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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 octobre 1997

• 1805

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Merci, monsieur Crawley. Il va coprésider cette réunion. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tout le monde.

Comme vous le savez, conformément à l'article 83.1 du Règlement, le Comité des finances tient des consultations prébudgétaires en prévision, évidemment, du prochain budget. Nous cherchons à recueillir des suggestions et des idées sur le genre de recommandations que nous devrions transmettre au ministre des Finances.

Vous avez, je pense, tous reçu la liste des trois questions sur lesquelles nous vous demandons de faire des observations ce soir. Chaque groupe de témoins disposera d'environ cinq minutes pour nous présenter une vue d'ensemble des principaux points qu'il veut soulever, après quoi nous passerons à une période de questions.

Nous allons commencer par la représentante de la Conférence canadienne des arts, Mme Susan Annis. Bienvenue, madame.

Mme Susan Annis (directrice associée, Conférence canadienne des arts): Merci, monsieur le président, et merci à vous, mesdames et messieurs les membres du comité. Au nom des personnes qui m'accompagnent, je vous remercie de nous donner l'occasion d'exposer notre point de vue et de défendre nos idées sur la question très importante de l'orientation des nouveaux investissements stratégiques dans une économie maintenant axée sur le savoir.

Tout d'abord, la CCA souhaite remercier le gouvernement fédéral d'avoir tenu la promesse qu'il avait faite dans le Livre rouge II, publié à l'occasion de la campagne électorale, et d'avoir alloué au Conseil des arts du Canada 25 millions de dollars supplémentaires. Le gouvernement a également promis de débloquer la même somme chaque année au cours des quatre prochaines années, soit durant cinq années en tout—mais cette première allocation augure bien de la suite, et il va sans dire que nous lui sommes très reconnaissants.

Les réponses de la CCA aux questions du comité permanent s'inscrivent dans un contexte plus large que celui de la conjoncture économique évoquée par la façon dont elles sont énoncées. La thèse que nous allons défendre aujourd'hui devant le Comité permanent des finances est la suivante: à l'heure où nous sortons d'une période consacrée à la réduction du déficit et ou nous cherchons prudemment à faire de nouveaux investissements stratégiques, on pourrait considérer que l'appui fourni à nos ressources créatives sont un pas dans la bonne direction tant sur les plans de l'économie et de la création d'emplois, que sur les plans de la qualité de vie et de l'identité nationale.

Notre mémoire décrit les avantages que l'on peut tirer d'un secteur culturel fort et dynamique. On crée effectivement des emplois dans le contexte de notre nouvelle économie axée sur le savoir. De fait, la culture fait partie des secteurs où la main-d'oeuvre croit le plus rapidement dans notre pays et les retombées économiques sont substantielles. Le secteur culturel a contribué pour 22 milliards de dollars au PIB en 1994-1995, d'après les données statistiques les plus récentes que j'ai pu obtenir. Par ailleurs, on constate que d'autres secteurs comme celui du tourisme bénéficient de retombées économiques importantes.

La qualité de vie au sein de nos collectivités s'améliore quand la communauté artistique tout entière s'unit pour revitaliser les villes, enrichir le secteur de l'enseignement, intervenir auprès d'une jeunesse désenchantée et organiser des manifestations culturelles au profit des nécessiteux—et ce ne sont là que quelques exemples parmi d'autres. Sur la scène internationale, les diverses expressions de la culture canadienne ne passent pas inaperçues.

Voilà donc autant de bonnes raisons d'investir dans le secteur culturel, à l'heure où le Canada passe d'une économie axée sur l'activité industrielle et dépendante des ressources naturelles, à une économie axée sur le savoir où la nouvelle monnaie d'échange est la créativité et la propriété intellectuelle. Dans cet environnement, le secteur culturel devient un des plus importants moteurs de l'évolution économique et sociale.

Investir dans le secteur culturel, c'est jeter, à l'échelle nationale, les bases solides qui favoriseront l'expression de notre créativité ainsi qu'une production novatrice. À l'heure où nous subissons les pressions de la mondialisation due à l'introduction de nouvelles technologies, et où certaines initiatives découlant d'accords commerciaux internationaux ébranlent les assises sur lesquelles ont toujours reposé la promotion et le soutien de l'expression culturelle canadienne, l'engagement pris par le gouvernement de veiller à la mise en valeur des racines de l'expression artistique dans notre pays, de nos artistes et de nos créateurs, découle d'une décision sage et prise à point nommé. Les nouveaux crédits attribués au Conseil des arts, et qui sont distribués aux groupes artistiques et aux artistes dans tout le pays, par une structure bureaucratique réduite à sa plus simple expression, vont nous permettre de franchir une étape importante dans la mise en place, à l'échelle nationale, des éléments fondamentaux sur lesquels reposera la culture au Canada.

Les autres engagements concernant l'appui et l'encouragement de l'expression culturelle, qu'on trouve dans le Livre rouge II, vont dans le même sens.

• 1810

Permettez-moi de vous rappeler quels sont ces engagements, parce que nous allons suivre les choses de très près dans l'espoir que ces promesses seront effectivement tenues: 15 millions de dollars par an pendant cinq ans au titre des garanties d'emprunts pour les productions multimédias; 15 millions de dollars par an pendant quatre ans pour appuyer le secteur de l'édition par l'intermédiaire de l'organisme qui doit être créé prochainement et qui portera le nom de Société de mise en valeur de l'édition canadienne; 10 millions de dollars pour commander des oeuvres d'art qui marqueront notre entrée dans un nouveau siècle; et des mesures destinées à renforcer notre capacité de commercialiser ces produits dans le monde, notamment en confiant le mandat particulier de commercialiser les produits et services culturels et éducatifs canadiens au futur organisme de commercialisation.

Le Comité permanent des finances devrait également retenir certaines des sages recommandations que le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information—établi par le gouvernement lui-même—a formulé dans son rapport final intitulé Préparer le Canada du monde numérique, où l'on recense les diverses façons dont le gouvernement pourrait investir dans l'industrie naissante des multimédias. Voilà, selon moi, l'industrie culturelle de l'avenir. Le comité consultatif propose notamment que le crédit d'impôt accordé pour la production de films ou de vidéos canadiens s'applique pareillement aux investissements réalisés dans l'édition de livres canadiens, les enregistrements sonores et les productions multimédias. Il recommande aussi d'établir un fonds canadien pour les multimédias et d'allouer des ressources suffisantes à la Banque de développement du Canada pour qu'elle puisse aider le secteur, en pleine expansion, des multimédias à trouver les capitaux dont il a besoin. Si vous voulez avoir plus de précisions à ce sujet, je vous invite à vous référer aux recommandations 5.7 à 5.12.

Si l'on adopte ces recommandations, de même que celle visant à prolonger indéfiniment l'allocation annuelle de 150 millions de dollars au Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes, on se trouvera à renforcer l'infrastructure culturelle dans les secteurs du film, de la programmation télévisée et des productions multimédias, et l'on s'assurera que l'expression culturelle canadienne trouve sa place aussi bien ici que dans le reste du monde. Manifestement, tout cela ne sera possible que si l'on peut compter, à l'échelle nationale, sur une base solide constituée d'artistes et de créateurs soutenus par l'argent investi dans le Conseil des arts. Ce n'est qu'alors, que la boucle sera bouclée.

Je me permets, par ailleurs, de vous rappeler deux des recommandations formulées l'an dernier par le comité, deux recommandations restées jusqu'ici sans lendemain et que nous vous encourageons à porter, une fois de plus, à l'attention du gouvernement dans le rapport que vous lui adresserez. Ces recommandations sont les suivantes: premièrement, accorder aux salariés à faible revenu, comme les artistes ou les écrivains, la possibilité d'étaler leurs revenus; deuxièmement, introduire des incitatifs fiscaux destinés à encourager les donateurs qui n'ont pas de gros moyens financiers à contribuer aux organismes culturels ainsi qu'aux autres associations de bienfaisance.

Nous ne vous soumettrons fondamentalement aucune nouvelle recommandation. Ce que nous vous demandons, c'est que le gouvernement respecte ses promesses du Livre rouge et prenne les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les recommandations formulées par le Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information, ainsi que les deux propositions formulées par le comité lui-même l'an dernier.

À l'heure où le gouvernement fédéral s'engage dans un processus de reconstruction, il nous paraîtrait judicieux, stratégiquement parlant, qu'il commence par orienter les investissements vers le secteur culturel. C'est le bon cap et il doit continuer dans cette voie pour que les Canadiens puissent profiter pleinement des avantages découlant de la prospérité du secteur culturel, sur les plans de l'économie, du bien-être de nos collectivités et de notre société, de même qu'en ce qui a trait à l'identité nationale et à notre présence sur la scène internationale.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup de cet exposé.

Nous allons maintenant donner la parole à Mme Pat Bradley qui représente l'Association professionnelle des théâtres canadiens. Bienvenue, madame.

Mme Pat Bradley (Association professionnelle des théâtres canadiens): Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité.

J'ai participé aux audiences de l'an dernier et je suis très heureuse d'être ici à nouveau cette année alors que, comme Susan l'a fait remarquer, on vient de donner au Conseil des arts du Canada une base de fonctionnement stable—un financement de 25 millions de dollars par an pendant cinq ans. Je tiens à remercier le comité des recommandations qu'il a formulées l'an dernier et à féliciter le gouvernement d'avoir approuvé ce niveau supérieur de financement.

Je vais brièvement parler d'une des conséquences sur le Conseil des arts du Canada, sur la communauté artistique et notamment sur le secteur des arts de la scène, des coupures dont le Conseil a été victime et qui ont réduit de plus en plus les ressources dont pouvait disposer la communauté artistique. Je crois que dans mon secteur—le théâtre—, c'est l'emploi des jeunes qui a été le plus touché.

• 1815

Quand les fonds publics se font rares, cela a deux effets visibles. D'abord, les organismes qui sont en place dans certains cas depuis 30 ou 40 ans ou parfois moins longtemps, perdent leur base de financement. À moins de pouvoir remplacer celle-ci par un financement consenti par le monde des affaires, qu'il est très difficile d'obtenir de nos jours, ces organismes ont tendance à couper les activités les moins rémunératrices. Souvent, ce sont les activités orientées directement sur le développement et la formation des jeunes auditoires et des jeunes artistes. Deuxièmement, les compagnies nouvelles et émergentes sont laissées pour compte par les organismes de financement. Encore une fois, il s'agit d'organismes qui emploient généralement des artistes, des techniciens, des régisseurs et des employés de soutien qui débutent ou qui viennent d'obtenir un diplôme.

Les nombreuses années de budget de famine et de coupures imposées au Conseil des arts ont eu pour effet, je pense, d'empêcher toute une génération d'artistes, de techniciens et de régisseurs de développer pleinement leur potentiel. D'après une étude récente effectuée en Ontario, les artistes et la main-d'oeuvre employés dans le secteur artistique et culturel, forment, dans notre société, un des groupes de travailleurs les plus instruits; mais le niveau d'instruction n'est pas tout. Rien ne remplace la formation pratique, notamment en ce qui concerne les artistes et les acteurs, les metteurs en scène, les décorateurs, les costumiers, les techniciens et les auteurs. Ainsi, à mon avis, le temps des vaches maigres qu'a connu le Conseil des arts a vraiment entravé le développement des jeunes artistes qui est souvent lié aux activités axées sur les jeunes auditoires et qui a des retombées dans tout le secteur.

Dans ce contexte, j'appuie les recommandations de la CCA en soulignant tout particulièrement la nécessité d'accorder au Conseil des arts un financement pluriannuel, régulier, stable et à long terme.

Le président: Merci beaucoup, madame Bradley.

Le prochain exposé sera présenté par Wendy McPeake, membre du conseil d'administration de l'Association des musées canadiens, et John McAvity, directeur général. Bienvenue à vous.

M. John McAvity (directeur général, Association des musées canadiens): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes très heureux de comparaître à nouveau devant vous, d'autant plus qu'il s'agit d'une journée historique. Nous étions ici il y a exactement un an, et il y a un an, comme c'est le cas aujourd'hui, c'était mon anniversaire. J'avais vraiment l'intention de demander que l'on m'accorde quelques-uns de mes souhaits.

Nous vous avons transmis un mémoire. Je ne reprendrai pas ce qu'il contient, car vous pourrez le lire à loisir, mais je voudrais faire deux ou trois observations dans la foulée de l'exposé présenté par la Conférence canadienne des arts. À notre avis aussi, notre secteur, le secteur culturel dans son ensemble, représente un investissement d'importance stratégique pour assurer le bien-être de notre pays sur le plan social, éducatif et économique

Certains secteurs du domaine culturel se portent mieux que d'autres. Malheureusement, je dois dire que je représente l'un des secteurs qui ont été les plus touchés. Le programme d'aide aux musées administré par le ministère du Patrimoine canadien est notre principal mécanisme de financement, et il a maintenant le triste honneur d'être le plus touché de tous les programmes culturels. Au cours des dernières semaines, on a retranché 20 p. 100 de plus du financement accordé dans le cadre de ce programme. Et les fonds alloués précédemment ont donc été coupés, au total, de 64 p. 100.

Il y a un an, lorsque nous avons comparu devant le comité, nous vous avons demandé—et c'était là l'un des voeux que je formulais à l'occasion de mon anniversaire—un financement stable. Malheureusement, comme nous avons pu le voir, cela n'a pas été le cas. Cette année, je ne vous demande pas un financement stable. Je vous demande un niveau de financement plus élevé, notamment parce que le gouvernement sort de la période difficile qu'il a connue à cause du déficit et que nous entamons un nouveau chapitre de la vie économique de notre pays.

J'aimerais souligner que, du point de vue économique, les musées du Canada rapportent beaucoup plus qu'ils ne coûtent. L'activité directement liée à ce secteur rapporte 1,5 milliard de dollars, ce qui ne comprend pas les profits connexes réalisés dans le secteur du tourisme. Je tire cette information d'un document interne du ministère du Patrimoine canadien. Je vais vous donner un exemple.

L'an dernier, l'exposition Barnes, au Musée des beaux-arts de l'Ontario, a exigé un investissement total de 3,75 millions de dollars. Le total des profits réinjectés dans l'économie s'est élevé à 98 millions de dollars, et l'événement a généré 2 100 emplois, y compris dans les secteurs de la restauration, de l'hôtellerie, des taxis et de toute une gamme de services d'appui. Je cite cet exemple pour démontrer que des retombées de l'activité de notre secteur sur celui du tourisme sont aussi importantes, peut-être, que l'influence que peuvent avoir les musées sur les plans éducatif et social.

• 1820

Dans le rapport que nous vous avons transmis, vous trouverez un certain nombre d'autres recommandations que je voudrais évoquer brièvement. Nous nous inquiétons sérieusement de la baisse du nombre d'expositions spéciales présentées dans tout le Canada et qui permettent aux Canadiens de mieux apprécier ce qui caractérise les diverses régions de notre pays et la palette des cultures que l'on y trouve.

Nous demandons que les expositions itinérantes fassent l'objet d'une considération spéciale. Nous demandons aussi que le Canada assure ces expositions itinérantes. De fait, nous sommes le seul pays du monde occidental n'offrant pas cette assurance. Ce sont les musées qui doivent, de leur propre chef, souscrire des assurances très coûteuses. C'est là, à notre avis, une recommandation rentable et très sensée. En réalité, cela permettrait de réaliser des économies substantielles. Le gouvernement fédéral pourrait assurer ces expositions.

Nous vous demandons de réexaminer certains des incitatifs fiscaux introduits dans le budget de M. Martin l'an dernier. Ces mesures sont excellentes. Nous tenons à vous féliciter d'avoir formulé des recommandations qui ont été suivies d'effet, mais nous estimons que plusieurs d'entre elles pourraient être un peu améliorées.

Tout d'abord, nous demandons que le plafond des déductions fiscales soit porté de 75 p. 100 à 100 p. 100. L'on reviendrait ainsi aux dispositions qui s'appliquaient aux organismes d'État dans le passé, à moindre frais. Nous estimons que cela simplifierait énormément le régime fiscal.

Deuxièmement, nous demandons que la disposition temporaire autorisant le don de titres nominatifs tels que les actions et les obligations devienne permanente et qu'elle soit élargie afin de couvrir d'autres formes de valeurs. Je crois savoir que, plus tôt cette semaine, d'autres organismes de bienfaisance ont fait la même recommandation.

Troisièmement, nous demandons que les frais d'adhésion, c'est-à-dire les droits versés par des particuliers pour faire partie d'organismes de bienfaisance, deviennent déductibles. De notre point de vue, c'est une mesure très peu coûteuse qui permettra d'encourager plus de Canadiens, notamment les Canadiens qui ont de petits moyens, à participer à l'activité culturelle de leur choix.

En ce qui a trait à l'emploi des jeunes, nous avons administré au nom du gouvernement un programme appelé Jeunesse Canada au travail, mis en oeuvre au sein d'institutions de défense du patrimoine. Ce programme a eu un succès retentissant. Il aurait été souhaitable que nous ayons plus d'argent. Malheureusement, les fonds étaient très limités, et nous vous demandons instamment de faire en sorte que cette initiative se poursuive dans de meilleures conditions.

Enfin, au plan international, une éventuelle participation des activités de commercialisation ayant pour but l'exportation des compétences, des expositions et des produits que les divers musées canadiens peuvent offrir nous intéresse beaucoup. Nous serions très heureux que l'on prenne des initiatives et que l'on crée des programmes à cet effet.

Notre secteur représente 2 200 musées. Nous accueillons chaque année plus de 55 millions de visiteurs. Au plan de l'impact social et culturel sur notre pays, nous avons une certaine importance et nous jouons un rôle notable; à notre avis, un investissement stratégique dans notre secteur axé sur la connaissance rapporterait des dividendes à tous les intéressés. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McAvity.

Nous allons maintenant donner la parole au représentant d'ACTRA, M. Alexander Crawley. Bienvenue, monsieur.

M. Alexander S. Crawley (Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA)): Comme je suis acteur, je n'ai pas de texte, ce qui ne devrait pas manquer de vous faire plaisir.

La raison pour laquelle je suis ici, c'est que je souhaite appuyer mes collègues du secteur culturel en général. Je suis particulièrement fier d'une réalisation assez récente de ce secteur—d'ailleurs, nous avons comparu devant vous pour vous en parler—la création du Conseil des ressources humaines du secteur culturel, organisme que je suis heureux de présider.

En outre, j'aimerais souligner dès le départ—et sur ce point, je me fais l'écho de ce que la CCA a déclaré à propos des investissements dans la production de films et d'émissions télévisées, c'est-à-dire, bien entendu, les secteurs où travaillent les membres de mon association—que le conseil devrait devenir permanent. Je pense que le CFTPA et l'APFTQ vont vous présenter quelques arguments très solides en faveur de cette option.

Ce que j'aimerais vraiment souligner aux députés qui sont ici, c'est que vous pouvez nous aider en dissipant une fois pour toutes un malentendu: l'idée que le secteur culturel ne fait pas sa juste part, sur le plan économique, qu'en quelque sorte, tout ce que nous faisons, c'est demander l'aumône. Si vous examinez en détail les mémoires que l'on vous a transmis et si vous regardez les statistiques dures que nous commençons à obtenir, parce que Statistique Canada mesure beaucoup mieux maintenant notre impact, vous verrez que le secteur représente véritablement un bon investissement. En conséquence, une dépense fiscale—c'est comme cela que cela s'appelle, je le sais—dans ce secteur rapportera toujours plus d'argent qu'elle en a exigé.

J'espère que les gens sont assez malins pour comprendre cela et j'espère que parmi vous qui représentez le leadership politique du Canada l'idée va se répandre et que vous allez convaincre vos collègues et la population de l'importance stratégique d'un investissement dans notre secteur. Nous ne sommes pas ici pour demander l'aumône. Je tenais simplement à souligner ce point et je cède la place au témoin suivant.

• 1825

Le président: Merci beaucoup, monsieur Crawley.

L'exposé suivant sera fait par le représentant de l'Association of Canadian Publishers, M. Jack Stoddart.

Bienvenue, monsieur.

M. Jack Stoddart (président-directeur général, Association of Canadian Publishers): Bonsoir. Je m'appelle Jack Stoddart et je suis président de l'Association of Canadian Publishers ainsi que de ma propre entreprise, Stoddart Publishing Co.

Notre association représente plus de 135 éditeurs canadiens de livres de langue anglaise et, même si nous ne sommes pas ici officiellement pour représenter ANEL, l'Association d'éditeurs de livres de langue française, nous travaillons avec elle en étroite collaboration et nos déclarations reflètent également, je crois, son point de vue. Mais ce n'est pas officiel.

C'est la troisième année que nous venons faire un exposé et nous avons trouvé cela très utile. Nous vous remercions de nous inviter et de nous consacrer un peu de temps. L'an dernier, dans la foulée des témoignages, le Comité des finances a recommandé un programme de garantie d'emprunt pour les éditeurs de livres. Depuis, la création du programme a été annoncée par Mme la ministre Sheila Copps, et nous nous attendons à ce qu'il soit mis en vigueur d'ici avril 1998. Nous vous remercions d'avoir formulé cette recommandation. Nous estimons qu'il s'agit de mesures très positives et nous avons été heureux d'avoir été compris.

Au Canada, l'édition de livres emploie directement et à temps plein plus de 7 000 personnes et les ventes annuelles dépassent un milliard de dollars. Ainsi, tous ces petits livres publiés ici et là représentent, cumulativement, une activité commerciale substantielle.

L'édition de livres est une composante essentielle de la nouvelle économie informationnelle, d'une part, parce qu'elle fournit le contenu de la nouvelle autoroute de l'information et, d'autre part, parce qu'elle offre aux gens une information abordable et accessible sous la forme de livres. Cela fait des siècles qu'on prétend que c'est la fin du livre. Je soupçonne qu'au cours du prochain millénaire, ou je ne sais quand, on fera toujours ce genre de remarque, mais nous ne nous débrouillons pas mal, merci.

