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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 20 octobre 1998

• 1213

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Bonjour et bienvenue aux audiences du Comité permanent des finances.

Aujourd'hui, nous poursuivons une double série d'audiences de consultation. Au cours de la première partie du programme de cet après-midi, nous entendrons les recommandations des témoins au gouvernement, leurs priorités, au sujet du budget qui sera présenté en février 1999. Au cours de la deuxième séance, nous entendrons leurs recommandations au gouvernement au sujet du groupe de travail MacKay sur les institutions financières.

Je vous présente mes excuses pour notre retard. Nous avons un tout petit problème à Ottawa cet après-midi. Il y a un débat sur une motion d'urgence; les députés ont été rappelés et doivent retourner pour participer au vote—je pense que ce sera vers 17 heures ou 17 h 30. Même Mme Wayne doit partir à 17 h 15. Nous allons donc commencer, et si quelqu'un d'autre se joint à nous, nous continuerons.

Je préciserai à titre d'information que, conformément au mandat que lui confèrent le paragraphe 108(2) et l'article 83.1 du Règlement, le Comité reprend ses consultations prébudgétaires.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins suivants: de la Federation of New Brunswick Faculty Associations, M. John Thompson, professeur, ancien président, membre du conseil d'administration et président du département de mathématiques de l'Université du Nouveau-Brunswick, et M. Jack Vanderlind, vice-président. Bienvenue, messieurs.

Je souhaiterai également la bienvenue à Mme Isabelle Doucet, du Groupe des 12 pour la justice sociale.

• 1215

[Français]

Je vous remercie et vous souhaite la bienvenue. Je crois que vous connaissez déjà la façon dont se déroulent nos délibérations.

[Traduction]

En premier lieu, nous n'avons personne du Bloc québécois, mais ils s'expriment normalement en français. Vous avez donc des récepteurs d'interprétation que vous pourrez utiliser s'ils arrivent. Je crois que l'interprétation en anglais est sur le canal 1.

Nous laissons normalement entre cinq et dix minutes à chaque groupe pour exposer son point de vue, puis nous passerons aux questions des députés. Qui veut commencer? Très bien, ce sera donc M. Thompson. Je vous souhaite à nouveau la bienvenue.

M. John Thompson (professeur, ancien président, Membre du conseil d'administration et président du département de mathématiques de l'Université du Nouveau-Brunswick): Merci beaucoup. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de parler au Comité permanent de questions qui intéressent particulièrement notre organisation et nos collègues.

Je ferai de brèves observations générales pour compléter les deux documents que nous avons distribués tout à l'heure. Mon collègue, M. Vanderlind, qui se trouve être le président du département de physique de l'UNB, ajoutera peut-être certains détails que je pourrais oublier.

Nous aimerions qu'on comprenne bien que les universités préparent les gens à la vie. Elles sont une partie importante du tissu social du Canada et de tous les autres pays modernes. À la différence des autres établissements d'enseignement postsecondaire, nous fournissons une base plus vaste et plus approfondie qui prépare les gens à toutes sortes de changements, qu'ils concernent le lieu de travail, le type d'emploi ou la situation sociale. Voilà ce que nous fournissons spécialement.

Mais, comme notre mémoire le souligne, il y a une série de considérations économiques liées à l'éducation universitaire qui sont importantes aussi bien pour le pays dans son ensemble que pour les personnes qui reçoivent cette éducation. À notre avis, la Chambre des communes et, en particulier, le gouvernement devraient adopter une perspective à plus long terme que ce qu'on a constaté ces dernières années pour ce qui est du financement des universités par les provinces—puisque les transferts de fonds ont été très fortement réduits. Cela cause des difficultés aux universités et nous place maintenant dans une situation critique en ce qui concerne les normes de nos programmes, l'équipement dont nous avons besoin pour enseigner et notre compétitivité avec les États-Unis, notre principal partenaire commercial.

Comme les députés le savent peut-être, depuis environ trois ans, pratiquement tous les États et le gouvernement fédéral des États-Unis ont fortement augmenté, d'une façon ou d'une autre, le financement des universités et l'aide financière accordée aux étudiants—selon les États, les augmentations sont en moyenne de 6 à 8 p. 100—, alors qu'au Canada, nous n'avons connu que des réductions. De ce fait, nous allons avoir plus de mal à préparer aussi bien nos étudiants que ceux de nombreux établissements américains au cours des cinq à dix prochaines années, parce que nous ne pourrons pas remplacer assez de professeurs qui prendront leur retraite. Nous ne pourrons pas remplacer l'équipement. Nous ne pourrons pas tenir nos bibliothèques à jour. Cela a un impact économique direct.

Comme l'expliquait le mémoire de l'Association canadienne des professeurs d'université, que je pense que vous avez reçu, nous sommes conscients du fait que le gouvernement a rétabli en partie le financement du secteur de l'enseignement supérieur, aussi bien pour la recherche que pour les étudiants. Le rétablissement du financement des trois conseils fédéraux de recherches est très important, et je pense que cela aura des répercussions positives à long terme. Nous nous réjouissons que le gouvernement actuel ait créé la Fondation canadienne pour l'innovation, qui aura des effets importants. Le Fonds des bourses du millénaire est certainement une initiative dont on constatera, nous l'espérons, les importantes répercussions dans les années à venir. Mais rien de cela, ni aucun autre récent développement ne règle directement notre problème fondamental, qui est de conserver nos installations physiques ainsi qu'un nombre suffisant de personnel formé pour dispenser un enseignement aux étudiants.

• 1220

Ce financement de base contribue à rendre le financement accordé aux conseils de recherches plus productif, parce que ces conseils partent du principe que les universités fournissent l'équipement de base et d'autres formes de soutien. Mais elles ont de plus en plus de mal à le faire.

Nous nous attendons à ce que le gouvernement augmente les sommes consacrées aux soins de santé dans le prochain budget, et nous nous en réjouirons. Cela nous paraît très important. Toutefois, si une fraction relativement modeste de ce niveau de financement était accordée à nouveau au système postsecondaire, cela ferait une énorme différence, et nous espérons que cela sera envisagé sérieusement.

En fait, les gens de mon âge bénéficieront de façon disproportionnée du financement des soins de santé. J'ai un âge suffisant pour pouvoir prendre ma retraite au début du mois de juillet prochain, mais qu'en est-il des gens de 20 ou 25 ans, de qui nous attendrons tous qu'ils dirigent notre pays au cours du prochain millénaire? Je pense que le gouvernement doit penser davantage à l'avenir et examiner les répercussions de sa politique sur les deux ou trois prochaines générations.

Les mémoires que nous avons présentés indiquent que, du point de vue économique, les diplômés universitaires trouvent presque tous du travail. Pour eux, c'est presque le plein emploi. Mais, ce qui n'est pas moins important, ce sont eux qui créent des emplois pour beaucoup d'autres gens dans l'économie.

Ici, au Nouveau-Brunswick, comme vous le savez probablement—et le chef du Parti progressiste-conservateur le sait certainement—, une proportion importante de notre économie est fondée sur l'industrie des pâtes et du papier. Les employés de cette industrie gagnent des salaires élevés et ils sont parmi les principaux moteurs de l'économie de notre province et de beaucoup d'autres provinces de notre pays. Or, les gens qui conçoivent les usines de pâtes et de papier, qui en supervisent l'entretien, sont des ingénieurs. Ils sont formés dans les universités.

Les problèmes que connaissent actuellement les administrations et les conseils des gouverneurs des universités les incitent, dans certaines provinces, à envisager une augmentation brutale des frais de scolarité pour les écoles professionnelles comme celles d'ingénieurs. À notre avis, ce serait une erreur et irait à l'encontre des intérêts à long terme de notre pays, parce que les diplômés ne sont pas les seuls à bénéficier de l'éducation universitaire. Sans les ingénieurs chimistes, mécaniciens et électriciens, toutes nos usines de pâtes et de papier, dans tout le pays, fermeraient leurs portes. Il en va de même des forestiers professionnels qui reçoivent des diplômes en foresterie d'universités comme l'Université du Nouveau-Brunswick. Ces choses-là sont très importantes, et leur effet est loin d'être limité à leurs seuls bénéficiaires directs.

Un autre problème que nous connaissons depuis peu dans notre pays est la forte diminution du nombre d'étudiants à temps partiel dans les universités due à la réduction des différentes formes d'aide qu'ils reçoivent par l'entremise des transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux.

Certains retournent à l'université pour essayer d'obtenir un diplôme ou d'acquérir des qualifications nouvelles afin de trouver plus facilement un emploi. S'il y a une baisse du nombre d'inscriptions à temps partiel—et, d'après les derniers renseignements publiés par Statistique Canada au sujet des changements intervenus entre 1992-93 et 1997-98, ce nombre a diminué d'environ 24 p. 100—, cela veut dire en gros que les gens qui, au cours de la décennie précédente, seraient devenus plus employables et auraient contribué à la société à un niveau supérieur, d'un point de vue économique ou autre, ne pourront pas le faire. Nous avons donc créé une situation telle que, dans cinq ans, il y aura plus de gens incapables de trouver un emploi qu'il n'y en a maintenant. Cela nous paraît constituer un problème grave.

• 1225

Outre les préoccupations générales qui existent dans l'ensemble du pays, il y a des préoccupations régionales spécifiques ici au Nouveau-Brunswick, en particulier parce que c'est une petite province. Ses capacités budgétaires sont limitées, et les universités ont joué un rôle très important dans les transformations sociales et économiques qui se sont produites ici au cours des 25 dernières années.

Si on examine de façon détaillée la transformation de la Société acadienne au Nouveau-Brunswick durant les 30 dernières années depuis la fondation de l'Université de Moncton, ou les répercussions économiques de l'Université du Nouveau-Brunswick, ici, au campus de Saint John—que, j'ai le plaisir de le dire, la députée ici présente soutient depuis longtemps très fermement—, on constatera que ces établissements sont très importants pour nous, mais qu'ils font face à de très graves difficultés.

Nous espérons donc que des ententes pourront être conclues avec les provinces pour rétablir une partie du financement qui a été supprimé. Nous pensons que cela peut se faire sans empiéter sur les prérogatives des provinces, parce qu'il n'est pas nécessaire que les fonds soient prévus pour des utilisations précises, sinon d'un certain point de vue moral, et ils ne sont pas assujettis aussi étroitement aux lignes directrices fédérales que ceux qui relèvent des lois régissant l'assurance-maladie et les soins de santé. Nous pensons donc qu'il faudrait envisager de faire quelque chose pour rétablir ce financement, qui sera important pour les prochaines générations de citoyens et d'employés de la société canadienne.

Jack, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Jack Vanderlind (vice-président, Federation of New Brunswick Faculty Associations): Je crois que mon collègue a très bien couvert le sujet. Je n'ai pas l'impression qu'il ait négligé grand-chose. Je suppose néanmoins que je pourrais m'étendre un peu plus sur certaines questions.

Pour ce qui est du financement de la recherche, il a signalé que la Fondation canadienne pour l'innovation fournissait maintenant des fonds. Dans ce domaine, il une aide considérable est également requise pour les fonds de fonctionnement.

Ainsi, plusieurs membres de mon département de physique reçoivent de l'argent de cette fondation, mais ils doivent maintenant chercher des fonds de fonctionnement. Si le CRSNG ne reçoit pas, à un moment ou l'autre, des fonds de contrepartie, il sera difficile d'utiliser tout l'équipement obtenu.

M. John Thompson: J'aimerais ajouter que certaines de ces nouvelles dispositions, comme cette fondation, favorisent, à notre avis, de façon disproportionnée les grandes régions métropolitaines du Canada, parce que la plupart des sources de fonds de contrepartie sont situées à proximité immédiate de Montréal, Toronto ou Vancouver. Nous aimerions qu'à l'avenir, en adoptant des règlements appropriés ou en les assouplissant, on cherche à permettre à notre partie du pays et aux provinces des Prairies d'en bénéficier de façon appropriée.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Thompson. Vous pourrez peut-être commenter de façon plus approfondie certains sujets de préoccupation quand les députés vous poseront des questions.

[Français]

Je demanderais maintenant à Mme Doucet de continuer sa présentation. Je vous souhaite la bienvenue, madame Doucet.

Mme Isabelle Doucet (Comité des 12 pour la justice sociale): Bonjour. Je représente le Comité des 12 pour la justice sociale et je couvre donc un important aspect de notre société. On vit dans un système démocratique, mais ceci ne veut pas dire qu'y règnent l'égalité et la justice. Il est triste de constater combien de temps, d'énergie et d'intelligence sont dépensés dans de petits débats alors qu'il y a tant de questions importantes à régler.

On a de la difficulté à comprendre la pauvreté, mais on connaît bien les raisons pour lesquelles elle existe. Premièrement, des milliards de dollars s'accumulent dans les coffres de l'assurance-emploi, tandis que de nombreux travailleurs et travailleuses connaissent la pauvreté à cause de cette injustice.

Deuxièmement, on accorde des sommes d'argent pour la réalisation de mégaprojets et la construction de centrales nucléaires et d'autoroutes sans fin, tandis que des familles manquent d'argent pour se procurer de l'eau chaude, pour payer leur facture d'électricité, pour apaiser la faim de leurs enfants ou pour s'acheter un dentier ou des lunettes. Il y a même des jeunes mères qui songent à se prostituer afin de joindre les deux bouts.

• 1230

Troisièmement, on accepte de payer pour le renflouage d'un bateau de l'empire Irving, tandis que nos vieux hélicoptères s'écrasent. On discute de l'aide financière aux grandes équipes sportives, tandis que nos jeunes athlètes mondiaux olympiques manquent de soutien.

Les banques réalisent des profits énormes. Des entreprises réussissent à ne pas payer d'impôts: en 1996, 82 000 entreprises rentables n'ont payé aucun impôt. Par ailleurs, les familles monoparentales démunies doivent verser des impôts.

Le vérificateur général nous dévoile le coût des dépenses non rationnelles et révèle des erreurs irréfléchies sans lesquelles nous aurions pu contribuer au remboursement de la dette et faire preuve d'une justice intelligente envers les autochtones.

De plus, on accorde des salaires, des fonds de pensions et des dépenses de voyage très généreux aux sénateurs et aux fonctionnaires d'Ottawa, tandis que nos jeunes étudiants s'endettent à coups de milliers de dollars.

On prépare des études et des rapports, et on entreprend des consultations sans trop se préoccuper des importantes dépenses qu'on engage.

Nous recommandons que le surplus de l'assurance-emploi soit utilisé pour répondre aux besoins dans ce domaine. On s'oppose à la fusion des grandes banques. On recommande fortement un soutien au développement rural. On réclame un budget qui nous assurera qu'aucun enfant ne connaisse la faim et le froid et ne manque de l'essentiel.

On pourrait entreprendre une foule d'initiatives en matière de développement rural. Tout le monde ne peut pas vivre dans les grandes villes. On est bien quand on vit dans une petite région. On est bien ici et on aime ça. On pourrait faire plein de choses en vue d'aider les gens. Dans les grandes villes, il y a beaucoup de pollution et une accumulation de voitures. Vivre dans une grande ville n'est pas une solution pour tout le monde.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Doucet. Je demanderai maintenant à M. Ritz de poser ses questions.

[Traduction]

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.

Bienvenue à tout le monde ici aujourd'hui. C'est certainement une belle ville où passer un mardi après-midi. Je suis désolé que notre séjour ici soit si bref.

Quelques questions me sont venues à l'esprit en écoutant les professeurs et en lisant leur mémoire. Il y a une chose que vous n'avez pas abordée. Vous dites que le chômage est plus faible chez les gens instruits que dans les autres secteurs de la société. J'oublie les chiffres exacts, mais c'était quelque chose comme 3,2 p. 100 de gens sans emploi parmi ceux qui ont fait des études supérieures.

Ces derniers temps, on a beaucoup entendu parler de l'exode des cerveaux. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Constatez-vous ce phénomène ici au Nouveau-Brunswick autant qu'on le constate dans le reste du pays? À quoi l'attribuez-vous? Quels en sont les causes et les effets ici dans notre pays? Comment régler ce problème, si c'est réellement un problème? À long terme, qui en souffre le plus? Les gens qui quittent le pays et laissent tout cela derrière eux ou ceux qui restent ici et continuent? Je me demande si vous pouvez commenter cela.

M. John Thompson: Culturellement, du point de vue de certains d'entre nous, ceux qui s'en vont en souffrent peut-être. Mais, dans l'ensemble, ils s'en vont parce qu'ils ont de meilleures possibilités—universitaires, économiques ou autres.

L'automne dernier, à l'UNB, l'ingénieur chimiste en pâtes et papier le plus éminent est parti pour l'Université du Maine, juste à côté de chez nous, à Orono. C'est à quelques heures de voiture. Nous avons perdu cet expert parce que l'Université du Maine a pu trouver de l'argent pour lui fournir un laboratoire et une aide technique. L'UNB était obligée de réduire son financement parce que nos sources d'argent s'épuisent. Ce n'est qu'un exemple.

En ce qui concerne les étudiants, un grand nombre des meilleurs et des plus brillants en science, en génie, en science sociale ou dans pratiquement n'importe quelle autre discipline continuent de s'en aller. Ils s'en vont dans le centre du Canada. Beaucoup d'entre eux vont aussi aux États-Unis. Ils s'en vont parce que, dans notre région, il y a une pénurie d'emplois de haut niveau. Nous pensons qu'il est important de stimuler la création de plus de postes de ce genre ici. Il y a eu ici des transformations très importantes de l'économie, mais il faut qu'il y en ait encore davantage.

• 1235

À l'heure actuelle, certains de nos hôpitaux manquent d'infirmières. Ces dernières années, à cause des compressions budgétaires et de la suppression de lits dans les hôpitaux, de nombreuses infirmières parmi les plus jeunes et les plus mobiles, diplômées de l'UNB ou de Moncton, sont parties dans le sud des États-Unis pour y travailler à plein temps et toucher un salaire plus élevé. Cet hiver, plusieurs hôpitaux du Nord du Nouveau-Brunswick constatent qu'ils n'ont pas assez de personnel pour certaines de leurs activités.

On pourrait multiplier les exemples. J'ai seulement cité quelques cas représentatifs. L'exode des cerveaux est donc un problème qui se pose dans l'ensemble du pays. Les gens s'en vont au centre ou au Sud. Je ne sais pas si cela répond correctement à votre question.

M. Gerry Ritz: Cela indique que ce phénomène existe, mais comment le régler? Quelle est la solution magique pour ralentir le mouvement?

M. John Thompson: C'était une partie importante de la question.

Si le système universitaire était même seulement un petit peu mieux financé pour que nous puissions fournir un meilleur équipement et davantage de soutien technique aux enseignants de certains de nos ministères et un niveau supérieur de formation aux étudiants, cela contribuerait à retenir les gens dans le système universitaire. Du même coup, un niveau plus élevé de formation technique permet d'avoir des emplois hautement qualifiés. Permettez-moi de vous donner simplement un exemple, puisque vous n'êtes pas de la province.

Grâce à un investissement réalisé par le gouvernement du Canada et, dans une moindre mesure, par la province du Nouveau-Brunswick au début des années 60, l'UNB a créé ce qui était le premier, et est resté pendant longtemps le seul, département de ce qu'on appelle maintenant la géodésie et le génie géomatique. C'est encore le meilleur département de notre pays. Il y en a seulement un autre, à Calgary, qui doit son existence au nôtre.

Ce département a fait naître une entreprise qui fournit des systèmes informatisés de gestion des terres très avancés dans le monde entier. Elle a conclu des contrats importants avec l'Égypte, les États-Unis, le ministère américain de la Défense et des pays européens. Elle emploie environ 70 personnes dans son bureau principal à Fredericton. Tous ces gens-là ont une formation très poussée et reçoivent des salaires très élevés.

Ils constituent une petite partie importante de notre économie locale. Il y a d'autres entreprises d'ici, de Saint John ou de Moncton, que je pourrais citer, qui ont été lancées par des gens formés dans les universités et certains de leurs professeurs. Elles maintiennent ces gens-là dans notre région. Mais je pense que les provinces et le gouvernement fédéral doivent fournir davantage d'aide pour qu'il y ait d'autres entreprises de ce genre.

M. Gerry Ritz: J'ai une autre question à poser à Mme Doucet.

La TVH a été harmonisée ici dans les Maritimes il y a maintenant deux ans. Aimeriez-vous conserver ce système ou devrait-on revenir en arrière? Cela a-t-il des retombées sur le secteur le plus pauvre de la société?

Mme Isabelle Doucet: Cela n'a pas aidé les pauvres.

M. Gerry Ritz: D'accord. Vous dites donc que nous devrions revenir en arrière et adopter une méthode différente?

Mme Isabelle Doucet: Je ne sais pas quelle est la solution, mais ceci n'a pas amélioré les choses.

Le vice-président (M. Nick Discepola): À quel égard? J'ai cru comprendre que le taux global était plus bas grâce à l'harmonisation, donc...

Mme Isabelle Doucet: Nous n'avons remarqué aucun changement dans les prix. Nous n'avons constaté aucun avantage.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Puis-je intervenir à ce sujet?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bien entendu.

Mme Elsie Wayne: Cela a créé des difficultés aux pauvres, parce que, quand la TVH a été harmonisée, elle a été appliquée aux vêtements pour enfants et à de nombreux autres articles qui n'étaient pas taxés auparavant. Cela a été extrêmement dur pour les gens qui ont un faible revenu.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Même si on prenait l'ensemble du panier de marchandises que quelqu'un utiliserait avec un taux de taxes réduit, cela ne donnerait toujours pas...

• 1240

Mme Elsie Wayne: Non. Par exemple, il n'y avait jamais de taxe à payer sur les couches de bébé auparavant, alors qu'il y en a une maintenant. Les choses de ce genre constituent un grave problème pour les gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Puis-je dire simplement quelque chose d'autre?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bien entendu, Elsie, allez-y. Nous pourrons revenir à M. Ritz ensuite.

Mme Elsie Wayne: Il y a une jeune femme qui va recevoir un diplôme honorifique de l'Université du Nouveau-Brunswick ici, à Saint John, cette semaine. Pam Coates vit elle-même dans la pauvreté, mais vu ses efforts et son travail, l'Université lui rend hommage pour ses tentatives de porter les problèmes qui existent à la connaissance du gouvernement.

Elle ne lance pas toujours des condamnations, mais elle essaie de démontrer que nous devons respecter la dignité des gens. Pam va donc recevoir un diplôme honorifique. Je ne crois pas que cela soit jamais arrivé auparavant dans une de nos universités pour quelqu'un comme Pam. Je pense que c'est réellement merveilleux. Cela montre le genre de gens que nous avons.

Nous avons plusieurs universités ici, dans les provinces Maritimes et à Terre-Neuve. Elles ont été classées comme les meilleures de tout le Canada. Vous avez entendu M. Thompson expliquer qu'à Calgary, en Alberta, on emprunte une partie de notre expertise et de nos programmes. C'est peu connu. Je voudrais poser quelques questions au professeur.

Il y a eu un grand changement depuis la réduction des paiements de transfert pour l'éducation, et c'est ce qui est à l'origine de cette situation. Le plus gros problème que j'ai à Ottawa est que je vois que le gouvernement actuel ne comprend pas toujours les provinces Maritimes, ce qu'elles ont à offrir, ce qu'elles ont fait dans le passé pour construire tout ce pays d'un océan à l'autre et ce qu'elles auront à offrir à l'avenir. Si nous ne consacrons pas à nouveau davantage d'argent à l'éducation au moyen des paiements de transfert, quelles répercussions cela aura-t-il sur nos jeunes gens, sur notre région et sur le Canada? S'ils ne travaillent pas, ils touchent l'assistance sociale ou l'assurance-emploi, et cela coûte de l'argent à chaque contribuable.

M. John Thompson: À long terme, cela réduira le niveau de vie dans la totalité du pays, y compris en Ontario, parce que si nous n'avons pas de bons emplois, nous ne pouvons pas acheter les automobiles produites à Oakville, à Windsor ou n'importe où ailleurs en Ontario, et on pourrait citer beaucoup d'autres produits. Nous sommes des Canadiens loyaux, comme, j'en suis sûr, la députée de Saint John s'en rend compte aussi bien que n'importe qui, mais cette région du pays était la plus riche avant la Confédération. Les dispositions prises au niveau national au cours des 100 années ou plus qui ont suivi nous ont porté préjudice.

Nous pensons que nos gens peuvent se défendre sur n'importe quel marché, que ce soit en matière intellectuelle, économique ou autre. Je l'ai démontré dans le passé et aujourd'hui encore. Toutefois, dans les circonstances, il faut que nous recevions un appui tangible du gouvernement central pour continuer à développer cette région afin que nos jeunes aient des possibilités identiques, ou au moins équivalentes, à celles qui existent dans le reste du pays. Je suis tout à fait d'accord avec les commentaires de la députée.

Mme Elsie Wayne: Cette question des paiements de transfert est très importante, et les trois domaines qui sont si importants pour nous tous, dans tout le pays, sont les soins de santé, l'éducation et les programmes sociaux. Je pense que c'est quelque chose que notre comité doit signaler au ministre.

Nous exportons des cerveaux au Canada central et dans l'ensemble du pays depuis des temps immémoriaux—et je dirai cela très brièvement. Quand j'étais maire, j'ai envoyé des invitations à une réception que nous avions donnée à Toronto sur le thème «Vous devriez nous voir maintenant». C'était au Hilton. Il y avait, sur un mur, des photos anciennes de Saint John, et, sur l'autre, des photos de Saint John aujourd'hui. Nous avions demandé à des gens du monde des affaires et du milieu universitaire de venir discuter avec nous. Il y a 75 hommes d'affaires qui ont payé pour venir. J'ai envoyé 1 500 invitations et 1 000 personnes sont venues. Ces invitations avaient été envoyées à tous les gens qui avaient fait leurs études ici et étaient allés travailler en Ontario—à Toronto et dans la région.

• 1245

Cedric Ritchie, l'ancien PDG de la Banque de Nouvelle-Écosse, a dit que c'était la réunion la plus intéressante à laquelle il avait jamais participé. Il a dit: «Quand je regarde les gens dans cette salle, Elsie, je suis très fier de nos gens de Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick.»

Voilà pourquoi je dis que nous avons tant à offrir, mais, là-bas, notre image n'est pas aussi positive qu'elle devrait l'être. Je pense que nous avons un gros travail à faire.

J'aimerais que vous ayez plus de temps pour pouvoir rester ici avec nous pendant un jour ou deux, monsieur le président. Tous les membres du Comité pourraient venir visiter l'université, parce que celle que nous avons ici est tout à fait exceptionnelle. Elle fait partie de l'Université du Nouveau-Brunswick de Fredericton, mais elle se tourne vers l'extérieur; elle attire des étudiants du monde entier. Nous avons pris l'initiative de les faire venir du monde entier et cela nous a valu des éloges. Mais nous avons besoin d'une certaine aide, parce que les compressions ont réellement des conséquences négatives pour nous.

Le vice-président (M. Discepola): Y a-t-il des commentaires? Monsieur Thompson?

M. John Thompson: On ne peut pas mieux le dire que la députée de Saint John. C'est très important pour nous dans cette région; c'est important pour notre diversité culturelle, pour notre stabilité sociale et économique et pour l'avenir des gens qui viendront après nous.

Quand les gens de mon âge plaident en faveur de choses dont nous allons directement bénéficier si nous avons un meilleur équipement et de meilleures installations, c'est une chose, mais nous devons tous les jours rencontrer des étudiants de 20 ans, et beaucoup de nos ordinateurs à l'UNB ne peuvent pas utiliser les logiciels dont ils ont besoin pour recevoir une formation adéquate. Je passe donc un certain temps chaque jour, et je suis sûr que Jack en fait autant dans son département, à dire aux étudiants que s'ils vont dans tel laboratoire, ce qu'ils sont censés faire ne marchera pas. Il faut qu'ils aillent dans un autre édifice en espérant que, s'ils attendent trois heures, ils pourront se servir d'un terminal capable d'utiliser ces logiciels.

On pourrait continuer à donner des exemples, mais nous pensons que la réduction des paiements de transfert a frappé notre région de façon disproportionnée, qu'il s'agisse des universités ou du reste de la société. Nous pensons que les mesures que le gouvernement actuel a prises pour financer à nouveau davantage le système bénéficient de façon disproportionnée à Toronto, Montréal et Vancouver.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Thompson, vous l'avez dit à deux ou trois reprises et j'en ai pris note.

M. John Thompson: D'accord.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous nous avez dit comment, à votre avis, ce financement... Vous avez également dit que les soins de santé bénéficient de façon disproportionnée de ce financement, et je crois qu'à ce moment-là, vous disiez qu'un groupe d'âge, et vous avez fait référence à vous-même, pouvait commencer à en profiter en juillet, alors qu'un autre groupe ne pouvait pas le faire.

J'aimerais que vous expliquiez comment, à votre avis, cette disproportion... de même que ce que vous venez juste de dire, que ce financement, par exemple, ou même les compressions étaient disproportionnés dans l'ensemble de la région. Je pense que les compressions... et j'aborderai cette question ensuite, mais j'aimerais savoir pourquoi, de votre point de vue, vous avez l'impression que vous êtes touchés de façon disproportionnée.

M. John Thompson: Pour ce qui est des soins de santé, nous avons une population vieillissante dans l'ensemble du pays, et ce sont les gens comme moi qui, au cours de la dizaine d'années à venir, feront le plus appel au système de soins de santé.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Si nous tombons malades—et, Dieu nous en préserve, j'espère que non.

M. John Thompson: Bon, j'espère que non, mais, d'un point de vue statistique, simplement en tant que personne représentative de l'ensemble de la population, cela va m'arriver.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais avez-vous des indications démographiques montrant que, dans les Maritimes, par exemple, la pyramide des âges est disproportionnée et qu'on utilise plus les soins de santé que dans certaines zones d'autres parties du pays?

M. John Thompson: Je suis sûr que votre autre témoin pourra donner plus de détails, mais, là où il y a des poches de pauvreté, vous constaterez que le système de soins de santé est plus sollicité, parce que les gens qui ne s'alimentent pas correctement et n'ont pas reçu la formation nécessaire pour gérer leur vie de toutes sortes de façons ont tendance à tomber malades plus souvent. Il y a beaucoup d'études qui le montrent.

Un de mes collègues de l'UNB, qui occupe une chaire subventionnée à la faculté d'éducation, a fait des études statistiques détaillées de données canadiennes et américaines qui montrent que les enfants qui ont de moins bons résultats scolaires ont donc plus de mal à trouver un emploi et sont plus souvent malades pendant leur vie. Et beaucoup des choses fâcheuses qui arrivent aux gens se produisent de façon disproportionnée si leur vie a connu un mauvais départ.

• 1250

Je vous renvoie aux travaux de Douglas Wilms. Je pense que vos collaborateurs pourraient se faire un plaisir de chercher ces renseignements à votre intention, ou nous pourrions vous les fournir. Il y en a beaucoup. Je vous en donne seulement un aperçu superficiel.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je dirai alors que ce n'est pas disproportionné. Je dirai que vous trouverez plus de pauvreté, plus de besoins en matière d'éducation et de soins de santé dans les grands centres. Vous n'avez qu'à vous rendre, par exemple, dans ma ville de la région de Montréal ou aller à Toronto. Nous connaissons les problèmes auxquels les sans-abri et les pauvres sont confrontés là-bas.

«Disproportionné» n'est peut-être pas le mot qui convient. Je pense qu'il faudra que vous examiniez la situation démographique de chaque région. Dans un pays comme le nôtre, il faut chercher à régler les problèmes là où ils se posent. Cela ne veut pas dire qu'à cause de chaque région, nous devons... et nous obliger à dépenser des sommes égales dans tout le pays. Il faut attaquer les problèmes à leur source.

Je reviens à ce que Mme Wayne et vous-même avez suggéré—et je n'entends pas dire cela seulement dans les Maritimes. Je pense que les préoccupations au sujet des soins de santé, de l'éducation et des programmes sociaux trouvent un écho dans l'ensemble du pays. Où que nous allions, on nous fait part de ces préoccupations. Mais est-ce toujours une question de financement? Si j'examine à nouveau votre suggestion, dans le dernier budget, nous avons augmenté le financement des trois conseils dispensateurs de subventions de plus de 400 millions de dollars par an. Donc, d'ici l'exercice 2000-2001, nous l'aurons augmenté de plus de 903 millions de dollars? Quelle est la limite appropriée?

Un autre exemple que j'avancerai est que nous avons eu un forum national sur la santé qui a consulté la population canadienne. Ce n'était pas un groupe de politiciens. C'était des professionnels dans leur domaine. Il était présidé par le premier ministre lui-même, qui a dit que la somme appropriée pour les soins de santé devrait être de 12,5 milliards de dollars. Et qu'a fait le gouvernement? La première chose qu'il a faite a été de prendre 1 milliard de dollars à la première occasion pour réinvestir cette somme dans ce secteur.

Quand je regarde ma propre province, le Québec, où le nombre de lits par habitant est disproportionné par rapport à l'Ontario, la province voisine, et quand je regarde certaines provinces qui consacrent un montant disproportionné par habitant à l'éducation, je me demande si c'est réellement—pour citer certains membres du Bloc québécois—la faute du fédéral ou si c'est une priorité que les provinces ont choisi de se donner? Comment se fait-il que l'Alberta, qui a été une des premières provinces à pratiquer des coupures massives, ne s'est pas retrouvée avec des excédents de plusieurs milliards de dollars dans son budget? Ne s'agit-il pas de laisser les provinces déterminer leurs priorités? Est-ce que le gouvernement fédéral devrait simplement donner de l'argent, encore et encore? Et quand vous avez dit que nous n'avions pas à nous inquiéter de réserver des fonds à certains domaines spécifiques, j'ai été parcouru de frisson en vous entendant dire cela.

Si nous devons donner de l'argent aux provinces—j'aimerais connaître votre opinion, peut-être celle de vous deux—, ne devrait-il pas être affecté spécifiquement à des secteurs ciblés? Si nous allons dire que nous devons réinvestir dans l'éducation, à titre de politicien fédéral, je tiens à être tout à fait sûr que cet argent sera utilisé pour l'éducation. Si nous voulons le réserver à la lutte contre la pauvreté, je tiens à être tout à fait sûr que ce sont les bons groupes qui le recevront.

Donnez-nous vos commentaires, s'il vous plaît.

M. John Thompson: Je vous ferai part de mes commentaires avec plaisir.

Nous convenons avec vous que l'idéal serait d'affecter les fonds à des domaines précis, et si vous pouvez trouver un moyen de le faire, vous n'aurez aucune objection de notre part. Nous disons simplement que le gouvernement fédéral ne devrait pas laisser la réticence des provinces l'empêcher de prendre les mesures appropriées, parce que l'attitude du Nouveau-Brunswick n'est pas la même que celle de l'Alberta, par exemple.

