FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 30 octobre 1997
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tout le monde.
Conformément à l'article 83.1, le Comité des finances tient des audiences dans le cadre des consultations prébudgétaires. C'est ce que nous avons fait aux quatre coins du pays et nous sommes maintenant de retour à Ottawa pour entendre un grand nombre d'autres groupes et de personnes.
Comme vous le savez, nous entamons une nouvelle ère pour ce qui est de notre situation budgétaire, une ère pleine de défis et de choix, et nous aurons des décisions à prendre quant aux meilleures mesures qui apporteront des changements positifs dans la vie des Canadiens, les mesures qui doivent être prises dans le prochain budget.
Les témoins disposent de cinq à dix minutes pour faire le survol des principaux points qu'ils désirent aborder, après quoi nous passerons aux questions.
Nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de l'Association canadienne des professionnels de la vente, M. Terry Ruffell, président et Jack Shand, président, de la l'Association canadienne de cadeaux et d'accessoires de table. M. Dale Orr, économiste, comparaît également à titre personnel.
Messieurs, vous êtes les bienvenus. Nous commencerons par les représentants de l'Association canadienne des professionnels de la vente, M. Ruffell et M. Shand.
M. Terry Ruffell (président, Association canadienne des professionnels de la vente): Monsieur le président, Jack et moi-même sommes ici pour représenter deux associations. Nous avons également travaillé avec un certain nombre d'autres organismes et c'est donc une opinion collective que nous vous présentons. Notre groupe comprend l'Association canadienne des fabricants de produits de quincaillerie et d'articles ménagers, l'Association canadienne des produits de bureau et le Conseil canadien des détaillants de matériaux de construction.
Si possible, je voudrais que le compte rendu de cette réunion mentionne que Jack et moi parlons au nom de cinq organismes. Nous avons été élus.
Nous vous recommandons la lecture de notre mémoire prébudgétaire intégral, un mémoire assez complet que nous avons apporté et que nous allons déposer, mais nous limiterons nos observations d'aujourd'hui aux questions qui nous été soumises.
J'ai quelques observations générales à formuler. Notre regroupement représente tous les aspects de l'économie canadienne, aussi bien les fabricants que les grossistes, les détaillants, les importateurs et les exportateurs. Non seulement nos membres sont situés dans les circonscriptions de tous les membres du comité permanent, mais également dans toutes les circonscriptions fédérales du Canada.
Enfin, nos organisations comptent un grand nombre de grosses entreprises, mais la majorité d'entre elles sont des PME.
Au nom des cinq associations qui nous parrainent et de leurs milliers de membres des diverses régions du pays, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Je sais que vous avez eu un horaire très chargé.
Nous espérons, Jack et moi, que les trois autres membres de notre regroupement pourront un jour se joindre à nous.
Cela dit, monsieur le président, je voudrais demander à Jack Shand de vous parler quelques minutes.
M. Jack Shand (président, Association canadienne de cadeaux et d'accessoires de table): Nous savons que le comité permanent désire centrer son attention sur les trois questions que le ministre des Finances lui a récemment soumises. Suivant vos instructions, nous avons préparé un résumé d'une seule page de nos opinions sur ces questions, en anglais et en français.
Si vous avez besoin de renseignements complémentaires au sujet de nos réponses, le texte qui commence à la page 26 de notre mémoire prébudgétaire fournit davantage de détails.
Je tiens à vous dire que les questions soulevées sur la page que nous avons préparée à votre intention reflètent la teneur de notre mémoire prébudgétaire et je me joins à Terry pour vous demander de bien vouloir examiner le contenu total de ce mémoire.
Nous reconnaissons que certaines de nos recommandations peuvent être jugées assez radicales. Nous croyons toutefois que le temps est venu pour le comité permanent d'examiner d'autres façons de stimuler l'économie. Étant donné qu'un allégement fiscal général ne semble pas s'annoncer pour l'exercice 1998-1999, la nécessité d'adopter d'autres méthodes pour prolonger la relance économique actuelle devrait être évidente.
• 1305
Également, les façons traditionnelles de s'attaquer au chômage
ne semblent pas porter leurs fruits malgré les gains
impressionnants réalisés cette année sur le plan de la création
d'emplois. Le taux de chômage chez les jeunes, notamment, a de quoi
nous inquiéter tous. Voilà pourquoi notre regroupement soutien
énergiquement le concept d'un programme national de mentorat qui
reposerait sur un véritable partenariat entre le secteur privé et
le secteur public.
Je vous remercie de votre attention. C'est avec plaisir que nous participerons, Terry et moi, à la table ronde de cet après-midi.
Le président: C'est tout ce que vous aviez à dire?
M. Jack Shand: Oui, monsieur.
Le président: Merci.
Monsieur Orr.
M. Dale Orr (présentation à titre personnel): Merci. Je suis Dale Orr, consultant en économie, et je me réjouis d'être ici pour vous faire part de mes opinions sur les questions dont le comité est saisi.
Pour ce qui est de la première question, celle qui concerne les hypothèses économiques, j'estime que le ministre et le ministère des Finances accomplissent un travail tout à fait remarquable pour ce qui est de leurs prévisions économiques et de leurs hypothèses. J'espère qu'ils pourront continuer à faire du bon travail.
La deuxième question concernant les investissements stratégiques demande ce qui permettrait le mieux au gouvernement de réaliser ses priorités. La troisième demande quelle est la meilleure façon dont le gouvernement peut venir en aide aux Canadiens. Si les discussions de ce comité sont centrées sur ces questions, formulées en ces termes, cela amènera inévitablement ceux pour qui le coût de l'appareil gouvernemental n'est pas un aspect essentiel et qui ne sauront jamais vraiment qui va payer la note, à présenter toute une liste de desiderata.
Au lieu de se contenter de recueillir une liste de desiderata, votre comité devrait demander aux Canadiens ce qu'ils feraient si le gouvernement réduisait le niveau d'imposition. Le gouvernement, de même que le public, pourrait alors comparer les deux choix soit le grossissement de l'appareil gouvernemental, d'une part, et de l'autre, une plus grande liberté individuelle de dépenser. Les Canadiens et leurs gouvernements pourraient alors faire un choix plus éclairé quant à la taille optimale du gouvernement et au niveau d'imposition qui convient.
En réponse aux questions 2 et 3, je recommande au gouvernement de s'engager davantage à réduire la dette dans son plan de répartition du dividende budgétaire et à réduire nettement les cotisations d'assurance-emploi, ce qui entraînera une croissance de l'emploi et des revenus, surtout pour les petits salariés. Enfin, le gouvernement devrait communiquer les coûts et avantages du gouvernement avec plus de soin et de précision. Par exemple, la définition du dividende budgétaire donnée dans l'énoncé économique du 15 octobre était formulée en ces termes:
-
Le gouvernement consacrera le dividende budgétaire à peu près pour
moitié à la satisfaction des besoins économiques et sociaux
prioritaires du pays et, pour le reste, à des réductions d'impôt et
au remboursement de la dette...
Selon cette définition, l'augmentation des dépenses publiques doit servir à répondre aux besoins économiques et sociaux, mais pas la réduction des impôts et de la dette. À cette étape de notre histoire économique et budgétaire, il est probable que l'allégement des impôts et la réduction de la dette répondront mieux à nos besoins économiques et sociaux à long terme qu'un grand nombre des programmes que le gouvernement pourrait subventionner. Encore une fois, le gouvernement veut ramener les Canadiens à l'époque des dépenses gouvernementales excessives.
J'ai déposé un document intitulé The Benefits and Costs of Government. Vous en avez un résumé d'une page sous les yeux. Si vous voulez des exemplaires du document complet, vous en trouverez sur la table. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Orr. Je voudrais également remercier M. Shand et M. Ruffell. Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur McNally.
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci de votre exposé. Je reconnais que nous nous trouvons devant deux idéologies différentes quant à l'utilisation de l'argent des impôts et sa répartition entre les programmes. Vous avez présenté d'excellents arguments.