Nous estimons que l'édition de livres—ou pour être plus précis, les livres et la création littéraire, jouent un rôle fondamental dans l'enrichissement de la culture de notre pays, et c'est la raison pour laquelle nous militons si vigoureusement pour porter nos préoccupations à votre attention.

Les députés se souviennent peut-être que le financement accordé par le gouvernement fédéral aux éditeurs de livres a été coupé de 55 p. 100 au cours de l'examen des programmes. C'est, de loin, l'industrie culturelle qui a été la plus durement touchée. Nous avons réagi en élaborant, de concert avec ANEL, un programme en trois volets que nous avons ensuite développé en collaboration avec le ministère du Patrimoine canadien. L'an dernier, dans le cadre de la Journée du livre au Canada, le 23 avril, la ministre a annoncé que notre proposition allait servir de base au nouveau programme du ministère.

Cette proposition comportait trois volets: un financement majoré et stable; un nouveau programme de garantie d'emprunt qui, je l'ai indiqué plus tôt, a déjà été introduit; et enfin de nouvelles mesures structurelles destinées à établir des règles du jeu équitables dans le secteur de la production de nouveaux livres canadiens.

Dans leur document de politique, le Livre rouge II, les libéraux s'étaient engagés à injecter 15 millions de plus par an dans l'édition de livres. Nous accueillons avec plaisir cette mesure et nous l'applaudissons. Nous recommandons instamment que ces fonds soient injectés dans les programmes déjà existant. Ils ont déjà démontré leurs efficacités. Je reviendrai là-dessus plus tard.

Nous applaudissons également, cela va de soi, à l'octroi de fonds supplémentaires au Conseil des arts et nous espérons que les livres en bénéficieront en partie.

Le financement dont les éditeurs bénéficieront à nouveau rééquilibrera la situation découlant des coupures excessives effectuées lors de l'examen des programmes, et conférera à ce secteur une nouvelle stabilité. Le nouveau programme de garantie d'emprunt aidera les éditeurs à avoir accès aux capitaux qui leur sont nécessaires. Dans la plupart des industries culturelles, c'est peut-être ce qui s'avère le plus difficile. Les banques et les institutions financières traditionnelles ne considèrent pas, la plupart du temps, les industries culturelles comme un secteur qu'il leur parait souhaitable de faire bénéficier de leur programme de prêt. Nous estimons donc que cette mesure est très positive.

Quoi qu'il en soit, le nouveau programme structurel que je propose ce soir a pour but de régler le problème de l'écart entre la marge bénéficiaire brute que réalisent les éditeurs canadiens par rapport à celle des éditeurs étrangers avec lesquels ils sont en concurrence; c'est le troisième volet qui permettrait de compléter le programme dont je parlais.

De nombreuses études ont cerné les obstacles structurels auxquels se heurtent les éditeurs de livres ainsi que les écrivains canadiens. L'écart entre la marge bénéficiaire brute des éditeurs canadiens et celle des éditeurs étrangers est dû au fait que, au Canada, l'on ne peut pas faire d'économie d'échelle, l'on ne peut distribuer des livres importés qui rapportent de gros bénéfices et que l'on ne peut vendre à des prix qui reflètent les coûts canadiens parce que les livres américains inondent le marché et qu'en réalité, c'est cela qui fixe le prix de vente au détail que l'on peut demander pour un livre au Canada.

• 1830

En moyenne, il y a un écart de 9 à 10 p. 100 entre les marges bénéficiaires brutes des sociétés contrôlées par des intérêts canadiens et celles d'entreprises étrangères, dans le secteur de l'édition de livres. Je ne sais pas si le problème est le même dans d'autres industries, mais pour les entreprises canadiennes, une différence de 9 à 10 p. 100 dans la marge bénéficiaire brute représente un énorme désavantage par rapport à ses concurrents.

Cela empêche les éditeurs canadiens d'accumuler dans leurs entreprises des capitaux propres. Or, sans capitaux propres, il est très difficile d'avoir accès au financement des banques et des institutions financières. Un CIIR permettrait de surmonter cet obstacle et d'éliminer l'écart qui existe. Votre comité a demandé que nous recommandions des mesures fiscales, et nous proposons un crédit d'impôt à l'investissement remboursable pour le secteur de l'édition de livres.

Il existe des précédents en la matière. En 1997, le gouvernement de l'Ontario a créé un CIIR par le biais duquel les éditeurs recevront... etc. Cette mesure a aussi, évidemment, été proposée dans le budget 1995 à l'intention du secteur de la production de films et de vidéos. Il s'agit donc d'une méthode éprouvée pour accorder un financement par le biais d'un dégrèvement, si l'on peut dire.

Des études ont été effectuées pour le compte du gouvernement fédéral par Paul Audley and Associates Ltd. en 1990, par Ernst & Young en 1995, par Arthur Donner en 1996, et par l'ACP en 1997. Toutes ces études recommandent la création d'un CIIR à l'intention de l'industrie de l'édition de livres, comme étant une mesure avantageuse.

La plupart des éditeurs bénéficieraient d'un tel CIIR. Quelques-uns, les presses universitaires par exemple, qui sont des organismes à but non lucratif, n'entreraient pas dans cette catégorie. Dans l'hypothèse où ce CIIR serait approuvé, nous espérons qu'il y aurait une mesure parallèle à l'intention des organismes à but non lucratif.

J'ai parlé plus tôt de l'engagement concernant les 15 millions de dollars que l'on trouve dans le Livre rouge. Parmi les autres engagements que l'on peut noter dans ce document, on compte aussi celui qui porte sur la création d'un organisme de l'État chargé de la prestation de programmes d'appui à l'intention de l'industrie de l'édition de livres. Ni l'ACP ni ANEL n'avalisent cette proposition et considèrent qu'il s'agit d'une priorité. Nous estimons que les programmes actuellement en vigueur ainsi que les mécanismes d'exécution sont efficaces et rentables et qu'en créant un nouvel organisme, on risque de scinder deux fonctions qui vont de pair: l'élaboration de politiques et la prestation de programmes. Nous prions donc instamment le gouvernement de réexaminer cette proposition. De notre point de vue, la création de cet organisme exigerait d'énormes sommes d'argent et beaucoup de temps et, au bout du compte, nous estimons que ce ne serait pas un instrument efficace pour développer l'édition au Canada.

J'aimerais soulever très brièvement quatre autres points. Le premier a trait aux conséquences catastrophiques que la réduction du financement public a eues sur les bibliothèques. Le Canada pouvait se vanter du programme d'appui aux bibliothèques. Or, de plus en plus, au fur et à mesure que les fonds s'amenuisent et que ce sont des auteurs de l'espèce de Danielle Steel que l'on achète surtout, de moins en moins d'auteurs canadiens trouvent leur place dans les bibliothèques de notre pays. Je pense que c'est un sérieux problème. Nos éditeurs scolaires se retrouvent dans la même situation.

Le gouvernement souhaite susciter à travers le pays un sentiment d'appartenance. Perdre la capacité de créer des manuels scolaires canadiens et remplir nos bibliothèques de romans étrangers nous détruira aussi sûrement que ceux qui veulent démanteler notre pays. L'Accord multilatéral sur l'investissement que l'on se propose d'adopter remet sérieusement en question le développement d'un secteur culturel fort. Même si ce n'est pas une mesure fiscale, nous considérons que cela représente une grave menace.

Tout aussi menaçant est le défi lancé par les États-Unis à l'industrie des périodiques dans le cadre des accords régis par l'OMC. Si les États-Unis ont gain de cause, cela créera un précédent très dangereux pour toutes les industries culturelles, et nous craignons fort que ce soit le cas.

Nous allons continuer à attirer l'attention d'autres instances gouvernementales sur ces questions, mais elles sont toutes pour nous des sujets de préoccupation majeurs.

Les éditeurs canadiens d'ouvrages de langue anglaise et française ont joué un grand rôle dans le développement d'une littérature nationale qui a permis aux Canadiens de mieux se connaître les uns les autres et qui a fait connaître le Canada au monde entier. Nos auteurs ont du succès à travers le monde et la croissance de nos exportations est notable. La méthode canadienne qui est de favoriser l'excellence au plan de la création, d'encourager la ténacité entrepreneuriale et de fournir une aide gouvernementale modeste permet d'assurer que les Canadiens ont accès à leur propre culture qui est essentiellement une image de nous même créée pour nous même.

Bien souvent, lorsque nous pensons au succès que nous remportons sur la scène internationale grâce à nos artistes, nos musiciens ou nos écrivains et nous disons: n'est-ce pas merveilleux? Si. C'est vraiment merveilleux. Mais ce que nous écrivons, que nous publions et ce que nous interprétons pour nous-mêmes est tout aussi important. Bien souvent, nous oublions que c'est cette pierre de l'édifice qui compte car cela permet à d'autres de connaître la réussite sur la scène internationale.

• 1835

Je pense que les réalisations des industries culturelles sont extraordinaires. Je remercie le comité des recommandations qu'il a formulées ces dernières années. Nous vous demandons de continuer à vous intéresser à la création littéraire et à l'édition canadienne et de nous accorder votre appui.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stoddart. Nous allons maintenant donner la parole à la représentante de la Writers' Union of Canada, Mme Merilyn Simonds, qui a le titre de deuxième vice-présidente. Bienvenue, madame.

Mme Merilyn Simonds (deuxième vice-présidente, Writers' Union of Canada): Merci.

À la différence de la plupart des autres témoins, je ne représente pas un organisme; je représente en fait les créateurs du Canada.

À l'heure où le Canada passe à une économie axée sur la connaissance, les écrivains se retrouvent au centre de la vie économique. Leur rôle devient aussi important que celui des agriculteurs, des pêcheurs et des mineurs dans l'ancienne économie qui était axée sur l'exploitation des ressources.

On parle beaucoup d'investir dans la technologie, mais sans le contenu qui peut rendre cette technologie souhaitable et indispensable, la transition vers une nouvelle économie axée sur la connaissance ne peut pas aboutir. La technologie est uniquement le moyen de parvenir à nos fins; c'est le contenu qui est au coeur d'une économie axée sur la connaissance.

Je suis donc ici pour vous parler au nom de ceux et de celles que tant de gens appellent maintenant des fournisseurs de contenu; en ce qui nous concerne, nous restons des écrivains. Ce que nous faisons est évidemment fondamental pour l'industrie de l'édition, mais c'est toute une structure rentable qui repose également sur notre travail.

Prenez, par exemple, la compagnie de production cinématographique, les monteurs de son, les distributeurs et les vendeurs de pop-corn qui, tous, ont gagné leur vie grâce au livre écrit par Michael Ondaatje, Le patient anglais. Ou encore, pensez aux acteurs, aux metteurs en scène, aux voyagistes et aux propriétaires de cafés-couettes de l'Île-du-Prince-Édouard qui gagnent leur vie grâce à Lucy Maud Montgomery. C'est une industrie énorme qui repose sur les épaules des écrivains.

Derrière chaque mot prononcé à la radio, à la télévision et sur la scène, derrière chaque mot que l'on peut lire sur Internet et chaque mot téléchargé d'une base de données, se trouve un rédacteur professionnel. Il sait non seulement écrire, mais produire des idées et recueillir des informations. C'est la raison pour laquelle nous jouons un rôle si capital à l'aube de l'ère de l'information.

À notre avis, pour favoriser l'essor d'une économie axée sur la connaissance, un pays doit couver ses écrivains, ceux qui créent la propriété intellectuelle qui va devenir la monnaie d'échange à l'âge de l'information.

Les nouvelles concernant le Conseil des arts sont excellentes, mais vous devez savoir que 1,6 p. 100 seulement des 15 000 écrivains travaillant au Canada aujourd'hui bénéficient de subventions individuelles du Conseil des arts. Ce pourcentage est extraordinairement limité. Vous pouvez doubler, tripler et quadrupler le budget du Conseil des arts, la part des fonds qui se retrouvera dans la poche des écrivains restera dérisoire.

En vérité, être écrivain aujourd'hui au Canada c'est accepter une situation économique qui ressemble aux montagnes russes, une situation financière si précaire et une imposition si injuste que, bien loin de se sentir appuyer, on se sent au contraire, lorsqu'on est écrivain dans ce pays souvent persécuté, avec juste raison.

Je vais vous décrire en détail ce que cela signifie d'écrire un livre dans ce pays. Peut-être que certains d'entre vous savent déjà ce qu'il en est, mais je doute fort que vous ayez connu ce que traverse un écrivain qui se consacre à cette tâche à plein temps et qui essaie de joindre les deux bouts, d'envoyer ses enfants à l'université et ainsi de suite.

Un livre prend, en moyenne, deux ans à écrire. Le mien a pris sept ans, mais il faut bien dire que je suis lente. Disons qu'après deux ans un écrivain trouve un éditeur et reçoit 10 000 $ d'avance sur ses droits d'auteur. Aux nouvelles, vous entendez parler d'avances qui se chiffrent à des centaines de milliers de dollars. Or, 10 000 $ est une somme que l'on considère généreuse. La plupart des avances sont inférieures. Il faut une autre année pour produire un livre.

Les éditeurs font tous des coupures. Ils sont tous durement touchés. On demande maintenant aux écrivains de choisir les illustrations qui apparaîtront sur la couverture de leurs livres, de faire les index, de se procurer leurs propres illustrations et même d'écrire leurs propres communiqués de presse. Ainsi, même pendant la troisième année, les écrivains sont encore tenus de participer étroitement à la production de leurs livres.

Bref, disons que le livre est publié. Disons que c'est un succès éclatant. Il remporte deux ou trois prix et se vend à 10 000 exemplaires. Au Canada, cela en fait un best-seller.

Six mois après la publication, les droits d'auteur sont calculés. Cela fait maintenant trois ans et demi que vous travaillez et toujours pas d'argent. Plusieurs mois après, les chèques sont vous sont postés.

Pendant ce temps, l'écrivain fait des tournées de promotion où il prononce des exposés et des conférences et donne des entrevues. Là encore, c'est l'écrivain qui doit financer la plupart des frais parce que les budgets des éditeurs ont été incroyablement réduits.

Enfin, le premier chèque de droits d'auteur arrive. Dix pour cent sur un livre de 30 $, soit 3 $ le livre. À dix mille exemplaires vendus, cela fait donc 30 000 $, moins l'avance. Le chèque est de 20 000 $.

Fantastique, n'est-ce pas? Pas vraiment, parce que ces 20 000 $—30 000 $ en tout—doivent être étalés sur quatre ans. Ce livre représente quatre ans ce qui fait donc 7 500 $ par an.

• 1840

Personne ne peut vivre avec ça. L'écrivain fait autre chose sur le côté. Tous les écrivains que je connais survivent grâce à un savant échafaudage d'activités rémunératrices diverses. Certains vendent des beignets ou sont chauffeurs de taxi, mais le plus souvent, ils font un peu d'enseignement ou écrivent quelques articles pour des magazines.

Les écrivains canadiens, comme quelqu'un d'autre l'a dit aujourd'hui, sont parmi les personnes les plus instruites de notre société. Ils sont tout aussi instruits que les médecins, les avocats et les ingénieurs. Et pourtant, leur revenu moyen tourne autour de 20 000 $, toutes sources confondues. En moyenne, ils travaillent plus de 50 heures par semaine.

Vous pouvez donc imaginer la frustration que l'on peut ressentir, le sentiment d'affront suprême qu'on éprouve, quand on reçoit ce chèque de 20 000 $ pour un travail de quatre ans et qu'on doit payer des impôts sur cette somme comme si on l'avait gagnée en totalité la même année.

Le régime fiscal actuel est fait pour les travailleurs à salaire et pénalise tous ceux dont le revenu fluctue. Peu de revenus fluctuent de façon aussi catastrophique que ceux des écrivains. Si les écrivains pouvaient étaler leur revenu sur toute la période consacrée à la production de leur livre avant sa publication, ils paieraient des impôts dans les mêmes proportions que tout autre travailleur au Canada.

L'étalement de l'impôt n'est pas une idée nouvelle. On a autorisé les agriculteurs et les pêcheurs à procéder ainsi il y a 50 ans, à l'époque où ils jouaient un rôle capital dans une économie axée sur les ressources. À l'heure actuelle, ce sont les écrivains—de fait, tous les créateurs—qui jouent le même rôle que les agriculteurs dans une économie axée sur la connaissance. Sans nous, la culture dépérirait.

Dans le passé, tous les contribuables pouvaient avoir recours à l'étalement du revenu. Cette méthode compense toutes les dispositions arbitraires dissimulées dans notre régime fiscal. Nous demandons instamment au gouvernement de réinstaurer l'étalement rétroactif à l'intention des écrivains et de tous ceux qui produisent des oeuvres originales protégées par des droits d'auteur. C'est un avantage dont bénéficieraient non seulement les créateurs, mais tous ceux qui sont employés par les industries nourries par le travail des écrivains.

Parallèlement à l'étalement du revenu, le gouvernement devrait offrir des incitatifs à ceux et celles qui, de fait, sont les moteurs de la société de l'information. D'autres pays se donnent beaucoup de mal pour soutenir leurs fournisseurs de contenu. En Irlande, par exemple, les revenus des artistes, des écrivains et des compositeurs ne sont pas imposés.

Je parle au nom des écrivains de langue anglaise. Il existe également un groupe au Québec, l'UNEQ, qui représente les écrivains québécois. Ces derniers se trouvent dans une position privilégiée, car la Loi de l'impôt sur le revenu du Québec contient une disposition en vertu de laquelle la première tranche de 20 000 $ de revenu net provenant d'une oeuvre protégée par des droits d'auteur est entièrement déductible d'impôt, de même qu'une partie de la tranche suivante de 10 000 $.

Une telle mesure ferait beaucoup pour alléger les sévères contraintes économiques qu'on doit s'imposer au Canada, quand on se consacre à la création littéraire. Étant donné les bas revenus de la plupart des créateurs, cette disposition, tout comme l'étalement rétroactif au bénéfice des écrivains, ne ferait pratiquement perdre aucune recette fiscale au gouvernement, mais permettrait à chaque écrivain de récupérer quelques milliers de dollars. Ainsi, non seulement les fournisseurs de contenu pourraient continuer à travailler, mais on reconnaîtrait qu'ils apportent une contribution essentielle à l'économie canadienne axée sur la connaissance.

Les écrivains ne reçoivent pratiquement rien de l'État. Nous ne pouvons pas compter sur le filet de sécurité sociale. Nous n'avons droit à aucune prestation d'assurance-chômage, aucune indemnisation des accidentés du travail ni prestation d'assurance-maladie. Si nous voulons une assurance-médicaments, il faut que nous la souscrivions nous-mêmes. Nous travaillons de longues heures pour une rémunération dérisoire, parce que nous savons que ce que nous faisons a de la valeur.

Tout ce que nous demandons c'est d'être autorisés à conserver la même proportion de notre revenu que les autres travailleurs du Canada qui ont la chance de recevoir régulièrement un chèque de paie. Nous demandons au gouvernement de ne pas nous faire la vie plus dure en continuant à nous pénaliser et de montrer aux Canadiens et au reste du monde que, dans ce pays, on attache de la valeur au travail des créateurs en instaurant une déduction de l'impôt sur le revenu au titre des oeuvres protégées par des droits d'auteur, comme on le fait au Québec.

Nous vous demandons également—cette proposition se trouve dans le document plus long que vous avez devant vous—de recommander que le droit de prêt au public devienne un programme prévu par un texte législatif au lieu d'être administré par l'intermédiaire du Conseil des arts, de façon que cette forme de financement soit garantie.

Bien entendu, nous conseillons vivement au gouvernement de continuer à soutenir le Conseil des arts ainsi que toutes les technologies et les industries intervenant dans la production de nos oeuvres.

Le gouvernement ne peut pas créer des emplois pour nous, mais nous, nous pouvons créer des emplois au Canada. Si l'on nous accorde la possibilité d'étaler notre revenu ainsi qu'une déduction fiscale au titre des oeuvres protégées par des droits d'auteur, le contenu que nous produisons permettra de créer des milliers et des milliers d'emplois dans la nouvelle économie du savoir.

• 1845

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre l'exposé du représentant du Conseil culturel des ressources humaines, M. Jean-Phillippe Tadet. Bienvenue, monsieur.

[Français]

M. Jean-Philippe Tadet (directeur général, Conseil culturel des ressources humaines): Bonjour. C'est la deuxième fois que je comparais à ce comité et je remercie le comité d'avoir suivi, l'année dernière, une de nos recommandations qui visait à préserver la stabilité de notre infrastructure de formation culturelle au Canada.

La ministre Copps et le ministre Pettigrew ont annoncé, au mois d'avril de l'année dernière, la création d'un fonds spécial sur les arts et la formation par lequel les principales institutions de formation culturelle au niveau préprofessionnel ont été sauvegardées. Au nom du secteur culturel, je dois vous remercier d'avoir eu une attitude extrêmement avant-gardiste, puisque vous avez reconnu là que cet investissement joue un rôle considérable pour le Canada et pour toutes les communautés culturelles canadiennes, anglaises, françaises et multiculturelles.

J'aimerais maintenant vous parler un petit peu de notre secteur culturel, parce que je ne suis pas sûr que les caractéristiques dans lesquelles travaillent ou agissent les travailleurs culturels vous soient forcément bien connues. Je ne ferai qu'ajouter, dans une perspective peut-être un peu plus spécifique, ce qui vient d'être dit.

En général, il y a au Canada 14 millions de travailleurs. C'est la population active. On considère qu'il y a en ce moment dans le secteur culturel 700 000 travailleurs. Ce sont des créateurs, mais ce sont aussi des gens qui travaillent dans la distribution de produits culturels, dans la création, la réalisation et la conservation de produits et services culturels. Ce n'est naturellement pas une force de travail insignifiante, au contraire.

Une des caractéristiques de notre population active, c'est qu'elle est essentiellement formée, pour 50 p. 100, de travailleurs autonomes, de pigistes, de micro-entreprises et de petites entreprises. Si on examine quels sont les instruments législatifs ou les moyens que le gouvernement a mis en place depuis un certain nombre d'années pour aider cette main-d'oeuvre à se développer, à se structurer, à jouer son rôle dans l'économie du Canada, on s'aperçoit facilement que la plupart des institutions du Canada et des provinces, de ce point de vue-là, sont centrées autour du concept employeur-employé.