Pour ce qui est des situations disproportionnées, nous avons bien entendu tous vu des sans-abri à Toronto, ce que nous attribuons à la diversité de la population, parce que, dans son ensemble, Toronto est extraordinairement riche par rapport à presque n'importe quel autre endroit du pays, et nous nous rendons compte que Montréal a été beaucoup plus désavantagée que les autres régions du pays depuis une vingtaine d'années. Nous pensons qu'il faudrait également faire quelque chose là. Mais je pense que si vous examinez le problème en fonction du nombre d'habitants, vous constaterez que le pourcentage de difficultés économiques est, dans l'ensemble, plus élevé dans notre région que dans la plupart des autres provinces.

• 1255

Pour ce qui est de rétablir le financement du CRSNG et des deux autres conseils fédéraux dispensateurs de subventions, nous avons trouvé cela réellement merveilleux. Vous demandez quelles sont alors les comparaisons appropriées. Devrait-il ou non y avoir des limites, et que devraient-elles être? Ce que nous consacrons à la recherche au Canada par habitant ou par rapport à notre PIB est encore très loin de ce qu'y consacrent la plupart de nos sociétés concurrentes. Je pense donc que tel devrait être notre objectif.

Mais, pour revenir au financement des conseils de recherches, ils s'attendent à ce que les universités qui reçoivent ces subventions les appuient. Ils ne paient pas les professeurs; le CRSNG ne les paie pas. Ils ne paient pas les techniciens des laboratoires. Ils achètent une partie de l'équipement, mais ils ne paient pas l'eau. Nous avons de superbes biologistes des milieux marins et de la faune marine à notre campus de Saint John et à celui de Fredericton. Dans leurs installations de laboratoire, ils utilisent des quantités énormes d'eau. L'université doit couvrir ce genre de frais. Et, chaque année, sa base de financement est réduite.

Là encore, en ce qui concerne la réduction de la base de financement général des universités, le fait est que Ralph Klein, dans sa sagesse ou son absence de sagesse, a sabré dans le financement des universités en le diminuant d'environ 20 p. 100 en Alberta il y a trois ans, et son ami de l'Ontario en a fait autant en réduisant leurs subventions de fonctionnement d'environ 15 ou 17 p. 100. Mais ils partaient d'un niveau bien supérieur au nôtre. Donc, quand notre gouvernement, ici, au Nouveau-Brunswick, nous a donné, en tout, 6 à 7 p. 100 de moins au cours des trois dernières années, cela a eu des conséquences beaucoup plus graves pour nous que les coupures concernant l'Université de Toronto ou l'Université de l'Alberta.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Excusez-moi, je ne veux pas monopoliser la conversation, mais avez-vous d'autres questions? Sinon, je peux continuer.

Gerry, en avez-vous?

M. Gerry Ritz: Je voudrais simplement faire un commentaire au sujet du fait que, selon vous, monsieur le président, le gouvernement fédéral doit protéger les dépenses discrétionnaires des provinces et Big Brother sait ce qu'il faut faire. Quant au meilleur moyen d'affecter spécifiquement des fonds auquel le professeur a fait allusion, je pense que ce serait de laisser le contribuable/électeur décider. S'il voit qu'on utilise de l'argent pour des choses qui ne lui plaisent pas, il ne va certainement pas soutenir ce gouvernement une deuxième fois. En ce qui concerne l'idée que le contribuable envoie de l'argent et c'est nous qui décidons de l'utilisation à en faire, il faut que nous écoutions beaucoup plus attentivement les gens qui envoient cet argent plutôt que certains ministères.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Avez-vous des commentaires?

Monsieur Vanderlind.

M. Jack Vanderlind: Je ferai un bref commentaire simplement pour donner peut-être une petite idée de ce qui se passe dans les universités. Dans mon département, il y a une femme qui fait des recherches de calibre international sur les fibres optiques. En fait, c'est probablement la spécialiste la plus éminente de ce domaine et elle a de bons contacts avec l'industrie et différents autres secteurs. En même temps, dans notre département, nous n'avons plus que neuf membres au lieu de 15 il y a 15 ans. Elle supervise quatre étudiants directement dans le cadre de ses recherches et elle a plusieurs contrats extérieurs. Il est absolument essentiel d'étendre tout cet effort de recherche, parce qu'en fait, elle est à l'avant-garde. Dans l'intervalle, nous manquons des moyens nécessaires. Elle doit enseigner davantage. Nous devons tous enseigner davantage chaque jour. Nous n'avons tout simplement plus l'infrastructure nécessaire pour cela. Je pense qu'il est absolument essentiel d'augmenter le financement de base des universités.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pour le porter au même pourcentage du PIB que dans les autres pays de l'OCDE ou du G-7—c'est bien ce que vous recommandez?

M. John Thompson: Oui, en dernière analyse, surtout pour le financement de la recherche. La base de financement des frais de fonctionnement est composée réellement de deux budgets. Il y a des subventions accordées pour la recherche par un organisme central selon le principe de la concurrence, et c'est très bien. Mais, pour les fonds de fonctionnement, nous pensons que la meilleure comparaison est actuellement avec les États-Unis, surtout les établissements appartenant aux États. Mais, aux États-Unis, même les établissements privés qu'on célèbre tant reçoivent d'énormes sommes du gouvernement de l'État et du gouvernement fédéral en vertu de toutes sortes de dispositifs.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais, sans aucunement vouloir vous offenser, je ne sais pas si on peut comparer les États-Unis... Quand je vois que les cousins de ma femme, par exemple, qui envoient leurs enfants dans des petites universités, doivent dépenser 16 000 ou 17 000 $ par an pour chacun de leurs enfants, je trouve que j'ai beaucoup de chance de n'avoir à dépenser que 2 500 $. Si les universités disposaient de ce genre de moyens, elles n'auraient peut-être pas besoin d'autant de financement.

• 1300

J'ouvre le débat sur cette question. Peut-on équitablement comparer...?

M. Jack Vanderlind: Si vous le voulez bien, je dirai que mon fils étudie actuellement au MIT, où les frais annuels sont de 23 000 $. Par ailleurs, permettez-moi d'ajouter qu'il reçoit une aide financière de 21 000 $ par an, si bien que je paie pour lui des droits d'inscription moins élevés que pour mon autre fils qui étudie à l'UNB.

Le vice-président (M. Nick Discepola): À quel niveau? Le troisième cycle?

M. Jack Vanderlind: Non, tous deux sont en premier cycle.

M. John Thompson: Je sais que l'Association des universités et collèges du Canada a rassemblé beaucoup de statistiques ces dernières années. L'employé qui les détient est M. Herb O'Heron, qui a collecté des statistiques publiques américaines. Il a montré que l'étudiant moyen du MIT, où est le fils de Jack, ou de Harvard ou de n'importe où ailleurs—y compris beaucoup de ces petits collèges élitistes—ne paient pas le montant total des frais d'inscription. Certains le font, mais beaucoup reçoivent des bourses très importantes—en fonction de leurs notes ou de leurs besoins—ou ils sont employés par le collège moyennant une très bonne rémunération horaire pour faire des travaux simples qui ne les gênent pas beaucoup dans leurs études.

Il est donc vrai que certains paient plus de 20 000 $ de frais d'inscription, mais, comme l'a dit Jack, beaucoup ne le font pas.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Oui, mais c'est l'exception. Je pense que si vous incluez...

M. John Thompson: Non, ce sont les autres qui sont l'exception.

M. Jack Vanderlind: Si vous me permettez d'ajouter encore quelques mots, le MIT a, en fait, examiné l'endettement de ses étudiants une fois leurs quatre ans d'études terminés. Il est en moyenne de 17 000 $ au MIT alors que, dans les universités canadiennes, je pense que les étudiants diplômés ont en général 30 000 $ de dette.

Mme Elsie Wayne: J'ai une question à ce sujet, monsieur le président.

Je crains beaucoup que nous ne nous retrouvions avec un système d'éducation à deux niveaux. J'ai l'impression que, vu ce qui se passe, c'est exactement ce qui va arriver. Ceux qui ont les capacités mais n'ont pas les moyens de se retrouver avec 20 000 ou 30 000 $ de dette à la fin de leurs études n'iront plus à l'université. Ils constitueront alors un fardeau pour nous, ce que nous ne voulons pas. Je vous demande donc si vous pensez que nous allons avoir ce système à deux niveaux.

C'était le cas quand j'ai fait mes études. Les riches pouvaient se permettre d'aller au collège. Les autres allaient dans une école professionnelle. Certains de ces derniers avaient des capacités supérieures à ceux qui avaient assez d'argent pour aller au collège. Pensez-vous que cela se produit à nouveau, monsieur le professeur?

M. Jack Vanderlind: Oh, à coup sûr. De mon temps, par exemple, je pouvais gagner assez d'argent pendant l'été pour financer mes études. Je ne pense pas que cela soit encore possible, si bien que les étudiants actuels ont seulement deux options: soit ils ont des parents riches, soit ils sont fortement endettés quand ils ont leurs diplômes.

Mme Elsie Wayne: C'est exact. Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je voudrais revenir au Transfert canadien et je répéterai combien il est frustrant pour un politicien fédéral de constater le peu de latitude dont dispose le gouvernement fédéral pour l'administration de la santé ou de l'éducation. C'est un des problèmes que vous avez soulignés et il est dû, en réalité, au fait que l'administration de l'éducation est du ressort des provinces.

Nous pouvons critiquer le nouveau système, et je pense que les résultats de la dernière élection ont fait ressortir la frustration qu'éprouvent les habitants des Maritimes au sujet du nouveau système. Néanmoins, avec l'ancien système, les mains du gouvernement étaient, en fait, encore plus fortement liées. Il y avait deux éléments, en particulier les points d'imposition—ce que les provinces peuvent obtenir comme revenu fiscal supplémentaire. Pour citer M. Thompson, vous avez dit qu'une petite province a une capacité budgétaire très limitée. Je suis d'accord avec vous. C'est pourquoi nous avons donc modifié le système. La partie en espèces a été fortement réduite, et on a augmenté les points d'imposition.

Cela voulait donc dire qu'au bout d'un certain temps—je crois qu'on avait prévu dix ans à l'époque—, le gouvernement fédéral n'aurait plus son mot à dire au sujet de tous ces programmes. Donc, même si nous avions voulu invoquer les garanties prévues par la Loi canadienne sur la santé, par exemple, nous n'aurions eu aucun moyen de pression. Pour ce qui est des pressions que peut exercer la ministre Marleau quand elle menace l'Alberta au cas où cette province adopterait un système de santé à deux niveaux, cela aurait été impossible parce qu'elle n'aurait pas pu empêcher le versement d'une somme quelconque. En adoptant le nouveau système, nous avons augmenté le montant en espèces, mais nous avons également garanti aux provinces que nous leur donnerons ensuite un financement stable comme elles le souhaitaient.

• 1305

Nous voyons toujours un aspect des choses, le fait que nous recevons 7 milliards de dollars de moins. C'est vrai sur cinq ans, mais pour toutes les provinces du Canada et non pas seulement une province.

Par ailleurs, l'amélioration de la situation économique a permis d'obtenir des recettes supplémentaires d'environ 2 milliards de dollars. Les provinces n'en parlent pas. Elles ne mentionnent pas que nous avons pu redresser notre situation budgétaire et maintenir les taux d'intérêt à un taux très bas, réduisant ainsi les paiements effectués par la plupart des provinces qui ont un déficit, une dette. Ma province, le Québec, par exemple, en bénéficie puisque le service de sa dette lui coûte 650 millions de dollars de moins.

Nous avons donc les mains réellement liées. Le seul moyen de pression que nous avons peut-être—et c'est le point de vue qu'ont adopté les premiers ministres dans ce qu'on a appelé, je crois, l'Accord de Saskatoon—découle du fait que si nous devons renégocier une nouvelle union sociale, nous devons veiller à ce que les fonds affectés à un domaine particulier soient dépensés dans ce domaine. Nous pourrons peut-être alors répondre à certaines de vos préoccupations.

Si le gouvernement ne peut exercer aucune pression et se contenter de percevoir les impôts, puisqu'ils peuvent en prélever davantage, les provinces plus riches s'enrichiront encore. Ce qui inquiète Mme Wayne se produira alors. Il y aura, à coup sûr, deux niveaux d'éducation, mais, Dieu nous en préserve, peut-être aussi deux niveaux de soins de santé. C'est ce dont nous devons être conscients dans notre pays au moment de nous engager vers une nouvelle union sociale. Je partage donc nombre de vos préoccupations et bien des idées dont vous vous êtes fait l'écho. Toutefois, il n'y a pas beaucoup de gens qui comprennent notre point de vue, qui est que, bon sang, nos mains sont liées.

Je pense qu'il devrait y avoir des normes nationales pour l'éducation. Allons-nous jamais pouvoir atteindre cet objectif avec l'attitude récalcitrante de certaines provinces? N'est-il pas honteux que mon fils ou ma fille ne puissent pas aller dans une université identique d'une autre province parce qu'ils ont des niveaux différents et qu'ils perdraient ou gagneraient donc un an? Cela se produit même à l'école secondaire. Pourrons-nous jamais atteindre cet objectif?

M. John Thompson: Nous pensons que tous ces problèmes devraient pouvoir être réglés, mais le gouvernement fédéral doit se montrer déterminé. Il est juste de reprocher à certains gouvernements provinciaux récalcitrants leur manque de coopération. Par contre, c'est un gouvernement libéral qui a commencé à effectuer ces paiements de transfert sans aucune obligation à la fin des années 70. Vous avez parlé de l'ancien système, mais il y avait un système encore plus ancien dans lequel les fonds servant au financement des programmes établis étaient affectés de façon beaucoup plus précise. Ce système a été supprimé.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais si vous analysiez ce système, vous constateriez que le Nouveau-Brunswick dépense beaucoup plus par habitant que certaines autres provinces, et vous devriez vous demander pourquoi. Au Québec, avec ces anciens systèmes, certains premiers ministres préféraient consacrer beaucoup d'argent à l'asphaltage des routes juste avant les élections, voyez-vous. C'était le dilemme auquel nous étions confrontés. Je plaisante beaucoup, mais c'est néanmoins un fait. Voilà pourquoi je crois que, si nous négocions quelque chose, comme nous devrions le faire, nous devons veiller à faire une meilleure redistribution générale de la richesse en matière de santé, d'éducation et de services sociaux. La fédération permet de faire cela.

En outre, l'élimination des paiements de transfert et de péréquation par les députés de l'opposition est souvent très pratique. Je ne suis pas d'accord, parce que cela déforme réellement la situation d'ensemble. Si on examine la composition détaillée des transferts aux provinces, la situation n'est pas si mauvaise. Sinon, pourquoi sept provinces sur dix ont-elles un budget qui est presque en équilibre? Le méchant fédéraliste d'Ottawa est-il vraiment si méchant? C'est une question de priorités, et certaines provinces agissent beaucoup plus rapidement que d'autres, ma propre province figurant parmi ces dernières.

À l'heure actuelle, je crois que nous commençons à débattre de cela parce que nous pouvons nous entendre sur le choix de nos priorités. Je crois que, comme Mme Wayne l'a compris, la population canadienne juge qu'il est prioritaire de réinvestir dans la santé, l'éducation et les autres programmes sociaux. Je crois que c'est ce que doit faire notre comité. Nous devons veiller à nous faire l'écho de ces priorités dans notre rapport.

Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, je voudrais poser une question à Isabelle Doucet.

J'ai remarqué qu'il y a une soupe populaire qui s'appelle Romero House ici, à Saint John. Elle a servi plus de repas chaque mois depuis deux ans que ne l'avait jamais fait une soupe populaire dans notre ville.

• 1310

Je veux lui demander ce qu'elle en pense et ce que, d'après elle, nous devrions faire. Nous n'éliminerons pas tous les problèmes, mais nous pourrons essayer de régler certains d'entre eux. J'étais consternée, monsieur le président, la dernière fois que j'y suis allée; c'était la première fois que je voyais des gens emmener des bébés pour obtenir du lait pour eux.

Alors, Isabelle, que devons-nous faire?

Mme Isabelle Doucet: Je proposerai quelque chose qui ne serait pas une solution immédiate: on pourrait créer dans les zones rurales des fermes collectives où les prestataires de l'assistance sociale pourraient travailler pour gagner l'argent qu'ils reçoivent. La production de ces fermes serait distribuée aux nécessiteux—il pourrait y avoir une ferme collective par région de 50 000 habitants, comme la péninsule acadienne.

On pourrait aussi ouvrir des ateliers où les familles et les parents élevant seuls leurs enfants pourraient apprendre la mécanique. Nous ne pouvons pas payer 35 $ ou 40 $ de l'heure dans un garage, mais nous pourrions ainsi apprendre à faire nos propres réparations mécaniques. Il y a toutes sortes de solutions.

Mme Elsie Wayne: Vous pensez donc que les assistés sociaux devraient travailler et être rémunérés pour leur travail.

Mme Isabelle Doucet: Oui, absolument, ceux qui peuvent le faire.

Mme Elsie Wayne: Ceux qui peuvent le faire.

Mme Isabelle Doucet: J'ai examiné le système judiciaire, et je sais que, dans le système de santé, nous pourrions économiser énormément d'argent si nous récupérions notre autonomie. C'est le bon mot, n'est-ce pas?

Mme Elsie Wayne: Oui.

Mme Isabelle Doucet: Notre autonomie, le sentiment de notre valeur individuelle.

Mme Elsie Wayne: Je dois probablement poser la question suivante: y a-t-il plus de gens qui ont besoin de soins de santé à cause de la réduction des programmes sociaux? Tombent-ils malades?

Mme Isabelle Doucet: Oui, parce que leur stress est plus fort, si bien qu'ils fument plus, boivent plus d'alcool, commettent plus de délits—font le trafic de drogues simplement pour joindre les deux bouts à n'importe quel prix. C'est un fait, c'est une réalité.

Mme Elsie Wayne: Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Wayne.

Madame Doucet, vous avez recommandé que l'excédent de la caisse d'assurance-emploi soit utilisé pour pallier les besoins dans ce même domaine. Est-ce que l'inverse est également vrai? S'il y avait un excédent, ne devrait-on pas le remettre à ceux qui y ont contribué?

Mme Isabelle Doucet: À ceux qui en ont besoin.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Le débat actuel porte sur le fait que, pour toutes sortes de raisons, dont un taux de chômage moindre et un plus grand nombre de travailleurs qui versent des contributions, la caisse d'assurance-emploi ajoute de 5 à 7 milliards de dollars au surplus canadien. Les députés de l'opposition, tout comme vous, me semble-t-il, nous demandent de remettre ce surplus à ceux qui ont contribué à la caisse, soit les entreprises, dont la contribution s'élève à 60 p. 100 de chaque dollar cotisé à l'assurance-emploi et les travailleurs, qui ont payé 40 p. 100 des cotisations, plutôt qu'à ceux qui reçoivent des prestations d'assurance-chômage.

Vous recommandez que le fonds d'assurance-emploi serve à cette fin. Est-ce que vous ne souhaiteriez pas qu'on garde ce surplus pour pallier les problèmes que vous avez identifiés, dont la pauvreté, au lieu de remettre les sommes excédentaires aux employeurs et aux employés?

Mme Isabelle Doucet: Dans le cadre du nouveau système, il y a beaucoup de travailleurs et travailleuses qui...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Qui ne sont pas admissibles.

Mme Isabelle Doucet: ...qui ne sont pas admissibles aux prestations. Certains n'ont pas travaillé un assez grand nombre d'heures.

• 1315

Le vice-président (M. Nick Discepola): Les députés de l'opposition se sont regroupés et disent unanimement qu'on devrait remettre les 7 milliards de dollars aux employés et aux employeurs. J'aimerais que vous précisiez votre point de vue. Nous suggéreriez-vous de leur en remettre un certain pourcentage? Devrait-on peut-être réduire les cotisations de 10c. ou de 20c., comme on l'a déjà fait depuis quatre ans? Devrait-on en utiliser une autre partie pour élargir les critères d'admissibilité, en réduisant par exemple le nombre d'heures de travail exigé?

Mme Isabelle Doucet: Oui.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Devrions-nous conserver la somme qui reste pour régler des problèmes dans les systèmes de santé et d'éducation?

Mme Isabelle Doucet: Je ne vois pas d'objection à ce qu'on investisse une partie de ces sommes dans la santé ou peut-être même dans le système juridique. Ça, c'est un clin d'oeil.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non, je reconnais le fait qu'il veut parler. Continuez, s'il vous plaît.

Mme Isabelle Doucet: Je suis d'accord qu'on utilise ces sommes pour améliorer la situation de nombreux travailleurs et travailleuses qui connaissent la pauvreté et pour améliorer le système de santé. Je suis en faveur de mesures préventives, mais je m'oppose à la construction de nouveaux hôpitaux.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Personnellement, j'appuie totalement votre deuxième recommandation. Je m'oppose à la fusion des banques.

D'autre part, nous recommandons fortement un solide appui au développement rural. Je suis souvent saisi de cette préoccupation parce que je représente un comté assez rural. À votre avis, comment pourrait-on maintenir et même améliorer le soutien aux régions rurales? Cette question est une préoccupation énorme, surtout au Québec.

Il y a des députés ou des partis politiques qui soulèvent le cas des programmes de développement régional qui existent, dont le Bureau fédéral de développement régional (Québec) et l'Agence de promotion économique du Canada atlantique ici, dans les Maritimes. Ces programmes ont vraiment été conçus pour soutenir et appuyer le développement régional. On émet beaucoup de critiques à leur égard. Parfois, ils fonctionnent bien, d'autres fois, ils ne fonctionnent pas. Auriez-vous des suggestions afin qu'on puisse maintenir et même accroître le soutien au développement dans les régions?

Mme Isabelle Doucet: Il faut être conscient que nous ne voulons pas tous vivre dans les grandes villes. Ce serait insensé et illogique de vouloir entasser tout le monde dans certaines grandes villes d'un bout à l'autre du Canada. Mes suggestions relativement au développement rural valent pour toute région du Canada.

Parmi les suggestions que je portais à l'attention de Mme Elsie, il y avait des ateliers, une ferme collective, enfin des initiatives en vue de garder les gens sur place tout en leur redonnant leur autonomie. On pourrait leur donner un jardin, les rendre aptes à s'occuper de la mécanique de leur voiture, etc. Ce seraient des choses très pratiques, très réalistes et très quotidiennes.

[Traduction]

Mme Elsie Wayne: J'aimerais préciser quelque chose.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vais donner la parole à M. Ritz—je crois qu'il a fait preuve de patience—, puis à vous, Elsie.

M. Gerry Ritz: Je me pose à nouveau des questions au sujet des professeurs. Nous avons eu un petit débat ici sur le Transfert canadien. Qui peut répartir les fonds et comment devraient-ils être distribués?

Je me demande si vous trouvez valable l'idée de restituer certains de ces pouvoirs et d'autres aux provinces elles-mêmes afin que l'argent des impôts ne passe pas par Big Brother à Ottawa mais reste simplement ici au Nouveau-Brunswick. Cela supprimerait un niveau de bureaucratie, si vous voulez. L'argent resterait plus près des besoins.

Une telle idée présente-t-elle un intérêt? On peut avoir des normes nationales, et cela réglerait peut-être le problème pour sa fille qui pourrait aller à l'université que tous les deux souhaitent, que ce soit au Nouveau-Brunswick ou en Saskatchewan. Les normes nationales régleraient cela, mais le financement lui-même resterait davantage au niveau local.

M. John Thompson: Nous ne pensons pas que cela soit la meilleure solution. Les capacités financières des provinces varient au fil du temps. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est notre région du pays qui avait jadis les plus grandes capacités financières. Il se trouve maintenant que l'Alberta a des puits de pétrole et de gaz qui dureront encore une vingtaine d'années et a donc d'énormes capacités financières.

• 1320

Mais comme John Kenneth Galbraith se plaît à le dire dans certains de ses livres récents, les gens ont souvent tendance à confondre par erreur la présence d'argent et l'intelligence de la population locale. Je pense que les capacités financières au niveau local ou provincial sont tellement variables et aléatoires qu'il est important d'avoir une structure globale disposant de pouvoirs réels. Je suis d'accord avec le président du Comité pour dire qu'il ne faudrait pas abandonner cela, mais le renforcer.

Nous avons également remarqué au fil des ans qu'au Canada, certaines provinces, si elles se trouvent avoir un gouvernement provincial en place plus extrémiste, finissent par détourner soudain beaucoup d'argent d'un domaine à un autre, causant des dégâts à long terme. La seule façon de limiter ce risque, qui se concrétise en fait de temps à autre, est que le gouvernement ait un rôle sérieux, tangible. Il nous paraît important que le gouvernement fédéral conserve toujours une présence importante en matière d'éducation.

M. Gerry Ritz: Je ne dis pas qu'il faut supprimer la présence fédérale, mais le gouvernement fédéral est certainement capable lui aussi de dépenser de l'argent juste avant les élections. C'est dans sa nature. C'est ça, la vie politique. Mais n'y a-t-il pas quelque part un moyen terme permettant de supprimer une grande partie des frais généraux que les gouvernements ont tendance à créer?

M. John Thompson: Une grande partie de ces frais généraux ont été supprimés ces dernières années aux différents paliers de gouvernement. On peut citer de nombreux exemples—notamment les secteurs de la protection de l'environnement et de la santé—, et cette déréglementation et la réduction du personnel qualifié dans les départements concernés mettent la santé et la sécurité de tout le monde en danger.

M. Gerry Ritz: Mais, dans l'ensemble, les pouvoirs publics continuent de dépenser de plus en plus. Est-ce que l'argent n'est donc tout simplement pas utilisé comme il devrait l'être?

M. John Thompson: On en débat beaucoup. Vous dites que les dépenses augmentent de plus en plus—tout est relatif. Si vous comparez avec les niveaux de dépenses du début des années 70, le pouvoir d'achat du dollar était différent à cette époque. Il faut donc être prudent quand on dit que les dépenses augmentent constamment.

M. Gerry Ritz: Mais le revenu net diminue aussi constamment...

Le vice-président (M. Nick Discepola): En fait, si vous comparez les pouvoirs des différents paliers de gouvernement en fonction de leurs budgets, vous constaterez qu'historiquement, comme l'a signalé M. Thompson, le gouvernement fédéral a considérablement réduit ses dépenses totales.

Je ne connais pas les chiffres exacts; je n'ai plus siégé au Comité des finances depuis deux ans. Je connaissais ces chiffres par coeur, mais les dépenses du gouvernement fédéral atteignaient peut-être 60 ou 70 p. 100 au cours des années 70, et maintenant, c'est le contraire. Les dépenses globales des provinces ont augmenté, ce qui veut dire, comme vous l'avez dit, qu'il y a peut-être un transfert réel indirect de l'ensemble des pouvoirs, si l'on mesure cela en fonction du pourcentage des dépenses.

Je pense, monsieur Ritz...

M. Gerry Ritz:

[Note de la rédaction: Inaudible]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bon, vous pourriez procéder ainsi, mais vous oubliez une chose très importante. M. Thompson a ravivé ma foi dans la fédération.

J'étais en Colombie-Britannique en janvier 1994. Notre caucus s'est réuni là-bas, et la première chose qu'ont dite certains représentants de la Colombie-Britannique était qu'ils en avaient assez de ne pas avoir leur juste part de la fédération. Les provinces «nanties» nous le disent très souvent. Même si ma province en a bénéficié ces dernières années, les séparatistes minimisent souvent cela.

Une fédération est une fédération. C'est comme une famille. Quand un membre de votre famille a des difficultés, vous lui venez en aide. Quand un autre a de la chance et trouve un emploi, il aide sa famille.

Je pense que si nous suivions votre exemple et l'exemple de votre parti, nous dirions qu'il y a cinq régions différentes, et je me demande si vous pourriez voir la force que nous avons dans notre pays. Il faut réellement tenir très fortement compte de cela.

Vous représentez l'Ouest. Je vous pose une question: si les Pères de la Confédération n'avaient pas pris les engagements qu'ils ont pris envers la Colombie-Britannique pour relier l'Est et l'Ouest avec un chemin de fer national, est-ce que cette province serait aussi prospère qu'elle l'est aujourd'hui?

À la fin des années trente, la fédération est venue en aide à l'Alberta pendant la dépression. Maintenant, c'est le tour de l'Alberta, et peut-être celui de la Colombie-Britannique, d'aider les autres membres de la famille. Voilà ce que c'est qu'une fédération. Nous devons nous aider et moins insister sur ce que nous voulons que notre province retire de la fédération. Quand nous agissons ainsi, nous vivons dans l'incertitude comme je le fais depuis 35 ans au Québec. Voilà comment commence ce mouvement. Si vous voulez toujours exiger quelque chose de votre famille, vous commencez à la diviser.

• 1325

Nous nous lançons ici dans un débat philosophique. Je ne suis, bien entendu, pas censé faire cela.

Mme Elsie Wayne: Non, vous n'êtes pas censé faire cela, Nick. Vous êtes dans la première ville constituée par charte royale, c'est donc acceptable aujourd'hui.

Je veux revenir à Isabelle pendant une minute. Je vais vous expliquer, Isabelle, pourquoi les chefs de l'opposition disaient que nous devrions diminuer les cotisations pour les gens qui travaillent maintenant et cotisent à l'assurance-emploi.

Nous devrions réduire leurs cotisations ainsi que celles des entreprises. C'était pour que cet argent retourne dans les poches de ceux qui le versent. Ainsi, les travailleurs ont un petit peu plus d'argent pour nourrir leurs enfants, payer leur hypothèque, etc.

Quant aux entreprises, nous savons tous que, si elles ont plus d'argent, elles cherchent des moyens d'étendre leurs activités, parce qu'elles affrontent toujours leurs concurrents. Toute expansion entraîne la création de nouveaux emplois.

Mais ce qui me préoccupe est la transformation de la formule permettant aux travailleurs de bénéficier de l'assurance-emploi. Bien des gens comme ceux que vous avez mentionnés dans la péninsule acadienne ainsi que d'autres, y compris certains ici, ne sont plus admissibles.

Nous devons mieux nous entendre. Comme l'a dit le président, nous nous aidons mutuellement. Il y a ici beaucoup de gens qui sont des travailleurs saisonniers. Ils ne veulent pas l'être. Ils aimeraient travailler douze mois par an, mais il en est ainsi à cause de notre climat.

Nous disons donc que cet argent leur revient. Nous devons le restituer aux entreprises pour qu'elles créent des emplois pour les gens. Voilà la situation. J'aimerais simplement savoir ce que vous en pensez.

Mme Isabelle Doucet: Je conviens qu'il faut qu'il circule.

Mme Elsie Wayne: Oui.

Mme Isabelle Doucet: Si on l'utilise pour des programmes autres que l'assurance-emploi, il doit avoir un rôle de prévention, comme pour la santé ou les programmes sociaux...

Mme Elsie Wayne: Ou la formation?

Mme Isabelle Doucet: Oui, la formation. Mais je ne parle pas de projets organisés sous forme de petits cours dans lesquels on fait, en réalité, affront à notre intelligence.

Mme Elsie Wayne: Si on offrait aux gens une formation appropriée avec une partie de cet argent, ce qui créerait ultérieurement vraiment des emplois pour lesquels ils seraient qualifiés...

Mme Isabelle Doucet: Nous pouvons le faire.

Mme Elsie Wayne: Je voudrais simplement terminer en disant la chose suivante, monsieur le président. J'ai deux frères qui sont dans les affaires aux États-Unis. L'un d'entre eux est à Palm Springs. Il a quatre ou cinq entreprises. Il me dit que quand un Canadien se porte candidat à un poste vacant, il l'embauche généralement immédiatement à cause de la façon dont les Canadiens se comportent au travail et de la formation qu'ils ont reçue dans leur pays. Il dit que c'est comme cela que les Américains les considèrent. Dans l'ensemble des États-Unis, ils embauchent en priorité les Canadiens.

Nous n'avons pas besoin d'un exode de cerveaux. Nous devons simplement garder les gens ici.

Mme Isabelle Doucet: C'est la même chose en Ontario. On engage les gens des Maritimes qui travaillent dur. On le remarque, on le sait.

Mme Elsie Wayne: Oui, et cela se fait également dans l'Ouest.

Mme Isabelle Doucet: Oui.

Mme Elsie Wayne: J'ai un fils là-bas depuis 18 ans. Il aimerait certainement rentrer chez nous.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je voudrais intervenir dans cette conversation.

Monsieur Ritz, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Gerry Ritz: Je pense que la seule chose que j'ajouterai à ce que disait Elsie est qu'il faut se rappeler une chose. Je sais que le gouvernement a fait valoir le fait que 60 p. 100 de cet argent retourne aux grandes sociétés, aux grandes entreprises. C'est une information erronée puisque, dans notre pays, la majorité des entreprises sont privées. Elles emploient quatre ou cinq personnes. C'est un nombre limité. Il y a des entreprises qui vont créer un emploi de plus. Ce n'est pas General Motors, Ford ou, même, Bombardier, qui le font, mais les petites entreprises. C'est le petit réparateur de silencieux au bout de la rue, ou le petit restaurant qui créeront un emploi de plus avec l'argent ainsi récupéré.

Voilà ce dont nous avons besoin. Il y a plus d'un million de petites entreprises. Si chacune d'entre elles embauche une personne, il n'y aura plus de chômage. C'est toute l'idée de réinvestir les fonds de l'assurance-emploi dans les secteurs où ils ont été prélevés. Ils sont placés en fiducie. Ni les autres contribuables ni le gouvernement n'y ont déposé le moindre sou, il faudrait donc les rendre à ceux qui les ont versés. Voilà ce qu'il faut faire.

Mme Elsie Wayne: Vous pouvez constater, monsieur le président, que les deux députés de l'opposition ne sont pas tout à fait d'accord à ce sujet.

M. Gerry Ritz: Eh bien, il y a tout cet argent-là et tout le monde veut en profiter, mais il faut se rappeler d'où il vient.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Si vous me permettez d'intervenir, il doit être bien clair qu'il n'y a pas un compte avec un solde de 20 milliards de dollars.

M. Gerry Ritz: Non.

• 1330

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est faux. Depuis 1986, le gouverneur général dit qu'il faut regrouper cela dans les recettes générales. Pourquoi? Parce que jusqu'en 1994-95, ce compte était déficitaire. Le vérificateur général voulait donc s'assurer que, en le regroupant avec les recettes générales, on indique clairement que le gouvernement était tenu de compenser les manques à gagner éventuels.

Pendant 10 ans sur 17, ce fonds était déficitaire. Cela veut dire que pendant ces 10 années, qui a réglé le découvert? La population canadienne.

Maintenant, nous disons non, parce qu'il est excédentaire. Nous disons qu'il faut rendre cet argent aux entreprises.

Je vous dirais qu'aucun propriétaire de PME de ma ville n'a dit qu'il voulait que je lui rende 70 sous. C'est cela que nous devrions leur rendre. Les études actuarielles montrent qu'il faudrait abaisser la somme de 2,70 $ à 2,10 $. Ensuite. Les recettes et les dépenses devraient être équilibrées. Si vous rendez à toutes ces PME le montant total de 70 sous, savez-vous ce que cela signifie pour les Canadiennes et les Canadiens? Cela veut dire que nous avons maintenant 6 milliards de recettes en moins. D'un seul coup, en l'absence de sources supplémentaires de revenus, on se retrouve avec un manque à gagner de 6 milliards de dollars. Nous serions à nouveau en déficit.

