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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 juin 2001

• 1136

[Traduction]

La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): La séance est ouverte.

Je souhaite la bienvenue à nos invités d'aujourd'hui. Comme nous avons été retardés, je les présenterai au moment où chacun d'eux fera son exposé.

Nous commencerons par la vénérable Tenzin Kalsang, directrice spirituelle du temple bouddhiste tibétain Tengye Ling, à Toronto.

La vénérable Tenzin Kalsang (directrice spirituelle, temple bouddhiste tibétain Tengye Ling): J'aimerais intervenir plus tard car ce monsieur aimerait passer avant moi, il doit prendre un avion beaucoup plus tôt que moi.

La présidente: C'est bien. Nous commencerons par le rabbin Irwin Zeplowitz, du temple Anshe Sholom, à Hamilton.

Le rabbin Irwin A. Zeplowitz (temple Anshe Sholom): Merci.

Je suis honoré d'être invité à témoigner aujourd'hui sur le projet de loi régissant la reproduction humaine assistée. Je vous remercie de cette occasion de m'adresser aux membres du Comité permanent de la santé sur ces questions.

D'après la légende juive, le Maharal, le rabbin Loew de Prague, aurait créé au seizième siècle une créature d'apparence humaine appelée un golem. Un peu comme le personnage de Mary Shelley, Frankenstein, le golem était un être animé, mais pas vraiment humain. La source de vie de ce golem était son front. Il y était écrit en hébreu le mot emet, qui signifie vérité. Le golem fut créé avec ce mot. Si la première lettre du mot était effacée, il devenait, en hébreu, met, ce qui signifie la mort, et le golem retournait à l'argile dans laquelle il avait été façonné.

Jusqu'à notre époque, ce pouvoir de création n'existait que dans les légendes. Toutefois, de nos jours, les progrès technologiques nous permettent de créer une nouvelle vie, que ce soit par clonage, par fécondation in vitro, par manipulation génétique ou par l'intermédiaire de mères porteuses. Comme dans le cas du légendaire golem, ce pouvoir peut être mis au service de la vie et de la vérité ou déboucher sur la mort et la douleur.

Le judaïsme reconnaît les bienfaits de la technologie et des progrès des techniques médicales. Alors que Dieu a dit, dans la Bible et la Torah, Je suis l'éternel qui vous guérit, plus tard les traditions juives ont reconnu que Dieu nous avait donné un coeur pour sentir la souffrance d'autrui, des mains pour réconforter et un esprit pour raisonner sur les moyens d'atténuer la souffrance.

Au XVIe siècle, soigner autrui n'était plus un acte volontaire mais un devoir, d'où le code de loi de Joseph Kairo. La Torah autorise le médecin à soigner un individu. En fait, c'est un commandement—en hébreu, un mitzvah—qui est inclus dans la catégorie sauver une vie. Refuser ce service est considéré comme verser le sang.

Sauver une vie est quelque chose de si important que l'on peut laisser de côté 613 commandements du judaïsme à cette fin, sauf les cas de meurtre, d'immoralité sexuelle ou de blasphème. L'importance de la reproduction est encore renforcée par le commandement de la Genèse: «Croissez et multipliez».

Tout mode moral visant à aider les individus à créer plus de vies humaines est donc digne de notre appui et de notre aide. En bref, d'après les sources juives, il est clair qu'il est légitime de recourir à des méthodes «artificielles» pour aider à la reproduction humaine et d'utiliser tous les moyens possibles pour soigner autrui. Atténuer la souffrance n'est cependant pas la seule valeur morale du judaïsme. La loi judaïque est aussi soucieuse de responsabilités communautaires, de justice et de dignité humaine.

• 1140

Les techniques de reproduction actuelles dont il est question ici soulèvent de nombreuses questions morales et de nombreux dilemmes. Il y a tout d'abord le problème des mères porteuses. Quand le roi Salomon eut à déterminer l'identité de la mère véritable, il dit qu'il allait prendre une épée et couper le bébé en deux. Il voulait savoir laquelle des deux femmes était prête au plus grand renoncement pour sauver la vie de son enfant. Mais quelle est la femme qui donne le plus lorsqu'on a besoin d'une mère porteuse? Est-ce que c'est la mère porteuse, qui doit porter le bébé et être confrontée aux liens affectifs qui se développent lorsque le bébé arrive à son terme, ou est-ce que c'est la mère biologique, qui fournit l'ovule et doit affronter le déchirement psychologique de devoir faire porter son enfant par une autre personne? Par comparaison, le dilemme de Salomon était plutôt anodin.

La maternité de substitution soulève de nombreuses questions en droit judaïque. Tout d'abord, il y a les préoccupations concernant le statut familial. Qui, par exemple, est la véritable mère? Est-ce la femme qui fournit l'ovule, ou est-ce la mère porteuse qui porte le foetus? Dans le droit israélien contemporain, par exemple, les deux, la mère porteuse et la mère qui fournit l'ovule, sont définies comme les mères.

Deuxièmement, l'acceptation de la maternité de substitution soulève des problèmes socio-économiques. Les femmes pauvres vont-elles louer leur ventre? Peut-on être sûr que des individus sans scrupules ne vont pas profiter de personnes cherchant désespérément à trouver une femme prête à porter leur bébé? La loi proposée stipule: «Nul ne rémunérera une femme pour devenir une mère porteuse». Les paragraphes suivants renforcent l'idée que la maternité de substitution ne doit pas avoir pour motif un gain financier.

Mais je pose la question: Peut-on raisonnablement s'attendre à ce que des femmes soient prêtes, en grand nombre, en dehors des cas de lien personnel, à devenir des mères porteuses si elles n'y ont aucun intérêt financier? La maternité de substitution peut être un moyen légitime d'aider les personnes à avoir des enfants. Le projet de loi énonce à juste titre des lignes directrices strictes concernant cette pratique, mais en écartant totalement la possibilité d'un gain financier, on risque d'empêcher concrètement cette pratique de se réaliser.

En ce qui concerne l'utilisation du matériel génétique humain ou les embryons in vitro, bien que le judaïsme reconnaisse que les êtres humains sont des êtres libres, nos traditions nous enseignent aussi que nous avons un lien inaliénable avec Dieu. Notre vie est entre les mains de Dieu et ce que nous faisons affecte non seulement le Créateur, mais aussi autrui.

Nous sommes donc libres, mais nous ne sommes cependant pas des êtres humains totalement autonomes et indépendants. Si nos corps ne nous appartiennent pas complètement, quelqu'un d'autre peut-il revendiquer ce que nous n'utilisons plus ou ce à quoi nous avons renoncé? Doit-on nous demander notre autorisation pour utiliser quelque chose qui vient de notre corps, ou y a-t-il des biens communs qui l'emportent sur nos intérêts personnels? Dans la tradition juive, le corps est considéré comme étroitement lié à l'âme. Par conséquent, dans l'optique judaïque, quand quelqu'un meurt, on prend le plus grand soin de manifester du respect à son corps avant de l'enterrer.

Chez les Juifs plus traditionalistes, on enlève certaines parties du corps, par exemple un bras ou une jambe, qui sont enterrées avec le même respect que le corps tout entier. Les traditions juives acceptent la notion d'intégrité personnelle et interdiraient à quelqu'un d'autre de nous retirer quelque chose sans notre permission.

Une vision philosophique qui considérerait les parties de notre corps comme de simples matériaux biologiques irait à l'encontre des fondements de l'enseignement juif, même dans le cas de parties du corps renouvelables—par exemple le sperme ou l'ovule—ou dans celui des éléments qui sont normalement rejetés. Par exemple, le sang du cordon ombilical ou les embryons supplémentaires créés en vue d'une fécondation in vitro doivent être traités avec la dignité voulue dans la tradition juive.

En conséquence, ce serait une erreur de penser qu'on peut revendiquer certaines parties d'un organisme humain sans le consentement de la personne en question. Bien que nous ne soyons pas «propriétaire» de notre corps, nulle autre personne ni entité n'en est non plus propriétaire. La conséquence concrète de cette vision est que, tout d'abord, il faut demander le consentement de l'intéressé pour utiliser une partie de son corps, un sous-produit, ou du matériel cellulaire, et deuxièmement la réification de ces éléments doit être régie par des lignes directrices très strictes. Les enseignements judaïques vont dans le sens d'une grande prudence en matière de commercialisation des technologies de reproduction humaine.

Dans un monde capitaliste, certains diront qu'il n'y a rien de mal à ce que les personnes ou les organismes qui prennent les risques liés à ces techniques cherchent à en tirer un profit ou un gain financier. Bien que la loi judaïque reconnaisse la légitimité du profit s'il débouche sur le progrès humain, elle contesterait tout système qui déboucherait sur une déshumanisation complète des parties du corps qui deviendraient de simples denrées. Les êtres humains ont une dignité inhérente car ils sont faits à l'image de Dieu.

Bien que l'on puisse justifier jusqu'à un certain point les profits financiers réalisés au moyen de certaines parties du corps, les fondements juridiques d'une telle interprétation dans le judaïsme ne sont toujours pas confirmés. Par conséquent, le souci d'équité et de justice autoriserait le profit dans les recherches sur le matériel génétique humain, mais à condition que les avantages thérapeutiques de ces recherches soient mis à la disposition de toutes les personnes qui en ont besoin et pas seulement de celles qui ont les moyens financiers de se les procurer.

• 1145

La question de l'utilisation du matériel génétique provenant de cellules souches ou d'embryons in vitro recoupe le débat sur l'avortement et les droits de l'embryon ou du foetus. Les traditions juives établissent une différence entre la vie humaine potentielle et la vie réelle. Le droit judaïque reconnaît aussi des étapes du développement du foetus, et une différenciation des obligations dues à un être selon les étapes de la grossesse. Contrairement à ce qui est écrit dans ce projet de loi, le judaïsme considère que le quarantième jour de la grossesse représente le moment du passage de l'embryon, appelé dans le Talmud «simple peau», au foetus, qui a des droits différents. En outre, l'avortement est autorisé dans le judaïsme si la santé de la mère est menacée, cette notion pouvant être interprétée de façon libérale, par exemple le bien-être psychologique de la mère peut justifier sa décision d'avorter.

En bref, la position juive serait à mi-chemin entre ceux qui soutiennent que l'embryon a droit à des droits humains complets et ceux qui considèrent qu'il n'est guère autre chose qu'un ensemble de cellules. Il faut respecter la vie potentielle de l'embryon, mais ce respect s'accroît au fur et à mesure du développement de l'embryon, et dans les premiers stades notamment, il faut faire une pondération en tenant compte des avantages potentiels que peut présenter la recherche sur les cellules souches embryonnaires pour d'autres existences.

Même si nous avons des objections à l'avortement, ne devrions-nous pas aider ou sauver d'autres vies au moyen du matériel génétique ou cellulaire provenant de ces embryons? Si cela peut aboutir à un bien, quel est l'intérêt de refuser une pratique qui débouche sur ce bien?

Ce qui est plus douteux dans le droit judaïque, c'est le recours à des embryons supplémentaires, des embryons qui sont le sous-produit de pratiques de fécondation in vitro actuelles. Là encore, leur utilisation pour la recherche sur les cellules souches peut être jugée acceptable si le seul autre choix est de détruire ces embryons. Il est toutefois difficile d'imaginer une justification morale, d'un point de vue juif, d'une culture des embryons aux seules fins de la recherche. L'interdiction de la culture des embryons à la seule fin de la recherche sur les cellules souches est donc moralement justifiable, mais elle nous rappelle que la destruction de la vie humaine ne peut d'emblée être la fin, mais ne doit être qu'un sous-produit d'autres décisions.

En résumé, dans une perspective juive, on peut dire que la recherche sur les cellules souches doit être autorisée, mais à la condition d'être guidée par les principes du consentement éclairé et du libre choix. Il faut veiller à se protéger du marché noir des embryons destinés à la recherche. De plus, nul ne doit être payé pour produire des embryons destinés simplement à la recherche, mais ceci est l'antithèse de la notion selon laquelle les être humains, même aux stades les plus embryonnaires, peuvent être achetés ou vendus.