Il y a un certain nombre de mécanismes, par exemple l'assurance-emploi qui permet aux travailleurs qui sont dans ce cadre-là d'être pris en charge quand il y a une période de chômage. Autour de ce mécanisme, qui est extrêmement important et qui occupe une grande place dans les finances publiques, il y a un certain nombre d'institutions comme, par exemple, les grands ministères provinciaux ou fédéraux de l'Industrie, des Affaires étrangères et du Commerce international qui viennent nourrir cette structure, cette relation de travail employeur-employé.

Les organisations syndicales puissamment organisées autour de ce concept, les représentants d'employeurs, les comités paritaires, les commissions de mise en valeur de la main-d'oeuvre, tous ces instruments qui ont été créés viennent réguler le marché du travail. Ce sont des investissements dont le Canada peut être fier.

Maintenant, si vous regardez ce qui existe pour notre main-d'oeuvre, qu'avons-nous à notre disposition? Un certain nombre de petites mesures en matière de taxes, en matière de revenus, de déductions ou de crédits d'impôt. On vient d'entendre ici ce qui a été annoncé avec beaucoup d'éloquence. Ce qu'on vous demande, en particulier, pour rendre les déductions d'impôt plus faciles pour un certain nombre de nos membres, pour donner une loi plus adéquate aux pigistes du secteur culturel, c'est que ce qui s'applique aux écrivains s'applique aussi aux autres acteurs du milieu culturel.

Ce sont de petites choses, mais elles peuvent faire de grands effets dans notre secteur. Qu'avons-nous dans notre secteur pour défendre et nourrir notre main-d'oeuvre? Au fond, nous avons les grands ministères de la Culture et des Communications. Je dis «grands ministères» parce qu'ils apportent peut-être beaucoup de valeur à un certain nombre d'initiatives publiques, mais ce sont des ministères dont les budgets sont relativement faibles.

• 1850

On a le Conseil des arts du Canada et les autres conseils des arts, et nous vous sommes très reconnaissants d'avoir permis l'augmentation des fonds alloués au Conseil des arts du Canada. Mais, si on prend une image globale des institutions qui nourrissent et développent les ressources humaines dans le secteur culturel, on s'aperçoit, et c'est l'évidence, que les investissements sont relativement faibles. Les mesures législatives pourraient être plus importantes. Je vous invite à essayer de regarder notre secteur de ce point de vue-là.

[Traduction]

Le Conseil culturel des ressources humaines a défini des besoins et des priorités en matière d'investissements dans le développement des ressources humaines du secteur culturel, et nous espérons que le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui vous aidera à orienter les politiques qui seront élaborées, les programmes qui seront mis en place et la législation qui sera introduite au niveau fédéral.

Je ne vais pas revenir sur les statistiques qui ont été si brillamment mentionnées par les témoins qui m'ont précédé. Je vais me contenter de vous dire quel type d'investissement nous paraît judicieux tant pour nous que pour le Canada, étant donné que c'est une des questions que vous avez posées.

Notre première recommandation est la suivante: pour parvenir, dans le secteur culturel, à un développement des ressources humaines clairement défini et stratégiquement orienté, le gouvernement doit appuyer certains mécanismes d'ajustement de prime importance qui pourraient être menacés parce qu'on a transféré aux provinces les pouvoirs relatifs à la formation. Je veux parler d'un certain nombre d'initiatives prises par des organismes de service dans le secteur des arts d'agrément pour aider les travailleurs à trouver des emplois, à s'orienter, à organiser des programmes de mentorat et à mettre sur pied des stages à l'intention des jeunes ainsi que des activités de perfectionnement professionnel.

Tous cela coûte très peu au gouvernement. De fait, nous avons calculé que pour chaque dollar investi par le gouvernement dans ces mécanismes d'ajustement stratégique, le secteur culturel contribue pour deux dollars; ainsi donc, votre investissement revêt une importance capitale et aide le secteur à se développer.

Il s'agit d'activités de perfectionnement professionnel qui ont lieu dans tout le Canada et qui sont essentielles pour constituer la base dont on a besoin pour offrir aux Canadiens des débouchés dans le secteur culturel. On a recensé des besoins importants, et il se peut que l'on ne puisse y répondre en ayant recours aux programmes de formation de la main-d'oeuvre conçus pour d'autres secteurs. Nous vous avons transmis un mémoire consacré à cette question pour que vous puissiez l'examiner en profondeur, et nous recommandons que le gouvernement accorde à ces activités un soutien adéquat et soutenu.

Notre deuxième recommandation porte sur les nouvelles technologies. Nous sommes d'avis que ces nouvelles technologies—les ordinateurs et les communications électroniques—ont de nombreuses incidences sur le secteur qui nous concerne. Tout d'abord, elles révolutionnent la façon dont on fait des affaires et dont on se décharge des tâches administratives et, ce qui est encore plus important, elles ont bouleversé la commercialisation et la distribution des produits basés sur l'électronique comme les enregistrements sonores, les films, les livres et les périodiques. On peut avoir recours à ces technologies dans le cadre des activités de production, et elles peuvent être également la source de nouveaux produits. Le CCRH recommande que le gouvernement soutienne ce secteur afin de le doter des moyens nécessaires pour relever de nouveaux défis dans des secteurs comme la télévision numérique, par exemple.

Troisièmement, nous demandons que les dispositions fiscales et les autres mesures de réglementation que le Comité permanent des finances recommandera servent à assurer que tout investissement dans le développement des ressources humaines du secteur culturel fasse l'objet d'un suivi. Cela pourrait s'appliquer au nouveau programme ou au fonds parrainés par le gouvernement. Il faudrait probablement—et il s'agit-là d'une recommandation globale—créer un fonds de développement des ressources humaines pour tout le secteur culturel canadien.

Il existe, au Canada et à travers le monde, de nombreuses possibilités pour assurer une croissance soutenue du secteur culturel. Toutefois, l'exploitation de ces perspectives de croissance dépendra en partie de la façon dont nous gérons et dont nous développons le capital humain qui est le pilier de notre secteur. Il faut tenir compte à la fois du climat et du développement continu de la main-d'oeuvre pour définir des moyens efficaces de consolider cette réserve de talents afin de contribuer à la santé et à la vitalité du secteur culturel canadien. Nous sommes convaincus que le comité reconnaîtra l'importance d'investir dans les ressources humaines et fera appel à notre expérience en la matière dans le cadre de ses discussions et de ses délibérations

• 1855

Merci.

Le président: Merci, monsieur Tadet.

Et maintenant, si j'ai bien compris, Elizabeth McDonald et Tom Berry qui représentent l'Association canadienne de production de film et télévision vont faire une présentation conjointe avec la personne qui représente

[Français]

l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, Mme Louise Baillargeon.

[Traduction]

Vous pouvez commencer.

Mme Elizabeth McDonald (présidente, Association canadienne de production de film et télévision): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Elizabeth McDonald et je suis présidente de l'Association canadienne de production de film et télévision. Je suis accompagnée aujourd'hui de mon homologue, Mme Louise Baillargeon, qui est

[Français]

présidente de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec,

[Traduction]

et de M. Tom Berry, qui est membre actif des deux associations, président sortant du conseil d'administration de la CFTPA et actuellement président du Comité des relations gouvernementales de l'association. M. Berry est réalisateur de longs métrages à la société montréalaise, les Films Allegro, qui fait partie du groupe Coscient.

Louise.

[Français]

Mme Louise Baillargeon (présidente-directrice générale, Association des producteurs de films et de télévision du Québec): L'APFTQ et la CFTPA travaillent constamment en partenariat pour représenter les intérêts de leurs membres qui totalisent collectivement un peu plus de 450 maisons de production, et ce, dans tous les secteurs de la production, dans toutes les régions du pays et dans les deux langues officielles.

C'est un privilège d'être ici ce soir, particulièrement à un moment que nous jugeons critique pour notre industrie.

Bien que le portrait de notre industrie que nous avons conjointement publié en février dernier démontre que le volume de production, les retombées d'exportation et la création d'emplois ont augmenté de façon constante ces dernières années, nous sommes terriblement vulnérables, puisque nous sommes quotidiennement en compétition avec la réalité, à savoir que nous sommes les voisins immédiats de la plus grosse et de la plus riche machine de production au monde.

Tom.

[Traduction]

M. Tom Berry (président, Comité des relations gouvernementales, Association canadienne de production de film et télévision): Mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier à nouveau de donner à nos associations l'occasion de présenter leur point de vue sur le prochain budget du gouvernement fédéral.

Étant donné que la situation s'améliore et que cela crée de grandes attentes, vous nous avez demandé de répondre à trois questions clés.

Il est important que vous sachiez que l'industrie du film et de la télévision est une industrie qui s'intègre parfaitement à la nouvelle économie. Notre industrie n'est pas tributaire de ressources; nous faisons partie intégrante de l'économie du savoir. Nous créons des emplois. Au moins 55 p. 100 de tous les budgets de production sont directement consacrés à la main-d'oeuvre, et ce sont d'excellents emplois que nous offrons. Ce sont des emplois très rémunérateurs qui exigent de grandes compétences et qui injectent des fonds substantiels dans l'économie canadienne. Nous souhaiterions tous que nos enfants puissent occuper ce genre d'emplois.

Quelles sont certaines des hypothèses économiques fondamentales qui devraient s'appliquer, selon nous, à notre secteur? Eh bien, même si le secteur de la production cinématographique et télévisée devient de plus en plus prospère au Canada, le comité et le gouvernement se tromperaient s'ils estimaient que notre industrie continuera dans cette voie sans le bénéfice d'un soutien public. Le marché canadien est limité. Pour que notre industrie puisse conserver son caractère distinctif qui la rend typiquement canadienne, réaliser des produits culturels canadiens et offrir des débouchés aux Canadiens de talent pour qu'ils souhaitent continuer à travailler dans notre pays, il faudra qu'elle continue à bénéficier d'un financement public, d'une réglementation favorable et de programmes d'incitatifs fiscaux.

Il faut bien reconnaître que, mis à part les États-Unis, tous les autres pays du monde occidental—comme le Royaume Uni, la France, l'Allemagne et l'Australie—contribuent davantage à leur industrie nationale de production cinématographique et télévisée. Ces pays ne font pas face à la même menace que nous, du fait de notre frontière commune avec les États-Unis; ils n'ont pas à résoudre les problèmes que posent notre géographie et nos multiples fuseaux horaires; et ils n'ont pas non plus à produire dans deux langues officielles.

Nous devons nous assurer qu'il existe au Canada un marché pour nos produits. Avec l'appui du CRTC, nous avons créé une demande pour les produits canadiens que l'on peut voir sur nos écrans de télévision. On ne peut pas dire la même chose en ce qui concerne les longs métrages car nous avons perdu pratiquement tout contrôle sur les mécanismes de distribution et de diffusion. Il nous a manqué la volonté politique nécessaire pour faire bénéficier le secteur du long métrage canadien d'un engagement sérieux et durable.

• 1900

Il va falloir que nous nous montrions novateurs pour concevoir des mécanismes d'appui répondant à la fois à des objectifs culturels et aux exigences de l'industrie. Nous devons être prêts à investir dans notre main-d'oeuvre à l'heure où émergent de nouvelles technologies, comme la télévision numérique et la télévision haute définition. Nous avons besoin d'une main-d'oeuvre qui pouvant réaliser un produit canadien et mais également concurrentiel par rapport au meilleur produit offert ailleurs dans le monde.

Elizabeth.

Mme Elizabeth McDonald: Merci, Tom.

En ce qui a trait aux mécanismes de soutien, nous demandons au comité de recommander au ministre des Finances d'inclure, dans le budget du gouvernement qui sera rendu public en février 1998, un engagement sans équivoque en faveur du maintien du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes. Louise et moi-même sommes membres du conseil d'administration de ce fonds qui a été créé en septembre 1997 et qui doit être réduit de 50 p. 100 au cours de l'année financière 1998-1999, pour disparaître complètement l'année suivante.

Le FTCPC est un animal rare. Comme le dit si souvent Tom, ce devrait être le prototype des mécanismes de financement du gouvernement à l'intention du secteur culturel. Le fonds est financé à la fois par des entités publiques et des entités privées et répond à des objectifs définis par chacun de ces secteurs dans le but de générer une activité beaucoup plus intense dans le secteur de la production canadienne. Si l'on s'en tient à l'année écoulée, le Fonds a permis d'apporter un soutien essentiel à la réalisation de plus de 376 émissions, représentant 2 221 heures de programmation destinée aux adultes et aux enfants, toutes diffusées aux heures de grande écoute. Plus de 19 000 emplois ont été créés. Les contributions du FTCPC ont donné lieu à la production d'émissions de télévision d'une valeur de 625 millions de dollars et à des avantages économiques directs et connexes se chiffrant à environ 525 millions de dollars.

Le FTCPC aide la SRC à redéfinir ses activités à l'heure où elle peut consacrer moins de ressources à l'infrastructure, à canadianiser son horaire et enfin à travailler en collaboration avec le secteur privé.

Louise.

[Français]

Mme Louise Baillargeon: Le fonds a créé une énorme différence pour les producteurs indépendants, à la fois quant à la qualité et à la quantité des émissions actuellement en ondes au Canada.

En effet, l'apport de nouvel argent public, en septembre 1997, a permis au Québec de presque doubler les investissements en production. Ils sont passés de 38,4 millions de dollars en 1995-1996 à 65,1 millions de dollars en 1996-1997. En termes pratiques, cela signifie que les Québécois peuvent maintenant voir plus de fiction lourde, de grandes séries à la télévision, plus de téléromans et presque plus d'émissions américaines traduites en français.

Les cotes d'écoute des dernières années nous ont prouvé que les Québécois préfèrent toujours regarder les émissions créées par des gens de chez nous, qui racontent des histoires de chez nous et qui mettent en vedette des comédiens de chez nous.

Cependant, le défi, au Québec, demeure celui d'un très petit marché en langue française qui ne peut présenter, sans aide financière, des émissions de qualité, cela à cause du modèle économique au Québec et des très piètres retombées de la publicité en ondes.

[Traduction]

Du point de vue de l'APFTQ, il est essentiel que le gouvernement fédéral s'engage à conserver ce fonds si nous voulons assurer notre présence sur les écrans de télévision du Québec et continuer à encourager le secteur de la production indépendante francophone dont la valeur ne peut être remise en doute au Canada.

Tom.

M. Tom Berry: Merci, Louise.

En ce qui concerne le modèle que représente, dans l'ensemble, le FTCPC, nous estimons qu'il s'agit d'une structure efficace. Il permet aux secteurs public et privé de fixer des objectifs en matière de dépenses consenties dans notre secteur, et d'atteindre à la fois les résultats escomptés sur le plan culturel et industriel. Étant donné la diversité d'intérêt que représentent les administrateurs, il encourage des secteurs, normalement concurrents, à collaborer dans un but commun.

• 1905

D'après ce que nous avons pu constater jusqu'ici, le FTCPC constitue, à notre avis, un mécanisme approprié pour les investissements stratégiques que le gouvernement en place peut décider de réaliser dans les industries culturelles. De fait, c'est une mesure de stimulation de l'offre qui, de notre point de vue, pourrait être un moyen novateur de soutenir la production de longs métrages. Les Canadiens, les fonctionnaires et ceux qui oeuvrent dans le secteur privé pensent tous qu'en ce qui a trait à l'élaboration de politiques et à la mise en oeuvre de programmes, il y a certaines choses que nous avons particulièrement bien réussies. Ce fonds fait partie des initiatives dont nous devrions être fiers.

En tant qu'industrie à forte intensité de main-d'oeuvre, nous nous intéressons de très près à la formation de la population active. La capacité du Canada de profiter des nouveaux débouchés de l'économie du savoir dépendra des compétences acquises par les gens travaillant dans notre secteur. Jusqu'ici, nous avons collaboré avec le gouvernement fédéral pour instituer des programmes d'encadrement en cours d'emploi. Ces programmes sont particulièrement importants dans notre industrie, étant donné que nous avons recours à des travailleurs indépendants qui doivent avoir acquis des compétences pointues dites transportables. Nous applaudissons à la création de tous les programmes susceptibles d'appuyer notre industrie et qui servent à développer des compétences pouvant être directement appliquées sur le marché du travail. Toutefois, nous nous inquiétons de constater que le gouvernement met actuellement l'accent sur la formation des jeunes et risque de laisser de côté un des éléments clés de l'économie du savoir, c'est-à-dire la nécessité d'assurer le recyclage des professionnels arrivés au milieu de leur carrière.

Enfin, en ce qui a trait au régime fiscal, le gouvernement a annoncé hier un crédit d'impôt qui entre en vigueur le 1er novembre et dont bénéficieront principalement les intérêts étrangers. Même si nous comprenons tout à fait que tout gouvernement souhaite attirer les investisseurs, nous nous demandons si le gouvernement en place ne commence pas à se désintéresser des programmes qui soutiennent principalement le secteur de la production détenu par des intérêts canadiens au profit d'importantes sociétés de production et studios situés à l'étranger qui n'ont pas de problèmes de financement.

Il est certain que ces intérêts étrangers créent des emplois et une activité économique au Canada; toutefois, nous ne sommes pas convaincus que les faire bénéficier d'un environnement fiscal favorable est nécessairement la meilleure stratégie industrielle à long terme pour les Canadiens. Nous soutenons qu'en bout de ligne, nous avons besoin de programmes qui encourageront les intéressés à faire en sorte que notre propriété intellectuelle reste aux mains de Canadiens. C'est ce qui, à long terme, aura le plus de valeur. Cela assurera que les profits tirés de toutes les ventes futures au Canada et à l'étranger resteront dans notre pays. C'est la propriété intellectuelle qui doit être considérée comme l'actif économique net.

Pour conclure, même si nous apprécions énormément l'engagement du gouvernement en place vis-à-vis de notre secteur, nous sommes convaincus que l'amélioration de l'environnement fiscal ouvre des perspectives intéressantes. Ce dont nous avons besoin, c'est que le gouvernement s'engage à maintenir des programmes de partenariats efficaces entre les secteurs publics et privés, ainsi que des mécanismes d'appui comme le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes qui, à notre avis, est le meilleur moyen d'assurer la production d'émissions de télévision et de films de grande qualité qui reflétant notre expérience et des valeurs et qui répondent à la demande du marché tout en stimulant la croissance de l'industrie canadienne et la création d'emplois pour les jeunes.

En terminant, j'aimerais vous remercier de votre attention. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Berry. Merci, madame Baillargeon. Merci, madame McDonald.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. J'ai l'intention de la prolonger la séance de dix minutes et nous allons commencer par M. Abbott.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): M. McAvity a dit que c'est une journée historique parce que c'est son anniversaire. J'aimerais vous signaler que c'est une journée historique pour une autre raison: il y a dix ans aujourd'hui, le Parti réformiste était créé à Vancouver.

J'ai remarqué qu'un certain nombre d'intervenants ont parlé de l'élargissement du financement accordé dans le cadre du Programme canadien de subvention aux affaires culturelles. Je dois vous dire que j'ai été très surpris de voir le gouvernement procéder ainsi dans le cadre du budget des dépenses supplémentaires et de porter ce financement, cette année, moyennant une augmentation de 28 p. 100, au niveau le plus élevé qu'il ait jamais connu. C'est de là que j'aimerais partir, si vous le permettez, pour connaître votre réaction de façon générale.

À titre de porte-parole de l'opposition chargé du patrimoine, je recommanderai à mon homologue, au sein du parti qui s'occupe des questions financières, de s'intéresser de très près à la question de l'étalement du revenu. Je considère que c'est un problème très réel et très sérieux, et que nous devrions être capables de trouver une solution. Deuxièmement, à l'occasion de discussions officieuses, je lui ai également dit que je suis en faveur d'une utilisation stratégique et continue des crédits d'impôt.

• 1910

La question à laquelle je souhaite m'intéresser particulièrement est celle des subventions. J'aimerais que vous me donniez une idée, individuellement ou collectivement, de la façon dont on pourrait s'assurer que quelqu'un est tenu responsable des subventions par le biais desquelles nous distribuons l'argent provenant des contribuables canadiens.

En tant que politicien, je ne tiens pas du tout à jouer le rôle d'évaluateur—c'est-à-dire à être celui qui détermine qui va recevoir une subvention ou non—mais en ce moment, mon bureau est littéralement submergé. Chaque semaine, je reçois entre 15 et 20 lettres, appels téléphoniques et courriers électroniques à propos de décisions dont les gens ont vent et qu'ils trouvent tout à fait inacceptables pour diverses raisons. Ce qu'ils veulent essentiellement savoir, c'est comment, à titre de contribuables, d'agents de financement, ils peuvent avoir leur mot à dire à ce propos?

Alors, permettez-moi de vous demander ceci: les gens qui financent, les contribuables, devraient-ils effectivement avoir leur mot à dire ou est-ce que nous devrions simplement donner 114 millions de dollars à un organisme, à la ministre du Patrimoine qui est censée être responsable devant la population canadienne? La Chambre des communes qui doit rendre des comptes aux Canadiens sur la façon dont ces dollars sont dépensés se contente de prendre une position de repli en disant: oh, nous avons alloué cette somme aux responsables du Programme de subventions aux affaires culturelles qui s'occupe de l'administrer. Et si nous essayons d'obtenir des informations de ces responsables, ils nous répondent: ma foi, nous ne savions pas vraiment ce qui se passait.

J'aimerais que vous me disiez comment, si nous avons l'intention de continuer à distribuer plus de 114 millions de dollars, nous, les contribuables... Je parle au nom des citoyens canadiens ordinaires, assis dans une cafétéria, qui se disent: as-tu vu ça? Quel mécanisme de contrôle raisonnable pourrions-nous mettre en place pour que nous puissions continuer à allouer les subventions que nous accordons actuellement?