Deuxièmement, il n'y a personne, dans le monde des affaires de ma ville, qui dit qu'il veut récupérer cet argent. Je pense pouvoir parler en leur nom à tous. Nous recevons un appui très ferme de la part de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, par exemple. Il faudrait que nous rendions 3,6 milliards de dollars à toutes ces entreprises. Je ne fais pas de distinction entre les PME et les autres. Si vous dites que nous devons rendre l'argent à ceux qui l'ont versé, alors, en toute justice, il faut que nous rendions 3,6 milliards de dollars aux entreprises.

Cela veut donc dire qu'il y a encore 2,4 milliards de dollars que nous devons rendre, mais à qui? À ceux qui, grâce à Dieu, ont eu la chance de pouvoir cotiser. Cela veut dire qu'ils travaillent.

Personne ne dit cela ici. Même madame Wayne dit que nous devrions peut-être réinvestir cet argent pour recycler les gens. Nous devrions par exemple réinvestir davantage dans les programmes sociaux. Nous devrions peut-être réduire les cotisations d'un certain montant pour aider les entreprises.

Mais ce n'est pas ce que réclame l'opposition. Elle dit que nous devrions restituer la totalité de ces 6 milliards de dollars, parce que, pour citer certains de mes collègues du Bloc québécois, c'est du vol.

Non, on les a utilisés pour réduire notre déficit et notre dette. Nous avons maintenant la chance de pouvoir en débattre et dire quelles sont nos priorités. Je ne pense pas que la solution serait de restituer d'un seul coup 6 milliards de dollars avec l'incertitude que nous connaissons aujourd'hui. Cela compromettrait à nouveau tous les efforts que la population canadienne a faits depuis quatre ou cinq ans.

J'aimerais beaucoup mieux qu'on utilise cet argent pour renforcer et améliorer les prestations, par exemple. Quant aux gens qui ne sont pas admissibles, nous pourrions peut-être assouplir les critères à leur avantage. Nous pourrions peut-être investir plus dans la création d'emplois, par exemple, pour certaines personnes. C'est ce dont tout le monde semble parler. Toutefois, si c'est ce que nous faisons, où trouverons-nous cet argent? Nous ne l'aurons pas si nous rendons 6 milliards de dollars aux gens, en particulier aux entreprises.

Mme Isabelle Doucet: Il y a des fonds utilisés pour des projets d'urgence et des cours qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, constituent en fait un affront à notre intelligence et à nos capacités. Donc il y a des fonds quelque part.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Où allez-vous trouver cet argent si vous dites que la première chose à faire est de restituer ces 6 milliards de dollars?

Mme Isabelle Doucet: Je ne dis pas que nous devrions restituer ces 6 milliards de dollars. Vous ne pouvez pas m'attribuer de tels propos. Je dis qu'il faut...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je n'attribuais pas ces propos à vous, mais à des députés de l'opposition.

Mme Isabelle Doucet: D'accord.

Mme Elsie Wayne: Je veux préciser quelque chose. Nous avons dit qu'une commission indépendante devrait examiner ce financement pour que ce ne soit pas une question politique. Nick, vous savez aussi bien que moi—nous avons assez d'expérience pour le savoir—que dès que nous disons que nous allons donner de l'argent pour quelque chose, que ce soit la formation ou je ne sais quoi, il y a immédiatement quelqu'un qui a donné de l'argent au parti au pouvoir et veut fournir cette formation. Alors, qu'il soit ou non capable de le faire, il reçoit de toute façon une subvention.

Voilà ce qu'il faut faire. Cet argent est là. Notre société est actuellement à une croisée des chemins. Vous l'avez constaté ici. Ici même, aujourd'hui, en ce qui concerne l'éducation, les soins de santé et la justice sociale, nous savons tous ce qu'il en est.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais M. Ritz a dit qu'il voulait qu'il y ait moins d'interventions de la part du gouvernement, moins de bureaucratie. On ne va pas créer une nouvelle bureaucratie «indépendante» avec une nouvelle administration. Il faudra avoir...

• 1335

Mme Elsie Wayne: L'argent reste dans les recettes générales, mais...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non, non, vous avez utilisé le mot «indépendant», Elsie.

Mme Elsie Wayne: Non, c'est une commission indépendante. Nous disons...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Donc, cet argent peut être versé dans les recettes générales...

Mme Elsie Wayne: Non, non et non. C'est une commission indépendante, mais elle peut contrôler...

Le vice-président (M. Nick Discepola): On ne peut pas...

Mme Elsie Wayne: Nous prendrons une tasse de café ensemble, vous et moi, de toute façon...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Parlez-en avec le vérificateur général. Si vous voulez l'indépendance, vous ne pouvez pas l'inclure dans les recettes générales.

Mme Elsie Wayne: Non, il a déjà dit que...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non.

Mme Elsie Wayne: ...il faut qu'il y ait un compte indépendant. C'est un compte.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Y a-t-il des commentaires? Sinon, nous allons terminer ce débat. Si vous avez des commentaires de dernière minute, ce serait le moment de les faire. Sinon, je voudrais remercier...

M. Jack Vanderlind: Je ferai peut-être un commentaire légèrement caustique. Étant donné qu'une bonne partie du déficit fédéral a pu être épongée grâce aux excédents du fonds d'assurance-emploi, imaginez combien on pourrait gagner si nous avions du travail pour 97 p. 100 de notre main-d'oeuvre. C'est, en gros, ce que permet l'éducation. Ce serait donc un excellent investissement.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il faut que vous examiniez le budget de l'année dernière. Compte tenu des moyens que nous avions, on a dit qu'il favorisait particulièrement l'éducation. Je peux vous en donner de nombreux exemples. Vous avez cité vous-même la R-D. Nous avons donné des bourses d'une valeur de 2,5 millions de dollars, ce qui contribuera... C'était une bonne initiative, et j'ai parfaitement bien reçu le message.

Monsieur Thompson.

M. John Thompson: Je dirai seulement une autre chose, pour revenir à vos observations antérieures. Je suppose que nous espérons que le gouvernement fédéral ne prétextera pas de la difficulté à arriver à un accord sur certaines dispositions avec les provinces pour ne rien faire. Le gouvernement fédéral devrait agir dans ces domaines.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous l'avons fait. Le meilleur exemple est le Fonds du millénaire. Comme je suppose que le Québec prétendrait toujours que nous empiétons sur la juridiction de la province, nous en avons fait un organisme indépendant, ce qui évitait la possibilité d'avoir un petit problème constitutionnel auquel le gouvernement du Québec aurait fait référence.

Nous l'avons donc fait. Et je pense que c'est également un message très clair: il y a des priorités et, comme l'a dit le ministre des Finances, quoi qu'il arrive, nous devons tenir compte de ces priorités avec ou sans la coopération des provinces. Mais nous vivons dans une fédération, et il faut coopérer.

M. John Thompson: En effet.

Le vice-président (M. Nick Discepola): En tant que gouvernement canadien, nous ne pouvons pas unilatéralement... Le meilleur exemple, je pense, était le programme concernant la garde des enfants; nous avons fait l'erreur—je le dis en tant qu'homme politique—de faire dépendre ce programme de la participation du gouvernement provincial. Nous avons donc déjà traité avec des provinces qui refusaient de participer.

Donc, vous le voyez, il faut qu'il y ait un dialogue, une communication. Et la meilleure confirmation, je crois, que nous avons est celle qui figure dans la déclaration de Saskatoon, pour paraphraser celle de Calgary; les premiers ministres des provinces semblent être d'accord pour modifier les unions sociales dans l'intérêt de tous les Canadiens. Même le premier ministre de notre province a déclaré que tout ce qui est réservé à une chose en particulier doit être utilisé pour ce secteur, qu'il s'agisse ou non de l'éducation. C'est un grand progrès. Il n'avait jamais admis cela par le passé.

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Eh bien, ils ont toujours choisi de ne pas participer ou de créer leur propre programme parallèle. C'est ce que je crains quand on essaie de mettre en place un organe indépendant pour l'assurance-chômage, par exemple, parce qu'il faudrait que les provinces, les grosses entreprises, les petites entreprises, les syndicats, le mouvement syndical soient représentés—d'un seul coup, on a créé une nouvelle bureaucratie.

Et Dieu nous préserve que cela arrive jamais dans ma province. Vous savez ce qui se passerait. Le Québec ferait bande à part, comme il l'a fait pour le Régime de pensions du Canada. Et ensuite, il y a un quelconque démagogue, comme Parizeau, qui, la veille du référendum, prétend usurper les 19 milliards de dollars pour financer...

Je ne peux donc guère vous rassurer, en tant que député du Québec, en vous disant que je ne me fierais jamais à un gouvernement provincial en ce qui concerne un organe indépendant. Mais je m'écarte à nouveau du sujet.

[Français]

Madame Doucet.

Mme Isabelle Doucet: Voici un dernier commentaire. J'aimerais qu'à titre de députés, vous vous lanciez le défi de vous pencher sur le dossier de la pauvreté et que vous alliez rencontrer les personnes qui connaissent la faim, le froid et les dettes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'admets que c'est probablement une de nos plus grosses lacunes en tant que société, surtout qu'on affirme que notre société est soi-disant la meilleure au monde. On a beaucoup de travail à faire dans ce domaine.

Merci beaucoup.

• 1340

[Traduction]

Je vous remercie pour vos interventions pénétrantes au nom de vos régions. Notre défi à nous, députés, est d'inclure tout cela dans un rapport et de classer par ordre d'importance ce que nous avons entendu dans l'ensemble du pays afin que notre gouvernement puisse décider en meilleure connaissance de cause comment répondre aux priorités des Canadiens dans le prochain budget. À cette fin, je tiens à remercier les membres du Comité ainsi que son personnel.

Au cours des cinq dernières années, le ministre des Finances n'a peut-être pas nécessairement suivi à 100 p. 100 nos recommandations, mais je dirai que notre moyenne au bâton approche 0,600 ou 0,700. Ce que vous avez recommandé ne tombe certainement pas dans l'oreille d'un sourd. On en trouve le reflet dans le rapport qui, je l'espère, paraîtra à la mi-décembre, à temps pour que le ministre des Finances puisse le lire, le digérer et l'interpréter de la façon qui lui convient pour s'en faire l'écho dans le budget de février 1999.

Je vous remercie à nouveau.

Nous suspendons la séance jusqu'à 15 heures ou jusqu'à l'arrivée des prochains témoins.

Merci.

• 1341




• 1406

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bonjour. Nous reprenons les consultations prébudgétaires conformément au mandat conféré au Comité en vertu du paragraphe 108(2) et de l'article 83.1 du Règlement.

Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins représentant la Chambre de commerce du Nouveau-Brunswick, et en particulier à Bill McMackin; à Anthony Knight de l'Alliance étudiante du Nouveau-Brunswick—bienvenue, Anthony; à Myrle Vokey, de la Newfoundland and Labrador School Board Association, ainsi qu'à Linda Forestell—mais je pense que Michael Murphy fera également un exposé—et à M. Smith de la Chambre de commerce de Saint John. Bienvenue à tous.

Nous allons écouter chacun d'entre vous en laissant approximativement cinq à dix minutes pour vos exposés. Ensuite, nous passerons aux questions des députés. Si quelqu'un se porte volontaire pour commencer, je lui donnerai la parole; sinon, nous suivrons la liste par ordre alphabétique.

Monsieur McMackin.

M. Bill McMackin (président, Chambre de commerce du Nouveau-Brunswick): Merci beaucoup de nous donner la possibilité d'être ici aujourd'hui. C'est la troisième fois que j'ai l'occasion de parler à votre groupe en trois ou quatre ans. Je pense qu'il est toujours important pour vous d'entendre le point de vue de vos clients, peut-être même un peu plus d'une fois par an.

Je suis ici à titre de président de la Chambre de commerce du Nouveau-Brunswick, qui travaille avec les Chambres de commerce locales pour étudier les questions fédérales, provinciales et régionales au nom de nos membres, près de 6 000 entreprises du Nouveau-Brunswick.

Au début de l'été, en juin ou juillet, j'ai présenté un mémoire répondant à vos quatre questions. Je dirai d'abord que beaucoup de choses ont changé depuis juillet, tout au moins en matière financière et économique au niveau mondial. Nous avons eu beaucoup de bouleversements, et je pense que les grands espoirs d'excédents énormes se sont un peu atténués depuis lors.

Je préfacerai également mes commentaires en disant que la plupart des choses que j'ai à dire reflètent une attitude de prudence, un souci de maintenir le cap, et je recommanderai que nous continuions sur cette voie parce qu'agir autrement entraînerait probablement seulement des gains à court terme, mais des problèmes à long terme.

Cela dit, je voudrais répondre aux quatre questions qui ont été posées avant ces audiences.

La première concernait le message que nous voulions envoyer au gouvernement, une fois le budget équilibré, en ce qui concerne les priorités pour le dividende budgétaire.

À notre avis, ce dividende a été atteint à la suite d'une période caractérisée principalement par des impôts élevés et une certaine réduction des services gouvernementaux. Or, malgré la limitation des dépenses, nous ne sommes pas sûrs que celles-ci aient fortement diminué dans tous les domaines.

Ce dividende dépend également fortement de nombreux facteurs qui échappent au contrôle du gouvernement fédéral, qu'il s'agisse du dollar, des taux d'intérêt, etc., et la situation mondiale actuelle fait ressortir à quel point un impact négatif peut se faire sentir rapidement sans que nous puissions faire grand-chose. Nous vivons avec un niveau élevé de dette et nous sommes vulnérables à ces facteurs de ce fait.

• 1410

La Chambre de commerce du Nouveau-Brunswick affirme donc fermement qu'il faut continuer de limiter les dépenses, que nous devrions mettre particulièrement l'accent sur l'ajustement des dépenses gouvernementales, en les réduisant quand cela est indiqué, en réduisant les chevauchements entre les paliers fédéral et provincial de gouvernement et en utilisant les économies ainsi réalisées ainsi que nos excédents éventuels pour réduire la dette. À l'heure actuelle, notre principale priorité serait de continuer à déterminer dans quel domaine le gouvernement fédéral peut réduire sa dette.

De même, et compte tenu de cela, je pense que tout le monde au Canada se rend compte que nous sommes très fortement imposés et, quand la dette commencera à diminuer au cours des prochaines années, il faudra réellement réduire les impôts de tous les Canadiens, mais peut-être plus particulièrement ceux des personnes qui ont un faible revenu et des petites entreprises. Nous cherchons depuis un certain temps des façons de réduire les impôts des petites entreprises, en envisageant particulièrement la déduction pour les petites entreprises comme un moyen d'améliorer leur possibilité de croissance, tout au moins dans notre province.

Pour finir, je pense que nos membres ont dit qu'une fois que nous aurons pu réduire un peu la dette et que nous aurons eu l'occasion de réduire peut-être certains impôts, les priorités sont tout à fait claires en ce qui concerne la façon dont les Canadiens veulent qu'on dépense leur argent. Ils veulent qu'on mette l'accent sur le secteur de la santé et, probablement, certaines améliorations fondamentales de l'infrastructure. Le message adressé au gouvernement fédéral est tout à fait clair: commencez plus clairement à mettre l'accent sur vos priorités dans ces domaines.

Donc, dans l'ordre, c'est réduire la dette, diminuer les impôts et envisager des dépenses minimales à l'avenir, quand nous pourrons nous le permettre, pour la santé et les améliorations de l'infrastructure.

L'autre question à laquelle je réponds porte sur la façon de mettre les Canadiens en mesure de profiter des occasions offertes dans cette ère nouvelle. Je pense que le gouvernement a fait quelques efforts l'année dernière, dans le budget, pour offrir aux gens des possibilités de recevoir une éducation supérieure. On a dit que c'était le budget de l'éducation, et un certain nombre de changements ont été apportés. Je pense qu'ils ont été positifs dans le sens où ils ont offert des possibilités d'éducation. Mais je crois que le gouvernement doit cesser de penser qu'il peut jouer un rôle dans chaque aspect de notre vie. Les Canadiens semblent avoir limité leurs aspirations à un solide système éducatif et un solide système de soins de santé, et nous continuerons à aider les personnes nécessiteuses de notre pays qui ne peuvent pas nécessairement subvenir à leurs propres besoins. Nous voulons une solide infrastructure et nous voulons que la dette soit réduite afin que, espérons-le, nous ne soyons plus taxés à mort. Je pense que ces priorités sont celles qui, si nous mettons l'accent sur elles, offriront les meilleures possibilités pour les Canadiens à l'avenir.

La dernière question concernait la meilleure façon pour le gouvernement de faire en sorte qu'il y ait une large gamme de possibilités d'emplois dans la nouvelle économie.

Je pense que la Chambre déclare publiquement depuis bien des années qu'en fin de compte, c'est le secteur privé qui crée des emplois. Tant que le gouvernement continuera à gérer sa situation un peu mieux que par le passé, pour éliminer le déficit, ce qui a maintenant été fait, mais surtout pour réduire la dette et réduire l'impact des impôts sur notre vie, les Canadiens créeront des emplois pour eux-mêmes dans certains cas, mais les entreprises et l'économie prospéreront d'une façon qui créera des possibilités pour les Canadiens.

Donc, là encore, nous en revenons à ceci: un niveau réduit d'endettement, ce qui incitera les entreprises à investir au Canada; réduire l'impôt sur le revenu des particuliers afin que les gens qui gagnent un certain revenu aujourd'hui puissent en conserver un peu plus; réduire les impôts des petites entreprises afin qu'elles puissent s'agrandir, croître et utiliser une petite partie de leurs avoirs pour obtenir plus d'argent et, espérons-le, prendre de l'expansion; et commencer à examiner les cotisations d'assurance-emploi et autres qui ont réellement des répercussions négatives sur la création d'emplois, et commencer à ramener ces cotisations à un niveau reflétant mieux le coût de la prestation de ces services. Je pense que ce qui se passera alors est que, si nous laissons le secteur privé se mettre au travail, des emplois seront créés, et je pense que nous commençons à constater qu'ils le seront si nous continuons à mettre l'accent sur ces domaines fondamentaux.

J'ai réellement rassemblé ces idées pour essayer de répondre à vos quatre questions. On peut résumer cela en disant qu'il faut continuer à pratiquer une gestion prudente, à mettre l'accent sur la réduction de la dette et les diminutions d'impôt que, nous l'espérons, l'avenir nous réserve, et il faudra que vous qui faites partie du gouvernement fédéral axiez encore mieux vos priorités sur les choses qui sont réellement importantes pour les Canadiens. Si nous faisons ces choses-là, je pense que bon nombre des autres problèmes auxquels nous sommes confrontés commenceront à se régler.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, Bill. C'était très clair et concis. Ce n'est pas la quantité qui compte; c'est toujours la qualité, et je vous remercie de vos explications. Vous aurez la possibilité de vous étendre plus longuement sur beaucoup de ces points quand nous passerons aux questions.

Monsieur Knight, je vous en prie.

M. Anthony Knight (président, Alliance étudiante du Nouveau-Brunswick): Merci, monsieur le président.

Je représente ici l'organisation qui représente tous les étudiants universitaires des sept campus du Nouveau-Brunswick. Nous sommes, en fait, le seul groupe d'étudiants du pays qui représente toutes les associations provinciales d'étudiants.

• 1415

Dans notre mémoire, notre pièce de résistance était fondée sur la nécessité de régler le problème de l'alphabétisme dans le pays, et nous pensons que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important pour régler ce problème tel qu'il existe dans notre province et dans le reste du pays.

Notre initiative à cet égard consiste en deux éléments. Elle consiste notamment en quelque chose qu'on appelle le corps d'alphabétisation, qui, selon nous, s'attaque à deux problèmes très importants au moins dans les provinces Maritimes. Ici, les étudiants qui terminent un programme dans le cadre duquel un diplôme d'éducation est accordé sont confrontés à un taux de chômage de 22 p. 100 quand ils entrent sur le marché du travail. De plus, un récent sondage a établi que plus de 60 p. 100 des habitants du Nouveau-Brunswick se classaient en dessous d'un niveau d'alphabétisation internationalement reconnu.

À notre avis, en plaçant ces enseignants confrontés à une situation désespérée en matière de chômage dans des localités où on pourrait créer des centres d'alphabétisation et en mettant ces enseignants au chômage en contact avec les gens qui veulent s'alphabétiser davantage, on pourra ainsi réaliser de façon claire et ciblée un investissement dans les habitants du Nouveau-Brunswick et toute la population canadienne.

À notre avis également, une fois que ces gens-là ont atteint le niveau reconnu, le gouvernement devrait les encourager à continuer leur éducation, soit en obtenant un diplôme de fin d'études secondaires, un certificat de collège communautaire ou un grade universitaire. Nous pensons qu'en agissant ainsi, nous favorisons la prospérité économique et le bien-être individuel.

Le deuxième élément de notre initiative pour l'alphabétisation repose sur l'idée que le gouvernement fédéral devrait considérer l'alphabétisation comme une priorité. À notre avis, il peut le faire en faisant trois choses: premièrement, en établissant un objectif d'alphabétisation pour tous les Canadiens et en atteignant cet objectif, puis en s'employant à le dépasser; deuxièmement, en nommant un ministre de premier plan chargé de l'alphabétisation dans le pays, qui aurait une influence sur la politique et les programmes du Cabinet, celui-ci commençant alors à essayer de régler ce problème dans notre pays; troisièmement, en augmentant le financement du Secrétariat national à l'alphabétisation par le gouvernement fédéral—et les initiatives prises par ce secrétariat devraient faire mieux que réussir, il faudrait les encourager.

Outre notre initiative relative à l'alphabétisation, nous pensons également que les universités du Nouveau-Brunswick sont gravement sous-financées. Selon nous, des mesures doivent être prises dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Le gouvernement fédéral ne devrait pas toucher aux montants prévus pour ce transfert et laisser les provinces les répartir entre la santé, l'éducation et l'assistance sociale.

Nous encouragerions également le gouvernement fédéral à continuer à chercher à mettre en place un programme harmonisé de prêts aux étudiants. Selon nous, essayer d'atteindre un objectif de ce type permettrait de réaliser des économies considérables. Nous pensons également que le gouvernement fédéral promet cela depuis au moins quatre ou cinq ans, et nous aimerions, en premier lieu, qu'il dise s'il va, oui ou non, tenir cette promesse.

Nous demanderions également au gouvernement fédéral de commencer à examiner et également modifier la législation fédérale sur les faillites qui a été instituée au printemps dernier et aux termes de laquelle les diplômés universitaires ne peuvent pas demander à être mis en faillite moins de dix ans après la fin de leurs études. Nous pensons et nous sommes convaincus que cette loi met les étudiants au même rang que les coupables de fraude. Nous demanderions au gouvernement fédéral d'examiner cette loi et de consulter la population au sujet de la logique et des intentions qui président à cette loi.

En outre, nous abordons également dans notre mémoire plusieurs autres domaines. Nous sommes d'avis qu'il faut procéder à un examen plus approfondi des régimes enregistrés d'épargne-études. Outre ce programme, il y a, selon nous, plusieurs domaines dans lesquels on pourrait l'améliorer. Avant tout, nous sommes d'avis que, dans l'ensemble, ils ciblent une petite partie de la population et que trop de gens n'ont pas les moyens de mettre de l'argent de côté dans ces régimes. Nous ne savons pas exactement comment on peut régler ce problème, mais nous sommes d'avis que ce régime ne concerne certainement qu'une petite partie de la population du Canada.

• 1420

Nous aimerions également attirer l'attention du Comité sur les initiatives de regroupement de fonds du secteur privé. Il y a des limites pour les familles qui épargnent pour avoir accès à cet argent si leurs enfants choisissent de ne pas suivre des études postsecondaires reconnues.

Nous encourageons également le Comité à examiner la possibilité d'autoriser les familles à effectuer des paiements de rattrapage pour les aider à épargner pour l'éducation de leurs enfants. Cela ressemblerait beaucoup aux REÉR dont peuvent bénéficier tous les Canadiens.

Nous demanderions également au Comité d'étudier les possibilités de collaborer avec les employeurs et les entreprises pour aider leurs employés à épargner en vue de l'éducation de leurs enfants et à verser un montant égal aux économies réalisées à cette fin ou à les aider à s'engager sur cette voie.

C'est un résumé succinct de notre mémoire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci pour ces suggestions. Je suis moi-même certaines d'entre elles.

Monsieur Vokey. Bienvenue.

M. Myrle Vokey (directeur exécutif, Newfoundland and Labrador School Board Association): Merci, monsieur le président. Merci pour votre invitation à venir dans cette merveilleuse province pour faire un exposé devant votre comité.

La Newfoundland and Labrador School Board Association représente tous les enfants de notre province de la maternelle à la 12e année, et je parle en leur nom ainsi qu'en celui de tous les autres enfants du Canada, surtout les plus vulnérables, qui ne sont probablement pas capables de s'exprimer eux-mêmes.

Il y a neuf ans, la Chambre des communes a adopté à l'unanimité une résolution—c'était un objectif noble mais encore inatteignable—pour l'élimination de la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000. Non seulement nous ne sommes pas parvenus à atteindre cet objectif, mais les faits montrent que nous perdons du terrain.

En 1995, 21 p. 100 de tous les enfants du Canada—1,5 million—vivaient dans la pauvreté, et le nombre d'enfants pauvres a augmenté de 58 p. 100 entre 1989 et 1995.

En 1997, deux ans plus tard, notre gouvernement a affecté 850 millions de dollars à la création d'un système de prestation fiscale pour enfants enrichi et amélioré et, en 1998, le budget a approuvé 850 millions de dollars supplémentaires en deux étapes, 425 millions de dollars en juillet 1999 et, à nouveau, 425 millions de dollars en juillet 2000. C'est encourageant, mais, selon nous, nous devons accélérer nos efforts.

Les Nations Unies ont jugé que le Canada était le meilleur endroit pour vivre dans le monde. Toutefois, c'est vrai seulement pour certains de nos citoyens. Le Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels a publié une liste de préoccupations prioritaires qu'il examinera dans le cadre du troisième rapport périodique sur le Canada. Il posait des questions très précises au sujet de la sécurité alimentaire à l'intention des gouvernements fédéral et provinciaux. Dans ma province, par exemple, il se préoccupait spécifiquement du droit à l'alimentation des résidents de Terre-Neuve, compte tenu du fait que, dans notre province, l'alimentation coûte 84 p. 100 du montant de l'assistance sociale.

Les décisions budgétaires fédérales ont de profondes répercussions sur ce qui se passe dans les provinces à tous les niveaux. Dans ma province comme dans d'autres, vu les nouveaux délais de carence de l'assurance-emploi, beaucoup de gens doivent maintenant recourir à l'assistance sociale quand ils n'ont plus droit à l'assurance-emploi. Ici, dans l'Est du Canada, nous sommes certainement tout à fait conscients du déclin de la pêche de la morue et de ses répercussions sur le chômage et le besoin d'assistance sociale.

Dans ma province encore—et c'est dans cette optique que je parle—, plus de 18 p. 100 des familles, qui représentent un tiers des enfants de notre province, vivent en dessous du seuil de pauvreté. En fait, à Terre-Neuve, le ménage pauvre moyen aurait besoin de 5 300 $ supplémentaires pour atteindre le seuil de pauvreté. Je suppose qu'il y aurait également des statistiques semblables dans d'autres provinces.

Nous venons d'avoir une commission royale sur l'éducation à Terre-Neuve. Je voudrais vous citer une de ses déclarations.

    Les enfants qui ne reçoivent pas une alimentation appropriée perdent de précieuses heures d'enseignement. Ils n'arrivent pas à suivre le rythme du travail scolaire et ont de fortes chances de quitter l'école de façon prématurée. Quelles que soient les raisons pour lesquelles ils souffrent de la faim, cela aura une influence sur leur santé et leurs résultats scolaires à court terme et sur leur sécurité économique à long terme.

• 1425

D'après une autre statistique, en mars 1989, dans notre pays, 329 000 personnes utilisaient les banques d'alimentation locales, et, en mars 1997, huit ans plus tard, ce nombre avait doublé pour atteindre 669 000. Soit dit en passant, c'est à nouveau à Terre-Neuve que les taux étaient les plus élevés; 47 p. 100 des personnes assistées étaient des enfants.

Permettez-moi de faire quelques commentaires au sujet de la faim et de ses liens avec l'apprentissage et l'absentéisme. Les enfants qui ne consomment pas assez ou pas du tout de nourriture entre le repas du soir et le repas de midi du jour suivant jeûnent en fait pendant environ 18 heures. Le corps d'un enfant normal réagit à ce type de jeûne en réduisant la teneur de sucre dans le sang, ce qui entraîne une diminution de l'énergie. La protéine est nécessaire dans l'alimentation pour maintenir un taux de glycémie souhaitable, qui, à son tour, favorise l'éveil intellectuel, qui, nous le savons tous, est essentiel pour l'apprentissage.

Mon rapport écrit contient de nombreuses statistiques que, pour gagner du temps, je ne citerai pas. Je ferai seulement référence à une étude à titre d'exemple.

Une étude réalisée aux États-Unis sur une période de 20 ans a examiné les effets de l'absence de petits déjeuners. Elle a démontré que le petit déjeuner améliore les résultats scolaires des enfants et a fait ressortir les effets négatifs de l'absence de petits déjeuners ou du jeûne pour ce qui est des résultats en arithmétiques, de l'aptitude à lire, du comportement émotif et, dans l'ensemble, de la résolution de problème en fin de matinée.

En plus de ne pas pouvoir apprendre, les enfants pauvres et affamés manquent l'école. Nous savons tous que la malnutrition influence l'apprentissage et le comportement des enfants, et le système immunitaire affaibli des enfants sous-alimentés leur occasionne des difficultés pour lutter contre l'infection. Ils courent donc plus de risques de tomber malades et ont tendance à manquer l'école et, par conséquent, à prendre du retard dans leurs travaux.

Je sais que ces statistiques sont peut-être troublantes et ennuyeuses, mais les visages du désespoir et les voix de la dépression sont encore plus troublants. Permettez-moi de vous citer deux extraits d'un rapport qui n'est pas encore publié mais qui figure dans le mémoire que je vous ai adressé.

Voici l'histoire d'Annie, qui a deux enfants scolarisés:

    Annie et ses deux enfants sont assistés sociaux. En 1997, ils ont eu exactement 9 576 $ pour vivre. Les chiffes de Statistique Canada indiquent que le seuil national de pauvreté pour un ménage de trois personnes se situe à 26 637 $. L'année dernière, elle a dû dépenser 700 $ de son argent pour payer l'électricité. «Soit on meurt de faim et on a chaud, soit on meurt de froid et on mange. Il faut choisir, c'est l'un ou l'autre.» Les filles d'Annie ne vont jamais à l'école le vendredi. Quand elle n'a pas les moyens de leur donner un déjeuner, elle les garde à la maison.

Un autre extrait concerne un couple marié avec trois personnes à charge qui touche le salaire minimum:

    Nous vivons maintenant en dessous du seuil de pauvreté, et j'ai honte de dire même seulement que nous devons aller à une banque alimentaire. Mais que pouvons-nous faire d'autre? Trois enfants à nourrir, c'est beaucoup, vous savez. Quand nous recevons nos chèques, nous essayons d'acheter de la viande. Ma mère nous aide en nous donnant des légumes. La plupart des produits que nous obtenons à la banque alimentaire sont en boîte. Vous savez, de la soupe, des haricots jaunes, des raviolis, des choses comme ça. Je ne peux pas dire que c'est nutritif, mais ça aide quand on a faim.

Nous supposons que le gouvernement est confronté à une myriade de besoins des Canadiens d'un océan à l'autre, et les programmes visant à nourrir les enfants affamés coûtent un prix considérable, mais nous signalons avec insistance que le fait de ne pas intervenir coûte encore beaucoup plus cher.

En outre, mon ami vient juste de parler de l'alphabétisation, et j'ai une citation ici à ce sujet. Un sondage international réalisé en 1994 dans l'ensemble du Canada a révélé que près de la moitié des Canadiens ne savent pas assez bien lire pour comprendre un horaire d'autobus.

Quand je préparais ce rapport, jeudi dernier, il y avait un éditorial dans le journal de chez nous; je l'ai joint à ce mémoire. Cet éditorial du jeudi 15 octobre porte le titre «Un tiers monde dans l'arrière-cour du Canada.» On peut notamment y lire «Les conditions de vie des Autochtones du Canada»—et je mentionne cela simplement parce que cela figure dans cet éditorial, mais c'est une partie très importante de nos préoccupations—«sont analogues à celles des pauvres de l'Ukraine, du Venezuela, du Panama ou de la Pologne.» À notre avis, en ce qui concerne le Labrador, ce n'est pas une exagération.

• 1430

La société aura finalement payé pour ces enfants qui, à cause de la pauvreté et de la sous-alimentation, se voient refuser l'égalité des chances en matière d'éducation. La seule question est de savoir quand nous devrons payer. Devons-nous assumer maintenant le coût de l'intervention et de la prévention ou celui des résultats inévitables? La pauvreté et la faim restent souvent un problème caché, mais leurs conséquences sont fréquemment tristement évidentes. Nous ne pouvons fermer les yeux sur ces problèmes qu'en assumant un coût encore plus grand, celui des vies improductives.

Nous avons deux recommandations à soumettre à votre comité, monsieur. L'une concerne l'argent, et je pense que l'autre est tout aussi importante, sinon plus. Elle ne concerne pas l'argent, mais la planification. Je vais vous lire ces deux recommandations et c'est là-dessus que je terminerai mon intervention.

Nous recommandons fermement au gouvernement fédéral d'affecter 425 millions de dollars supplémentaires à la prestation nationale pour enfants pour 1999 dans le budget fédéral de 1999, en même temps qu'une somme identique pour l'an 2000, ce qui doublerait les sommes engagées par le gouvernement pour remédier à cette crise.

Comme deuxième recommandation, nous pressons vivement le gouvernement du Canada d'établir un plan stratégique et de fixer des buts clairs quant à la façon de procéder pour atteindre l'objectif énoncé dans la résolution de la Chambre des communes d'il y a neuf ans. En élaborant un plan d'action complet incluant des éléments de recherche et de programme, nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral, et nous le prions de le faire, s'entende avec les groupes concernés de notre société, y compris les commissions scolaires, pour mettre en oeuvre et fournir l'assistance dont ces enfants, les membres les plus vulnérables de notre société canadienne, ont tant besoin. Si nous collaborons tous et si nous parvenons à atteindre notre objectif, tout le monde y gagnera. Si nous ne le faisons pas, tous les Canadiens seront perdants, surtout les dirigeants et les citoyens productifs potentiels de demain.

Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous présenter ces commentaires.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Vokey.