Je ne pense pas qu'il soit trop radical de suggérer des mesures de rechange. C'est un débat qui doit avoir lieu au Canada, que de nombreux Canadiens réclament et que le gouvernement doit tenir. C'est une question idéologique et je crois que vous avez parfaitement cerné le problème, surtout M. Orr. Voulons-nous avoir un plus gros appareil étatique, ce qui alourdira les impôts et les dépenses publiques ou voulons-nous un gouvernement qui cherchera une autre façon de stimuler l'économie en abaissant les impôts et en créant ainsi un climat économique positif?
• 1310
Je demanderais à M. Orr—ainsi qu'aux autres messieurs—comment ce
message pourrait être retransmis par le milieu des
affaires et dans vos sphères d'influence. Est-ce l'opinion dont vos
associés vous font part? Comment pouvons-nous inciter le
gouvernement à se lancer dans ce débat avec les Canadiens?
M. Dale Orr: Je vais faire une suggestion. Nous nous trouvons devant un dilemme depuis toujours, ou du moins depuis 25 ans. Lorsque les politiciens s'assoient autour d'une table et décident d'accorder des déductions d'impôt ou d'envoyer les députés annoncer dans leur circonscription une subvention pour une nouvelle usine, un nouvel immeuble, ou autre chose, c'est toujours aux dépens des réductions d'impôt et des économies que les contribuables pourraient réaliser. Voilà pourquoi nous avons une dette de 600 millions de dollars.
Le problème n'est pas facile à résoudre, mais voici ce que j'ai à dire. Lorsqu'un député se rend dans sa circonscription pour annoncer des dépenses, il devrait préciser qu'autrement il aurait pu réduire les impôts afin que ses concitoyens sachent que c'était une autre possibilité. C'est leur argent qu'il dépense et si les gens préfèrent obtenir une réduction d'impôt, il faudrait qu'ils le lui fassent savoir.
M. Terry Ruffell: Vous avez demandé quelles sont les opinions que nous entendons. L'été dernier, nous avons fait un sondage auprès de nos membres et je peux donc vous parler un peu de leur réaction.
Premièrement, on s'entend généralement à dire que la réduction du déficit et de la dette nationale est sans doute une bonne chose. Quand nous avons fait ce sondage, je peux vous dire que nos membres voulaient qu'on ne perde pas de vue la réduction du déficit et qu'on s'attaque, du moins en partie, à la dette nationale. Nous leur avons proposé le choix—cela peut être intéressant—entre des réductions d'impôt immédiates et les deux autres questions. Je peux vous dire que la majorité d'entre eux souhaitaient que l'on renverse la situation financière et que l'on s'occupe du dividende un peu plus tard. La réaction de nos membres est certainement que maintenant que nous approchons du but, ils sont d'accord avec vous.
M. Jack Shand: Je dirais certainement la même chose. Le milieu des affaires estime que le rôle du gouvernement consiste à créer un climat propice. C'est le cas, par exemple, pour la création d'emplois. C'est le secteur privé qui crée des emplois. Le gouvernement a pour rôle de créer un climat propice et des incitatifs pour que cet objectif soit atteint. Comme nous le disons dans notre mémoire, même si nous reconnaissons l'importance de réduire les niveaux d'imposition et si nous nous opposons à toute forme de hausse d'impôt, il y a d'autres mesures qui n'auront pas des effets spectaculaires sur les revenus du pays, mais qui contribueront largement à stimuler l'économie.
M. Terry Ruffell: Peut-être avons-nous également une autre option. Nous en parlons dans notre mémoire et il s'agit du «partenariat». Je ne sais pas s'il faut choisir entre l'un ou l'autre, mais il y a des possibilités. Elles ont été exploitées très efficacement au sein de notre organisme. Il y a effectivement un partenariat entre le gouvernement, le milieu des affaires, les provinces et le secteur de l'éducation. Les possibilités de partenariat offrent d'énormes débouchés.
M. Grant McNally: Je poserai une dernière question au sujet de l'augmentation des cotisations au RPC. Vous-même et les personnes avec qui vous êtes en contact considérez-vous les déductions supplémentaires comme une forme d'impôt sur la masse salariale?
M. Terry Ruffell: Je sais que notre mémoire n'en parlait pas directement, mais Jack y a fait allusion. On a certainement soutiré des hausses d'impôt énormes à l'économie depuis quelques années.
• 1315
M. Orr pourra peut-être parler des chiffres que nous avons vus
et qui traduisent une augmentation d'environ 25 p. 100 des recettes
fiscales depuis quelques années. Lorsque le gouvernement continue
à soutirer plus d'argent à l'économie, que ce soit par l'entremise
du RPC ou de cotisations d'assurance-chômage très élevées, c'est
une question de choix. Si l'argent va au gouvernement, on ne
choisit certainement pas la voie de la formation et de la création
d'emplois.
Nous n'en avons pas parlé directement, mais Jack y a fait allusion. Toute nouvelle hausse d'impôt fera du tort à l'économie et nuira certainement à la croissance.
Le président: Merci, monsieur Ruffell et merci, monsieur McNally.
M. Orr voudrait ajouter quelque chose.
M. Dale Orr: Je crois que les gens considèrent le RPC comme un impôt sur la masse salariale, tout comme l'assurance-emploi, mais les gens sont beaucoup moins scandalisés par l'augmentation des cotisations au RPC et cela pour deux raisons. Premièrement, ils s'attendent à récupérer cet argent. Deuxièmement, cela n'a pas les effets pervers des cotisations d'assurance-emploi. Autrement dit, les cotisations d'assurance-emploi sont seulement perçues sur les premiers 39 000 $ de revenu et représentent un fardeau plus lourd pour les petits salariés.
De plus, si vous comparez le RPC à l'assurance-emploi en tant qu'impôt sur la masse salariale, bien des gens ne comprennent pas qu'au niveau actuel des cotisations d'assurance-emploi, quand vous payez un dollar en cotisations, 75c. servent à couvrir le coût des prestations. Sur ce dollar, 25c. représentent une surtaxe pour la réduction du déficit.
Par conséquent, ce sont des impôts sur la masse salariale dans les deux cas, mais les gens qui essaient de comprendre la situation les voient d'un oeil assez différent.
Le président: Merci, monsieur Orr.
Monsieur Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci, monsieur le président.
Dale, vous venez de faire une observation intéressante sur la différence que les gens voient entre l'assurance-emploi et le RPC. C'est la première fois que j'entends ce genre de définition et cela me semble intéressant.
Quant à ce que vous avez dit quant à la façon dont les élus devraient répondre à leurs commettants, je ne sais pas si vous participez activement aux élections, mais les électeurs nous demandent presque tous ce que nous pouvons faire pour eux. C'est difficile quand on est néo-démocrate, car les gens savent que nous ne formerons pas le gouvernement. Ils demandent donc pourquoi ils doivent voter pour moi, pourquoi ils ne doivent pas voter libéral maintenant ou conservateur avant, à l'époque où ils pouvaient obtenir certaines choses. Ils veulent obtenir quelque chose, des usines, etc. et c'est très sélectif.
Une voix: L'Ontario a voté pour Bob Rae.
M. Nelson Riis: Cela pose donc un problème. Cette mentalité existe encore, car les gens s'attendent à ce qu'on leur donne du concret. Je ne vois pas comment nous pourrons dépasser ce stade. Quoi qu'il en soit, je ne promets rien. Je ne peux pas, mais je suis quand même réélu; alors je crois que certains espoirs sont permis.
Quoi qu'il en soit, messieurs, vos exposés étaient excellents et il est difficile de formuler de véritables critiques. J'aime la suggestion d'autoriser la déduction des paiements hypothécaires ou des intérêts. J'ignore combien cela coûterait, mais il s'agit certainement d'une initiative très attrayante. Ce serait utile.
La question que je pose à vous tous est la suivante. En écoutant les témoins, comme nous le faisons depuis de nombreuses semaines, nous avons été sidérés de voir le nombre de gens qui nous ont adressé un message totalement différent. Je pense notamment à ceux qui représentaient les sans-abri de Toronto et qui nous ont décrit ces motels et hôtels remplis de personnes expulsées et qui se retrouvent sans toit. Il y a au Canada des milliers de familles dans cette situation et je ne parle pas de vagabonds, mais de familles. Les défenseurs ou les porte-parole des groupes anti-pauvreté nous vident que des centaines de milliers de Canadiens vivent dans le plus total dénuement, sans espoir de trouver un emploi. Le chômage chez les jeunes atteint 70 p. 100 dans certaines régions du pays, ce qui est pratiquement catastrophique. Il y a toutes sortes de problèmes sociaux.
