales ou autres. Le gouvernement fédéral a pris une position très ferme à cet égard et a dit: Non, vous ne pouvez pas faire cela, même si les services sociaux relèvent de la compétence provinciale.
Le gouvernement fédéral a donc un rôle très important à jouer dans de nombreux domaines, et nous espérons que c'est ce qu'il fera au cours des prochaines années. Je pense que cela est très important.
Merci.
Le président: Je voudrais remercier les témoins de leurs excellents exposés. Je me demande souvent, lorsque j'entends les divers points de vue exprimés par différents groupes qui viennent témoigner devant notre comité...
Comme vous le savez, l'une de nos principales tâches consiste à faire des recommandations au ministre des Finances pour le budget de 1999. En Colombie-Britannique nous avons entendu de bien des gens qui avaient des points de vue différents. Certaines personnes qui ont comparu devant notre comité ont parlé de l'importance de la dette nationale et de la nécessité de la réduire. D'autres nous ont parlé de l'impact de la dette nationale sur les marchés internationaux et les taux d'intérêt et sur la croissance économique de notre pays.
• 1355
Certaines personnes ont parlé de réduire les impôts sur le
revenu des particuliers. Certains ont dit qu'il fallait augmenter
l'exemption personnelle de base et les paiements de transfert aux
provinces. D'autres ont dit essentiellement que nous devrions
cibler davantage l'avenir et investir dans l'éducation et la R-D.
Il y a aussi, évidemment, le stimulant dossier de l'assurance- emploi, où certaines personnes recommandent que l'on rende à ceux qui ont cotisé au régime tout le fameux excédent qui se trouve dans ce fameux compte. D'autres recommandent une diminution des cotisations, ou encore une augmentation des prestations.
Si j'ai énuméré toutes ces suggestions, c'est parce que tout le monde défend ses arguments, je pense, dans le but final d'améliorer la qualité de vie des Canadiens. Les observations qui ont été faites aujourd'hui vont dans le même sens. Pour vous tous, comme pour nous tous, c'est l'objectif vers lequel nous devons tendre, même si nous proposons des moyens différents pour l'atteindre.
En réalité, toutefois, il faudrait une bonne petite somme pour satisfaire toutes ces demandes, mais en toute franchise, à moins que M. le ministre Martin ne me surprenne, je ne pense pas que l'excédent soit aussi important qu'on le prévoyait il y a quelques mois à peine, ce qui en dit long également sur l'instabilité économique.
Il va donc nous falloir faire des choix et ils seront difficiles. La tâche est ardue. Les problèmes que connaissent les pauvres dans notre pays sont bien réels. Le défis auxquels sont confrontés plus d'un million d'enfants qui vivent dans la pauvreté le sont tout autant. Vous savez, le fait que dans un pays industrialisé comme le nôtre, il y ait des programmes de petit déjeuner parce que certains enfants partent à l'école le ventre creux et ne peuvent pas se concentrer parce qu'ils ont faim... Même leurs besoins essentiels ne sont pas satisfaits.
Il n'en demeure pas moins qu'un consensus semble se dégager dans notre pays à l'heure actuelle—et n'hésitez pas à me le dire si vous avez entendu exprimer un avis contraire—selon lequel les gens ne veulent pas en revenir à la situation déficitaire du passé. Les Canadiens veulent continuer d'avoir un budget équilibré, ce qui signifie que nul ne sait à combien s'élèvera l'excédent.
Toutefois, si j'ajoute tous les besoins, toutes les promesses et demandes qui ont été formulées ici en Colombie-Britannique, nous en arrivons à des dizaines de milliards de dollars. Et il ne sera pas possible d'y répondre si nous voulons que notre budget reste équilibré.
À moins que l'un des membres du groupe de témoins ne préconise un retour à l'époque du financement par le déficit, il va nous falloir faire des choix sérieux. Je vais vous poser la question suivante: Si je vous demandais de me proposer une option en priorité, quelle serait-elle?
M. Helmut Pastrick: Lorsque la conjoncture économique est solide, la croissance économique améliore même notre situation sur le plan social, si vous voulez. J'en reviens à l'argument essentiel, à savoir qu'une diminution d'impôt étalée sur un certain nombre d'années, mis en place progressivement dans le cadre d'un budget équilibré, contribuerait fortement à améliorer la croissance économique du Canada, même pendant la période de ralentissement. Nous pourrions utiliser quelques stimulants fiscaux au cours de l'année ou des deux ans à venir, mais à long terme, notre structure fiscale entrave la croissance par rapport à ce qu'elle pourrait être.
Le président: Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Puis-je demander un éclaircissement? Votre question est utile car elle nous permet de mettre le doigt sur certains de ces problèmes.
• 1400
Helmut, vous continuez de préconiser une diminution d'impôt
quelconque. Disons donc qu'il nous faille décider dans le prochain
budget, du genre de réduction d'impôt à accorder. Devrait-il s'agir
d'une diminution d'impôt ciblée dans un secteur précis, comme le
propose le CCCE, ou alors d'une diminution du taux de la TPS, ou
d'allégements fiscaux généraux? Quel genre de diminution d'impôt
nous conseillez-vous de prévoir dans ce budget?
M. Helmut Pastrick: Plutôt dans le domaine de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés.
M. Nelson Riis: Pour tout le monde, sans exception?
M. Helmut Pastrick: Presque tout le monde, en effet. Bien sûr, nous avons un régime d'impôt progressif, mais il faudrait que cela vise la majorité des gens, à mon sens. Après tout, les entreprises—les entrepreneurs—créent des emplois et, à long terme, c'est ce qui s'est toujours fait et il continuera d'en être ainsi. Un climat propice aux affaires favorisera la croissance économique tout en procurant de nombreux avantages.