Enfin, en ce qui concerne le clonage et les modifications génétiques, le clonage recouvre un vaste éventail de pratiques dont certaines peuvent être acceptables ou même souhaitables sur le plan moral, alors que d'autres sont douteuses, voire immorales. Le droit judaïque verrait par exemple d'un bon oeil les manipulations génétiques visant à atténuer une maladie génétique grave ou mortelle. Le projet de loi interdit uniformément toute modification du génome d'une cellule ou d'un être humain ou d'un embryon in vitro.

Je crois qu'en raison du désir des parents de protéger la santé de leur progéniture, une telle mesure législative sera rapidement caduque. Si l'on trouve une formule de modification génétique permettant d'éliminer la maladie de Tay-Sachs ou de Parkinson, le gouvernement pourra-t-il vraiment dire aux citoyens qu'ils n'ont pas le droit de se servir de cette méthode pour protéger leurs enfants? Si nous avons les moyens de soigner des personnes, et si d'après les connaissances scientifiques contemporaines, les conséquences sont négligeables et les effets à long terme n'apparaissent pas négatifs, sur quel fondement moral pourrait-on appuyer une interdiction de l'utilisation de ce remède? Le judaïsme considère donc que le clonage peut être autorisé sous surveillance stricte.

Il y a cependant des problèmes. Il se pourrait que dans un avenir proche, la science permette aux parents de modifier les gènes d'un embryon pour prévenir l'autisme, le syndrome de Down ou la cécité héréditaire. Mais comment définira-t-on les limites de ce que l'on considère comme des déviations normales ou acceptables? Dans un monde de modifications génétiques, un enfant d'intelligence moyenne sera-t-il acceptable, ou les parents souhaiteront-ils bénéficier d'un coup de pouce génétique pour donner à leur enfant les meilleurs atouts pour sa vie? À ce moment-là, les parents risquent, avec les meilleures intentions, de créer une situation où les individus nés sans modifications génétiques seront considérés comme inférieurs.

En outre, quel opprobre moral risquera-t-on d'infliger aux parents d'enfants qui auront des caractéristiques jugées comme des défauts ou des handicaps par la majorité des contemporains, notamment s'il s'agit de défauts qui auraient pu être rectifiés? La vision religieuse reconnaît la dignité et la valeur de tous les êtres humains, quelles que soient leurs aptitudes ou leurs caractéristiques inhérentes.

Le clonage des êtres humains pose le problème supplémentaire de la détermination de la parenté, ce qui entraîne des problèmes psychologiques et juridiques. C'est pourquoi certaines personnes dans le monde judaïque estiment qu'il ne faut pas procéder pour l'instant au clonage d'êtres humains. En l'an 2000, le parlement israélien a adopté une loi en ce sens qui interdit toute expérience susceptible de déboucher sur le clonage d'individus.

• 1150

Selon les traditions juives, trois partenaires contribuent à créer une personne: la mère, le père et Dieu. Est-ce que cela signifie toutefois que nous sommes tenus de créer de cette manière? De toute évidence non, car même les individus clonés viennent tout de même d'un homme et d'une femme. Ce que cet enseignement signifie toutefois, c'est qu'il y a des limites aux décisions que peuvent prendre les parents sur leur progéniture.

Dans le Talmud, on raconte l'histoire du roi Hézékiah qui avait décidé de ne pas avoir d'enfants parce qu'il avait eu une vision selon laquelle ses enfants ne vivraient pas dans le bien, mais il est châtié pour s'être mêlé des secrets de Dieu. Si les parents sont partenaires de Dieu dans la création d'une nouvelle génération, ils ne peuvent discerner le plein sens de l'existence de leurs enfants.

On a donc raison, dans ce projet de loi, de vouloir limiter sans toutefois l'interdire totalement l'altération de la lignée germinale. À ce stade préliminaire des recherches, il est bon de maintenir un moratoire sur le clonage humain. Toutefois, à l'avenir, les progrès de la science pourraient nous amener à accepter certaines formes de clonage. Quoi qu'il en soit, le clonage ne doit pas être autorisé à des fins arbitraires et non thérapeutiques.

Enfin, le clonage ne doit pas servir à produire des groupes d'humains ayant des caractéristiques génétiques prédéterminées. Au cours du siècle passé, les Juifs ont été les victimes d'une entreprise qui visait à éliminer de la société des éléments non désirés au profit de la création d'une super-race. Le clonage comporte le potentiel d'un tel dérapage et peut être rapproché des péchés d'orgueil et d'arrogance humaine. Il faut poursuivre la recherche, mais pas sur les êtres humains pour l'instant.

En conclusion, dans une perspective judaïque, toutes les recherches scientifiques et les progrès médicaux en matière de reproduction humaine doivent être examinés dans le contexte général de la justice pour l'individu et la collectivité; de la dignité humaine; de la répartition équitable des ressources; et de la compassion pour ceux qui veulent avoir des enfants sains. La loi canadienne devrait permettre le progrès de la science mais avancer prudemment afin de ne pas perdre de vue la valeur de tout l'éventail des enfants de Dieu dans la recherche de remèdes.

Merci.

La présidente: Merci, rabbin Zeplowitz.

Nous passons maintenant à la vénérable Tenzin Kalsang.

La vén. Tenzin Kalsang: Merci.

Oh, le micro ne bouge pas.

La présidente: Il est très sensible.

La vén. Tenzin Kalsang: Bon. Moi aussi.

Merci de m'avoir invitée. J'apprends que je suis la première bouddhiste à intervenir sur ces questions. Je n'ai pas préparé de discours, car ces questions ne nous préoccupent pas vraiment. Nous sommes plus soucieux de la vie intérieure que de la vie extérieure.

Le bouddhisme est un paradigme fondé par le bouddha Sakyamuni il y a 2 500 ans. Sakyamuni—dont c'était l'anniversaire hier, soit dit en passant—a formulé cette philosophie pour nous aider à bonifier notre esprit et notre coeur et à nous former de façon à ce que tout ce que nous fassions se fonde sur l'absence de préjudice. C'est là le fondement du bouddhisme. C'est le niveau Hinayana. Le niveau Mahayani est le grand véhicule qui permet de faire le bien.

On doit donc garder deux choses à l'esprit en tout temps. Premièrement, si nous ne pouvons faire le bien, nous ne devons pas faire le mal. Bien sûr, l'idéal, c'est de ne pas se contenter de ne pas faire le mal et de faire le bien.

Le bouddhisme se fonde sur le concept du karma. Le karma remplace le concept de Dieu. Nous ne croyons pas en Dieu. Nous pourrions dire qu'il y a de nombreux dieux, mais nous ne croyons pas en un Dieu créateur. Plutôt, nous croyons que nous sommes tous créateurs. Tous les êtres sensibles, y compris les fourmis, les serpents, les agneaux, les vaches, les oiseaux, les poissons et nous, sont les créateurs de l'univers. C'est une situation écologique. Si vous supprimez ou tentez de supprimer l'un de ces êtres, vous créez une écologie faussée. Ça signifie que nous sommes tous absolument essentiels.

• 1155

Depuis la nuit des temps, nous tentons de supprimer le mal. Le mal est une abstraction; c'est à peine si les gens savent ce que c'est. Par contre, si on dit que le mal est l'opposé de la vertu, on sait de quoi il s'agit. Mais si on parle simplement du mal, on ne sait trop ce que c'est. Ce qu'on appelle généralement le «mal», cette chose qu'on peut manipuler et déplacer, nous le qualifions de «mauvais karma».

Que notre corps présente des caractéristiques indésirables ou que nous ayons des enfants qui présentent des caractéristiques indésirables nous apparaît peut-être comme le mauvais karma découlant des actions immorales que nous avons commises dans nos vies antérieures. Pour nous, c'est le remboursement d'une dette pour nos actions immorales antérieures. Nous estimons qu'il est essentiel à la vie de rembourser ses dettes. Elles ne nous apparaissent pas comme indésirables ou devant être éliminées.

En matière de chirurgies et de cellules souches, nous estimons que celui qui est malade ou dont un organe est malade doit le supporter pour rembourser sa dette. Nous ne recherchons pas la maladie, bien sûr. Toutefois, nous la supportons, nous composons avec la maladie et parfois nous en mourons, ce qui nous amène à notre vie suivante, car nous croyons à la réincarnation.

Nous ne tentons donc pas de modifier cette vie-ci afin qu'elle corresponde à une certaine norme de ce qu'on appelle la perfection. Nous tentons plutôt de vivre les souffrances que nous offre cette vie, de les «dissiper». Nous dissipons le mauvais karma que nous avons créé nous-mêmes afin de ne pas avoir à en porter le poids dans notre prochaine vie.

Vous vous demandez sans doute ce que tout cela a à voir avec le sujet qui vous intéresse. Ce sont les grands principes que nous embrassons et qui ne sont pas véritablement liés à quelques questions particulières, mais qui s'appliquent à tout ce qui s'est produit dans la vie.

Nous avons ce qui ressemble aux 10 commandements, bien que je crois savoir qu'il y avait à l'origine 15 commandements. Il y a 10 vertus et 10 non-vertus. Je vais passer en revue les 10 non-vertus du corps, de la parole et de l'esprit. Nous maintenons que tout se manifeste par le corps, la parole et l'esprit. Il n'y a rien d'autre.

Les trois non-vertus du corps sont le meurtre, le vol et l'inconduite sexuelle. Les quatre non-vertus de la parole sont le mensonge, les paroles dures ou colériques, la diffamation et le commérage. Les non-vertus de l'esprit sont l'ignorance, la haine et la colère et l'attachement, le désir et l'appât du gain.

Cela m'amène à vous parler de l'intention, car nous estimons que ce sont nos pensées qui créent le monde. Si nos intentions ne sont pas pures—si nous n'avons pas l'intention altruiste de ne pas faire le mal et de plutôt faire le bien—nos actions auront des effets néfastes.

Ce qu'il faut examiner du point de vue bouddhiste, c'est ce qui motive les gens à s'intéresser au génie génétique. C'est ainsi que j'appellerai ce sujet. Il s'agit de manipulations. Il s'agit de contrôle de l'extérieur, de tentative de se contrôler de l'extérieur, alors qu'il nous faudrait plutôt tenter de nous contrôler nous-mêmes.

• 1200

Si toutes ces mesures concernant les cellules souches, la maternité de substitution et le reste ne procèdent pas d'une intention pure et altruiste et ne se fondent pas sur la certitude que ce sera bénéfique aux autres... Plutôt que de prendre le risque de faire des manipulations tout simplement parce que nous disposons de cette technique, de ces aptitudes. Si c'est là l'intention, si les objectifs sont égocentriques, c'est qu'on n'a pas à coeur de faire le bien. L'objectif est le gain matériel et est narcissique.

C'est notre position. Nos intentions doivent être pures. Nous maintenons que nos intentions ne seront pures qu'après que nous aurons formé nos esprits. On ne peut n'avoir que des intentions pures. Il faut un effort considérable pour s'entraîner à n'avoir que des intentions pures.

Nous mettrions le holà à toutes ces activités, car nous estimons que, quelles que soient les souffrances, quelles que soient les choses que l'on veut changer, il faut d'abord modifier ses propres attitudes et non pas le monde matériel qui nous entoure. Plutôt, on doit se pencher sur l'aspect spirituel de sa vie, qui est au fond de notre coeur, car les attitudes viennent du coeur.

Les gens doivent changer. Ils doivent faire disparaître la haine qui est dans leur coeur et la transformer en amour. Ils doivent transformer l'avidité en générosité. Ils doivent transformer l'impatience en patience, et ainsi de suite.

C'est là la position bouddhiste. Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Je cède maintenant la parole à Farhat Rehman, présidente de la section d'Ottawa du Conseil canadien des femmes musulmanes.

Mme Farhat Rehman (présidente, section d'Ottawa, Conseil canadien des femmes musulmanes): Bonjour à tous.

Le Conseil canadien des femmes musulmanes est une organisation nationale qui oeuvre dans le domaine de l'éducation et de la défense des droits. Je ne suis pas experte en religion, mais je suis ici pour représenter les femmes musulmanes sur le sujet de l'aide à la procréation.

C'est un sujet très complexe. Il est impossible d'aborder tous ces aspects dans le peu de temps dont nous disposons. Étant donné les pratiques culturelles diverses des Canadiens musulmans, je ne prétends pas les représenter tous. Toutefois, je crois pouvoir dire que, sur toutes les questions privées et publiques, plus d'un million de musulmans ont pour guide leur texte sacré, le Coran, qu'ils considèrent comme la parole de Dieu. C'est ce qui les guide dans presque tout ce qu'ils font.