Sans rejeter ce que vous dites, car vous croyez avoir raison et ce que vous dites vous paraît logique du point de vue économique, selon vous, le gouvernement a pour rôle de créer un climat dans lequel l'entreprise pourra fonctionner. C'est une définition du rôle du gouvernement. Notre président a souvent déclaré, je crois, que le rôle du gouvernement était d'assurer une certaine qualité de vie au maximum de Canadiens.
• 1320
Si vous étiez à notre place, que diriez-vous à ceux qui n'ont
pas d'emploi, qui vivent dans la pauvreté et qui n'ont pas de
logement? Des déductions d'impôt plus généreuses ne les aideraient
pas parce qu'ils n'ont pas d'argent. Un allégement du fardeau
fiscal ne leur serait pas utile vu qu'ils ne paient pas d'impôt. La
plupart de ces personnes gagnent très peu. À notre place, que
répondriez-vous à ces gens? Leur diriez-vous qu'il ne faut pas
investir dans ces programmes, mais plutôt alléger les impôts, payer
la dette et laisser tomber des millions de Canadiens?
M. Jack Shand: J'espère que tous les Canadiens reconnaîtront la nécessité d'établir un juste équilibre. C'est ce qui ressortait, je pense de la suggestion...
M. Nelson Riis: Je ne discuterai pas de cette question, car le problème est ailleurs. Disons que vous soyez une mère monoparentale qui élève trois ou quatre enfants. Vous n'avez pas travaillé depuis six ans et vous avez laissé tomber l'école après la 10e année. Vous ne recherchez pas un juste équilibre; vous essayez seulement de survivre. Vous avez sans doute peu d'espoir que vos enfants réussiront, parce que vous ne pouvez pas leur donner le nécessaire.
Les Canadiens ne croient pas tous qu'il faille assurer un juste équilibre, mais pourtant nous les représentons également.
M. Jack Shand: Oui, je le reconnais. Mais monsieur Riis, quand je dis que les Canadiens souhaitent un juste équilibre, cela veut dire qu'il faut répondre à leurs besoins immédiats. Ceux qui sont dans la rue ou qui cherchent du travail ont des besoins immédiats auxquels il faut répondre. C'est un rôle qui revient certainement au gouvernement. S'il peut trouver des partenaires dans le secteur privé pour l'y aider, c'est une chose qu'il faudrait encourager de plus en plus.
Pour assurer cet équilibre, il faut aussi examiner certains problèmes systémiques. Nous pouvons appliquer certaines solutions immédiates, mais qu'allons-nous faire, par exemple, pour les jeunes qui risquent de se retrouver dans cette situation d'ici dix ans? Ils auront des difficultés parce que leurs compétences professionnelles ne leur permettront pas de trouver du travail.
Voilà pourquoi nous avons recommandé une ou deux choses dans notre mémoire. En fait, nous n'avons que deux ou trois recommandations clés à vous faire.
L'une d'elles concerne un programme de mentorat. Cette initiative se situe davantage sur le plan de l'emploi que sur celui de l'éducation. Il faudrait inciter le milieu des affaires à intégrer des jeunes dans le milieu du travail pour compléter les compétences et les connaissances qu'ils ont acquises dans le milieu scolaire. Cela leur conférerait une expérience pratique et une bonne idée de ce qu'il faut pour réussir sur le marché du travail. Ce serait peut-être à moyen terme en partie, mais cela résoudrait un aspect du problème.
D'autre part, je ferais la suggestion suivante. Je serais le premier à reconnaître que ce sera dans l'intérêt des Canadiens à moyen et à haut revenu. Il faudrait songer à se servir des REER—comme on l'a fait pour les acheteurs d'une première maison—pour financer des études.
Les bénéficiaires de cette mesure seraient nombreux. Une famille pourrait se servir de cet argent pour aider un jeune qui veut faire des études. Pour les personnes qui, au milieu de leur carrière, se rendent compte qu'elles ont perdu du terrain depuis leur entrée sur le marché du travail, ce serait une occasion d'améliorer leurs compétences afin qu'elles n'aient pas à craindre de se trouver évincées d'ici cinq ou dix ans.
D'après ce que je peux voir, en lisant les journaux, il y a malheureusement beaucoup trop de gens qui sont dans la rue, sans logis alors qu'ils avaient un emploi et un mode de vie moyen. À cause d'une série de circonstances très malheureuses—sur le plan de la santé ou de l'emploi—ces personnes se retrouvent dans la rue.
Certaines de ces initiatives pourraient remédier à ces problèmes; elles ne les régleront pas tous. Voilà pourquoi, comme je l'ai dit, il faut établir un juste équilibre et les programmes gouvernementaux doivent offrir ce genre d'aide immédiate.
M. Dale Orr: Souvent les gens se demandent comment le gouvernement peut réduire ses dépenses de programmes étant donné qu'il y a tellement de nécessiteux. C'est certainement le cas. Il ressort clairement des sondages que les Canadiens veulent qu'on protège leurs programmes de santé et d'éducation. Mais cela n'empêche pas de réduire largement les dépenses de programmes du gouvernement. Le fait est qu'il y a des pauvres ne doit pas servir d'excuse.
• 1325
Je vous donne trois exemples. Le gouvernement débourse encore
des centaines de millions de dollars par an pour subventionner la
SRC. Le vérificateur général nous a appris que le gaspillage
d'argent que faisait le ministère des Finances avait de quoi faire
pleurer les contribuables. On verse des subventions aux entreprises
qui restent supérieures au niveau recommandé par le milieu des
affaires. La classe politique insiste toujours pour subventionner
diverses formes d'agriculture et d'autres types d'entreprises et
cela plus que le milieu des affaires ne l'a recommandé lui-même.
M. Terry Ruffell: Lorsqu'il faut faire des choix... Je me souviens d'avoir été assis à cette table, il y a un an, avec d'un côté, un groupe qui militait pour l'alphabétisation et de l'autre, un groupe qui défendait les droits des enfants. Les deux réclamaient la même chose et partageaient les mêmes préoccupations. Je reconnais que ce sont là des décisions difficiles à prendre. Mais nous sommes à un doigt de résorber le déficit et la dette nationale—notre hypothèque. Pensez aux possibilités merveilleuses qu'offrirait le milliard de dollars que nous payons actuellement en intérêt. Si nous pouvions nous débarrasser de cette dette, le groupe anti-pauvreté et les groupes anti-analphabétisme... Nous aurons la possibilité de faire beaucoup plus une fois que nous aurons assaini nos finances.
Je suis donc d'accord avec vous au sujet d'une approche équilibrée qui consiste à diriger 50 p. 100 d'un côté et 50 p. 100 vers certains de nos besoins sociaux. Quand nous aurons assaini nos finances, les possibilités seront énormes.
Nous avons encore un peu de chemin à faire et je sais que c'est difficile, mais nous sommes très près de réaliser quelque chose d'important.
Le président: Merci, monsieur Ruffell, monsieur Orr et monsieur Shand.
Monsieur Jones.
M. Jim Jones (Markham, PC): Merci, monsieur le président.
Dale, j'ai une question à vous poser. Nous faisons partie d'une économie mondiale très compétitive. Nos voisins du Sud ont un taux de chômage d'environ 5 p. 100. Le nôtre est de 9 p. 100 et il est difficile de le faire baisser. Sans infusions d'argent de plus en plus importantes de la part du gouvernement, que devons-nous faire pour créer davantage d'emplois dans notre pays? Est-il même réaliste de penser que nous pouvons aligner notre taux de chômage sur celui des États-Unis? Il était le même il y a peut-être 15 ou 20 ans. Pourquoi ne peut-on pas espérer que ce soit de nouveau le cas?