Le président: Qui souhaite répondre à cette question? Monsieur Berry.

M. Tom Berry: Notre pays a beaucoup d'expérience en matière de programmes culturels et, ce qui rend le FTCPC dont nous venons de parler particulièrement intéressant, c'est qu'il n'est pas conçu pour donner à un groupe de fonctionnaires la responsabilité de déterminer quels produits culturels doivent être produits. C'est le marché qui détermine cela. Il faut que les radiodiffuseurs veuillent les émissions et, quand c'est le cas, il y a un mécanisme qui permet de leur fournir le pourcentage de financement requis pour réaliser les émissions en question.

De toute évidence, les radiodiffuseurs cherchent à plaire à leur auditoire.

Je ne sais pas comment cela fonctionnerait dans le cas des musées, mais dans notre secteur, c'est le genre de mécanisme pour lequel nous sommes en faveur. Nous pensons que, pour le gouvernement, c'est un moyen novateur d'injecter des fonds dans notre secteur.

Le président: Quelqu'un d'autre veut intervenir? Monsieur Crawley.

M. Alexander Crawley: Votre question porte sur les subventions qui permettent aux artistes de travailler. Dans notre pays, nous avons une tradition bien établie, et chèrement gagnée, je pense, de financement sans lien de dépendance, ce qui n'est pas du tout le cas aux États-Unis où les élus, par exemple, ont l'impression d'avoir le droit de critiquer une oeuvre d'art qu'ils n'aiment pas parce qu'elle ne correspond pas à leur goût personnel.

Je pense qu'en réalité, nous avons un bon mécanisme. C'est ce qu'on appelle le système d'évaluation par les pairs; nous y consacrons une bonne partie de notre temps et nous demandons à des artistes reconnus qui ont réussi dans leur domaine de nous aider à prendre les décisions concernant le financement de tel ou tel artiste. Mais rien ne permet de garantir que tout le monde va aimer telle ou telle oeuvre d'art.

Ce que vous devriez dire aux gens qui vous envoient ces milliers de lettres—et nous devrions probablement tous vous aider à le faire—c'est ceci: savez-vous que ces fonds ont également servi à financer ceci, cela, ou encore ceci dont vos enfants et votre collectivité bénéficient, qui élargit leur horizon et qui les encourage à se forger une opinion personnelle et à définir leur propre perspective culturelle?

Il est impossible qu'un groupe de représentants du secteur culturel en vienne à dire: pourquoi ne pas légiférer le bon goût— ou alors aussi bien faire revenir Oliver Cromwell! Je ne pense pas que nous le souhaitions. Il faut savoir encaisser les coups si l'on veut encourager, au sein de notre communauté, l'expression d'opinions personnelles, et c'est ce que font les artistes. Il va y avoir des formes d'expression que je n'aime pas, il va y en avoir d'autres que vous n'aimerez pas. Mais en gros, d'un point de vue économique, ce qui entre dans le cadre des attributions du comité, il faut se demander s'il est utile d'encourager la croissance continue de ces secteurs? Nous répondons oui, aussi bien sur le plan économique qu'intrinsèquement.

• 1915

Vous ne pourrez jamais dire que toutes les oeuvres financées par des fonds publics sont du goût de tout le monde. Cela n'arrivera jamais.

Mme Merilyn Simonds: Peut-être devrais-je répondre à votre question étant donné que je fais partie de ceux qui bénéficient de ces subventions gouvernementales. Une des choses que je fais remarquer aux gens, c'est qu'il n'y a pas de différence entre ces subventions et le financement de la recherche médicale. C'est la même chose que les investissements dont bénéficient les entreprises. Un certain nombre d'entreprises font faillites. Un certain nombre d'entreprises financées par le gouvernement produisent des choses que nous ne voulons pas tous acheter, ou même que bon nombre d'entre nous jugent inutiles. La recherche médicale est un autre domaine avec lequel on peut faire une très bonne comparaison en ce qui concerne le financement; en effet, parfois, on finance des recherches pendant des années et des années, à coup de millions de dollars, et cela n'aboutit absolument à rien. La recherche ne donne rien.

Le principe sur lequel repose ce genre de financement accordé aux arts, à la médecine et aux entreprises risquées, c'est qu'il faut semer beaucoup de graines si l'on veut qu'une, deux, dix ou vingt d'entre elles prennent, poussent et produisent quelque chose qui, dans l'ensemble, a une valeur sur le plan culturel.

Ainsi donc, même s'il est difficile d'accepter que l'on finance des initiatives que, personnellement, vous rejetez—ce n'est pas vous que je vise directement, mais les gens de votre circonscription—cela fait partie de ce que nous devons faire pour obtenir quelque chose de valable et d'intéressant de façon générale. C'est ainsi que l'on procède dans le secteur de la médecine, c'est aussi le cas dans le secteur des affaires, et il faut que nous procédions également ainsi dans le secteur artistique.

Le président: Merci, madame Simonds. Monsieur Stoddart.

M. Jack Stoddart: La poésie est une forme d'expression littéraire qui n'attire pas beaucoup de Canadiens. Certains en lisent, mais ils sont en réalité très peu nombreux. La plupart des livres de poésie qui sont publiés se vendent à quelque 500 à 1 500 exemplaires dans tout le pays. Cela s'arrête là. La question qui se pose est donc, pourquoi financer la poésie? Eh bien, même si cela n'est pas du goût de tout le monde, certains s'y intéressent.

Ce qui est curieux, c'est qu'à l'heure actuelle, une nouvelle génération d'auteures ainsi que des auteurs dont la réputation est déjà bien établie obtiennent un succès éclatant à l'étranger. Nous sommes tous très fiers des Margaret Atwood et des... On pourrait citer une douzaine de noms d'auteures très importantes... et pratiquement toutes sont des poétesses. Elles ont toutes pratiquement commencé par écrire de la poésie.

Si vous vous demandez quelle a été la contribution du Canada à la création littéraire au cours des 5 à 10 dernières années, je répondrai que c'est la qualité de l'écriture. Cela repose en grande partie sur l'usage que l'on fait des mots, quelque chose que l'on apprend en écrivant de la poésie. On ne peut donc pas répondre à votre question dans l'absolu.

Si nous n'avions pas, après toutes ces années d'intervention par le Conseil des arts, des écrivains d'importance dont les oeuvres répondent non seulement à ce que recherchent les Canadiens mais, de plus en plus, à ce que l'on recherche à l'étranger, et si nous n'avions pas des artistes, des musiciens et des interprètes qui ont réservé leurs réalisations au Canada, alors nous pourrions peut-être prétendre que le Conseil des arts ne fonctionne pas, ou que les règles ne sont pas ce qu'elles devraient être et ainsi de suite. Je pense que nous avons une excellente réputation internationale dans le domaine du cinéma, des enregistrements sonores, de la création littéraire, etc.—on pourrait citer tous les secteurs. Je dirais qu'à la base de tout cela, il y a le financement alloué par le Conseil des arts. Ça ne fait pas tout, mais c'est absolument fondamental dans pratiquement chacun de ces secteurs.

Nous ne pouvons donc pas prendre en compte l'opinion de tout le monde, mais je pense que notre réputation démontre que nous avons véritablement fait épanouir le talent de merveilleux créateurs et interprètes canadiens qui remboursent maintenant notre pays tout entier, par leurs succès autant ici qu'à l'étranger.

Le président: Merci, monsieur Stoddart, et merci, monsieur Abbott.

Monsieur Desrochers.

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Mes premiers mots seront pour remercier chacune des personnes qui, au nom de leur organisme ou de leur association, ont fait connaître leur point de vue sur l'exposé prébudgétaire.

Je suis très heureux, en tant que député bloquiste, d'entendre la représentante de l'Union des écrivains du Canada citer le gouvernement du Québec comme référence dans le cadre de ses revendications.

Ma question s'adresse au représentant du Conseil culturel des ressources humaines. Vous nous parlez du concept employeur-employé. Vous nous dites qu'à peu près 50 p. 100 de vos membres sont des travailleurs autonomes.

Avez-vous fait des démarches concrètes auprès du ministère du Développement des ressources humaines du Canada ou auprès du ministère du Revenu national en ce qui a trait à la situation de vos membres?

M. Jean-Philippe Tadet: À propos du ministère du Développement des ressources humaines, naturellement, nous avons fait un certain nombre de démarches qui ont abouti à prendre en compte les caractéristiques du secteur culturel au Canada comme étant ce que l'on appelle la population active de l'avenir.

• 1920

Quel tableau nous offre la nouvelle économie aujourd'hui? De quoi ont besoin les employeurs d'aujourd'hui? Ils ont souvent besoin d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée, flexible, mobile, dont les compétences sont transférables. Or, si on fait une étude de l'état de notre main-d'oeuvre culturelle, on s'aperçoit que ce sont les principales caractéristiques qui font de la main-d'oeuvre culturelle une main-d'oeuvre extrêmement entrepreneuriale.

Cependant, le ministère du Développement des ressources humaines n'avait pas forcément tous les programmes qui étaient dessinés pour répondre aux besoins de cette main-d'oeuvre de l'avenir. Dans leur stratégie un petit peu avant-gardiste, ils ont décidé justement de permettre à la main-d'oeuvre culturelle de prendre en compte les réalités de ses besoins par la création du Conseil des ressources humaines du secteur culturel.

Je dois dire que cela a été le premier de tous les gouvernements canadiens, provinciaux et fédéraux, à être vraiment allé dans cette direction. Je suis très fier de vous dire que le gouvernement québécois a pris aussi exactement la même direction parce que, qu'on soit au Québec ou au Canada, les problèmes de la main-d'oeuvre et les problèmes des besoins en main-d'oeuvre dans le monde moderne sont relativement les mêmes.

Naturellement, les besoins de la main-d'oeuvre culturelle au Québec et au Canada, à cause des considérations linguistiques, ne sont pas les mêmes. Les éditeurs de livres n'ont pas du tout les mêmes marchés ni les mêmes besoins au Québec ou à Montréal ou à Toronto. Le marché du film n'est pas du tout le même. Mais les compétences que les travailleurs culturels doivent avoir, qui sont des compétences en affaires, en gestion de carrière, en marketing et pour le marketing des produits et services à l'étranger, sont des compétences qui sont en général transectorielles.

Notre Conseil, auquel siège l'Union des artistes, pas encore l'APFTQ mais à travers la CFTPA, est un conseil qui représente la voie la plus forte et la plus exacte des besoins en matière de développement des ressources humaines des travailleurs culturels au Canada. C'est une expérimentation qui a eu un fort bon succès et qui commence d'ailleurs à être connue à l'étranger. C'est une structure ou un mécanisme ou une initiative qui montre que le secteur culturel au Canada commence à être reconnu pour ce qu'il est, c'est-à-dire un secteur viable du point de vue du développement des travailleurs.

La question se pose maintenant au point de vue du ministère du Revenu national. Là je dois dire que les considérations qui ont été faites aujourd'hui devant vous sont extrêmement à l'ordre du jour. Qu'on ait, par exemple, des mesures qui permettent de quantifier le revenu du travail culturel sur plusieurs années, c'est une vieille revendication qui devrait être, à notre avis, satisfaite.

D'autre part, sur la question de la reconnaissance de la déduction fiscale pour un certain nombre d'investissements dans le secteur culturel, je dois vous dire qu'il y a beaucoup d'associations de services pour les travailleurs culturels qui remplissent des fonctions pour les travailleurs culturels, qui sont celles, par exemple, d'orientation, de direction, de contact, pour les employeurs comme pour les travailleurs.

Je suis un producteur de films. J'irai voir la CFTPA ou l'APFTQ pour obtenir des informations sur les mesures qui existent pour m'aider en tant que petite entreprise. Donc, les associations de services aux arts et à la culture remplissent des fonctions qui sont celles des ressources humaines et du développement des ressources humaines. Nous voudrions voir le ministère du Revenu national prendre cela en considération pour accepter un certain nombre de modifications, particulièrement reliées à la cotisation, comme il le fait pour la cotisation syndicale des autres grands syndicats dans les autres secteurs de l'industrie canadienne.

M. Odina Desrochers: Monsieur le président, ai-je droit à une autre petite question?

Le président: Oui.

• 1925

M. Odina Desrochers: Ma question s'adresse à Mme Baillargeon. Vous nous parlez des coupures assez drastiques dans le fonds de production du câble et de la télévision du Canada. Vous nous avez dit que le géant américain nous guettait. Donc, quelles seraient les conséquences des coupures annoncées pour le prochain budget sur ce que vous avez fait pour défendre les productions québécoises et francophones?

Mme Louise Baillargeon: Il est évident que pour un télédiffuseur québécois, si le producteur ne peut lui offrir à un coût abordable de grandes séries télévisées, il sera beaucoup plus facile d'acheter des émissions américaines, même traduites en français. Je vous le dis: on n'est pas nécessairement protégés par la langue. Il est très facile d'acheter des émissions américaines doublées en français et qui se vendent pour une bouchée de pain.

[Traduction]

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, NDP): Merci, monsieur le président.

Je pense que l'activité la plus créatrice dont j'ai pu voir le résultat ces dernières années, est la façon dont certains organismes culturels remplissent les formulaires pour satisfaire à tel ou tel critère, à tel ou tel programme de formation et à toutes sortes d'autres choses. Quoi qu'il en soit, quelqu'un a mentionné cela plus tôt ce soir.

Même si c'est votre anniversaire, John, je pense qu'il va falloir que vous régliez la question entre hommes, vous et Jack, pour déterminer lequel d'entre vous a été le plus touché par les coupures. Vous avez tous les deux dit que vous aviez été le plus touché; quoi qu'il en soit, je pense que tous deux, vous vous êtes bien fait comprendre.

Ce qui ressort des exposés que nous avons entendus ce soir est, dans un sens, très encourageant, car en dépit de ce que Susan a qualifié de guerre sans merci dont ont été victimes ces dernières années les programmes culturels, le secteur est plein de vitalité et, malgré tout, il se développe, s'épanouit et s'en tire très bien. Imaginez ce qu'il pourrait faire s'il bénéficiait d'un réel appui.

Vous comparaissez ce soir devant le Comité des finances, et je pense que tous les exposés ont été très sensés et contiennent des recommandations très judicieuses et créatrices sur les initiatives précises qui pourraient être prises.

En ce qui a trait à l'infrastructure culturelle, j'ai été particulièrement impressionné quand vous avez signalé que 1,1 millions de Canadiens travaillent directement et indirectement dans le secteur culturel—un des secteurs d'importance majeure sur le plan de l'emploi. En ce qui a trait au dossier qui nous occupe, cela revête d'autant plus d'importance que nous plaçons tout ce dont nous discutons dans le contexte des possibilités d'emploi que cela peut comporter, maintenant et dans l'avenir, pour tous les gens qui cherchent une place sur le marché du travail; or, ce que vous démontrez, c'est l'importance d'investir dans le secteur culturel sur le plan de la création d'emplois.

Si nous voulons en avoir pour notre argent, il serait sage, présumément, d'investir tous nos sous dans ce secteur. Je suppose qu'il ne faut pas rêver, et pourtant, quand on pense à la solidité des arguments qui nous sont présentés... on nous dit par exemple que nous devrions accorder des déductions fiscales aux sociétés et que cela se traduira par des emplois. Je ne suis pas certain que l'on puisse facilement prouver cela, mais vous, en revanche, vous démontrez que c'est en investissant dans le secteur culturel que l'on peut probablement le mieux contribuer à la création d'emplois.

Je n'en dirai pas plus. J'ai été très heureux d'entendre vos exposés. Mes autres collègues vont vous poser des questions plus précises, mais j'en une à l'intention de Jack.

Vous nous avez dit que les dispositions du MAI vous préoccupent. Je pense que nous partageons tous ces inquiétudes parce que nous nous demandons quelles retombées cela va avoir sur le secteur culturel si nous ne parvenons pas à intégrer dans cette mesure des normes véritablement solides. Cela me rappelle également les discussions que l'ALENA et l'ALE ont suscitées au sein du secteur.

Je remarque que, dans le préambule de votre exposé sur les éditeurs de livres canadiens, vous soulignez que les choses semblent bien aller. Je fais partie des gens qui ont défendu le point de vue selon lequel signer l'ALENA signifiait la disparition de l'édition canadienne, que ce secteur allait être le plus durement touché. Est-ce que je me suis trompé ou alors, que s'est-il passé? D'après votre exposé, il semble en effet que les choses vont mieux que jamais.

M. Jack Stoddart: Je dirai que les choses s'arrangent.

Statistiquement parlant, l'industrie de l'édition de livres de langue anglaise réalise un bénéfice moyen avant impôt d'environ 2 p. 100. L'an dernier, il était de 1 p. 100 et l'année précédente, l'année des grosses coupures, lorsque... bref, il était négatif.

Dans la plupart des industries culturelles, l'édition de livres en fait partie, on mesure bien plus la réussite en se fondant sur ce qu'on produit et sur ce qu'on peut vendre que sur les profits réels que l'on en tire.

La date de cette audience a changé, si bien qu'un des exposés que nous voulions vous présenter et qui portait sur un système de crédit d'impôt axé sur l'actif net, dans le cadre duquel les Canadiens... je crois d'ailleurs que des particuliers ou des sociétés ayant mis en commun des capitaux importants seraient intéressés à investir dans les industries culturelles. Mais vous ne pouvez pas attirer de capitaux lorsque vos bénéfices avant impôt sont de 1 p. 100. C'est virtuellement impossible.

• 1930

Je pense qu'avoir recours au régime fiscal pour attirer des capitaux, comme on l'a fait dans l'industrie minière pour développer les activités de prospection, ou dans le secteur du développement de logiciels à l'époque... Si vous regardez ce qui s'est passé dans le secteur des industries culturelles, la plupart d'entre nous ont réussi à survivre à une période très dure. On fait des coupures. On licencie. On réduit la production. Il semble que nous soyons capables de survivre. Mais nous ne pouvons pas réussir sur le plan financier, parce que nous n'avons pas, dans nos entreprises, l'actif net nécessaire pour y parvenir.

Tant que nous sommes satisfaits de ce que nous produisons et de ce que nous vendons... C'est à cela que nous mesurons notre succès. C'est en fait le succès des artistes. Si vous y regardez de peu plus près, les véritables profits sont ceux qui sont réalisés par les grandes sociétés internationales installées au Canada, du genre Random House et Doubleday ou encore HarperCollins. Ces compagnies tirent du Canada d'énormes profits et ne versent pas un sou d'impôt. Nous ne payons pas beaucoup d'impôt nous-mêmes, mais c'est parce que nous ne gagnons pas d'argent, pas parce que nous pouvons cacher nos bénéfices; à mon avis, cela fait une grosse différence.

Notre exposé ne doit pas vous donner l'impression que tout va très bien. Quand les bénéfices représentent 1 ou 2 p. 100 avant impôt, on peut à peine payer les factures. Si les taux d'intérêt augmentaient de 2 ou 3 p. 100, nous nous retrouverions sans rien instantanément parce que, dans le secteur de l'édition de livres, la viabilité des entreprises est pratiquement un mythe étant donné leur niveau d'endettement. C'est une des raisons pour lesquelles nous éprouvons des difficultés à obtenir des emprunts et ainsi de suite.

Donc, dans notre secteur, les choses ne vont pas mal, mais il existe aussi des problèmes fondamentaux. Si l'on n'essaie pas de les régler... C'est la raison pour laquelle l'idée d'instituer un CIIR pour que les industries culturelles—pas seulement celles du secteur de l'édition de livres, mais pour plusieurs d'entre elles—puissent avoir accès à un financement leur permettant d'amasser des capitaux propres, est très bonne et l'on gagnerait peut-être à l'approfondir au cours des deux prochaines années, car elle pourrait se révéler très positive.

Le président: Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci beaucoup.

J'ai trouvé tous les exposés très intéressants et très perspicaces. Je suis d'accord avec Merilyn lorsqu'elle propose un étalement du revenu. Je ne vois pas pourquoi nous ne procédons pas ainsi à l'heure actuelle.

Quant au secteur de l'imagerie numérique et de l'infographie, je reconnais qu'effectivement, c'est une industrie qui en est encore à ses balbutiements. Nous pouvons probablement l'aider à décoller. Je pense que les affaires marchent assez bien dans la région de Toronto. À New York, c'est une grosse industrie, aucun doute là-dessus.

L'aspect dont je veux vous parler—je n'ai pas de question à vous poser, c'est plutôt un commentaire—a trait à ce que vous avez dit sur les aménagements culturels, particulièrement ceux qui existent à l'échelle locale; quelqu'un a parlé des bibliothèques. Il existe une loi quelque part qui stipule que l'on ne peut faire payer l'emprunt de livres. Je pense que si l'on pouvait demander juste 25 ou 50c. pour emprunter des livres... J'ai siégé cinq ans au conseil municipal de là où j'habite, et je sais que les bibliothèques étaient alors financées à 100 p. 100. Quand les temps sont devenus difficiles, nous avons réduit les budgets, mais il reste que certaines de ces institutions devraient être financées en partie par l'usager.

Quelqu'un a également mentionné que 55 millions de personnes ont fréquenté... Était-ce bien 55 millions de personnes? Combien a coûté cette institution, quelle part a été financée par les usagers, par tous ces visiteurs, quelle part est venue de tous ces programmes culturels et quelle part les subventions gouvernementales représentent-elles? Je pense qu'il faut parfois appliquer certains principes et envisager de récupérer de 10 à 20 p. 100, le reste du coût étant subventionné par les autorités locales, fédérales ou municipales.

Je me demande ce que vous en pensez.

Mme Pat Bradley: À part les bibliothèques publiques, je dirai qu'il n'existe pas une seule institution culturelle au Canada—et John pourrait sans doute vous en dire plus en ce qui concerne le secteur des musées—qui ne fait pas payer des droits d'accès substantiels aux usagers. Dans le secteur des arts de la scène, grâce aux subventions publiques, les représentations sont plus abordables, mais il faut bien dire que les organismes de grande envergure que l'on compte dans mon secteur retirent entre 50 et 80 p. 100 de leur argent de la vente de billets. Les subventions leur permettent, tout d'abord, de financer des activités de développement axées sur les jeunes artistes et les nouvelles oeuvres canadiennes et, deuxièmement, d'offrir des billets à prix réduit aux jeunes et aux personnes âgées et d'organiser des représentations spéciales comme les matinées à l'intention des écoles secondaires et autres.