Bien que certains sujets, par exemple, le clonage humain et la maternité commerciale, ne sont pas précisément mentionnés dans le Coran, nous pouvons tirer des conclusions en lisant ce que dit le Coran sur d'autres sujets connexes.

Les musulmans croient qu'il incombe à Dieu de décider de la conception. À la sourate 52:49—sourate signifie chapitre, suivi de versets—il est écrit que le domaine des cieux et de la terre appartiennent à Allah. Il crée ce qu'il veut et ce qu'il prévoit. Il accorde enfants, fille ou garçon, selon sa volonté et ses plans, ou il accorde à la fois des filles et des garçons. Il laisse sans enfant ceux qu'il souhaite voir sans enfant. Il est rempli de connaissances et de puissance.

Le sujet de la création et de la procréation est abordé clairement et à maintes reprises dans le Coran. La clarté de la description de la conception et de la naissance dans le Coran, et le consensus scientifique des experts sur cette description, portent les musulmans à croire que le Coran et la science sont compatibles.

Le prophète Mahomet, que la paix soit avec lui, qui a reçu la révélation de Dieu par l'entremise de l'ange Gabriel il y a plus de 1 400 ans, a reçu l'ordre, ainsi que le disent les sourates 96:1 et 96:2, de lire au nom du Seigneur qui l'a créé, qui a créé l'homme d'une adhérence. Le Coran dit aussi, à la sourate 23:14, que nous avons fait du sperme une adhérence et de l'adhérence, nous avons créé un embryon. De cet embryon, nous avons créé des os et nous avons revêtu les os de chair.

• 1205

Dans un livre intitulé «La Bible, le Coran et la Science», Maurice Bucaille explore les Saintes écritures à la lumière des connaissances modernes. Il déclare que, en ce qui concerne le Coran, les écritures et les connaissances modernes sont en harmonie et non pas en désaccord.

Le prophète Mahomet, que la paix soit avec lui, a encouragé les musulmans à acquérir des connaissances. Les pratiques de l'islam indiquent qu'il est particulièrement indiqué de faire instruire les filles. Mahomet a dit:

    Celui qui subvient aux besoins de deux filles jusqu'à ce qu'elles deviennent adultes marchera avec moi le jour du jugement.

La recherche et les pratiques en matière de technologies visant à améliorer la qualité de la vie humaine relèvent de la vision islamique de la justice et de l'aide aux moins privilégiés. Par conséquent, il est clair que l'islam ne s'oppose pas aux progrès scientifiques qui rehaussent le bien-être des êtres humains, qui atténuent la souffrance et qui ajoutent à la jouissance d'une vie saine et productive.

Le progrès scientifique est la connaissance donnée par Dieu et devrait servir au bien-être de toute la société. Tant qu'il n'y a pas d'injustice ou de cruauté à l'égard de quelque forme de vie que ce soit, le progrès et le développement sont indiqués et encouragés.

Le mot islam signifie soumission à la volonté de Dieu. Dieu est compassion, bienfaisance et miséricorde. Il pardonne nos péchés et exhorte les êtres humains à soutenir les principes de justice et d'égalité dans tous les aspects de leurs vies.

Nous, les musulmans, croyons qu'Allah—Dieu—régit les lois de la nature; par conséquent, nous sommes tenus de respecter ses lois. Toute mesure qui entraîne le déséquilibre des lois de la nature a de graves conséquences. Ainsi, la greffe de matériel reproductif animal dans le corps humain ou le clonage visant à créer un autre être humain sont des pratiques qui doivent être interdites.

L'islam est d'avis que chaque personne est responsable de ses actes. Une fois que les lignes directrices sont établies, chacun exerce son droit de choisir. Si son choix se fait dans l'intention de se gagner la faveur de Dieu, le résultat sera acceptable aux yeux d'Allah. Si l'acte procède d'une intention infâme ou vise des gains matériels sans égard pour le résultat où les conséquences pour les autres, cet acte est jugé haram ou inacceptable.

À la sourate 7:33, Allah interdit le péché et dit que le Seigneur a interdit les actes honteux, apparents ou secrets, les péchés et les violations de la vérité ou de la raison. Les actes interdits sont décrits comme étant honteux ou messéants, le genre de chose qui entraîne aussi une sanction juridique et sociale non pas locale mais universelle. Ce sont des crimes contre la société. En ce qui a trait aux péchés contre soi-même et les violations ou excès de toutes sortes à l'égard de la vérité, de la raison et de la nature, on pourrait juger que les greffes entre espèces et la commercialisation de la maternité de substitution relèvent de cette catégorie.

Ainsi, les sociétés sud-asiatiques expriment une préférence marquée pour les fils. Dans cette région, c'est pratique courante de mettre fin aux grossesses après que l'amniocentèse ait révélé que le foetus est de sexe féminin. Même si la grossesse est menée à terme, les filles font l'objet de bien des privations dans la vie. Cette attitude a peut-être même été importée dans certaines de nos collectivités au Canada.

Préférer l'homme à la femme est strictement interdit par l'islam. Le Coran dit clairement aux musulmans qu'ils doivent traiter les filles et les garçons de la même façon. L'usage de procédures médicales pour choisir le sexe d'un enfant est une pratique répugnante qui devrait être interdite et punie par la loi.

Aux sourates 13:8 et 13:9, le Coran dit qu'Allah sait ce que porte chaque femelle, et de combien la période de gestation dans la matrice est écourtée ou prolongée. Et toute chose a auprès de lui sa mesure. Il est le connaisseur de ce qui est caché et de ce qui est apparent, le grand, le sublime.

Nous, les femmes musulmanes, appuyons les principes qui sous-tendent l'avant-projet de loi et selon lesquels le consentement libre et éclairé devrait constituer la condition fondamentale régissant le recours à l'aide à la procréation.

• 1210

Utiliser du sperme provenant d'un donneur autre que le mari n'est pas acceptable pour la plupart des femmes musulmanes, qu'elles soient mariées ou célibataires. Cela constituerait une forme d'adultère. La fécondation in vitro à l'aide du sperme du mari peut toutefois être plus acceptable. Un acte de compassion à l'aide de connaissances scientifiques afin d'apaiser l'angoisse de couples mariés sans enfant est acceptable aux yeux de l'islam, puisque nous croyons que toute forme d'aide vient d'Allah.

Aux sourates 52:49 et 52:50, Dieu dit avoir tout créé en juste mesure et proportion et que son commandement n'est qu'un seul geste, semblable au clignement de l'oeil.

La recherche sur des maladies telles que l'Alzheimer ou les lésions médullaires sont des activités qui seraient acceptables si elles étaient réglementées et contrôlées par le gouvernement.

Comme je l'ai déjà dit, nous, les musulmans, croyons que tout nous vient avec la bénédiction d'Allah. Les progrès technologiques sûrs conformes aux principes fondamentaux de justice et d'égalité sont aussi des bienfaits de Dieu. Il nous incombe à nous, les êtres humains, d'en faire usage de façon à rehausser et enrichir la qualité de nos vies sans causer un préjudice indu, sans créer un lourd fardeau et sans transformer ces progrès en outils dangereux aux mains de personnes sans scrupules.

L'organisme de réglementation qui sera créé pour mettre en oeuvre cette loi devra bien connaître les diverses sensibilités culturelles de la population canadienne. Cet organisme doit comprendre une composante consultative neutre, objective et sensibilisée aux différences culturelles.

Le Conseil canadien des femmes musulmanes est honoré d'avoir pu contribuer à vos travaux. Nous suivrons avec beaucoup d'intérêt le processus législatif à l'issu duquel cet avant-projet de loi deviendra loi.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci, madame Rehman.

Nous entendrons maintenant M. Bruce Clemenger, directeur de l'Alliance évangélique du Canada.

M. Bruce Clemenger (directeur, Centre for Faith and Public Life, Alliance évangélique du Canada): Merci, madame la présidente. Je ne suis pas le directeur, mais je vous remercie de la promotion.

L'Alliance évangélique et moi-même vous savons gré de nous avoir invités à participer à cet examen de l'avant-projet de loi sur l'aide à la procréation. J'ai assisté à plusieurs de vos réunions, et j'ai beaucoup appris des témoignages qui ont été faits jusqu'à présent.

L'Alliance évangélique du Canada est une association nationale de chrétiens protestants. Nos membres représentent quelque 32 confessions outre les églises locales, les organismes paraconfessionnels et les particuliers.

L'AEC a témoigné devant votre comité dans le cadre de son examen du projet de loi C-47 en 1997 et du projet de loi C-247 en 1999. Nous avons présenté un mémoire à la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction en 1990 et avons participé aux discussions sur la biotechnologie sous diverses formes, y compris les consultations menées par Santé Canada.

Nous avons rendu public en 1995 un document de discussion sur la génétique intitulé «Changing Genes». Il a été rédigé par une équipe interdisciplinaire comprenant des experts des sciences, de la médecine, de l'éthique, du droit et de la théologie. Tous ces documents se trouvent sur le site Web de l'AEC; je peux aussi en remettre des exemplaires au greffier si vous le souhaitez.

Je commencerai mes remarques par un examen général de l'avant-projet de loi. Je passerai en revue les thèmes de cette mesure législative et les questions qu'elle soulève de notre point de vue religieux particulier; je mettrai en relief certains des principes directeurs et leur application technologie génétique et de reproduction. À la fin de mes remarques, je vous donnerai des pistes d'amélioration du projet de loi.

Nous n'avons pas encore terminé notre examen détaillé de l'avant-projet de loi, examen qui comprend une analyse article par article. Nous serons heureux de vous faire parvenir le résultat de cet examen. Si vous procédez à l'étude article par article de ce texte, comme je vous encourage à le faire, nous serions heureux d'y participer si cela peut vous être utile.

J'aborderai en premier lieu les dimensions morales et éthiques. Les techniques de reproduction offrent un espoir à ceux qui sont stériles. Elles soulèvent aussi toutefois des questions sociales, philosophiques et théologiques. En raison de la dynamique de recherche associée à ces technologies, elles nous forcent à nous poser des questions fondamentales sur la nature et le sens de la vie humaine, sur ce que c'est qu'être parent, sur les maladies génétiques, sur notre volonté d'aimer les autres sans condition et sur la signification de la compassion. Elles soulèvent des questions sur la façon dont la recherche et les inventions affluent sur notre vie, sur les promesses qu'offre la recherche et sur la consistance des espoirs qu'elles engendrent.

• 1215

Comme l'honorable Allan Rock l'a dit quand il a présenté cette mesure législative, et comme on l'a rapporté ensuite dans le Globe and Mail, ce n'est pas parce que l'on peut faire quelque chose que l'on doit nécessairement le faire ni même que l'on devrait le faire. Et nous sommes d'accord pour dire qu'il n'y a aucune obligation de permettre toutes les technologies ou d'en inventer de nouvelles. Nous devons choisir judicieusement les projets de recherche que nous encourageons par la réglementation ou par nos subventions. Cette ébauche de projet de loi, en identifiant les activités interdites et celles qui sont réglementées, vise à établir la distinction entre ce que nous devrions faire et ce que nous devrions éviter de faire dans les domaines de la reproduction humaine assistée et de la biotechnologie.

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de participer à cette discussion sur les principes et les valeurs qui devraient guider nos travaux de recherche scientifique et notre souci de nous entraider. La position d'une personne sur une question donnée est toujours fondée sur des principes directeurs ou des valeurs qui dictent sa compréhension de cette question. En tant qu'association de protestants, nous fondons notre analyse sur le récit biblique et les principes que l'on y trouve.

Nous évaluons donc ces questions en nous fondant sur des principes bibliques. Je vais en énumérer quelques-uns à votre intention.