Je vais maintenant donner la parole à M. Murphy et M. Smith. Monsieur Smith.

M. Gary Smith (vice-président, Chambre de commerce de Saint John): Merci, monsieur le président.

Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Gary Smith. Je suis vice-président de la Chambre de commerce de Saint John. Je remplace notre présidente, Linda Forestell, qui ne pouvait pas être ici cet après-midi. Je suis également accompagné de Michael Murphy, le président du groupe de travail prébudgétaire de notre organisation.

Nous participons aux tables rondes prébudgétaires qui ont lieu à Fredericton depuis plusieurs années, et nous sommes très heureux d'être ici à nouveau aujourd'hui. La Chambre de commerce de Saint John est heureuse de pouvoir présenter son point de vue au sujet de l'élaboration du prochain budget fédéral.

La Chambre de commerce de Saint John est la plus grande organisation du monde des affaires de la région métropolitaine de Saint John; elle regroupe plus de 900 hommes et femmes d'affaires représentant plus de 600 entreprises et organisations locales. Elle défend dynamiquement les intérêts de ses membres à propos d'une grande variété de questions et s'emploie à encourager le potentiel de développement économique de la région de Saint John. Sa mission est d'être le principal porte-parole des entreprises de la région métropolitaine de Saint John, et elle se consacre à la promotion d'un climat économique permettant de renforcer la croissance, la prospérité et la qualité de la vie de la population locale. Elle représente le monde des affaires de la région depuis sa création en 1819, et ses membres viennent de l'ensemble de la région et de l'extérieur de celle-ci.

Avant de vous faire part de nos opinions, nous aimerions parler de la définition d'une «petite entreprise». Quand on en parle, on pense normalement à une société qui a 50 employés ou plus et des revenus d'environ 5 millions de dollars par an. Ce n'est pas la norme dans le Canada Atlantique et certainement pas en ce qui concerne nos membres. Au Nouveau-Brunswick et dans le Canada Atlantique, il s'agit plutôt de micro-entreprises. Quand vous préparerez vos recommandations pour le prochain budget fédéral, nous espérons que vous en tiendrez compte. J'ajouterai qu'il est instructif de prendre en considération que 65 p. 100 des membres de la Chambre de commerce de Saint John, la plus grosse organisation du monde des affaires de la région, ont moins de 30 employés. Nos opinions reflètent donc ce qui, selon nous, sert le mieux les intérêts de ces très petites micro-entreprises.

Les principaux éléments de notre mémoire d'aujourd'hui sont contenus dans la lettre que nous avons envoyée au mois de juillet quand vous avez demandé des contributions par écrit. Je vais maintenant inviter Michael Murphy, qui travaille à la Banque de Montréal et présidait notre groupe de travail prébudgétaire qui a préparé notre lettre du mois de juillet, de passer brièvement ce mémoire en revue à votre intention.

M. Michael Murphy (président, Groupe de travail prébudgétaire, Chambre de commerce de Saint John): Merci, Gary.

• 1435

Monsieur le président, honorables députés, nous avons mentionné dans la lettre que nous vous avons envoyée en juillet 1998 que «tout surplus doit être traité avec prudence, car de nombreux facteurs qui contribuent au "dividende" ne peuvent pas être contrôlés». Nous avons notamment mentionné la possibilité d'une augmentation des taux d'intérêt et les effets économiques de la grippe asiatique qui sévit actuellement, ce qui nous incitait à dire qu'il faut continuer de limiter les dépenses. Nous avons fermement conseillé de continuer à mettre l'accent sur les améliorations de la productivité ainsi que sur la réduction des chevauchements entre les activités des paliers fédéral et provincial de gouvernement. Nous avons également indiqué que la réduction de la dette devait rester la principale priorité du gouvernement et que, s'il y avait un dividende budgétaire, une partie de celui-ci devrait être utilisé pour réduire la dette. Ce sont encore nos principales priorités.

La turbulence généralisée des marchés financiers depuis juillet a, à notre avis, compromis la possibilité d'avoir un dividende budgétaire. Dans le Canada Atlantique, notre économie est souvent la dernière à se réchauffer quand la situation est bonne dans le reste du pays, et elle a tendance à être la première à se rafraîchir quand des problèmes surviennent.

Tout cela fait qu'il est, à notre avis, encore plus impératif de garder le cap. Toutefois, au cas où il y aurait un excédent quelconque, nous avons mentionné, dans notre lettre de juillet, un certain nombre de choses qui, selon nous, aideraient nos petites micro-entreprises du Nouveau-Brunswick et du Canada Atlantique. Nous pensons qu'il est essentiel de réduire les impôts des petites entreprises et de plafonner l'excédent qui s'accumule dans le compte de l'assurance-emploi et de restituer les sommes supérieures à ce plafond aux entreprises et à leurs employés sous forme de réduction des cotisations.

En outre, nous considérons que les contribuables canadiens ont fait d'énormes sacrifices ces dernières années pour nous amener là où nous en sommes aujourd'hui. Il faudrait alléger ce fardeau. Il faudrait réduire les impôts aussi bien sur le revenu des entreprises que sur celui des particuliers.

Enfin, nous avons dit que toute augmentation du financement de programmes devrait être appliquée aux soins de santé et à l'infrastructure. Nous n'avons pas changé d'avis à ce sujet dans le cas où il y aurait un excédent que nous pourrions utiliser.

Pour terminer, je vous ferai part de la réflexion suivante: en septembre, nous avons accueilli la 69e assemblée générale de la Chambre de commerce du Canada qui a eu lieu ici à Saint John. Quand le premier ministre Jean Chrétien a pris la parole devant les délégués lors des cérémonies d'ouverture, son message principal était qu'il fallait garder le cap. Ensuite, les délégués ont débattu un certain nombre de résolutions, portant notamment sur la dette nationale, la caisse d'assurance-emploi et les allégements fiscaux pour les entreprises et les particuliers et ont pris résolument position en faveur de ce que nous venons de vous expliquer ici aujourd'hui. Ces résolutions constituent désormais la politique officielle de la Chambre de commerce du Canada, et celle-ci vous présentera sans aucun doute un message identique à propos des mêmes questions dans un avenir très proche. N'oubliez pas que c'est ici que vous en avez eu la primeur.

Je vous remercie de nous avoir donné la possibilité d'être ici aujourd'hui, et nous répondrons avec plaisir à toute question que vous pourriez vouloir nous poser.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Murphy.

Je voudrais maintenant donner la parole à Mme Wayne pour ouvrir la période de questions.

Mme Elsie Wayne: J'ai des questions, Michael, mais je vais les poser à Gary ou Bill, parce que je sais où vous travaillez. Vous travaillez pour la banque. Je veux les interroger au sujet des fusions entre les banques.

À votre avis, quel effet ces fusions auront-elles sur les courtiers d'assurances et les concessionnaires d'automobiles si les banques peuvent se lancer dans la vente d'assurances et le crédit-bail pour automobiles comme elles le souhaitent?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Cela va nous poser un problème, madame Wayne, parce que notre mandat est de tenir des audiences sur les consultations prébudgétaires.

Mme Elsie Wayne: D'accord, vous ne pensez donc pas que cette question est recevable?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non, mais après avoir entendu ces témoins, nous aurons des audiences sur le groupe de travail. Je sais que vous devez partir, mon problème concernera donc la façon de leur permettre d'intervenir à propos de l'autre sujet.

Mme Elsie Wayne: D'accord, je vais poser une autre question.

Vous venez d'entendre M. Vokey, un représentant de Terre-Neuve. En tant que gens d'affaires, que pensez-vous que nous devrions faire face à ces importantes préoccupations? Nous n'avons pas des problèmes aussi graves que ceux qu'ils ont à Saint John's et dans d'autres parties de Terre-Neuve, mais nous en avons aussi. Je ne pense pas qu'aucun d'entre vous souhaite voir un enfant souffrir de la faim, mais ce qu'il a dit a des répercussions sur votre système de soins de santé, votre système d'éducation et, si vous voulez, sur tous les systèmes, parce que ceux qui ne peuvent pas apprendre deviennent un fardeau pour la société.

• 1440

Je demande à n'importe lequel d'entre vous ce qu'à votre avis, nous devrions faire à ce sujet?

M. Gary Smith: Si je peux commencer, madame Wayne, je pense que toutes les entreprises ont une certaine obligation de faire face à la question de la pauvreté, et je pense qu'ici, à Saint John, nous avons actuellement un très grand nombre de gens d'affaires qui s'en occupent et essaient de régler le problème de la pauvreté dans notre ville.

J'ai personnellement participé à certaines de ces réunions. Il n'y a pas de solution facile. Toutefois, grâce aux démarches entreprises et aux discussions concernant les problèmes très importants liés à la pauvreté, je pense qu'on obtient des résultats, et nous pouvons toujours compter sur le gouvernement pour prendre des initiatives en vue de régler ces problèmes.

Je pense donc que le milieu des affaires doit s'en occuper et une des choses qui m'intéressent est certainement de me pencher personnellement sur ce problème. Je suis convaincu que nous réglerons petit à petit certains de ces problèmes, peut-être pas tous, mais le secteur privé doit y participer.

Mme Elsie Wayne: Vous vous rappellerez qu'il fut un temps où notre ville était fortement endettée. Et vous rappelez-vous que—je dis cela en toute humilité—, quand je me suis présentée devant vous, j'ai dit aux gens de la Chambre de commerce et à d'autres que mon commissaire aux finances m'avait présenté trois propositions pour éliminer la dette. Je lui avais demandé de me dire quel impact cela aurait sur les travailleurs et sur l'ensemble de la population si on le faisait en cinq ans, en huit ans ou en dix ans.

Vous vous rappellerez, Gary, que, quand j'ai examiné la proposition pour la période de cinq ans, il s'agissait de tout sabrer, brûler et éliminer, comme nous l'avons fait à Ottawa. Cela avait un impact si négatif sur la ville et toute sa population que je n'étais pas prête à le faire. Nous l'avons donc fait sur une période plus longue. Et on peut compenser cela en tenant compte de la dimension humaine, et en tant qu'hommes d'affaires... Je trouve cela très préoccupant. Vraiment. J'ai écouté cela, messieurs, et je trouve que c'est très préoccupant.

M. Bill McMackin: Je devrais également répondre. Je pense que votre question s'adressait à nous deux.

Quand je regarde depuis combien de temps nous travaillons sur cette question de la situation financière d'Ottawa, je constate que cela remonte probablement à 1982 ou 1983, ce qui veut dire que nous y travaillons probablement depuis une quinzaine d'années, et non pas seulement deux ou trois. Donc, ces dernières années, nous avons simplement réparti cela au maximum de ce que nous sommes capables de digérer.

Mais pour ce qui est de la question spécifique concernant la pauvreté et nombre des problèmes qu'elle pose, pour commencer, je pense qu'une des choses auxquelles nous devons faire face dans notre pays est que beaucoup de gens qui ont un salaire très, très faible sont également fortement imposés. Pour commencer, s'ils pouvaient garder un petit plus de ce qu'ils gagnent, ils s'en tireraient beaucoup mieux.

Mme Elsie Wayne: Vous aimeriez donc que nous restituions l'excédent des cotisations d'assurance et que nous en réduisions le montant pour les employés et les employeurs?

M. Bill McMackin: Je pense que nous devons tenir compte du fait qu'à l'heure actuelle, les cotisations d'assurance-emploi sont versées dans les recettes générales, ce qui veut dire qu'elles servent à payer d'abord toutes sortes d'autres choses, et il faudra donc un certain temps avant que nous puissions régler certains de ces problèmes.

Si nous devons envisager de réduire les impôts pour les gens d'ici quelque temps, j'espère que tout le monde au Canada pourra en profiter—c'est probablement un peu irréaliste—et que certains des gens qui touchent actuellement les salaires les plus faibles et vivent ou essaient de vivre avec un emploi qui leur rapporte un simple revenu de subsistance ou le salaire minimal parce qu'ils ne peuvent rien trouver d'autres pour le moment, méritent de conserver chaque sou sur lequel ils peuvent mettre la main. Ils doivent payer leur chauffage et acheter de la nourriture, et il faut que nous réduisions leurs impôts dans toute la mesure du possible.

Pour les gens d'affaires, l'avantage est qu'au moins ces gens-là en auront besoin; ils vont dépenser cet argent; ils créeront une certaine activité dans leur milieu parce qu'ils en ont besoin pour vivre.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pour me faire l'avocat du diable, je pense que Mme Wayne dit que, depuis quatre ou cinq ans, nous entendons le milieu des affaires nous dire de mettre l'accent sur l'élimination du déficit.

Dès que nous le faisons, le même milieu des affaires, trois de ses représentants sur cinq ici présents, nous dit de mettre l'accent sur la dette. C'est votre première priorité. La deuxième est la réduction des impôts et pour ce qui est du reste, eh bien, une fois cela fait, ils nous souhaitent bonne chance et disent que nous pouvons peut-être nous attaquer à ce que dit M. Vokey, la pauvreté des enfants, et ce que d'autres ont dit, la santé et les programmes sociaux.

• 1445

Je me fais l'avocat du diable ici, mais qu'en retirent les Canadiens des provinces atlantiques si nous concentrons exclusivement nos efforts sur la réduction de la dette, par exemple, comme vous le recommandez? En quoi cela profite-t-il aux habitants de cette région?

M. Bill McMackin: À l'heure actuelle, et corrigez-moi si je me trompe, 25 à 30 p. 100 de nos dépenses annuelles sont consacrées au service de la dette.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est 27c. sur chaque dollar.

M. Bill McMackin: Cela fait 27 p. 100, je ne me trompais donc pas de beaucoup.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous avez raison.

M. Bill McMackin: C'est comme quand je gère le budget familial. À long terme, si je ne peux pas obtenir un salaire plus élevé d'emblée, si je ne peux pas gagner plus d'argent, une des meilleures façons de contribuer à avoir plus d'argent dans mes poches, si j'en ai, est d'essayer d'éliminer une partie de mes frais d'hypothèque et de réduire certains des paiements portant intérêt ou regrouper certaines de ces choses.

Nous avons dépassé nos moyens actuels pour ce qui est de nos dépenses globales. Si, au cours des quelques prochaines années, nous pouvons réduire la dette dans une certaine mesure et permettre à l'inflation de diminuer le coût du service de la dette par rapport au PIB et à notre budget global, cela dégagera des fonds supplémentaires pour d'autres initiatives à long terme.

Quelles sont les solutions faciles à long terme? Je n'en sais rien. C'est vous qui nous avez mis dans ce marasme, et c'est vous qui devez nous en sortir. Vous devez prendre certaines décisions difficiles quant aux façons de réduire la dette à court terme pour essayer de venir en aide à tous les gens qui en ont besoin.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais, pour reprendre votre comparaison, ce que vous dites maintenant... Vous êtes un homme d'affaires, comme je l'étais et comme je le suis peut-être encore. C'est bien d'avoir une ligne de crédit ouverte. C'est bien de contracter un emprunt auprès de votre banque, dans la mesure où vous pouvez encore faire des profits et respecter vos critères de remboursement. C'est bien d'avoir une hypothèque, dans la mesure où vous pouvez rembourser religieusement cette hypothèque chaque mois afin que le directeur de votre banque n'ait pas à intervenir. Mais pourquoi devons-nous maintenant chercher spécialement à rembourser l'hypothèque plus rapidement que nous n'avons à le faire au risque de fournir peut-être une qualité de vie inférieure aux membres de notre famille, par exemple, pour vous paraphraser? Quand le moment viendra-t-il où le milieu des affaires dira que c'est très bien, que l'équilibre approprié est atteint?

Il me semble qu'on nous dit, tout comme hier, que le déficit est soudain devenu une priorité, ce avec quoi nous sommes d'accord. Et, personnellement, je pense que je partage une énorme quantité de vos idées, parce que je suis un homme d'affaires, j'ai quatre enfants et je sais ce que chaque chose coûte. La première chose que je dis à mes enfants est de payer le solde de leur carte de crédit, parce que cela coûte 19 p. 100. Et je leur dis que s'ils ont une hypothèque, il faut qu'ils la remboursent, parce que cela donne une économie nette, après impôt, de 9 p. 100 ou 10 p. 100, ce qui correspond à un rapport de 18 p. 100 pour n'importe quel autre investissement.

Il me semble que notre pays est maintenant arrivé à une croisée des chemins et que nous devons chercher un équilibre plus équitable. Quel est cet équilibre que nous essayons d'atteindre? Devrions-nous, comme vous le recommandez, concentrer tous nos efforts et utiliser tous nos excédents pour réduire la dette, ou devrions-nous peut-être attendre un peu et dire que nous devrions peut-être prioritairement réinvestir dans les soins de santé, dans la lutte contre la pauvreté et dans d'autres programmes sociaux?

Mme Elsie Wayne: Je suis tellement contente que vous me prêtiez main forte.

M. Myrle Vokey: J'espère que vous avez lu mon rapport, parce qu'il a été rédigé par d'autres membres. Je ne vous ai pas lu la phrase suivante: «Pour ce qui est de relever ce défi très pressant qui se pose à la société canadienne, [nous sommes] d'avis que nous sommes à une croisée des chemins quant aux décisions à prendre.» C'est la même chose que ce que vous avez dit.

Premièrement, en vous écoutant, je pense à cet équilibre. C'est comme un homme qui essaie d'arrêter les fuites dans un mur et tend les mains des deux côtés. Je suppose que nous devons faire un choix: soit nous essayons de réduire la dette maintenant, comme le disent mes amis, pour dégager une partie de ces deniers publics trop sollicités, 27 p. 100, afin de pouvoir consacrer davantage d'argent à l'avenir à la santé, à l'éducation et aux enfants en trouvant le bon équilibre, ou nous pouvons moins réduire la dette et utiliser cet argent maintenant pour le travail de prévention et de correction et nous occuper des enfants.

• 1450

Permettez-moi de faire un autre commentaire. J'ai mentionné les deux résolutions. Celle qui concerne l'argent est certainement importante, mais, pour aussi important que cela soit, utiliser cet argent pour essayer de régler le problème et de donner à manger aux enfants n'est pas non plus la solution. Il faut une planification au niveau local, au niveau provincial et au niveau fédéral. Nous devons avoir la participation du secteur privé. Nous devons avoir celle des éducateurs et des parents. C'est un programme d'éducation et il doit commencer maintenant. Ce doit être un effort bien planifié entrepris en collaboration selon une stratégie déterminée.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pouvez-vous nous donner plus de détails? À Terre-Neuve, j'ai posé la même question, et beaucoup de gens ont dit qu'il ne suffisait pas de dépenser plus d'argent.

M. Myrle Vokey: C'est exact.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Cela ne résoudra peut-être pas le problème, en toute franchise. Ce serait du gaspillage, ou bien comme quand on jette une pièce de monnaie dans un lac: la surface de l'eau frémit, mais cela ne donne aucun résultat.

Vous avez fait une bonne recommandation en disant que nous devrions élaborer un plan stratégique. Je pense que nous avons les moyens au Canada d'élaborer ce plan, mais comment rassembler toutes les parties concernées afin de pouvoir prendre des engagements concrets et régler le problème? J'aimerais qu'on le fasse une fois pour toutes. Je ne pense pas que nous puissions jamais le faire, mais nous pourrions au moins l'aborder concrètement.

Comme vous l'avez indiqué, nous avons prévu 850 millions de dollars, et nous avons doublé cette somme. Nous espérons que les provinces se joindront à nous. Vous demandez 425 millions de plus. Cela nous aidera-t-il tant que nous n'avons pas un plan concret et que nous ne nous efforçons pas, tous ensemble, de l'appliquer? Voilà ce que je veux dire.

M. Myrle Vokey: Je n'ai pas de plan en tête. Je ne pense pas que qui que ce soit en ait à l'heure actuelle. Mais dans notre comité, au niveau provincial, à Terre-Neuve—je vais utiliser cela comme exemple—, lors de notre dernière réunion, nous avons décidé de créer des entreprises dans les villes et les localités de notre province. Et, soit dit en passant, ces entreprises existent et elles sont prêtes, disposées et aptes à fournir toute l'aide qu'elles peuvent.

Il y a des conseils de parents, des municipalités, toutes sortes d'organisations qui peuvent se joindre à cette lutte, et je pense que l'éducation a un grand rôle à jouer. À mon avis, beaucoup de parents, qui élèvent leurs enfants seuls ou à deux, sont très désireux de les aider, mais il faudrait qu'ils aient les moyens et les connaissances leur permettant de leur fournir des repas nutritifs et d'apprendre combien il est important d'avoir une alimentation appropriée.

À l'heure actuelle, les parents et les adultes qui s'occupent d'enfants s'accrochent comme ils peuvent. Ils suivent la ligne de moindre résistance. Il y a des milliers d'enfants qui viennent à l'école avec une bouteille de boisson gazeuse et un sac de croustilles. Les conseils scolaires ont des cantines où on vend ce genre de choses parce que, sinon, c'est chez le dépanneur de l'autre côté de la rue que les enfants iront dépenser leur argent.

J'ai le coeur brisé en voyant qu'on n'utilise pas aussi efficacement qu'on le pourrait le peu d'argent dont on dispose. Ce qui compte, c'est donc l'éducation, la planification, les villes, les municipalités, les parents, les conseils scolaires, les commissions scolaires, et ce sont tous ces gens-là qui devront s'attaquer ensemble à ce problème.

Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, il y a quelques mois, ici même à Saint John, à la Romero House, un de nos directeurs de banque en retraite nous a réunis, les gens d'affaires et nous. Il y avait des représentants locaux, moi-même et d'autres. Ils nous ont répartis en plusieurs groupes, et nous avons placé par ordre de priorité les choses qu'à notre avis, il faut faire, celles qui sont nécessaires, en précisant leur degré d'urgence, etc.

Ces comités continuent. Certains des hommes qui sont assis à cette table ce soir y participent encore. Cela marche. Ils peuvent vous en parler, monsieur Vokey, avant que vous ne partiez.

Je pense que ce qui me préoccupe, monsieur le président, est que je n'ai jamais vu—et je peux seulement parler de notre région—autant d'enfants qui souffrent de la faim. Je n'ai jamais vu auparavant autant de gens dans les banques d'alimentation, surtout ici même. Je n'ai jamais vu cela. Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi.

Quand vous parlez de l'analphabétisme et de l'alphabétisation, je veux que vous me disiez, jeune homme, ce qui ne va pas dans le système et qui fait que, quand on termine ses études secondaires, on n'est pas vraiment alphabétisé, parce qu'on devrait l'être tout à fait. Qu'est-ce qui ne va donc pas dans le système? Il y a nécessairement quelque chose qui ne va pas.

• 1455

M. Anthony Knight: Ayant déjà fait mes études dans ce système, je pense qu'il est dépassé. Je ne pense pas qu'il répond aux attentes des gens d'affaires, des gens qui vont offrir des possibilités aux jeunes diplômés qui se présentent sur le marché du travail pour chercher un emploi. Je pense que le partenariat dont nous avons parlé jusqu'à présent est nécessaire pour structurer un programme d'études qui aide à préparer les jeunes.

Mme Elsie Wayne: Anthony, est-ce peut-être parce que, de nos jours, c'est l'ordinateur qui connaît l'orthographe et non pas l'enfant? Je constate cela chez mes deux petits-enfants.

Dieu soit loué, nous devions connaître l'orthographe nous-mêmes. Nous apprenions l'orthographe, nous apprenions à écrire, nous apprenions à parler, etc., et la rédaction de textes était une autre affaire. Mais l'ordinateur fait cela pour eux. Ils ne savent rien du tout quand ils ont terminé. C'est quelque chose que je dois vous dire, et cela suscitera de fortes controverses.

Je n'ai rien contre les controverses et je suis donc prête à relever celle-ci n'importe quand en ce qui concerne les ordinateurs. Cela ne me gênerait absolument pas, parce qu'il faut faire quelque chose. Il y a des jeunes gens qui ne s'expriment pas correctement quand ils ont fini leur scolarité. C'est absolument vrai. Pour ce qui est de l'alphabétisation, c'est une honte. J'ai eu des entrevues avec des jeunes gens que je voulais embaucher; je leur ai demandé de rédiger une lettre, et je peux vous dire que quatre sur cinq n'ont pas obtenu cet emploi.

M. Anthony Knight: C'est la raison pour laquelle nous avons toujours recommandé que nous... Pendant les années 50, c'est tout au moins ce qu'on m'a dit...

Mme Elsie Wayne: Vous n'étiez pas là à cette époque, mais nous, oui.

M. Anthony Knight: En effet. Mais nous avons fait de la douzième année le niveau d'éducation généralement reconnu comme étant celui que tout le monde devrait avoir.

Mme Elsie Wayne: C'était aussi bien que tout ce qu'on peut avoir maintenant pour ce qui est du baccalauréat.

M. Anthony Knight: C'est ce qu'il fallait avoir. Maintenant, il faut suivre au moins les deux premières années d'un programme d'études supérieures pour avoir le niveau correspondant à ce qu'était la 12e année dans les années 50.

Mme Elsie Wayne: C'est exact.

M. Anthony Knight: Nous devons prendre des mesures. Il y a longtemps que nous avons dit cela, et je pense que nous devons commencer à changer l'idée de ce qu'est le niveau d'éducation reconnu. Je pense que les gens d'affaires disent, tout au moins d'après mon expérience, que nous n'avons pas une main-d'oeuvre qualifiée. Au Nouveau-Brunswick, par rapport au reste du pays, la main-d'oeuvre est celle qui compte le plus faible pourcentage de diplômés universitaires.

Pourquoi en est-il ainsi? Je ne pense pas que ce soit à cause de l'exode des cerveaux. Je pense que c'est à cause du fait que nous n'offrons pas autant de possibilités aux jeunes de faire des études postsecondaires et à cause du coût de l'éducation. C'est à cause de l'idée qu'on se fait de l'éducation dans les familles, de la possibilité qu'elles ont d'économiser à cette fin et du fait de savoir si elles pensent que c'est quelque chose qui les concerne. Il y a également, chez les habitants du Nouveau-Brunswick, le problème de ce qu'ils croient qu'une éducation peut leur apporter et de la mesure dans laquelle ils pensent qu'ils peuvent avoir accès aux études.

Je pense que notre gouvernement a un rôle à jouer, de même que la société, non seulement les entreprises, mais également les groupes communautaires, les parents et les élèves, pour changer cette façon de voir les choses.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, Anthony.

Je pense qu'il faut que vous abordiez également les taux de décrochage. Il y a un pourcentage extrêmement élevé d'élèves qui quittent l'école.

M. Myrle Vokey: Je voudrais vous faire une suggestion à titre personnel, et non pas nécessairement en tant que représentant de mon comité.

Je me suis occupé d'éducation toute ma vie, de concert avec les organisations d'enseignants, les commissions scolaires, etc., et nous nous sommes rencontrés auparavant à d'autres occasions. Mais je me demande depuis longtemps pourquoi nous n'avons pas un bureau national de l'éducation. C'est un point de vue personnel. Je pense que nous sommes le seul pays du monde libre où il n'y a pas de bureau national d'éducation.

Je sais que l'éducation est du ressort des provinces, mais nous savons également qu'au niveau postsecondaire, pour l'apprentissage des langues, etc., le gouvernement fédéral investit d'importantes ressources dans l'éducation au niveau provincial. Et pour répondre partiellement à la question de l'établissement d'une stratégie et de nous préparer à dépenser intelligemment notre dollar pour lutter contre la pauvreté et aider les enfants—si nous y consacrons de l'argent, et je sais que nous le faisons, et j'espère que nous trouverons encore plus de ressources à y consacrer—, je pense qu'une partie de cette stratégie pourrait consister à reconnaître que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans l'éducation de nos enfants, et également celle des adultes, et que nous devrions créer une structure et une organisation au niveau fédéral pour regrouper et coordonner ces activités et collaborer à cet égard avec les provinces.

C'est un commentaire personnel. J'ai toujours été convaincu de cela quand je travaillais dans l'éducation.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Vokey.

Une autre intervention? Monsieur Smith.

M. Gary Smith: Je voudrais revenir un peu plus longuement sur les commentaires que vous avez faits tout à l'heure quand vous avez parlé de l'accent que les gens d'affaires mettent sur la réduction de la dette.

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'ai une autre question à ce sujet à laquelle j'aimerais que vous répondiez en même temps.

M. Gary Smith: D'accord.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je veux simplement rester sur ce sujet pour le moment, si cela ne vous fait rien, puis...

M. Gary Smith: J'intégrerai cela, si vous le voulez bien.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je poserai ma question plus tard.

• 1500

M. Gary Smith: Pour ce qui est d'assurer l'équilibre nécessaire, je pense qu'il est important de se rappeler... Il est certain que les chambres de commerce dans tout le pays représentent les petites entreprises et qu'elles s'efforcent de faire en sorte que les petites entreprises prospèrent, car elles sont les principaux employeurs du pays.

Si vous pensez à ce dont nous avons parlé dans notre présentation, c'est-à-dire que les petites entreprises du Canada atlantique sont plus petites qu'ailleurs au pays, un grand nombre de petites entreprises croulent sous les coûts gouvernementaux excessifs, comme les primes d'assurance-emploi. Par conséquent, pour ce qui est d'en arriver à un équilibre, je pense qu'il y a lieu de reconnaître qu'il est effectivement très important à long terme de réduire la dette. Nous nous attendons à ce que le gouvernement se comporte comme les entreprises. Aucune entreprise ne souhaite être surendettée. La réduction de la dette s'accompagne d'une responsabilité—pas aux dépens de tout le reste, pas au point où tout le reste est exclu.

Il est possible de faire un certain nombre de choses. Il est évident que si l'on encourage les petites entreprises à prospérer et à croître, il y aura davantage de possibilités d'emploi. Si l'on met en place un système éducatif approprié, il est évident que les employeurs seront plus incités à engager des gens compétents, des gens qui ne font pas de fautes d'orthographe.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais ce à quoi nous voulons en venir, c'est ceci: les entreprises, qui ont tout à gagner à employer une main-d'oeuvre bien formée, ne devraient-elles pas assumer une partie de la responsabilité de former cette main-d'oeuvre?

M. Gary Smith: Je crois que les entreprises, si on leur présente la chose de façon organisée, seraient certainement prêtes à participer au règlement des problèmes d'éducation et de pauvreté, mais on ne peut pas agir de façon segmentée. Il faut une organisation. Comme M. Vokey l'a mentionné, il faudrait peut-être créer un bureau ou une commission spéciale, alors que nous agissons de façon très fragmentée actuellement. Cela peut fonctionner à Saint John, mais pas nécessairement ailleurs.

Nous n'avons aucun programme national pour faire participer les entreprises au règlement de ces questions. Nous allons continuer de parader au sujet de la dette nationale car...

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aimerais jouer l'avocat du diable à nouveau—et j'aimerais qu'aucun des médias ne me cite là-dessus. Pourrait-on demander aux entreprises de verser volontairement une taxe spéciale pour alléger la pauvreté? Il est évident que c'est une question de financement. Les entreprises ne peuvent pas participer à l'administration des programmes sur la pauvreté par exemple. Est-ce ce que vous voulez dire?

M. Gary Smith: Je ne propose pas de taxe. Je propose que l'on mette en place un processus qui réunirait tous les groupes d'intérêt, les intervenants, pour traiter de cette question. Je crois que les entreprises accepteraient une approche rationnelle pour faire face à la pauvreté dans ce pays.

Le vice-président (M. Nick Discepola): La raison pour laquelle je donne cet exemple est que dans ma province, au Québec, l'an dernier, je crois—corrigez-moi si je me trompe, Richard—le gouvernement a adopté une taxe spéciale sur les salaires. Une partie était précisément destinée aux programmes de formation de la main-d'oeuvre. C'est un tout petit pourcentage, mais sur le total des salaires versés chaque année par les petites entreprises, cela représentait un montant important. Cette mesure a été très critiquée. Pourtant, le gouvernement avait de bonnes intentions. Nous voulons que notre main-d'oeuvre soit mieux formée et beaucoup plus compétitive. Par conséquent, il faut trouver l'argent et le réserver à cette fin. Nous pensons que pour régler d'autres priorités et problèmes, nous devrions peut-être adopter une mesure de ce genre, mais cela ne semble pas toujours fonctionner.

M. Gary Smith: Je suppose—et je parle en mon nom personnel et pas nécessairement au nom de la Chambre de Commerce—que l'on devrait peut-être utiliser l'excédent de l'assurance-emploi, qui est en grande partie financé par les petites entreprises, à 60 p. 100. Cela serait peut-être préférable que d'imposer une autre taxe aux petites entreprises.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Smith.

Nous allons entendre maintenant M. McMackin.

M. Bill McMackin: Quel est le sujet en ce moment?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ce que vous voulez, ou je peux passer à M. Ritz et revenir à vous plus tard.

M. Bill McMackin: Je pense que je n'ai pas vraiment eu l'occasion de répondre à votre question—celle à laquelle Gary a répondu il y a un instant—à savoir, où trace-t-on la limite, en ce qui concerne la réduction de la dette. Nous avons beaucoup parlé de l'élimination du déficit depuis un certain nombre d'années et nous sommes passés maintenant à ce que nous croyons être la question qui suit logiquement. C'est ce dont on parlait ces dernières années.

Par où commencer? Eh bien, je reviens à votre analogie initiale, à ce que vous conseilleriez à vos propres enfants. Vous avez bien répondu à la question au sujet de l'argent. Vous leur diriez de payer leur carte de crédit, et plus que le minimum, je parierais. Vous leur diriez d'essayer de réduire leur dette personnelle.

• 1505

Cette même logique vaut pour ce que nous serons en mesure de faire au cours des prochaines années. Cela dépend de la mise en place d'un calendrier logique et concret qui prévoit un engagement sur cinq ou six ans et le montant que vous pensez pouvoir couper au cours de ces années.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais c'est ce que nous avons fait.

Gerry, pourrais-je continuer?

M. Gerry Ritz: Oui, bien sûr.

M. Bill McMackin: Parlez-vous des cibles spécifiques de réduction de la dette?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Oui. Je vais vous donner un exemple.

M. Bill McMackin: D'accord. Si c'est le cas, très bien. C'est ce à quoi nous devons nous engager au cours des prochaines années. Si vous pouvez créer de nouveaux excédents, nous pouvons commencer à traiter les autres priorités.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous ne nous sommes pas engagés à l'égard de cibles continues, comme nous l'avons fait pour le déficit.

M. Bill McMackin: Non, effectivement.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bon. Mais j'y reviendrai. Je voudrais être juste avec monsieur...

M. Bill McMackin: La difficulté vient du fait qu'apparemment, il y avait des excédents depuis dix ans, et que nous avons battu le tambour ici en disant «remboursons la dette». Nous n'en sommes même pas encore au moment où nous allons pouvoir réellement déclarer le premier excédent. Je pense que ce sera à un moment donné en mars.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Le ministre en a parlé la semaine dernière.

M. Bill McMackin: Oui, mais cela n'entre pas en vigueur avant...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non, il s'agissait de l'exercice se terminant en 1998.