• 1935

Dans le secteur des arts du spectacle, le principe du financement par l'usager est déjà très largement appliqué. La situation à cet égard a beaucoup évolué au cours des 20 dernières années. Les billets ne coûtaient pas aussi chers il y a 20 ans, et dans un certain sens, cela rend peut-être ce que nous faisons un peu moins accessible. Mais les subventions qui proviennent—à Toronto, en tout cas, pendant les quatre prochains mois—de quatre niveaux de gouvernement, nous permettent de ne pas axer complètement nos activités sur le marché, notamment en ce qui a trait à celles qui sont destinées aux jeunes auditoires, comme les tournées théâtrales dans les écoles, etc.

M. John McAvity: En toute justice, je dirai, dès le départ, qu'il y a sans doute deux ou trois groupes différents autour de la table. Il y en a un qui représente les industries culturelles, c'est-à-dire les entreprises qui créent et qui distribuent avec succès certains produits. La deuxième catégorie est celle où l'on trouve les musées, c'est-à-dire des établissements à but non lucratif, enregistrés comme organismes de bienfaisance. Nous dépendons de l'aide que nous accordent des bénévoles. De fait, le nombre de bénévoles a énormément augmenté au Canada. Et nous dépendons également des subventions, des allocations, et autres, que l'on nous accorde.

Quant à faire payer les usagers, c'est une formule que nous avons adoptée. Pratiquement tous les musées font maintenant payer un droit d'entrée. Ces droits sont fixés au niveau que peut soutenir le marché. Nous avons pris cette mesure et pourtant, nous faisons toujours face à des difficultés. Le problème auquel nous sommes maintenant confrontés est celui de la réduction des subventions, un problème qui est souvent dû, je pense, au fait que les gouvernements ne se sentent pas liés par les objectifs définis dans leurs politiques ou qu'ils ne les comprennent pas.

Alors, pourquoi avoir au Canada des musées, des musées des beaux-arts et divers autres types d'institutions? Parce qu'il y a des politiques à cet effet ainsi que des raisons sociales et éducatives qui justifient qu'on encourage la constitution de collections d'oeuvres d'art dont nous sommes fiers, en tant que Canadiens, des collections que nous permettons à d'autres Canadiens d'admirer pour que nous tous, comprenions mieux l'essence même de notre pays.

Je crains fort qu'une grande part de cette activité soit menacée. Dans l'introduction de notre mémoire, la situation que nous dépeignons n'est pas reluisante. Je voulais corriger ce que Nelson Riis a dit à ce propos. Ce que nous disons dans notre mémoire, en réalité, c'est que nos institutions subissent d'énormes pressions à la baisse. Nous n'apparaissons même plus sur l'écran radar. Nous avons disparu. Les coupures que nous avons subies ont le triste honneur d'être les plus importantes de tout le secteur culturel et je crois que cela est vraiment très malheureux. Le secteur à but non lucratif, ainsi que sa contribution à la société canadienne, doit faire l'objet de considérations spéciales.

Mme Wendy McPeake (directrice, Opérations commerciales, Musée national des sciences et de la technologie): Moi aussi, j'aimerais ajouter quelque chose à ce propos. Outre qu'ils offrent des programmes au public, ce qui est une activité rémunératrice, les musées ont la responsabilité de constituer des collections et de les préserver.

Par exemple, vous connaissez sans doute l'exemple que je vais citer qui a eu un très grand retentissement. Le week-end dernier, les médailles de John McCrae ont été achetées pour 400 000 $. Un petit musée comme celui qui va devenir le dépositaire de ces médailles ne pourra jamais recueillir auprès de ses visiteurs une somme suffisante pour les payer, et pourtant, il a la responsabilité de les conserver. Donc, en réponse à votre question sur les droits d'entrée perçus auprès des usagers, je dirai que c'est un moyen que nous employons déjà, mais il est tout simplement inconcevable que cela puisse couvrir les coûts de...

M. Jim Jones: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que vous devriez conclure un certain type d'accord même avant que les installations soient construites, un accord qui spécifierait le profit que l'on entend tirer, la philosophie que l'on adopte. Si l'on décide que ce sera traduit, très bien. Si l'on décide que l'institution sera subventionnée à 80 p. 100 par le gouvernement, très bien. Je n'ai pas dit qu'un grand nombre d'institutions culturelles doivent faire des bénéfices. Mais je sais que les bibliothèques posent un problème dans cette province et peut-être dans tout le pays et je dis que si elles devaient modifier quelque peu les conditions dans lesquelles elles fonctionnent, ou si le gouvernement modifiait la loi et autorisait les bibliothèques à percevoir un droit qui pourrait n'être que de 25c., elles pourraient probablement financer l'achat de leurs livres chaque année.

Mme Wendy McPeake: Pour poursuivre dans cette veine, je pense que si vous considérez la situation des musées et des bibliothèques dans une certaine mesure... Le patrimoine est quelque chose qui appartient à tous les Canadiens et dès que l'on commence à demander aux gens de payer pour avoir accès à ce patrimoine, on limite le nombre de personnes qui peuvent effectivement en profiter. C'est quelque chose que l'on doit toujours garder à l'esprit lorsqu'on parle de notre patrimoine.

Le président: Monsieur Stoddart.

M. Jack Stoddart: Permettez-moi de vous donner mon opinion personnelle à ce propos, une opinion qui n'est pas forcément celle de mon association. Je pense que bien des choses ont changé au Canada au cours des cinq à dix dernières années, alors que nous avons vu disparaître le programme de tarifs postaux préférentiels qui servait à subventionner la culture à travers le pays. Bien des choses ont changé, de nouveaux programmes ont été institués et d'anciens programmes ont disparu.

• 1940

Je ne connais pas d'autres endroits où vous pouvez aller emprunter un CD, l'emporter chez vous, l'enregistrer illégalement, obtenir au bout du compte un produit de qualité sans avoir à payer un sou; vous pouvez faire cela en allant dans une bibliothèque publique. Vous ne devriez pas le faire, mais c'est possible. Je ne vois pas pourquoi l'emprunt de livres ne serait pas sujet à un droit lorsque l'usager peut se permettre de l'acquitter; je ferai des distinctions. Je pense que dans notre société, il y a des gens qui ne peuvent pas se permettre de payer 25c. pour emprunter un livre alors qu'il y en a beaucoup qui pourrait payer 1, 2 ou 5 $.

Ce qu'il y a de tragique dans la façon dont fonctionnent les bibliothèques c'est qu'elles dépensent une fortune pour acquérir les livres d'auteurs comme Danielle Steel et John Le Carré. Ce sont de merveilleux écrivains, mais l'argent des contribuables est utilisé pour appuyer financièrement des écrivains étrangers. Beaucoup d'entre eux écrivent des livres qui se vendent très bien mais qui, à bien d'autres égards, ne sont pas très édifiants. Je ne vois pas pourquoi le prêt de ces livres devrait être gratuit. Je ne sais pas comment l'on pourrait établir des distinctions, mais je pense que c'est une question fondamentale que devraient approfondir prochainement les conseils d'administration des bibliothèques ainsi que les pouvoirs publics.

Pouvons-nous nous permettre de ne pas demander aux usagers qui le peuvent de financer? Il y a des gens pour qui cela n'est pas possible, et il y en a beaucoup, notamment des jeunes, qui utilisent les bibliothèques comme un second chez-soi où ils peuvent s'asseoir et lire. Dans la plupart des bibliothèques, on voit des enfants qui sont là et qui lisent et lisent à n'en plus finir. Je pense qu'il faut faire des distinctions, mais que ceux qui peuvent se le permettre doivent acquitter des droits pour que les bibliothèques puissent améliorer leurs collections. La plupart d'entre elles ne dépensent pas plus que 5 p. 100 de leur budget total pour acquérir des documents, je pense que c'est une honte.

D'une façon ou d'une autre, si nous devons imposer le paiement de droits aux usagers, il faudrait trouver un moyen de stipuler que cet argent devra être utilisé pour acheter des documents et non pour entretenir les bâtiments et payer le personnel. Cependant, c'est une question qui exige d'être examinée de près.

Le président: Allez-y, madame Simonds.

Mme Merilyn Simonds: Pour une fois, je ne vais pas être d'accord avec mon éditeur. Je vais moi aussi vous donner mon opinion personnelle, mais les écrivains se sont déclarés sans réserve aucune en faveur des bibliothèques et du principe de gratuité qui a été appliqué dès le début dans notre pays. À Kingston, où je suis née, la bibliothèque a ouvert ses portes grâce à un don de John A. Macdonald, ce qui montre bien que notre système de bibliothèque publique remonte loin.

Il y a une chose que l'on devrait prendre en considération lorsqu'on parle des bibliothèques, c'est qu'en Ontario, au moins, il n'y a plus de bibliothèques ni de bibliothécaires dans les écoles. Les bibliothèques publiques sont obligées de faire fonction de bibliothèques scolaires. Je ne pense pas qu'on puisse envisager de faire payer des droits aux usagers sans mettre en place un système à plusieurs vitesses, ce qui soulève immédiatement des problèmes.

Si la culture a une quelconque valeur à nos yeux, les bibliothèques deviennent les dépositaires de notre patrimoine. Les bibliothécaires que je connais font de gros efforts pour acheter «canadien» auprès d'éditeurs canadiens et se procurer les derniers livres d'auteurs canadiens. Je pense que les bibliothèques représentent un dernier bastion que nous devrions défendre aussi vigoureusement et aussi longtemps que nous le pourrons. Demandons aux usagers de payer des droits ailleurs, mais pas dans les bibliothèques.

Le président: Nous allons maintenant passer à Mme Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Il y a beaucoup de passion dans cette salle, c'est fantastique. Je pensais que certaines des questions qui ont été posées amèneraient les témoins à nous demander si nous tenons à la culture et aux arts et je dois vous dire que oui, nous y tenons. C'est en grande partie grâce à la culture et aux arts que nos civilisations laissent leurs traces dans le sable après qu'elles ont disparu.

Quelqu'un a dit que les gens font preuve de beaucoup de créativité lorsqu'ils remplissent des demandes de subvention, et c'est intéressant parce qu'on a plutôt eu tendance, ces derniers temps au gouvernement, à parler la langue des hommes d'affaires. De toute évidence, les gens qui se retrouvent autour de cette table ont compris que c'est la langue qu'il faut parler si l'on veut que le secteur des arts obtienne sa juste part du gâteau, et à mon avis, c'est une bonne chose.

Un des témoins a mentionné parmi d'autres statistiques que chaque dollar investi dans ce secteur produit 2 $ pouvant servir à former les jeunes. L'État de New York a fait une enquête et a découvert que le rendement d'un tel investissement se situe entre 7 et 1 p. 100.

Je peux dire, d'après ce que j'ai personnellement constaté dans ma collectivité, que le secteur des arts sait se montrer très créatif lorsqu'il s'agit d'aller chercher des sous. Je pense que les exposés que vous nous avez présentés ici ce soir comportaient pas mal de détails, mais témoignaient aussi d'assez de créativité pour nous donner à tous matière à réflexion. Sarm Bulte fait partie de ceux qui accordent aux arts un soutien sans condition. Elle ne peut pas être des nôtres ce soir parce qu'elle est dans sa circonscription où se tient une réunion de consultation prébudgétaire, si bien que j'aimerais vous poser une ou deux questions auxquelles je voudrais que vous répondiez.

Premièrement, monsieur Stoddart, lorsque vous aurez terminé le document dont vous avez parlé, celui présentant votre proposition, nous serons heureux d'en recevoir une copie.

M. Jack Stoddart: Merci.

Une voix: D'ici à la semaine prochaine.

Mme Karen Redman: Oui, d'ici à la semaine prochaine.

M. Jack Stoddart: Eh bien, pourquoi pas?

Mme Karen Redman: Je vais vous poser deux questions de la part de Sarm.

Premièrement, quels sont les avantages que retirent les Canadiens des théâtres à but non lucratif et quel est le rôle qu'ils jouent dans la formation et l'éducation de nos jeunes? Voilà la première question que je pose à qui voudra y répondre.

Deuxièmement, avant que le Conseil des arts ne soit créé, il y a plus de 40 ans, la culture, au Canada, était surtout un produit importé. Pouvez-vous nous donner votre point de vue personnel ou celui de votre association sur les avantages qui découlent des investissements consentis actuellement dans le but d'exporter la culture canadienne? Au lieu d'en faire l'importation, nous sommes maintenant capables de l'exporter. Quels sont les avantages résiduels que ce type d'exportation présente pour notre pays?

Le président: Qui voudrait répondre à cette question?

M. Tom Berry: J'aimerais répondre car nous sommes probablement les plus gros exportateurs de produits culturels.

À l'heure où notre secteur—la production indépendante de films et d'émissions de télévision—a un chiffre d'affaires annuel de plusieurs milliards de dollars, on peut en attribuer une part très importante à l'exportation, ce qui est encourageant. Je suis enchanté de constater que nous fabriquons des produits culturels qui se vendent partout dans le monde.

Nous devons toutefois remettre cela en contexte. Notre réussite paraît quelque peu dérisoire si l'on songe à la domination de la machine de production culturelle américaine, dans le monde. La culture que nous importons dépasse de loin celle que nous exportons, que ce soit sous la forme de livres, d'émissions télévisées ou, ce qui constitue peut être l'exemple le plus frappant, sous la forme de longs métrages.

Nous sommes tous très heureux de pouvoir dire maintenant que nous exportons effectivement certains produits culturels. D'un point de vue économique, nous pouvons nous réjouir du fait que, occupant une si petite place sur le marché mondial des produits culturels, nous pouvons nous permettre une expansion exponentielle qui ne menacera personne. C'est le bon côté des choses. Toutefois, même si notre histoire a de quoi nous réjouir, comme M. Riis l'a souligné, il est très important, en même temps, de ne pas oublier le contexte dans laquelle elle doit s'inscrire.

Les entreprises de notre secteur qui, comme certains l'ont fait remarquer, fabriquent quelque chose qui est vendu et distribué ressemblent beaucoup à d'autres entreprises commerciales. Dans une certaine mesure, nous appartenons à la catégorie des plus grosses industries du monde, mais nous n'en représentons qu'un tout petit segment. Notre industrie tout entière est à peu près de la taille d'un dixième d'un des grands conglomérats intégrés américains. Notre industrie toute entière a la taille d'un dixième de Warner, d'un dixième de Viacom, d'un dixième de Walt Disney—et l'on compte six ou sept conglomérats de ce type.

Nous pouvons certainement être fiers de notre réussite commerciale et de la création d'emplois qui en a découlé, parce que le nombre de ces emplois—et c'est une chose sur laquelle on insistera jamais trop—n'a aucune commune mesure avec l'activité économique qui les a générés. Parallèlement, nous devons reconnaître que nous avons favorisé le développement de cette industrie par le biais d'une structure élaborée et conçue avec beaucoup de soins mêlant subventions, allocations et incitatifs fiscaux. Nous ne devrions pas tout simplement présumer que, maintenant que nous avons réussi, nous pouvons, d'une manière ou d'une autre, être traités comme si nous n'étions qu'une entreprise. Dans la meilleure conjoncture qui soit, nous restons une industrie culturelle qui a une activité industrielle et une activité culturelle, et nous comptons sur des mécanismes d'appui de nature culturelle et industrielle.

Mme Pat Bradley: Pour essayer de répondre à ces deux questions, je vais revenir à la problématique des importations et des exportations et à la création du Conseil des arts.

• 1950

Avant la fondation du Conseil des arts, au plan de la culture théâtrale, nous étions sans aucun doute un pays importateur. Le Conseil des arts ainsi que les théâtres à but non lucratif nous ont permis probablement de réaliser l'équilibre entre les importations et les exportations; cependant, cela a également permis aux théâtres du Canada ainsi qu'aux artistes qui oeuvrent dans ce milieu—peut être est-ce une banalité, mais c'est vrai—de raconter nos propres histoires.

Le mois dernier, j'ai vu au Théâtre Passe Muraille la reprise d'une pièce sur la révolte des agriculteurs de 1837. Parmi les spectateurs, il y avait des enfants qui étudiaient probablement cet événement historique à l'école ou qui n'en avaient jamais entendu parler, et la pièce a fait revivre une page de notre histoire, de l'histoire de notre province, de notre communauté, avec les agriculteurs qui arrivaient de Richmond Hill et qui descendaient la rue Yonge.

Ainsi, au cours des quelques 20 dernières années, grâce au Conseil des arts, les théâtres à but non lucratif ont surtout présenté des pièces qui font partie de notre propre histoire. Nous avons également commencé à exporter certaines de nos productions théâtrales, mais l'incidence la plus marquante que cela a eu est que nous importons beaucoup moins que par le passé.

Deuxièmement, même si l'on veut éviter de justifier l'existence des théâtres à but non lucratif en les présentant comme les foyers de la recherche et du développement, il reste que, notamment à Toronto et, dans une certaine mesure, à Vancouver et à Montréal, il existe une industrie théâtrale commerciale prospère. Dans le passé, on y présentait surtout des pièces américaines interprétées par des compagnies du sud de la frontière, qui venaient en autocars ou en camions et restaient pendant un certain temps. Aujourd'hui, on présente des productions canadiennes, de grandes comédies musicales à succès comme Showboat, qui passe à North York au moment où je vous parle.

Cette industrie n'existerait pas au Canada s'il n'y avait pas également une main-d'oeuvre experte et un auditoire informé.

Dans le contexte particulier des jeunes auditoires, permettez-moi de revenir à ce que j'ai dit sur la nécessité de faire l'équilibre entre le financement par l'usager et les subventions et à ce que ces subventions nous permettent de faire, ce que j'ai signalé plus tôt. De nombreuses compagnies peuvent se débrouiller pour augmenter proportionnellement leurs revenus gagnés en présentant certaines pièces qui leur permettront de tirer environ 80 p. 100 de leurs revenus de la vente de billets. Mais ce que les subventions nous permettent de faire, c'est tout d'abord d'offrir aux jeunes des billets à prix très modique pour qu'ils puissent aller voir des pièces de théâtre. Deuxièmement, au Canada, dans l'industrie du théâtre, il y a un secteur dont les réalisations sont bien meilleures que celles de la plupart des pays étrangers, c'est le secteur très prospère et très créatif du théâtre conçu pour de jeunes auditoires. Essentiellement, il s'agit de présenter dans les écoles des pièces qui, en l'occurrence, sont presque toutes des pièces canadiennes. Encore une fois, ce sont des pages de l'histoire canadienne, des pages qui nous racontent que les enfants des écoles ont la possibilité de découvrir.

M. Alexander Crawley: Étant donné que Sarm Bulte est ma députée, je me sens pratiquement obligé d'essayer de répondre à la question qu'elle nous a chargés de vous poser.

Vous demandez quels avantages le Canada tire des théâtres subventionnés à but non lucratif. Essayons d'aller un peu plus loin. Ce secteur nourrit en fait également les industries à but lucratif.

Personne ne devrait en douter. Il n'y a probablement pas un décorateur, pas un acteur, pas un écrivain ni un technicien qui travaille dans le secteur à but lucratif, que ce soit le théâtre, le cinéma ou la télévision, qui n'ait pas à l'origine acquis de l'expérience dans le secteur à but non lucratif, soit dans un théâtre communautaire, soit dans un théâtre subventionné ou encore au sein d'une chaîne communautaire. En faisant leurs premières armes dans ce secteur, les gens apprennent beaucoup.

Vous avez écrit votre premier poème quand vous étiez à l'école parce que votre professeur d'anglais vous a demandé d'écrire un poème; ensuite, vous avez acquis un certain talent. C'est de là que viennent tous les talents dont se nourrissent ces industries. C'est du secteur à but non lucratif, du secteur bénévole, et si jamais il devait disparaître, les industries rentables que nous avons aujourd'hui disparaîtraient également.

M. Jean-Philippe Tadet: Une simple remarque pour répondre rapidement à votre question.

En 1995, les exportations de biens et de services culturels se chiffraient à 12 milliards de dollars, alors que les importations s'élevaient à 22 milliards de dollars. Par conséquent, en 1995, la balance commerciale du Canada accusait, dans ce secteur, un déséquilibre s'élevant à environ 10 milliards de dollars. Cela veut dire deux choses.

Comme vous le disiez, nous sommes dans une situation difficile avec le géant qui se trouve au sud de la frontière, et il est certain que les quelques succès que nous remportons au Canada ne devraient pas nous faire oublier que, relativement, ils n'ont pas grande envergure.

• 1955

En passant, la dernière pièce présentée à New York, sur Broadway...

Mme Pat Bradley: Dont la première est ce soir—de l'opéra.

M. Jean-Philippe Tadet: Bref, le secteur commercial de l'industrie a présenté quatre pièces canadiennes l'an dernier à New York.

Nous avons donc remporté quelques succès, mais le déséquilibre commercial reste très important. Nous vous demandons de nous aider à développer nos compétences en matière d'exportation. Peut-être ne vous a-t-on pas encore fait cette remarque. Nous estimons que pour réussir dans l'exportation, certaines compétences sont requises. Personne ne peut se lancer dans une telle entreprise du jour au lendemain; il faut du temps et de l'argent. Nous devrions également nous intéresser à la commercialisation, à l'étranger, des capacités canadiennes en matière de formation.

Vous nous avez demandé de vous suggérer des secteurs d'investissement stratégiques. À mon avis, le gouvernement—le gouvernement fédéral, en l'occurrence—devrait investir dans des initiatives qui permettraient à notre secteur de se doter des compétences voulues pour exporter. C'est une initiative que vous devriez envisager.

