HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HEALTH
COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 8 novembre 2001
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs.
La séance est ouverte. Bienvenue à nos témoins.
Nous entendrons ce matin des représentants du Conseil canadien des ingénieurs professionnels, du London Health Sciences Centre, de l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité et du Conseil national des femmes, dans cet ordre- là, je pense. Nous allons commencer par le Conseil canadien des ingénieurs professionnels. Je ne sais pas lequel des deux représentants va nous faire sa présentation: Marie Lemay, qui est chef de la direction, ou John Runciman, qui est professeur à la faculté de génie de l'Université de Guelph.
Mme Marie Lemay (chef de la direction, Conseil canadien des ingénieurs professionnels): Je vais commencer, madame la présidente, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
La présidente: Merci. Allez-y.
Mme Marie Lemay: Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir invités à nous adresser à vous aujourd'hui.
Certains d'entre vous—ou peut-être tous—se demandent probablement ce que les ingénieurs ont à voir avec l'assistance à la procréation. Eh bien, j'espère que la séance d'aujourd'hui vous apportera la réponse à cette question.
Je m'appelle Marie Lemay. Je suis chef de la direction du CCIP, et je suis moi-même ingénieure.
Je suis en compagnie de M. John Runciman, qui est ingénieur professionnel. Il est professeur adjoint en bioingénierie à l'Université de Guelph. Il fait partie des nombreux bénévoles qui travaillent à la promotion du génie au Canada. Il a coprésidé récemment le groupe de travail des ingénieurs professionnels de l'Ontario sur la bioingénierie et a participé à la recherche qui a mené à la rédaction de notre mémoire.
Nous représentons le Conseil canadien des ingénieurs professionnels, qui se compose des 12 organismes de réglementation provinciaux chargés d'octroyer des permis d'exercice aux ingénieurs du Canada. Le conseil représente plus de 160 000 ingénieurs.
[Français]
Ces ingénieurs sont responsables de la santé et de la sécurité des Canadiens et Canadiennes dans tous les domaines qui comportent du travail d'ingénierie.
En vertu de la loi, nos associations et ordres constituants ont l'obligation de protéger la santé et la sécurité du public. La loi stipule que nous devons veiller à ce que seules les personnes ayant reçu la formation voulue, qui sont entièrement compétentes et qui sont titulaires d'un permis d'exercice de la profession d'ingénieur effectuent des travaux d'ingénierie au Canada.
Madame la présidente, l'assistance à la procréation est un peu comme une arme à double tranchant. D'un côté, elle donne espoir aux couples stériles et s'annonce très prometteuse pour le traitement de maladies. De l'autre côté, toutefois, il y a le risque important de compromettre la santé humaine et de permettre à la science de franchir des frontières, les frontières de ce qui est acceptable, du moins du point de vue moral.
Les ingénieurs reconnaissent l'équilibre qu'il faut maintenir et nous appuyons fortement le besoin, pour le gouvernement du Canada, de légiférer dans ce domaine. J'ajouterais que nous apprécions la décision du gouvernement de procéder au moyen d'un avant-projet de loi au lieu de déposer un projet de loi proprement dit, prenant ainsi le temps voulu pour procéder à l'étude, à la discussion et à la réflexion sur cet enjeu complexe, avec les citoyens du Canada.
Nous sommes donc ici aujourd'hui pour vous expliquer le rôle des ingénieurs dans l'assistance à la procréation et pour faire des recommandations que, à cause du cadre de la réglementation actuelle au Canada en matière de génie, nous considérons comme méritant d'être abordées dans toute loi sur l'assistance à la procréation.
[Traduction]
Les ingénieurs sont mêlés de près aux activités de recherche, de mise au point et de mise en oeuvre touchant les procédés, les systèmes, l'équipement et l'instrumentation nécessaires à l'assistance à la procréation. Ils travaillent dans de nombreuses disciplines différentes: le génie chimique, le génie électrique, le génie mécanique et la science des matériaux, pour n'en nommer que quelques-unes.
Pour vous donner une idée du rôle des ingénieurs dans les pratiques médicales d'assistance à la procréation, j'ai demandé à M. Runciman de vous fournir quelques exemples de ce que font les ingénieurs biomédicaux.
Monsieur Runciman.
M. John Runciman (professeur adjoint, faculté de génie, Université de Guelph): Merci, Marie.
Je suis bioingénieur, et ce qu'il y a d'étrange dans la bioingénierie, c'est que presque tous ceux à qui je pose la question ont une impression différente de ce que je fais exactement. Pour certains, je suis ingénieur biomédical, pour d'autres, je suis ingénieur orthopédiste, et pour d'autres encore, je pourrais même être ingénieur en mécanique.
En réalité, les bioingénieurs travaillent dans des domaines aussi diversifiés que l'agriculture et l'aquaculture, la foresterie, la production alimentaire, l'industrie des boissons, la conception et la production d'équipement médical, les appareils et les techniques d'orthopédie et de rééducation, l'ergonomie et la biochimie. En gros, les bioingénieurs allient les pratiques de génie aux sciences biologiques.
• 1140
Alors, qu'est-ce que les ingénieurs viennent faire dans le
domaine de l'assistance à la procréation? Eh bien, de façon
générale, leur contribution se situe à deux niveaux: premièrement,
l'élaboration, l'optimisation et l'analyse des procédés utilisés,
et deuxièmement, la mise au point de certains appareils spécialisés
servant à l'assistance à la procréation. Cette contribution inclut
également la mise au point technique des logiciels et des
ordinateurs utilisés dans certains de ces appareils.
Je voudrais vous parler un peu plus longuement de ces deux aspects et vous fournir un peu d'information supplémentaire sur ce que vais vous expliquer. Premièrement, les ingénieurs jouent un rôle essentiel à peu près chaque fois qu'un procédé passe du laboratoire à la production. C'est le cas dans des domaines aussi divers que l'industrie de l'acier et celle des boissons. Partout où on produit quelque chose, il y a des chances qu'un ingénieur ait participé à la transition entre la mise au point à petite échelle, en laboratoire, et la production à grande échelle.
Les ingénieurs ont la formation nécessaire pour surmonter les difficultés que comporte ce genre de transition. La qualité, la sécurité et l'efficience sont toutes de première importance. Les ingénieurs sont formés pour travailler dans des équipes multidisciplinaires, qui sont extrêmement courantes, surtout dans le domaine médical. Il y a dans ces équipes des scientifiques, des médecins, des fournisseurs d'équipement et des technologues de laboratoire qui travaillent tous ensemble dans un but commun. Dans ce genre d'environnement, l'ingénieur fait généralement office de facilitateur, de gestionnaire de projet et, à l'occasion, d'expert technique.
Dans la production d'appareils, il faut voir comment le travail des ingénieurs s'arrime à celui des médecins, des scientifiques et des technologues pour la mise au point de l'équipement et des techniques spécialisés servant à l'assistance à la procréation. Prenons l'exemple de la microtechnologie. Les techniques d'assistance à la procréation requièrent de l'équipement extrêmement précis, qui doit être biocompatible et, souvent, qu'un médecin ou un technicien peut manipuler lui-même.
L'équipement qui permet à un technicien de prendre littéralement un spermatozoïde par la queue avant de le placer dans l'ovule en est un exemple typique. De même, on se sert de lasers, d'appareils d'échographie et d'autres types d'équipement qui sont tous mis au point avec l'aide d'ingénieurs.
Le tri des différents types de sperme en fonction de leur contenu d'ADN est un autre exemple. L'équipement nécessaire à cette fin est conçu grâce aux compétences des ingénieurs. Les appareils et les procédés utilisés pour l'assistance à la procréation, ainsi que les exigences techniques à cet égard mettent en évidence les compétences des ingénieurs qui travaillent dans ce domaine. Tout cela ne devient réalité que grâce à la fusion de la microtechnologie, du génie et des sciences biologiques.
[Français]
Mme Marie Lemay: Merci. L'analyse des tendances futures que nous avons effectuée indique que la volonté d'améliorer le taux de réussite en technologie de reproduction encouragera sans doute la poussée vers l'élaboration de nouvelles techniques, de nouveaux systèmes et de nouveaux matériaux.
Aucun d'entre nous ne serait ici aujourd'hui si l'intérêt pour la biotechnologie et la bioingénierie, et pour leur utilisation, n'augmentait pas si rapidement. Chaque nouvelle demande de technologie améliorée et de nouveaux systèmes en assistance à la procréation vient confirmer davantage le rôle joué par les ingénieurs au sein de l'équipe biomédicale.
À mesure que l'industrie progresse, le nombre d'ingénieurs évoluant dans ce domaine augmentera. Ce qui nous amène à la raison principale de notre présence ici aujourd'hui, madame la présidente.
Au Canada, le génie est une profession réglementée. Seules les personnes compétentes qui ont la formation voulue et qui sont titulaires d'un permis décerné par un organisme de réglementation provincial peuvent légalement exercer la profession d'ingénieur au Canada.