Je sais que nous ne vivons pas dans un monde idéal. Tout n'est pas aussi simple et clairement défini: il y a des zones de flou, cela ne fait aucun doute. Là encore, de mon point de vue économique restreint, à long terme, une saine croissance économique est avantageuse pour tous les membres de la société.
M. Nelson Riis: Jason, puis-je vous poser une question?
M. Jason Kenney: Suis-je un témoin maintenant, Nelson?
M. Nelson Riis: Cela fait suite à cette question.
Si nous envisagions des réductions d'impôt générales de 5 p. 100 ou autre, Jason—et je fais appel à votre expérience passée; c'est-à-dire que vous en savez sans doute plus que la plupart d'entre nous à ce sujet—, quelles économies d'impôts cela représenterait-il pour une personne? Pouvez-vous nous en citer un ou deux exemples?
Je suppose que nous disposons d'environ 8 milliards de dollars. Si nous voulions utiliser cette somme dans le domaine fiscal, à quelles économies d'impôts une personne comme vous, ou comme les personnes autour de cette table, pourrait-elle s'attendre?
M. Jason Kenney: Nous avons calculé environ 9 milliards de dollars d'allégements fiscaux grâce à l'augmentation de l'exemption personnelle de base, qui serait portée à environ 9 000 $, ainsi que l'équivalent de conjoint qui serait augmenté du même montant, et en transformant la déduction pour garde d'enfants en crédit d'impôt, comme je l'ai déjà dit. Certaines de ces recommandations formulées par le Comité des finances par le passé représenteraient une économie de l'ordre de 1 600 ou 1 700 $ pour une famille moyenne, une famille à revenu moyen, une fois pleinement en vigueur. Ce n'est donc pas une somme négligeable.
M. Nelson Riis: Cela représente donc dans les 150 $ par mois pour une famille, ou à peu près?
M. Jason Kenney: Oui, cela revient à cela.
M. Nelson Riis: Très bien. Merci.
Le président: Mme Moreau.
Mme Linda Moreau: Moi je suis d'un avis contraire à celui de la première personne qui est intervenue en disant qu'il n'y a jamais eu au Canada de droit de succession. Nous pourrions en imposer.
Dans le budget fédéral de remplacement, on proposait de mettre en place deux tranches d'imposition pour les revenus élevés, à 100 000 $ et 150 000 $ de revenu. L'impôt sur les sociétés dans notre pays est parmi les plus faibles de ceux des pays de l'OCDE, bien inférieur à celui en vigueur aux États-Unis. Ce serait peut-être une mesure très populaire, sauf auprès des banques, de percevoir un impôt sur les bénéfices excédentaires des banques et autres institutions financières privées. Cela rapporterait d'énormes recettes, et cela nous donnerait une plus grande marge de manoeuvre.
Les gens dont je parle qui profitent de nos taux d'imposition faibles en profitent depuis environ une dizaine d'années, et je pense qu'il est normal, en tant que Canadiens membres de notre société, qu'ils rendent une partie de ce qu'ils ont reçu. D'après ce que j'ai entendu dire—je ne parle évidemment pas d'expérience—bon nombre de ces personnes mènent la grande vie. À certains égards, notre fiscalité donne force de loi à la cupidité. Lorsqu'on voit des personnes qui ont faim et qui sont à la rue, ou des enfants qui utilisent les banques d'alimentation, je crois que le moment est venu d'ouvrir le débat et de parler des obligations et de l'équité par rapport au régime fiscal.
Le président: Je vous remercie.
M. Jason Kenney: Puis-je poser une brève question supplémentaire?
Le président: Évidemment.
M. Jason Kenney: Très bien—nous sommes en table ronde.
Madame Moreau, vous avez dit que la fiscalité actuelle donne force de loi à la cupidité. En Colombie-Britannique, le taux marginal d'impôt sur le revenu est de 54,5 p. 100, soit le plus élevé de toute l'Amérique du Nord. À votre avis, peut-on vraiment dire dans ce cas-là que l'on donne force de loi à la cupidité?
Deuxièmement, à votre avis, le fait que la Colombie- Britannique ait le taux d'imposition marginal le plus élevé de l'Amérique du Nord a-t-il un rapport avec le fait que, à l'heure actuelle, cette province est celle où le taux de croissance économique est le plus faible du continent?
Mme Linda Moreau: D'après ce que nous savons d'autres sources, il y a des milliers de gens qui se débrouillent pour ne pas payer l'impôt à ce taux. En fait, j'ai parlé au téléphone, il y a quelques mois, avec une personne qui possède deux maisons et qui est dans une tranche supérieure de revenu. Il m'a dit que, grâce à l'aide de ses avocats, il réussissait à ne pas payer d'impôt et il a appelé notre bureau pour nous signaler que c'était injuste, selon lui. Je sais donc que c'est le taux d'imposition officiel dans la province, mais il y a des gens qui ne payent pas ces montants-là.
Toute cette idée des répercussions en cascade, selon laquelle le gouvernement peut contribuer à la création d'emplois en aidant les grandes entreprises, par le moyen de réductions d'impôts, ne fonctionne pas. Ce n'est pas vrai. Je ne sais pas ce que ces gens- là font de leur argent—ils l'envoient peut-être à l'étranger—mais cette idée-là, celle de l'économiste Milton Friedman, ne marche vraiment pas.
M. Jason Kenney: Je ne pense pas que Glen Clark ait essayé de mettre en pratique les principes de Friedman, mais...
Mme Linda Moreau: Il n'est pas vrai de dire que si l'on aide les riches, ils créeront de l'emploi. Cela ne sert qu'à enrichir certaines personnes, en appauvrissant pratiquement tout le monde. Ce n'est pas un système juste et il est temps de penser à autre chose ou même, de revenir avec soulagement au modèle kynésien, qui prévoit que la fiscalité sert à remédier aux inégalités.