Il y a premièrement le respect de la vie humaine et de la dignité. Nous croyons que les êtres humains ont été créés à l'image de Dieu et qu'ils ont une certaine valeur et dignité. C'est sur cette filiation que nous faisons reposer le principe de la dignité humaine. Il n'existe pas de vie qui n'ait aucune valeur, parce que notre valeur n'est pas déterminée par ce que nous pouvons faire ou accomplir, ni même par le plaisir que nous connaissons, mais plutôt par qui nous sommes, en relation avec Dieu et avec notre prochain. Ce n'est pas à nous qu'il incombe de décider si les êtres humains ont ou n'ont pas de dignité. En conséquence, nous croyons que la vie humaine doit être appréciée, respectée et protégée à toutes ses étapes. Cela s'applique également aux personnes qui ont une maladie ou une déficience. Les Canadiens souscrivent à cette affirmation de la dignité de la vie humaine, ce qui est confirmé de diverses manières dans les lois canadiennes.

Nous souscrivons à la protection de la dignité humaine dont le projet de loi fait état dans plusieurs domaines. Quand le projet de loi interdit le clonage et la création d'embryons humains exclusivement pour la recherche, il affirme la dignité humaine. Nous souscrivons à l'interdiction, proposée dans le projet de loi, de la commercialisation de la procréation humaine assistée dans le but de reconnaître et d'appuyer la dignité humaine. Nous craignons toutefois que l'on autorisera par ailleurs, par règlement ou par omission, d'autres pratiques qui saperont la dignité humaine, en particulier la création de chimères et la recherche sur des embryons humains aboutissant à la destruction de ceux-ci. Je reviendrai un peu plus en détail sur ces questions précises tout à l'heure, si j'en ai le temps.

Le deuxième principe est celui de la compassion. Nous insistons sur ce principe, qui découle de notre croyance que toute vie humaine est précieuse aux yeux de Dieu et qu'il faut donc veiller sur son bien-être physique, affectif et spirituel. Nous devons aimer le prochain comme nous aimons nous-mêmes. Ce principe débouche sur ce que les éthiciens qui ont comparu la semaine dernière appelaient «l'éthique de la compassion», qui doit caractériser toutes nos entreprises dans le domaine de la procréation humaine assistée.

Cette compassion est favorisée quand l'intérêt de l'enfant demeure primordial; quand la capacité procréatrice des gens n'est pas exploitée; quand les couples infertiles sont traités de façon appropriée; et quand les embryons humains sont traités avec respect et protégés, et non pas utilisés d'une manière que nous jugerions insupportable si le même traitement était appliqué à d'autres êtres humains.

Un troisième principe est celui de l'intégrité familiale et de la responsabilité. L'importance de la communauté humaine est un élément fondamental de l'enseignement biblique. Par exemple, la Bible enseigne que les enfants doivent être accueillis comme des cadeaux de Dieu, non pas comme des projets que nous entreprenons nous-mêmes. La responsabilité familiale pour ce qui est de soigner et d'élever les enfants est reconnue en droit canadien, par exemple dans les dispositions de la loi sur le devoir de diligence. Les techniques de reproduction sont intrinsèquement liées à la question de la responsabilité familiale parce que leur but final est d'aider à la formation d'une famille.

Les techniques de reproduction peuvent rendre flous les liens familiaux. La semaine dernière, le Dr Shanner et le Dr Somerville ont bien décrit cette dynamique et je ne vais donc pas répéter leurs propos.

L'ébauche de projet de loi appuie l'intégrité familiale par son interdiction du clonage, un cas extrême pour ce qui est de faire disparaître les liens familiaux. Toutefois, quand il est question dans le projet de loi du donneur d'un embryon, cela laisse entendre qu'il est possible de donner sa progéniture à quelqu'un d'autre. Par ailleurs, le projet de loi permet et facilite la maternité de substitution à visée altruiste, ce qui revient à créer délibérément une famille dans le but de la briser ensuite. Nous avons des réserves sur ces pratiques.

Ayant énoncé ces principes fondamentaux, je voudrais maintenant faire certaines observations générales avant de passer à des recommandations précises. Dans le titre du projet de loi, il est question de «procréation assistée». Ce titre induit en erreur, à mon avis, car le projet de loi ne traite pas seulement des techniques de procréation, mais aussi des activités de recherche génétique et des technologies dans le domaine de la génétique. Le projet de loi porte donc sur la génétique humaine et les technologies de reproduction. Il interdit des pratiques comme la modification de la lignée germinale; le développement d'un embryon à l'extérieur de l'utérus d'une femme après 14 jours; la création d'embryons humains exclusivement à des fins de recherche; et la transplantation de matériel génétique animal dans des êtres humains. Le projet de loi réglemente par ailleurs des activités comme la recherche sur les cellules souches et la création de chimères.

Sur quel critère s'est-on fondé pour choisir les pratiques biotechnologiques visées par le projet de loi, par opposition à d'autres pratiques dont il n'est pas fait mention?

• 1220

Je vais laisser de côté le principe suivant et passer plutôt au consentement éclairé. Le projet de loi ne donne aucune définition et cette expression n'a aucun sens précis. Nous convenons qu'il faut donner un consentement éclairé et que la personne qui le donne doit avoir une certaine compréhension de ce qui est en jeu. Mais dans le cas des techniques expérimentales, comment quelqu'un peut-il savoir à l'avance ce à quoi il consent? Comment savoir même quelles sont les ramifications du consentement que l'on donne relativement à sa progéniture? Une personne qui est désespérée ou malade a une capacité limitée de donner un consentement libre et éclairé. Comment tout cela sera-t-il contrôlé? Qui fournit l'information? Qui supervise le tout?

Par ailleurs, nous croyons que le counselling doit être indépendant et non pas associé à la clinique de fertilité. Un conseiller qui travaille pour une clinique de fertilité pourrait très bien être en conflit d'intérêts.

De plus, nous signalons que la Commission royale s'était prononcée contre la création de cliniques à but lucratif, alors que ce projet de loi semble l'autoriser. Nous craignons que cela ira à l'encontre de l'intention, qui est de veiller à ce que les capacités et pratiques de procréation assistée ne soient pas commercialisées.

Je recommande aussi que le comité entende des témoins, par exemple des économistes et des spécialistes des sciences sociales, sur le coût de ces pratiques en comparaison d'autres types de besoins dans le domaine de la santé. J'ai examiné la liste des témoins et j'ai assisté à la plupart des réunions et je n'ai pas encore entendu un témoin aborder cette question.

Je passe maintenant à des observations précises. Nous souscrivons à une bonne part de ce projet de loi et nous vous en félicitons. Les interdictions sont nécessaires et auraient dû être décrétées depuis longtemps. Un organisme de réglementation s'impose également.

Au cours des prochaines minutes, je veux proposer des amendements précis au projet de loi dans le but d'atteindre les objectifs louables qui sont exprimés dans le préambule. Nous avons des réserves au sujet d'un certain nombre d'articles, mais j'aurai seulement le temps d'en mentionner quelques-uns.

Au sujet du préambule, nous souscrivons à la reconnaissance du besoin de promouvoir et de protéger les intérêts des enfants et des femmes; de préserver et de protéger l'individualité humaine; et de reconnaître les problèmes de santé et d'éthique intrinsèques à la commercialisation des capacités de procréation. Toutefois, le préambule semble dicté par le thème de la prééminence du choix et de la capacité de donner satisfaction à des désirs profonds. On néglige des principes fondamentaux comme la dignité humaine. Bien que la dignité humaine soit mentionnée en passant, elle est mise sur le même pied que la santé, la sécurité et les droits, toute chose qu'il faut protéger et promouvoir pour veiller à réaliser les avantages potentiels de la technologie. Ce n'est donc pas une condition fondamentale, il semble plutôt que ce soit un moyen d'arriver à une fin.

La seule condition fondamentale identifiée dans le projet de loi est le principe du consentement libre et éclairé. La dignité humaine est un principe beaucoup plus fondamental que le consentement. À mon avis, la notion de consentement libre et éclairé découle du principe de la dignité humaine. Je pourrais vous citer le préambule du projet de loi C-47, mais je vais passer à autre chose.

Nous croyons que le préambule doit faire état de la dignité humaine, de l'éthique de la compassion, et de la responsabilité familiale comme principes fondamentaux. Les enfants nés de l'application de ces techniques, ainsi que leur contexte familial, doivent être nos considérations primordiales dans le domaine de la procréation assistée. Nous sommes d'accord avec les éthiciens qui ont comparu la semaine dernière et qui ont proposé de modifier le préambule.

Au sujet des définitions, tous les éthiciens s'entendaient la semaine dernière pour dire que l'embryon humain est un être humain, et nous sommes d'accord avec eux. La définition donnée dans le projet de loi devrait en tenir compte. L'embryon et le foetus ne sont pas de simples organismes humains et ne devraient pas être qualifiés d'éléments ou produits du corps humain servant à la reproduction. Nous estimons que cette formulation est réductionniste. Nous irions encore plus loin, mais même l'Énoncé de politiques des trois conseils: Éthique de la recherche avec des êtres humains attribue un statut moral spécial à l'embryon. Nous trouvons que cela ne se retrouve pas dans les définitions utilisées. Nous recommandons d'utiliser expressément le mot embryon, plutôt que d'englober l'embryon dans la définition d'élément ou produit du corps humain servant à la reproduction. Nous recommandons d'utiliser l'expression être humain au lieu d'organisme humain quand il est question d'embryon ou de foetus.

Nous signalons également que le terme donneur peut convenir dans le cas des personnes dont on a obtenu les spermatozoïdes et les ovules. Toutefois, quand il est question d'un embryon, nous recommandons d'utiliser plutôt l'expression géniteurs biologiques, qui sont au nombre de deux. De plus, on précise dans le projet de loi ce qu'est un donneur de gamètes, mais pour la définition de donneur d'embryons, on s'en remet aux règlements, ce qui est également préoccupant.

Je répète que nous aurons des suggestions plus précises quant au libellé dans un mémoire écrit qui vous sera remis ultérieurement.

Comme je l'ai dit, de façon générale, nous appuyons les interdictions. Nous craignons par contre que le libellé de certains articles n'accomplisse pas ce que nous croyons être l'intention exprimée dans le préambule ou dans le document donnant une vue d'ensemble. Je vais faire quelques observations là dessus.

Par exemple, l'alinéa 3(1)g) interdit d'utiliser du matériel reproductif humain qui est ou a été transplanté dans un animal. Nous sommes d'accord avec cette interdiction, mais le libellé est différent en anglais et en français. Nous croyons que le texte français est un peu plus contraignant et nous le trouvons préférable.

• 1225

L'alinéa 3(1)h) interdit le choix du sexe. L'avant-projet de loi traite des pratiques qui visent non pas à obtenir un enfant mais à choisir le genre d'enfants qu'une personne souhaite avoir. Le texte de loi proposé interdirait toute tentative de choisir le sexe d'un enfant.

Le document de présentation énonce explicitement:

    Toute tentative de choisir le sexe d'un enfant va à l'encontre de la croyance des Canadiens qui accordent aux deux sexes l'égalité de valeur et de statut.

Nous sommes d'accord. Toutefois, il n'est pas fait mention dans le texte de loi du choix de l'embryon en fonction d'autres caractéristiques que le sexe. Les Canadiens croient également en l'égalité de valeur et de statut des personnes, y compris les personnes handicapées, et pourtant il n'y a aucune interdiction de techniques de sélection qui sont utilisées pour identifier et détruire les embryons qui seraient porteurs d'incapacités quelconques. En quoi ce type de sélection, pratiqué dans l'utérus et qui n'est pas interdit par la loi proposée, est-il différent des pratiques eugéniques?

L'article 4 traite de la rétribution de la mère porteuse. Nous avons déjà entendu des commentaires là-dessus. En principe, nous sommes contre la pratique de la mère porteuse, que ce soit à des fins altruistes ou commerciales. Nous craignons que les exceptions prévues au paragraphe 4(4) pourraient permettre aux avocats de prendre des arrangements ou d'offrir de prendre des arrangements pour obtenir les services d'une mère porteuse moyennant rétribution, parce que l'exception est tellement vaste. Les avocats qui serviraient de courtiers pour obtenir les services d'une mère porteuse pourraient, nonobstant ce que l'on en dit dans le projet de loi, considérer ce qu'ils font comme un service d'ordre juridique admissible à l'exemption.

Autrement dit, il semble bien que vous ayez établi aux termes des dispositions de ce projet de loi une entreprise commerciale de mères porteuses. On peut en dire autant des dispositions de l'article 10.