En tant qu'organismes de réglementation, nos associations provinciales sont tenues par la loi de fixer et d'évaluer les normes d'admissibilité à la profession, d'établir et de faire respecter les normes d'exercice de la profession et le code de déontologie, de veiller à ce que seules les personnes compétentes exercent la profession d'ingénieur et d'imposer des mesures disciplinaires aux ingénieurs qui contreviennent aux normes d'exercice de la profession ou au code de déontologie, ou aux deux à la fois.
Le Conseil canadien des ingénieurs est ici pour faire en sorte que les systèmes de réglementation, comme celui dont il est question dans l'avant-projet de loi, respecte les lois provinciales existantes relativement à la profession d'ingénieur et aux autres professions autoréglementées.
Au nom des ingénieurs canadiens, nous aimerions présenter nos recommandations sur trois aspects de la loi. Premièrement, nous appuyons la position de l'Association médicale canadienne, des membres de la Coalition canadienne de la santé et des autres intervenants qui ont demandé que la loi ne prévoie pas de sanctions pour certaines activités scientifiques ou certaines activités de recherche médicale en particulier. Nous recommandons plutôt que la loi criminalise les activités menées sans permis ou au mépris des conditions d'octroi de permis établies par l'organisme de réglementation national dont il est question dans l'avant-projet de loi.
Deuxièmement, nous recommandons fortement que l'avant-projet de loi donne des précisions sur l'organisme de réglementation national qui serait chargé de superviser les activités d'assistance à la procréation. Nous trouvons important de définir son mandat, ses fonctions, sa structure, sa composition, ses mécanismes de reddition de comptes et sa situation hiérarchique. En même temps, toutefois, nous sommes d'avis que la loi devrait reconnaître les fonctions de réglementation existantes des professions qui s'autoréglementent au Canada et inclure les pouvoirs que leur accorde la loi dans le cadre réglementaire fédéral. Nous entrevoyons un organisme de réglementation fédéral qui n'aurait compétence que sur les secteurs qui ne sont pas déjà couverts par d'autres organismes de réglementation, par exemple les 12 organismes canadiens qui octroient des permis d'exercice aux ingénieurs ou ceux qui régissent la pratique de la médecine.
Nous recommandons que cet organisme fédéral comprenne, en vertu de la loi, des professionnels de la santé, des ingénieurs, des avocats, des scientifiques, des personnes infertiles et d'autres membres de la société canadienne. En raison des évidents facteurs éthiques liés à l'assistance à la procréation, nous recommandons que la loi prévoie expressément la création d'un nouveau conseil d'éthique ou le recours aux organismes existants. Il est essentiel à notre avis que les ingénieurs, qui sont des membres clés des équipes multidisciplinaires travaillant à la procréation assistée et des professionnels liés par un code de déontologie, soient représentés dans tout organisme s'occupant de considérations éthiques.
Pour finir, madame la présidente, je voudrais passer aux recommandations qui se rattachent directement au génie. J'espère que notre mémoire et notre présentation d'aujourd'hui auront fait comprendre aux membres du comité à quel point les ingénieurs sont mêlés de près aux travaux d'assistance à la procréation. Même si le domaine de la bioingénierie en est encore à ses débuts, les ingénieurs jouent déjà un rôle bien établi. Grâce à nos études continues et à nos liens avec la profession dans tout le Canada, nous sommes très conscients du nombre croissant d'ingénieurs qui s'intéressent à ce domaine, avec l'utilisation de plus en plus généralisée des techniques de reproduction de pointe. Il n'y a qu'à regarder la popularité de plus en plus grande de la bioingénierie dans nos universités pour constater cette croissance. Les ingénieurs demandent instamment au gouvernement fédéral de reconnaître leur rôle, leur contribution et leurs pouvoirs de réglementation dans les travaux de génie liés à la procréation assistée.
Nous recommandons par conséquent que l'avant-projet de loi et son règlement reconnaissent que toutes les activités de génie se rattachant à l'assistance à la procréation doivent être effectuées par des ingénieurs accrédités. Les Canadiens pourront ainsi avoir la certitude que ce travail est réalisé par des gens qui possèdent les compétences et l'expérience nécessaires, et qui se sont engagés à respecter des normes d'excellence et un code de déontologie.
Ces recommandations sont essentielles pour protéger la sécurité de la population, compte tenu de l'émergence de nouvelles pratiques de procréation assistée. C'est ce qui motive en particulier notre dernière recommandation, à savoir que les ingénieurs soient mentionnés explicitement, aux côtés des professionnels de la santé, à l'alinéa 17c) existant, ainsi que dans toute modification ou tout renvoi futurs touchant cette disposition.
Madame la présidente, nous sommes pleinement conscients de l'importance de ce premier effort de législation fédérale en matière d'assistance à la procréation. Nous félicitons les membres du comité pour leurs efforts en vue d'élaborer une loi qui établira un juste équilibre entre les promesses des technologies d'assistance à la procréation et les risques qu'elles présentent sur les plans de la santé humaine, de l'exploitation commerciale et du développement de techniques inacceptables et contraires à l'éthique. Le Conseil canadien des ingénieurs professionnels remercie le Comité permanent de la santé de lui avoir permis de participer au processus de consultation sur cet avant-projet de loi qui marquera une étape cruciale.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci, madame Lemay et monsieur Runciman.
Nous entendrons maintenant Jean Haase, qui est travailleuse sociale à la clinique d'infertilité du London Health Sciences Centre.
Madame Haase.
Mme Jean M. Haase (travailleuse sociale, clinique d'infertilité, London Health Sciences Centre): Merci.
Puisque je prône depuis longtemps l'adoption de lois et de règlements dans ce domaine, je tiens d'abord à remercier le comité de m'avoir invitée à faire une présentation aujourd'hui.
Je suis travailleuse sociale et je travaille depuis neuf ans dans une clinique d'infertilité rattachée à un hôpital universitaire. Cette clinique est loin d'être typique en ce sens que les services de counselling et les services de soutien spécialisés en travail social et en psychologie y font partie intégrante des services offerts depuis des années. Je crois bien être la seule travailleuse sociale employée à plein temps dans une clinique de ce genre au Canada.
• 1150
J'ai eu l'occasion de prendre la parole dans beaucoup
d'ateliers et de congrès sur divers aspects du traitement de
l'infertilité, mais je me suis surtout intéressée aux aspects
éthique et psychosocial de l'insémination artificielle par donneur.
J'ai écrit diverses choses sur le sujet et j'ai offert des services
de consultante à Santé Canada et au comité consultatif, ainsi qu'à
mes collègues professionnels au niveau international.
J'ai fondé il y a quatre ans un réseau de soutien pour les gens qui ont bâti leur famille de cette façon. Certains parents du groupe ont envoyé au comité des mémoires dont l'élaboration et la rédaction leur ont pris beaucoup de temps. Ils auraient bien aimé venir vous parler en personne, et j'espère sincèrement que leurs voix ne se perdront pas dans le débat entre professionnels.
On m'a demandé de vous présenter aujourd'hui mes réflexions et mon point de vue en tant que conseillère auprès des personnes touchées par les technologies de reproduction: les receveurs, les enfants et les familles. Les commentaires que je vais vous faire sont inspirés non seulement de ma propre expérience professionnelle, mais aussi de celle de certains collègues et de comptes rendus de recherche sur la question.
Dans le milieu médical, où sont fournis la plupart des services de traitement de l'infertilité, on accorde relativement peu d'importance aux aspects social, affectif et éthique de l'infertilité. Les consultations portent plus souvent sur les moyens à prendre pour amorcer une grossesse que sur les répercussions à long terme sur la vie familiale. Par conséquent, les gens qui ont des problèmes d'infertilité sont souvent privés du soutien affectif, de l'information et du counselling thérapeutique dont ils auraient grandement besoin.
La commission royale a constaté que de nombreux bénéficiaires de traitements contre l'infertilité auraient aimé avoir un meilleur accès à des services de counselling spécialisés. Diverses tribunes organisées à Toronto et ailleurs ont révélé que les consommateurs de ces traitements souhaitaient souvent que des services de ce genre soient plus facilement disponibles pour eux à toutes les étapes de leur expérience.
Le plus souvent, nous avons affaire à des gens qui ont un problème de fertilité quelconque, mais nous voyons parfois aussi des gens qui veulent éviter de transmettre une maladie génétique à leur enfant ou, dans le cas des femmes seules ou des couples de lesbiennes, des femmes qui n'ont pas de partenaire masculin. Certaines personnes savent dès le début de leur relation qu'elles vont avoir de la difficulté à concevoir, mais pour la plupart des gens, c'est un choc qui les plonge dans une véritable crise.
Le désir d'avoir un enfant est un souhait très important et très significatif, et pour des gens qui ont l'habitude de planifier tous les autres aspects de leur vie avec certitude et efficacité, la perte de contrôle de leurs propres fonctions de reproduction est extrêmement difficile à accepter.