M. Bill McMackin: En mars dernier.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est exact. Il y a eu un excédent de 3,5 milliards de dollars.

M. Bill McMackin: Mais c'est le premier. C'est le tout premier que nous avons depuis longtemps.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non, nous budgétisons deux autres excédents consécutifs.

M. Bill McMackin: C'est très bien. Nous pourrons en reparler dans quelques années.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président. J'ai pris tellement de notes que je ne suis sûr de savoir par où commencer. Excusez-moi si je suis un peu désorganisé.

Merci de votre présentation. Elle était très réfléchie et perspicace, comme le démontre le débat d'aujourd'hui.

Le président a dit qu'étant un petit entrepreneur, il comprend ce qu'est le déficit et la dette et ainsi de suite. Étant un petit entrepreneur moi-même, mon déficit, c'est ma ligne de crédit et ma dette, ce sont mes prêts bancaires. Le gouvernement fédéral, dans sa logique, n'a pas vraiment établi cette distinction. Lorsque je fais affaires avec la banque, elle insiste sur des paiements ciblés. Mon prêt n'est pas éternel. C'est ce que le gouvernement doit donc comprendre aussi. Cela fait partie de la stratégie à long terme à laquelle vous avez fait allusion. C'est un thème commun. Les petites entreprises ont dû repenser leurs priorités et dépenser plus intelligemment. Les gouvernements à tous les niveaux doivent faire la même chose.

Cela m'amène à un autre point dont vous avez tous parlé, le double emploi, un problème qui existe à tous les paliers de gouvernement. Les fonds sont mal utilisés car tout le monde fait la même chose et essaie de mettre la même pièce dans le même trou. Cela ne fonctionne pas toujours.

La solution ne réside pas dans l'apport de fonds supplémentaires. Nous avons vu beaucoup d'argent affecté à beaucoup de programmes. Cela n'a rien réglé. Les premiers projets en matière de pauvreté ont commencé en 1989, et la situation a empiré. Comment pouvons-nous dépenser plus intelligemment? Comment les gouvernements peuvent-ils affecter les fonds aux bons endroits?

On a parlé du ministère des Affaires indiennes et du Nord. On parle d'un budget de 7 milliards de dollars. De ce montant, 3,3 milliards sont affectés aux réserves. Où va le reste? L'argent qui est affecté aux réserves ne va pas au bon endroit. Comment être plus rigoureux à l'égard de cet argent? Qui le surveille? Le vérificateur général a tiré le signal d'alarme dans un nombre incroyable de ministères. Quelqu'un est-il vraiment responsable? Est-on totalement indifférent?

Je vais vous demander de commencer avec cela puis je passerai à la question de la taxation.

M. Michael Murphy: Au sein de notre comité, à la suite de nos discussions et de notre réflexion, nous avons conclu que les personnes qui étaient les mieux à même d'administrer les nouveaux fonds seraient les petites entreprises et les clients du gouvernement du Canada, au moyen d'une réduction des impôts. Aucune infrastructure n'est nécessaire. Laissons ceux qui reçoivent l'argent par le biais d'une réduction d'impôts le dépenser pour créer des emplois, acheter de la nourriture, des vêtements et ainsi de suite.

Cela me semble une méthode de base, et c'est ce que nous préconisons. Cela fait également partie de notre discussion—il ne s'agit pas de se limiter à la réduction de la dette. Nous estimons toujours qu'il est important de protéger ce que nous avons pour pouvoir passer aux niveaux suivants, puis protéger ces niveaux et continuer d'étape en étape pour protéger ou retrouver les avantages sociaux dont les Canadiens bénéficient.

M. Gerry Ritz: Nous allons passer à l'allégement fiscal dont tout le monde a parlé. Cela devrait-il être un programme cible? Devrait-il être généralisé? Quel montant devrait être affecté à l'allégement fiscal? Que faudra-t-il mettre en place?

Les Terre-Neuviens ont besoin de 5 000 $ simplement pour arriver au seuil de la pauvreté. Nous avons une myriade de procédures fiscales différentes que nous pouvons cibler. Nous avons le non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation qui a permis à tout le monde de passer à une tranche ou deux plus élevées. On a abandonné certaines des surtaxes l'an dernier. Jusqu'où pouvons-nous aller? Il y a les impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés. Les petites entreprises... Bien entendu, l'industrie privée est le moteur de l'économie.

• 1510

Quel genre de cibles devons-nous fixer?

Vous n'avez rien à ajouter?

M. Bill McMackin: Lors de nos discussions dans la province, avec certaines chambres de commerce tout au moins, nous avons entendu bien des gens dire qu'en réalité, pour les Canadiens moyens, il devient quelque peu risible d'envisager un allégement fiscal, si cela revient à accorder de petites réductions, comme ce qui a été fait ces dernières années, qui ne leur donnent que quelques cents de plus en poche à la fin de l'année. J'ai d'ailleurs entendu des gens faire des plaisanteries à ce sujet.

Il faut donc cibler ceux qui en profiteront le plus. Nous avons parlé aux gens dont les revenus sont les plus faibles, aux gens qui sont parmi les plus pauvres. Voyez d'où vient la pauvreté des enfants. Elle vient de parents pauvres qui ne peuvent pas trouver des conditions de travail décentes ni gagner suffisamment d'argent. Si nous pouvions commencer par leur accorder une structure fiscale qui leur permettrait de garder une plus grande part de cet argent, ce serait un bon départ.

Pour ce qui est des petites entreprises, je me suis personnellement battu pour que l'on établisse une disposition appelée la déduction fiscale pour petites entreprises, qui ne touche que les entreprises dont le chiffre d'affaires est d'au plus 5 millions de dollars. Dans certains cas, cela toucherait certaines des personnes dont Gary a parlé dans ses remarques. Bon nombre des nouvelles petites entreprises trouvent que le fardeau fiscal qui leur est imposé à la suite des modifications touchant la déduction pour amortissement, la déductibilité et un certain nombre d'autres choses au cours des dernières années, fait en sorte qu'elles en arrivent très rapidement à la tranche d'imposition de 46 ou 50 p. 100.

Mais les gens vous diront, pourquoi pas; si elles font de l'argent, elles doivent payer leur juste part. Et elles le devraient, mais cela crée une situation où de très petites entreprises en expansion ne peuvent pas réinjecter suffisamment d'argent dans leurs activités pour grandir. Elles n'ont pas suffisamment d'avoirs propres sur leur bilan pour aller à la banque et emprunter davantage. Elles ne peuvent pas faire ce qui leur permettrait d'avancer.

Bon nombre des entreprises qui ont droit à la déduction pour amortissement, qui est d'environ 200 000 $ actuellement, je crois, et qui bénéficieraient d'une augmentation de cette déduction, sont des entreprises qui sont en expansion. Ce sont celles qui emploient entre 30 et 40 employés. Elles pourraient en employer 60, 70 ou 80 dans les cinq ou six prochaines années si elles pouvaient avoir un peu plus d'argent à leur disposition. C'est là notre cheval de bataille.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais vous n'avez pas répondu à la question de Gerry.

M. Bill McMackin: Oh, zut, j'ai oublié ce que c'était. Quelle était votre question, Gerry?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bon nombre de vos homologues disent que l'on devrait accorder un allégement fiscal généralisé. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et M. Thomas d'Aquino l'ont demandé également ainsi que d'autres chambres de commerce.

Dans votre réponse, j'ai cru comprendre que vous auriez souhaité que l'allégement fiscal cible les gens à faible revenu...

M. Bill McMackin: La Chambre de commerce du Canada a dit que nous devrions refondre la Loi de l'impôt sur le revenu et réviser toute la structure. Idéalement, je serais d'accord, mais nous ne vivons pas dans un monde idéal, et je ne pense pas que vous estimiez pouvoir le faire. Si nous commençons à refondre la Loi de l'impôt sur le revenu, nous serons encore ici dans 15 ans pour en parler.

M. Gerry Ritz: Nous n'arrêtons pas de l'allonger.

M. Bill McMackin: Vous pouvez accorder les allégements qui sont le plus susceptibles d'aider ceux qui en ont le plus besoin et, dans le cadre d'une stratégie d'ensemble, d'autres secteurs qui demandent de l'aide, que ce soit les petites entreprises...

Mme Elsie Wayne: Nous pourrions remettre l'excédent de l'assurance-emploi ou en allouer une partie.

M. Bill McMackin: Y aura-t-il à nouveau un excédent de l'assurance-emploi?

Mme Elsie Wayne: D'accord.

M. Bill McMackin: Je pense que nous voulons le beurre et l'argent du beurre.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Les conservateurs vont peut-être changer d'avis et ne pas demander le remboursement total au milieu des affaires. Il y a peut-être encore de l'espoir, Elsie.

Mme Elsie Wayne: Peut-être 60 p. 100.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Vokey.

M. Myrle Vokey: J'hésite à répondre à votre question, monsieur, car je ne suis pas un spécialiste des finances. Mais j'aimerais vous faire part de quelques réflexions.

J'ai grandi dans un milieu rural, à Terre-Neuve, un milieu qui n'est probablement pas très différent ailleurs au Canada, et où les hommes et les femmes auraient préféré se brûler la main que de recevoir de l'argent du gouvernement. C'était considéré comme une chose répugnante. C'était la honte. Il y a encore des Canadiens de ce genre à Terre-Neuve et ailleurs. Mais avec la décentralisation et la disparition des petits villages, et compte tenu du chômage actuel, j'ai bien peur que dans de nombreuses parties du Canada, Terre-Neuve y compris, la réaction a été d'abandonner et de prendre cet argent. Beaucoup de Canadiens n'aiment pas cela.

Nous avons parlé d'estime de soi, de l'idée que l'on a de soi et de fierté. Cela fait partie de l'éducation dont j'ai parlé il y a un moment. C'était la seule façon d'acquérir quelque chose. Je pense que la plupart des Terre-Neuviens et des Canadiens ne veulent pas vivre de prestations. Ils veulent être indépendants. Lorsque nous avons un système comme celui de Terre-Neuve, où les gens ne peuvent pas se permettre d'aller travailler parce qu'ils vont perdre de l'argent, quelque chose ne va pas. Lorsqu'ils peuvent vivre mieux assis sur leur derrière à regarder la télévision plutôt que d'aller travailler au salaire minimum parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de travailler, il y a certainement quelque chose qui ne va pas dans le système!

• 1515

Encore une fois, j'hésite à parler. Vous avez posé des questions tellement larges que je peux seulement voir une partie du tableau, mais je pense que cela fait partie de la solution que nous devons trouver.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ce que vous dites est très vrai, monsieur Vokey. Nous avons essayé de remédier à certaines de ces faiblesses, mais nous avons peut-être échoué dans d'autres secteurs. Je pense que nous devons maintenant revenir à un juste milieu.

Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Pour faire suite à ce que vous avez dit et pour revenir à la pauvreté, le gouvernement a en fait repris ce dossier. En modifiant le statut des organismes de charité, il a retiré cette responsabilité à l'entreprise privée. Il y a un très grand nombre d'organismes de charité, de groupes communautaires, de clubs de services et autres qui feraient ou pourraient faire davantage.

Nous avons parlé des enfants qui ont des boissons gazeuses et des chips pour déjeuner à l'école. Doit-on accorder un plus grand rôle aux anciennes associations parents-enseignants que nous avions il y a des années, mais qui ont été complètement abandonnées? Devrions-nous réinstaurer ce genre de groupe communautaire. Devons-nous examiner ce problème, collectivité par collectivité, plutôt que d'essayer d'agir au niveau national?

M. Myrle Vokey: Dans notre province, nous avons établi un nouveau plan stratégique dont certains d'entre vous ont peut-être entendu parler. Cela s'appelle «People: Partners Equals Prosperity» ou quelque chose du genre. C'est un document qui voit très loin et qui, selon nous, sera utile. Nous allons diviser notre province en zones et nous allons établir une capacité communautaire et trouver des solutions aux problèmes au niveau régional. Je crois que cela présente un grand potentiel.

Il y a quelques semaines, un des intervenants a dit quelque chose qui m'a fait sursauter. Il a dit que l'une des erreurs que nous commettions dans nos collectivités canadiennes, c'était de placer les personnes âgées dans de petits établissements à leur intention, de fermer les portes et de détourner la tête. Nous les laissons pour compte en nous assurant seulement qu'ils ont de l'eau, de la nourriture et un logement. Il a dit que ces gens là peuvent nous apprendre des choses extraordinaires, qu'ils sont précieux. Ils ont quelque chose à contribuer.

Cela n'est évidemment pas la réponse, mais je parle ici de l'établissement de capacités communautaires, où l'on réunit toutes les ressources. Cela comprend les enseignants, les professionnels de la santé, les industriels, les commerçants et les personnes âgées. Je pense que tous ces intervenants contribueront à changer les attitudes et à donner aux gens une meilleure idée d'eux-mêmes.

M. Gerry Ritz: Ils font tous partie du puzzle.

M. Myrle Vokey: Oui, ils font tous partie du puzzle.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Quelqu'un d'autre? Monsieur Ritz?

M. Gerry Ritz: Non je crois avoir fini.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Knight, vous avez recommandé notamment que le gouvernement soit plus vigilant dans son utilisation des REEE ou devrait aider les gens et les investisseurs à placer leur argent dans ces régimes. En y prêtant attention pour la première fois de ma vie—j'ai un enfant de 12 ans, je dois donc décider avant qu'il ait 13 ans—je me suis rendu compte que si l'on regroupe les ressources, on obtient un bénéfice plus élevé. Il est évident que les investisseurs peuvent réunir toutes les ressources et les placer en une seule fois, plutôt que de ne pas les regrouper. Vous avez exprimé vos préoccupations là-dessus. Quelles sont-elles?

M. Anthony Knight: D'après les recherches préliminaires que nous avons effectuées, nous pensons qu'il faut surveiller davantage les mesures prises par les institutions financières à l'égard des REEE. Nous avons découvert que, comme vous venez de le dire, les régimes en commun sont plus avantageux. Le regroupement de vos ressources avec d'autres accroît les avantages, mais vous perdez votre revenu si votre enfant décide de ne pas poursuivre des études postsecondaires dans un établissement reconnu ou simplement d'aller travailler.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bon, et il ne devrait pas y avoir de pénalité. Si vous vous retirez du groupe, vous n'obtenez pas d'avantage. Je comprends. Merci.

J'aimerais revenir à l'équilibre de la dette. Je pense que la plupart des Canadiens ont écouté le ministre des Finances, le 14 octobre, mais j'aimerais le citer:

    Si nous supposons une croissance nominale du PIB à un taux de 4 p. 100 par an et que nous continuons d'avoir des budgets équilibrés, d'ici l'an 2002-2003, le ratio de la dette par rapport au PIB tombera en dessous de 55 p. 100.

Autrement dit, il n'y aurait plus de compressions. Nous laisserions la croissance faire son travail. Cela revient à dire que nous pouvons réduire le déficit par la croissance. Si nous supposons une croissance économique nominale de 3,5 p. 100, le ratio de la dette par rapport au PIB sera d'environ 57 p. 100 d'ici 2002-2003. Cela n'est-il pas suffisant pour le milieu des affaires? Jusqu'où devons-nous aller? Et quel équilibre pouvons-nous atteindre?

• 1520

Et n'oubliez pas qu'année après année, nous avons budgétisé une réserve pour imprévus de 3 milliards de dollars qui a été directement affectée à la réduction de la dette. Cette année, nous l'avons réduite d'environ 9 milliards de dollars. Si nous continuons à budgétiser cette réserve comme nous l'avons fait, nous pourrions la réduire encore de 3,5 p. 100. Il me semble que nous pourrions bien être à la croisée des chemins, comme je l'ai dit. Nous pourrions utiliser la croissance pour réduire naturellement notre ratio d'endettement par rapport au PIB tout en étant des administrateurs prudents.

Depuis cinq ans, on utilise des expressions comme «élimination du déficit». Je ne voudrais pas que cela devienne «élimination de la dette», car je pense que ce qu'il nous faut, c'est gérer la dette. Ces niveaux et ce processus ne sont-ils pas suffisants pour le milieu des affaires?

Monsieur McMackin.

M. Bill McMackin: Je ne suis pas un partisan de l'élimination de la dette. Aucun d'entre nous n'irait probablement emprunter de l'argent ni acheter une maison si nous souscrivions à cette théorie et nous ne pourrions pas nous permettre d'en acheter une avant de ne plus en avoir besoin. C'est une approche erronée.

J'ai entendu les prévisions de M. Martin jusqu'en 2003 et je pense que l'une des difficultés que cela me pose est que ce chiffre de 4 p. 100 du PIB est audacieux. C'est beaucoup plus audacieux que ce qu'il a proposé dans les budgets antérieurs. Il a été plutôt prudent en ce qui concerne les chiffres utilisés dans les budgets des dernières années. Je pense que le chiffre de 4 p. 100 est plus élevé, si je me souviens bien.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais je vous ai donné les chiffres. Même avec une croissance de 3,5 p. 100, nous tomberions à 57 p. 100.

M. Bill McMackin: Oui, mais il n'a pas parlé de 3,5 p. 100 non plus.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je ne voudrais pas entrer dans le détail, mais...

M. Bill McMackin: Non, personne n'y tient, n'est-ce pas?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous ne pouvons pas faire de prévisions. C'est ce que vous avez dit dans votre présentation liminaire. Ce que l'on a dit en juillet est totalement différent de ce que l'on dit maintenant. Je suis sûr que le rapport que nous préparerons en décembre n'entrera pas dans le cadre des conditions qui définiront le budget de février. Mais il y a des gens qui pensent que nous pourrions gérer la dette elle-même par la croissance économique de sorte que nous pourrions peut-être maintenant nous tourner vers d'autres priorités.

M. Bill McMackin: Mais vous ne pouvez pas contrôler la croissance économique. C'est comme si je vous disais que je vais simplement dépenser comme bon me semble dans l'espoir que l'inflation maintiendra mon revenu. Nous n'avons aucun contrôle sur des choses de ce genre. Il nous faut faire preuve de discipline à l'égard de ce que nous pouvons maîtriser—les dépenses et ce que nous faisons avec l'argent que nous dépensons.

Le gouvernement a perdu une bonne partie de sa maîtrise sur sa capacité fiscale car nous sommes imposés au niveau maximum que la plupart d'entre nous pouvons supporter. Je pense que la méthode prudente qui a été avancée n'est pas déraisonnable. Avec des prévisions financières normales, dans un environnement plus normal—nous n'avons rien eu de très normal au cours des dernières années sur le plan financier—avec des prévisions plus prudentes de croissance économique pour les quatre ou cinq prochaines années, nous pourrions avoir des excédents à dépenser autrement que pour la réduction de la dette.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Donc vous maintenez le statu quo.

M. Bill McMackin: Certainement.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il faut garder le cap.

Très bien, j'aimerais maintenant revenir à l'autre question que M. Ritz a soulevée—et je pense que M. Murphy y a fait allusion également.

Vous êtes tous des gens d'affaires et vous semblez comprendre les chiffres. À propos des 6 milliards de dollars d'excédent de l'assurance-emploi, vous avez formulé des recommandations différentes. J'aimerais avoir des éclaircissements. Certains disent qu'il faudrait le remettre aux petites entreprises, que ce soit selon un ratio de 60 à 40 p. 100 ou par le biais de programmes de recyclage, par exemple. D'autres ont parlé de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers.

En tant que petits entrepreneurs, vous comprenez d'abord que si je rends les 6 milliards de dollars à leur propriétaire légitime—pour citer l'opposition—j'ai automatiquement 6 milliards de dollars de recettes en moins. Il y a donc deux résultats. Soit je réduis les dépenses à nouveau de 6 milliards de dollars pour équilibrer les budgets, soit j'augmente les impôts pour compenser ce manque à gagner. C'est seulement alors que je peux investir dans les autres initiatives importantes dont vous avez parlé, comme la réduction des impôts ou l'investissement dans les soins de santé. Quelle est donc votre priorité?

• 1525

M. Gary Smith: Je suppose que l'excédent du fonds d'assurance-emploi est ce que l'on appelle du bien mal acquis. Ce sont des fonds qui proviennent d'une augmentation des primes, ce qui n'était probablement pas approprié pour commencer.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous avons réduit les primes depuis 1993-1994, successivement de 10 cents par an.

M. Gary Smith: Le fait est que vous avez amassé un excédent. Est-il utilisé comme il le devrait? C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous allons revenir à ce que nous préconisons et vous devrez effectivement trouver ces 6 milliards de dollars ailleurs. Je pense que le gouvernement adopte une position injuste pour ce qui est du financement de l'assurance-emploi. Par conséquent, l'argent devrait retourner aux employeurs. Si vous voulez trouver un autre moyen original d'obtenir ces 6 milliards de dollars, je pense que vous allez le faire, qu'il s'agisse d'augmenter les impôts ou autre. Mais ce n'est pas ainsi que nous le ferions.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vos priorités changent-elles dans ce cas? Vous nous dites de rendre ces 6 milliards de dollars, 60 p. 100 aux employeurs et 40 p. 100 aux cotisants—autrement dit, les Canadiens qui travaillent. Que faisons-nous alors de la réduction de la dette? Vos priorités changent-elles?

M. Gary Smith: Si vous avez votre excédent...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous n'avons pas d'excédent. On a un manque à gagner de 6 milliards de dollars à compenser pour commencer. Mais vous proposez une forme d'augmentation.

M. Gary Smith: Ce n'est pas ce que nous préconisons. Nous disons simplement que l'utilisation du fonds d'assurance-emploi n'est pas la bonne.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Eh bien, laissez-moi utiliser votre analogie de l'entreprise. Disons que vous avez produit des recettes de 1 million de dollars et que 60 000 $ de ce million viennent d'une autre ligne de produits. Vous aviez d'abord affecté ces 60 000 $ à un projet spécial. Mais maintenant, vous vous rendez compte que vous devez réaffecter ces 60 000 $ à quelque chose d'autre. Est-ce que vous me suivez? Ce n'est pas aussi facile que de dire... Je n'ai peut-être pas utilisé le bon exemple. Ce n'est pas aussi simple que de dire que vous allez avoir un manque à gagner de 60 000 $, si vous prenez cette somme et si vous la réserver à ce que vous voulez.

M. Gary Smith: Monsieur le président, ce que nous essayons de dire—et je parle encore d'un point de vue personnel—c'est que l'on ne peut pas demander au milieu des affaires de remédier aux erreurs commises par le gouvernement dans sa façon de dépenser ses recettes générales. Il y a bien d'autres façons, comme celles dont il a été question aujourd'hui. On a alloué 7 milliards de dollars au ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord et, sur cette somme, nous ne savons pas où sont passés 3 milliards de dollars ni comment cet argent a été utilisé. Allez voir là et laissez les petites entreprises tranquilles.

Mme Elsie Wayne: Si vous rendez cet argent aux petites entreprises, elles le prendront et chercheront à élargir leurs activités lorsqu'elles auront un peu plus d'argent en banque. Elles créeront des emplois pour des gens qui paieront des impôts. En fin de compte, vous récupérerez davantage d'argent par le biais des impôts grâce à elles. Vous dites au secteur privé qu'il devrait créer des emplois de toute façon.

Laissez-moi vous dire que Paul Martin nous a déclaré, il y a à peine un mois, que nous nous dirigions vers une récession. Or, personne n'a rien fait. Je vous le dis, nous sommes déjà en récession. Il y a des enfants qui ont faim en ce moment même. Nous avons intérêt à réagir immédiatement, car nous ne voulons plus que des enfants meurent de faim. Non, vraiment pas, pas au Canada.

Laissez-moi vous dire que la seule façon de redresser la situation dans ce pays est de réduire ces primes et de rendre l'argent aux entreprises. Elles ont besoin d'avoir de l'argent en poche, sinon elles ne créeront pas d'emplois pour les chômeurs qui en ont besoin. C'est la seule façon dont elles pourront y arriver. Pour elles, c'est une réduction d'impôt. Si vous réduisez ces primes et que vous leur mettez plus d'argent dans les poches, ce sera l'équivalent d'une réduction fiscale.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pour une petite entreprise moyenne de 67 employés, que signifiera par employé une réduction des primes de l'employeur de 70c.? Avez-vous fait le calcul? Cela représente environ 200 $ par employé. Êtes-vous en train de me dire qu'il vaut bien mieux investir 1 400 $ dans la petite entreprise que d'attaquer le déficit et la dette, et garder de faibles taux d'intérêt afin que votre marge de crédit de 70 000 $, 80 000 $ ou 90 000 $ ne vous coûte que 6 ou 7 p. 100, plutôt que 8 ou 9 p. 100? Qu'est-ce qui est le plus rentable pour le monde des affaires?

M. Bill McMackin: J'ai gardé le silence parce que je...

C'est une question difficile car nous avons traité les primes d'assurance-emploi comme s'il s'agissait de recettes générales, tout comme nous avions l'habitude de traiter le RPC comme des recettes générales. Il n'y a pas de solution rapide et immédiate que l'on puisse mettre en oeuvre dans l'année qui vient.

Si l'on obtient un consensus dans le pays pour convertir plutôt l'assurance-emploi en un programme autonome dont les recettes peuvent entrer et sortir, il faudra élaborer un plan pour ce faire au cours des prochaines années. Le gouvernement devra également apprendre à trouver d'autres sources de revenus ou d'autres façons de réduire ses dépenses à cet égard. Il n'y a pas de solution rapide. Nous devons décider si c'est bien ce que nous voulons, et je crois que cela est plus pratique.

• 1530

Nos gouvernements fédéraux ont toujours eu peur des taxes liées. Nous avons payé des taxes exorbitantes sur notre essence cette année et Dieu sait que seulement une infime partie de ces taxes sera probablement consacrée à nos routes. Pendant des années, nous avons versé des cotisations au Régime de pensions du Canada, sans savoir réellement si nos paiements couvraient les coûts. La même chose se produit aujourd'hui avec l'assurance-emploi.

Je crois que si nous voulons que le gouvernement fédéral adopte une approche plus équilibrée, plus prudente dans sa gestion des fonds, il nous faudra notamment nous concentrer sur l'assurance-emploi et décider qu'au cours des cinq à dix prochaines années, ou quel que soit le nombre d'années que cela prendra—il suffira peut-être de deux ou trois années—nous en ferons un programme autosuffisant. Il faudra décider du montant d'excédent qui nous semble réaliste et commencer à nous engager dans cette direction. Je serais d'accord pour que d'autres taxes soient ainsi directement liées. Si nous pouvions établir une relation directe entre les maudites taxes sur l'essence et les routes, je serais également plus heureux. Cela vous obligerait à être un peu plus ouverts en faisant effectivement correspondre les recettes générées et les fins auxquelles elles sont censées être destinées.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je suis d'accord, et je pense également que le fonds d'assurance-emploi a servi à trop de choses au fil des années. On s'en est servi pour les programmes de développement régional, pour les prestations de maternité, pour les avantages sociaux, pour l'invalidité. Il faudrait tenir compte de tous ces éléments avant de décider comment redistribuer l'assurance-emploi.

M. Bill McMackin: Je comprends, mais si j'ai eu beaucoup de mal à répondre à cette question, c'est parce que je ne crois pas avoir entendu beaucoup de petits entrepreneurs, au cours des dernières années, demander une augmentation des primes. C'est l'inverse qui s'est produit.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Elles ont progressivement baissé.

M. Bill McMackin: Je veux dire au cours des années où le régime dépensait davantage qu'il n'encaissait, si cela s'est produit.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais durant les dix années où il a été déficitaire, nous n'avons pas demandé au milieu des affaires ni aux Canadiens de compenser ces manques à gagner par la suite.

M. Bill McMackin: C'est bien ce que je dis. Ce n'est pas ce que nous avons demandé.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il est 16 h 30. Nous avons d'autres témoins et Mme Wayne doit partir à 17 heures. Je vais donc demander à M. Ritz et à Mme Wayne de poser rapidement leurs questions, et ensuite je vous demanderai de conclure.

M. Gerry Ritz: Il y a un certain nombre de points que j'aimerais soulever.

Vous dites que le régime a été déficitaire pendant quelques années. Je pense que cela est dû au fait que le régime a été exploité pour toutes les autres prestations dont vous avez parlé et qui ont réellement provoqué sa faillite.

Il ne fait pas de doute qu'il est dans l'intérêt des entreprises d'avoir une main d'oeuvre bien formée. Personne ne le nie. Mais cela se traduit également par de meilleurs salaires. Lorsque j'engageais des menuisiers ou autre, je devais payer davantage s'ils étaient compagnons que pour un travailleur sans formation. On finit donc par payer pour cette formation autrement qu'en payant la formation elle-même.

Lorsque le fonds d'assurance-emploi affiche un excédent de 6 ou 7 milliards de dollars et que l'on parle d'en prendre 3 pour le remboursement de la dette, on peut dire que ce sont les travailleurs et les entreprises qui remboursent la dette. Vous avez également parlé d'un fonds de prévoyance de 3 milliards de dollars qui servirait à payer la dette. Si vous avez déjà un fonds de prévoyance de 3 milliards de dollars, et que vous parlez d'un excédent de 6 ou 7 milliards, où vont les autres 6 ou 7 milliards, ou bien où sont-ils passés?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous me posez la question?

M. Gerry Ritz: Et bien, je la pose à qui veut y répondre. Y a-t-il quelqu'un qui...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Si c'est à moi que vous vous adressez, je vous répondrai simplement en vous disant que les recettes du régime d'assurance-emploi ont été versées au Trésor, comme toutes les recettes, conformément aux exigences du vérificateur général du Canada de 1986. Il est censé défendre les intérêts des Canadiens. Cet argent fait donc partie des recettes générales.

M. Gerry Ritz: Mais il a également recommandé en 1998 que cet argent soit retiré des recettes générales.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est ce dont nous sommes en train de discuter.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Elsie, voulez-vous poser une dernière question?

Mme Elsie Wayne: Les intervenants m'ont répondu, mais j'aimerais les remercier.

Je dois dire que les problèmes que vous avez soulevés, monsieur Volkey, m'inquiètent beaucoup; la façon dont nous allons nous y prendre pour les résoudre également. Et connaissant les gens ici présents, je suis sûre que cela les préoccupe également. J'ai pris bonne note du fait que, selon vous, il faut une participation de l'ensemble du pays, et l'idée d'une agence nationale de l'éducation m'intéresse beaucoup.

En ce qui a trait à l'éducation et à l'alphabétisation et autres sujets semblables, les témoins ont fait un excellent travail aujourd'hui. Je les remercie beaucoup.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Certains d'entre vous veulent-ils conclure par quelques remarques? Je vais vous en donner l'occasion, mais j'aimerais également reprendre les propos d'Elsie.

Monsieur Murphy.

M. Michael Murphy: J'aimerais simplement mentionner en guise de conclusion, au nom du comité, qu'il y a peut-être un juste équilibre à trouver dans le contrôle de la dette et du déficit. Peut-être ne savons-nous pas très bien ce qu'il devrait être, mais s'il y a de l'argent qui peut servir à aider les Canadiens, allons-y.

• 1535

J'estime, à tous les niveaux, que si les bénéfices peuvent être remis aux entreprises et aux particuliers du Canada, ceux-ci sauront les utiliser à bon escient, et cela devrait permettre de créer davantage d'emplois, comme l'a dit M. Volkey, pour des gens qui ont leur fierté. Je crois que tout le monde serait d'accord à 100 p. 100 avec ce qui a été dit. En revanche, ne rien faire est dangereux, et nous préférerions l'éviter.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci pour vos commentaires. J'entends bien ce que vous dites, mais je crois également que les Canadiens ont donné un mandat clair au gouvernement en ce qui a trait à la dette et que nous avons été élus sur la proposition d'un programme qui prévoit que 50 p. 100 de tout excédent serait appliqué à la réduction de la dette et à l'allégement fiscal, et que les 50 p. 100 restants seraient investis dans des programmes sociaux. C'est à cet équilibre que je veux souscrire en qualité de député libéral au Parlement. Le fait que le milieu des affaires ne cesse à présent de nous rebattre les oreilles à propos de la dette me laisse songeur. Là aussi, je m'efforce de faire la part des choses.

Merci de nous avoir fait part de vos opinions. Elles nous sont très précieuses. Ainsi que le disait Bill dans ses propos préliminaires, peut-être devrions-nous recueillir plus souvent l'avis des Canadiens dans toutes les régions. Cela me plairait beaucoup. C'est ce que je fais dans ma propre circonscription. Mais dans la mesure où des audiences comme celle-ci coûtent les yeux de la tête, nous les limitons à une fois par an, à une période très importante, c'est-à-dire au moment de la préparation du budget. Le rapport devrait refléter vos souhaits et commentaires.

La décision finale relève du gouvernement, et du ministre des finances en particulier, mais si l'on se fie à l'expérience du passé, 60 p. 100 des recommandations avancées par notre comité sont mises en oeuvre tôt ou tard. On dira ce qu'on voudra, mais c'est une assez bonne moyenne au bâton.

Merci beaucoup de la part des membres du comité.

J'aimerais à présent interrompre cette réunion durant quelques minutes, le temps de la convertir en réunion sur les audiences du groupe de travail qui examine les institutions financières. Merci beaucoup.

• 1537




• 1542

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bonjour. Conformément à son mandat issu du paragraphe du Règlement 108(2), le comité reprend maintenant son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers du Canada, plus connu sous le nom de Groupe de travail MacKay.

Nous accueillons parmi nous, cet après-midi, Mme Paulette Holder, présidente de l'Association des courtiers d'assurance du Nouveau-Brunswick;

[Français]

René Bourque, président élu; et

[Traduction]

Linda Dawe, directrice exécutive. Nous avons également M. Ray White, directeur de la Maritime Association of Mutual Insurance Companies.

Nous allons suivre le même format que pour les audiences prébudgétaires: vous avez dix minutes environ pour faire votre présentation, et les députés pourront ensuite vous poser des questions. Je vais prendre ma liste par ordre alphabétique, encore une fois. Bienvenue à tous et toutes.

Monsieur White, je vous en prie.

M. Ray W. White (directeur, Maritime Association of Mutual Insurance Companies): Merci, monsieur le président.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de me présenter devant votre comité pour discuter du rapport du Groupe de travail MacKay. Mes observations porteront essentiellement sur la recommandation du groupe de travail selon laquelle les banques devraient être autorisées à vendre des contrats d'assurance dans leurs succursales et à utiliser les dossiers des clients pour ce commerce.

Je sais que le rapport contient quelque 124 recommandations, dont beaucoup méritent d'être prises en considération. Par contre, sa proposition d'étendre les activités des banques au marché des assurances porterait sérieusement préjudice à l'industrie des assurances multi-risques et aux consommateurs qu'elle dessert. C'est ce qui nous a poussés à nous présenter devant vous aujourd'hui.