L'article 5 vise à interdire l'achat et la vente de gamètes et d'embryons humains. Toutefois, étant donné son libellé, cette disposition interdirait l'achat d'un donneur ou de son représentant tout en permettant la commercialisation des gamètes humains entre tierces parties, par exemple des cliniques de fertilité. Nous recommandons de modifier le paragraphe 5(3) en supprimant «à un donneur ou à une personne agissant en son nom», afin de garantir que l'intention du législateur soit respectée.

Je passe maintenant aux activités réglementées. Le libellé de l'article 8 est tellement général qu'il est difficile de savoir ce qui pourrait être inclus. Aux termes de l'article 8, la manipulation et la destruction de gamètes et d'embryons seraient des activités acceptables dans des limites non précisées. Au minimum, cela permet d'effectuer sur des embryons des travaux de recherche aboutissant à la destruction de ces embryons. Étant donné notre conviction que la vie est un don de Dieu et que la vie humaine commence à la conception, nous exhortons le Parlement à protéger la dignité de tout être humain dès le début de son existence. Il faut donc interdire la recherche sur des embryons humains causant, immédiatement ou à terme, leur destruction.

L'article 9 permet de créer des chimères et de combiner du matériel génétique animal et humain. Nous sommes convaincus que la majorité des Canadiens répugne profondément à envisager la création d'hybrides d'animaux et d'humains. La Commission royale à conclu que les croisements entre espèces sont intrinsèquement contraires à l'éthique, et nous sommes d'accord avec cette conclusion. Nous croyons savoir que l'on crée déjà des hybrides animaux-humains. On combine par exemple un spermatozoïde humain et un ovule de hamster pour créer un «humster». D'après mon interprétation de la mesure proposée, cette pratique n'est pas interdite et il n'en est même pas fait mention.

L'article 9 traite de l'introduction de cellules non humaines dans un embryon humain, ou de cellules humaines dans un embryon ou un foetus non humain. Là encore, nous ne sommes pas certains que l'intention du législateur soit pleinement atteinte et nous essayons de scruter le texte à la loupe pour savoir ce qui est exclu.

Cela soulève d'autres questions. Sommes-nous en train de mettre au point une nouvelle espèce et comment allons-nous l'appeler? Un hybride animal-humain comme ce humster est-il considéré comme un être humain? De même, les chimères sont-elles de façon générale des êtres humains? Nous recommandons que la création de chimères soit interdite au lieu d'être réglementée.

J'ai d'autres observations là-dessus mais je vais passer outre.

Sur le plan de l'administration, nous faisons remarquer que le projet de loi ne crée pas un organisme de réglementation, bien que je crois savoir que cela fait partie de la discussion. La responsabilité de la réglementation incombe plutôt au ministre et au gouverneur en conseil.

Il y a des arguments qui militent en faveur de la création d'un organisme de réglementation indépendant. Nous préconisons que le processus pour l'établissement de critères d'octroi de permis et pour la prise de règlements et les activités de surveillance soient ouverts, transparents et accessibles au public. Nous sommes heureux de constater qu'il ne s'agit pas ici d'une réglementation volontaire. On sait que le moratoire d'application volontaire a été inefficace. Les questions qui sont en jeu dans les techniques de procréation assistée sont trop importantes pour qu'on s'en remette à une application volontaire.

Il y a un certain nombre d'éléments dans la partie traitant de l'administration, mais j'en aborderai seulement un avant de terminer. Le paragraphe 21(4) permet le don anonyme de gamète. L'une des pratiques auxquelles nous nous opposons est celle du don anonyme de sperme, qui brise les liens interpersonnels et empêche les enfants d'avoir la réponse aux questions fondamentales relative à leur identité. C'est incompatible avec les autres lois, par exemple la législation sur le soutien de l'enfant, qui mettent l'accent sur la responsabilité parentale envers l'enfant.

Nous recommandons que tout don de gamète s'accompagne de renseignements sur l'identification qui peuvent être remis à l'enfant résultant du don, peut-être après qu'il aura atteint l'âge de la majorité. On nous a dit la semaine dernière que dans les pays où cette politique a été mise en vigueur, les dons de gamètes se sont poursuivis.

• 1230

À l'instar des témoins précédents, nous sommes préoccupés par les dispositions de retrait prévues à l'article 41. Il faut garantir que les interdictions soient respectées partout au Canada.

Pour conclure, le débat sur les technologies de reproduction ainsi que leur mise en oeuvre doit refléter le respect de la vie, et surtout notre attitude envers les enfants. Les technologies de reproduction traitent de la conception, de la gestation, et de l'éducation des enfants. La procréation traite de l'art d'être parents d'êtres humains. Ce sont des technologies qui nous rendent vulnérables à la tentation d'utiliser des pratiques eugéniques pour chercher à concevoir des êtres humains parfaits, à produire des êtres humains plutôt que de les mettre au monde—et nous rejetons toutes ces tentatives. Nous devons aller de l'avant avec prudence et circonspection.

Nous exhortons le Parlement et les ministères en cause à tenir compte des conséquences de l'utilisation et de la mise au point de nouvelles technologies de reproduction par rapport aux autres moyens dont on dispose pour aider la fonction parentale. Nous voulons prévoir des programmes visant à promouvoir le bien-être émotionnel, psychologique et physique des familles qui existent déjà; promouvoir l'adoption comme option pratique pour les couples qui ne sont pas capables d'avoir leurs propres enfants biologiques; et chercher à restaurer la fécondité plutôt que de la contourner.

Nous encourageons également le gouvernement à promouvoir des pratiques et mettre au point des technologies qui ne minimisent pas la dignité humaine mais qui favorisent plutôt une bonne déontologie de la recherche, comme la recherche sur les cellules souches adultes ainsi que les technologies qui réduisent le recours à la fécondation in vitro et le nombre d'embryons créés pour les fins de la reproduction.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Clemenger.

Maintenant, nous accueillons deux représentantes de l'Organisme catholique pour la vie et la famille, Mme Jennifer Leddy, la codirectrice, et Mme Bridget Campion, professeure adjointe de théologie morale, St. Augustine Seminary, Toronto.

Je ne sais pas laquelle de vous deux veut commencer, vous l'avez probablement déjà prévu.

Mme Jennifer Leddy (codirectrice, Organisme catholique pour la vie et la famille): Nous l'avons prévu. Nous allons partager notre exposé.

Premièrement, au nom de notre organisation, je veux vous remercier de votre invitation à comparaître devant votre comité. Nous sommes très heureuses d'avoir cette occasion de dialoguer avec vous.

L'Organisme catholique pour la vie et la famille a été fondé conjointement par la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) et les Chevaliers de Colomb afin de promouvoir le respect de la dignité et de la vie humaine et le rôle essentiel de la famille. Son conseil d'administration forme un groupe multidisciplinaire qui se compose d'hommes, de femmes, et d'évêques.

Nous comprenons que le but visé par la rencontre d'aujourd'hui consiste, alors que nous sommes au tout début des audiences publiques, à faire un survol des enjeux dans une perspective de foi. Nous désirons vous préciser que le secrétaire du comité nous a assuré que notre présence ici aujourd'hui n'exclurait d'aucune façon une comparution de la Conférence des évêques catholiques du Canada à une date ultérieure, cet automne.

Au cours des trois dernières années, notre organisation a tenu un séminaire annuel sur la biotechnologie avec un groupe multidisciplinaire. Ces rencontres annuelles ont favorisé le dialogue science-foi; elles nous ont également amenés à mieux comprendre le front commun que partage la foi et la science, puisque toutes deux traitent des merveilles et des mystères de la création et du parcours continu de la découverte.

Mme Bridget Campion (professeure adjointe de théologie morale, St. Augustine's Seminary): Nous avons étudié cet avant-projet de loi à la lumière des principes de l'enseignement de l'Église catholique. En premier lieu, il y a le respect de la vie et de la dignité humaine. La vie humaine, depuis son commencement, est un bien incommensurable. Chaque être humain créé à l'image de Dieu possède une dignité inhérente et une valeur inestimable. La vie est le bien le plus précieux qui nous soit donné sur terre, et nous avons le devoir de l'aimer, de la respecter et de la sauvegarder.

À notre avis, l'être humain existe dès la conception. Notre position est partagée par nombre de spécialistes du monde médical et d'autres milieux professionnels. La Commission de réforme du droit du Canada, il y a de cela plus que 10 ans, affirmait—dans un document de travail intitulé Crimes contre le foetus—que l'être humain existe dès la conception. Je cite:

    Bien sûr, le code actuel comporte une disposition assez curieuse dans l'article 206 suivant laquelle un enfant ne devient un être humain qu'une fois complètement sorti du corps de sa mère. Non seulement cette définition est incorrecte, mais de plus elle est contraire au consensus général voulant que le produit de la conception humaine, qu'il se trouve dans l'utérus ou hors de celui-ci, soit un être humain.

Donc l'Église catholique enseigne que la vie nous vient de Dieu qui nous a créés à son image. Par conséquent, la dignité et la vie humaines doivent être protégées dès le commencement.

La Congrégation pour la doctrine de la foi, en 1987, dans son Instruction sur le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation, disait:

    Le fruit de la génération humaine dès le premier instant de son existence, c'est-à-dire à partir de la constitution du zygote, exige le respect inconditionnel moralement dû à l'être humain dans sa totalité corporelle et spirituelle. L'être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception. Ce principe fondamental du respect et de la protection de la vie humaine dès son commencement a d'évidentes ramifications dans notre réponse à l'égard de certaines dispositions du projet de loi.

• 1235

Le deuxième principe est que l'enfant est un don. Le désir d'avoir un enfant est à la fois très personnel et très puissant. Qui peut rester insensible au désir et à la quête intense d'un couple stérile? Cependant, la réalisation de ce désir ne peut être poursuivie à n'importe quel prix, parce que l'enfant est un don, un don précieux de la relation conjugale, le don le plus précieux entre tous.

Le troisième principe est l'intégrité de la procréation. Nous faisons partie du monde créé. Selon notre compréhension traditionnelle, le corps est le temple de l'esprit. Nous croyons également en l'intégrité, en la beauté et au mystère émanant de nos propres corps et de l'ordre de la création. L'église catholique conçoit la procréation humaine comme une collaboration à l'oeuvre du Dieu créateur. Tout comme Dieu nous aime au coeur de notre existence, ainsi un mari et une femme participent à l'amour créateur de Dieu lui-même, dans l'expression intime et charnelle de leur amour l'un pour l'autre.

L'église enseigne que l'assistance à la conception humaine n'est acceptable entre un mari et une femme que dans des circonstances bien particulières qui facilitent le processus naturel de la génération et à la condition que ni les parents ni l'enfant n'encourent de risques indus. La fécondation in vitro est inacceptable même pour un mari et une femme, parce qu'elle dissocie la procréation du contexte pleinement humain de l'acte conjugal, et qu'elle peut conduire à la destruction des embryons restants après le traitement.

Dans ce forum-ci, nous voulons mettre l'accent sur notre grande préoccupation quant au lien qui s'est développé entre la fécondation in vitro et la destruction de la vie humaine.

Le quatrième principe est celui de l'option préférentielle pour les pauvres. L'Église catholique adopte une approche holistique des êtres humains; elle se sent concernée non seulement par leur vie spirituelle mais également par leur bien-être physique, psychosocial et matériel. C'est en ce sens que l'église comprend la justice sociale comme un impératif évangélique qui nous exhorte à aider celles et ceux qui sont dans le besoin et à dénoncer l'injustice.

Nous sommes appelés à privilégier celles et ceux qui parmi nous sont les plus vulnérables, démunis et opprimés. Nous sommes persuadés que les personnes souffrant d'infertilité sont très vulnérables, tout comme les jeunes vies humaines conçues par des techniques de procréation assistée. Nous avons un intérêt particulier à les protéger de toutes formes d'exploitation et à soutenir leur dignité comme êtres humains.

Le cinquième principe est celui du bien commun. Par bien commun, il faut entendre l'ensemble des conditions sociales qui permettent en tant que groupes ou personnes d'atteindre notre épanouissement plus complètement et plus facilement, épanouissement plus susceptible d'être atteint quand chaque être contribue personnellement à bâtir une société juste et compatissante qui encourage la croissance humaine. Les êtres humains sont créés membres d'une famille dont les racines forment une vaste communauté; l'être humain est un être social qui ne peut vivre sans relations interpersonnelles.