La décision de subir un traitement—avec toutes les manipulations et tout l'inconfort que cela comporte—est encore plus difficile, d'autant plus que la réussite est loin d'être assurée.
Il y a toujours un stigmate social associé à l'infertilité. Les gens touchés se sentent souvent en marge de la société quand ils regardent autour d'eux et qu'ils constatent que tous les autres ont des enfants plus facilement qu'eux.
Quand l'intervention recommandée implique l'utilisation de gamètes d'une troisième ou d'une quatrième personne, comme dans le cas de l'IAD—l'insémination artificielle par donneur—, il y a une foule de questions éthiques et psychosociales très complexes qui se posent. Contrairement à la FIV—la fécondation in vitro—, où les aspects physiques du traitement sont souvent les plus difficiles, la technique de l'IAD est techniquement simple, mais la dynamique et les enjeux qui l'entourent sont souvent profondément complexes et suscitent de nombreuses interrogations.
Lorsqu'on prépare une personne ou un couple à toute forme de procréation assistée, il faut aussi tenir compte d'une tierce personne extrêmement importante: l'enfant à naître, dont il faut considérer les intérêts potentiels à long terme et qui ne peut pas exprimer son point de vue.
Le terme «counselling» est un terme plutôt générique qui est souvent mal compris. Je dirais que la majorité des membres des équipes médicales considèrent qu'ils conseillent les patients à un moment ou à un autre, qu'il s'agisse des infirmières qui discutent des différents aspects du processus de traitement ou des médecins qui expliquent à leurs patients les risques, les avantages ou les effets secondaires possibles. Cependant, il faut établir une nette distinction entre les activités de counselling qui mettent généralement l'accent sur l'information médicale et celles qui sont assurées par des professionnels comme les travailleurs sociaux ou les psychologues, dont les intérêts, la formation et les compétences se situent dans le domaine social et psychosocial, et qui sont les professionnels les plus aptes à mettre l'accent sur l'enfant à naître et sur les conséquences du traitement pour la famille formée par son arrivée.
On croit souvent—à tort—que le counselling n'est nécessaire que pour les patients qui ont des problèmes de santé mentale ou qui traversent une crise, alors que le conseiller peut souvent aider les gens à replacer leur situation dans une juste perspective et à y faire face plus efficacement.
Les conseillers peuvent devoir aborder de très nombreux aspects de la question: aider les gens à prendre des décisions difficiles, par exemple au sujet du sort des embryons congelés; les aider à faire un choix entre différents traitements de pointe comme l'IIS ou l'IAD; les aider à gérer leur stress et à mieux faire face aux conséquences émotives de la situation; leur offrir du counselling matrimonial, puisque l'infertilité impose des pressions énormes sur les relations conjugales; les aider à vivre leur deuil, puisque l'infertilité est une immense perte à bien des égards; leur fournir de l'information et de la préparation sur les enjeux de la conception par donneur; examiner avec eux les moyens de discuter de la question avec leurs enfants et les autres membres de leur famille; et parfois les envoyer à d'autres services offerts dans leur communauté, par exemple les services d'adoption et de foyers d'accueil, ou les ressources spécialisées dans l'aide aux gens qui vivent des naissances multiples. Et surtout, nous devons souvent aider les patients à prendre la décision très difficile de mettre fin au traitement et d'envisager de passer le reste de leur vie sans enfants.
• 1155
Il y a peu de cliniques au Canada qui emploient un conseiller
à plein temps, quoique certaines puissent envoyer leurs patients à
un conseiller de pratique privée ayant de l'expérience dans le
domaine de l'infertilité. Dans ce dernier cas, le patient doit
payer directement le conseiller, alors que ce coût est
habituellement inclus quand le counselling est fourni dans le cadre
d'une clinique. Lorsque le counselling est intégré aux services de
la clinique, il est parfois plus facile de le présenter comme un
aspect ordinaire de la préparation au traitement, ce qui montre aux
receveurs qui se trouvent dans cette situation que l'infertilité
n'est pas seulement un problème médical et que l'équipe accorde
également de l'importance à leurs besoins émotifs et à leurs
préoccupations psychosociales.
Le conseiller, qui fait alors partie d'une équipe, peut probablement mieux représenter les intérêts des patients et peut faciliter leurs contacts avec le personnel médical. Il peut former le personnel et le sensibiliser aux aspects psychosocial et émotif associés aux soins dispensés aux patients. Le conseiller, dans une clinique, est aussi plus accessible si un patient traverse une crise, par exemple si on ne voit pas battre le coeur du foetus à l'échographie, si des embryons congelés ne survivent pas à leur dégel ou si une grossesse multiple est diagnostiquée.
On peut cependant soutenir qu'un conseiller qui fait partie de l'équipe de traitement n'est pas toujours perçu comme étant parfaitement indépendant.
D'un autre côté, le counselling en infertilité en dehors des cliniques peut donner l'impression que ce service n'est nécessaire que pour les gens qui ont une quelconque faiblesse émotive ou qui ont beaucoup de mal à faire face à la situation. Et les conseillers indépendants, qui doivent compter sur les renvois des professionnels de la santé pour avoir des clients, et par conséquent des revenus, se rendent compte parfois qu'on s'attend à ce qu'ils adaptent leurs conseils en conséquence afin de continuer à recevoir des patients.
Le counselling obligatoire a ses avantages et ses inconvénients. Dans certains endroits où il est obligatoire, par exemple dans l'État de Victoria en Australie, il est parfois considéré comme une simple procédure d'approbation ou comme une formalité de plus à remplir. Certains conseillers de là-bas se sont plaints du fait que les séances de counselling sont souvent prévues pour le jour même du début du traitement, ce qui limite sérieusement leur utilité.
Je suis cependant convaincue que, lorsque le don de gamètes est envisagé, les donneurs comme les receveurs devraient recevoir un counselling préparatoire.
L'expérience acquise en matière d'adoption a démontré que les parents qui élèvent un enfant avec lequel ils n'ont pas de liens génétiques subissent des pressions particulières, en plus de celles qui sont associées au rôle de tous les parents. Il n'existe pas vraiment d'études de suivi à long terme sur les familles créées grâce à la conception par donneur, mais un certain nombre de sources semblent indiquer que ces familles sont souvent soumises à de nombreuses sources de stress. Il faut dire que la principale source de stress est le secret imposé ou fortement encouragé par les cliniques, et en particulier par les médecins. Il en a résulté un stigmate social associé à la conception par donneur, qui n'a vraiment pas aidé à la création de familles saines.
Au sujet de la législation et de la réglementation, j'ai déjà soumis un mémoire contenant un certain nombre de commentaires sur des aspects comme la commercialisation et le consentement éclairé; je vais me contenter aujourd'hui d'aborder une ou deux de ces questions.
Le préambule, qui évoque la nécessité primordiale de mesures visant à protéger les intérêts des enfants puisqu'ils sont les premiers touchés par les technologies de reproduction, doit insister sur la nécessité de protéger les droits et les intérêts des enfants conçus grâce à ces technologies. Pour le moment, cependant—ce qui est conforme au modèle médical dominant—, ce sont souvent les intérêts et les droits des adultes—autrement dit des donneurs, des receveurs et des fournisseurs de services—qui prédominent. Je pense qu'il sera peut-être difficile d'appliquer et d'interpréter le principe de la protection des intérêts des enfants.
Dans les cas où il n'y a pas de conseiller et où la définition des intérêts des enfants est laissée à des professionnels qui ont plutôt l'habitude de songer à l'aspect médical des choses, comment ces intérêts seront-ils évalués? Serait-il approprié de s'attendre à ce que les conseillers soient les seuls juges de la convenance des candidats envisagés?
• 1200
Certaines personnes considèrent le traitement de l'infertilité
comme un droit, quel que soit le bien-fondé de leur demande.
L'organisme de réglementation, lorsqu'il sera créé, devrait pouvoir
aider les fournisseurs de services en leur offrant des lignes
directrices permettant de faire en sorte que le bien-être des
enfants soit défini et qu'il prenne la place primordiale qui lui
revient.
Pour ce qui est de l'établissement d'un registre des naissances, je considère que c'est un aspect essentiel et très souhaitable de la réglementation. Il est très inquiétant, à l'heure actuelle, que le nombre d'enfants nés de chaque donneur soit inconnu. Un registre assurera un certain contrôle à cet égard et permettra d'éviter la destruction des dossiers futurs. Si un registre des naissances doit être créé bientôt, il est important de souligner que cela entraînera fort probablement des problèmes pour les enfants qui n'ont pas accès aux dossiers qui les concernent ou qui craignent que, si ces dossiers existent, ils soient détruits un de ces jours.
Pour l'élaboration de ce registre des naissances, il est cependant important que le statut juridique de toutes les personnes nommées dans ce registre soit clarifié en vertu de la loi. Compte tenu du vide juridique actuel concernant la conception par donneur dans la plupart des provinces, l'exigence relative à l'inscription des donneurs dans un registre pourrait être un élément dissuasif si ces donneurs ne sont pas protégés par la loi.