Permettez-moi de vous dire quelques mots sur les sociétés mutuelles d'assurance que je représente. La Maritime Association of Mutual Insurance Companies, ou MAMIC, représente les neuf sociétés mutuelles d'assurances des Maritimes. Toutes ces compagnies existent depuis plus de 60 ans, certaines même depuis une centaine d'années. Le réseau des sociétés mutuelles d'assurance dessert plus de 45 000 titulaires de polices. Nous sommes autorisés à vendre des assurances multi-risques dans l'ensemble des Maritimes, et desservons surtout les régions rurales.

Comme vous le voyez, je ne suis pas ici au nom d'une des cinq grandes banques, qui bientôt ne seront peut-être plus que trois. Je ne suis pas ici au nom d'une énorme institution financière qui possède des milliards de dollars d'actifs. Au contraire, je suis le porte-parole d'un groupe de compagnies d'assurance des biens et accidents implantées dans la collectivité et qui représentent la base de cette branche d'assurance au Canada, la base du réseau de distribution.

• 1545

Il existe de grosses compagnies d'assurance des biens et des accidents au Canada, mais celles-ci ne dominent aucunement le marché. En fait, ces 230 compagnies se font concurrence pour environ 1 p. 100 des primes. Bon nombre d'entre elles sont de petites sociétés comme nous-mêmes, qui desservent une région ou un créneau spécifique du marché et elles réussissent bien car elles connaissent bien leur clientèle.

Notre industrie se targue de bien desservir ses clients. Les sondages ont révélé, les uns après le autres, que nos clients sont très satisfaits des services offerts par notre industrie. Pour ne vous donner qu'un exemple, l'Institut national de la qualité a demandé aux gens de classer la qualité générale du service donné par 21 industries qui faisaient l'objet du sondage. Les assureurs automobiles ont été classés parmi les trois premières industries. Et, cela vous surprendra ou non, monsieur le président, mais sachez que les banques figuraient parmi les trois dernières.

Cela explique bien, peut-être mieux que quoi que ce soit d'autre, pourquoi les banques veulent entrer dans le marché des assurances des biens et accidents. Elles ne veulent pas pénétrer notre marché pour faire de l'argent avec les contrats d'assurances en eux-mêmes; ce qu'elles veulent en réalité, c'est avoir une relation plus proche, plus captive avec leurs clients, du moins ceux qui ont les moyens. Elles savent que tout le monde a besoin d'assurance automobile et que quiconque a une hypothèque a besoin d'une assurance pour sa maison. Quel meilleur moyen pour fidéliser la clientèle que de lui vendre des assurances pour ses voitures et ses maisons dans leurs succursales, et quelle meilleure façon de les vendre qu'au moment où un emprunteur se montre docile, parce qu'il espère que son prêt sera approuvé.

Voilà pourquoi les banques se sont battu aussi fort pour faire étendre leurs activités dans le secteur des assurances. Je dis étendre, car bien des gens oublient que les banques sont déjà présentes sur ce marché. Elles ont le droit d'avoir leurs propres compagnies d'assurance depuis 1922. De fait, la plupart des grandes banques ont créé leurs propres filiales d'assurance des biens et accidents à ce moment-là. C'est un fait que le Groupe de travail MacKay semble avoir oublié dans son analyse. J'ai été plutôt surpris d'apprendre que dans le sondage réalisé à ce sujet, le groupe de travail n'avait pas informé les gens du fait que les banques vendent déjà de l'assurance.

Lorsque vous demandez à quelqu'un si les banques devraient être autorisées à vendre des assurances, cela signifie-t-il qu'elles devraient pouvoir vendre des contrats d'assurance dans leurs succursales, ou simplement qu'elles devraient pouvoir vendre des assurances par le biais de leurs propres compagnies, comme elles sont déjà autorisées à le faire? De toute manière, la question était ambiguë. Ce qui n'est pas ambigu, en revanche, c'est le sondage réalisé récemment par une firme de sondage très connue, Pollara, qui révèle que 75 p. 100 des gens sont opposés à ce que les banques puissent vendre des assurances dans leurs propres succursales si cela doit entraîner une perte d'emplois dans l'industrie des assurances. Ici, dans le Canada atlantique, la proportion des gens opposés est allée jusqu'à 85 p. 100.

Ces résultats reflètent un problème plus large. Le débat qui porte sur la capacité des banques à vendre de l'assurance dans leurs succursales dure depuis plus d'une dizaine d'années. Pendant tout ce temps, je n'ai jamais entendu de groupes de consommateurs réclamer un élargissement des pouvoirs des banques dans le domaine des assurances. En fait, comme nous, les groupes de consommateurs s'inquiètent généralement de ce que ces changements signifieront pour le Canadien ordinaire. Je n'ai jamais entendu de petites villes ou collectivités, dont beaucoup ont souffert de la fermeture de succursales bancaires, préconiser que les banques vendent des assurances. Je n'ai entendu qu'une seule voix puissante s'efforcer sans cesse de ramener cette question à l'ordre du jour. Je dis sans cesse car cette question a déjà été examinée par le Parlement en 1992 et en 1997. Chaque fois, les députés de tous les partis de la Chambre des communes ont voté en faveur du maintien des règles en vigueur qui stipulent que si les banques veulent faire partie du marché des assurances, elles doivent suivre les mêmes règles que tous les autres assureurs.

La raison pour laquelle les banques n'ont pas été autorisées à vendre leurs produits d'assurance dans leurs succursales et à exploiter leurs listes de clients est très simple. Les banques n'ont jamais réussi à présenter leur cause de façon convaincante dans quatre domaines: la menace d'une forte domination des banques dans le secteur des services financiers, l'incidence des ventes liées, l'utilisation abusive des renseignements personnels et les pertes d'emplois.

Voulons-nous que les grandes banques dominent le seul créneau du secteur des services financiers qu'elles ne contrôlent pas déjà? Je ne devrais pas avoir à vous rappeler qu'il ne reste qu'une grande société de fiducie indépendante au Canada et un seul courtier en valeurs mobilières national qui n'appartienne pas à une banque. Nous, les neuf petites sociétés, réussissons à soutenir la concurrence de 230 grandes compagnies depuis 60 ans, et l'arrivée de nouvelles compagnies d'assurance concurrentes ne nous inquiète pas, tant qu'elles agissent de la même façon que les autres assureurs, sans l'avantage de données confidentielles sur les clients ou la possibilité de les forcer. Or c'est exactement ce qui s'est passé chaque fois que l'on a donné aux banques un accès illimité à d'autres segments de l'industrie financière.

• 1550

Pourquoi donner aux banques le contrôle d'une industrie comme l'assurance des biens et accidents, qui est hautement compétitive et dessert bien les consommateurs? Donnez aux banques ce qu'elles veulent, et elles finiront par contrôler non seulement l'industrie, mais la clientèle. Les banques possèdent des dossiers détaillés sur pratiquement tous les Canadiens adultes. Permettez-leur de vendre dans leurs succursales tout ce qui est possible et vous multiplierez de façon géométrique les occasions de ventes liées et d'utilisation abusive des renseignements personnels.

Je sais que le groupe de travail veut nous faire croire que l'on peut répondre à ces inquiétudes en créant des lois. Si seulement les choses étaient aussi simples. Les propres sondages du groupe de travail ont révélé que 16 p. 100 des gens interrogés avaient fait personnellement l'expérience d'une vente forcée d'un genre ou d'un autre. Or personne ne s'est jamais plaint auprès des autorités.

Il semble que l'on ait l'intention d'adopter une loi, que l'on soit en train d'adopter une loi pour protéger le consommateur contre les ventes forcées. Mais croyez-vous vraiment qu'une loi qui exige que la personne qui subit le préjudice dénonce une institution aussi puissante qu'un établissement de crédit protège le consommateur? Cette loi est créée dans le vide. Il est extrêmement improbable que les infractions soient signalées, en tous cas pas plus que cela ne s'est fait jusqu'à présent.

Quant à l'utilisation des renseignements personnels, nous croyons savoir également que l'on a l'intention de légiférer. Mais qui ira vérifier? Les banques elles-mêmes? Elles ont avancé que leur code de déontologie interdit ce genre d'abus. On peut en douter. Prévoir une auto-réglementation dans ce domaine reviendrait à donner au renard la responsabilité du poulailler.

M. MacKay, dans les propos préliminaires qu'il a prononcés lors de la présentation de son rapport, le 15 septembre a dit: «Si cela a l'air d'avoir du bon sens, c'est que cela en a. Nous pensons que c'est également bon pour les affaires». Mesdames et messieurs, ce qui a du bon sens et qui est bon pour les affaires, c'est de ne pas faire de changements aujourd'hui qui nécessiteront de nouvelles lois qu'il faudra faire respecter, mais de prendre plutôt des mesures pour protéger le consommateur en ne permettant pas que soit créée une situation où l'on pourrait avoir recours à des méthodes coercitives et à un usage abusif des renseignements personnels. Ne permettez pas aux banques de vendre des contrats d'assurance dans leurs succursales. Si elles veulent vraiment faire partie du secteur des assurances, permettez-leur de le faire dans les mêmes conditions que le reste de l'industrie.

Ceci m'amène à la question des emplois. Environ 100 000 Canadiens travaillent dans les branches biens et accidents de l'industrie des assurances dans l'ensemble du Canada, dont à peu près 6 500 ici, dans les provinces Atlantiques. Les agents et courtiers en assurance représentent plus de la moitié des emplois de notre industrie. On les trouve dans pratiquement toutes les collectivités du Canada et ils font partie de la vie des petites villes du pays. Y a-t-il quoi que ce soit dans les antécédents des institutions bancaires qui laisse croire que ces chiffres ne diminueront pas, que l'on ne perdra pas d'emplois? Ces institutions fourniront-elles le produit avec le même professionnalisme et le même soin que les compagnies actuelles? Les agents de banques voudront-ils ou auront-ils les moyens de s'occuper des exceptions à la règle en offrant des contrats d'assurances adaptés à des besoins particuliers? Nous ne le pensons pas.

Pour finir, les recommandations du groupe de travail MacKay ne nous renseignent pas sur le statut actuel des banques en ce qui a trait à la vente d'assurance. Les banques ont le droit de vendre des assurances par le biais d'une société distincte depuis 1992. Ce qu'elles n'ont pas obtenu, et à juste titre, c'est le droit illimité de les vendre dans leurs succursales ou de se servir des listes de clients des banques. Toute la question a été examinée en 1992, et à nouveau en 1997, et le rapport n'offre rien de neuf qui laisse à penser que les choses devraient changer à présent.

M. MacKay a dit, dans ses propos préliminaires, que «les Canadiens seront mieux desservis par un secteur ouvert et compétitif doté d'une plus large gamme de fournisseurs de services». Il a affirmé: «Nos recommandations permettront d'accroître la concurrence et les choix offerts aux Canadiens. Elles permettront de faire en sorte que le marché soit plus juste et plus équitable». Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes ouverts au changement et aux améliorations et apprécions la concurrence, mais nous affirmons, avec tout le respect qui vous est dû, que cela doit se faire dans un climat qui soit dans le meilleur intérêt des consommateurs canadiens et de façon équitable pour tous les intéressés.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur White.

J'aimerais à présent donner la parole à l'Association des courtiers d'assurance du Nouveau-Brunswick. Mme Holder fera la présentation. Soyez la bienvenue.

Mme Paulette Holder (présidente, Association des courtiers d'assurance du Nouveau-Brunswick): Merci.

Monsieur le président, membres du comité, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui pour vous faire part de nos réserves à propos du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers du Canada.

• 1555

L'Association des courtiers d'assurance du Nouveau-Brunswick représente les intérêts d'environ 130 courtiers indépendants et d'environ 1 000 employés de ce secteur au Nouveau-Brunswick.

Vous avez déjà reçu les témoignages de notre association nationale, l'Association des courtiers d'assurance du Canada, et d'un certain nombre de nos homologues des autres provinces. Nous partageons leurs points de vue et leurs préoccupations. Nous aimerions cependant approfondir certains des points soulevés par l'ACAC. Nous aimerions également présenter d'autres points qu'il faudra régler dans la mesure où ils ont trait à la politique préconisée par le groupe de travail MacKay.

Il y a lieu de reconnaître que les consommateurs canadiens ont le grand avantage d'avoir l'un des secteurs des assurances des biens et accidents les plus compétitifs au monde. Ce secteur est également le secteur le plus compétitif de l'industrie des services financiers du Canada, ce que First Marathon Securities n'a pas manqué de constater récemment, mais que le Groupe de travail MacKay, pour une raison ou une autre, n'a pas relevé. Tout au contraire, comme le Groupe de travail MacKay lui-même l'a fait remarquer, le secteur des services bancaires est le moins compétitif.

La vision que le Groupe de travail MacKay envisage pour le secteur des services financiers du Canada est une vision qui est déjà bien ancrée dans le secteur des assurances des biens et accidents. Si vous vous reportez aux pages 68 et 69 du rapport, vous verrez qu'on y fait ressortir les caractéristiques appréciées par les consommateurs et les traits structurels souhaitables pour le secteur des services financiers. Le secteur des assurances biens et accidents possède non seulement les six caractéristiques de base recherchées par les consommateurs, mais également les éléments compétitifs désirés. Notre secteur illustre à quel point l'existence d'une concurrence saine et juste de choix, d'innovations et de services de grande qualité sont bénéfiques pour les consommateurs et pour l'économie. Et pourtant le rapport ne reconnaît pas le très bon fonctionnement du secteur des assurances biens et accidents.

Pourquoi le secteur des assurances biens et accidents est-il si compétitif et comment les consommateurs de la province en profitent-ils? Pour commencer, le secteur est sûr, stable et fiable. La nature compétitive même de notre industrie est un avantage pour les consommateurs. Et puisque notre secteur est essentiellement axé sur le consommateur, les Canadiens ont à leur disposition une abondance de produits, de tarifs, de niveaux de services et d'assureurs. Les consommateurs le savent et se servent de cette force considérable pour obtenir de notre secteur qu'il réponde effectivement à leurs besoins. En même temps, nous refusons d'imposer le changement à nos clients. Nous n'avons recours à la technologie, par exemple, que dans la mesure où notre clientèle le veut bien.

Les consommateurs sont également avantagés par le code de conduite qui régit les activités des courtiers indépendants dans l'ensemble du pays. Les courtiers sont notamment tenus de suivre un cours rigoureux pour être autorisés à exercer par notre gouvernement provincial. Ces règles ne s'appliquent cependant pas toujours aux autres réseaux de distribution. La compétitivité de notre secteur est également le meilleur garant d'efficacité et d'innovation, surtout en ce qui concerne des activités uniques à notre économie, comme la pêche, l'industrie forestière et l'agriculture. Ces réalités ainsi que bien d'autres faits importants ont été totalement ignorés par le Groupe de travail MacKay. On ne peut s'empêcher de se demander pourquoi.

Pourquoi le Groupe de travail MacKay propose-t-il d'adapter de force, comme le disait George Cook, un modèle étranger inégal, qui n'a pas fait ses preuves, à notre secteur national des assurances des biens et accidents? Le groupe de travail propose un cadre de politiques qui réduira les choix et la concurrence. Et une fois que les choix et la concurrence auront diminué, les prix grimperont inévitablement. Comment cela peut-il être bon pour les consommateurs? Pourquoi perturber ce qui va bien dans notre secteur des services financiers pour permettre aux banques de renforcer encore leur contrôle? Franchement, la proposition MacKay est une solution à la recherche d'un problème.

En cherchant à résoudre les problèmes de concurrence dans le secteur des services financiers, le Groupe de travail est prêt à sacrifier le secteur le plus puissant du pays. Encore une fois, on se demande pourquoi. Nous disons qu'il faut faire attention. Nous sommes sur le point de sauter d'un avion sans parachute, en entraînant derrière nous les consommateurs et la petite entreprise.

Si les recommandations du groupe MacKay concernant la vente de l'assurance dans les banques sont acceptées, c'est le secteur de la petite entreprise qui souffrira le plus des suppressions et pertes d'emplois. Les emplois sont déjà menacés dans notre province par le projet de fusion des banques. Comme vous le savez, les courtiers en assurance indépendants sont parties intégrantes du bien-être socio-économique de nos collectivités respectives. Si vous accordez cet avantage compétitif déloyal, bon nombre de ces petites entreprises cesseront d'exister. Des emplois disparaîtront.

Mais surtout, les consommateurs de notre province en souffriront. A part l'augmentation de la rentabilité des banques, nous ne voyons pas comment le fait de forcer les petites entreprises de notre province à fermer leurs portes contribuera à améliorer le classement des banques. Nous ne comprenons pas comment la perte de centaines d'emplois au Nouveau-Brunswick sera à l'avantage de qui que ce soit, à part les banques. Ne permettez pas que l'accroissement de la taille et de la puissance des banques se fasse aux dépens du Nouveau-Brunswick. Ne permettez pas que les petites entreprises de notre province souffrent parce que les banques estiment qu'elles doivent s'approprier le secteur des assurances des biens et accidents pour améliorer leur compétitivité sur le plan international. Ne permettez pas l'émergence d'un cadre stratégique injuste qui réduira considérablement les emplois et les avantages régionaux. Cela est d'autant plus important que l'économie de notre pays est incertaine.

• 1600

Les consommateurs du Nouveau-Brunswick ne veulent pas de banques plus grandes, plus puissantes. Les consommateurs du Nouveau-Brunswick ne veulent pas moins de concurrence. Les consommateurs du Nouveau-Brunswick ne veulent pas voir disparaître des emplois. Les consommateurs du Nouveau-Brunswick sont bien desservis actuellement et ne demandent pas que l'on donne aux banques davantage de privilèges particuliers.

D'un côté, le Groupe de travail fait preuve d'un profond manque de compréhension à l'égard du secteur des assurances des biens et accidents. Et d'autre part, il favorise très fortement le secteur bancaire, sans justifier de façon satisfaisante en quoi cela profitera aux consommateurs, aux services financiers en général et à l'économie.

La concurrence ne manque pas dans le secteur des assurances des biens et accidents. Par contre, il y a un manque flagrant de compétitivité dans le secteur bancaire. Nous aimerions que la compétitivité qui caractérise le secteur des assurances des biens et accidents se retrouve également dans notre secteur bancaire. C'est sur cet objectif qu'il faudrait faire porter les efforts de la politique fédérale en ce moment. Voilà le réel défi.

Nous prions instamment les membres de votre comité et du gouvernement fédéral de prendre le temps de réfléchir et de prendre ce point en considération avant d'adopter les mesures du rapport MacKay. Rien ne presse. De fait, nos plus gros concurrents sur la scène mondiale, les banques américaines, félicitent le Canada d'avoir bien des années-lumière d'avance par rapport à tous les autres. Ne prenons pas de décisions hâtives, car une fois que nous les aurons prises, il n'y aura plus moyen de revenir en arrière. C'est là où réside le danger.

Qui plus est, le rapport préconise des changements radicaux qui modifieront le rôle fondamental de nos banques dans la société canadienne. Nous ne pensons pas que les Canadiens soient conscients des changements qui sont en train de se produire. Nous nous demandons si les Canadiens sont prêts à accepter des changements aussi importants sans qu'il n'y ait eu de débats valables. Collectivement, nous devons aller au-delà de la question des fusions et des pouvoirs des banques. Il y a une question plus fondamentale que nous devons résoudre. Nous devons nous demander comment le rapport MacKay changera les Canadiens et le Canada. Nous devons le faire maintenant. Ce devrait être la première étape du processus de réforme. Nous espérons que vous êtes d'accord.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Monsieur Holder.

Quelqu'un a-t-il quelque chose à rajouter? Vous pourrez le faire également en répondant aux questions que nous allons demander à Mme Wayne de poser, car elle doit partir dans 14 minutes.

Mme Elsie Wayne: Oui, c'est exact.

Que se passera-t-il pour les courtiers si l'on donne aux banques ce qu'elles veulent? Pensez-vous que les banques pourront créer des emplois si on les autorise à vendre des assurances?

M. René Bourque (président élu, Association des courtiers d'assurance du Nouveau-Brunswick): Je vais essayer de répondre à votre question.

Il ne fait aucun doute que les banques emploieront un certain nombre de personnes, mais si elles n'offrent pas les mêmes services que les courtiers, le nombre d'emplois sera limité. Selon une étude réalisée par l'Association des courtiers d'assurance, nous perdrions environ 25 000 emplois dans tout le Canada. Ce qui nous inquiète le plus, c'est que bon nombre de nos courtiers exercent leurs activités dans les petites collectivités où ils sont deux ou trois et où les succursales ne participeront pas. Nous supposons qu'elles se trouveront plutôt dans les grands centres.

Mme Elsie Wayne: Êtes-vous contre la fusion des banques ou êtes vous simplement contre ce que le rapport propose pour les assurances et les locations de voitures? Pourquoi les banques ne devraient-elles pas vendre des assurances si l'on met en place des mesures de protection du consommateur adéquates?

M. René Bourque: Nous avons surtout étudié les passages du rapport qui concernent l'assurance. Nous n'avons pas vraiment d'opinion sur la fusion des banques.

Quelle était votre deuxième question?

Mme Elsie Wayne: Pourquoi les banques ne devraient-elles pas vendre des assurances si l'on met en place des mesures de protection du consommateur adéquates?

M. René Bourque: Nous aimerions vous rappeler que les banques vendent déjà des assurances par le biais de centres téléphoniques en Ontario, et qu'elles font de bonnes affaires. Ce que nous voulons, c'est que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Elles veulent se servir des informations qu'elles ont déjà sur nos clients, à savoir les polices, les primes et les dates d'expiration. Les banques ont toutes ces informations car la plupart des gens ont des privilèges ou des hypothèques sur leurs maisons. Elles veulent se servir de ces informations. Nous estimons qu'il s'agit d'une concurrence déloyale et que les règles du jeu ne seraient pas les mêmes pour tous.

Mme Paulette Holder: Mme Wayne, j'aimerais ajouter quelque chose.

• 1605

Nous pensons que si les banques sont autorisées à vendre des assurances dans leurs succursales, il sera très difficile de prendre des mesures de protection du consommateur et de vérifier si elles sont respectées. Il sera très difficile de prouver que quelqu'un a été victime d'une vente liée. Les banques affirment que cela ne se produirait pas si on leur permettait de vendre des assurances dans leurs succursales. Mais comment pouvez-vous réglementer des impressions? Supposons que des clients se présentent dans une banque; prenons l'exemple d'un couple de jeunes mariés qui veut obtenir un prêt hypothécaire. La personne qui leur fournit l'information sur les hypothèques peut en même temps leur suggérer—de façon explicite ou non, peu importe comment le message est donné aux clients—que c'est l'occasion pour le couple de souscrire également une assurance pour leur maison. De toute évidence, on ne leur donne pas de choix.

C'est pourquoi nous tenons tant à ce que les même règles du jeu soient maintenues. Nous voulons être sûrs d'avoir les mêmes avantages que les banques. Si on autorise les ventes d'assurances dans les succursales, nous pensons qu'il ne sera pas possible de les réglementer comme il faut.

Mme Elsie Wayne: Comment de nouveaux pouvoirs pourront-ils réduire la concurrence, augmenter les coûts et offrir moins de choix aux consommateurs?

M. René Bourque: Et bien, pour ce qui est de l'augmentation des coûts, nous estimons que si le marché est réduit, cela aura forcément des répercussions sur l'ensemble de l'industrie des assurances. Il existe actuellement un peu plus de 200 compagnies d'assurance au Canada. Si les banques accaparent 45 p. 100 du marché, nous pensons qu'il est évident qu'il ne restera pas 230 compagnies. D'une certaine manière, cela aura un effet sur la compétitivité. S'il n'y a que trois banques dans l'industrie de l'assurance, elles pourront hausser les prix.

Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): M. White a dit que les 230 compagnies se font concurrence pour moins de 1 p. 100 des primes totales de l'industrie.

M. Ray White: Si je peux me permettre, il n'y aucune compagnie qui contrôle réellement la branche des biens et accidents. Il n'y a aucun joueur majeur dans le secteur des assurances.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pourriez-vous donner des exemples des secteurs dont vous parlez?

M. Ray White: Ce que je veux dire, c'est que personne ne contrôle de créneau particulier, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d'industries. Dans le secteur bancaire, il n'y a que six joueurs qui se partagent le marché. Chacun a sa portion.

Sur ces 230 compagnies, je ne pense pas qu'il y en ait une qui contrôle plus que 3 ou 4 p. 100 de la totalité des primes souscrites. C'est donc un marché bien réparti.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pourriez-vous nous indiquer quelle proportion du marché ces 230 compagnies possèdent? En avez-vous une idée?

M. Ray White: Ces 230 compagnies représentent la totalité des compagnies en activité dans le secteur des assurances des biens et accidents au pays. Elles constituent la totalité du secteur au Canada.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Les courtiers et compagnies d'assurance de la branche biens et accidents détiennent donc environ 80 p. 100 du marché.

M. Ray White: Les 230 compagnies représentent la totalité des primes souscrites au Canada. C'est de cela que nous parlons. Et elles comprennent les compagnies qui appartiennent aux banques et ainsi de suite.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Si les banques étaient autorisées à pénétrer ce secteur, avez-vous une idée de la part de marché que vous risqueriez de perdre?

M. Ray White: Il est difficile de prévoir quelle proportion elles s'approprieraient. Je crois que vu les règles du jeu relativement inégales qui prévaudraient, ainsi que nous l'avons déjà mentionné, la pénétration du marché, par trois grandes organisations sans doute, entraînerait la faillite d'un bon nombre de ces 230 compagnies qui donnent aux consommateurs canadiens le choix de se procurer leurs assurances dans divers endroits. Mais je ne pense pas que l'on puisse prédire pour l'instant jusqu'où elles pénétreraient ce marché.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Avez-vous fait réaliser des études pour déterminer le nombre d'emplois qui risquent d'être perdus, au Nouveau-Brunswick ou au Canada?

M. Ray White: Non.

Mme Linda Dawe (directrice exécutive, Association des courtiers d'assurance du Nouveau-Brunswick): Nous pouvons prendre l'expérience du Québec au cours des dernières années. Les Caisses Desjardins se sont lancées sur le marché des assurances et nos homologues québécois nous ont indiqué qu'ils ont perdu environ 45 p. 100 des courtiers d'assurance indépendants de cette province. Nous pensons que cela pourrait s'appliquer à notre secteur des courtiers indépendants dans l'ensemble du Canada.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Y a-t-il quoi que ce soit qui indique que les banques de votre province ont décidé de s'attaquer à un secteur particulièrement rentable, que ce soit...

Mme Elsie Wayne: Il faut que je m'en aille, monsieur le président. J'aimerais bien pouvoir rester, mais je dois vous quitter. Au revoir.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, Elsie. Et bon voyage de retour.

• 1610

J'ai oublié la question que je voulais poser et, pour l'instant, je vais donc passer la parole à M. Ritz.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

J'ai beaucoup apprécié les exposés que vous nous avez présentés aujourd'hui.

La première chose qui me vient à l'esprit, c'est que tout le monde a une carte de Sears et diverses choses du même genre. Sears vend de l'assurance. Des entreprises comme Loblaws possèdent une compagnie d'assurances. À l'heure actuelle, on voit de grosses sociétés de commerce au détail ainsi que des chaînes d'alimentation, etc., vendre de l'assurance; alors, pourquoi pas les banques? Je veux dire, les banques vendent de l'assurance, et pas seulement par l'intermédiaire de leurs succursales.

M. Ray White: Je pense que ce que nous jugeons préoccupant, ce n'est pas la façon dont l'industrie fonctionne actuellement, le fait que, comme vous dites, d'autres détaillants sont impliqués dans cette activité. Les règles du jeu sont équitables parce que nous jouons tous le même jeu.

Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, ce qui nous inquiète, c'est la concentration des renseignements personnels sur les consommateurs et c'est aussi la position dans laquelle ces consommateurs peuvent très bien se trouver lorsqu'on leur propose d'acheter de l'assurance.

Je ne sais pas si certains d'entre vous ont ressenti la même chose que moi lorsque j'ai emprunté de l'argent. Je ne me suis pas particulièrement senti maître de la situation quand je me suis retrouvé assis, là, parce que je voulais emprunter de l'argent. Je pense que les consommateurs, tout naturellement, seraient prêts à faire à peu près n'importe quoi pour s'insinuer dans les bonnes grâces de la personne qui détient le pouvoir en la matière. Si l'on me disait que la banque peut également assurer ma maison, je suis persuadé que je répondrai oui tout de suite si j'étais convaincu que cela puisse avoir un effet positif sur la décision de m'accorder le prêt que je souhaite. À mon avis, c'est un des principaux sujets de préoccupation.

Je ne suis pas sûr de pouvoir dire que l'autre question qui nous préoccupe correspond à quelque chose de vraiment concret, mais on considère généralement que les banques détiennent probablement sur vous ou moi—et sur tous les Canadiens qui ont emprunté de l'argent—autant de renseignements que le gouvernement fédéral. Pour ce qui est d'utiliser cette information, nous employons l'expression «exploiter une liste». Autrement dit, nous avons un profil exact de la personne en question. Bien entendu, cela donne la possibilité de choisir, si vous voulez, la clientèle la plus intéressante, c'est-à-dire, en fait, les consommateurs que l'on veut vraiment attirer. Oui, on peut dire que les gens de Sears ont de moi une certaine image parce qu'ils savent à quel rythme j'effectue mes paiements. D'après leur dossier, ils peuvent déduire que j'ai l'air d'un client qui paie bien, mais ils n'ont vraiment aucun autre renseignement sur moi—du moins, je l'espère. Quoi qu'il en soit, ils peuvent me juger intéressant parce que je paie mes factures régulièrement et décider de me contacter.

Ce qui nous préoccupe donc au plus haut point, c'est la quantité de renseignements personnels que détiennent les banques, et nous craignons que cette information soit utilisée de façon abusive, aussi bien pour faire de la prospection que pour choisir les clients avec lesquels les banques veulent traiter.

Mme Paulette Holder: Si vous le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Les courtiers d'assurance indépendants n'ont pas peur de la concurrence. De fait, nous sommes ravis d'avoir des concurrents, c'est grâce à eux que nous nous développons. Ce qui nous préoccupe principalement, c'est ce à quoi M. White a fait allusion: le fait que les renseignements dont disposent les banques leur donnent un avantage concurrentiel indu.

Elles détiennent, entre autres, certaines informations importantes parce que nous, les courtiers d'assurance, sommes tenus de leur envoyer copie des polices où le nom d'une banque apparaît à titre de détenteur de privilège ou de créancier hypothécaire. La banque en question a donc toute l'information, la date d'expiration de la police, de quel véhicule il s'agit, des renseignements sur les accidents qu'a pu avoir l'assuré. La banque a tout. C'est un bon point de départ et, du point de vue des courtiers d'assurance, comme d'ailleurs du point de vue des consommateurs, cela lui donne définitivement un avantage concurrentiel indu.

Disons qu'une banque a comme client une personne sur qui elle a ce genre d'information, quelqu'un au nom de qui un courtier d'assurance indépendant a souscrit une police auprès d'une société donnée. La banque peut décider de ne pas assurer cette personne parce que, disons, il s'agit de quelqu'un qui a 75 ans et qui a eu deux accidents. La banque peut renoncer à couvrir ces personnes là. Cela n'est pas juste pour le consommateur, et nous craignons que c'est ce genre de chose qui va arriver. C'est l'un de nos principaux sujets de préoccupation.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Et la recommandation du groupe MacKay selon laquelle on imposerait des peines de prison ou des amendes qui pourraient s'élever jusqu'à 100 000 $ n'apaise absolument en rien vos craintes?

Mme Paulette Holder: Pas du tout.

M. Ray White: Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration, le groupe de travail a fait faire un sondage pour savoir si les gens avaient été victimes de pratiques coercitives. Six pour cent des répondants ont déclaré qu'ils avaient senti—je pense que le mot «senti» est bien celui qui a été utilisé, étant donné qu'on parle du sentiment d'avoir été, ou non, la cible de telles pratiques—que, peut-être, on avait profité de leur situation pour leur vendre quelque chose ou qu'on leur avait forcé la main d'une façon ou d'une autre, mais qu'ils n'avaient jamais signalé cet incident.

Ce que je me demande, c'est quel changement on pourrait apporter au texte législatif pour pousser le consommateur—la partie lésée, en l'occurrence—à dénoncer, si vous me permettez de m'exprimer ainsi, l'institution financière en cause? En passant, c'est cette même institution qui a accordé au consommateur en question une hypothèque ainsi qu'un prêt automobile. Pensez-vous que cette personne va se plaindre et dire qu'elle a vraiment senti qu'on lui a forcé la main? Je ne suis pas certain qu'un texte législatif quelconque permette d'exercer un contrôle approprié dans ce genre de situation.

• 1615

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais si l'on pouvait prendre des dispositions législatives de cette nature qui seraient jugées satisfaisantes par votre industrie, serait-ce suffisant pour apaiser vos craintes? Dans ce cas, quel genre de restrictions ou de critères ces dispositions devraient-elles imposer?

M. René Bourque: Si vous le permettez, je pense que cela n'a rien à voir avec les dispositions législatives qu'on pourrait adopter, mais plutôt avec la façon dont elles pourraient servir à exercer un contrôle. C'est pratiquement impossible. Ce que nous nous demandons, c'est comment vous parviendriez à exercer un contrôle grâce à de telles dispositions, alors qu'il s'agit uniquement d'un sentiment que les gens peuvent avoir.

Les banques nous font concurrence actuellement d'une autre manière et déjà, notre association nationale a reçu des rapports indiquant que certains courtiers se sont vus refuser une ligne de crédit par des banques qui leur ont dit: «Nous allons vous faire concurrence, alors, pourquoi devrions-nous vous avancer de l'argent?» À titre de petits entrepreneurs, c'est un autre problème qui nous guette à l'avenir. Comment pourrait-on utiliser une telle législation pour exercer un contrôle, c'est...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Personnellement, je pense que dans la plupart des cas, ce qui compte le plus dans le secteur de l'assurance, c'est le service. Je m'adresse à telle ou telle société parce que je connais les gens, parce qu'ils se sont bien occupé de moi dans le passé, et ainsi de suite. Bref, la banque peut vous tordre le bras une fois et faire une vente liée ou quelque chose du genre, mais il s'agit d'un contrat renouvelable annuellement. Pourquoi retournerais-je au même endroit si je n'ai pas reçu le service que je demande? J'ai mon hypothèque, et il s'agit d'une hypothèque de cinq ou dix ans. Pourquoi me sentirais-je obligé de m'adresser au même endroit l'année suivante? Peut-être ai-je été victime la première fois de pratiques douteuses, mais comment vont-ils s'y prendre pour m'avoir la deuxième fois?