Quoi qu'il en soit, je dois dire qu'il est très souvent plus facile d'exporter à l'extérieur des frontières du Canada que de distribuer nos produits à l'échelle nationale. Nous devrions également réfléchir à cela.

Le président: Merci.

M. John McAvity: Peut-être devrais-je situer ma réponse à cette question dans une perspective légèrement différente. Notre secteur, c'est-à-dire les musées et les musées des beaux-arts du Canada est par nature composé d'organismes canadiens à 100 p. 100. Ce que l'on trouve dans nos murs, que cela ait une valeur historique, artistique ou scientifique, est Canadien par nature. La question du déséquilibre commercial ne se pose donc pas pour nous.

En revanche, nous avons l'occasion de faire connaître à l'étranger, dans de bien meilleures conditions, l'histoire canadienne—les événements historiques et les faits culturels—par le biais d'expositions, ce que nous ne pouvons faire actuellement car il nous manque le financement et des mécanismes d'appui. Cela concerne également les produits de nos institutions, les images de la culture canadienne que nous fabriquons et qui sont vendues dans les boutiques de nos musées... et très bientôt, nous l'espérons, dans les magasins de détail.

En troisième lieu, il y a les compétences que l'on trouve au sein de nos institutions. Par exemple, c'est un Canadien qui a été chargé d'installer de nouvelles fenêtres à l'Ermitage, à St-Petersbourg, et c'est parce qu'au Canada nous avons des spécialistes de la conservation et des meilleures méthodes de construction. Des Canadiens se trouvent à l'heure actuelle en Thaïlande pour aider ce pays à construire des musées des sciences.

Nous possédons donc ce bassin de compétences. Malheureusement, nous n'avons pas les programmes qui favoriseraient leur développement. La plupart du temps, ils sont organisés un peu n'importe comment. Nous ratons beaucoup d'occasions.

Par exemple, j'essaie d'obtenir des fonds pour un recensement de ce que nous pouvons offrir à l'étranger. Ni le ministère des Affaires étrangères, ni quelque autre ministère n'est prêt à m'accorder des fonds pour que l'on effectue cette étude et que l'on puisse élaborer une stratégie d'ensemble pour les musées et les musées des beaux-arts du Canada. C'est une lacune qu'il faudrait, à mon avis, combler parce que nous le méritons. Nous avons quelque chose à offrir. C'est un obstacle majeur.

Je vous serais particulièrement reconnaissant si vous nous aidiez à approfondir cela et à voir s'il y a un moyen de pousser les Canadiens... pas seulement les musées canadiens, et pas seulement à l'étranger. Nous voudrions faire partie de l'Équipe Canada dans sa prochaine mission commerciale. Je pense que tout ce secteur devrait être représenté lors des missions qu'entreprendra Équipe Canada, alors que cela n'a pas été le cas jusqu'ici. Nous avons quelque chose à offrir.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McAvity, et vous aussi, madame Redman.

Le groupe de spécialistes que vous constituez s'est révélé extrêmement intéressant. Vous nous avez fourni des informations précieuses dans le cadre des consultations prébudgétaires. Vous avez présenté des arguments très forts en faveur du secteur culturel. Je crois qu'en disant cela je traduis probablement ce que pensent tous les membres du comité.

Vous avez certainement des informations qui se révéleront précieuses et utiles alors que nous nous préparons à écrire le rapport et à formuler des recommandations qui seront transmises au ministre des Finances.

De bien des façons, je suppose, l'industrie culturelle est véritablement une expression de l'esprit qui anime notre pays. C'est une chose très importante pour un pays. Personne ne peut oublier cela. Pas même le Comité des finances.

• 2000

À titre de président de ce comité, je peux vous dire que je fais partie des gens qui sont persuadés que l'on peut réduire la dette et le déficit tout en investissant dans certains secteurs clés de notre économie—et dans les gens. Les deux choses ne s'excluent pas mutuellement. Ce sont deux objectifs que l'on peut atteindre. J'ai toujours considéré que la réduction du déficit et de la dette n'était pas une fin en soi mais plutôt un moyen de parvenir à d'autres fins.

Je vous laisserai sur cette pensée. Vous pouvez être sûrs que vous retrouverez dans le rapport certains des points de vue que vous nous avez si éloquemment exprimés.

Merci.

Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes.

• 2001




• 2013

Le président: À l'ordre. Nous reprenons la séance et nous accueillons avec plaisir les représentants du Congrès du travail du Canada, Mme Mary Rowles, adjointe au président et M. Andrew Jackson, économiste en chef, ainsi que la représentante de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, Mme Sharon Chisholm.

Bienvenue à tous. Nous commencerons par entendre les représentants du Congrès du travail du Canada.

Mme Mary Rowles (adjointe au président, Congrès du travail du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens à remercier tous les membres du comité ainsi que son président de nous donner la possibilité de nous exprimer devant eux ce soir et de leur expliquer foncièrement la façon dont nous procéderions si nous étions à leur place. Je tenais à vous remercier car je sais que vous avez eu une longue journée et qu'il se fait tard, et je voulais que vous sachiez que nous sommes reconnaissants du temps que vous nous accordez ce soir.

Permettez-moi de commencer par quelques remarques préliminaires. Ceux d'entre vous qui sont de vieux routiers du Comité des finances auront déjà entendu ce que nous avons à dire ce soir. Cela s'explique en partie par le fait que nous continuons de nous opposer aux principes de base de la politique macro-économique poursuivie par le gouvernement, comme nous nous y opposions dans le passé et comme nous nous opposions à la politique des précédents gouvernements. Nous aimerions vous présenter ce soir quelques-unes des solutions de rechange que nous préconisons.

J'aimerais néanmoins souligner que nous félicitons M. Martin d'encourager le débat des priorités nationales et des valeurs qui se cachent derrière le budget. De fait, nous serions prêts à appuyer certains des propos qu'il a tenus à Vancouver. Le Congrès du travail du Canada convient par exemple qu'il ne suffit pas de laisser le marché entièrement maître de l'économie. Comme il l'a dit, il y a des choses que le marché ne peut pas faire et ne fera pas, et il y en a que le gouvernement peut faire et doit faire. Nous approuvons, bien sûr, ces points de vue, mais ce que nous allons vous suggérer ce soir, est que le gouvernement adopte une tactique complètement différente et établisse d'autres priorités que celles qu'il a décrites à Vancouver.

• 2015

Je pense que le sommaire de notre mémoire exprime l'orientation que nous aimerions voir adopter par le gouvernement. Dans notre perspective, les grandes priorités devraient être de créer plus d'emplois, et de meilleurs emplois, et de venir à bout de l'énorme déficit social qui a été engendré par les compressions de dépenses au cours des années passées.

On ne vous apprendra rien en disant que le Canada continue d'avoir un taux de chômage extrêmement élevé et qu'en plus des 1,4 million de chômeurs, de nombreux travailleurs ont déserté la population active du fait qu'il n'y a pas d'emploi. Ensuite, il y a tous ceux qui souhaiteraient des emplois à plein temps, mais qui sont forcés de travailler à temps partiel ou à leur compte. De notre point de vue, une croissance spectaculaire de l'emploi est absolument essentielle si l'on veut que la situation de la population active canadienne s'améliore, après une décennie pendant laquelle pratiquement aucun progrès n'a été enregistré.

Le mémoire que nous vous avons soumis ce soir aborde les questions posées par M. Martin à Vancouver, à savoir si la réduction de la dette, les baisses d'impôt ou les dépenses de programme devraient être des priorités. Selon nous, il n'est pas nécessaire de rembourser directement la dette étant donné que le fardeau de la dette chutera automatiquement dans une économie en pleine croissance. Réinvestir les excédents dans l'économie aura pour effet de créer plus d'emplois, ce qui nous aidera à faire face aux priorités urgentes.

Nous considérons que la réforme du système d'impôt progressif doit avoir pour effet de transférer le fardeau fiscal des travailleurs et travailleuses et des groupes à faible revenu aux groupes à revenu élevé, aux entreprises et aux riches. Cependant, pour atteindre la justice fiscale, il n'est pas nécessaire de réduire la part d'impôt générée par l'économie.

Le CTC s'oppose à une réduction des impôts généralisée de grande envergure, compte tenu que les travailleurs et travailleuses auraient tout à perdre des coupures qu'il faudrait apporter à des programmes sociaux et des services publics qui sont d'importantes composantes d'un niveau de vie élevé. L'investissement dans les programmes, notamment, créera plus d'emplois et de meilleurs emplois, en particulier pour les femmes. Nous nous ferons un plaisir d'aborder, pendant la période des questions et des commentaires, ce que nous considérons comme les besoins véritables des femmes, ainsi que les initiatives que pourrait prendre le gouvernement pour remédier à leur situation.

Dans l'immédiat, la priorité, selon nous, devrait être de réparer les dommages causés par les coupures antérieures, en particulier celles qui ont touché le programme d'assurance-chômage et les programmes à frais partagés avec les provinces en matière de santé, d'éducation post-secondaire et d'aide sociale. Nous faisons des suggestions dans notre mémoire sur les modifications à apporter au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

J'aimerais aussi faire remarquer que le mémoire prône entre autres la mise en place d'un programme national de garderie, la hausse des investissements dans l'éducation, la formation et la recherche, ainsi qu'une stratégie environnementale assurant la viabilité à long terme, des initiatives qui nécessiteraient toutes un investissement de la part du gouvernement.

Nous concluons qu'au fond, compte tenu du taux de chômage élevé et de l'économie en pleine croissance, les Canadiens et Canadiennes peuvent tirer avantage d'un dividende fiscal important et sans cesse croissant qui nous permettra de nous attaquer au déficit social engendré par les politiques passées. Quoi qu'il en soit, nous remettons en question la politique macro-économique que le gouvernement semble déterminé à poursuivre.

Je suis accompagnée, comme vous l'avez dit, d'Andrew Jackson, l'économiste en chef du Congrès du travail du Canada. Je lui ai demandé de vous parler de l'inquiétude que nous inspire l'engagement du gouvernement en faveur du TCIS et son intention apparente de permettre au taux d'intérêt d'augmenter, ce qui, selon nous, interdira une véritable croissance du dividende social et nous privera d'une marge de manoeuvre réelle en matière d'investissement dans les programmes sociaux, si l'on poursuit dans cette voie.

Permettez-moi donc, pour la deuxième partie de notre présentation, de passer la parole à Andrew qui va vous dire quelques mots à ce sujet.

Le président: Merci.

Monsieur Jackson.

M. Andrew Jackson (économiste en chef, Congrès canadien du travail): Monsieur le président, je serai bref.

Une des questions que nous abordons dans le mémoire et sur laquelle j'attire votre attention c'est que si l'on examine les projections économiques formulées par le ministère des Finances et la Banque du Canada, on constate qu'elles reflètent un point de vue très pessimiste des perspectives économiques à moyen et à long terme. Le ministère des Finances est d'avis que nous allons aborder le prochain siècle avec un taux de croissance potentiel de seulement 1,2 p. 100 au Canada. Il considère qu'il n'est pas possible de réduire le taux de chômage en deçà de 7,8 p. 100 à moyen terme.

Vous le savez certainement, ces questions ont été passablement débattues. L'économie canadienne peut-elle progresser plus rapidement? Sommes-nous en mesure de créer plus d'emplois? Ce que je tiens particulièrement à souligner, c'est que malgré tout le débat que suscitent ces questions et même si le ministère des Finances, notamment, a déclaré qu'il considère que l'économie canadienne peut se développer plus rapidement, en fait, la politique monétaire établie par la Banque du Canada repose sur l'intime conviction que la croissance actuelle est trop rapide, que l'on s'empresse trop de créer des emplois, et que nous nous rapprochons trop vite de ce qu'elle considère comme le plein emploi.

• 2020

Bien que cela puisse paraître en dehors du sujet qui concerne directement le comité, le fait est que s'il y a un fléchissement marqué de la croissance, si l'on a des taux d'intérêt nettement plus élevés... et la prévision du secteur privé incluse dans la mise à jour publiée par le ministre prévoit une augmentation de 1 p. 100 des taux d'intérêt au cours de l'année prochaine, ce qui n'est pas négligeable. Si la croissance est plus lente et les taux d'intérêt plus élevés, le dividende fiscal que tout le monde se demande comment dépenser—pour faire baisser les impôts ou pour réduire la dette—va rapidement s'évaporer. Il n'y aura tout simplement pas un si gros dividende, et il est foncièrement important de se pencher sur la question.

J'aimerais attirer votre attention sur les chiffres du tableau que je vous ai distribué. Ils permettent simplement de comparer la situation actuelle au plan du chômage et celle qui existait en 1989, date du précédent creux cyclique au Canada. Mon objectif est avant tout de vous montrer combien nous sommes loin aujourd'hui du niveau de 1989, ou tout simplement quel est encore le degré de gravité de la situation de l'emploi dans notre pays.

Tout le monde le sait, nous continuons d'avoir un taux de chômage de 9 p. 100 et un taux très élevé de chômage chez les jeunes. En outre, la proportion de la population en âge de travailler qui fait partie des actifs a chuté par rapport à 1989, de 67,5 p. 100 à 64,9 p. 100.

Nous pensons bien sûr, comme beaucoup d'économistes, qu'au fur et à mesure que l'économie se développe et qu'elle crée des emplois, un grand nombre de ceux qui ne font plus partie de la population active la réintégreront. Quand on examine les chiffres, on est frappé par le fait que ce sont surtout les jeunes qui se sont retirés du marché du travail. Une chose que nous savons avec certitude au sujet des jeunes, c'est que pour plusieurs bonnes raisons, ils fréquentent l'école pendant plus longtemps, mais qu'ils vont éventuellement se remettre sur le marché du travail. Il n'y a donc pas de pénurie potentielle de main-d'oeuvre en l'occurrence.

Autre détail frappant: la proportion de la population active qui est employée à temps partiel a progressé d'environ 3 p. 100 depuis la fin des années 80. Parmi les femmes adultes, le pourcentage de l'emploi à temps partiel a également augmenté. Parallèlement, le nombre des gens qui travaillent à temps partiel uniquement parce qu'ils ne peuvent pas trouver un emploi à temps plein a augmenté. Par-dessus le marché, on a pu constater une augmentation spectaculaire du travail indépendant, alors que bien des gens qui entrent dans cette catégorie préféreraient des emplois salariés s'ils étaient disponibles.

En réalité, quand on examine les chiffres sur la population active, le mois dernier est particulièrement frappant du fait qu'il y a eu une croissance appréciable et très saine du taux de création d'emplois dans l'économie. Le taux de chômage n'en a pas été véritablement affecté car un grand nombre de ces nouveaux emplois à temps plein est allé à des travailleurs à temps partiel et il y a eu une diminution du nombre de travailleurs indépendants.

Le point clé est que le chômage est encore très présent aujourd'hui, malgré un taux de 9 p. 100 qui pourrait paraître à première vue faible par rapport à ce qu'il a été dans le passé. Le sous-emploi est très répandu dans notre économie. Le principe en vigueur à la Banque du Canada voulant qu'avec un taux de croissance de 4 p. 100 nous nous rapprochons du plein emploi, nous atteignons notre capacité de production nationale, est foncièrement erroné et destructeur. Nous devons continuer de le dire et de faire entendre nos arguments.

Il y a une dernière chose que je voudrais souligner: si l'on prend la véritable mesure de la situation sur le plan du chômage, cela détermine le type de politique fiscale qu'on va poursuivre. Notre mémoire tente de souligner que si l'on prend sérieusement comme objectif la création d'emplois et de meilleurs emplois, notamment de meilleurs emplois pour les femmes, l'investissement dans notre économie, l'investissement dans l'avenir, s'avère une bien meilleure façon de répartir le dividende que des baisses d'impôt générales ou encore pire, le remboursement direct de la dette.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant entendre Mme Chisholm.

Mme Sharon Chisholm (directrice générale, Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine): Merci. Moi aussi, je vous suis reconnaissante de prolonger la séance si tard. Je comprends pourquoi je vois autour de moi quelques visages fatigués. Je m'efforcerai également d'être brève et je vous remercie de votre patience.

• 2025

Je suis la directrice générale de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine. Notre association représente les gérants, les promoteurs, les fournisseurs et les habitants des grands ensembles d'habitation à caractère social du Canada, notamment les ensembles immobiliers municipaux sans but lucratif, les habitations sociales, les coopératives d'habitation et les logements communautaires sans but lucratif.

Je voudrais ce soir répondre à vos trois questions, en commençant par la première, à savoir: quelles hypothèses économiques devrait-on utiliser pour la planification du budget 1998-1999?

Nous considérons que l'économie canadienne commence enfin à bénéficier de la persistance de taux d'intérêt peu élevés, mais il y a déjà des signes que ces taux vont graduellement remonter au fur et à mesure que la reprise se confirmera. Il s'ensuivra un ralentissement de la croissance de l'emploi et une baisse des excédents prévus. L'ACHRU est d'avis que le ministre des Finances peut intervenir pour contrer la hausse des taux d'intérêt.

Nous pensons également qu'il faut instaurer l'équité fiscale, mais qu'il n'est pas nécessaire de réduire la part des impôts dans l'économie pour y parvenir. Il n'est pas nécessaire d'accorder des réductions d'impôt générales à tous les Canadiens. En revanche, l'ACHRU est en faveur de baisse d'impôt et de l'octroi de crédits d'impôt aux pauvres, et une façon de faire bénéficier les nécessiteux de l'aide dont ils ont tellement besoin serait d'instaurer des crédits d'impôt qui encourageraient spécifiquement la création de logements abordables.

J'aimerais consacrer plus de temps à la deuxième question que vous nous avez transmise, c'est-à-dire quels sont les nouveaux investissements stratégiques et les modifications du régime fiscal qu'il serait approprié d'introduire pour donner au gouvernement la meilleure chance d'atteindre ses priorités?

Vous ne serez pas surpris d'apprendre que l'ACHRU est d'avis que l'accès à un logement décent et abordable devrait être l'une des priorités du gouvernement. S'il ne dispose pas d'un logement adéquat, aucun individu ni aucun ménage ne peut participer pleinement à la vie sociale ou économique canadienne. Malheureusement, les programmes des secteurs dont nous nous occupons, c'est-à-dire ceux qui concernent les sans-abri et les services de santé, se sont graduellement érodés au cours des six dernières années. Ce sont pourtant des composantes clés d'une société saine, et le Canada doit rétablir ces programmes et y réinvestir.

Dans une étude américaine récente intitulée Out of Reach: Rental Housing at What Cost?, l'habitat et les emplois sont considérés comme deux facteurs qui entravent sérieusement le progrès social. La pénurie simultanée de logements abordables et d'emplois assurant un salaire suffisant va à l'encontre de la réussite potentielle de la réforme de l'assistance sociale. Le rapport soutient que:

    Pour que les tentatives de retour au travail des assistés sociaux réussissent, ils doivent pouvoir compter sur les deux piliers que sont des logements abordables et sains et des emplois qui assurent le minimum vital.

Il en est de même au Canada. Bien que nous ne soyons pas engagés dans une réforme de l'assistance sociale de même envergure, un grand nombre des initiatives actuelles en matière de politique s'attaquent à ce qui peut dissuader les gens de retourner au travail. Cette stratégie doit inclure, entre autres, l'accès à des logements décents et abordables. Quand on a un toit, on peut ensuite chercher à améliorer ses autres conditions de vie. Le travail et le recyclage professionnel sont possibles, la situation des enfants s'améliore et les coûts de santé diminuent. Laissez-moi vous donner des chiffres précis.

Les ménages canadiens continuent de connaître des difficultés à se loger, et il y a au moins 1,2 million de ménages qui vivent dans des conditions insatisfaisantes au Canada. Par-dessus le marché, des centaines et des milliers d'autres vivent actuellement dans des parcs de logements subventionnés, sans accès adéquat aux formes de soutien et aux services dont ils ont besoin pour avoir la possibilité de sortir des logements sociaux ou de trouver du travail. De plus, les enfants et les jeunes sont laissés à eux-mêmes et sont mal préparés à sortir du cercle vicieux de la pauvreté et de la dépendance. De mauvaises conditions de logement entraînent des coûts plus élevés dans d'autres secteurs relevant de la politique gouvernementale, y compris certains qui sont en partie de compétence fédérale.

Une récente étude au Royaume-Uni... et je m'excuse de mentionner des études étrangères; malheureusement, il n'y en a pas beaucoup au Canada. L'étude du Royaume-Uni établit le rapport entre des conditions de logement insalubres et l'augmentation des coûts dans les secteurs des soins de santé, de la prévention des actes criminels et de la lutte contre les incendies. Si on fait le rapport entre les coûts annuels estimés dans ces trois secteurs et leur valeur en capital, et si on applique ensuite cela au parc de logements canadien, on aboutit à des coûts annuels de 7,36 milliards de dollars rien que pour les secteurs de la santé, de la prévention des actes criminels et de la lutte contre les incendies. Ces coûts pourraient disparaître si nous adoptions un programme de logement social à but non lucratif plus équitable et plus accessible.

Mais la question de l'investissement dans l'immobilier s'est compliquée au Canada. Le gouvernement fédéral a lancé un processus de transfert de responsabilités aux provinces et aux territoires qui touche la gestion des logements sociaux. Jusqu'ici, quatre provinces ont signé et d'autres envisagent de le faire, mais parmi les huit autres, beaucoup restent indécises; dans le cas de l'Ontario, il n'est toujours pas clair pour le gouvernement fédéral ce qu'un accord avec la province peut signifier pour l'avenir du parc immobilier.

• 2030

Quel sera le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine du logement? Le gouvernement fédéral sera-t-il à la remorque des provinces dans ce secteur? Rien n'empêche le gouvernement fédéral de prendre lui-même l'initiative de nouveaux programmes. Les collectivités, les municipalités et d'autres qui s'intéressent au bien-être des Canadiens attendent des directives. Le gouvernement fédéral a un rôle capital à jouer, que ce soit au moyen d'initiatives directes ou d'incitatifs pour les provinces.