Cela peut sembler radical, mais je trouve tout à fait radical et absurde qu'il n'y ait pas de taxe sur les successions au Canada et que, comme je le disais, l'impôt sur les sociétés soit bien inférieur à celui des États-Unis. C'est absurde.
Le président: Madame Day.
Mme Shelagh Day: Je pense qu'il faut remettre de l'argent dans les paiements de transfert, tout en travaillant sur les conditions de ces arrangements. À mon avis, ce sont deux choses qui vont de pair. C'était le cas au début des paiements de transfert, et il faut que ce le soit encore, quand nous les rétablirons.
Comme je l'ai dit auparavant, je crois que les Canadiens, au vu des compressions budgétaires, se disaient qu'ils agissaient en gens responsables et qu'ils épongeaient ainsi le déficit. Ils croient qu'une fois le déficit supprimé, ils pourront ravoir les programmes et les services sociaux qui leur tiennent à coeur et qu'ils associent étroitement à la justice et à l'équité au Canada.
Vous direz ce que vous voudrez du consensus; je pense qu'il y a un consensus en ce sens chez les Canadiens. Je pense que c'est l'une de nos attentes, une attente qui a été encouragée par le gouvernement: accepter les compressions maintenant mais quand les temps durs seront terminés, nous pourrons réintégrer nos programmes sociaux.
Le président: Mais vous ne contestez pas qu'il y a un consensus selon lequel personne ne veut ravoir de déficit.
Mme Shelagh Day: Je vous dirai ceci: je crois que les gens ne veulent plus de déficit, si un déficit signifie que pour s'en défaire de nouveau, il faudra encore traverser ce que nous venons de subir. Ce n'est pas la même chose que de dire qu'on ne veut pas de dépenses déficitaires.
Si les gens présument qu'il y a des dépenses déficitaires et que cela signifie qu'il faudra démanteler les programmes sociaux, non, ce n'est pas ce qu'ils souhaitent, j'en conviens; il y a un consensus à ce sujet.
Le président: Vous allez aussi devoir convenir qu'avec un autre déficit, on ne pourra de toutes façons pas se permettre les programmes sociaux.
Mme Shelagh Day: Non, désolée. Encore une fois, vous formulez un postulat que je n'accepte pas. Vous faites valoir que les fonds consacrés aux dépenses sociales, d'une façon ou d'une autre, sont des fonds perdus. Ils ne créent pas de recettes ni d'emplois. À mon avis c'est faux.
Si vous mettez de l'argent dans les dépenses sociales, vous créez des emplois et de ce fait, vous générez des recettes fiscales et vous soutenez l'économie du secteur privé. Je crois qu'il s'agit là encore d'une fausse dichotomie. Les dépenses sociales créent de l'emploi et par conséquent, créent aussi des recettes.
Je veux vraiment que l'on renonce à cette notion comme quoi c'est comme si on jetait cet argent par les fenêtres, il tombe dans les poches des pauvres et est perdu à jamais; cela n'aide pas l'économie, ni rien d'ailleurs; on se contente de payer, un point c'est tout.
Le président: Je veux que la situation soit bien claire, puisque c'est à moi que vous vous adressez. Ce dont je vous parle, c'est ce que j'entends partout au pays, c'est ce que des gens me disent et disent aux membres du comité: non, ils ne veulent pas d'un retour au déficit, parce qu'ils savent quelles seraient les répercussions économiques et sociales d'un nouveau déficit. Je ne pense pas représenter faussement le point de vue des personnes qui ont comparu devant le comité parce que, bien franchement, c'est probablement le message le plus clair qu'on nous a transmis, partout où nous allons.
Mais je comprends ce que vous dites.
Mme Margot Young: Je conteste non pas votre interprétation de ce que vous avez entendu au comité mais de ce que vous considérez être la conséquence de cette expression de l'opinion publique, soit que ce sont les dépenses sociales qui sont le problème associé au déficit.
Laissons de côté les prises de position politique au sujet du déficit, quant à savoir si nous devrions être aussi préoccupées que nous l'avons été ou si nous devons continuer de l'être; ce qui compte vraiment, c'est d'insister sur le fait que bon nombre des économistes canadiens reconnaissent maintenant que le déficit fédéral n'a pas été causé par les dépenses sociales. Ce sont plutôt des facteurs comme les taux d'intérêt élevés, le faible taux d'emplois et une croissance économique lente qui ont joué un rôle important dans la création du déficit au Canada.
En réponse à votre question, je dirais que je ne crois pas que les dépenses sociales soient associées au genre de préoccupations dont on vous a parlé, en rapport avec le déficit.
Je veux aussi dire que lorsqu'on pense aux dépenses gouvernementales et à l'équilibre budgétaire, ce qui doit vraiment nous préoccuper, ce sont les dépenses qu'on ne reconnaît pas suffisamment et destinées à assurer le bien-être des entreprises, des dépenses qui sont intégrées à notre régime fiscal. Nous avons déjà mentionné le faible taux de taxation des entreprises au Canada, mais nos lois fiscales comportent aussi des déductions et des crédits pour les entreprises, des reports d'impôt, qui avantagent exagérément les riches entreprises. Nous avons aussi d'importantes dépenses gouvernementales, sous forme de dépenses fiscales, destinées à aider les entreprises et qui nous coûtent actuellement des sommes colossales. En fait, si l'on songe uniquement aux impôts reportés, pendant bon nombre d'années, ce montant aurait suffi à combler le déficit annuel.