De même, certains parents d'enfants conçus avec l'aide d'un donneur se disent préoccupés par l'absence de statut juridique pour la méthode qu'ils ont choisie afin de fonder leur famille. Ils constatent que les donneurs de sperme ou d'ovules n'ont ni droits, ni responsabilités aux yeux de la loi. Ils aimeraient que ce problème soit corrigé.
L'aspect de la réglementation qui me préoccupe le plus se rattache à l'apparente contradiction qu'il y a, à mon avis, à placer les droits des enfants conçus grâce aux technologies de reproduction au-dessus de tout le reste tout en proposant la mise en place d'un système potentiellement discriminatoire envers eux, en termes d'accès aux renseignements permettant d'identifier les donneurs des gamètes dont ils sont issus.
La proposition visant à permettre aux donneurs de choisir librement, en tant qu'adultes, de ne pas autoriser la divulgation de leur identité fait en définitive passer leurs droits avant ceux de leur progéniture. Ce système entraînerait une certaine forme de discrimination, qui pourrait à mon avis être dangereuse pour les enfants et les familles de demain. Il est très possible que, selon ce système, des enfants conçus avec l'aide d'un donneur dans une même famille auraient des droits différents selon que leurs parents auraient choisi un donneur identifiable ou non, ou auraient eu accès à un tel donneur.
J'ai constaté un important changement dans les attitudes relatives à l'ouverture et au partage de l'information. Beaucoup de parents choisissent maintenant de parler ouvertement à leurs enfants et à leur famille de leur recours à une technologie comme l'IAD, et il semble bien que ceux qui ont eu recours au don d'ovules aient beaucoup moins tendance à garder la chose secrète. Mais parce qu'ils n'avaient guère d'autre choix que d'avoir recours à des donneurs anonymes, certains parents ont dit craindre que leurs enfants, en grandissant, soient troublés ou frustrés par l'impossibilité de connaître le donneur dont ils sont issus, si c'est ce qu'ils désirent.
Lors de notre dernière rencontre de groupe, des parents ont également exprimé certaines craintes au sujet de leur capacité de protéger la santé future de leur enfant en l'absence d'information médicale à jour.
De plus en plus d'adultes apprennent maintenant qu'ils ont été conçus avec l'aide d'un donneur, et beaucoup d'entre eux sont préoccupés par la perte de leur identité génétique, ce qui ressemble fort au point de vue des personnes adoptées dans des systèmes fermés.
Ces questions ne pourront que prendre de l'importance dans les années à venir, et je pense qu'il est approprié de s'attendre à ce que le gouvernement prenne des mesures pour protéger les droits futurs de tous les enfants qui naîtront grâce aux technologies de reproduction, et pas seulement de ceux dont les parents auront choisi un donneur identifiable.
Il faut redoubler d'efforts pour sensibiliser et informer le grand public sur ces nouvelles façons de fonder une famille parce qu'elles vont soulever de nombreuses interrogations à l'avenir. Ceux d'entre nous qui travaillent dans ce secteur vont devoir rendre des comptes et expliquer pourquoi ils n'ont jamais accordé suffisamment d'attention aux personnes dont les technologies de reproduction ont rendu la naissance possible.
Les conseillers risquent d'être de plus en plus souvent en contact avec des familles de ce genre, et certains auront peut-être du mal à s'adapter à la dynamique particulière qui s'y rattache. Leur rôle ne se termine pas nécessairement quand le traitement contre l'infertilité prend fin. Ils peuvent en effet assurer un suivi précieux auprès des familles.
Étant donné la création proposée d'un registre des naissances, les enfants conçus avec l'aide d'un donneur et les autres auront fort probablement des besoins associés à la divulgation de l'information contenue dans ce registre. Le règlement proposé n'est pas clair quant à savoir si chacun pourra déterminer si sa conception a effectivement été rendue possible par un don de gamètes.
En conclusion, les services de counselling favorisent une approche psychosociale plus holistique du traitement de l'infertilité. La nécessité d'avoir recours à des professionnels de la médecine n'a jamais fait aucun doute, mais on constate jusqu'ici dans ce domaine une certaine résistance à l'inclusion de services de counselling. La contribution, les connaissances, les compétences et les valeurs des professionnels offrant ces services sont souvent mal comprises.
• 1205
Il faut non seulement du counselling pour préparer les gens au
traitement ou pour les orienter dans leur réflexion, mais il serait
également très utile que les familles obtiennent de l'aide et du
soutien après coup.
Il est absolument nécessaire de former plus de conseillers prêts à travailler dans ce domaine. Le processus de formation et d'accréditation de ces conseillers pourrait reposer sur les normes existantes, par exemple celles qui ont été élaborées dans des pays comme le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Il pourrait également s'inspirer des normes actuelles applicables aux professions réglementées, par exemple le travail social et la psychologie.
L'octroi de permis aux cliniques devrait tenir compte de la disponibilité et de la qualité des services de counselling. Le counselling est souvent considéré comme une simple application du sens commun, plutôt que comme un domaine spécialisé au même titre que les autres disciplines représentées au sein de l'équipe de traitement.
Enfin, j'aimerais beaucoup que l'organisme de réglementation comprenne un conseiller qui connaît bien toutes ces questions. Nous ne devons pas oublier que, au-delà de toutes les merveilles scientifiques et techniques de la procréation assistée, l'objectif ultime est la création d'une famille, et non seulement la mise en train d'une grossesse.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, madame Haase.
Nous passons maintenant aux témoins de l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité. Nous recevons le Dr Barwin, qui nous a si généreusement accueillis dans sa clinique la semaine dernière. Il est en compagnie de Justine Espenant, l'ancienne directrice générale de cette association. Lequel de vous deux veut commencer?
Dr Norman B. Barwin (directeur, Clinique de gynécologie et d'infertilité, Ottawa; Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité): Merci beaucoup de nous avoir invités à vous présenter notre témoignage. Je suis content que Justine, qui a beaucoup travaillé à l'aspect législatif de la question, ait pu se joindre à moi aujourd'hui.
J'ai choisi de vous parler d'un nombre limité de questions plutôt que de vous faire une longue dissertation sur l'ensemble des enjeux législatifs.
Je tiens d'abord à souligner aux membres du comité que l'ACSI est une organisation nationale sans but lucratif vouée à la protection des consommateurs, qui offre du soutien et de l'information aux gens qui ont des problèmes d'infertilité. Par conséquent, puisque nous représentons les consommateurs, nous nous estimons bien placés pour commenter cet avant-projet de loi.
Un des problèmes, c'est que...
La présidente: Excusez-moi, docteur Barwin, je ne comprends pas ce que vous voulez dire quand vous dites que vous représentez les consommateurs.
Dr Norman Barwin: L'ACSI est une organisation de protection des consommateurs, pour laquelle je travaille bénévolement.
La présidente: Je ne comprends pas. Qu'est-ce que ces gens-là consomment?
Dr Norman Barwin: Désolé. C'est une organisation représentant les patients.
La présidente: Les patients, dites-vous?
Dr Norman Barwin: Oui.
La présidente: D'accord. Merci.
Dr Norman Barwin: Nous tenons à souligner que l'infertilité est un problème médical dont les profondes répercussions sociales et psychologiques nécessitent l'accès à un traitement sûr et efficace. Nous sommes également d'avis que la santé et le bien-être des patients infertiles et de leurs enfants constituent l'objectif primordial en fonction duquel les lignes directrices, les règlements et les lois doivent être évalués.
Les lois et règlements doivent être fondés sur des constatations concrètes, concilier les avantages et les risques des traitements contre l'infertilité, et respecter les principes de la justice et de l'équité. Nous constatons malheureusement, partout au Canada, que ces traitements ne sont pas accessibles à tous à cause du manque de services dans certaines régions du pays, et aussi du manque de fonds, et qu'il y a effectivement un système à deux niveaux, surtout dans le domaine des techniques d'assistance à la procréation.
Puisque l'infertilité a des conséquences profondes sur de nombreuses personnes, ce domaine de la médecine et de la science devrait être une priorité sur les plans des soins cliniques, de l'éducation et de la recherche. La pratique médicale doit être ouverte et responsable, tout en respectant la vie privée des patients et le caractère confidentiel de leurs rapports avec leur médecin.
Tout régime de réglementation doit pouvoir répondre avec efficacité et efficience à l'évolution rapide des branches de la médecine que sont la génétique et les sciences de la reproduction.
Nous applaudissons le dépôt de cet avant-projet de loi parce qu'il reconnaît l'importance de rendre le processus plus sûr et plus efficace en octroyant des permis aux banques de sperme. Cette partie de l'avant-projet de loi pourrait être mise en oeuvre à l'aide de normes et de critères de qualité pour les banques de sperme.
Nous sommes également heureux de constater que l'avant-projet de loi cherche à prévenir l'infertilité grâce à l'éducation, tout en gardant à l'esprit qu'il n'est pas toujours possible de la prévenir, par exemple dans le cas de l'endométriose.