Mme Paulette Holder: Dans une certaine mesure, oui, les choses pourraient se passer de cette façon. Cependant, il est très facile qu'il en soit autrement. Beaucoup de gens perdent toute vigilance. Nous voyons cela arriver tous les jours dans notre secteur d'activité. Certains consommateurs font chaque année des comparaisons entre les prix des primes d'assurance, mais il y a aussi des gens qui se sont organisés de façon à ce que leurs versements soient automatiquement déduits de leur compte en banque, et il serait très facile pour la banque en question de faire cette déduction en même temps que celles qui correspondent à votre hypothèque, à votre prêt automobile ou à je ne sais quoi d'autre. C'est déduit automatiquement de votre compte tous les mois, et bien des gens laissent les choses en l'état sans y prêter vraiment attention. À titre de courtier indépendant, le service que nous offrons au consommateur comprend une prise de contact une fois par an, au minimum au moment du renouvellement de la police.

Le courtier indépendant offre beaucoup d'autres services à valeur ajoutée au consommateur et dans l'intérêt du consommateur. Par exemple, un de nos grands sujets de préoccupation, c'est la situation dans laquelle va se retrouver un assuré qui a un accident pendant le week-end. Qui va-t-il appeler? Personnellement—comme tout autre courtier d'assurance qui a assisté à l'audience cet après-midi—j'ai reçu bien des appels à minuit de la part d'assurés qui avaient besoin d'aide. À qui ces consommateurs vont-ils s'adresser si c'est une banque qui leur a souscrit une police d'assurance?

M. Gerry Ritz: Il y aura probablement un numéro vert.

Mme Paulette Holder: Exact, et qu'est-ce qu'on va vous dire lorsque vous appellerez? Veuillez communiquer avec un tel.

M. Gerry Ritz: Vous allez tout simplement pouvoir dormir.

Mme Paulette Holder: C'est une chose que nous devons garder à l'esprit. Il faut toujours revenir à l'intérêt du consommateur. C'est le point important dans tout cela. Nous sommes là pour aider le consommateur, pour lui vendre la police qui lui convient, et non la seule que nous pouvons lui offrir. Nous sommes des courtiers. Nous servons d'intermédiaires auprès des consommateurs pour leur offrir la couverture dont ils ont besoin.

M. Gerry Ritz: Juste pour jouer un instant le rôle de l'avocat du diable: les compagnies d'assurance ne sont pas sans défaut non plus. À l'heure actuelle, vous faites tous partie du même réseau. Vous pouvez savoir que l'an dernier, j'ai fait deux demandes de remboursement et que je ne suis donc pas un client intéressant; vous ne voulez donc pas de moi. Cela peut arriver. Vous dites que les banques agiraient ainsi, qu'elles écrémeraient les listes. Eh bien, les compagnies d'assurances peuvent le faire également. Je sais que si vous avez été victime de deux catastrophes naturelles, une seule compagnie canadienne acceptera de vous couvrir sans pour autant vous faire payer une prime élevée pour une couverture minime; il s'agit de Portage. Du moins, je pense que c'est le nom de la compagnie.

En tant que législateurs, comment pouvons-nous protéger les consommateurs des ventes liées que pratiquent certaines compagnies d'assurance? Vous assurez ma maison, mais vous voulez également assurer ma maison de campagne, mon bateau et ma voiture. Pour vous, c'est une bonne affaire d'assurer le tout. Les banques pratiquent les ventes liées, mais les compagnies d'assurance le font aussi. Comment, au bout du compte, pouvons-nous protéger le consommateur?

Mme Paulette Holder: Pour vous répondre, je dirais qu'il existe effectivement un système informatique. Lorsque quelqu'un demande une assurance, les compagnies font des vérifications. On peut voir quels sont vos antécédents en termes de demandes de remboursement, si vous avez décidé de laisser tomber l'une d'entre elles, et ainsi de suite. Toutefois, en passant par un courtier indépendant, vous avez un avantage: il y a tellement de concurrents dans ce secteur que votre courtier va pouvoir trouver quelqu'un pour souscrire votre police. C'est notre rôle. Pour nous, vous n'êtes pas n'importe qui, mais ce client qui habite dans une petite ville du Nouveau-Brunswick et, en tenant compte de vos antécédents, nous allons faire les efforts supplémentaires requis pour vous rendre service. Nous n'allons pas simplement tenir compte du fait que vous avez formulé deux demandes de remboursement et dire que, par conséquent, nous ne voulons pas de vous comme client. Chaque cas individuel doit être considéré, et le courtier d'assurance indépendant dialogue avec vous, obtient les renseignements requis et les prend en considération.

M. Gerry Ritz: Donc, les banques ne peuvent pas vous faire concurrence à ce niveau.

• 1620

Mme Paulette Holder: Eh bien, les choses étant ce qu'elles sont, les banques n'auront à vous offrir qu'une police souscrite auprès d'une seule compagnie. Le courtier d'assurance indépendant vend de l'assurance souscrite auprès de diverses compagnies, et chacune d'entre elles fonctionne selon différents critères et modalités. Notre rôle est de trouver celle qui offre les conditions répondant le mieux à vos besoins particuliers.

M. Gerry Ritz: Donc, à titre de consommateur, pourquoi traiterais-je avec une banque alors que je peux m'adresser à vous et avoir le choix entre 10 compagnies différentes? Pourquoi irais-je m'adresser là où j'ai seulement...?

Mme Paulette Holder: C'est exactement ce que nous essayons de dire aux gens.

M. Gerry Ritz: Je comprends. Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): La raison pour laquelle vous allez vous adresser à la banque, c'est qu'elle menace aussi de ne pas renouveler votre hypothèque qui arrive à échéance dans six mois.

Je suis censé présider cette réunion, mais étant donné que nos collègues libéraux ne sont pas ici, je prends quelques libertés. Je vais me faire l'avocat du diable.

Les banques ont déclaré à Toronto la semaine dernière—ce que vous avez plus ou moins corroboré—qu'elles allaient essayer d'attirer un marché bien précis. Ainsi donc, la Banque de Nouvelle-Écosse ou la Banque de Montréal va publier de belles brochures sur papier glacé énonçant les raisons pour lesquelles vous devriez choisir leur régime d'assurance complet, et une banque concurrente va, d'une façon ou d'une autre, essayer de se distinguer en vous disant pourquoi vous devriez vous décider pour la couverture qu'elle vous offre.

Il me semble alors, si j'en crois leurs déclarations—et je pense qu'elles ont été corroborées également par votre industrie—que les banques pourront au début pénétrer sur le marché en pratiquant le leurre tactique et s'approprier entre 20 et 25 p. 100 du marché, ce qui en laisse 75 p. 100 à des gens comme vous. Si vous êtes si mieux placés pour fournir le service personnalisé dont vous parlez...

Je n'ai que des félicitations à adresser à votre industrie. Étant donné que je suis le député de la région du Québec que l'on appelle le triangle oublié, je peux vous dire qu'au chapitre des assurances multi-risques... L'industrie a été fantastique. Aucun de mes électeurs ne s'est plaint de ne pas avoir été bien traité après avoir transmis une demande de remboursement lors de la tempête de verglas. Vous avez agi promptement: pendant les week-ends, n'importe quand, et rien n'a été remis en question. Je me demande si le responsable de mon compte viendrait ainsi rapidement chez moi constater les pertes ou les dommages que j'ai subis. Bref, je ferai mieux de ne pas en dire plus.

Si vous êtes dans une bien meilleure position pour offrir un service personnalisé, si vos agents d'assurance sont mieux formés, ce qui est bien le cas puisque ce sont des gens qui vivent et travaillent au sein de leur propre collectivité où ils jouent un rôle clé... Ils sont les mieux placés pour connaître véritablement leur clientèle. Aucune banque, même si ses cadres supérieurs ont concocté le meilleur programme qui soit au 29e étage d'une tour de Toronto, ne va pouvoir élaborer un système ou un régime qui va répondre de façon aussi personnalisée que le vôtre aux besoins des consommateurs.

Si l'on met de côté vos craintes concernant les ventes liées coercitives, pensez-vous être en mesure d'exercer une certaine concurrence? Quelles sont vos préoccupations en la matière et y a-t-il un moyen de les faire taire?

Mme Paulette Holder: Nous pouvons exercer une concurrence, la question ne se pose pas, je pense; nous l'avons fait pendant des années. Selon moi, une de nos principales préoccupations porte sur le fait que le marché dont hériteront les courtiers indépendants regroupera les gens qui ne peuvent obtenir une police d'assurance d'une banque parce qu'ils ne font pas partie de la clientèle d'élite dont j'ai parlé.

Les courtiers indépendants vont devenir les assureurs de ceux qui ont été condamnés pour conduite en état d'ébriété, qui ont eu des problèmes, qui ont à leur actif plus d'une demande de remboursement, qui comptent dans leur famille un ou deux conducteurs mineurs—tous les assureurs sur le marché ont des gens comme cela parmi leurs clients. En bout de ligne, ce sont les cas qui présentent les risques les plus élevés et les gens qui paient les primes les plus fortes.

Les banques se réserveront la crème de la crème, et les courtiers d'assurance indépendants auront la part de marché qui n'est définitivement pas constituée par les meilleurs clients. Ces clients-là sont ceux auxquels on peut associer des demandes de remboursement, des accidents, des pertes, des taux qui augmentent, des primes plus fortes et enfin, des marchés de moins en moins nombreux. C'est un marché qui va tout simplement aller en s'amenuisant.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Donc, d'après vous, à cause de la nature du produit qu'elles vont offrir, les banques vont probablement chercher à attirer un segment du marché qu'elles vont pouvoir élargir...

Mme Paulette Holder: Sans aucun doute.

Le vice-président (M. Nick Discepola): ...sans être obligées de consacrer plus que le strict minimum à la formation ou à l'investissement voulu, parce qu'il s'agit du segment du marché où elles peuvent exploiter leur potentiel au maximum? Ainsi, elles pourront probablement réduire les primes dans cette catégorie. Toutefois, étant donné qu'elles se seront appropriées, je suppose, cette portion du marché, votre industrie sera obligée d'augmenter les primes des clients qui lui resteront puisque, manifestement, il va falloir que les assureurs trouvent un moyen de survivre et également de rester présents.

Donc, dans l'ensemble, quel avantage net cela présente-t-il pour les consommateurs? Allons-nous connaître une concurrence plus vive, des primes réduites, des prix compétitifs, ou... Quelle est votre vision de l'avenir?

• 1625

M. René Bourque: Eh bien, de notre point de vue, au cours de l'année écoulée, nous avons vu prospérer une industrie de l'assurance concurrentielle. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, les primes d'assurance-automobile ont baissé au cours des cinq dernières années. Nous traitons avec plus de 100 compagnies au Nouveau-Brunswick, et c'est plus de concurrence qu'il n'en faut, tant et si bien que le système marche tout seul.

Donc, si les règles du jeu qui sont équitables—répétons-le encore une fois—selon nous, le consommateur ne tire aucun avantage de ce qu'il peut obtenir des banques si elles commencent à vendre de l'assurance au détail.

Voulez-vous que je continue?

M. Gerry Ritz: J'aimerais intervenir, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Quand vous voulez. Allez-y.

M. Gerry Ritz: À titre de courtier d'assurance, vous avez dû faire une présentation devant le Groupe de travail MacKay.

M. René Bourque: Oui.

M. Gerry Ritz: Bien. Y a-t-il des questions qui, selon vous, auraient dû être traitées mais qui n'ont pas été abordées et dont on n'a absolument pas parlé dans le rapport?

M. Ray White: Si vous me permettez d'intervenir, en ce qui concerne les recommandations que l'on trouve dans le rapport MacKay, il y en a beaucoup que nous appuyons. Nous n'avons aucune réserve à leur sujet. Nous ne pensons pas qu'on ait vraiment laissé passer grand-chose dans le rapport.

Notre seule préoccupation, c'est que l'on y trouve deux ou trois recommandations qui, à notre avis, sont totalement contraires à l'industrie de l'assurance multi-risques et aux consommateurs qu'elle dessert.

Mais pour ce qui est de laisser passer quelque chose, non, je peux dire que nous n'avons trouvé aucune lacune.

Le vice-président (M. Nick Discepola): On trouve cela dans vos deux exposés. Monsieur White, vous déclarez que si l'on veut agir sagement et faciliter les affaires, on ne devrait pas apporter maintenant des changements qui exigeront d'autres mesures au plan de la législation et de sa mise en application, mais prendre les dispositions nécessaires pour protéger le consommateur. Vous ajoutez que, selon vous et Mme Holder, il n'y a pas urgence et nous devrions prendre notre temps.

Une des réserves que j'ai à ce propos, je suppose, c'est qu'à titre de chef de petite entreprise, vous ne voudriez certainement pas attendre chaque nouveau budget pour voir les députés d'arrière-banc du caucus libéral se mettre à trépigner et le ministre des Finances déclarer, une fois de plus, que cette année encore les banques ne seront pas autorisées à vendre de l'assurance. Ce n'est pas de cette façon que vous pourrez planifier votre future expansion, etc.

Bref, je me demande s'il ne serait pas faisable d'envisager quelque chose de graduel et de dire que, pendant x années, le gouvernement garantit que les banques ne seront pas autorisées à pénétrer ce secteur, mais qu'après, on l'ouvrira à tous. Est-ce un compromis possible ou avez-vous le sentiment que, quel que soit le moment choisi, les banques ont trop d'envergure et qu'elles vont s'imposer en pratiquant le leurre tactique pour essayer de gagner cette part du marché? Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de ces observations?

M. Ray White: Rappelez-vous que les banques sont d'ores et déjà impliquées dans l'assurance générale. Certaines d'entre elles possèdent des compagnies d'assurance générale. Elles sont en concurrence avec nous. Comme mes collègues l'ont dit, nous en sommes très heureux car, encore une fois, c'est sur la même base que nous faisons affaires.

Je pense que c'est là ce que nous voulons souligner. Tel qu'il existe actuellement, tel qu'il a été approuvé—les changements ont été apportés en 1992—le système a bien marché. Nous n'avons rien contre la concurrence qu'exerce la Personnelle Compagnie d'Assurance du Canada, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, etc. Ce qui nous inquiète, c'est que le rapport rouvre une question que l'on a traitée en 1992 et encore une fois, en 1997. On avait dit non aux banques, vous n'allez pas être autorisées à vendre de l'assurance au détail. Donc, cela nous préoccupe.

Le ministre des Finances, M. Martin, a déclaré, je crois, que la protection des renseignements personnels ne pouvant être assurée à cause des pratiques de vente coercitives, la possibilité d'autoriser les banques à vendre de l'assurance au détail a été rejetée. Ce qui nous inquiète un peu c'est qu'à l'heure actuelle, l'idée se fait jour à nouveau, et je pense que nous avons une petite idée des raisons pour lesquelles il en est ainsi.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais est-ce que le Canadien moyen peut voir quelle est la différence entre être autorisé, d'une part, à vendre de l'assurance multi-risques ou d'autres formes d'assurance dans les succursales bancaires et, d'autre part, créer une toute autre entité? Voyez ce qui se passe au Québec, où les caisses populaires sont déjà autorisées à vendre de l'assurance dans certaines limites, par exemple. Où est la différence?

M. Ray White: C'est une question d'atmosphère, de se trouver dans une situation où l'on n'a pas les coudées franches. Encore une fois, la question qui se pose est celle-ci: suis-je ici pour amadouer la banque ou suis-je vraiment libre d'acheter ou non tel ou tel produit.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Donc, les deux questions clés sont les suivantes: l'usage abusif que l'on peut faire de renseignements personnels et la coercition que cela permet d'exercer pour vendre.

M. Ray White: Et dans une succursale, nous avons l'impression qu'une telle coercition pourrait s'exercer parce que le fait même de me trouver là veut dire que j'ai une obligation envers cette institution financière.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il est évident que vous vous êtes déjà retrouvé tout tremblant devant un directeur de banque.

M. Ray White: Trop souvent.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Pour poursuivre dans la même veine, disons que cette activité s'exerce dans un point de vente totalement séparé de la banque. Les banques vendent de l'assurance à l'heure actuelle. Elles le font déjà, mais c'est en quelque sorte en sous-main, il faut le demander à un employé, etc. Si cela se faisait dans un point de vente totalement séparé, à l'autre bout du pâté de maisons ou ailleurs, serait-ce acceptable?

• 1630

M. Ray White: Oui.

M. René Bourque: À condition que les banques n'utilisent pas des informations obtenues précédemment...

M. Gerry Ritz: Il s'agirait d'un point de vente séparé. C'est la protection qu'assurerait la loi. Il n'y aurait aucun échange de renseignements, ni de quoi que ce soit.

M. Ray White: Exactement.

M. René Bourque: Si je peux me permettre de revenir à la question que vous avez posée précédemment, monsieur Ritz, lorsque vous avez demandé si le groupe de travail avait omis de traiter certaines questions, comme nous l'avons indiqué dans notre rapport, First Marathon Securities a déclaré que le secteur de l'assurance multi-risques est, dans l'industrie des services financiers, celui qui est le plus concurrentiel au Canada. Le rapport MacKay n'en a pas fait état. Nous nous demandons bien pourquoi on réparerait quelque chose qui marche bien?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien.

M. Gerry Ritz: Bien, merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est juste pour obtenir quelques précisions, madame Holder; à la page 3 de votre mémoire, vous déclarez:

    Par exemple, les courtiers doivent suivre un programme d'étude rigoureux afin de satisfaire aux critères établis par notre gouvernement provincial pour obtenir une licence. Cependant, ces règles ne s'appliquent pas toujours à d'autres canaux de distribution.

J'avais l'impression que dans toutes les provinces—je sais bien ce qui se passe au Québec puisque c'est ma province—les conditions d'obtention d'une licence s'appliquent à tous ceux qui veulent vendre de l'assurance. Peut-être est-ce différent au Nouveau-Brunswick, mais je n'en suis pas sûr.

Mme Paulette Holder: Je vais laisser notre directeur général répondre à cette question.

Mme Linda Dawe: Oui, je vais répondre.

Dans cette province, les courtiers indépendants doivent suivre un processus en quatre étapes avant d'obtenir une licence. Les agents qui font de la vente directe et ceux qui travaillent à partir d'un centre téléphonique pour le compte d'une seule compagnie n'ont qu'une étape à franchir. Par conséquent, nous avons le sentiment que les courtiers indépendants sont mieux instruits en la matière que d'autres intermédiaires.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Encore une fois, cela devrait vous donner un avantage concurrentiel sur le marché parce que vos agents sont mieux formés. C'est ce que je comprends.

Mme Paulette Holder: Si vous faites en sorte que les clients peuvent sortir de la banque, oui.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il y a une autre chose qui me préoccupe personnellement, une chose que vous avez également évoquée. Traditionnellement, les banques ont choisi le genre de services spécialisés qu'elles voulaient offrir. Quand il a été question de consentir des prêts modiques au secteur commercial, elles ont choisi de prêter à l'industrie de l'immobilier. Puis, tout d'un coup, le marché s'est effondré, et elles se sont retirées rapidement de cette activité. Elles ont agi ainsi dans divers domaines. Je me demande si une banque continuerait à prêter de l'argent dans certains secteurs s'ils ne s'avéraient pas rentables. Je ne sais pas comment on pourrait légiférer cela.

J'aimerais conclure en reprenant une observation que vous avez faite, madame Holder, dans le cadre de vos dernières remarques. Je crois, encore une fois, que nous sommes probablement focalisés sur la question bien précise de la fusion des banques. Tout est centré là-dessus. Je comprends pourquoi, du point de vue de votre industrie, ce soit la question qui retienne votre attention, mais comme vous dites, en tant que Canadiens, notre avenir est défini par bien d'autres choses que la fusion des banques et les pouvoirs qu'elles détiennent.

Il y a deux choses que j'aimerais éclaircir. Si nous disions que les banques ne devraient pas vendre de l'assurance générale ni d'autres types d'assurance et qu'elles ne devraient pas non plus s'occuper de crédit-bail automobile, est-ce qu'à votre avis, elles devraient être autorisées à fusionner ou non?

Deuxièmement, comme vous dites, sur quel domaine clé devrions-nous nous concentrer et quels sont les problèmes les plus importants que nous devrions résoudre si nous voulons vraiment que le secteur des services financiers devienne une industrie diversifiée, de classe internationale, hautement compétitive, rentable et qui nous appartienne en propre face à la concurrence mondiale à laquelle nous sommes confrontés? Jetez un coup d'oeil dans votre boule de cristal en vous projetant dans 10 ou 15 ans.

Mme Paulette Holder: Pour répondre à la dernière partie de votre question—et c'est uniquement mon opinion personnelle que je vous livre—si le système marche bien, n'y touchez pas. Nous sommes convaincus que le service que nous offrons actuellement dans le cadre du système de distribution des courtiers d'assurance indépendants présente des avantages pour le consommateur. Nous aimerions qu'il soit maintenu tel quel.

Comme je l'ai indiqué auparavant, nous ne sommes pas ici pour dire que nous ne voulons pas que les banques vendent de l'assurance—elles le font déjà actuellement—mais nous nous opposons à ce qu'elles puissent vendre de l'assurance dans leurs succursales.

Quant à envisager les conséquences des fusions bancaires, personne n'a de boule de cristal, je pense. Dans tous les journaux, on peut lire bien des articles sur le sujet, et tout le monde a une opinion différente. Je ne suis certainement pas assez bien versée dans ce domaine pour dire ce qui pourrait arriver. Moins il y aura de banques, plus elles auront de pouvoirs, et moins les consommateurs auront de choix.

Ce sont les consommateurs qui sont au coeur du problème. Je ne vois pas en quoi cela pourrait présenter pour eux un quelconque avantage. Encore une fois, il s'agit d'une opinion personnelle.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Monsieur White.

M. Ray White: Si nous faisons nôtre l'idée que les banques doivent fusionner afin d'être plus puissantes pour exercer une concurrence sur le marché mondial, dans la mesure où cette hypothèse est la bonne, je suppose qu'à mon niveau, il est difficile de juger si c'est...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ce ne sont pas les mots que j'ai utilisés; c'est ce que dit l'industrie.

• 1635

M. Ray White: Disons qu'il se peut que ce soit le cas; je me demande alors comment on peut faire entrer dans le cadre de cet objectif le fait d'autoriser les banques à vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales? Il est certain qu'au plan des fusions, on peut dire: d'accord, la situation va évoluer au cours des dix prochaines années; il faut que nous consolidions la base de nos systèmes bancaires. Nous pensons que c'est une excellente chose. Nous n'avons aucune réserve à formuler sur le fait que le groupe de travail estime que c'est la façon dont on doit s'y prendre pour atteindre cet objectif. En revanche, nous nous demandons comment autoriser les banques à vendre de l'assurance au détail s'inscrit dans ce cadre plus large? Quel rapport, aussi ténu soit-il, est-il possible de... Dans le cadre de cet objectif, quel besoin les banques ont-elles d'exercer cette activité?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci de votre représentation.

Nous tenons à vous assurer qu'à titre de membres du gouvernement, nous nous engageons à faire ce qui est bon pour les Canadiens à tous égards.

C'est une décision très difficile à prendre, vous le savez. Malheureusement, nous concentrons notre attention sur une seule question, celle de la fusion des banques. Et je pense que si vous demandiez aux banques elles-mêmes si elles estiment que le groupe de travail MacKay a pris la bonne décision en déclarant qu'elles devraient être autorisées à s'occuper de crédit-bail et d'assurance-automobile, elles diraient probablement: «Fichtre, nous aurions préféré que l'on n'en parle pas», car je ne crois pas que ce soit pour elles non plus le point le plus important. Mais quoi qu'il en soit, pour notre gouvernement, la décision à prendre est essentielle si nous voulons nous assurer de nous maintenir, au cours des quelques prochaines années, dans une position de classe internationale qui nous donne un avantage hautement concurrentiel. Je me demande quelle va être la bonne décision.

Si nous avions tous une boule de cristal, nous pourrions alors probablement voir ce que nous réserve l'avenir et, peut-être, prendre les meilleures décisions aujourd'hui. Je ne sais pas quelle est la solution. Je préférerais voir émerger une entité extrêmement concurrentielle née de la fusion d'une banque et d'une compagnie d'assurance—au moins, j'aurais le choix entre six possibilités couvrant aussi bien l'assurance-vie que l'assurance de biens et l'assurance risques divers—plutôt que de voir, d'un côté, disons, deux banques émerger d'une fusion qui en impliquerait trois et, de l'autre, deux ou trois compagnies d'assurance-vie qui auraient fusionné et donné ainsi naissance à deux ou trois autres sociétés.

C'est donc une décision très difficile que nous avons à prendre, mais je pense que des présentations comme la vôtre vont faciliter les choses. Nous allons essayer de prendre la meilleure décision possible.

Je vous remercie au nom de mes collègues qui sont présents et aussi au nom de ceux qui n'ont pu assister à l'audience.

J'aimerais mentionner, aux fins du compte-rendu, qu'il y a un vote très important à Ottawa à 17 h 30, précisément sur cette motion. C'est la raison pour laquelle la plupart des députés ont été rappelés pour voter aujourd'hui et c'est également la raison pour laquelle Mme Wayne a dû nous quitter. Étant donné que nous n'avons qu'une faible majorité de neuf voix, nous devons nous assurer que le gouvernement ne tombe pas. Mais votre témoignage sera inclus dans le compte-rendu des audiences, et tous les membres du comité en recevront une copie.

Merci beaucoup.

J'aimerais maintenant passer la parole aux témoins suivants, M. Glen Calkins, représentant les restaurants McDonald's de Saint John et Quispansis, et Mme Twyla Jensen, de Right Choice Computers Inc. Veuillez vous avancer, s'il vous plaît.

Installez-vous confortablement.

Vous êtes nos deux derniers témoins et ce soir, nous nous envolons pour l'Île-du-Prince-Édouard.

Merci d'avoir accepté de comparaître devant le comité. Respectons le protocole, les dames d'abord. Non? Très bien, monsieur Calkins, à vous la parole en premier.

M. Glen Calkins (propriétaire-exploitant, Restaurants McDonald's de Saint John et Quispansis): Très bien, je vais commencer.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer ici aujourd'hui. C'est de l'avenir des services bancaires au Canada qu'il s'agit.

Premièrement, je ne prétends pas connaître particulièrement bien le secteur bancaire étant donné que mon activité à cet égard se limite à libeller des chèques quotidiennement, à faire des dépôts et à emprunter de l'argent à titre d'entrepreneur et de consommateur. Je n'ai pas de plan d'action ni d'intérêt particulier pour la question. Je vois, d'un côté comme de l'autre, des avantages et des problèmes, comme vous l'avez dit précédemment.

Ici, à Saint John, je suis propriétaire-exploitant de sept restaurants MacDonald's. J'ai récemment déménagé de l'Alberta et cela fait environ un an que je suis ici.

• 1640

À titre de propriétaire-exploitant de restaurants MacDonald's, ma banque est la Banque Royale du Canada. Je fais également affaires avec la Banque TD. Cela fait maintenant de nombreuses années que j'ai d'excellentes relations avec ces deux banques. J'ai le sentiment que le niveau de service dont j'ai pu profiter au cours des deux ou trois dernières années est bien meilleur que celui qui était offert il y a cinq ou dix ans. Je crois que les banques s'efforcent davantage chaque jour de répondre mieux qu'elles ne l'ont jamais fait auparavant à mes besoins personnels et à ceux que je peux avoir à titre d'homme d'affaires. J'avais l'habitude de traiter avec des banques où il n'y avait pas de directeur, et les choses n'en finissaient pas. Maintenant, j'ai l'impression que le service s'est amélioré.

Quoi qu'il en soit, il ne serait pas approprié pour moi de me prononcer pour ou contre les fusions bancaires. C'est à vous de trancher la question—et ce qui est plus important encore, ce sont les forces du marché qui s'exercent aujourd'hui à l'échelle mondiale dans le secteur bancaire qu'il faut prendre en considération.

De mon point de vue, dans les années 90, le milieu des affaires s'est mondialisé. Je reçois très souvent des offres de service spontanées de la part d'institutions financières qui opèrent à l'échelle mondiale et qui me proposent une multitude de services qui pourraient m'être utiles aussi bien personnellement qu'à titre d'homme d'affaires. Auparavant, je traitais avec une société d'investissement canadienne qui est maintenant une entreprise opérant à l'échelle nord-américaine. Je reçois des offres de financement de sociétés comme GE Capital. Je reçois des cartes MasterCard dont l'utilisation est pré-autorisée, non seulement pour moi, mais pour mon fils de 10 ans. Mes polices d'assurance canadiennes sont maintenant détenues par des sociétés internationales.

Ce que j'essaie de dire, c'est que les banques canadiennes sont maintenant des acteurs dans un marché beaucoup plus vaste que celui qui existait auparavant au Canada. Pendant des années, le milieu des affaires canadien a été protégé par les politiques gouvernementales. J'estime qu'en réalité, cette protection a nui à la réussite des entreprises, et que la seule façon dont les banques canadiennes peuvent survivre, c'est de devenir des acteurs sur la scène mondiale. Dans cette optique, les fusions leur donneront la base et l'envergure nécessaires pour faire concurrence à d'autres acteurs nord-américains et internationaux.

Les institutions financières américaines et internationales n'ont besoin de rien d'autre que d'un téléphone et d'un centre téléphonique pour établir des contacts partout dans le monde. Je pense que cela place nos banques canadiennes dans une position désavantageuse. Après avoir écouté l'exposé précédent sur le secteur des assurances, je suis porté à penser que ce sont surtout les sociétés internationales et non les banques canadiennes qui le menacent.

Je suis également convaincu que ces sociétés, qui ont remplacé les sièges d'affaires par des téléphones, représentent la plus grosse menace qui pèse sur notre secteur bancaire. Les banques ont des succursales dans presque toutes les villes et villages du Canada. Elles génèrent des emplois, des recettes et contribuent une part importante à l'assiette fiscale des administrations fédérales, provinciales et locales. Les grands organismes internationaux n'ont même pas toujours des bureaux dans les grands centres urbains canadiens, et encore moins dans les petites villes et villages. Condamner les banques canadiennes à faire concurrence à ces énormes corporations internationales c'est, selon moi, les condamner à mort. Ce n'est pas à cause des fusions que l'on fermera des succursales, mais plutôt parce qu'elles n'auront plus de clients.

On a avancé l'idée que les fusions bancaires se solderont par la disparition de la pression qu'exerce la concurrence. Même si l'on procède aux fusions qui sont proposées, il y aura toujours de la concurrence, que ce soit de la part des entreprises qui auront fusionné, des établissements bancaires de moindre envergure et des sociétés internationales dont j'ai parlé. En termes de services bancaires, le consommateur a peut-être des centaines d'options et elles continueront d'exister.

À mon avis, la meilleure façon de protéger le système bancaire canadien est de lui donner l'envergure nécessaire et la possibilité de réaliser des économies d'échelle de façon à ce qu'il soit en mesure de faire face à la concurrence. La concurrence est bel et bien là. Je ne pense pas que les fusions se solderont par la création d'un monopole; ce sont les forces du marché qui prévaudront. Si j'en crois ce qu'indiquent les forces du marché, les fusions auront un effet positif car cela nous donnera des institutions financières de classe internationale.

J'ajouterais ceci: j'ai pris quelques notes en écoutant l'exposé précédent. MacDonald's est une énorme entreprise mondiale présente partout dans le monde. Nous bénéficions tous les jours de la taille de cette entreprise et de sa capacité à négocier avec ses fournisseurs et à transmettre les économies ainsi réalisées à ses consommateurs; c'est ce que nous faisons tous les jours. Pour nous, l'élément moteur est d'offrir aux consommateurs les meilleurs prix possibles, et c'est grâce aux économies d'échelle que nous pouvons y parvenir. Je voulais tout simplement ajouter cela.

Merci beaucoup. C'est tout ce que je voulais dire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Calkins.

Madame Jensen, s'il vous plaît.

Mme Twyla Jensen (présidente, Right Choice Computers Inc.): Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'exprimer ici aujourd'hui. Ma déclaration sera brève.

En me fondant sur le rapport du groupe de travail MacKay, que j'ai lu, je comprends parfaitement, étant propriétaire d'une petite entreprise, le concept de croissance dans un milieu concurrentiel et l'importance du service à la clientèle. Toutes les entreprises sont petites au départ. Leur expansion et la nécessité de servir la clientèle les oblige à prendre plus d'envergure pour être concurrentielles et satisfaire aux demandes du marché. Les institutions financières américaines font déjà face à une concurrence. Évoluer est pour nous une nécessité. Il est démontré que les entreprises qui stagnent s'atrophient, alors que celles qui acceptent d'évoluer deviennent prospères.

• 1645

Il faut que ce soit un Canada fort et uni qui entre dans le prochain millénaire. Un Canada fort et uni créera plus d'emplois, des emplois qui nous échapperont si nous ne sommes pas capables de nous montrer compétitifs.

Cela dit, je suis en faveur des fusions bancaires et je suis convaincue que la force des super-banques nous permettra d'élargir notre part de marché à l'échelle internationale tout en laissant à la concurrence la possibilité de s'exercer. Toutefois, j'estime que les entreprises qui se montrent loyales envers le Canada doivent être protégées, peut-être par le biais d'une réglementation gouvernementale semblable à celle qu'applique le CRTC.

Même si je ne connais pas très bien les rouages secrets du secteur bancaire, à titre de propriétaire de petite entreprise et en me fondant sur les informations dont j'ai pris connaissance jusqu'ici, il me semble qu'on a mis l'accent sur une position défensive pour préserver la réputation du secteur bancaire. Ce faisant, on a relativisé l'information pertinente sur les fusions qui serait nécessaire pour mieux éclairer le consommateur et lui donner une image vraie du résultat de ces fusions.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Jensen. J'aimerais maintenant demander à M. Ritz de poser les premières questions.

M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

Une idée m'est venue à l'esprit quand vous avez dit que les banques seront plus fortes après une fusion. Encore une fois, nous envisageons une fusion entre deux banques canadiennes. Ne créerait-on pas une entité plus solide si l'on envisageait une fusion entre une banque canadienne et une banque américaine? N'a-t-on jamais pensé que, peut-être, la Banque Royale devrait chercher un partenaire aux États-Unis? En ce qui concerne la fusion entre la Banque TD et la CIBC, ces banques ne devraient-elles pas chercher des partenaires ailleurs et non se contenter d'envisager une fusion strictement avec des établissements canadiens? Dans le contexte de la globalisation et de la compétitivité sur les marchés mondiaux, ne serait-ce pas une façon de consolider ces établissements encore davantage?

M. Glen Calkins: C'est une possibilité, je suppose. Cela arrive partout—témoins Midland Walwyn et Merrill Lynch, par exemple. Mais je ne pense pas que ce soit la bonne chose à faire au Canada. Je crois que nous sommes déjà envahis par trop de sociétés américaines. Nous perdons beaucoup plus de contrôle de cette façon. Je préférerais—c'est une banalité, je sais—une solution purement canadienne qui permette à nos banques d'exercer une concurrence à l'échelle mondiale plutôt que de les voir tout simplement absorbées. C'est ce qui arriverait, d'après moi, en tout cas. La plus grosse société prendrait le contrôle de la petite; c'est ce qui arriverait, manifestement. Il pourrait se passer le contraire. La Banque Royale pourrait acheter un autre établissement.