M. Dale Orr: C'est une question qui a fait l'objet de nombreuses études. Les Canadiens désirent réduire leur taux de chômage, comme vous le dites, et regardent avec envie du côté des États-Unis où il est de 5 p. 100. Bien entendu, l'une des principales raisons pour lesquelles notre taux est d'environ 9 p. 100 et le leur d'à peu près 5 p. 100, c'est que nous n'avons pas pu stimuler notre économie pour qu'elle fonctionne à pleine capacité. C'est attribuable, par exemple, à la politique monétaire. La tâche est difficile, mais l'économie canadienne a eu une capacité excédentaire beaucoup plus importante que l'économie américaine.
Une autre raison est que, même si nous avons resserré énormément l'assurance-chômage, c'est une forme de subvention au chômage et si vous subventionnez une chose, vous la développez. Nous subventionnons davantage le chômage que les Américains ne le font et il est donc normal que nous en ayons plus. Nos prestations d'assurance-emploi sont à peu près au même niveau que celles des États les plus généreux des États-Unis. La politique américaine diffère d'un État à l'autre.
Les Canadiens ont un choix difficile à faire. Peut-être veulent-ils subventionner le chômage davantage que ne le font les Américains, mais si c'est le cas, ils doivent comprendre qu'il leur faudra s'accommoder d'un taux de chômage plus élevé qu'aux États-Unis.
Nous avons discuté un peu des cotisations d'assurance-emploi. Ces cotisations dépassent d'environ 25 p. 100 le niveau nécessaire pour couvrir les prestations. Nous devrions les réduire. Cela stimulerait la création d'emplois. Cela nous orienterait dans la bonne direction.
Nous sommes certainement en mesure de rétrécir l'écart entre les taux de chômage au Canada et aux États-Unis, qui est d'environ 4 p. 100. Avec le temps, et en adoptant les bonnes politiques, nous sommes parfaitement capables de le ramener à 1,5 ou 2 p. 100. Pour aligner nos taux sur les taux américains, il faudrait largement sabrer, par exemple dans certains programmes sociaux comme l'assurance-chômage. Il faudrait certainement que les Canadiens qui résident dans les régions fortement touchées par le chômage soient beaucoup plus disposés à aller s'établir là où sont les emplois.
• 1330
Compte tenu de notre taux de chômage de 9 p. 100, un simple
calcul permet de voir à quel point le taux de chômage devrait
baisser dans certaines régions des Maritimes, par exemple, pour que
la moyenne canadienne soit ramenée à 5 p. 100. À moins que ce taux
ne baisse énormément, il devrait se situer à 3 ou 4 p. 100 dans le
reste du pays. Il faudrait donc que les gens aillent s'établir là
où sont les emplois pour que nous puissions nous rapprocher
davantage du taux de chômage des États-Unis.
M. Jim Jones: On songe actuellement à augmenter les cotisations au RPC sans compenser du côté des cotisations assurance-emploi. Quelles conséquences cela aura-t-il pour l'économie et l'emploi au Canada? Il ne faut certainement pas s'attendre à ce que davantage d'emplois soient créés, mais allons-nous perdre beaucoup d'emplois à cause de cela?
M. Dale Orr: Je n'ai pas fait d'étude détaillée en ce qui concerne le RPC, mais j'en ai fait une pour ce qui est de l'assurance-chômage. Si nous réduisions les cotisations de 2,90 $ à 2,20 $, ce qui serait le niveau d'équilibre cyclique, entre 100 000 et 200 000 emplois seraient créés à moyen terme. Voilà le nombre d'emplois dont nous parlons pour ce qui est de l'assurance-emploi.
Le président: Merci, monsieur Jones.
Monsieur Assad.
M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): M. Riis disait que les gens s'attendent à ce que nous leur donnions quelque chose et c'est assez difficile. Néanmoins, si mon député venait me voir en me disant: «Je propose que le gouvernement dépense de l'argent pour améliorer les routes de la région et aider la municipalité à améliorer l'infrastructure municipale», cela me paraîtrait tout à fait logique et acceptable, car nous devons entretenir l'infrastructure nécessaire pour faire marcher l'économie et tout le reste.
Je reconnais que par le passé, le mot «déficit» n'était peut-être pas prononcé parce que nous n'avions pas de problèmes d'argent. Il y a eu bien des programmes sans doute excessifs, mais la situation a changé. Nous ne pouvons pas oublier qu'il y a des dépenses minimums à faire pour entretenir certaines choses comme nos routes, comme un groupe est venu nous l'expliquer. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'insister sur l'importance d'améliorer le réseau routier.
Monsieur Ruffell, c'est avec plaisir que je vous ai entendu parler de partenariat. Vous préconisez un programme de mentorat. Je vais lire votre mémoire. Il semble intéressant. Je suis convaincu que si quelque chose peut vaincre le chômage, ce sont les programmes de cette nature qui favoriseront le recyclage et la formation. C'est certainement la solution.
Monsieur Shand, vous vous inquiétez de ne pas voir d'allégement fiscal à l'horizon, mais je pense qu'il y en aura. Je suis toutefois convaincu que les réductions d'impôt viendront lorsqu'on réformera la fiscalité. Cela se fait attendre depuis trop longtemps. Monsieur Orr et vous, monsieur, savez sans doute que la Commission royale sur la fiscalité remonte à pas mal de temps. Son rapport était un document remarquable dont nous n'avons malheureusement pas tenu compte pendant toutes ces années.
• 1335
Enfin, si vous le permettez, j'en arriverai à la question que
je voudrais vous poser, messieurs. Vous avez parlé de solutions de
rechange. Pourriez-vous nous décrire une ou deux des méthodes que
vous suggérez pour résoudre les problèmes à court terme que nous
avons actuellement?
M. Terry Ruffell: Je vais commencer et je sais que Jack voudra dire quelque chose.
Nous pensons certainement que le partenariat offre une solution de rechange. Vous avez mentionné la possibilité d'entreprendre immédiatement des initiatives pour la jeunesse et des programmes de mentorat. Notre organisation compte 30 000 membres. Je sais que, premièrement, nous sommes prêts à collaborer en tant que partenaires et, deuxièmement, qu'il y a énormément de bonne volonté. Des possibilités s'offrent actuellement et je pense que la plupart des Canadiens et des gens d'affaires ont reconnu que le chômage des jeunes posait un problème. Le temps est venu de prendre l'initiative qui était suggérée dans le discours du trône et de créer un partenariat.
Il est possible d'agir immédiatement pour placer des jeunes Canadiens sous le mentorat de gens d'affaires qui ont réussi. Des programmes de stages pourraient être parrainés, directement ou par l'entremise des provinces et là encore, il s'agit d'un partenariat. À mon avis, cela vaut beaucoup mieux que de laisser le gouvernement agir seul. Si nous misons sur ce genre d'initiative et cela assez rapidement, en en faisant une priorité, on pourrait obtenir des résultats sans trop tarder.
Je tiens seulement à vous dire que les gens désirent faire quelque chose. Ne ratez pas cette occasion.
M. Jack Shand: J'ajouterais que nous avons beaucoup de chance, au Canada, en tant que société démocratique. Nous avons un grand nombre d'organismes bénévoles, d'associations commerciales, d'intérêts professionnels, de groupes philanthropiques, etc., qui veulent tous améliorer l'économie ou la société d'une façon ou d'une autre. Bien entendu, le gouvernement a reconnu la contribution de ces organismes étant donné qu'ils sont exonérés de l'impôt sur le revenu.
L'un des incitatifs que le gouvernement pourrait apporter au milieu des affaires, dans un esprit de partenariat, serait d'inviter ces associations à assurer un leadership. Avec tout le respect que j'ai pour la classe politique, les associations jouent un rôle assez similaire. Elles représentent une clientèle et elles ont un leadership à assumer. Comme Terry Ruffell l'a souligné, il y a une volonté d'agir; le milieu des affaires reconnaît que les jeunes d'aujourd'hui ont besoin d'aide. Les connaissances qu'ils acquièrent à l'école contribuent, dans une large mesure, à leur compétitivité sur le marché du travail, mais cela ne suffit pas.
Je vous invite donc à collaborer avec les associations qui représentent les divers intérêts de notre société pour mettre en oeuvre des programmes comme le programme de mentorat que nous avons recommandé.
Le président: Merci.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.