Un engagement face au bien commun exprime dans la solidarité qui est, selon Jean-Paul II

    [...] la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun; c'est-à-dire, le bien de tous et de chacun parce que nous sommes tous vraiment responsables de tous.

Voici une question fondamentale au sujet de chacune des dispositions de cet avant-projet de loi: cela sert-il le bien commun. Cela permet-il à chaque individu de profiter des bienfaits de vivre dans une société saine, ordonnée et sécuritaire? Est-ce une loi responsable ?

Dans le reste de notre exposé, nous allons vous présenter les principaux éléments de la critique détaillée du projet de loi que nous faisons dans notre mémoire. J'ai aussi quelques observations à vous présenter au sujet du préambule.

Tout d'abord, nous estimons que le préambule est d'une importance capitale pour la mesure législative en ce qu'il établit le cadre et les fondements éthiques de tout ce qui suit. Nous tenons à affirmer, d'entrée de jeu, qu'il est essentiel de protéger les meilleurs intérêts des enfants touchés par l'utilisation de ces techniques.

Nous nous réjouissons qu'il soit reconnu que les femmes sont en particulier touchées par ces technologies. Notre santé et nos intérêts doivent être protégés afin que nous ne subissions pas de traitements qui pourraient s'appuyer sur des bases inappropriées de recherche scientifique ou de pratique médicale.

Troisièmement, nous appuyons l'importance primordiale du consentement libre et éclairé parce que dans notre propre tradition, nous respectons la liberté de conscience.

Quatrièmement, nous reconnaissons l'importance de préserver et de protéger l'individualité humaine et l'intégrité de l'être humain.

Cinquièmement, nous apprécions la préoccupation à l'égard d'une justice où les femmes, les hommes et les enfants ne sont exploités d'aucune façon.

• 1240

Nous avons toutefois de graves inquiétudes. Premièrement, étant donné que cet avant-projet de loi a trait à la procréation assistée, et le fait que certaines technologies sont expérimentales et comportent des risques inconnus, nous croyons que le fait que le préambule ne contienne pas une référence explicite à l'intérêt du Parlement dans la protection de la vie humaine constitue une omission importante.

Deuxièmement, le préambule devrait reconnaître que les embryons et les foetus sont affectés de façon significative par ces technologies. Il devrait indiquer que des dispositions sont nécessaires pour la protection de leurs intérêts.

Mme Jennifer Leddy: Nous allons maintenant aborder les définitions, les interdictions et certains aspects des activités réglementées. Je tiens à vous signaler que, dans notre mémoire, nous traitons de ces questions de façon plus détaillée que nous pouvons le faire ici. Vous pourrez peut-être le consulter plus tard.

Nous avons trois observations à faire au sujet des définitions. Premièrement, la définition de donneur qui se trouve dans le projet de loi C-47 n'incluait pas la possibilité du don d'un embryon. Le fait que cette mesure législative proposée énonce cette possibilité illustre l'important programme de recherche qui accompagne le désir d'aider les couples à procréer.

Nous recommandons que dans le projet de loi définitif, l'embryon et le foetus soient définis comme des être humains, au lieu d'organismes humains. L'expression «être humain» évoque le respect et convient bien davantage dans les circonstances. L'expression «organisme humain» passe au-delà d'un langage clinique stérile vers un langage biologique expérimental.

L'appariement des termes gamètes, cellules et embryons dans la définition de «matériel reproductif humain» n'est pas pertinent, car cela conjugue des réalités radicalement différentes. Comme les embryons sont des êtres humains, ils ne devraient pas faire partie de cette définition. Bien que les gamètes ne soient pas des êtres humains comme tels, ils sont cependant essentiels à la création de la vie humaine et devraient pour cela être désignés de façon plus respectueuse. Sinon, la procréation, processus de la reproduction, se permute rapidement en processus de production.

Nous appuyons fermement l'interdiction du clonage en vue de créer un être humain et félicitons le gouvernement de son leadership pour bannir tant le clonage thérapeutique que le clonage reproductif. Nous approuvons l'interdiction de modifier la lignée germinale en raison des dangers potentiels pour le patrimoine génétique humain.

L'alinéa 3(1)c) interdit de conserver un embryon en dehors du corps d'une femme au-delà de 14 jours. Cette disposition est très importante et s'avère une tentative heureuse quant aux limites posées sur ce qu'il est possible de faire à l'embryon humain. Mais cette disposition ne va pas suffisamment loin à notre avis. Puisque l'embryon est habituellement implanté dans les deux ou trois premiers jours de la fécondation, pourquoi «14 jours» si ce n'est pour favoriser la disponibilité des sujets de recherche? Bien que l'on puisse arguer que les femmes qui subissent ces traitements très invasifs désirent éviter des séances additionnelles—par la congélation des embryons surnuméraires, ne vaudrait-il pas mieux que ceux pour qui la fécondation in vitro est acceptable investissent de l'argent dans la recherche visant à trouver des moyens de congeler des ovules? Il ne serait donc plus nécessaire de créer des embryons surnuméraires qui risqueraient d'être congelés, ce qui les expose aux risques de recherches ultérieures. Ainsi, nous osons espérer qu'il n'y ait plus ce lien corrodant entre la fécondation in vitro et la destruction de la vie humaine, qui doit être le paradoxe suprême.

Nous sommes satisfaits de l'alinéa 3(1)d) qui interdit la création d'embryons à des fins de recherche. Toutefois, le paragraphe 8(2) sur les activités réglementées permettrait la recherche, y compris la recherche sur les cellules souches, sur les embryons qui subsistent après des traitements de la stérilité. Cette forme de recherche permettrait que l'on extirpe les cellules des embryons et que l'on porte atteinte à leur intégrité, ramenant l'embryon de l'état de sujet à celui d'objet, faisant d'un être humain muni de dignité une source de matériel organique.

Dans notre réponse aux Instituts de recherche en santé du Canada, nous avons dit que permettre ce genre de recherche tout en sachant que le sujet de la recherche, un être humain, sera détruit, est sûrement une première. La mise à mort délibérée d'un être humain ne peut jamais se justifier. L'argument sonne encore plus faux si l'on considère qu'il est possible d'atteindre les mêmes résultats par l'emploi de moyens de rechange comme les cellules souches adultes. On ne devrait jamais utiliser un être humain, ce qu'est l'embryon, comme un moyen pour atteindre une fin. Aucun être humain ne devrait être considéré comme étant en surplus, comme surnuméraire.

• 1245

Hier, nous avons lu à la une du Globe and Mail—et nous voyons ce genre de manchettes dans les journaux tous les jours—que la recherche sur les cellules souches adultes est extrêmement prometteuse. Il est possible de mener ces recherches d'une façon qui n'entraîne aucun dilemme éthique. Nous recommandons vigoureusement que toutes les recherches sur les embryons humains de même que tous les traitements qui ne sont pas pour leur bénéfice soient interdits, et non seulement sujets à des règlements, comme il est proposé. L'Allemagne a interdit toutes recherches sur les embryons: ils ont appris de leur histoire; ne peut-il en être ainsi pour nous?

En ce qui concerne les activités réglementées, notre préoccupation première rejoint celle de M. Clemenger, à savoir qu'il y a un trop grand nombre d'éléments qui se retrouvent sous la rubrique des règlements, là où traditionnellement la population a une infime possibilité d'intervention. Il est très décevant de constater qu'après tout ce temps, le ministère de la Santé n'ait pas fourni dans cette mesure législative une liste des technologies courantes qui seront réglementées ou n'ait pas donné un meilleur aperçu du contenu éthique des règlements. Quelques exemples des pratiques qui seront soumises à une réglementation sont donnés dans les documents d'information, mais la population ne devrait pas avoir à faire une recherche exhaustive sur Internet pour connaître ce qui est proposé.

Je sais que vous aimeriez poser des questions. Je vous signalerai donc simplement que notre mémoire comprend des remarques sur le régime de réglementation.

En conclusion, notre organisme est très conscient de l'énormité de votre tâche alors que vous étudiez les meilleures façons de protéger la dignité, la santé et le bien-être de la population canadienne dans un domaine qui comporte tant de défis et de bienfaits prometteurs. Nous comptons poursuivre avec vous ce dialogue assidu et nous vous offrons nos voeux les meilleurs.

La présidente: Merci beaucoup, madame Leddy et madame Campion.

Vous avez raison, nous voulons vous poser des questions. Commençons par M. Merrifield.

M. Rob Merrifield (Yellowhead, AC): Je tiens d'abord à vous remercier tous d'être venus. C'est une étude des plus fascinantes. Dans notre zèle à vouloir aller au-delà de la science, à vouloir aller là où personne n'est encore allé, nous négligeons parfois la dignité humaine. Vous êtes venus nous faire part de votre point de vue très important, vous avez souligné l'importance de la dignité de la vie humaine dès ses débuts, et je vous en sais gré.

Ma question porte sur l'organisme de réglementation. Quelques-uns d'entre vous y ont fait allusion. Tout d'abord, à titre de croyants, vous estimez-vous bien représentés au sein de certains organismes de réglementation qui existent déjà tel que le Comité consultatif canadien de la biotechnologie? Je devrais peut-être plutôt vous demander si vous jugez important de siéger à ces organismes de réglementation et comment pourriez-vous, collectivement, y être?

Avant de vous laisser la parole, j'aimerais poser une autre question qui s'adresse à peut-être à M. Clemenger. Dans vos remarques liminaires sur le titre et le préambule, j'ai eu l'impression que vous aviez autre chose à dire mais que vous n'avez pas pris le temps de le faire. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet?

Je vous écoute.

La présidente: Monsieur Merrifield, ces questions s'adressent-elles à un témoin en particulier ou à tous les témoins? Vos deux minutes sont presque écoulées.

M. Rob Merrifield: J'aimerais que M. Clemenger réponde à ma dernière question, bien qu'il puisse probablement répondre aux deux si on a le temps. Mais je crois que le groupe catholique a aussi abordé cette question.

La présidente: Monsieur Clemenger, vous avez la parole.

M. Bruce Clemenger: Je commencerai par le préambule. Dans un discours qu'il a prononcé devant l'Organisation mondiale de la santé en mai, le ministre de la Santé a décrit ce que les organisations membres pouvaient faire. Il a alors déclaré être d'avis que les États membres pourraient

    [...] interdire les pratiques inacceptables parce qu'elles sont contraires à la dignité et à l'intégrité humaines ou parce qu'elles représentent une grave menace pour la santé humaine.

C'est une déclaration très audacieuse, très directe qui nous plaît beaucoup. Nous aimons qu'on parle en termes clairs, mais nous sommes étonnés que le préambule n'ait pas repris ces termes-là.

Encore une fois, nous estimons que les intérêts des enfants, la dignité humaine et les menaces pour la santé humaine doivent être la préoccupation absolue. Le préambule traite de ces questions, mais seulement par la bande, au sujet des bienfaits pour l'humanité. C'est aussi un objectif louable, mais nous craignons que les moyens ne deviennent une fin en soi. Nous aimerions que l'objectif soit plus clairement défini.

• 1250

Si on compare cette mesure législative au projet de loi C-47, qui était beaucoup plus...peut-être pas pessimiste, mais son préambule parlait des menaces pour la dignité humaine et la santé humaine que pouvaient représenter ces technologies. Bien sûr, le projet de loi C-47 ne comportait que des interdictions; on comprend donc pourquoi le préambule est ainsi libellé.

Comme je l'ai déjà indiqué, cet avant-projet de loi va bien au-delà de simples interdictions. Il traite aussi d'activités réglementées. Il porte donc sur les aspects positifs en plus de ce qui devrait être balisé. Cela ne signifie pas nécessairement qu'il faut perdre de vue l'importance de la dignité humaine, de la dignité de la personne.

Votre autre question concernait les organismes de réglementation. Notre association n'a pas été invitée à siéger au sein de ces comités. Nous comparaissons comme témoins, comme nous le faisons ici aujourd'hui, et à chaque fois, nous nous demandons si notre contribution n'a pas une valeur purement symbolique. Nous nous demandons si on ne s'est pas tout simplement dit que le «temps était venu de consulter les groupes confessionnels avant de passer à autre chose». Nos préoccupations sont-elles prises au sérieux? Mais, bien sûr, tous les témoins pourraient se poser la même question.