Si on s'inquiète du déficit, il faut également se pencher sur le genre de dépenses qui favorisent des entreprises déjà riches, sous forme de dépenses fiscales. J'ajouterais à notre discussion sur l'impôt sur les successions l'idée d'une taxe sur les fortunes. Le Canada est l'un des rares pays occidentaux qui n'impose pas la fortune.
Cela m'amène à parler du fait qu'à mes yeux, la priorité pour ce budget—et je rappelle qu'il porte sur le déficit social—doit être les paiements de transfert assortis de conditions visant à restaurer le tissu social canadien.
J'insiste sur le fait que ce genre de dépenses gouvernementales a des conséquences pour la santé de l'économie qui sont, comme le disait Mme Day, davantage d'emplois, plus de recettes fiscales, davantage de dépenses. Il est aussi important de se rendre compte que, et j'en ai déjà parlé aujourd'hui, l'investissement gouvernemental dans le secteur public et dans le secteur des soins contribue à la santé du secteur privé. Ainsi, en augmentant nos dépenses sociales pour permettre des activités comme le travail non rémunéré des femmes dans le secteur des soins, l'établissement de programmes publics et leur financement dans les secteurs de la santé, de l'éducation, du soutien au revenu et des garderies, nous jetons en fait les bases d'une économie saine, et de la santé du secteur privé.
• 1415
Je pense qu'on a trop insisté sur une division artificielle
entre l'aspect économique et l'aspect social. Ils se renforcent
l'un l'autre et il faut investir dans l'économie sociale, dans le
secteur public, le secteur des soins, afin de s'assurer que
l'économie ira bien. Et je crois que ce devrait être là la priorité
du prochain budget.
Le président: C'est très clair, merci.
Madame Côté.
[Français]
Mme Diane Côté: Si vous me le permettez, je vais parler en français cette fois-ci.
Un des éléments importants pour le Canada est son identité. Investir dans l'identité canadienne, à ce stade-ci de notre histoire, est absolument essentiel. Je ne pense pas que ce soit, comme madame a dit, de l'argent jeté à l'eau.
Il faut permettre aux francophones de Colombie-Britannique et de partout au Canada, à l'extérieur du Québec et au Québec, d'être des citoyens à part entière et non plus seulement des citoyens de deuxième classe. Cela exige un investissement de la part du gouvernement fédéral canadien et il faut aussi que des conditions soient rattachées à cet investissement. Yseult a dit plus tôt, et madame l'a répété, qu'il faut imposer des conditions aux provinces quand on leur transfère de l'argent. Il faut que l'argent des Canadiens et des Canadiennes soit distribué dans les provinces de façon équitable et juste. Cela inclut la population de langue officielle qui vit en situation minoritaire. Je parle en particulier du dossier de l'éducation, qui est du domaine provincial, mais la province jouit de fonds fédéraux qui lui sont transférés.
Pour ce qui est des organismes francophones dans les provinces à l'extérieur du Québec, ils offrent à la population francophone énormément de services et d'emplois, qui sont en fait un investissement pour l'ensemble de leur province ou de leur milieu de vie.
Donc, lorsqu'on investit dans notre population de langue officielle vivant en situation minoritaire, ce n'est pas une dépense inutile. C'est un investissement qui a des retours réels et qui permet au Canada d'être ce qu'il est, c'est-à-dire un pays qui compte deux langues officielles, qui est tolérant et accueillant pour l'ensemble des populations du monde et qui est ouvert au monde.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président. Je pensais que vous vous apprêtiez à clore la séance. Je présume que vous craigniez que M. Gallaway ou moi-même ne posions des questions au sujet des dérivés des banques...
Le président: Puisque nous n'avons aucune idée de ce que ça peut être.
Des voix: Oh, oh.
M. John McKay: Aucun de nous, ni aucun des témoins aujourd'hui, pas plus que ceux d'hier, alors que nous avons passé des heures et des heures à essayer de comprendre ce qu'étaient les dérivés des banques.
Le président: N'aviez-vous pas une question?
M. John McKay: Oui, il y en a une. Je commence toujours par le discours, pour que tout le monde reste bouche bée.
Je voulais approfondir la question des garderies. Je suis assez d'accord avec vous, quand vous dites que tout va mal de ce côté, actuellement. Revenons aux principes fondamentaux. Je veux connaître votre position: dites-vous que la façon dont les Canadiens élèvent leurs enfants n'a aucun rapport avec le régime fiscal, qu'ils soient élevés par des tiers, hors du foyer, ou à la maison, lorsque l'un des conjoints reste à la maison?
Y a-t-il un principe de base dans votre proposition?
Mme Margot Young: Je pense que l'un des principes de base que nous proposons, c'est que les femmes doivent avoir la même possibilité que les hommes de choisir d'aller sur le marché du travail ou de rester à la maison pour élever les enfants, ou de travailler à la maison.
M. John McKay: Il faut faciliter le choix, donc.
Mme Margot Young: Oui—les femmes doivent avoir les mêmes possibilités que les hommes lorsqu'il s'agit de prendre une décision aussi importante, soit choisir le genre de travail auquel elles consacreront leur vie.
M. John McKay: Et le choix doit être fait au sein de la famille.
Mme Margot Young: Je m'excuse, je ne comprends pas la question.
M. John McKay: On peut présumer que c'est la famille qui décide si la femme, dans la plupart des cas, même si c'est parfois l'homme, va ou non travailler, lorsqu'il s'agit de penser à l'éducation des enfants.
Mme Margot Young: C'est la femme qui décide.
M. John McKay: Pourquoi est-ce la femme qui doit décider?
Mme Margot Young: Parce que c'est sa vie, c'est sa décision, c'est son choix de... En fait, on présume qu'elle le fait conjointement avec...