Messieurs, nous sommes très sélectifs en ce qui concerne les programmes qui sont bons pour le Canada. Quand nous regardons ce qui se passe au Sud de la frontière, nous constatons à quel point nos programmes sont bénéfiques. Pas plus tard qu'hier soir, j'ai tenu une assemblée publique où une personne s'est plainte de la lourdeur du fardeau fiscal. C'est une bonne chose que nous vivions très près des États-Unis et que nous nous comparions toujours à eux. Je me demande parfois si nous sommes conscients des programmes sociaux que nous avons, de notre protection sociale et de tout ce que cela apporte à tous les Canadiens. Mais nous faisons les difficiles. Selon moi, il faut accepter le tout. Nous sommes tous des contribuables et nous pensons tous que nous payons trop.
J'ai entendu dire que les propriétaires de maison devraient pouvoir déduire leur prêt hypothécaire. Que vous soyez propriétaire ou locataire... pourquoi devriez-vous avoir un privilège spécial? C'est ce que vous avez dit. Quelqu'un se rend-il compte à quel point il coûterait cher de déduire les prêts hypothécaires simplement parce que nous voulons dépenser l'excédent budgétaire qui s'annonce? Avez-vous calculé ce que cela coûterait?
M. Jack Shand: Nous parlons de déduire l'intérêt et non pas la totalité du prêt hypothécaire. Je précise toutefois qu'à la fin des années 70 ou au début des années 80, je crois, le ministère des Finances s'est penché sur cette question. Si je me souviens bien, cela faisait partie d'une proposition du gouvernement de l'époque et cela avait certainement été suggéré par les fonctionnaires du ministère des Finances. C'était jugé faisable.
M. Gary Pillitteri: [Note du rédacteur—Inaudible]... quand nous commençons à dépenser l'argent, mais allez-y.
M. Jack Shand: D'accord, mais j'ai l'impression que la situation était plus difficile.
Examinons les avantages. Quant à savoir si c'est possible, la question pourrait certainement être posée aux fonctionnaires du ministère des Finances.
Premièrement, il faut reconnaître que la dette des consommateurs, la dette des ménages, est extrêmement élevée au Canada. Elle se situe aux environs de 96 p. 100 du revenu après impôt et ce sont les chiffres du Conference Board. Beaucoup de jeunes sont arrivés sur le marché de l'habitation ces dernières années à la suite d'une combinaison de facteurs: des taux d'intérêt très bas, la possibilité de puiser dans leurs REER ou la possibilité de payer un acompte de 5 p. 100 seulement. Nous pourrions faire face à de sérieuses difficultés lorsque les taux augmenteront ou lorsque d'autres événements économiques produiront des effets et que les gens verront les prêts hypothécaires grimper.
Pour le Canadien qui est propriétaire de son logement, l'économie que cette initiative lui permettrait de réaliser pourrait être utilisée de diverses façons. Elle pourrait servir à financer des études, par exemple. Pour ce qui est des avantages pour l'ensemble de l'économie, cet argent pourrait servir à acheter des biens et services. Cette épargne pourrait être dirigée vers une contribution plus importante à un REER, si bien que les gens investiraient dans leur sécurité future à plus long terme.
Cela aurait de nombreux avantages et je vous inviterais à demander aux fonctionnaires de Finances d'examiner les coûts d'une telle mesure. Je crois qu'il y a un précédent.
Le président: Merci.
Monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président.
Je reviendrai sur ce que vous avez dit, mais avant cela, Jack, en Norvège, les contribuables peuvent déduire l'intérêt hypothécaire sur leur maison, sur leur chalet et sur leur bateau de plaisance. Cela se fait depuis plusieurs dizaines d'années, à ma connaissance, et c'est un pays très riche.
Néanmoins, pour revenir à la réduction des cotisations d'assurance-emploi et des effets que cela aurait sur l'emploi, pourriez-vous répondre à ceci? Si vous prenez les banques, elles gagnent beaucoup d'argent, mais elles congédient du personnel à droite et à gauche. Je suppose qu'elles continueront de le faire avec les progrès technologiques. Si vous gagnez plus d'argent, cela ne veut pas dire nécessairement que vous allez embaucher davantage de personnel, et c'est seulement l'exemple d'un secteur.
Nous reconnaissons que la plupart des nouveaux emplois qui sont créés au Canada à l'heure actuelle le sont par des travailleurs indépendants, de très petites entreprises, des entreprises à domicile. Pratiquement tous les nouveaux emplois se trouvent dans ces secteurs où je ne pense pas qu'une réduction des cotisations d'assurance-emploi changera quoi que ce soit. Par conséquent, comment pouvez-vous justifier qu'une réduction des cotisations d'assurance-emploi se traduirait par une création d'emplois importante au Canada? Je ne mets pas en doute ce que vous avez dit, mais compte tenu de ces réalités, j'aimerais entendre votre réponse.
M. Dale Orr: Certainement. Oui, j'ai dit que si les cotisations d'assurance-emploi tombaient de 2,90 $ à 2.20 $ ou 2,30 $, environ 100 000 à 200 000 emplois seraient créés à moyen terme. Comme vous l'avez fort justement souligné, il est très difficile d'évaluer ces chiffres. Voilà pourquoi j'ai dit entre 100 000 et 200 000 emplois. Selon les hypothèses que vous faites et les économistes à qui vous parlez, pour certains, il s'agit de 100 000 et pour d'autres, de deux fois plus.
• 1345
C'est une fourchette assez large et il y a pas mal de
discussions quant à savoir ce qui se passera à long terme.
M. Nelson Riis: Je ne sais pas si vous êtes d'accord ou non, mais d'après les renseignements que nous avons recueillis, la majorité des nouveaux emplois créés le sont par des travailleurs indépendants...
M. Dale Orr: Oui.
M. Nelson Riis: ... pour qui une réduction des cotisations d'assurance-emploi ne change rien du tout.
M. Dale Orr: Oui.
M. Nelson Riis: Les autres emplois se trouvent dans le secteur de la petite entreprise. Là encore, si vous avez 10 employés et que vos cotisations d'assurance-emploi diminuent comme vous le suggérez, cela n'augmentera pas beaucoup le personnel.
Compte tenu des nouvelles tendances pour ce qui est de la création d'emplois, je me demande si ces hypothèses concernant la réduction des cotisations d'assurance-emploi sont aussi valides aujourd'hui qu'elles auraient pu l'être il y a 10 ans lorsque certains économistes ont fait leurs études.
M. Dale Orr: Ces estimations sont récentes; elles ne datent pas d'il y a 10 ans. Il se peut très bien qu'il y a 10 ans une réduction aurait créé davantage d'emplois. C'est sans doute le cas. Vous avez certainement raison de parler des changements dans la structure du marché du travail. Il y a 10 ans, j'aurais peut-être parlé de 200 000 à 300 000 emplois. Je n'en sais rien, parce que nous ne nous sommes pas posé la question.
Cette estimation tient compte de la répartition de l'économie entre les emplois à temps partiel, à plein temps, indépendants et autres. Elle tient compte des dernières données que nous avons sur l'économie.
M. Nelson Riis: Si vous le permettez, monsieur le président, pour en revenir à ce qu'a dit Jack quant à l'utilisation des REER à diverses fins, il y a deux semaines, j'ai écouté avec intérêt l'ex-président de Noranda. Il a déclaré que 52 p. 100 des travailleurs canadiens d'aujourd'hui gagnent moins de 20 000 $ par an. Autrement dit, la majorité des Canadiens gagnent moins de 20 000 $ par an. Je suppose qu'aucun d'eux n'a de REER ou si certains en ont, cela doit représenter un très petit montant, peut-être de 3 000 $. C'est un des problèmes que soulève la question des REER.
Jack, c'est ce que vous avez mentionné dans votre mémoire. Il s'agit alors d'aider les gens à moyen et à haut revenu pour qui le problème ne se pose pas vraiment.
En tant que représentants politiques, nous devons nous préoccuper davantage pour le moment des 52 p. 100 de travailleurs qui gagnent moins de 20 000 $.
Pour en revenir à un bon nombre des commentaires que vous avez faits—et je sais que vous les avez faits de bonne foi—il y a également une autre réalité dont il faut tenir compte. Je me demande ce que les gens penseraient de ce que vous avez dit quant à ce que doivent être nos priorités au Canada.