Même si la délégation des responsabilités se réalise dans l'année, ce qui est très peu probable, le transfert de l'administration des logements sociaux aux provinces ne devrait pas se traduire par un retrait total de l'administration fédérale au plan de la politique de logement social canadienne. Les niveaux de gouvernement les plus élevés, y compris le gouvernement fédéral, doivent continuer d'être impliqués dans le dossier de l'abordabilité du logement.

De fait, tout récemment, le Metro Toronto Stakeholder Panel on Housing souligne dans son rapport final au conseil du Grand Toronto que la fourniture de nouveaux logements aux ménages à faible revenu requiert une forme ou une autre de subventions. La fourniture de logements abordables à un très grand nombre de ménages économiquement faibles ne peut se faire sans subventions de la part des paliers supérieurs de gouvernement. Il n'y a tout simplement pas d'autre moyen d'y parvenir.

Il y a effectivement plusieurs domaines dans lesquels la participation du gouvernement du Canada est essentielle pour que le système que l'on est en train de mettre en place fonctionne de façon satisfaisante.

À Saskatoon, promoteurs, banquiers, défenseurs des logements sociaux et fonctionnaires du gouvernement se sont réunis pour trouver une solution à la pénurie de logements abordables. Le groupe considère que l'habitation est le pivot d'un ensemble de mesures sociales visant à assurer une qualité de vie élevée. Il est prêt à prendre la balle au bond et à collaborer à l'implantation de logements abordables dans la communauté, mais il ne peut pas agir seul. Il peut faire en sorte que les logements soient abordables, mais il a besoin de subventions pour que ces logements soient accessibles à ceux qui sont loin de pouvoir se permettre de payer les prix du marché locatif.

Les programmes de logements sociaux contemporains au Canada font l'envie des pays développés car ils se sont avérés un moyen efficace de répondre au besoin de logements abordables. L'inclusion d'un programme de logements abordables dans le filet de sécurité sociale est essentielle au maintien de la qualité de la vie dans nos centres urbains et de leur viabilité comme lieux de recherche, d'habitation, d'apprentissage et d'investissement.

Malheureusement, il a été largement démontré à travers le monde qu'il n'existe pas de solutions purement marchandes à la fourniture d'habitations de qualité à des prix abordables pour les économiquement faibles, particulièrement dans nos grandes agglomérations. Entre autres raisons, à cause du prix élevé du terrain.

Une ville qui n'offre pas de logements adéquats aux gens à faible revenu fera face à une croissance galopante de la pauvreté dans certains quartiers, avec de plus en plus de sans-logis et une détérioration du parc de logements sociaux existants, et elle deviendra un endroit où il est moins agréable de travailler et d'habiter.

L'économie canadienne est de plus en plus influencée par les grandes villes. La pensée économique moderne reconnaît qu'une grande part de la vitalité d'une économie industrialisée comme celle du Canada trouve son origine dans les villes. Des villes salubres qui fonctionnent bien sont une des conditions préalables d'une économie saine en expansion. Le Canada ne peut pas prospérer si ses principaux centres urbains sont en détresse.

L'ACHUR ne prétend pas que le gouvernement du Canada doit avoir la responsabilité de tout le secteur du logement social ni continuer de gérer directement les logements sociaux; mais nous disons que le gouvernement fédéral ne peut pas se permettre de rester passif et de poursuivre une politique de non-intervention. Il est dans l'intérêt national que le gouvernement du Canada continue de chercher, dans le cadre de ses compétences constitutionnelles, des moyens d'encourager et de promouvoir, partout où cela est possible, la création de logements sociaux.

Quelles seraient les conséquences d'une abdication de responsabilité de la part du gouvernement fédéral dans le domaine de l'habitation? On peut facilement envisager qu'une municipalité qui agit de façon responsable pour essayer d'améliorer l'offre de logements abordables se retrouvera souvent à la merci des municipalités avoisinantes, trop contentes de voir une autre collectivité s'occuper de leurs problèmes et dépenser de l'argent pour les résoudre.

Et cela peut se passer aussi bien dans une même province que d'une province à l'autre.

Un moyen qui, selon l'ACHRU, pourrait permettre d'atteindre l'objectif serait d'utiliser le régime fiscal pour réduire le coût du logement social, précisément en recourant à des crédits d'impôt. Nous ne sommes pas prêts, à ce stade, à discuter en détail d'un mécanisme particulier, mais nous pensons que le gouvernement fédéral a un rôle évident à jouer pour encourager les municipalités et les groupes communautaires à poursuivre leurs efforts.

• 2035

Ces dernières années, l'ACHRU a pris part à une initiative parrainée par la SCHL appelée Découvertes. Dans le cadre de cette initiative, des collectivités se sont adressées à nous et ont manifesté leur volonté d'agir à titre bénévole pour réunir diverses ressources et les capitaux et offrir les logements abordables. Mais elles ne sont pas véritablement en mesure de toucher les groupes à faible revenu sans compter sur des subventions quelconques, et c'est là où le gouvernement fédéral a un rôle à jouer.

Je vais maintenant en venir à nos conclusions.

Nous pensons que l'habitation constitue une des nécessités de la vie, et que sans un logement sûr et adéquat, les Canadiens ne peuvent envisager contribuer de façon significative à la société.

Le transfert de la responsabilité de l'administration du logement social aux provinces et aux territoires ne devrait pas signifier que le gouvernement du Canada se désintéresse du logement social et n'a plus de rôle à jouer en la matière. Au contraire, nous pensons qu'il est plus important que jamais que le gouvernement fédéral redéfinisse son rôle dans le cadre de la décentralisation.

Dans notre mémoire, nous avons formulé plusieurs propositions que nous voudrions voir examiner.

Je terminerai en disant que ces dernières années, même si le gouvernement fédéral n'a pas exercé de leadership dans le domaine du logement social, et même si les provinces ne sont pas en mesure de prendre le relais, il reste des collectivités et des municipalités qui sont disposées à faire quelque chose. Nous croyons fermement que c'est maintenant au gouvernement fédéral d'assumer un rôle de chef de file et de leur donner des directives.

Le président: Merci beaucoup, madame Chisholm.

Nous allons maintenant passer à la période des questions.

[Français]

Monsieur Godin ou monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers: M. Godin est parti. D'abord, j'aimerais vous remercier de votre présentation et des bons commentaires que vous faits sur la situation économique canadienne.

Évidemment, en ce qui a trait au document du Congrès du travail du Canada, j'en conclus que ce sont les travailleurs et les travailleuses de l'ensemble de la communauté canadienne et québécoise qui ont payé largement la réduction du déficit du gouvernement fédéral.

J'ai également en main un tableau qui dit que le taux de chômage chez les jeunes est passé, de 1989 à 1997, de 11,2 à 16,7 p. 100. On dit également que la proportion des femmes adultes ayant un emploi à temps partiel est passée de 23 à 25,5 p. 100. Face à ces deux groupes de personnes-là, les jeunes et les femmes adultes, qui essaient souvent de réintégrer le marché du travail, comment expliquer l'attitude actuelle du gouvernement fédéral et quelles mesures concrètes verriez-vous pour corriger cette situation?

[Traduction]

Mme Mary Rowles: J'ai bien peur de ne pas pouvoir expliquer les politiques du gouvernement fédéral. Il est clair qu'elles ont eu un impact négatif exceptionnel sur les femmes notamment, sur les femmes de toutes catégories.

J'aimerais inciter ce soir les membres du comité à tenir compte dans leurs recommandations de l'incidence différentielle des politiques gouvernementales sur les femmes, notamment du fait que le gouvernement a pris l'engagement, à la Conférence de Pékin sur les femmes, de soumettre ses initiatives en matière de politique à l'épreuve de la problématique homme-femme.

Le Congrès du travail du Canada a publié plus tôt cette année un rapport dans lequel il présentait des données qualitatives et quantitatives sur l'incidence des changements économiques sur les femmes, et certaines des statistiques sont pour le moins choquantes. À l'heure actuelle au Canada, il n'y a que 20 p. 100 de femmes qui travaillent à temps plein, qui occupent des postes à l'année où elles gagnent plus de 30 000 $. Toutefois, elles assument des responsabilités croissantes vis-à-vis le soutien financier de leurs familles.

Nous avons la triste réputation d'être parmi les pays industrialisés où le pourcentage de femmes dans des emplois peu rémunérés est très élevé. Seul le Japon nous dépasse.

Apparemment, bien que les femmes représentent moins de 20 p. 100 des travailleurs qui occupent les catégories d'emploi les mieux rémunérées, le pourcentage passe à plus de 70 p. 100 dans les catégories d'emploi les moins bien rémunérées; en outre, les chiffres sur le chômage des femmes autochtones ou handicapées sont aberrants.

Par exemple, les statistiques révèlent que 65 p. 100 des femmes qui souffrent d'un handicap cherchent du travail et considèrent qu'elles sont en mesure de travailler, mais je crois que le taux de chômage qui les concerne se situe aux alentours de 16,6 p. 100. Chez les femmes autochtones, 17,7 p. 100 sont sans travail. Et il s'agit des chiffres officiels. Les chiffres officieux sont beaucoup plus élevés.

Si l'on veut se faire une idée de l'impact des mesures sur les femmes qui travaillent, il suffit de se rappeler que l'augmentation en pourcentage du nombre de femmes qui occupent actuellement deux ou plusieurs emplois a littéralement explosé au cours des 15 dernières années et a augmenté de plus de 372 p. 100. Voilà donc qui, dans notre société a été affecté par ces mesures.

• 2040

[Français]

M. Odina Desrochers: D'accord. C'est la situation. Maintenant, pourriez-vous nous parler également des solutions que vous proposez?

[Traduction]

Mme Mary Rowles: Je pense qu'il y a au moins quatre solutions à ce problème.

La restauration du financement gouvernemental permet de rétablir les programmes gouvernementaux et de créer des emplois pour les femmes. Le secteur public est la meilleure source d'emplois stables et bien rémunérés pour les femmes.

Malheureusement, notre économie continue d'être très sexiste. Les femmes occupent des types d'emplois particuliers, et il ne faut pas s'attendre à ce que cela change rapidement. Les emplois qu'elles occupent sont ceux que le gouvernement a traditionnellement financés, par exemple, dans le domaine des soins de santé, de l'éducation, et des services sociaux. Par conséquent, toutes les coupures qui sont intervenues dans les paiements de transfert ont eu des retombées dans les provinces, où elles se sont soldées par des centaines de milliers de licenciements.

La solution, pour créer des emplois pour les femmes, est de rétablir le financement fédéral des programmes de transfert et d'arrêter ainsi les coupures dans la fonction publique fédérale.

Il y a une autre initiative que devrait prendre le gouvernement fédéral pour augmenter les taux de salaire des femmes: se décharger de sa responsabilité en matière d'équité salariale et verser aux femmes qui travaillent dans la fonction publique les sommes qui leur sont dues.

Prenez l'exemple suivant venu des provinces atlantiques. Il y a à Goose Bay, Labrador, aux limites de la ville, un panneau où l'on annonce que le gouvernement fédéral doit aux femmes de cette agglomération 4 millions de dollars. C'est une mesure de l'ampleur des sommes qui auraient dû être versées en vertu de l'équité salariale et qui restent dues aux femmes par un gouvernement qui se fait tirer l'oreille.

Cet argent créerait d'autres emplois pour d'autres femmes de la collectivité. Il ne va pas fuir à l'étranger; il sera dépensé directement dans cette ville et dans ses commerces. Il représente un revenu disponible depuis de nombreuses années mais qui n'a toujours pas été payé. Par conséquent, si le gouvernement se déchargerait de sa responsabilité en matière d'équité salariale, cela créerait des emplois à cause de l'effet multiplicateur des dépenses fédérales dans de petites agglomérations comme celle-là.

En dernier lieu, on pourrait créer de nouveaux programmes ou donner de l'expansion à certains de ceux qui existent déjà. Il y en a deux qui me viennent à l'esprit.

Un programme national de garderie réduirait les sommes que les femmes doivent débourser quotidiennement et créerait aussi des emplois pour elles. En effet, si le gouvernement fédéral finançait un programme national de garderie, ce sont les femmes qui y trouveraient des emplois.

Dans la même veine, on pourrait citer l'une des revendications majeures présentées par les femmes l'année dernière, à l'occasion de la marche qui les a menées des quatre coins du pays à Ottawa avec un éventail de demandes, dont la création de services permettant de s'attaquer à la violence faite aux femmes dans les petites localités canadiennes. Il s'agit là encore d'un moyen de créer des emplois pour les femmes qui aurait un effet très positif. Voilà deux programmes de création d'emplois distincts et précis que ce comité devrait recommander et qui devraient figurer dans le prochain budget.

Le président: Merci, madame Rowles.

[Français]

Monsieur Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Premièrement, j'aimerais dire que je suis déçu. Je suis déçu pour la simple raison que le Congrès du travail du Canada est un organisme qui représente les travailleurs et les travailleuses qui enrichissent les grosses compagnies et que, du côté du gouvernement, il y en a pas mal qui ont quitté parce que cela ne les intéresse pas beaucoup. Je suis déçu de cela. Pour moi, c'est une insulte.

Cela dit, le Congrès du travail est un organisme qui fait vraiment son travail dans ce pays. Je n'irai pas plus loin, mais au moins, j'ai dit ce que je pensais. Je n'aime pas me cacher pour dire ce que je pense.

J'aurais deux petites questions à vous poser.

[Traduction]

Le président: Je vous souhaite la bienvenue à votre première réunion du Comité des finances.

M. Yvon Godin: Merci.

[Français]

On dit que le taux de chômage est de 9 p. 100. Les travailleurs de Terre-Neuve, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de la Gaspésie sont-ils inclus dans ce taux? Je ne veux pas induire quiconque en erreur, mais je pense qu'ils ne sont pas comptabilisés dans le taux de chômage parce qu'ils se déplacent.

Deuxièmement, les représentants des travailleurs et travailleuses ont toujours critiqué le fait qu'il n'y avait pas d'alternative. Cependant, on me dit qu'on prépare un budget alternatif. Pourrait-on savoir quand il sera présenté?

[Traduction]

M. Andrew Jackson: En ce qui concerne la première question, je suppose que par chômeur Statistique Canada entend quelqu'un qui ne travaille pas—ce qui signifie en fait que même si l'intéressé travaille ne serait-ce qu'une heure par semaine, il est considéré actif—et qui cherche activement du travail. Si les habitants d'une petite localité où il n'y a pas d'emplois disponibles touchent des prestations d'une sorte ou d'une autre, quel que soit leur désir désespéré de trouver du travail, ils ne seront pas comptés parmi les chômeurs s'ils ne travaillent pas à cause des circonstances qui prévalent dans leur localité. Comme vous le savez, il y a très peu de programmes de formation active qui ont été mis en oeuvre parallèlement à la LSPA, mais je suppose que les gens ne sont pas considérés comme chômeurs s'ils participent à un programme de formation, car ils ne cherchent pas activement du travail.

• 2045

Ce que j'essaie en fait de montrer, c'est que la chute du taux de participation à l'économie représente un chômage massif déguisé. Le phénomène est évident si l'on prend comme exemple votre circonscription ou les régions rurales de Terre-Neuve où la proportion de la population adulte qui fait partie des actifs est en réalité très faible, et se situe à environ 50 ou 60 p. 100. En Alberta, ce taux monte à 70 ou 75 p. 100. En Colombie-Britannique, le pourcentage est beaucoup plus élevé et il l'est encore plus en Ontario.

Quand l'économie se porte bien et que des emplois sont créés, le nombre des adultes qui cherchent du travail augmente. À cet égard, on peut parler de chômage occulte.

Pour ce qui est des alternatives, c'est la quatrième année que le CTC, ainsi qu'un grand nombre de nos syndicats affiliés et d'autres organisations, y compris l'association d'habitation, participent à l'élaboration d'un budget de remplacement. Nous proposons un autre plan de dépenses et un autre train de mesures fiscales. Nous nous efforçons de quantifier le nombre d'emplois qui seraient créés et quelle en serait la conséquence pour les finances gouvernementales. Nous effectuons toute nos évaluations en collaboration avec Informetrica Ltd., afin qu'elles soient validées indépendamment.

Je pense que l'exercice s'est avéré réellement important. Il a été pris relativement au sérieux par le gouvernement, et nous avons rencontré tous les ans les fonctionnaires du ministère des Finances pour en discuter. De plus, il est examiné par un grand nombre d'économistes et beaucoup, parmi les plus reconnus, ont participé à l'exercice à un niveau ou à un autre. L'année dernière, nous avons organisé une table ronde. Un grand nombre d'éminents économistes universitaires tels que Pierre Fortin, Mike McCracken d'Informetrica et d'autres y ont participé.

Nous croyons fermement qu'il existe d'autres solutions. Le processus sera intéressant cette année car les budgets de remplacement des années passées se concentraient effectivement sur la façon dont on pourrait s'attaquer au déficit et à la dette publique d'une manière différente et moins destructrice. Aujourd'hui, on cherche à déterminer si la priorité devrait être donnée aux réductions d'impôt ou aux dépenses.

Je pense que les idées générales que nous avons énoncées dans le mémoire sont dans la ligne du budget de remplacement, mais nous fournirons un coût précis pour les diverses propositions. Si d'autres députés sont intéressés, j'aimerais leur signaler qu'un volume a été publié l'année dernière par Lorimer, le Budget de remplacement fédéral, 1997; il est donc disponible en librairie.

On entend souvent dire que ce document est élaboré par divers groupes d'intérêts particuliers qui essaient tous de tirer la couverture à eux. Mais l'élaboration du budget de remplacement est important, entre autres, parce qu'il rassemble les syndicats, les étudiants, les groupes anti-pauvreté et les organismes féminins. Il s'agit d'un exercice en grandeur réelle, dans le cadre duquel les gens doivent départager les priorités et arriver à s'entendre sur des objectifs communs.

Il s'agit d'une véritable contribution au processus budgétaire global. Personne ne crie «Faites-nous passer en premier», ce sont des orientations et des solutions globales dont on discute. Il y a là matière à un véritable débat, mais on peut trouver un terrain d'entente en ce qui concerne les priorités.

Le président: Merci, monsieur Jackson. Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Le monde des affaires a-t-il été partie prenante à l'élaboration de ce budget de remplacement dont vous venez de parler?

M. Andrew Jackson: Non.

M. Jim Jones: Le milieu des affaires, l'entreprise privée est l'autre volet de l'équation.

• 2050

J'aime votre première phrase: «Créer plus d'emplois et de meilleurs emplois». En présumant que nous ne nous voulions pas accroître les dépenses gouvernementales, comment allons-nous créer plus d'emplois et de meilleurs emplois, compte tenu du fait que le Canada n'est pas une île et doit défendre sa place au sein de l'économie mondiale en se montrant compétitif? Comment allons-nous créer plus d'emplois et de meilleurs emplois? Que devons-nous faire?

M. Andrew Jackson: On pourrait faire beaucoup de suggestions. Quand vous dites que l'on ne peut pas accroître les dépenses gouvernementales...

M. Jim Jones: C'est exact.

M. Andrew Jackson: ... parlez-vous de leur valeur absolue? Ou parlez-vous de leur part dans l'économie? Il y a cet invraisemblable...

M. Jim Jones: Le fait est que l'on ne peut tout simplement pas se mettre à jeter de l'argent par les fenêtres et recommencer à accumuler un énorme déficit.

M. Andrew Jackson: Finissons-en avec ce débat. Ces dernières années—en tout cas dans le budget de remplacement—nous avons tout à fait délibérément adopté exactement les mêmes priorités et les mêmes paramètres pour la réduction du déficit que ceux que le ministre des Finances avait fixés. Nous nous sommes dit que si l'on voulait lancer un véritable débat sur les alternatives économiques, il fallait absolument faire de la réduction du déficit une des priorités immédiates. Je suppose que nous n'aurions pas dépassé l'objectif de 10 milliards de dollars, comme l'a fait le ministre, ce qui démontre qu'en fait, dans le dernier budget, il y avait beaucoup plus de solutions de rechange qu'on ne l'a admis au moment où on en a défini le cadre. En réalité, nous aurions pu dépenser 10 milliards de dollars de plus l'année dernière et atteindre malgré tout l'objectif fixé par le gouvernement en ce qui concerne le déficit. Avec 10 milliards de dollars, quand on considère l'éventail des coupures de services effectuées dans tout le pays...

M. Jim Jones: Je voulais simplement...

M. Andrew Jackson: Les conséquences au niveau des dépenses publiques, des services publics plus et directement, au plan de l'emploi ont été énormes.

Nous n'allons pas prétendre non plus que tous les emplois vont être créés par les gouvernements. Manifestement, il est aussi nécessaire qu'il y ait un secteur privé prospère, en expansion et innovateur. Nous ne contestons absolument pas cela. Aussi bien dans le budget de remplacement que dans nos propres propositions, nous reconnaissons le mérite du gouvernement dans les domaines qu'il a pris au sérieux. Les investissements dans le Conseil national de recherche du Canada ou le fonds de partenariat technologique, sont très importants. Nous pensons que la formation dont bénéficie directement le secteur privé est terriblement importante— l'éducation supérieure, notamment. Il s'agit dans chaque cas d'activités gouvernementales qui ont une importance fondamentale et qui favorisent également de meilleurs emplois dans le secteur privé.

Le président: Monsieur Jackson, j'aimerais surenchérir sur une remarque de M. Jones. Comment pouvez-vous parler d'un budget de remplacement et exclure le secteur privé, le monde des affaires? À un moment où en tant que pays et en tant que société, nous nous efforçons d'établir des partenariats efficaces et de développer des alliances stratégiques avec les divers intéressés dans le but d'élaborer une vision nationale commune au plan économique, social et culturel, vous arrivez avec un budget de remplacement dont vous excluez les gens qui ont créé près d'un million d'emplois au cours des quatre ou cinq dernières années.