En ce qui a trait à l'avant-projet de loi lui-même, je voudrais attirer l'attention du comité sur quelques-uns de ses aspects. Premièrement, nous soutenons que les donneurs de gamètes devraient pouvoir être indemnisés pour leurs dépenses légitimes. Ces indemnités ne doivent pas être assimilées à des frais pouvant être considérés par un observateur impartial comme un paiement pour leurs gamètes; autrement dit, elles doivent viser uniquement le remboursement de leurs dépenses.
• 1210
Au sujet du partage de gamètes... Par exemple, dans le cas de
la fécondation in vitro, il existe au Royaume-Uni un système selon
lequel une patiente qui a recours à la FIV, qui n'est pas
couverte... Si une patiente plus jeune donne un gamète, ses
dépenses peuvent être couvertes par quelqu'un qui a les moyens de
payer pour la fécondation in vitro. Nous croyons que le partage de
gamètes devrait être autorisé dans ces circonstances parce que,
souvent, les personnes qui n'en ont pas vraiment les moyens peuvent
avoir du mal à avoir accès aux nouvelles techniques de
reproduction. Ce mode de financement pour les traitements et ce
partage de gamètes pourraient permettre à des personnes qui n'en
auraient pas les moyens autrement de se payer cette procédure.
Nous sommes tout à fait d'accord pour que toutes les cliniques de fertilité soient tenues par la loi d'obtenir un permis et une accréditation au Canada. Comme vous le savez, lors de la dernière réunion de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, le comité a approuvé ce processus d'accréditation. Nous estimons aussi que les enfants conçus grâce aux technologies d'assistance à la procréation devraient avoir accès à tous les renseignements médicaux pertinents leur permettant d'identifier leurs parents biologiques. Nous pensons que l'idée d'un registre de donneurs, comme Jean l'a dit avec beaucoup d'éloquence, est un élément important dans ce domaine particulier du traitement de l'infertilité.
En ce qui concerne la recherche sur les embryons, il s'en fait depuis des années, comme vous le savez. La médecine a fait beaucoup de progrès depuis l'époque de la première fécondation in vitro par le professeur Edwards à Cambridge.
Certaines personnes pensent que la recherche sur les embryons se rattache directement à la recherche et aux applications concernant les cellules souches. Mais la majeure partie de la recherche sur les embryons n'a rien à voir avec les cellules souches. Aujourd'hui encore, j'ai reçu un bulletin—il s'agissait probablement d'une mise à jour—des American National Institutes of Health, dans lequel on disait, chose intéressante, que leur registre contient une liste des lignées de cellules embryonnaires, à diverses étapes de développement, qui répondent aux critères d'admissibilité.
Nous croyons que ce registre permettrait de résoudre au moins certains des problèmes associés à la recherche sur les embryons. En fait, la recherche sur les cellules souches vise à améliorer la qualité de la vie, et peut-être à prévenir des maladies et à réduire l'incidence ou la gravité de certaines maladies pour les personnes qui en souffrent.
Sur ces quelques mots, je laisse la parole à Justine Espenant.
Mme Justine Espenant (porte-parole, Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité): Merci beaucoup.
Bonjour. Good morning.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je n'ai pas préparé de mémoire, mais je vais vous parler franchement et en toute simplicité.
J'ai personnellement eu de la difficulté à devenir enceinte. J'ai une formation en soins infirmiers. Ce fut une très grande déception pour mon mari et moi de ne pas pouvoir concevoir naturellement, comme la société nous avait préparés à le faire.
Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de communiquer avec vous ce matin pour compléter certaines des perspectives que j'ai au sujet de l'avant-projet de loi. Ayant été directrice générale de l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité pendant deux ans et demi, j'ai acquis une expérience incroyable, non seulement pour avoir connu moi-même l'infertilité, mais aussi en contribuant activement à aider les patients à mieux comprendre comment obtenir de l'information et du soutien et à mieux prendre conscience de la situation qu'ils vivent.
Pour le moment, je ne travaille pas pour l'Association de sensibilisation à l'infertilité, mais on m'a demandé de venir témoigner aujourd'hui puisque j'ai participé également de manière très active l'an dernier au groupe de travail de Santé Canada sur les techniques de reproduction et de génétique et que j'ai apporté la perspective du patient dans de nombreux débats qui ont été relatés dans la proposition et le document d'étude qui ont finalement abouti à l'avant-projet de loi.
• 1215
Tout l'avant-projet de loi tourne essentiellement autour de la
difficulté à concevoir et ce que cela signifie véritablement. Sans
cette difficulté, toutes les techniques de reproduction n'auraient
jamais vu le jour. Rien de tout cela n'existerait si toutes les
femmes pouvaient facilement devenir enceintes.
Aussi, nous devons nous pencher sur ce que signifie la difficulté de concevoir. Des mots comme «stérilité» et même le terme «infertilité» me font frémir, car ils ne correspondent pas à la réalité. Dans cette catégorie, il existe un sous-groupe appelé «subfécondité», qui correspond à la difficulté à concevoir. Grâce aux techniques actuelles, 70 p. 100 des couples ou des femmes peuvent créer une famille. C'est un résultat très positif.
Je frémis lorsque j'entends le mot «infertilité», parce qu'il est associé aux notions de stérilité, de virilité et à des connotations sexuelles alors que cela signifie simplement que certaines personnes éprouvent de la difficulté à concevoir pour des raisons qui sont généralement médicales et que l'on peut traiter. À ce titre, on ne saurait oublier que l'avant-projet de loi n'a pas seulement une portée sociale mais qu'il touche également aux aspects médicaux. C'est pourquoi le domaine médical occupe une place très importante.
J'ai beaucoup aimé l'exposé présenté par Jean ce matin. Elle a décrit de manière très éloquente la nécessité du counselling qui constitue une grande partie de la solution. Il faut en fin de compte amener les Canadiennes qui ont de la difficulté à devenir enceintes, à mieux comprendre en quoi consiste leur traitement. La personne qui fournit les conseils est en première ligne pour aider les patientes à comprendre leur situation.
Je m'inquiète de la façon dont les Canadiens et Canadiennes interpréteront le projet de loi. Il n'a rien à voir avec le clonage et l'association de gènes humains et animaux. Il est question uniquement de couples qui veulent fonder une famille. La majorité de ces couples n'ont pas besoin de traitement très technique comme la fécondation in vitro, ou une injection intracytoplasmique de spermatozoïdes, ni même d'utiliser les gamètes d'un donneur. La plupart du temps, il suffit par exemple de se débarrasser d'une infection.
Cependant, tous ces couples ont besoin de toute une gamme de traitements et je ne voudrais pas qu'en fin de compte ils n'aient plus accès à ces traitements parce que la loi contribuera peut-être à restreindre les services offerts dans les cliniques. En effet, si la loi est si complexe et exige de nombreuses formalités et beaucoup d'administration, elle aura pour conséquence—comme cela a été soulevé à maintes reprises—d'augmenter le coût des traitements. Qui peut dépenser facilement 5 $? C'est le prix d'une fécondation in vitro. À l'heure actuelle, seules les personnes qui peuvent se permettre de dépenser 5 000 $ ont accès à la fécondation in vitro. Par conséquent, c'est véritablement un traitement pour les riches. Il y a là une sorte de discrimination. À l'heure actuelle, aucune des provinces canadiennes ne couvre totalement la fécondation in vitro. L'Ontario couvre partiellement le traitement pour l'obstruction bilatérale des trompes de Fallope, mais ce n'est là qu'une très petite partie de la couverture qui devrait être disponible.
L'ironie de tout cela, c'est que l'avant-projet de loi se propose de régir un traitement auquel la plupart de la population canadienne n'a pas accès. Je ne sais pas si vous voyez l'ironie. Ce traitement n'est pas accessible à tous les Canadiens, il est réservé à un groupe sélect et pourtant, la nouvelle loi est censée régir ce traitement.
Par ailleurs, il y a un autre point que j'ai soulevé à maintes reprises et que j'aimerais souligner encore aujourd'hui: il me paraît important de mettre en place en vertu de la loi un registre visant à évaluer les taux de succès ou les résultats cliniques enregistrés dans les diverses régions du Canada. J'aimerais profiter d'être ici pour donner une définition officielle du taux de succès. Le taux de succès naturel dans l'intimité d'un couple est de 25 p. 100 par cycle. Dans le cas des cliniques, j'ai entendu des professionnels de la santé et des avocats affirmer, en parlant des techniques de reproduction, que les cliniques n'obtiennent qu'un taux de succès de 20 p. 100. Quelle est donc leur efficacité? Si les cliniques obtiennent un taux de succès de 20 p. 100, elles se rapprochent du taux de succès naturel de 25 p. 100, ce qui fait qu'elles obtiennent un succès de 100 p. 100.