M. Terry Ruffell: Si vous examinez les suggestions que Jack a faites et qui sont formulées dans le mémoire, je ne suis pas certain que vous puissiez les considérer comme des concessions pour la classe moyenne ou les gens plus fortunés.
M. Nelson Riis: C'est ce qu'il a dit. Ce sont ses propres paroles.
M. Terry Ruffell: En fait, monsieur Riis, il s'agit de libérer cet argent pour qu'il serve à rénover les logements et à faire des réparations importantes. Je ne sais pas si les Canadiens de la classe moyenne en profiteront, mais cela va injecter des sommes importantes dans l'économie, ce qui devrait avoir des retombées pour les gens qui gagnent moins de 20 000 $.
Une des choses, dans notre rapport, qui correspondent je crois à votre pensée sont les réductions d'impôt sélectives—car nous n'envisageons pas de réductions d'impôt générales immédiatement—qui stimuleront l'économie. J'espère que cela n'avantage pas la classe moyenne. Nous ne sommes pas ici pour discuter de ce sujet, mais de la stimulation de l'économie de façon sélective.
M. Nelson Riis: Je comprends.
Si vous me permettez une dernière remarque, monsieur le président...
Le président: Allez-y. C'est votre dernière question, monsieur Riis, après quoi nous passerons à M. Jones et à M. Pillitteri.
M. Nelson Riis: Beaucoup de gens ont demandé divers incitatifs fiscaux pour l'entreprise en disant qu'il en résulterait des possibilités d'emploi, des débouchés économiques et d'autres choses.
Lorsque l'ex-président de Noranda a parlé de la crise dans notre propre pays—ne parlons même pas de la réalité mondiale—il a dit que le milieu des affaires devait assumer lui-même certaines responsabilités parce que si tant de gens ont un revenu aussi bas et un revenu disponible aussi faible, leur pouvoir d'achat finira par disparaître. Le milieu des affaires a l'obligation d'agir en partenaire, si vous voulez, au lieu de toujours attendre des incitatifs fiscaux.
• 1350
Je paraphrase ses paroles, mais en réalité le milieu des
affaires doit adopter une optique légèrement différente et assumer
une partie des responsabilités pour nous aider à nous sortir de ce
marasme économique, qui touche au moins un gros pourcentage de la
population.
M. Jack Shand: À mon avis, c'est certainement ce qu'a fait le milieu des affaires. Si nous prenons la création d'emplois de ces dernières années, elle n'est certainement pas venue du secteur public. Vous comprimez les effectifs. Je pense donc que le milieu des affaires s'est montré déterminé à créer des emplois.
Quant à ce que Terry a dit au sujet des activités et des incitatifs qui stimuleront l'économie, si les chiffres fournis par l'ex-président de Noranda sont exacts, un bon nombre de ces personnes doivent travailler dans le secteur des services et peuvent être des travailleurs indépendants qui, en raison de la nature de leur petite entreprise ont toutes sortes de dépenses. Leur revenu net réel est beaucoup plus bas.
Tous les gens de ces divers secteurs vont bénéficier de ce genre d'incitatifs.
M. Terry Ruffell: Nous en avons seulement parlé brièvement dans notre rapport en suggérant des réductions d'impôt pour l'avenir. Les entreprises canadiennes méritent un dividende dans l'avenir. Nous sommes prêts à attendre que nous ayons assaini nos finances. Je pense que nous en avons parlé un peu. Nous ne demandons pas de réductions d'impôt immédiates. Nous pensons seulement que nous avons là de merveilleuses possibilités. Nous sommes très près d'assainir notre situation économique.
Par conséquent, nous ne recommandons pas de réductions d'impôt générales immédiates. Jack a fait allusion à quelques mesures sélectives.
Si elles se réalisent, nous suggérons qu'à l'avenir les mesures étudiées visent davantage l'impôt sur le revenu des particuliers et la TPS. Je crois que les Canadiens espèrent être récompensés de leurs peines. Si nous atteignons nos objectifs économiques, nos objectifs de réduction du déficit, et si nous commençons à nous attaquer à la dette nationale, tous les Canadiens—et pas seulement le milieu des affaires—auront une excellente occasion de toucher des dividendes.
Le débat sur le sujet n'a pas encore eu lieu, mais pour ce qui est des mesures initiales, elles devraient s'adresser à chaque Canadien.
Le président: Merci.
Monsieur Jones.
M. Jim Jones: Merci, monsieur le président.
J'ai une question à poser, mais je voudrais avant faire une observation au sujet de la déduction des intérêts hypothécaires. C'est une idée nouvelle, mais elle m'inquiète. Mes inquiétudes se rapportent à ma circonscription et sans doute aussi celle de Maurizio.
Je ne suis pas certain que cela ne ferait pas grimper le prix des maisons. Les promoteurs en profiteraient probablement. Les prix de maisons risquent même de doubler. S'il était possible de l'empêcher, ce serait un stimulant formidable pour l'acheteur d'une première maison qui a besoin de cette possibilité. Ce ne serait sans doute pas pour les gens comme moi, qui en sont à leur deuxième ou troisième maison, mais ce serait pour l'acheteur d'une première maison. Il faudrait certainement examiner cette question.
Cela contribuerait également à créer de nombreux emplois. Ce serait un stimulant pour l'économie. Nous pourrions en arriver au point où les jeunes accéderont à la propriété dès la fin de leurs études. Ce qui me préoccupe davantage ce sont les moyens à prendre pour empêcher l'industrie d'en profiter.
Mais ma question porte sur la fuite des cerveaux. On en a pas mal discuté un peu partout au Canada. Il faut sans doute que nos impôts soient concurrentiels pour les jeunes qui finissent leurs études. Les États-Unis exercent beaucoup de pressions et offrent beaucoup de débouchés.
Microsoft vient chaque année, à l'Université de Waterloo, prendre la moitié des meilleurs diplômés en informatique. Au lieu de les implanter au Canada dans un établissement de recherche, elle les emmène à Redmond, dans l'État de Washington. Les jeunes médecins et les autres professionnels se laissent attirer vers les États-Unis.
Tout d'abord, nous devons créer des emplois, mais que faut-il faire pour pouvoir conserver certaines de nos futures étoiles les plus brillantes?
M. Dale Orr: Puis-je d'abord répondre à une question que M. Riis a soulevée? Cela me paraît très important. Il a dit à quel point il était important d'augmenter le pouvoir d'achat des Canadiens pour créer des emplois et stimuler l'économie. C'est peut-être parce que la famille canadienne moyenne d'aujourd'hui a un revenu disponible plus bas qu'en 1989, et c'était il y a longtemps. Nous avons donc régressé depuis huit ans et cela pose un sérieux problème.
• 1355
La principale raison pour laquelle le pouvoir d'achat a
diminué est l'augmentation des impôts. Pour empirer la situation,
que fait le gouvernement de ses recettes fiscales plus importantes?
À cause de l'alourdissement de la dette, 30c. sur chaque dollar de
recettes sert à payer les frais d'intérêt. Cela ne laisse que 70c.
pour faire tout ce que nous voudrions faire, que ce soit dans le
domaine de la santé, de l'éducation, de la création d'emplois ou
ailleurs. Vous devez travailler avec des dollars qui valent 70c. La
seule solution est de réduire l'endettement parce que le service de
la dette coûte 43 milliards de dollars par an. De nombreux
Canadiens seraient déçus s'ils se rendaient compte qu'une plus
grande partie du revenu qu'ils gagnent sert à financer l'intérêt
sur la dette plutôt qu'un tas d'autres choses auxquelles ils
voudraient consacrer leur argent.
Vous avez, je pense, soulevé une question très importante et le lien entre le revenu disponible, les impôts, les recettes fiscales et les 70c. au dollar souligne à quel point il est important de réduire le niveau d'endettement. Cela peut seulement se faire lentement, si bien que dans 10 ans le gouvernement disposera d'environ 85c. sur chaque dollar pour faire ce que vous souhaitez qu'il fasse. Mais si vous devez vous contenter de dollars à 70c., quel que soit votre sens des valeurs, vous êtes vraiment handicapé.