Il y a peut-être quelque chose d'important qui m'échappe, mais si vous voulez vraiment vous impliquer à un degré ou à un autre dans ce que nous sommes en train de faire ici, en tant que comité... Nous ne nous contentons pas d'inviter le monde du travail, nous accueillons des représentants du monde des affaires, des diverses catégories sociales, du secteur culturel, des gens concernés par la recherche et la technologie. Nous essayons d'entendre un échantillon représentatif de la société canadienne. Quelle est la raison pour laquelle vous ne demandez pas au monde des affaires de collaborer?

M. Andrew Jackson: Le budget de remplacement vise explicitement certains objectifs, lesquels ne seraient tout simplement pas acceptés par la majorité des grandes entreprises—le plein emploi, par exemple. Je pense qu'au départ, nous avons à certains égards des perspectives économiques différentes.

Deuxièmement, il y a plusieurs contextes, notamment les négociations collectives, où le monde du travail traite d'autres dossiers avec le milieu des affaires.

Le président: Je sais. Mais si c'est pour aller à l'encontre—

M. Andrew Jackson: Je pense qu'il s'agit d'un exercice important pour établir les objectifs de notre société. Il y aura des divergences d'opinions manifestes avec le monde des affaires dans certains cas. Dans d'autres, il y aura discussion.

• 2055

Le président: Le comité procède à des consultations prébudgétaires. Quel serait votre sentiment si nous nous contentions d'inviter les gens d'affaires à ces audiences?

Mme Mary Rowles: Mais, monsieur, votre rôle est différent. Ce qui semble vous échapper, c'est que vous êtes le gouvernement et que nous ne prétendons pas vraiment—malgré ce que j'ai pu dire au commencement—nous mettre à la place du gouvernement.

Le budget en question a été élaboré dans le contexte d'un sentiment grandissant, au sein de ce que nous considérons comme des partenaires sociaux—groupes sociaux, organisations féminines, syndicats, associations autochtones, groupes concernés par le logement—que la politique gouvernementale qui transpire dans vos budgets ne répondait pas à nos besoins, qu'elle reflétait en fait l'idéologie du monde des affaires et des élites, si l'on peut s'exprimer ainsi, et qu'elle ne répondait certainement pas aux besoins des travailleurs canadiens, des organismes culturels ou des intervenants sociaux. Une idée a alors commencé à germer: même si l'on accepte que le déficit doit être réduit, n'y aurait-il moyen de procéder de façon moins douloureuse pour la population active et de ne pas réduire autant la part des intervenants sociaux? J'ai le regret de vous dire que ces objectifs n'étaient pas partagés par le monde des affaires, et que c'est la raison pour laquelle nous ne les avons pas contactés.

Les choses ont quelque peu évolué depuis 1994. Je voudrais simplement souligner une chose, monsieur. Pour ceux d'entre vous qui étiez en politique en 1994, quand le sondage Ekos a été publié cette année-là, il révélait une divergence de vues remarquable, qualifiée «d'incroyable», entre les élites et les organismes d'affaires du Canada et le reste de la population. Des différences marquées en matière de priorités, toutes axées sur le rôle du gouvernement dans la société... Ce qui s'est passé dans le cadre du processus d'élaboration du budget de remplacement, c'est que tous les groupes qui partageaient le même sentiment à propos des priorités gouvernementales—redistribution de la richesse, création d'emplois, prestation de programmes sociaux grâce à des dépenses publiques dans un contexte de responsabilité fiscale—se sont retrouvés pour proposer un budget de remplacement.

Au début du processus, je ne pense pas que vous auriez pu trouver un seul grand dirigeant du monde des affaires qui partageait les objectifs de base des groupes qui ont pris part à notre exercice budgétaire. Il se peut que les choses aient changé.

Le président: Oui.

Mme Mary Rowles: Il se peut que les choses aient changé. Je n'en suis pas convaincue.

Le président: Je ne sais pas si vous avez remarqué qui participe à nos audiences. Il n'y a pas que des groupes du monde des affaires. En fait, on nous a signalé que, cette fois, un grand nombre de groupes sociaux comparaissent devant le comité.

Quoi qu'il en soit, je ne saisis pas la logique de présenter quelque chose que vous considérez comme une alternative alors que vous excluez un important secteur de notre société et de notre système économique. C'est tout. Vous dites en fait que vous pensez ne plus rien avoir à attendre du monde des affaires, car il ne voit jamais les choses dans la même perspective que vous.

Mais maintenant qu'il y a un dividende fiscal, on se rend compte qu'il existe un consensus sur bien des questions dans les divers secteurs de notre société. Nous l'avons remarqué. Les groupes sociaux mentionnent la réduction de la dette autant que les groupes d'affaires; il n'en allait pas de même lorsque j'ai participé à la révision de la sécurité sociale il y a quelques années.

Dans la même veine, les groupes représentant le monde des affaires parlent de réductions d'impôt ciblées à l'intention des Canadiens qui ont de bas revenus. Ce n'est pas quelque chose qu'ils envisageaient auparavant; ils parlaient de réductions d'impôt forfaitaires. Les choses évoluent. La prochaine fois, vous pourriez peut-être les inviter, et je pense que nous aurions ainsi une meilleure description, une description exacte, de ce qui se passe réellement dans notre pays.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Merci, monsieur le président. Il va falloir que je parte car j'ai un vol dans quelques minutes.

Une des choses que j'ai dites à de nombreuses reprises et dont je suis fermement convaincu, c'est que nous devrions avoir pour but, pendant cette législature, de réduire de moitié le taux de chômage qui se situe à 9 p. 100.

J'ai dit au président que ce pourrait être la mission du Comité des finances: essayer de trouver ce qu'il faut faire pour y parvenir sans retomber dans la situation où nous étions. À cet égard, il va d'abord falloir analyser tous les problèmes qui nous ont amenés là où nous en sommes, et tout le monde va devoir s'asseoir autour de la table, pas uniquement les groupes sociaux et le monde du travail, mais aussi ceux qui devront payer le fret, les investisseurs, entre autres. C'est un merveilleux objectif, mais pour l'atteindre il faut que nous comprenions bien ce qu'il faut faire, et ce n'est pas simplement dépenser de l'argent.

• 2100

Les États-Unis ont un taux de chômage de 5 p. 100. Il est de 2 p. 100 au Japon. Là-bas, quand cela dépasse 2 p. 100, ils deviennent fous. Ils se suicident: «Que faire? Seulement 2 p. 100».

C'est, selon moi, ce sur quoi nous devons nous concentrer. La mondialisation de l'économie fait que nous nous retrouvons face à une concurrence féroce, et si nous souhaitons rester sur les rangs, il faut que nous soyons concurrentiels.

Parallèlement, nous devrions essayer de faire en sorte que chacun de nos compatriotes puisse espérer, se développer et se rendre compte qu'en travaillant fort, il pourra acheter sa maison, avoir un emploi et progresser dans sa carrière. Tous les membres du comité souhaitent trouver comment y parvenir sans dépenser plus d'argent.

Le gouvernement ne crée pas les emplois. C'est le secteur privé qui les crée, les entreprises privées. Nous avons vécu au- dessus de nos moyens ces dernières années et nous voulons maintenant vivre selon nos ressources. Sur chaque dollar, 33c. vont au service de la dette. Imaginez un instant qu'il en soit autrement. Nous continuerions d'avoir certains de nos programmes sociaux, nous n'imposerions pas notre population, et nous serions plus compétitifs. Cela créerait peut-être des emplois.

C'est tout ce que je voulais dire.

Le président: Monsieur Assad.

M. Mark Assad (Gatineau, Lib.): Merci.

J'ai deux brèves questions. J'aimerais commencer par m'adresser à Mme Chisholm.

Je me rappelle qu'il y a quelques années, dans la ville de Québec, on a fait une étude sur le logement et qu'on a constaté que lorsque les logements sont adéquats, il y a moins de monde dans les services d'urgence des hôpitaux, moins de gens qui doivent se faire hospitaliser, moins de gens qui souffrent de dépression nerveuse et que cela se traduit par un grand nombre d'avantages. L'étude montrait que l'argent du gouvernement dépensé par l'intermédiaire des provinces et des municipalités a des retombées extrêmement positives. C'est un véritable investissement.

Votre association possède-t-elle des statistiques à cet égard? Ont-elles été exploitées pour montrer que...? Je veux dire, si la population réalisait que l'investissement des gouvernements— provinciaux, fédéral et bien sûr municipaux—produit des dividendes... sans parler des retombées sociales.

Mme Sharon Chisholm: Oui. C'est la raison pour laquelle j'ai cité l'étude qui a été faite au Royaume-Uni.

Pour ce qui est d'investir dans l'habitation, nous savons que c'est l'une des meilleures façons de créer de l'emploi. Chaque million de dollars investi dans ce secteur crée au moins 28 années- personnes de travail.

Je ne pense pas que l'un de vous pourrait me citer un autre type d'investissement susceptible de créer une telle quantité d'emplois décemment rémunérés. Il n'y a pas que ça. Une fois qu'un nouvel ensemble domiciliaire est implanté dans une collectivité, il génère toutes sortes de retombées économiques. La localité se met à se développer. Les gens participent aux activités locales. Le nettoyeur a des clients. L'épicier du coin aussi.

Comme vous l'avez fait remarquer, les enfants qui habitent un endroit d'où ils n'ont pas à déménager fréquemment, qui est propre, décent, abordable et à proximité des services, réussiront mieux à l'école. Ils seront en meilleure santé. Ils ne se retrouveront pas aussi souvent à l'hôpital. Il en découle tout un tas d'avantages.

Dans des études faites récemment par le ministère du Développement des ressources humaines... je pense que lorsqu'ils appellent un peu partout pour obtenir des statistiques sur la santé des collectivités, s'ils demandaient aux gens dans quel type de logement ils vivent, on saurait beaucoup mieux si habiter dans un logement abordable, décent, sain et adéquat et bénéfique—et dans quelle mesure.

C'est l'une des choses que nous encourageons: que l'on se penche sur les indicateurs positifs. Je ne pense pas que l'on se soit suffisamment intéressé par le passé aux résultats que nous voulons obtenir.

Nous savons qu'en construisant des logements, on provoque tout un tas de retombées positives, mais nous n'avons jamais délibérément décidé quels sont les résultats que nous voulons obtenir. Souhaite-t-on une société plus saine? Désirons-nous des perspectives meilleures pour nos enfants? Souhaitons-nous qu'ils restent plus longtemps à l'école et n'abandonnent pas? Dans ce cas, comment devons-nous investir nos dollars sociaux pour y parvenir? Au fur et à mesure que nous allons mieux définir nos intentions et que l'on envisage des initiatives axées sur les résultats, je pense que l'on va se rendre compte que le logement est effectivement l'un des meilleurs investissements que l'on puisse faire.

• 2105

M. Mark Assad: Votre association a-t-elle assez d'influence sur des organismes comme le Congrès du travail du Canada pour les convaincre qu'ils devraient se lancer dans cette mission et montrer qu'il s'agit d'un investissement profitable?

Mme Sharon Chisholm: Merci beaucoup de soulever la question. Nous commençons tout juste à faire ce genre de travail. J'aimerais pouvoir entendre le CTC dire d'une façon beaucoup plus directe que l'on devrait s'intéresser à l'habitation.

Je considère que notre collaboration à la préparation du budget de remplacement et notre participation à la Campagne 2000 nous ont permis de faire admettre que l'habitation fait partie des principales préoccupations. Une des raisons pour lesquelles nous avons participé à l'élaboration du budget de remplacement, c'est qu'il y avait plusieurs groupes d'intérêt qui faisaient du lobbying auprès du gouvernement pour prendre plus de responsabilités dans leur domaine particulier d'activité. Ensuite, quand nous avons tous été accusés d'avoir dépensé trop d'argent, d'avoir entraîné le pays dans un important déficit, nous nous sommes regroupés, dans le cadre de la préparation du budget de remplacement, pour déterminer ce qui nous avait placés dans cette situation déficitaire et quels programmes s'avéreraient stratégiquement le plus important. Grâce à ce processus, les gens ont convenu que le logement était une question d'importance stratégique que nous devrions mettre de l'avant.

En ce sens, le consensus qui doit naître de la collaboration de tous ces groupes lors de leur participation au budget de remplacement est très utile pour le gouvernement du Canada. Je veux dire par là que nous collaborons tous pour découvrir quelles sont les priorités et pour en informer le gouvernement. C'est, selon moi, un service inestimable, et je ne pense pas que l'on obtiendrait un meilleur résultat en payant des fonctionnaires pour le faire. Je pense que c'est quelque chose de très valable. Nous avons lancé des discussions intersectorielles, et je pense que c'est très important.

M. Mark Assad: Je m'adresse maintenant au Congrès du travail du Canada. Dans votre rapport, vous parlez du TCIS. C'est du jargon d'économiste.

T-C-I-S. En ce qui me concerne, on peut traduire ça par M-I-S-È-R-E. Je ne pense pas que l'on devrait se complaire dans ce genre de jargon économique. Quelle signification cela a-t-il pour le Canadien ordinaire?

Et vous, le Congrès du travail—je pense que vous devriez faire plus de pressions sur le gouvernement. J'aimerais savoir quel genre de pressions vous exercez en matière de recyclage professionnel et quelles sont les initiatives que vous prenez pour expliquer à la population—et je vais m'en tenir aux généralités— les avantages de la réforme fiscale par exemple, et la façon dont la politique monétaire nous affecte au Canada. Votre organisme participe-t-il d'une façon ou d'une autre à l'information de ses membres et exerce-t-il de fortes pressions pour faire valoir que le recyclage professionnel est la seule façon de faire baisser le chômage?

M. Andrew Jackson: J'ai juste une brève observation à faire à propos du TCIS. Oui, c'est du jargon, c'est du jargon d'économiste. Si l'on expliquait aux gens la théorie économique telle qu'elle est, clairement et simplement, et si on leur disait que la banque centrale, le gouvernement du Canada et les autres gouvernements du monde ont essentiellement un objectif, maintenir le chômage à un certain niveau de façon à garantir la stabilité des prix, je ne pense pas que les citoyens ordinaires accepteraient cela un seul instant. Aucun politicien ne s'en sortirait vivant s'il disait: «Mais bon sang! il faut absolument qu'il y ait du chômage dans ce pays», alors qu'en réalité, je pense, c'est la théorie sur laquelle repose en grande partie notre politique économique et plus particulièrement notre politique monétaire,

Par exemple, quand on lit le livre violet intitulé Programme: Emploi et croissance que le ministère des Finances a publié en 1995... Nous recevons des lettres du ministre des Finances et, vous savez, la plupart du temps, je pense qu'il les signe sans les lire. Le ministre des Finances a adressé une lettre à Bob White pour lui dire, au bout du compte, que l'on ne devrait jamais refaire ce que nous avons fait à la fin des années 80. À cette époque, on avait rapidement créé des emplois; le chômage baissait. Bref, c'est absolument grotesque.

On peut discuter sérieusement de la façon dont on peut réconcilier un niveau raisonnable d'inflation et le chômage. Nous pourrions avoir ce genre de discussion. Mais je pense qu'il est absolument et fondamentalement important que notre pays, notre gouvernement, se donne des objectifs très clairs en ce qui a trait à la baisse du chômage. Essentiellement, cela devrait faire partie de tout un système. Nous avons établi des cibles en ce qui a trait au déficit et à la dette. Nous en avons établi également en ce qui concerne l'inflation, mais en matière de chômage, nous n'avons ni but ni objectif.

• 2110

Si le comité recommandait cela, ce serait un grand pas en avant et ensuite, nous pourrions discuter de la façon de parvenir au but. Il faudrait évidemment que le débat n'implique pas uniquement les syndicats et le gouvernement.

Si l'on veut fixer des objectifs sérieux en matière de chômage, il faut que tous les segments de la société collaborent et que cela soit un objectif social. Il faudrait que cela fasse partie de nos objectifs, mais jusqu'ici, on ne l'a pas fait.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Dans un discours qu'il a prononcé le 15 octobre, le ministre des Finances a déclaré:

    Le débat doit porter sur les priorités nationales—sur la meilleure façon de bâtir une économie forte et une société forte, une économie qui offre à la fois possibilités et sécurité.

    Nous avons déjà dit que nous devons réduire le fardeau de la dette [...] Toutefois, ceux qui pensent que la responsabilité du gouvernement doit se limiter exclusivement à la réduction de la dette et des impôts oublient que les investissements dans les soins de santé ou l'éducation, dans l'innovation ou la réduction de la pauvreté sont essentiels à la réalisation de la vision canadienne.

    S'opposer à des investissements stratégiques—qu'il s'agisse de mesures fiscales ciblées ou de nouvelles dépenses répondant à des besoins fondamentaux pour le pays—ce n'est pas seulement de la mauvaise politique sociale: c'est de la mauvaise théorie économique.

Ce que le ministre a déclaré, essentiellement, c'est que nous ne pouvons pas adopter une approche linéaire. Nous possédons une maison et il faut payer l'hypothèque, mais il ne faut pas oublier les réparations, l'entretien et ainsi de suite.

J'aimerais féliciter Mme Chisholm d'avoir présenté un exposé très réfléchi. J'ai lu le mémoire. À mon avis, il contient certaines observations concrètes. On y soulève la question du lien entre la santé des enfants et la situation dans laquelle ils se trouvent, de l'incidence des conditions de vie sur la santé, la vie sociale et la criminalité... Le logement social est un élément très important des initiatives que nous devons prendre pour réparer les dommages subis par la société. Je vous remercie d'avoir soulevé cela. C'est le genre d'observation que nous avons souvent entendue ces dernières semaines dans le cadre des audiences que nous avons tenues dans tout le pays et ici aussi, d'ailleurs.

J'aimerais toutefois vous demander des précisions à propos des problèmes de compétence auxquels nous sommes confrontés. Vous avez brièvement parlé du transfert de responsabilités. Je pense qu'il y a encore au Canada beaucoup de gens qui sont en faveur d'un programme sûr de logement social, mais quels sont les problèmes qui se posent à propos du rôle des provinces dans ce dossier? À quoi devrait précisément s'intéresser le gouvernement fédéral, selon vous, à ce stade du transfert de responsabilités?

Mme Sharon Chisholm: Nous sommes dans une période d'incertitude, je crois, pour tout ce qui touche le logement à l'heure actuelle.

L'ACHRU ne s'oppose pas au transfert des responsabilités en tant que tel. Il s'agit de confier l'administration des logements sociaux aux provinces et aux territoires, là où les choses se passent, de toute façon. Alors, ne prenons pas d'initiatives qui font double emploi et laissons les provinces et les territoires assumer cette tâche.

Cela dit, le gouvernement fédéral a déclaré, lorsqu'il a fait valoir l'utilité du transfert des responsabilités, qu'il avait toujours un rôle à jouer, sans pour autant le définir. Lorsqu'on examine le nouveau mandat qui a été confié à la SCHL, il n'est pas très lourd. Cela ne laisse pas grande place au gouvernement pour prendre des initiatives, mais le gouvernement n'est pas tenu d'inscrire son action dans le cadre de la Loi nationale sur le logement. Rien n'empêche le gouvernement fédéral de prendre certaines mesures.

La position de l'ACHRU est la suivante: si le gouvernement fédéral juge que la meilleure façon de procéder est de transférer les responsabilités aux provinces, parfait. C'est demander aux provinces de reprendre la balle au bond.

Mais il faut alors, premièrement, s'assurer que les provinces peuvent effectivement reprendre la balle. Or ce n'est cependant pas ce qui se passe en Ontario. En Ontario, le gouvernement prétend qu'il ne sait même pas pourquoi on lui a demandé, au départ, de jouer un rôle quelconque dans ce dossier et il veut transférer les responsabilités aux municipalités—où personne ne peut reprendre la balle. Ne nous leurrons pas, les municipalités n'ont pas l'assiette fiscale requise. Alors, selon nous, pourquoi le gouvernement fédéral voudrait-il passer la balle à l'Ontario alors qu'en réalité, l'Ontario déclare ne pas être intéressé par la chose? La question est préoccupante.

À l'heure actuelle, nous nous retrouvons dans une position inconfortable car, si la délégation de pouvoirs se poursuit et si le processus est mené à bien—seules quatre provinces se sont engagées et cela représente un très petit pourcentage du parc immobilier, étant donné que ce sont les plus petites provinces— cela signifie sans doute que les provinces vont vouloir assumer un rôle de chef de file. Si elles sont responsables de l'administration du parc immobilier, elles vont vouloir avoir la haute main sur ce qui se passe dans le secteur du logement sur leur territoire.

• 2115

Or, les provinces ne procéderont pas ainsi sans bénéficier d'incitatifs de la part du gouvernement fédéral; c'est la raison pour laquelle nous préconisons un recours au régime fiscal. On pourrait, par exemple, envisager une prestation fiscale aux ménages à faible revenu qui leur permettrait de payer le loyer d'un logement dans un projet lancé dans leur propre collectivité. De nombreuses localités sont prêtes à agir en ce sens. Il existe un réseau de bénévoles non seulement au plan communautaire, mais également au sein d'agences immobilières et de chambres d'immeuble. Diverses parties intéressées se sont donc regroupées et se déclarent prêtes à jouer un rôle et à intervenir, mais il y a des limites à ce qu'elles peuvent faire.

Si le gouvernement fédéral décidait de fournir des fonds par le biais du régime fiscal et si ces fonds étaient réservés au secteur du logement à but non lucratif, nous pensons que toutes sortes de projets seraient lancés immédiatement.

Voilà donc une bonne façon de faire démarrer les choses.

Le président: Merci.

Je tiens à vous remercier tous des exposés que vous nous avez présentés. Comme vous le savez, le comité a un défi à relever. Des points de vue divers s'expriment dans tout le pays, et nous devons également tenir compte, d'une part, des objectifs que nous poursuivons en ce qui a trait au déficit et à la dette et, d'autre part, de ce qui concerne les dépenses sociales et économiques. Je pense que les opinions que vous avez exprimées vont toutefois nous être fort utiles pour cerner les priorités lorsque nous allons rédiger notre rapport en vue de faire les recommandations appropriées au ministre des Finances.

Au nom du comité, je vous remercie.

La séance est levée.