• 1220
Je crois qu'il est extrêmement important de comprendre les
définitions et les perspectives sous-jacentes au débat. L'organisme
de réglementation qui n'est pas mentionné dans l'avant-projet de
loi mais qui le sera je l'espère dans les amendements, devrait
bénéficier de l'apport des professionnels de la santé, des
associations de patients et des conseillers, afin que les
définitions et les perspectives soient claires pour tous. C'est un
domaine très complexe qui exige une quantité incroyable de
compétences.
J'ai une formation en soins infirmiers et j'ai étudié les sciences pendant deux ans. J'ai connu moi-même l'infertilité et j'ai toujours de la difficulté à me tenir au courant des innovations scientifiques. Pendant les deux ans et demi au cours desquels j'ai été directrice générale, j'ai lu des mémoires de recherche, j'ai participé à des rencontres professionnelles, j'ai parlé à des patientes grâce aux lignes téléphoniques de soutien mises en place pour leur venir en aide, et j'ai collaboré avec des cliniques de toutes les régions du pays. Malgré tout cela, j'avais l'impression de ne pas avoir une connaissance parfaite de ces questions.
Et pourtant, nous demandons aux membres de votre comité d'examiner l'avant-projet de loi alors que leurs connaissances de toutes les questions n'ont peut-être pas été mises à niveau. C'est un domaine qui évolue rapidement et dans deux mois, je peux vous garantir que de nouvelles questions occuperont l'avant-scène. Il y aura de nouveaux aspects que vous serez tentés d'ajouter et d'intégrer dans l'avant-projet de loi. C'est la raison pour laquelle le projet de loi ne sera peut-être pas prêt avant cinq ans. Aussi, il est important d'ajouter des dispositions permettant de modifier la loi au bout de cinq ans; il faudra certainement apporter des changements à la loi.
L'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité appuie la création d'un organisme de réglementation commun, indépendant de Santé Canada, afin de permettre une collaboration entre les différents secteurs de réglementation des techniques de reproduction.
Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de témoigner ce matin. Si vous avez des questions à me poser, je me ferai un plaisir d'y répondre plus tard.
La présidente: Merci beaucoup, docteur Barwin et madame Espenant.
Nous allons maintenant donner la parole au Conseil national des femmes du Canada représenté par Ruth Brown, ancienne présidente qui est maintenant responsable nationale de la santé. Bienvenue, madame Brown.
Mme Ruth Brown (responsable nationale de la santé et ancienne présidente, Conseil national des femmes du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité.
Les femmes étant les principales parties intéressées dans le domaine de la reproduction humaine assistée, le conseil national saisit avec plaisir l'occasion qui lui est donnée de présenter son point de vue au comité. Je regrette seulement que nous ayons eu un préavis si court, car je pense que nous n'avons pas eu le temps de préparer une réponse aussi complète que nous l'aurions souhaité.
Je vais vous donner quelques statistiques sur le Conseil national des femmes du Canada que certains d'entre vous ne connaissent peut-être pas. C'est une fédération dont les membres regroupent cinq conseils provinciaux de femmes, 18 conseils locaux, quelques groupes d'études et 27 organismes nationaux affiliés. Le conseil a une longue histoire, puisqu'il fait la promotion des questions féminines depuis 1893. Il s'appuie sur les politiques adoptées à l'échelle locale, diffusées parmi nos membres et débattues et adoptées à l'occasion de nos assemblées annuelles.
Les politiques que nous avons élaborées représentent les points de vue d'un vaste réseau de femmes canadiennes et la technologie de reproduction est un sujet qui retient l'attention de nos membres depuis quelques années. En 1988, les conseils locaux des femmes des diverses régions du pays ont organisé des programmes de formation visant à sensibiliser nos membres et la population aux nouvelles techniques de reproduction et à certaines questions sociales, éthiques et médicales que soulèvent ces techniques. Ce programme a été suivi d'un sondage complet auprès des membres, en 1989. En 1991, nous avons présenté un mémoire à la commission royale. En 1994, nous avons répondu aux recommandations de la commission et nous avons présenté à nouveau un mémoire en 1997 au sujet du projet de loi C-47.
Nous avons continué à débattre ce sujet au cours de nos assemblées annuelles et le mémoire que je vous livre aujourd'hui s'appuie sur les politiques élaborées au fil des ans.
Avant d'entrer dans les détails de l'avant-projet de loi, j'aimerais évoquer une recommandation importante que nous avions présentée à la commission royale en 1991. Il s'agissait de la création d'un conseil national de bioéthique qui aurait été chargé d'étudier et d'évaluer régulièrement les progrès réalisés en biotechnologie—domaine en perpétuelle évolution—un conseil qui pourrait guider le gouvernement et définir des normes et lignes directrices nationales pour les chercheurs et les praticiens.
• 1225
Nous avions recommandé à l'époque qu'un tel organisme soit
composé de personnel médical ayant une expérience de recherche, de
représentants d'autres disciplines telles que le droit, la
philosophie, la religion, les sciences infirmières et
l'éducation—et peut-être aussi des ingénieurs—qu'il y ait une
certaine représentation de non-spécialistes et que les femmes
constituent au moins la moitié des membres du comité.
Nous avions recommandé aussi que tout établissement se livrant à la recherche sur la reproduction humaine soit doté d'un comité d'éthique chargé d'approuver et de surveiller la recherche. Plus récemment, nous avons demandé au gouvernement de mettre sur pied un comité parlementaire ou un groupe d'étude dont la mission serait d'examiner l'utilisation des brevets ayant trait aux matériaux biologiques humains, et les méthodes permettant de s'assurer que les résultats de la recherche fondamentale dans ce secteur demeurent dans le domaine public. Nous continuons d'insister auprès du gouvernement pour qu'il examine sérieusement ces recommandations.
Pour ce qui est de l'avant-projet de loi lui-même, au chapitre des activités interdites, nous appuyons fermement l'interdiction du clonage des embryons humains dans le but de créer un autre être humain; nous sommes contre la fusion des cellules ou embryons humains avec la cellule ou l'embryon d'une autre espèce; la fécondation entre différentes espèces faisant appel à des ovules et des spermatozoïdes humains; la recherche sur les cellules souches qui consiste à utiliser des cellules souches de manière à créer des embryons humains destinés uniquement à la recherche; le choix du sexe, sauf pour des raisons de santé; et la vente ou l'achat d'embryons fécondés in vitro, de spermatozoïdes ou d'ovules.
En ce qui a trait à la maternité de substitution, nous appuyons fermement la proposition d'interdire les ententes commerciales de maternité de substitution et d'interdire la substitution faisant appel à une femme de moins de 18 ans. Nous pensons également qu'il faudrait offrir des services de counselling aussi bien au couple demandeur qu'à la mère de substitution avant la fin de l'entente et nous recommandons l'instauration d'une période transitoire entre la naissance de l'enfant et la reconnaissance de son statut final.
Nous avons bien conscience que certains couples infertiles souhaitent intensément avoir des enfants, mais nous estimons qu'il faut exercer une grande prudence dans un processus qui donnera certainement lieu à la création d'un lien entre la mère qui a porté l'enfant pendant neuf mois, sachant que ce lien peut avoir des conséquences imprévisibles après la naissance de l'enfant.
Dans le cas des activités contrôlées, le conseil national avait demandé au gouvernement en 1999 d'établir un organe de réglementation des techniques de reproduction et de génétique qui serait chargé d'établir les normes de pratique, d'attribuer les licences aux cliniques chargées des diverses procédures et également de surveiller l'application des règlements et des normes de qualité.
À mon avis, la nouvelle loi aborde les questions de licence et de surveillance du respect des conditions de licence, mais ne prévoit pas la création d'un organisme de réglementation indépendant du ministère de la Santé et ne semble pas prendre en compte la question des normes. Le conseil national estime qu'il faut prendre en compte les intérêts de l'enfant qui est le produit de la nouvelle technique de reproduction et considère que ces intérêts sont de toute première importance.
Voilà qui a des répercussions dans plusieurs domaines:
(1) sélection des donneurs: il faudrait adopter des normes générales et nationales pour la sélection des donneurs en vue des inséminations artificielles, y compris la tenue de dossiers complets de santé pour chaque donneur faisant état de son patrimoine génétique, ainsi que l'application d'un règlement sur la fréquence d'utilisation du sperme d'un même donneur;
(2) les clients des programmes de reproduction humaine assistée devraient satisfaire aux critères qu'imposent les lois actuelles pour l'adoption d'un enfant;
(3) les gouvernements provinciaux et territoriaux devraient adopter, dans le cas des enfants nés grâce à la reproduction humaine assistée, un registre permettant d'assurer l'intégrité des actes de naissance en conservant des données à la fois sur les parents biologiques et les parents sociaux de l'enfant;
• 1230
(4) les gouvernements provinciaux et territoriaux devraient
adopter une loi et garder à jour les dossiers nécessaires pour
permettre à l'enfant ou à l'adulte né grâce à de telles méthodes,
de retracer ses origines biologiques selon les conditions établies
par les lignes directrices provinciales ou territoriales, tout en
précisant bien qu'aucune réclamation légale ne serait tolérée entre
l'enfant ou l'adulte et le donneur.