En ce qui concerne la fuite des cerveaux, c'est certainement ce dont se plaint le secteur de la haute technologie, surtout pour les spécialistes de l'informatique, même si cela ne se limite pas à eux. Nous entendons parler des centaines et des centaines de postes d'informaticiens qui ne peuvent pas être comblés et du départ de nombreux spécialistes en informatique. Ils vont pratiquement tous aux États-Unis et ce, dans une large mesure, parce qu'ils voient combien d'argent il leur restera après impôt. Le fardeau fiscal est donc un important facteur.
Ne soyons pas trop naïfs. Un bon nombre de ces personnes vont se retrouver avec de meilleurs soins de santé là-bas. Si vous travaillez pour Microsoft et si vous résidez à Seattle, vous aurez des soins de santé de première classe. Vous n'aurez pas les files d'attente qui existent dans un tas de villes canadiennes.
D'après ce que nous entendons dire, les impôts sont une des principales raisons pour lesquelles les gens partent et cela nous rappelle évidemment la nécessité d'alléger le fardeau fiscal. Mais si vous réduisez l'impôt sur le revenu sous prétexte que plusieurs milliers d'informaticiens quittent le Canada pour les États-Unis, c'est peut-être une réaction excessive. Même si l'impôt sur le revenu est une des principales raisons pour lesquelles les gens partent et s'il serait utile d'abaisser les impôts au Canada pour résoudre ce problème, ce serait une façon très coûteuse de garder quelques milliers d'informaticiens au Canada. À part cette politique, il y en a sans doute d'autres qu'il faudrait adopter.
M. Jack Shand: Cela outrepasse le mandat de votre comité, mais la politique d'immigration est également une question clé.
J'ai présidé un comité à l'Université McMaster, de Hamilton, et je peux vous dire que si vous étiez l'un des jeunes étudiants les plus brillants des États-Unis, un citoyen américain désireux de venir au Canada faire des études en médecine, par exemple, vous ne pourriez pas venir chez nous, même comme étudiant, à cause de notre contingentement qui favorise les Canadiens. Je ne dis pas que ce soit une mauvaise chose, mais n'oublions pas qu'il y a, dans le monde, des gens très brillants et talentueux qui aimeraient beaucoup vivre au Canada. Il faudrait inciter le gouvernement à examiner sa politique d'immigration.
Le président: Une dernière question, monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.
J'ai entendu des commentaires auxquels j'estime devoir répondre. Hier soir, j'ai tenu une assemblée publique dans ma circonscription. Je représente la circonscription de Niagara Falls, à la frontière américaine. Dès l'avènement du libre-échange, un grand nombre de petits fabricants se sont précipités aux États-Unis qui, bien entendu, les ont accueillis à bras ouverts. Depuis, un grand nombre d'entreprises qui ont déménagé aux États-Unis souhaitent pouvoir revenir au Canada. Si nous leur accordions ne serait-ce que la moitié des incitatifs qu'elles ont obtenus aux États-Unis, elles se feraient un plaisir de revenir au Canada pour profiter de notre assurance-maladie.
Il est question ici du coût de ce dont vous parlez, monsieur Orr, et des avantages qui sont offerts aux États-Unis. Selon moi, ce serait l'inverse pour ce qui est de s'établir au Canada ou aux États-Unis, compte tenu de notre régime d'assurance-maladie. Bien entendu, l'employeur n'aurait pas à payer 6 $ à 7 $ de l'heure, mais notre assurance-maladie représente un avantage pour lui.
Je tenais à le préciser, car ces entreprises en ont la possibilité, mais elles ne reviennent pas au Canada. Il serait trop coûteux pour certaines entreprises de ma région de revenir s'établir ici.
J'ai parfois du mal à comprendre comment vous calculez le nombre d'emplois qui seraient créés en réduisant de 10c. ou de 20c. les cotisations d'assurance-emploi. Je me trompe peut-être, mais est-il vrai que 10c. représentent 700 millions de dollars par an et que si le niveau des cotisations est ramené entre 2,20 $ et 2,30 $, à 60c. de moins, cela donnerait entre 4,2 et 4,9 milliards? Si l'on considère qu'un milliard de dollars crée 45 000 emplois, vous dites que nous pourrions embaucher entre 180 000 et 225 000 travailleurs. Je ne vous suis pas très bien.
Je suis un employeur. J'ai une entreprise où j'emploie entre 10 et 20 personnes. Quatre-vingt-cinq pour cent des gens d'affaires du Canada entre dans cette catégorie. Si vous m'accordiez une réduction de 10c. des cotisations d'assurance-emploi, comme je l'ai déjà dit, je ne pourrais pas créer un emploi de plus.
Je me demande d'où vous tirez ces chiffres. Vous fiez-vous seulement aux mathématiques pour déterminer le nombre d'emplois qui seront créés en fonction du montant économisé? Pour être réaliste, en tant qu'employeur, vais-je pouvoir créer un emploi grâce à une réduction de 10c. ou de 20c. des cotisations d'assurance-emploi? Je ne le peux pas. Je sais que je ne le peux pas, sauf si je peux créer un quart ou un cinquième d'emploi. Comment faites-vous ce partage? Ou n'est-ce pas plutôt une façon de préconiser une réduction d'impôt?
M. Dale Orr: Je répondrai à deux choses. Premièrement, la cotisation d'assurance-emploi que paie l'employeur fait partie du coût de la main-d'oeuvre. Vous ne vous étonnerez sans doute pas du fait que, si un employeur peut embaucher des gens à un coût de main-d'oeuvre inférieur, il pourra en embaucher plus. Si vous ne le croyez pas, prenez le problème à l'envers et demandez-vous si, au cas où les salaires augmentent, vous allez pouvoir encore embaucher autant de gens qu'aujourd'hui? Il est évident que les cotisations d'assurance-emploi font partie des coûts de main-d'oeuvre et qu'elles déterminent le nombre d'employés que vous allez embaucher.
Vous pouvez dire que vous êtes propriétaire d'une petite entreprise qui n'embauchera que six personnes et que si les cotisations d'assurance-emploi baissent de 10c. vous n'embaucherez pas de personnel supplémentaire. C'est peut-être vrai, mais si vous prenez les milliers de petits employeurs qui embauchent six personnes, certains d'entre eux embaucheront quelques personnes de plus si le coût de la main-d'oeuvre diminue.
Le président: Monsieur Orr, la question que soulève M. Pillitteri devrait être examinée, car vous considérez les chiffres globaux. M. Pillitteri parle d'une réalité à savoir qu'un employeur qui a deux ou trois employés—et soit dit en passant, la petite entreprise est celle qui crée tous les emplois ou la plupart, du moins 85 p. 100. Je pense qu'il faudrait examiner très sérieusement l'argument de M. Pillitteri.
• 1405
Ma famille exploite une petite entreprise et je peux dire en
toute honnêteté qu'une réduction des cotisations d'assurance-emploi... Si
je possédais une grande société, le coût des
cotisations pourrait m'inciter à réduire mon personnel. Mais quand
vous parlez d'entreprises qui comptent de un à cinq ou de un à sept
employés, pensez-vous vraiment que ce soit dissuasif?
M. Dale Orr: Oui, je le pense. Cela ne changera rien pour un bon nombre d'employeurs qui ont de six à 10 employés. Mais cela peut changer les choses pour certains de ces milliers d'employeurs.
En fait, ce matin, j'ai discuté avec un groupe de gens de la Chambre de commerce. Nous avons fait le tour de la table en demandant aux uns et aux autres s'ils embaucheraient davantage de personnel si les cotisations d'assurance-emploi étaient réduites de 60c. La plupart ont dit que non, mais quelques-uns ont dit qu'en fait leur entreprise prenait de l'expansion et qu'ils allaient embaucher davantage de personnel d'ici un an environ. Certains ont répondu que s'ils pouvaient embaucher du personnel à moindre coût, leur expansion pourrait se concrétiser un peu plus tôt.
Tout est là. Si vous posez la question à suffisamment de chefs d'entreprise, certains d'entre eux sont sur le point de prendre de l'expansion et si le coût de la main-d'oeuvre diminue, certains embaucheront plus que d'autres.
M. Gary Pillitteri: C'est bien cela, monsieur Orr, leur entreprise prend de l'expansion. Si mon chiffre d'affaires augmente, c'est alors que je crée des emplois. Si mon chiffre d'affaires augmente de 10 p. 100, oui, je vais créer deux emplois de plus, mais pas grâce à une baisse de 10c. des cotisations d'assurance-emploi.