À mon avis, il faut faire une distinction entre l'État et l'Église, entre la religion et la politique. Il m'apparaît tout indiqué de séparer l'État et l'Église. Les Églises sont des institutions d'un certain type, et les États sont des institutions différentes. Il ne faut pas que l'un contrôle l'autre. Il faut donc que l'État et l'Église soient séparés. Je n'entends pas par là que nous devrions séparer la religion de la politique, car nous avons tous un point de vue religieux.

Lorsque je regarde ces organismes de réglementation, je me demande s'ils tentent délibérément de s'assurer que tous les points de vue des Canadiens sont exprimés. C'est une approche séculière, comme il se doit, qui veut que tous puissent exprimer leurs préoccupations ouvertement, approche qui diffère de l'approche laïcisatrice voulant que vous ne puissiez exprimer votre point de vue sous l'angle religieux.

Il ne s'agit donc pas seulement de savoir si notre association nationale estime avoir voix au chapitre; il s'agit plutôt de savoir si ceux qui partagent nos vues, nos valeurs et nos principes sont mis à contribution. Sont-ils exclus parce qu'ils sont religieux, ce qui laisse entendre que les autres ne le sont pas? Je crois que nous avons tous une religion, une croyance ou une perspective idéologique à partir de laquelle nous exprimons notre point de vue et que tous devraient être bienvenus et entendus. C'est ensuite qu'on peut passer à ce que John Rawls appelle le consensus multiple des vues diverses, dans l'intérêt de tous les Canadiens.

La présidente: Merci, monsieur Clemenger.

Votre temps de parole est expiré, monsieur Merrifield.

Nous passons à M. Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Merci. Je pense qu'on vous doit des remerciements pour nous avoir fait prendre conscience du fait que le projet de loi qu'on proposera ultimement sera évidemment et intimement lié à des considérations éthiques. Je pense que c'est indéniable.

Par ailleurs, je ne serais pas prêt, comme législateur, à faire le pas de m'engager dans des considérations religieuses ou dans des considérations de foi. Je ne considère pas que l'avant-projet de loi qui nous est proposé doit nous amener à rouvrir le débat sur l'avortement, sur le titre de l'embryon et sur son statut, et sur le moment à partir duquel on doit considérer qu'un être vivant est un être humain. Personnellement, je ne souhaite pas que l'on s'engage dans un tel débat.

L'objet d'étude qui nous est proposé se situe dans le cadre de la situation des couples qui, pour toutes sortes de raisons, vivent des cycles d'infertilité et ont à leur disposition de nouvelles technologies qu'ils doivent utiliser dans le respect de la dignité. Plusieurs témoins nous ont rappelé aujourd'hui que, comme législateurs, notre phare doit être le souci de la dignité. Moi, je suis prêt à suivre inconditionnellement cette orientation.

Par ailleurs, quand vous nous invitez à changer des définitions et, subtilement, à rouvrir tout le débat sur l'avortement, sur le moment où commence la vie, etc., pour ma part, je ne suis pas prêt à vous suivre. Je veux que cela soit très clair pour tout le monde.

Il faut bien comprendre que la foi des uns peut exclure la foi des autres. Des propos antinomiques ont été tenus ici. Pour la représentante des femmes musulmanes, la vie est un don de Dieu et la procréation, à la limite, n'est pas une question de choix, mais une bénédiction d'Allah. C'est un point de vue que je peux respecter. Mais dans leur vie, il y a des conjoints qui souhaitent une démarche interventionniste, qui souhaitent avoir un plus grand contrôle sur le moment de leur vie auquel ils feront le choix d'avoir des enfants, et c'est aussi un point de vue respectable. Donc, vous comprendrez que, comme législateurs, on ne peut pas partir de préceptes liés à une foi plutôt qu'à une autre parce qu'on ne s'en sort pas.

• 1255

Cela étant dit, je serais favorable à une recommandation qui nous a été faite. Je ne me rappelle pas qui parmi vous a fait cette recommandation. C'est peut-être M. Clemenger ou vous qui avez suggéré qu'on indique dans le préambule l'intérêt qu'a le Parlement à protéger la vie humaine. Je considère que cela serait recevable et ne nous mènerait pas ultimement au débat sur l'avortement.

Pour ce qui est du reste, je vous avoue que j'ai parfois trouvé que vous manifestiez la volonté d'ouvrir un débat qui, à mon point de vue, ne doit pas être celui pour lequel le ministre Allan Rock nous demande de déposer un rapport.

Mes propos n'ont pas été tant des questions que des commentaires.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Ménard, cela fait déjà trois minutes et vous n'avez toujours pas posé de question.

[Français]

M. Réal Ménard: Madame la présidente, c'était un partage. On parle de spiritualité et de valeurs. Je vous invite vous-même à la tolérance.

[Traduction]

La présidente: Pourriez-vous en venir à la question, monsieur Ménard?

[Français]

M. Réal Ménard: La question est celle-ci: qu'aviez-vous à l'esprit quand vous nous avez dit souhaiter qu'on inscrive dans le préambule l'intérêt du Parlement à protéger la vie humaine?

[Traduction]

La présidente: À qui adressez-vous cette question, monsieur Ménard?

[Français]

M. Réal Ménard: À M. Clemenger ou à Mme Leddy.

[Traduction]

Mme Jennifer Leddy: Peut-être pourrais-je dire quelque chose.

La présidente: Je crois que c'est votre tour.

M. Bruce Clemenger: Oui, je crois qu'elle a fait cette remarque aussi.

Mme Jennifer Leddy: Bon.

Je dirais une seule chose au comité, monsieur Ménard, à propos de votre préoccupation concernant la réouverture du débat sur l'avortement. Je pense que certaines personnes, certains philosophes, certains moralistes diraient que nous parlons de l'embryon dans un contexte complètement différent.

La position de l'Église catholique sur l'avortement est bien connue. Elle est très claire. Nous considérons l'embryon humain comme un être humain, une entité qui doit être respectée en tant que personne. C'est parfaitement clair. Nous savons que tout le monde ne partage pas ce point de vue. Je pense cependant que nous pouvons trouver un certain terrain d'entente sur ces technologies concernant la reproduction assistée, car dans le cas de l'avortement, on a affaire à une situation bien particulière où il y a la vie au sein d'une autre vie. Il y a donc concurrence de valeurs au sens de la Charte.

Dans le cas de l'embryon qui peut servir à une expérience, on a un embryon qui est tout seul. Il n'y a pas de valeurs concurrentes au sens de la Charte. Il n'y a pas de valeurs au sens de la Charte dans une inspiration générale à rendre service à l'humanité. Certes, c'est un objectif louable, mais ce n'est pas une valeur en vertu de la Charte. Je pense donc que c'est un moyen de répondre à votre dilemme.

La présidente: Madame Campion.

Mme Bridget Campion: Je pense que c'est moi qui ai parlé de protéger la vie humaine. Comme vous le savez, nous souhaitons protéger la vie de l'embryon humain, mais nous voulons aussi protéger la vie des femmes. Toute cette technologie en est encore à un stade très expérimental. Nous ressentons encore les effets du DES, par exemple. On le retrouve chez les petits-enfants des femmes qui en ont pris. Nous ignorons les effets à long terme des thérapies hormonales que suivent couramment les femmes pour obtenir une surovulation. Nous ne le savons tout simplement pas.

Personnellement, ce qui me dérange, c'est qu'une grande partie de cette médicalisation et de ces interventions vise à transformer les femmes en productrices. C'est un mode de reproduction humaine industrialisée et médicalisée, qui risque d'entraîner des dangers dont nous n'avons pas encore la moindre idée.

Nous nous soucions donc certes de la vie de l'embryon humain, que vous soyez ou non d'accord avec cela, mais nous nous soucions aussi de la vie des adultes et de la vie des enfants qui peuvent naître.

La présidente: Merci, monsieur Ménard. Je crois que votre temps d'intervention est expiré.

Nous passons à Mme Sgro.

• 1300

Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup de nous aider à recueillir des informations sur cette question extrêmement complexe et délicate. Pour nous parlementaires, c'est un défi colossal de devoir essayer d'y voir clair dans toute cette question.

J'aurais une question à propos de l'organisme de régie nationale auquel il a été fait allusion. Si nous n'intervenons pas sur toutes ces choses-là, il risque de se produire toutes sortes d'abus épouvantables parce qu'il n'y aura pas de réglementation ni d'application de la réglementation. J'imagine donc qu'à condition de prévoir suffisamment d'interdictions et de contrôles, nous allons dans la bonne direction avec cet avant-projet de loi?

La présidente: À qui posez-vous la question, madame Sgro?

Mme Judy Sgro: À tous ceux qui veulent bien y répondre, j'imagine.

Mme Farhat Rehman: Comme je l'ai dit, peut-être à l'avenir y aura-t-il plus d'interventions de la part de la collectivité dans son ensemble, et en tout cas des personnes qui auront une perspective médicale ou spirituelle ou culturelle sur la question. Ces personnes vous aideront peut-être plus à mieux cerner les sentiments de la population, mais il est certain que lorsque vous aurez recueilli tous ces points de vue, il faudrait qu'un organisme de régie puisse en tenir compte...pour appliquer la réglementation ou réglementer les procédures.

La présidente: Madame Kalsang, souhaiteriez-vous répondre à cette question? Sommes-nous sur la bonne voie, compte tenu des abus qui ont déjà été commis?

La vén. Tenzin Kalsang: C'est justement à cela que je pensais. J'ai une vision assez idéaliste. Nous vivons dans un monde d'exploitation épouvantable où la cupidité et l'agression d'autrui sont des comportements considérés comme normaux, mais je crois qu'ici nous touchons vraiment au sordide.

On accepte les abus sexuels dont sont victimes les femmes et les enfants parce que les femmes les acceptent. L'exploitation des individus au nom de la cupidité est un mode de vie répandu dans le monde entier. La société vénère aussi l'accumulation d'énormes richesses.

Oui, tout notre mode de vie dans ce monde se ramène à faire du mal à autrui: chacun pour soi, tous les coups sont permis, c'est le jeu de la concurrence à tous les paliers de la vie. Nous avons une vie honteuse.

Je ne m'attends pas à ce que vous prêtiez beaucoup d'attention à ce que je dis, car je changerais le monde si je le pouvais, en particulier dans ce domaine. Encore une fois, j'y mettrais le kibosh.

Je ne sais pas qui a dit cela, mais ce n'est pas parce que nous pouvons faire quelque chose que nous le devrions.

La présidente: C'est le ministre qui l'a dit.

La vén. Tenzin Kalsang: Le ministre? Ah, ah.

Des voix: Oh, oh!

La vén. Tenzin Kalsang: Eh bien, je suis d'accord. Ce n'est pas parce que nous pouvons faire quelque chose que nous devons le faire. Nous pouvons faire toutes sortes de choses. Nous avons une intelligence qui, si elle n'est pas reliée au coeur, peut être très cruelle. Nous devons toujours essayer d'y associer notre coeur, car quand notre coeur est associé à notre intelligence, nous trouvons des solutions très différentes.

Nous avons ce que Oppenheimer a fait avec la bombe-H, n'est-ce pas? Nous ne nous en sommes toujours pas remis. C'est quelqu'un qui avait dissocié sa tête de son coeur. Quand on dissocie la tête du coeur, on a des problèmes.

Franchement, je me sens impuissante car j'enseigne des choses que les gens ne veulent pas connaître. Chacun veut plus de bijoux, plus d'argent, plus de voitures, et je suis là à leur dire d'y renoncer, d'entrer en contact avec leur coeur et de commencer à être bons les uns pour les autres, au lieu de s'entre-déchirer.

Voyez-vous, j'ai le terrible sentiment—en fait, c'est une certitude—que le coeur est absent de toute cette mécanique. Je le sais. Les parents veulent avoir des enfants pour satisfaire leur ego. Ils ont rarement des enfants parce que c'est quelque chose de sacré. En général, les parents ont des enfants parce qu'ils veulent y trouver leur propre reflet ou qu'ils veulent que leurs enfants puissent faire quelque chose qu'ils n'ont pas eu la possibilité de faire. Ils n'ont pas d'intention altruiste.