Au chapitre du counselling, je partage tout à fait le point de vue de Jean. Nous voulons également souligner qu'il est important que des conseillers ayant reçu une formation professionnelle guident toutes les personnes concernées par la recherche en matière de reproduction humaine assistée et ses applications. En effet, tous les intervenants doivent comprendre la procédure impliquée, les risques—y compris les aspects expérimentaux—les chances de succès et les conséquences juridiques. Il faudrait également prévoir une aide psychologique et les intervenants auront besoin d'aide pour comprendre les problèmes psychologiques ou génétiques que leur enfant pourrait connaître plus tard.
Nous savons que certains risques associés à la fécondation in vitro sont l'infection, les saignements vaginaux et/ou les naissances multiples. Toute femme qui entreprend une procédure de reproduction humaine assistée devrait être avertie clairement de ces risques, y compris les risques pour sa santé et son bien-être, pour la santé des enfants et pour la capacité de la famille à assumer la situation si le traitement entraîne de multiples naissances.
Pour ce qui est du consentement en général, la politique du conseil national met l'accent sur l'importance d'obtenir le consentement écrit avant l'échange d'informations sur la santé. Dans le cas de la recherche sur les cellules souches provenant de tissus foetaux humains ou d'embryons humains non utilisés après fécondation in vitro, nous souhaitons que la loi exige l'obtention du consentement éclairé du donneur de tissus ou d'embryons et que ce consentement soit obtenu dans un contexte dépourvu de toute pression.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci, madame Brown.
Je crois que c'est très intéressant pour nous. Nous nous penchons sur toutes ces questions depuis des mois maintenant et pratiquement tous les témoins que nous avons entendus ce matin semblent corroborer les décisions que le comité s'apprête à prendre au sujet de certains de ces aspects importants. Aussi, je vous remercie.
Par ailleurs, les deux conceptions différentes du counselling présentées par Mme Haase et Mme Espenant m'ont clairement fait prendre conscience qu'il existait deux types totalement différents de counselling.
Le premier type de counselling est vraiment axé sur l'aspect médical et amène la femme à prendre conscience du changement qui va se produire dans son corps, etc. Mme Espenant a parlé de ces différents aspects.
Quant à Mme Haase, elle a évoqué un type de counselling beaucoup plus profond portant sur la création de la famille et les conséquences à plus long terme. Je suppose, madame Haase, que vous devez également préparer les gens à la possibilité d'un échec, en raison d'un problème médical très complexe. Il est possible que certains couples se présentent à vous avec un sentiment d'échec et qu'au bout du compte, leurs efforts ne font qu'aggraver la situation. J'imagine que...
Mme Jean Haase: Oui, tout à fait. Tout le processus des cycles de traitement et des échecs répétés ont un effet dévastateur sur les couples.
La présidente: Exactement.
Mme Jean Haase: À la fin du processus, les couples sont souvent très éprouvés sur le plan psychologique.
Je suis en contact avec certains collègues qui travaillent dans le domaine de l'adoption, car l'adoption est souvent l'étape suivante pour ces couples-là. Ils me disent: «Ces couples viennent nous voir pour adopter un enfant, mais ils ne sont pas vraiment prêts, parce qu'ils n'ont pas réellement assumé—»
La présidente: La perte.
Mme Jean Haase: «—la situation qu'ils ont vécue.» De fait, une étudiante de troisième cycle du secteur de l'adoption travaille actuellement avec moi pour effectuer une recherche sur la situation que vivent les gens avant de s'adresser à un organisme d'adoption.
La présidente: Merci beaucoup.
Je voulais simplement remercier tout le monde. Si vous nous avez vu échanger des regards et hocher la tête au cours de vos exposés, c'est parce que nous avons déjà eu des conversations analogues.
Nous allons commencer par M. Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Je vous remercie pour vos exposés.
Comme l'a dit Mme Brown, je pense que nous sommes tous d'accord sur les passages de l'avant-projet de loi qui concernent les intérêts des enfants. Je suis certain que vous partagez ce point de vue.
J'ai quelques inquiétudes au sujet du counselling. Je pense que nous sommes tous d'accord sur l'utilité du counselling. C'est à mon avis une très bonne chose. Les organismes d'adoption offrent également des services de counselling. Mais il y a une chose qui me préoccupe.
• 1235
Il me semble qu'on oublie le visage qui se cache derrière la
boîte de Petri, si vous me permettez l'expression. Est-ce que l'on
se soucie autant des intérêts de ce visage qui se cache derrière la
boîte de Petri que de ceux de l'enfant placé en adoption?
Appliquons-nous les mêmes normes?
Peut-être que Mme Haase pourrait commenter cet aspect du counselling qui me paraît important.
Mme Jean Haase: Le domaine de l'adoption s'est développé dans un contexte différent. Dans le cas d'un couple qui envisage l'adoption, l'enfant est généralement déjà né et les décisions sont prises dans l'intérêt de l'enfant. Cela paraît acquis. On tient pour acquis qu'il faut s'informer de différentes choses au sujet de l'adoption.
Dans le cas des couples qui se préparent à avoir leur propre enfant—il n'est pas question ici de l'utilisation de gamètes en provenance d'une tierce personne—beaucoup pensent qu'il est très importun et pas nécessaire de les évaluer de la même manière. C'est un sujet à controverse. Devrions-nous évaluer les futurs parents, les éduquer et les orienter au sujet du processus?
Ce serait très indiscret de les soumettre à une sorte d'évaluation familiale. En revanche, ces couples ont un grand besoin d'éducation. En effet, les couples qui se proposent d'adopter un enfant acceptent de suivre tout un processus d'orientation, mais je ne pense pas que l'on fasse la même chose dans le domaine médical. Je crois que l'on a surtout mis l'accent sur les aspects médicaux et que l'on a négligé les autres dimensions. Par conséquent, le contexte est tout à fait différent.
M. Rob Merrifield: Je crois que c'est tout à fait vrai. Je tiens à préciser que le contexte est différent parce que l'enfant se développe de manière différente. Et pourtant, nous voilà aux prises avec un projet de loi dont le préambule affirme qu'il vise à protéger «les intérêts des enfants». Voilà qui nous ramène à ce que Mme Espenant proposait.
Vous avez dit, et je partage votre point de vue, que cet avant-projet de loi porte sur les technologies de reproduction. Mais alors, pourquoi regrouper sous les technologies de reproduction des recherches éminemment scientifiques sur Primera, les cellules souches, le clonage et beaucoup d'autres aspects très différents? Et pourtant, nous traitons de tous ces aspects.
La partie des technologies de reproduction que vous connaissez est probablement celle des embryons. Une partie de la loi porte sur l'utilisation des embryons excédentaires. Quel est votre point de vue à ce sujet? Je remarque que vous n'en avez pas du tout parlé. D'après vous, que devrait-on faire de ces embryons? Est-ce approprié de les utiliser?
Mme Justine Espenant: J'estime qu'il est indispensable de prendre des décisions éclairées dans toutes les étapes avec les patients. La plus grande priorité, dans le cas d'un couple ou d'une personne qui suit un traitement de fécondation in vitro qui aboutit à la création d'embryons, c'est de prendre des décisions éclairées sur toutes les options concernant l'utilisation des embryons. Ou bien est-ce la clinique qui prend les décisions à leur place?
Tout au moins, c'était le cas il y a plusieurs années. Je ne sais pas si actuellement la plupart des cliniques donnent aux couples la possibilité de choisir de congeler les embryons, de les détruire—rectifiez-moi si je fais erreur—ou de les utiliser pour la recherche. Voilà tout à fait le genre de décisions éclairées que doivent prendre les couples.
Nous nous engageons peut-être dans un domaine très délicat, celui du droit à la vie, l'embryon étant considéré comme une forme de vie, sans pour autant être un foetus. Nous touchons là à un sujet très délicat qui a été abordé dans le débat sur l'avortement.
Il est très difficile pour moi de dire, à partir des entretiens avec les patients et des discussions que nous avons eues au conseil de l'ASCI, quelle serait la meilleure avenue à emprunter. Et pourtant, il faut bien finir par choisir une option. Le principe à suivre, dans le cas des personnes qui ont créé des embryons, consiste à prendre une décision éclairée sur ce qu'il adviendra de ces embryons après le traitement. Cette décision ne doit pas être prise par les praticiens de la clinique, mais en consensus avec les personnes qui ont créé les embryons.
M. Rob Merrifield: Une dernière question pour le Dr Barwin. L'autre jour, j'ai beaucoup aimé la visite de votre clinique. Je vous ai alors posé une question à laquelle vous aviez répondu très clairement. J'aimerais vous la reposer maintenant aux fins du compte rendu.
On pourrait régler très facilement la question des embryons s'il était possible de congeler les ovules. Vous avez dit que cela se fait déjà et que la recherche progresse. Pouvez-vous nous préciser où en est actuellement la recherche et nous donner votre point de vue à ce sujet?