Le président: Formulons la question autrement. Si vous avez une petite entreprise et si votre chiffre d'affaires augmente, n'allez-vous pas embaucher du personnel à cause de la baisse des cotisations d'assurance-emploi?
M. Dale Orr: Présentons le problème à l'envers en disant que si vous avez une petite entreprise...
Le président: Non, vous l'avez déjà fait. Je vous présente l'autre aspect du problème.
M. Dale Orr: D'accord. Si vous avez une petite entreprise, le nombre d'employés que vous avez est-il totalement indépendant de vos coûts de main-d'oeuvre? Si vous dites que oui, la plupart des autres diront le contraire.
Le président: Personne ne va répondre à cette question de façon positive. C'est une question purement théorique.
M. Dale Orr: Exactement. Par conséquent, si le nombre d'employés que vous engagez dépend un peu de ce que vous devez leur payer, si vous avez un groupe important de petits employeurs, si le coût de la main-d'oeuvre est un peu plus bas, certaines petites entreprises embaucheront plus de personnel. C'est assez clair et il est très clair que les cotisations d'assurance-emploi font partie du coût de la main-d'oeuvre, tout comme le taux de rémunération.
Le président: J'ai entendu les arguments de la Chambre de commerce et, ce matin, j'ai entendu les témoignages de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Du point de vue économique, si vous examinez les données, vous pouvez défendre votre argument. Mais je suis également conscient du point soulevé par M. Pillitteri. J'ai demandé aux gens d'affaires de ma circonscription s'ils embaucheraient davantage de personnel au cas où les cotisations seraient réduites de 10 à 20c. Pour commencer, certains ont demandé des explications. Deuxièmement, ils ont dit que si leur entreprise prenait de l'expansion, ils engageraient du personnel de toute façon.
Je sais que vous considérez l'effet cumulatif et c'est un argument économique tout à fait valide. Mais une bonne analyse économique ne se matérialise pas toujours dans la vie des gens qui exploitent une entreprise qui emploie deux, trois ou quatre personnes. C'est tout ce que nous disons.
Soit dit en passant, nous pouvons nous promener dans n'importe quel parc industriel de ma circonscription et c'est ce qu'on vous répondra, même si la FCEI a déclaré aujourd'hui que la question n'était pas là.
Monsieur Jones.
M. Jim Jones: Monsieur le président, il faut examiner les choses différemment. L'entreprise pour laquelle j'ai travaillé a licencié 2 000 employés au cours d'une année et 1 000 autres deux ans plus tard. Nous avons également abandonné l'un des deux immeubles que nous occupions à Markham. Cet immeuble nous coûtait 6,5 millions de dollars et nous avons donc réduit nos locaux de moitié afin d'économiser cet argent pour conserver des emplois.
• 1410
Les grandes sociétés feront n'importe quoi pour économiser de
l'argent de façon à rester concurrentielles. Si elles peuvent
commencer à créer des emplois, cela aura des retombées économiques.
D'autres commenceront à créer des emplois. Les petites entreprises
qui fournissent des services et des produits aux grandes sociétés
seront de plus en plus occupées. C'est donc un cercle vicieux.
Mais si vous continuez à les surcharger d'impôts, il y a d'autres solutions. Les petites entreprises n'ont peut-être pas la même souplesse que les grandes sociétés, mais certaines grandes entreprises, surtout dans le secteur de la haute technologie... Je n'ai pas vu beaucoup d'établissements s'installer ici depuis quelques années.
Nous devons nous rendre compte que nous sommes dans un monde où la concurrence est très serrée et où les coûts, surtout les impôts, sont un facteur important. Vous ne pouvez donc pas continuer à croire que les impôts peuvent être continuellement augmentés.
M. Terry Ruffell: Monsieur Jones, il est difficile de considérer isolément les cotisations d'assurance-emploi. Je pense que M. Orr a abordé la question. Si vous prenez l'ensemble des charges sociales et peut-être l'augmentation des cotisations au RPC... Nous avons aussi une petite entreprise et l'année où nous ressentirons les effets de cette mesure et où nous examinerons notre budget nous nous dirons que nous aurions peut-être pu embaucher un employé de plus.
Du point de vue d'une petite entreprise, je ne suis donc pas certain d'être d'accord avec vous quant à savoir si une légère diminution des cotisations... mais il faut considérer l'ensemble des impôts que doivent assumer les gens d'affaires. Je pense que nous restons compétitifs.
Le monde est grand autour de nous. Nous devons limiter nos coûts. C'est absolument essentiel.
Le président: Je ne vais pas vous laisser sur une fausse impression. Il faut bâtir un cadre compétitif dans l'industrie canadienne. Cela dit, certaines opinions qui viennent d'être formulées ne doivent pas être nécessairement considérées comme «la vérité», car cela ne correspond pas à ce que nous constatons lorsque nous rencontrons nos concitoyens qui gèrent des petites entreprises. Ce n'est pas nécessairement ce qu'ils nous disent.
Pour ce qui est d'une réduction des impôts et d'un système économique plus compétitif, cela ne fait aucun doute, aucun membre du comité, d'un côté ou de l'autre, ne prétendra le contraire. Absolument pas.
Monsieur McNally.
M. Grant McNally: Je voudrais me faire l'écho de ce qui a été dit au sujet de divers facteurs. Pendant la campagne, j'ai discuté avec les gens dont vous parlez, les propriétaires de petites entreprises qui comptent six ou 10 employés, dans les cinq grandes localités de ma circonscription. J'ai passé beaucoup de temps à parler aux gens. Ils ont parlé de l'effet cumulatif des cotisations d'assurance-emploi, de la TPS, des cotisations au RPC et de l'augmentation qui s'annonce. Ils m'ont dit qu'ils travaillaient de plus en plus fort pour joindre les deux bouts, qu'ils n'avaient pas les moyens d'embaucher un employé de plus, car cela les obligerait à payer tous ces impôts supplémentaires.
En effet, ils travaillent de plus en plus fort et même si leur entreprise pourrait prendre de l'expansion, les facteurs que vous mentionnez les en empêchent. Je ne crois donc pas qu'à elles seules les cotisations d'assurance-emploi changeront énormément les choses.
Le président: La question des effets cumulatifs est un bon argument.
M. Terry Ruffell: [Note du rédacteur: Inaudible]... le rôle du gouvernement, mais pendant des années et des années il ne l'a jamais géré comme un véritable régime d'assurance-emploi. S'il accumule un déficit de 5 milliards de dollars ou quel que soit le chiffre prévu, la plupart des gens d'affaires et des Canadiens voudront mettre en place un régime qui remplira cette fonction et qui aidera les Canadiens lorsqu'ils seront en chômage. Si c'est un véritable régime d'assurance qui joue ce rôle au lieu d'accumuler des réserves, la plupart d'entre nous l'approuverons.
Je pense aussi, monsieur Orr, que cela nous donnerait quelques emplois de plus.
Le président: Ce régime tiendrait-il compte des antécédents?
M. Terre Ruffell: Vous vous souviendrez qu'au départ, le régime d'assurance-chômage était, comme M. Orr l'a mentionné, avant tout un régime d'aide sociale. Nous versions des milliards de dollars de plus que nous ne recevions, probablement en puisant de l'argent dans le Trésor pour combler le déficit.
Si nous gérons l'assurance-emploi comme un véritable régime d'assurance en faisant correspondre le montant des frais et des prestations aux recettes, ce régime reposera sur des bases commerciales saines. Le fait est que tout régime d'assurance a besoin de réserves. Je suppose que vous avez maintenant un excédent. Une façon saine d'aborder la question serait de gérer l'assurance-emploi comme un véritable régime d'assurance.
Le président: Voilà qui nous amène à la fin de cette table ronde. Elle était très intéressante et très animée. Il est toujours agréable de constater qu'il y a des opinions divergentes sur les diverses questions. C'est ce genre de débat qui nous aidera à préparer notre rapport au ministre et à formuler des recommandations. Certaines de vos idées se refléteront certainement dans ce rapport.
Merci beaucoup.
La séance est levée.