M. John McKay: Vraiment? Comment se fait-il que ce sont les femmes qui décident de la façon dont on élève les enfants?
Mme Margot Young: Je suis désolée, encore une fois, je ne comprends pas la question?
M. John McKay: Je vais la poser de nouveau. Je ne comprends pas.
Mme Margot Young: Il me semble que nous parlons d'une décision fondamentale...
M. John McKay: Oui, en effet.
Mme Margot Young: ...prise personnellement, puisqu'il s'agit de la vie d'une personne et des choix qu'elle fait.
M. John McKay: Si ma femme et moi avons un enfant, c'est à elle seule de décider si elle retournera ou pas sur le marché du travail? Qu'en est-il...
Mme Margot Young: Au bout du compte, c'est à votre femme de décider. Je suis convaincue que les femmes consultent leurs partenaires, leurs conjoints, mais au bout du compte, à mon avis, c'est à la femme de décider, en effet.
M. John McKay: C'est donc uniquement à la femme de décider, c'est sa décision, de retourner ou non sur le marché du travail.
Mme Margot Young: Permettez-moi de vous retourner la question. Je ne vois pas très bien pourquoi vous me la posez sans cesse. Pourriez-vous être plus clair quant à votre préoccupation?
M. John McKay: Je vous pose cette question parce que je veux comprendre vos principes fondamentaux. Vous comprenez, je suis assez d'accord avec vous—les choses vont très mal du côté des garderies—mais je veux comprendre les principes dont nous nous servirons pour remanier le système. Je pensais que votre position aurait été qu'il revient à la famille de prendre cette décision, dans le meilleur intérêt de la famille; une fois la décision prise, la Loi de l'impôt sur le revenu devrait être absolument neutre quant à l'effet qu'aura cette décision prise en famille.
Qu'est-ce qu'il y a de mal à cela?
Mme Margot Young: Eh bien, je vous renvoie la balle: qu'est-ce qui vous chiffonne, quand on dit que c'est un choix qui revient à la femme? Est-ce que ça vous dérange, qu'on reconnaisse que cette décision revient à la femme?
M. John McKay: J'aurais du mal à dire que c'est autre chose qu'un choix familial.
Mme Shelagh Day: Peut-être que je peux parler plus concrètement.
J'ai une tante que j'aime beaucoup. Elle est mariée à mon oncle et a vécu avec lui pendant des années. Il travaillait au CN. Il était mécanicien de locomotives. Ils ont eu sept enfants. Elle les a élevés, en restant à la maison. Une fois ses enfants élevés, elle a aidé à élever ses petits-enfants. À un moment donné, quand tous les enfants ont été grands, elle a dit à mon oncle Bill: «j'aimerais avoir un emploi, je veux trouver du travail». Il lui a répondu: «si tu sors de la maison pour te trouver un emploi, ne reviens jamais».
Une chose que nous tenons à dire aujourd'hui, c'est qu'il y a des questions, des questions fondamentales, relatives à l'égalité des femmes et qui se rapportent à leur capacité de faire des choix, dont celui de rester à la maison ou de se trouver du travail à l'extérieur, et du moment qui convient pour le faire.
M. John McKay: Mais ce dont nous parlons, c'est de la façon dont le régime fiscal s'adapte aux situations familiales.
Mme Shelagh Day: Oui.
M. John McKay: Là où je veux en venir, c'est qu'il faut concevoir un système non sexiste et adapté aux choix des familles relativement à l'éducation des enfants.
Mme Shelagh Day: La différence pour nous, alors, c'est que nous disons que le régime fiscal doit être conçu de manière à ne pas augmenter l'inégalité des femmes mais en favorisant plutôt l'égalité des femmes. Il ne s'agit donc pas simplement de créer un système qui semble non sexiste, puisque notre expérience d'un tel système nous a montré qu'en pratique, il favorise les hommes, qui sont déjà favorisés pour ce qui est de l'accès au revenu, etc.
M. John McKay: Mais le système actuel n'offre-t-il pas toutefois des déductions et des crédits principalement au conjoint dont le revenu est le moins élevé? Est-ce que cela désavantage ou favorise le conjoint ayant le revenu inférieur?
Mme Margot Young: Je répondrai à cette question dans un instant. Je veux revenir un peu en arrière et insister sur la différence fondamentale entre nos deux approches.
M. John McKay: Je ne suis pas certain qu'il y en ait une, mais allez-y.
Mme Margot Young: Il y en a une, si vous êtes mal à l'aise lorsque nous parlons du choix incombant aux femmes et cela signifie que nous ne nous entendons pas là-dessus. Je pense qu'il importe de reconnaître qu'au sein des familles, la répartition des ressources et du pouvoir est souvent inégale et que, comme le révèle l'histoire de Mme Day, les femmes ne font pas toujours ce qu'elles veulent. Elles sont souvent dans une situation d'impuissance par rapport à cette décision. C'est pourquoi il importe de dire que c'est un choix qui revient aux femmes.
• 1425
En concevant un régime qui s'occupera de cette question, il
est important de tenir compte de la réalité sexiste de la vie des
hommes et des femmes; les hommes et les femmes, dans la société
canadienne, n'ont pas la même situation sociale. Un programme sans
distinction de sexe ne reconnaîtrait pas cela. Nous pensons qu'il
faudrait en fait des principes précis se rapportant au sexe, des
principes d'égalité des sexes, pour tout programme traitant de ces
questions.
Maintenant, pour répondre à votre question au sujet des crédits et déductions accordés au conjoint ayant le revenu le plus faible, certaines des propositions formulées pour régler ces questions, comme la répartition du revenu, n'apportent pas d'avantages à la femme ou au principal membre de la famille qui dispense des soins, et c'est un problème. Comme nous l'avons déjà dit, d'autres types de mesures, comme les déductions et les crédits non remboursables ne procurent aucun avantage tangible aux femmes.