• 1305

Tant que nous ne partirons pas d'intentions altruistes, nous serons nuisibles. Si nous étions altruistes, nous chercherions moins à nous manipuler et à nous contrôler les uns les autres, et nous nous contrôlerions plus nous-mêmes. Je crois que personne n'a utilisé le terme discipline aujourd'hui. Tout ce qu'il nous faut, c'est de l'autodiscipline.

La présidente: Merci, madame Kalsang. Je ne manquerai pas d'informer le ministre qu'il a une nouvelle adepte.

Nous passons maintenant à M. Lunney.

M. James Lunney (Nanaïmo—Alberni, AC): Merci, madame la présidente.

Je remercie les témoins de leurs excellents exposés. Ce débat soulève des questions qui vont au coeur même de l'essence de l'humanité. La plus profonde de nos expériences humaines, et la plus intime, c'est l'expérience de la procréation. C'est précisément pour cela, à mon avis, et contrairement à ce que disait tout à l'heure mon collègue, que le comité a invité les représentants de diverses fois à venir en discuter avec lui. Ces questions sont extrêmement importantes. Elles touchent au fondement même de nos croyances en tant qu'êtres humains. Nous sommes donc heureux de pouvoir en discuter avec vous.

La notion de famille, des relations, des enfants, de la possibilité pour les enfants de connaître leurs parents—bon nombre des questions profondes que vous avez soulevées sont fondamentales. Pour reprendre ce qu'a dit plus tôt Mme Kalsang, le simple fait de pouvoir faire quelque chose ne veut pas dire que nous devrions le faire.

Pour ce qui est de la chimère, la création d'hybride animal-humain, il existe des pratiques très douteuses. Comme vous l'avez dit, vous vous demandez pourquoi certains tiennent à faire ce genre de recherche. Cependant, comme l'un de vous l'a mentionné, nous sommes sur le point de faire des percées scientifiques très intéressantes. Dans le Globe and Mail d'hier, on parlait de la possibilité d'utiliser des cellules souches adultes pour recréer les muscles sphincters de la vessie, et de pouvoir isoler les cellules souches adultes de la même personne pour créer du tissu cardiaque dans le cas d'un infarctus du myocarde. Des réalisations scientifiques incroyables sont à notre portée.

Je crois vous avoir entendu dire que cette option particulière serait un aspect préféré de la recherche. Si nous consacrons des sommes importantes dans ce domaine, y a-t-il quelque chose qui vous serait plus acceptable, au sein de cette collectivité de croyants?

La vice-présidente (Mme Judy Sgro): À qui posez-vous la question, monsieur Lunney?

M. James Lunney: Je la pose à ceux qui s'intéressent à y répondre, et surtout nos amis catholiques, et je crois que Bruce en a parlé également.

Mme Jennifer Leddy: Oui, je dirais un oui retentissant pour une recherche sur les cellules souches adultes, absolument. Les attachés de recherche de ce comité pourraient peut-être vous fournir une liste de toute la recherche qui a été effectuée sur la thérapie de cellules souches adultes. Nous vous suggérons de vous procurer une bonne liste de ce qui se fait en ce moment.

La vice-présidente (Mme Judy Sgro): Monsieur Clemenger.

M. Bruce Clemenger: C'est un projet de loi fondé sur les choix, et par le truchement des interdictions, nous disons, non, il ne faut pas s'aventurer là. Nous suggérons qu'il serait peut-être possible d'adopter cette orientation en utilisant des règlements.

La recherche sur les cellules embryonnaires adultes, d'après ce que j'ai lu, est très prometteuse. Selon ce que nous avons entendu la semaine dernière, ça ne donne pas lieu à des contestations sur le plan éthique. Aucun d'entre nous n'a suggéré que cela pourrait porter atteinte à nos croyances, bien qu'il s'agisse peut-être d'un énoncé trop général.

Je crois que nous pourrions adopter cette orientation. Prenons le chemin moins achalandé. Nous devrions chercher à financer les possibilités qui pourraient guérir des maladies. Il faudrait se concentrer sur cela plutôt que sur ce qui pourrait menacer la dignité humaine et porter atteinte aux croyances morales d'un grand nombre de Canadiens.

Et cette option existe, c'est-à-dire la recherche sur les cellules embryonnaires ou les cellules souches adultes. Nous savons que ces possibilités peuvent créer de graves difficultés pour bon nombre de Canadiens. Même les éthiciens ont reconnu la semaine dernière, non pas du point de vue de la foi mais plutôt dans une perspective d'éthique, que la recherche sur les embryons, ou, du moins, leur destruction, soulève un problème d'éthique. Ils sont aux prises avec ce dilemme.

• 1310

Puisque l'autre possibilité existe, pourquoi ne pas y consacrer toutes nos énergies? C'est ce que nous devrions financer. Demandons aux IRSC de poursuivre cette gamme de possibilités plutôt que de faire quelque chose de controversé et qui porte atteinte à la dignité humaine.

La vice-présidente (Mme Judy Sgro): Madame Kalsang.

La vén. Tenzin Kalsang: J'aimerais ajouter que nous, les bouddhistes, croyons qu'un embryon, après 30 jours, est...et je ne sais pas si j'ai la bonne terminologie, mais je vais m'en tenir à ceci. Après 30 jours, si un être est détruit, les bouddhistes considèrent qu'il s'agit d'un meurtre.

C'est le karma, qui signifie que toute personne est responsable de ses actes, mais, bien entendu, ces personnes doivent savoir quelles seront les conséquences de leurs actes. Donc, si, par exemple, certaines personnes participent à la fabrication d'embryons pour faire des cellules souches, c'est quelque chose qui va leur coûter très cher, parce qu'ils vont devoir détruire la vie de cet être afin de pouvoir «récolter» les cellules souches, si c'est bien l'expression que l'on doit utiliser. C'est comme une nouvelle langue.

De toute façon, même si cela peut sembler très innocent, probablement comme une petite tache, c'est un être humain après 30 jours.

Dans d'autres traditions on dirait peut-être «Le bon Dieu va vous punir si vous détruisez cet être», mais nous disons que votre vie sera écourtée si vous détruisez un être qui est âgé de plus de 30 jours. Il faut donc expliquer aux scientifiques qu'il est dangereux de détruire la vie de cet être. Nous sommes tous doués de sensations, c'est-à-dire que nous pouvons ressentir la douleur et le plaisir. Même les cafards ressentent la douleur et le plaisir, et donc, nous vénérons les cafards aussi.

Il s'agit tout simplement de dire aux scientifiques «Attention à ce que vous faites à votre propre karma».

La présidente: Merci, madame Kalsang.

Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie d'être là. Cela a été très intéressant. On voit que la foi, nos croyances et nos valeurs sont partagées différemment, mais je pense qu'on se rejoint quelque part dans notre cheminement spirituel: le respect de la dignité humaine. Tout le monde est d'accord sur ça.

Vénérable, vous m'avez vraiment touchée par vos propos que j'ai trouvés d'une très grande sagesse. On est maintenant au XXIe et les techniques existent déjà. Je sais que nous devons nous battre de toutes nos forces, avec tous les moyens que nous avons, contre l'emploi de certaines techniques, comme le clonage à des fins de reproduction. Pour ma part, je vais le faire jusqu'à la fin. Je trouve que c'est vraiment aller contre la dignité humaine. Si jamais on acceptait cette technique, c'en serait fini de ce monde pour moi.

Cependant, à l'heure actuelle, certains pays ont déjà accepté que la recherche aille dans le sens de l'emploi de certaines techniques à des fins thérapeutiques. Je sais que dans certains laboratoires, on pourra dorénavant, à partir de cellules souches adultes, construire un clone de votre propre corps si vous êtes malade. À l'heure actuelle, la grande difficulté de la transplantation d'organes est le rejet. À cause de certains phénomènes biologiques, le receveur rejette souvent l'organe qu'on vient de lui implanter. Pour éviter cette difficulté et parce qu'il y a plein de gens malades qui attendent des dons d'organes, cette technique sera employée à des fins thérapeutiques.

• 1315

Je me demande si on doit le faire. Personnellement, je serais portée à être en faveur de cela, car si mon enfant était malade et que je savais qu'on peut le guérir au moyen d'une de ses cellules, je serais incapable comme mère de dire non à cette pratique. J'aimerais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

La vén. Tenzin Kalsang: J'ai une opinion là-dessus. Les Bouddhistes croient que le karma régit tout ce qui se passe; vous avez dit que certaines personnes rejettent des organes transplantés. Nous croyons que ceux dont le karma le permet ne rejetteront pas l'organe. Certains n'ont pas le karma. Nous disons que si ces personnes n'ont pas créé les causes et les conditions pour rendre une telle procédure thérapeutique, elles vont rejeter l'organe et elles vont mourir.

Nous pouvons donner à deux personnes le même type de médicament—une pilule, disons—qui produira un effet chez une personne mais pas chez l'autre. C'est parce que dans leur vie passée elles n'ont pas créé le karma.

Nous pouvons donc faire ce que nous voulons. Nous pouvons administrer les médicaments que nous voudrons. Si cela fonctionne, c'est parce que les patients ont créé le karma pour qu'il en soit ainsi. Si cela ne fonctionne pas, c'est parce qu'on a pas créé le karma. C'est vraiment une épreuve décisive. Quand on réussit, c'est le destin. Et quand on ne réussit pas, c'est parce que ça ne devait jamais se réaliser.

Prenons, par exemple, les effets secondaires. J'ai entendu dire qu'il n'y a pas de vrai contrôle sur l'utilisation des cellules souches, et que ces cellules peuvent être injectées, si c'est bien la façon de les administrer, à une fin particulière avec un résultat qui n'est pas du tout ce qu'on avait espéré ou voulu. Ce qui importe, comme je l'ai dit, c'est l'intention. Si on a l'intention de faire du bien et non du mal, il s'agit d'une action qui est pure. Si on est à la recherche de l'argent ou de la gloire—et je parle du scientifique—c'est comme si on empoisonnait le monde.

La vice-présidente (Mme Judy Sgro): Merci.

Un dernier commentaire, car nous n'avons plus de temps.

Madame Rehman, un bref commentaire.

Mme Farhat Rehman: Permettez-moi de vous citer un exemple. J'avais une belle-soeur qui avait eu une transplantation de valvule cardiaque. Comme vous le savez, les Musulmans ne mangent pas la viande de porc. Dans sa tête, cette valvule, qu'on avait développée à partir de cellules de porc...elle ne l'a pas acceptée, et elle est morte. Il ne s'agit pas cependant d'une perspective islamique. Il est tout simplement interdit de manger la chaire. Toute recherche qui se fait, tout matériel qui est développé pour améliorer la capacité de vivre plus longtemps... Tout ce qui était important, c'était que l'intervention soit une réussite.

Si on lui avait dit qu'il s'agissait d'un produit humain, elle l'aurait accepté.

La vice-présidente (Mme Judy Sgro): Aucun lien avec le porc.

Mme Farhat Rehman: Oui.

La vice-présidente (Mme Judy Sgro): Je vous remercie.

Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

M. Réal Ménard: Nos questions sont terminées. Cependant, pour nos travaux futurs, je pense que nous allons convenir qu'on ne peut pas poursuivre. De toute façon, il n'y a pas quorum. Est-ce que vous allez vous assurer que la présidence convoque une séance du comité mardi matin pour ses travaux sur les dons de sang?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Judy Sgro): C'est la présidente qui va décider. Malheureusement, à cause de contraintes de temps, la présidente a dû nous quitter pour participer à une autre réunion. Ce sera à la présidente de décider si nous allons nous réunir mardi prochain.

Au nom du comité et de la présidence, j'aimerais remercier tous les témoins qui nous ont aidé à approfondir nos connaissances sur cette question. Je sais que vous allez suivre notre progression, et nous allons peut-être nous revoir pendant notre cheminement.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Madame la présidente....

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Judy Sgro): Oui, monsieur Charbonneau.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Je comprends que c'est la décision de la présidente, mais je voudrais dire ici qu'il serait important que cette réunion ait lieu la semaine prochaine. Nous pourrions ainsi disposer de cette question. Je me permets de dire que je représente, sur cette question, le point de vue de ceux qui ne sont pas là en disant cela.

• 1320

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Judy Sgro): Très bien, nous allons prendre note et j'en discuterai avec Mme Brown plus tard.

La séance est levée.

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