M. Gerry Ritz: Je me fonde sur ce qui est ressorti d'une discussion que j'ai eue avec Bob Kelly, le vice-président de la Banque Toronto-Dominion, à Toronto, il y a dix jours. La deuxième étape qu'ils envisagent—la première étant la fusion avec la CIBC—est d'acquérir une banque américaine dont la valeur serait à peu près égale à la leur, au Canada, après la fusion. C'est leur objectif à long terme. Pourquoi auraient-ils besoin de franchir la première étape? Pourquoi ne pourraient-ils pas directement se tourner vers les États-Unis et fusionner avec un établissement de leur taille dès maintenant?

Mme Twyla Jensen: En tant que citoyenne canadienne, je suis absolument convaincue que si nous pouvons créer un établissement bancaire canadien fort, c'est ce que nous devrions faire. Si nous nous tournons vers les États-Unis, c'est à ce pays que nous donnons la possibilité d'élargir son activité commerciale, et ce sont les États-Unis qui vont s'approprier une part du gâteau qui échappera au Canada.

M. Gerry Ritz: Existe-t-il au Canada assez de grandes entreprises pour soutenir l'activité de grandes banques ou bien vont-elles se tourner vers l'étranger de toute façon?

Mme Twyla Jensen: Je pense qu'il y a assez d'affaires à traiter au Canada, mais que ces banques vont s'intéresser aux marchés internationaux, ce qui, encore une fois, sera source de revenu pour le Canada.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vais vous poser une question très délicate. Ne vous sentez pas visé; il faut que je la pose car je veux que cela soit enregistré au compte-rendu. Est-ce que l'un de vous a une ligne de crédit de roulement auprès d'une des banques qui ont proposé de fusionner?

Mme Twyla Jensen: Oui.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Calkins?

M. Glen Calkins: Des lignes de crédit de roulement personnelles ou professionnelles?

Le vice-président (M. Nick Discepola): L'une ou l'autre.

M. Glen Calkins: J'ai des lignes de crédit de roulement professionnelles.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous en avez donc l'un et l'autre. La question suivante est encore très délicate. Est-ce qu'une personne employée par votre banque vous a demandé de faire ce témoignage, ou bien êtes-vous ici de votre propre chef?

M. Glen Calkins: Je fais cette présentation pour mon propre compte.

Mme Twyla Jensen: C'est à titre de propriétaire d'une petite entreprise que je suis ici, pour donner ma propre opinion.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous remercie.

M. Glen Calkins: Je donne mon avis sur de nombreuses questions. À la ville de Rothesay, par exemple, qui est en train de construire une caserne de pompiers dans mon jardin.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il y a eu un incident très troublant à Toronto, et je voulais tout simplement clarifier les choses.

J'aimerais aborder quelques questions importantes. Une des choses qui me préoccupent c'est que tous deux, vous avez déclaré... Permettez-moi de commencer par l'aspect technique. Les banques estiment qu'elles doivent prendre plus d'envergure pour pouvoir être compétitives à l'échelle mondiale. M. Calkins y a fait allusion et il a également fait référence à votre modèle. Mais je crois que ce qui explique les fusions, c'est essentiellement le désir de réaliser des économies d'échelle. Il est certain que MacDonald's n'aurait pas aujourd'hui le même pouvoir d'achat si cette société n'était que la petite franchise qui existait dans les années 50. Vous avez réalisé des économies d'échelle et vous en bénéficiez sous forme de coûts réduits. Votre modèle d'entreprise est différent en ce sens que vous réutilisez une part très importante de ces profits pour maintenir vos coûts au plus bas; par ailleurs, vous traitez très bien vos employés.

• 1650

Les banques n'ont pas pris ce genre d'engagement. Aucune d'entre elles n'a déclaré vouloir réaliser des économies d'échelle. Elles cachent cet objectif en disant qu'elles veulent être capables d'être dans une position concurrentielle à l'échelle mondiale. Ce qu'elles recherchent véritablement, c'est le fusionnement de leurs activités qui leur permettra de réaliser des économies d'échelle et, en bout de ligne, de gonfler leurs bénéfices. Aucune banque n'a déclaré qu'elle ferait baisser les frais de service ni qu'elle s'engageait à prêter davantage aux petites entreprises. Elles n'ont même pas réussi à faire cela comme il faut. Nous entendons dire constamment...

Cela fait cinq ans que je suis dans ce secteur d'activité. J'ai lancé ma propre entreprise d'informatique à l'âge de 26 ans. Je me revois, tout tremblant, demander mon premier prêt de 47 000 $ après avoir essuyé un premier refus de la part d'une autre banque. La performance des banques n'est pas très brillante en ce qui concerne les prêts aux petites entreprises. Cela m'a pris dix ans pour convaincre mon gérant de banque que ce que j'avais sur un mécanisme d'entraînement de bande magnétique de 1 600 BPI valait des centaines de milliers de dollars. Maintenant, 15 ans plus tard, les banques en viennent soudain à penser que, parce qu'elles ne peuvent pas prêter de l'argent aux secteurs d'activité traditionnels, elles pourraient commencer à financer les industries axées sur la connaissance. Ma bande magnétique de 1 600 BPI a sans doute été remplacée par un petit CD-ROM, ce qui prouve bien que les choses ont changé.

Rien ne démontre de façon irréfutable qu'elles doivent avoir une certaine taille pour être compétitives à l'échelle mondiale. Sur ce point, il y a deux courants de pensée. Lorsque nous avons demandé à certains directeurs de banque de dire au comité quelles transactions importantes ils n'avaient pu effectuer parce qu'ils n'avaient pas l'envergure nécessaire, ils ont répondu aucune. Les banques estiment que dans quatre ou cinq ans, elles vont être obligées de faire face à la concurrence. Toutefois, quand vous examinez les chiffres, même après les fusions—je ne veux pas aborder la question de la concentration de pouvoirs—elles ne se rangeront pas parmi les premières 20 grandes banques. Dans ces conditions, l'argument selon lequel il faut avoir une certaine envergure pour être compétitif à l'échelle mondiale est-il encore valide? Si oui, quelle est l'envergure que l'on doit viser?

Si l'on étudie le phénomène américain c'est-à-dire la fusion de quelque 9 000 ou 10 000 banques, on peut démontrer qu'à partir d'un certain niveau et d'une certaine taille, on atteint probablement le maximum pour ce qui est de tirer profit d'économies d'échelle. Autrement dit, avoir la plus grande envergure n'est pas la meilleure solution. Je pense que MacDonald's a très bien compris cela en adoptant le concept des franchises. Par conséquent, les banques sont-elles obligées de fusionner pour être compétitives à l'échelle mondiale? Si oui, j'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.

Deuxièmement, madame Jensen, puisque vous êtes dans ce secteur d'activité, un autre argument que les banques avancent est celui de la technologie. Elles dépensent environ 300 000 $ ou, si l'on considère les deux banques ensemble, 600 000 $, en R-D. C'est bien loin des milliards de dollars qui sont dépensés dans ce domaine aux États-Unis, même si nous sommes censés avoir ici, au Canada, un système de services financiers bien supérieur, et de loin. Ici, un chèque émis à un bout du pays peut être compensé le lendemain matin à l'autre bout, alors qu'aux États-Unis, cela prend quatre ou cinq jours. De quelle technologie les banques ont-elles besoin pour que cela les pousse à vouloir fusionner pour être compétitives à l'échelle mondiale?

Moi qui ai une longue expérience en la matière, je me souviens que dans les années 70 ou 80, j'étais en concurrence avec ma succursale bancaire pour la fourniture de services de paie. Les banques ont maintenant abandonné cette activité. Dans les années 70 ou 80, il en coûtait 1 ou 2 millions de dollars pour acheter un IBM 370 ou 360 afin de traiter la quantité de transactions que cela représentait. Maintenant, on peut le faire avec un petit IBM 486 ou 586. Peut-être que les banques ont trouvé que cette activité n'était pas aussi avantageuse que cela et elles l'ont abandonnée.

Il reste cependant que dans le passé, elles ont démontré que, grâce à des partenariats ou à l'impartition, par exemple, elles peuvent réaliser les économies d'échelle qu'elles souhaitent également. Finalement, sont-elles vraiment obligées de fusionner pour être compétitives ou utilisent-elles cet argument pour cacher ce qu'elles veulent vraiment, c'est-à-dire réaliser des économies d'échelle? Je pourrais facilement accepter cet argument: vous voulez fusionner parce que vous souhaitez réduire les coûts, et vous voulez réduire les coûts pour être plus compétitives et offrir des produits à des prix plus concurrentiels, etc. Mais n'allez pas me dire que vous voulez fusionner pour des raisons de concurrence, un argument qu'elles n'ont pas avancé.

• 1655

M. Glen Calkins: Si j'argumentais à leur place, je suppose que l'on me considérerait comme un lobbyiste et que je gagnerais beaucoup plus d'argent que je ne le fais actuellement. Je ne sais pas. J'ai toujours aspiré à faire carrière à Ottawa, mais pas aujourd'hui.

Il est difficile d'exprimer une opinion sur toutes ces questions. Je n'ai pas la compétence nécessaire dans ces domaines pour dire qu'une fusion bancaire est une bonne ou une mauvaise chose ni quel en est le motif. Je crois que le processus bancaire est en pleine évolution. À l'heure actuelle, tout évolue dans le monde. De mon point de vue, la taille modeste qu'ont les banques canadiennes à l'heure actuelle les met à la merci de ces énormes sociétés internationales qui n'ont même pas de bureau au Canada.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pouvez-vous me donner des exemples? Vous dites vous-même que vous avez été contacté par divers organismes.

M. Glen Calkins: Midland Walwyn a pris le contrôle de Merrill Lynch, et ce n'est qu'un exemple. Quant à Citibank et MBNA MasterCard, je reçois ces...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Peut-être que ces entreprises répondent à une demande du marché que les banques ont refusé de satisfaire. Je vais vous donner un exemple.

Le milieu des affaires réclame depuis des années la possibilité d'obtenir du financement, au point que les hommes d'affaires sont prêts à payer une prime pour cela. Le problème que pose la pratique traditionnelle en matière de prêt, c'est que lorsque le risque devient si élevé qu'il justifie l'imposition d'une prime de 3 p. 100 au-dessus du taux préférentiel, les banques ne veulent pas s'en mêler. Et maintenant, voilà que Wells Fargo arrive, animé des idées qui prévalent aux États-Unis, et déclare: «Très bien, nous n'avons pas besoin de construire un établissement quelconque, comme vous le prétendez. Nous allons offrir du financement aux petites entreprises, mais nous imposerons des taux de 6 ou 8 p. 100.» Les entreprises que je connais sont très heureuses d'avoir cet argent, parce qu'au moins, cela leur permet de poursuivre leurs activités. Dans le passé, elles n'avaient pas ce choix.

Je peux vous donner de nombreux exemples de cette sorte qui démontrent que les banques n'ont pas consenti de prêts aux entreprises des secteurs traditionnels, si bien qu'elles ont laissé ce segment du marché exposé à l'intervention de ce genre d'institution. Par exemple, au chapitre des cartes de crédit, lorsque vous êtes obligé de payer jusqu'à 100 $ par carte de crédit, juste pour devenir membre et qu'ensuite, on vous demande de verser des intérêts au taux de 15 à 19 p. 100, ce n'est pas étonnant. J'en ai reçu quatre, comme vous. Il y a un petit piège. La première année, le taux d'intérêt est de 9 p. 100 et après 12 mois, il monte à 15 p. 100. Toujours est-il que si les banques avaient mieux répondu aux demandes des divers secteurs, elles n'auraient pas encouragé ces institutions à pénétrer le marché et à y prendre pied.

M. Glen Calkins: Je pense qu'une partie du problème vient du fait que nous fonctionnons à la canadienne. Pendant longtemps, nous avons protégé nos institutions au Canada et à l'heure actuelle, peut-être que nous en payons un peu le prix.

Si j'essayais de vous démontrer aujourd'hui que Burger King et MacDonald's devraient fusionner, ce ne serait probablement pas un sujet de conversation très intéressant. Je ne sais pas si cela entraînerait nécessairement ces audiences et tout le reste. Mais parce qu'il s'agit des banques et que le gouvernement est si impliqué dans la vie des Canadiens, tout ce processus doit être mis en branle.

Je pense que les banques devraient être autorisées à aller de l'avant et à faire tout ce qu'elles estiment devoir faire pour survivre et réaliser des économies d'échelle. Je suis d'accord avec vous sur ce point. Les banques réaliseront des économies d'échelle; cela ne fait aucun doute. Mais peut-être est-il préférable qu'il y ait une succursale bancaire dans mon quartier plutôt que pas de banque du tout, ce qui arriverait si la concurrence américaine et internationale continue d'affaiblir le système bancaire canadien.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Jensen.

Mme Twyla Jensen: Je ne peux qu'abonder dans ce sens.

Pour revenir aux fusions, quand vous demandez quel en est le motif et si la technologie est en cause, je pense que les coûts de la mise à jour du matériel en vue de l'an 2000 ont probablement quelque chose à voir avec les fusions. Un grand nombre d'entreprises voient se profiler à un horizon de plus en plus proche les problèmes du passage à l'an 2000, ainsi que les milliers et les millions de dollars qu'elles doivent dépenser pour mettre leurs systèmes à jour.

Je pense qu'il y a de nombreux chevauchements dans les tâches à accomplir et qu'en fusionnant, deux banques peuvent réduire un grand nombre de coûts en limitant le nombre de ces tâches. Là encore, ce qui est en cause, c'est l'argent qui pourrait être mieux utilisé autrement, dans le cadre de nouvelles stratégies de commercialisation. C'est de l'argent qui pourrait être libéré et canalisé vers les petites entreprises.

• 1700

Si effectivement les banques investissent ou vont investir cet argent de manière à réduire les commissions acquittées par les petites entreprises...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je ne les ai pas entendues prendre cet engagement. Et vous?

Mme Twyla Jensen: Si, je l'ai entendu.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Quelle banque a dit cela?

Mme Twyla Jensen: La Banque Royale, et la Banque TD l'a également affirmé.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Elles ont déclaré qu'elles réduiraient les commissions?

Mme Twyla Jensen: Elles ont dit qu'elles cherchaient un moyen de réduire les commissions versées par les petites entreprises, pas de les supprimer. Elles ont déclaré que grâce à la fusion, elles pourraient libérer suffisamment d'argent pour faciliter à nouveau les prêts aux petites entreprises.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Quel est le montant des commissions mensuelles versées par votre petite entreprise?

Mme Twyla Jensen: Je paie probablement à peu près 120 $ par mois. Et je serais ravie de voir ces frais baisser.

Mais là n'est pas non plus véritablement la question. Je pense qu'il faudra toujours acquitter des frais bancaires, qu'ils existeront toujours. Je transige avec un grand nombre d'organismes gouvernementaux qui utilisent des cartes de crédit. Ce ne sont pas des cartes de crédit de banques canadiennes. Ces organismes utilisent des cartes de crédit de banques américaines, avec lesquelles ils ont sans doute négocié des conditions avantageuses.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais comment les fusions leur permettront-elles de rivaliser dans ce domaine? Avant tout, n'est-ce pas une question de sensibilité au prix?

Mme Twyla Jensen: Je pense qu'une fois débarrassées des tâches superflues, des doubles emplois, il leur restera plus d'argent à réinvestir dans l'économie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): N'est-ce pas simplement un mot code signifiant pertes d'emplois? Combien d'emplois risquent de disparaître si les banques fusionnent?

Mme Twyla Jensen: Je sais qu'à entendre les employés de la Banque TD—encore une fois, c'est simplement ce que j'ai entendu lors de conversations que j'ai eues avec eux—beaucoup ont peur de perdre leur emploi, parce qu'on a annoncé que beaucoup d'emplois disparaîtraient à la suite de la fusion entre la Banque TD et la CIBC.

La Banque Royale et la Banque de Montréal prétendent qu'il n'y aura pas de pertes d'emplois, que toutes les succursales resteront ouvertes et qu'elles vont utiliser à plein toutes leurs installations.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Quelle importance accorderiez-vous à ce facteur si vous étiez à ma place? Quel poids devrions-nous donner à cela au moment où nous prendrons notre décision?

Mme Twyla Jensen: Je pense qu'il s'agit d'un facteur très important. Mais les temps ont changé et nous devons nous adapter. Le Canada doit se préparer à entrer dans le nouveau millénaire, et cela nécessite des changements. Si nous stagnons, si nous ne faisons rien pour stimuler notre économie, il y aura des pertes d'emplois d'une façon ou d'une autre.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Très bien.

Je pourrais continuer. Vous voulez prendre la relève?

M. Gerry Ritz: Je me demande simplement comment la fusion des banques pourrait donner un coup de fouet à l'économie.

Mme Twyla Jensen: Je crois que grâce à leur fusion, on constatera éventuellement une augmentation des recettes. Je le répète, je pense que l'on est en présence de deux banques qui dépensent environ 1 million de dollars par an pour accomplir les mêmes tâches. En fusionnant et en fonctionnant avec une seule et même caisse, elles libéreront de l'argent qu'elles pourront investir ce qui augmentera leur profitabilité, et elles pourront s'associer à des entreprises américaines pour pénétrer de nouveaux marchés internationaux.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Y a-t-il des conditions que vous aimeriez voir imposer dans le cadre des éventuelles fusions, en ce qui concerne les prêts aux petites entreprises, par exemple? Avez-vous tous deux des préoccupations communes?

Mme Twyla Jensen: Je serais ravie qu'elles se montrent plus souples et qu'elles prennent un peu plus de risques vis-à-vis les petites entreprises. J'ai fait beaucoup de mentorat et je collabore avec un grand nombre de groupes d'entrepreneurs. Une des choses dont ils se plaignent le plus est la difficulté d'obtenir un soutien des banques pendant la phase de démarrage des petites entreprises.

Si la fusion se réalise, le gouvernement pourra peut-être mettre en place une forme de réglementation axée sur les entreprises canadiennes, les Canadiens et la perspective canadienne, une réglementation qui ressemblerait à celle qu'est chargé d'administrer le CRTC pour protéger les consommateurs canadiens.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Les banques prétendront qu'elles ont déjà un système en place, à savoir un ombudsman. Avez-vous jamais fait appel à ses services?

M. Glen Calkins: Je m'adresse à vous, en l'occurrence, à titre tout à fait personnel, en tant que citoyen canadien. Pour vous répondre, je pense que si le feu vert est accordé, il serait prudent d'instituer des contrôles pendant la période de transition. J'avoue être quelque peu préoccupé. La position qu'adopte le gouvernement à propos de cette fusion bancaire me semble un peu affectée. Pour M. Martin et pour tout le monde, il semble s'agir d'une question plutôt politique. Et je pense...

Le vice-président (M. Nick Discepola): M. MacKay l'a prétendu lui-même. «Quant tout est dit, le feu est à l'orange, mais il s'agit d'une décision politique». Je crois le citer correctement.

M. Glen Calkins: Il y a des considérations politiques. Vous parlez de pertes d'emplois. Évidemment, ce n'est pas une bonne chose. Je ne pense pas que les gens devraient avoir peur de perdre leurs emplois, car dans la plupart des cas, ces emplois ont souvent été remplacés par de meilleurs postes au Canada.

• 1705

La concurrence rend le Canada plus fort. Je pense que le pays est affaibli par les contrôles et les réglementations gouvernementales. C'est ce que l'on constate dans les Maritimes. On le voit dans la province du Nouveau-Brunswick. Cette province se porte mieux aujourd'hui que cela n'a été le cas depuis longtemps, car les crédits gouvernementaux sont moins nombreux et on laisse une plus grande latitude aux gens pour prendre des initiatives et découvrir de nouveaux marchés et d'autres débouchés pour les produits qu'ils vendent.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Qu'est-ce que cela apportera aux Canadiens?

M. Glen Calkins: Qu'est-ce que la fusion des banques apportera aux Canadiens?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Oui.

M. Glen Calkins: Vous n'allez pas vous réveiller demain matin et découvrir un monde meilleur parce que les banques ont fusionné. Comme je l'ai dit au début, ce n'est pas vraiment ce que je prétends. Je dis simplement que les banques doivent évoluer comme toutes les autres entreprises et que si elles considèrent que les fusions sont dans leur meilleur intérêt, on devrait permettre que cela se fasse à moins que le gouvernement puisse avancer une raison des plus convaincantes—et il faudrait qu'elle soit des plus convaincantes—pour démontrer que la chose ne devrait pas se faire et que ce serait néfaste pour le pays; or, je n'ai rien entendu de la sorte. Vous pouvez dire que les banques n'ont pas avancé d'arguments suffisamment convaincants pour que vous puissiez savoir exactement quoi faire, mais pour ma part, rien de ce qu'a dit le gouvernement ne semble indiquer que cela ruinera le Canada.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous écoute Gerry.

M. Gerry Ritz: J'aimerais simplement faire remarquer une chose. Vous parlez de la ruine du Canada. Le Bureau de la concurrence prétend qu'en vertu de ses règlements actuels—à moins qu'on ne les change à cause de ces fusions—entre 1 000 et 1 100 succursales bancaires vont fermer suite à un nouveau partage du marché, entre autres. Il s'agit donc d'un formidable recul qui aurait des conséquences indéniables pour la population.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il y aura des fermetures de succursales.

M. Glen Calkins: Aucun doute là-dessus.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il y aura des pertes d'emplois. On assistera à une concentration de pouvoirs. À elles seules, les deux banques impliquées dans la fusion envisagée détiendront environ 60 p. 100 du marché. Laissons de côté le modèle du franchisage, mais si toutes les compagnies de pétrole étaient regroupées en une seule, cela vous inquiéterait-il?

M. Glen Calkins: Non, car cela ne ferait pas de différence au niveau des prix. Il n'existe pas de concurrence actuellement. Cela ne signifie rien, quant à moi, de dire que les choses seraient différentes s'il y avait une seule compagnie. Je crois que c'était la politique ou la plate-forme électorale du gouvernement libéral il y a plusieurs années, quand fut créé Petro-Canada.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Si MacKay avait déclaré que l'on devrait permettre aux banques d'entrer dans le secteur des logiciels, le secteur des équipements informatiques, le secteur de l'Internet ou dans le franchisage, où devrait-on s'arrêter? Vous savez ce qui se passerait: les banques finiraient par entrer dans le secteur des pompes funèbres.

M. Glen Calkins: Je pense qu'on pourrait s'amuser au jeu des «si» pendant longtemps. Je prends beaucoup de plaisir à notre conversation. Je suis heureux de pouvoir dialoguer avec vous.

Je ne pense pas que les gens devraient avoir peur. C'est l'une des choses dont je m'enorgueillis. J'étais propriétaire d'un restaurant en Alberta et j'ai déménagé toute ma famille à Saint John, où j'ai acheté sept restaurants et où il y a beaucoup de travail en perspective. Nous perdons de l'argent en ce moment, mais j'ai la ferme intention de renverser la vapeur. Voilà l'état d'esprit qui doit animer les Canadiens. Nous devons nous montrer plus forts. Nous devons avoir plus confiance dans nos capacités.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais on ne peut pas toujours comparer avec les autres secteurs, comme vous l'avez fait. Je me demande si des comparaisons se justifient. Je m'explique.

Premièrement, les banques jouissent d'un statut très privilégié. Elles sont seules à être autorisées à prendre l'argent des Canadiens à un taux provincial, habituellement de 3 p. 100, et à le prêter à deux fois ce taux. Elles disposent d'un énorme montant d'argent qu'elles tentent de placer ailleurs. C'est pourquoi j'ai certaines appréhensions en tant que Canadien, indépendamment de la concurrence ou de l'absence de concurrence. Après avoir essuyé un refus de la part de la Banque Royale, j'ai pu m'adresser à la CIBC et obtenir mon prêt. Si les deux banques fusionnent, je me demande si cette possibilité continuera d'exister.

Voilà le genre de chose qui me préoccupe. Les banques bénéficient d'une franchise privilégiée au Canada, une franchise qui leur est accordée par le gouvernement et indirectement, par les Canadiens. Il s'ensuit non seulement une responsabilité sociale, mais aussi une responsabilité fiduciaire.

Nous connaissons tous les deux le concept selon lequel certains établissements sont trop importants pour faire faillite: sachant que d'une façon ou d'une autre le système, que ce soit le système international ou les Canadiens, viendra à leur rescousse, les banques prendront un peu plus de risques quand elles prêteront cet argent, sachant qu'on ne les laissera pas déposer leur bilan. Pire encore, si on laissait faire, en tant que législateur je préférais de beaucoup qu'il y ait six banques et qu'il y en ait une qui fasse faillite, Dieu nous en protège, plutôt que d'être témoin de deux ou trois méga faillites. Et puis qui les renflouerait en fin de compte? Les contribuables canadiens. Car il faudrait éventuellement, comme on l'a fait dans le cas d'une des banques albertaines à un moment donné, les renflouer.

• 1710

Faudrait-il par conséquent changer les règles si on les laisse fusionner? Devrait-on considérer la règle des 10 p. 100? Devrait-on envisager l'assurance-dépôts par exemple? Devrait-on augmenter les réserves sur 10 ou 20 ans, de manière à ce que les banques, bénéficiant de ce statut privilégié, assument une plus grande part de responsabilités afin qu'une éventuelle faillite ne retombe pas sur les Canadiens?

M. Glen Calkins: Votre situation est difficile. Je ne voudrais pas avoir à prendre la décision que vous devrez prendre en fin de compte. Toutefois, le gouvernement a mis le processus en marche et c'est probablement ce qui pose problème. À cause de cela, l'aspect politique du projet, comme vous venez de le montrer, prend beaucoup d'importance—je parle de la protection de la population canadienne. Nous disposons actuellement d'un système qui a été mis en place par le gouvernement, qui est réglementé par le gouvernement. Je pense que nous faisons face à des problèmes de croissance. Nous tentons de nous passer le plus possible du gouvernement dans notre vie, mais c'est difficile, et je le comprends. Je pense bien sûr qu'il devrait exister des formes de protection pour les consommateurs ou les hommes d'affaires comme moi.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Même si nous connaissons des problèmes de croissance, il s'agit d'un des systèmes les plus respectés du monde. Même les Américains prétendent que nous avons des années lumières d'avance sur eux.

M. Glen Calkins: Oh non, je n'abandonnerais le Canada pour rien au monde, cela ne fait pas de doute. Mais je pense qu'il faut permettre aux situations d'évoluer. Si ces établissements d'importance majeure souhaitent procéder de la sorte, je trouve que leur désir devrait être respecté. Je trouve que le rôle du gouvernement est de faire en sorte que la population canadienne soit protégée tout au long du processus.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Jensen.

Mme Twyla Jensen: Je suppose que la question que j'aimerais poser est celle-ci: qu'arriverait-il si la fusion de ces établissements ne se réalisait pas? Dans quelle situation se retrouveraient les banques canadiennes?

Le vice-président (M. Nick Discepola): À court terme, nulle part, je suppose, bien que des changements interviendraient...

Mme Twyla Jensen: À long terme. On est déjà dans le court terme.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est au long terme que nous essayons de nous intéresser. Malheureusement, nous nous occupons trop et presque exclusivement d'un seul aspect de la question, à savoir les fusions, plutôt que d'examiner comment on pourrait mettre en place un secteur des services financiers très compétitif, aussi compétitif qu'actuellement, aussi dynamique qu'actuellement et du même calibre international qu'il l'est actuellement, et toujours canadien—un système qui continuerait d'appartenir en propre au Canada.

Mme Twyla Jensen: Oui. Je ne peux pas parler pour vous, mais je préfère mettre mon argent dans une banque que je sais rentable et dont l'avenir est assuré.

M. Glen Calkins: Et en plus, une banque canadienne.

Mme Twyla Jensen: Oui, une banque canadienne, en plus.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Eh bien, je pensais la même chose quand je voyais les actions d'IBM à 370 $: j'aurais voulu pouvoir en acheter. Mais comme on peut le voir, on n'est jamais trop grand pour être à l'abri de déboires.

Mme Twyla Jensen: Encore là, IBM a stagné pendant longtemps. Ils avaient mis un produit sur le marché et cultivé l'exclusivité. Nous devons évoluer. Ils ont essayé d'inonder leur part du marché, et comme ils se sont entêtés trop longtemps, ils ont fini par perdre.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Ritz.

M. Gerry Ritz: Vous avez fait allusion à un moment donné, madame Jensen, à un système semblable à celui du CRTC pour les banques. Nous possédons déjà au Canada des structures qui sont relativement uniques. Il y a le Bureau du surintendant des institutions financières, qui est plutôt unique. Il y a aussi l'ombudsman bancaire canadien, ainsi qu'un ombudsman pour chacune des banques. Il y a donc déjà en place quelques éléments de ce dont vous parlez.

Mme Twyla Jensen: Et quand ont-ils été conçus?

M. Gerry Ritz: Quand?

Mme Twyla Jensen: Quel âge ont-ils?

M. Gerry Ritz: Pas si vieux que ça.

Mme Twyla Jensen: Bon. Pas si vieux que ça...?

M. Gerry Ritz: Je ne sais pas.

Mme Twyla Jensen: Ils ont cinq ans, dix ans ou vingt ans? Ils ont été mis en place Dans les années 70?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Le CRTC existe depuis pas mal de temps. Je ne pense pas que vous voulez... Ce n'est pas une très bonne comparaison, selon moi, de prendre l'exemple du CRTC. Il octroie surtout des licences...

M. Gerry Ritz: Vous parlez de l'engagement des banques au niveau communautaire et des achats forcés.

Mme Twyla Jensen: Eh bien, ce qui m'intéresse, c'est le fait que nous allons entrer dans un nouveau millénaire. Il existe un grand nombre de politiques anciennes, en vigueur depuis de nombreuses années, qui ont été élaborées il y a fort longtemps. Les choses ont beaucoup changé. Notre économie a changé. Les gens ont changé. Nos besoins, nos exigences ont changé. Je pense que d'une certaine façon, un grand nombre de ces politiques doivent être changées également, que les règlements doivent changer.

Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aimerais vous poser une dernière question, vu que vous êtes bien informée sur l'industrie, que vous avez mentionné le sujet, et que vous êtes l'un des rares témoins à l'avoir soulevé. Approuveriez-vous la fusion de deux entreprises ayant des systèmes informatiques différents avant l'an 2000, sans aucun plan de mise en oeuvre, ou préféreriez-vous attendre et leur dire de commencer par procéder à leur conversion en vue de l'an 2000 et ensuite de revenir vous voir avec un projet de fusion?

• 1715

Mme Twyla Jensen: S'il y avait une autre compagnie—disons que je possède une grosse entreprise et qu'il me manque quelques millions de dollars pour être prête l'an 2000 mais que l'autre compagnie dispose...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Tel n'est pas le cas.

Mme Twyla Jensen: Évidemment, mais si nous fusionnons afin de disposer d'un système plus fort et d'être prêts à aborder l'an 2000 ensemble, je pense que je préférerais de beaucoup que la fusion se fasse avant l'an 2000 plutôt que d'attendre, d'essayer de régler les problèmes informatiques ultérieurement et de dépenser plus d'argent pour faire l'acquisition de deux systèmes...

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est là où nous différons d'opinion. Je ne prendrais pas l'avion, je ne bougerais pas de chez moi, et je vais maintenant m'assurer que mon relevé de compte bancaire est imprimé juste avant minuit 1999.

M. Glen Calkins: Je vais retirer tout l'argent de mon compte bancaire.

M. Gerry Ritz: Je pense que les banques elles-mêmes reconnaissent qu'elles ne peuvent pas le faire avant l'an 2000 de toute façon.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je voudrais vous remercier tous les deux d'avoir partagé avec nous vos points de vue et vos suggestions. Comme vous pouvez le voir, la décision est malheureusement trop centrée sur le problème des fusions; la question est en fait beaucoup plus vaste.

Mme Twyla Jensen: Je pense qu'il est absolument nécessaire d'avoir plus d'information.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Oui, et nous allons prendre notre temps. Le comité va poursuivre ses audiences. Je pense maintenant que nous n'allons pas remettre notre rapport en décembre. À ce moment là, nous déposerons un rapport sur les consultations prébudgétaires que nous avons tenues plus tôt aujourd'hui, mais en ce qui concerne les recommandations du rapport MacKay, nous allons prendre notre temps, jusqu'en mars. Je crois que c'est ce que le comité a décidé. Nous avons par conséquent encore beaucoup de temps pour transmettre nos recommandations au gouvernement canadien.

Si vous vouliez ajouter quoi que ce soit d'autre, nous vous encourageons à communiquer avec le greffier du Comité permanent de la Chambre des communes et nous ferons en sorte que...

Oui, monsieur Calkins.

M. Glen Calkins: J'aimerais vous demander quel est exactement votre mandat?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il est vraiment vaste. Malheureusement, quand nous nous déplaçons d'une ville à l'autre, et ce n'est pas vraiment différent dans l'Ouest, il y a deux champs d'intérêt. Avant tout, les gens défendent leurs intérêts, ce qui est normal. J'étais quelque peu facétieux tout à l'heure, mais si MacKay avait dit: nous voulons que les banques se lancent dans les services de paie, la comptabilité, les services de comptes à percevoir, etc., et que vous apparteniez à une de ces industries, vous ne vous exprimeriez certainement pas avec autant de conviction que vous le faites maintenant.

Il est normal que les gens défendent leurs intérêts, comme on l'a vu. Malheureusement, cela a détourné l'attention de la question qui devrait avoir le plus d'importance. Nous devrions faire preuve de plus de prévoyance dans notre approche et nous demander comment procéder, comme je l'ai dit tout à l'heure, pour préserver un secteur des services financiers de classe mondiale, qui a des kilomètres et des années lumières d'avance sur les autres. On pourra alors garder ici quelques-uns des meilleurs professionnels qui nous quittent pour d'autres régions—la fuite des cerveaux—les spécialistes en informatique, les scientifiques, les experts de tous ordres qui émigrent. Malheureusement, nous nous concentrons trop étroitement sur certains problèmes. On ne devrait pas, mais c'est ainsi.

Je pense qu'à l'heure actuelle, notre mandat est très vaste. Il recouvre tout; nous n'avons vraiment aucune restriction à respecter. Bien entendu, il faut que nous transmettions au ministre des Finances nos recommandations à propos des 124 propositions formulées par le Groupe de travail MacKay, et c'est un excellent point de départ. Malheureusement—et c'est mon opinion personnelle, pas celle de mon gouvernement—je pense que M. MacKay n'a pas vidé la question. Il a passé 18 mois à l'étudier et disposait de plus de ressources que notre comité en aura jamais. Il aurait dû formuler des recommandations plus tranchées. Il a choisi de laisser ce rôle aux hommes politiques, au bout du compte. Peut-être est-ce effectivement leur rôle car, en bout de ligne, ce sont les Canadiens qui décideront. Mais notre mandat est très large; il n'est limité d'aucune façon.

M. Glen Calkins: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci encore.

J'aimerais maintenant lever la séance. Demain, nous nous réunissons à l'Île-du-Prince-Édouard.