M. John McKay: N'est-il pas prétentieux de votre part d'imposer ce point de vue sur la façon dont chaque famille se comporte dans son foyer?
Mme Margot Young: Non, je ne crois pas que nous imposions notre point de vue quant à savoir si les femmes devraient rester à la maison.
M. John McKay: Mais si.
Mme Margot Young: Un instant, laissez-moi finir. Laissez-moi répondre à votre question.
Je ne crois pas que nous imposions quelque point de vue que ce soit sur la façon dont les femmes devraient régler la question de savoir si elles devraient rester à la maison pour prendre soin de leurs enfants ou aller sur le marché du travail. Nous disons simplement qu'elles devraient pouvoir faire l'un ou l'autre si elles le souhaitent, et que l'un ou l'autre choix devrait être reconnu et respecté par la société canadienne.
M. John McKay: Revenu Canada devrait respecter le choix que fait chaque famille quant à qui travaille ou ne travaille pas, ou comment les enfants sont élevés. Revenu Canada n'a pas à déterminer comment chaque famille fait ces choix.
Mme Shelagh Day: Le régime de Revenu Canada est censé respecter la Constitution, et le rôle du gouvernement est de s'assurer qu'il respecte ces principes dans toutes ses politiques. L'article 15 de la Constitution garantit l'égalité pour tous. Si, dans les faits, le régime fiscal aggrave les inégalités actuelles, sur le plan du revenu, du statut économique et des choix dont les femmes disposent, Revenu Canada et le gouvernement enfreignent la Constitution.
Nous ne pouvons accepter du gouvernement qu'il refuse d'intervenir, car son rôle est de créer des systèmes qui assurent l'égalité, y compris l'égalité entre les hommes et les femmes.
M. John McKay: Selon votre argument, il serait logique de conclure que tout programme qui favorise les femmes plutôt que les familles est inconstitutionnel.
Mme Shelagh Day: Je ne comprends pas ce que vous dites. Je pense que tout programme qui appuie les femmes aide les familles; je ne vois pas pourquoi vous établissez cette dichotomie.
M. John McKay: C'est vous qui faites cette dichotomie, car vous préconisez un point de vue philosophique particulier quant à la façon dont les enfants doivent être élevés. Je vous réponds en vous disant qu'il existe un principe qui veut que Revenu Canada n'influe pas sur la façon dont les familles choisissent d'élever leurs enfants.
Mme Margot Young: Je vois mal comment vous pouvez nous attribuer de tels propos. Je répète encore une fois que nous voulons que l'on respecte le choix des femmes qui préfèrent rester à la maison pour prendre soin de leurs enfants tout autant que celui des femmes qui travaillent à l'extérieur.
M. John McKay: D'accord. Je vous comprends.
Mme Margot Young: Mais j'ai dû le dire au moins cinq fois déjà aujourd'hui.
M. John McKay: Voyez-vous, le problème, c'est que le dernier budget a été très bon pour moi. Ma famille se porte très bien, car nous sommes relativement riches. Ma femme travaille et nous avons profité de toutes ces petites déductions. Mais je ne peux pas dire cela de mon voisin. Mes voisins, eux, ont décidé de s'occuper de leurs enfants à la maison. Si je vous ai bien compris, vous voulez que Revenu Canada continue de m'accorder un traitement préférentiel à moi plutôt qu'à mon voisin.
Mme Margot Young: Non, et je vais vous dire pourquoi ce n'est pas ce que nous avons dit. Lorsque j'ai parlé de la nécessité de créer des crédits remboursables, je parlais du cas de la femme au foyer à temps plein.
M. John McKay: En fait, c'était une bonne idée. J'ai bien aimé cette idée.
Mme Margot Young: Je m'opposerais donc à tout crédit qui aiderait les familles riches comme la vôtre, mais non les familles à faible revenu.
M. John McKay: Oui.
Mme Margot Young: La question du travail non rémunéré qu'accomplissent les femmes au foyer est importante. Nous voulons nous assurer que le gouvernement adopte une solution qui respecte les principes de l'égalité des sexes, qu'il s'est engagé à respecter dans le plan fédéral pour l'égalité des sexes, et qui sont enchâssés dans l'article 15 de la Charte des droits et libertés. Voilà où nous voulons en venir, tout simplement.
M. John McKay: J'espère que vous avez compris où je voulais en venir.
Mme Margot Young: Non. Je suis désolée, mais j'estime que certaines des distinctions que vous avez faites vont à l'encontre de notre compréhension de l'égalité des sexes.
M. John McKay: Par conséquent, c'est la loi des conséquences imprévues qui prévaudra encore au sein du système, puisque plus vous insisterez sur «l'égalité des sexes», moins nous pourrons aider les enfants et les familles.
Mme Margot Young: Je ne comprends pas comment vous en arrivez à cette conclusion. Nous parlons de respecter le travail non rémunéré des femmes qui prennent soin des enfants et d'y accorder toute la valeur qu'il mérite, et ce, comme principe de l'égalité des sexes. C'est un principe qui sous-tend l'égalité des sexes.
M. John McKay: D'accord. Merci.
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci. J'ai deux questions très brèves à poser.
Monsieur Pastrick, on vous a négligé ce matin. J'aimerais faire une comparaison et que vous me disiez ce que vous en pensez.
J'habite le sud de l'Ontario, près de la frontière, et je sais que, dans l'État du Michigan, les programmes sociaux ont été réduits comme une peau de chagrin. En cinq ou six ans, on a aussi vu le chômage baisser au point où il est maintenant pratiquement inexistant.
Comment cette situation se compare-t-elle à la nôtre? Là-bas, il n'y a pratiquement plus de programmes sociaux, mais il n'y a pratiquement plus de chômage non plus.
Allez-y, monsieur Pastrick.
M. Helmut Pastrick: Je n'étais pas dans la lune, mais quelle était votre question?
M. Roger Gallaway: On réclame davantage d'argent pour les programmes sociaux, et moi je vous donne l'exemple d'un état où les programmes sociaux ont été réduits à l'extrême, à un niveau minimaliste, et où le taux de chômage a chuté puisqu'il est maintenant inférieur à 2 p. 100.
M. Helmut Pastrick: Vous savez, il faut être prudent lorsqu'on établit de simples relations de cause à effet. Je ne connais pas l'économie du Michigan dans le détail, mais il est fort probable que la baisse du chômage est attribuable aussi à d'autres facteurs.
M. Jason Kenney: Le contraire des dépenses sociales, c'est la réduction des impôts et des taxes.
M. Helmut Pastrick: En effet, c'est peut-être ce qui s'est passé en l'occurrence, je l'ignore. Si tel est le cas, il se peut que la baisse des taxes et des impôts ait contribué à la croissance économique et à la création d'emplois, abaissant du coup le taux de chômage. Mais il faut être prudent avant d'établir des relations de cause à effet aussi simples. Le monde est complexe; il y a toujours de nombreux facteurs qui entrent en jeu.
Tout ce que je peux vous dire c'est que, encore une fois, en général, l'histoire de l'économie est remplie d'exemples de croissance économique rehaussée par de bonnes politiques budgétaires, des politiques qui encouragent les entreprises, et qu'il ne faut pas toujours opposer les entreprises aux employés ou les riches aux pauvres. Nous sommes tous dans le même bateau, tout est interrelié. Pour bien des raisons, certaines entreprises sont prospères et certaines personnes ne le sont pas. Il n'y a pas que du noir et du blanc, il y a aussi des zones grises.
Les entreprises emploient des gens, alors, nous sommes tous dans le même bateau. J'aimerais bien que les gens cessent de parler de nous contre eux. Cela ne nous mène à rien.
En général, de bonnes politiques économiques, de bonnes politiques budgétaires entraînent la croissance économique. À l'aube du prochain millénaire, nous nous trouvons devant un monde très compétitif et nous devons nous assurer que nous pouvons attirer des entreprises, et les garder ici, avec leurs employés. Nous ne voulons pas que les gens partent pour les États-Unis. Nous voulons qu'ils restent au Canada et qu'ils exploitent leur plein potentiel.
Comment pouvons-nous y arriver? Il faut entre autres avoir de bons systèmes de sécurité sociale, d'enseignement et de santé. C'est essentiel, mais il faut aussi trouver les bonnes formes d'encouragement pour inciter les entreprises à s'installer ici.
Dans ma courte intervention j'ai signalé qu'il y a des cas où nous encourageons, par des subventions, l'établissement d'entreprises inappropriées. Combien d'argent accorde-t-on à des industries qui ne devraient pas être subventionnées?
• 1435
Ce sont des questions à caractère social, semblables à ce que
nous avons connu dans le cas de la Skeena Cellulose à Prince
Rupert. C'est une question fondamentale qui se pose sans doute à
bien des endroits au pays.
Si vous parlez des éléments de base, je vous dirai qu'un bon climat d'affaires qui encourage l'initiative des particuliers et des entreprises, c'est ce qui encourage la croissance économique. Ce n'est pas aller vers le fond du panier comme quand les gens disent que nous rivalisons avec les piètres salaires mexicains; c'est plutôt cueillir le dessus du panier. Il faut disposer d'industries ou d'activités à valeur ajoutée pour atteindre des sommets inégalés au lieu d'abaisser les salaires.
[Français]
M. Roger Gallaway: Madame Côté, vous avez parlé d'un problème que vous avez ici, dans cette province. Vous avez mentionné les critères...
[Note de la rédaction: Inaudible]...pour les écoles.
Mme Diane Côté: Pour les transferts.
M. Roger Gallaway: En cinq ans, je pense, 21 p. 100 des subventions ont disparu. Connaissez-vous l'ampleur des coupures dans les subventions provinciales aux écoles?
Mme Diane Côté: Si vous parlez de ce que la province fournit aux écoles, je ne suis pas vraiment au courant. Il faut comprendre que notre communauté francophone n'a un conseil et une gestion scolaires francophones que depuis deux ans. Auparavant, nos enfants fréquentaient des écoles des conseils scolaires anglophones. Donc, c'est tout à fait différent.
Lorsqu'on parle de coupures au PLOE, au Programme des langues officielles en enseignement, on parle de coupures à un programme fédéral-provincial de transfert qui couvre les frais spéciaux de l'éducation en français. Donc, on parle de l'éducation des enfants francophones, mais il s'agit aussi de sommes consacrées aux enfants qui étudient le français dans les classes d'immersion, aux enfants qui étudient le core French or French as a second language dans les écoles publiques normales. Cela inclut aussi les cours de français qui sont offerts dans les différentes universités, à Simon Fraser ou à l'UBC, et dans les collèges. Ce programme des langues officielles en enseignement inclut tout cela. Ce programme, seulement en Colombie-Britannique, a subi des coupures de 21 p. 100. Cela a eu un impact direct sur la qualité de l'enseignement du français en Colombie-Britannique, parce qu'on était déjà très peu financés ou très peu aidés dans ce domaine-là.
Comme on le sait, en Colombie-Britannique, nous vivons une situation très particulière et très difficile parce que la province ne reconnaît pas sa minorité de langue officielle et, par conséquent, n'investit pas un cent dans la communauté de langue officielle. On a énormément de difficulté à faire comprendre cela aux gens.
Comme je le disais plus tôt, avec son pouvoir de dépenser, le gouvernement fédéral devrait imposer des conditions. Il devrait exiger que la Charte des droits et libertés soit respectée et que, quand on transfère de l'argent, certains services minimaux soient offerts à la minorité de langue officielle.
M. Roger Gallaway: Les conseils scolaires francophones reçoivent-ils leurs subventions du gouvernement provincial seulement?
Mme Diane Côté: Ils en reçoivent du ministère de l'Éducation, mais il y a aussi les transferts fédéraux-provinciaux.
M. Roger Gallaway: Merci.
Le président: Merci, monsieur Gallaway.
[Traduction]
Monsieur Kenney, une dernière question.
M. Jason Kenney: J'aimerais m'adresser à nouveau à M. Pastrick, de la coopérative de crédit, qui a été un peu négligé ce matin.
Tout à l'heure, monsieur Pastrick, j'ai demandé à Mme Moreau si à son avis il y a un lien entre le fait que la Colombie- Britannique a le taux marginal d'impôt le plus élevé en Amérique du Nord, 54,5 p. 100, et le taux de croissance le plus bas actuellement.
Voyez-vous une corrélation? Dans quelle mesure les difficultés économiques de la province avec son cortège de problèmes sociaux, sont-elles la conséquence de la politique budgétaire de la Colombie-Britannique et, dans le reste du pays, des taux d'impôt élevés, de l'ampleur de la dette et des emprunts publics, par opposition aux facteurs étrangers?
Autrement dit, dans quelle mesure attribuez-vous les difficultés économiques actuelles de la Colombie-Britannique à la lourdeur des impôts et de l'endettement par opposition à la crise du commerce et des exportations?
M. Helmut Pastrick: Bonne question.
À mon avis, la situation économique actuelle en Colombie- Britannique est en bonne partie attribuable à la crise asiatique—la baisse des exportations et du cours des marchandises. Toutefois, à moyen et à long terme, la performance de la Colombie- Britannique dans les années 90 et même à la fin des années 80 n'a pas été aussi resplendissante qu'on pourrait le croire. On peut sans doute dire que notre politique fiscale et budgétaire, fédérale ou provinciale—sans doute plus provinciale dans les années 90—ont contribué à la piètre performance des années 90.
La Colombie-Britannique a profité d'un apport démographique important, d'un essor du secteur du logement, et nous avions l'impression que tout allait très bien. C'était vrai si l'on se comparait au centre du pays en 1991 et en 1992. L'Ontario était en récession alors qu'il y avait chez nous au moins un peu de croissance. C'était donc une période de croissance relative.
Pour répondre à votre première question, la différence entre notre performance de 1997 et celle de 1998 jusqu'à ce jour tient surtout à la crise de l'Asie-Pacifique et à la chute du cours des produits de base. Toutefois, notre performance n'a guère été reluisante en 1995 et 1996, où la croissance n'était que de 1 p. 100 par année, bien en deçà du pourcentage normal, qui est de 2,5 à 3 p. 100. Dans ce cas, il faudra trouver d'autres explications. La fluctuation du cours des matières premières entre également en jeu.
Voyons les divers secteurs qui font normalement tourner l'économie provinciale: l'exploitation forestière et minière, les moteurs de la croissance ici. Leur performance n'a pas été très bonne au cours des deux à quatre dernières années, et même dans les années 90. Par rapport au passé, elle était inférieure à la moyenne.
Donc, oui, on pourrait mentionner plusieurs politiques gouvernementales qui ont joué un rôle à moyen ou à long terme. Mais en plus, l'industrie forestière de la Colombie-Britannique ne peut plus fonctionner à des coûts moins élevés qu'auparavant, par le simple fait de notre terrain. Nous n'avons plus de peuplements forestiers qui sont facilement accessibles, ils ont tous été coupés. Nous devons nous rendre à des endroits de plus en plus isolés. Notre terrain est plus accidenté, ce qui ajoute à nos coûts automatiquement. C'est la réalité de la Colombie-Britannique.
Dans les basses terres du Fraser, les terrains et les maisons coûtent plus cher évidemment à cause de situation géographique. Par ailleurs, aux politiques provinciales s'ajoutent des politiques municipales. Dans quelle mesure sont-elles un facteur qui contribue à une planification incohérente, notamment dans le secteur des systèmes de transport?
Donc, certaines structures à coût élevé font partie de la réalité en Colombie-Britannique. Peu importe le parti au pouvoir ou les politiques en place, nous sommes un producteur à coût élevé, si vous voulez, au moins dans une certaine mesure. Mais certaines politiques de notre gouvernement—et je pense aux forêts et même à la fiscalité—ont un effet sur notre situation actuelle, bien sûr, c'est vrai.
M. Jason Kenney: Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kenney.
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Au nom du comité, je tiens à vous remercier sincèrement de
cette excellente discussion. Les opinions de chacun et chacune sont
importantes dans ce processus. Nous apprenons vraiment beaucoup
chaque fois que nous nous déplaçons pour écouter les gens du
Canada.
Si nous avons pu l'an dernier faire accepter bon nombre de nos recommandations par le ministre des Finances, c'est en grande partie grâce à l'excellente contribution des Canadiens et des Canadiennes, dont plus de 4 000 avaient participé à cet exercice.
Nous avons bien capté les messages clairs que vous nous avez transmis, et soyez assurés que nous les avons bien notés et que nous avons l'intention de les intégrer à notre rapport au ministre des Finances et à la Chambre des communes. Merci.
La séance est levée.