Dr Norman Barwin: Si ces techniques avaient été approuvées avant le dépôt du projet de loi C-47, certains aspects du projet de loi auraient été écartés. Par exemple, je crois que je vous ai parlé de la maturation in vitro qui permet actuellement de prélever un ovule et de l'amener à une certaine maturité dans une boîte de Petri, puis, bien entendu, de le féconder. De cette façon, la patiente n'a pas à prendre le risque de la médication, avec toutes les complications qui en découlent.
On est parvenu à extraire des ovules huit jours après les premières menstruations et à les maintenir en vie in vitro afin de les féconder et de les implanter.
Quant à la congélation des ovules, technique qui représenterait un progrès énorme, les résultats n'ont pas été très concluants. On est parvenu à congeler des ovules à Melbourne, en Australie, et nous espérons que la technologie se perfectionnera et nous permettra de le faire également au Canada.
Il est possible de nos jours, dans le cas des patientes qui suivent une thérapie contre le cancer, de prélever une partie de l'ovaire et de le congeler. Une fois le traitement terminé, on récupère la partie congelée et on l'implante dans la patiente. On peut l'implanter dans son bras où le processus d'ovulation reprend. On peut alors récupérer les ovules à cet endroit.
Pour le moment, le taux de récupération des ovules congelés n'a pas été aussi positif qu'on l'aurait souhaité, parce que l'ovaire est un organe tellement dynamique. Il est probable que les résultats s'amélioreront avec les progrès de la technologie et l'expérience australienne semble ouvrir la voie vers certaines solutions.
M. Rob Merrifield: Merci.
J'ai une autre question brève pour Mme Brown.
Vous recommandez que la maternité de substitution ne soit autorisée qu'après l'âge de 18 ans. À titre de militante pour la promotion de la femme, pensez-vous qu'une jeune femme de 18 ans a suffisamment de maturité pour devenir mère porteuse? C'est un aspect qui me dérange un peu.
Mme Ruth Brown: Et les femmes de 18 ans sont loin d'être toutes pareilles, bien entendu. Certaines sont mûres et d'autres ne le sont pas. S'il faut tirer un trait, c'est un trait entre l'âge adulte et l'enfance dans la plupart...
M. Rob Merrifield: Voilà pourquoi on a choisi 18 ans.
Mme Ruth Brown: Oui.
M. Rob Merrifield: La dernière fois, des témoins ont proposé d'adopter un autre critère que l'âge—une plus grande maturité. C'est peut-être à ce niveau-là qu'intervient le counselling.
Mme Ruth Brown: Il est difficile d'établir des critères pour ce genre de choses.
M. Rob Merrifield: Quitte à errer, ne devrions-nous pas pécher par excès de prudence?
Mme Ruth Brown: Bien entendu.
Dr Norman Barwin: Je crois que la notion commerciale de maternité par substitution soulève l'opposition générale. Il y a encore beaucoup de débat sur la maternité de substitution commerciale, autrement dit sur le fait de rémunérer une mère porteuse plutôt que d'avoir recours aux services bénévoles d'une personne, sans échange d'argent ou autre type d'incitation.
M. Rob Merrifield: Vous avez affirmé que la personne qui fait don des gamètes devrait être plus jeune que la destinataire. Je n'ai pas compris exactement où vous vouliez en venir.
Dr Norman Barwin: On sait par exemple que les taux de fécondité diminuent considérablement après 35 ans, et encore plus après 40. On a constaté que le taux de succès, même dans le cadre d'un programme de fécondation in vitro, est beaucoup plus élevé lorsque la patiente est jeune. Par exemple, le taux de succès est de 13 p. 100 dans l'ensemble pour une femme de 40 ans, après trois tentatives. Pour une femme de moins de 35 ans, le taux de succès est de l'ordre d'environ 35 p. 100, selon la clinique qui fournit les résultats. Par conséquent, il y a une différence considérable dans les taux de succès. Une femme de plus de 40 ans présente également un risque génétique, étant donné que la qualité des ovules n'est peut-être pas aussi bonne. Les ovules d'une femme plus jeune présentent un meilleur taux de succès que ceux...
M. Rob Merrifield: Je comprends cela. Ce que j'essaie de comprendre et ce qui me dérange un peu, c'est que vous proposez de rémunérer le don et de mettre fin à la réification et à l'exploitation dans ce domaine. Votre suggestion de faire appel à une mère porteuse plus jeune me dérange un peu. Bien entendu, d'un point de vue scientifique, les femmes plus jeunes sont les plus productives. Voilà pourquoi vous raisonnez ainsi.
Dr Norman Barwin: Non, nous sommes totalement opposés à toute commercialisation. Je le dis bien haut et bien fort. Un des grands débats tourne autour de l'âge acceptable: une femme de 18 ans est-elle assez mûre—elle est assez âgée pour voter—pour prendre une telle décision? Mais pour ce qui est de la commercialisation, nous y sommes totalement opposés.
M. Rob Merrifield: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Nous allons maintenant passer à Mme Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci, madame la présidente.
Merci à tous et à toutes pour votre témoignage, que j'ai beaucoup apprécié. J'ai une question à poser à Mme Espenant. Votre réflexion concernant ce qu'éprouvent les membres du comité par rapport à cet avant-projet de loi est tout à fait fondée parce que nous sommes des législateurs avant tout et non des scientifiques. Or, dans l'avant-projet de loi, il y a en quelque sorte trois sections. Il y a les manipulations génétiques à des fins de reproduction avec tous les actes qui sont prohibés. Il y a aussi une partie qui porte sur la recherche à des fins thérapeutiques et une autre sur la procréation assistée. C'est très compliqué pour nous, à un certain point, de démêler tout cela.
J'étais là quand le rapport Baird a été déposé. À ce moment-là, on parlait de procréation assistée et d'actes prohibés, comme le clonage à des fins de reproduction, mais on ne parlait pas de thérapeutique. Maintenant, on parle de recherche à des fins thérapeutiques. Il était aussi question, dans le rapport Baird, des causes et du traitement de l'infertilité. Ici, on ne retrouve plus cela, ce qui me préoccupe au plus haut point.
Cependant, j'ai remarqué que vous êtes allergique aux mots «stérilité» et «infertilité». Quels mots pourrait-on utiliser pour qu'ils vous paraissent acceptables? Vous avez aussi mentionné que ça prend un organe de réglementation pour le Canada, mais en dehors du Canada. Que voulez-vous dire? Et comment entrevoyez-vous cet organe de réglementation?
Mme Justine Espenant: Je vous remercie. Est-ce que je peux répondre en anglais?
Mme Pauline Picard: Oui.
Mme Justine Espenant: J'ai complètement compris en français, mais...
Mme Pauline Picard: Allez-y.
Mme Justine Espenant: Je ne me suis même pas aperçue que je parlais en français. Je suis bilingue, mais je ne voudrais pas faire d'erreurs.
[Traduction]
Si je pouvais inventer un autre mot que «infertilité», je le ferais. On pourrait peut-être tous s'y mettre ce matin. Le terme «subfécondité» est une appellation clinique appropriée, tout comme l'expression «difficulté à devenir enceinte». En revanche, le mot «infertilité» donne l'impression de stérilité et d'incapacité à concevoir, ce qui en fait n'est pas le cas. C'est la difficulté à concevoir ou la difficulté à mener une grossesse à terme. Les fausses couches à répétition relèvent également de la catégorie de l'infertilité. Ce n'est pas simplement la capacité à créer un embryon ou à obtenir la fécondation, c'est également la capacité à faire naître un enfant. Que la difficulté vienne de l'homme ou de la femme, c'est la difficulté à concevoir ou à faire naître un enfant.
Je répète depuis de nombreuses années que j'aimerais créer un mot nouveau pour désigner cette réalité. «Subfécondité» est le meilleur terme qui me vienne à l'esprit pour désigner le cas d'une personne dont il n'est pas totalement prouvé qu'elle soit infertile. Qui peut dire à quel moment on peut en être certain?
• 1250
Récemment, au cours d'une soirée, j'ai rencontré la soeur
d'une amie qui venait de mettre au monde un magnifique bébé après
12 ou même 17 fécondations in vitro. J'ai du mal à imaginer que
l'on puisse subir autant d'interventions. De manière générale, si
la fécondation in vitro fonctionne, elle donne généralement des
résultats positifs au troisième traitement. Le diagnostic de
l'infécondité est un processus plutôt qu'un concept.
Quant à votre deuxième question concernant l'organe de réglementation qui serait créé en vertu de la loi, ce serait un moyen de réglementer et d'imposer des normes et des codes de pratique. Je crois que ce serait trop contraignant de créer un tel organe relevant uniquement du mandat fédéral de Santé Canada. Il faudrait que ce soit un organe mixte. Il faudrait une participation des professionnels de la santé et de la part des «consommateurs», comme nous les appelons, mais c'est peut-être là un jargon interne et il serait sans doute préférable de dire «clients». Ce serait un...
La présidente: Consommateur implique une relation économique et un échange d'argent, ce que vous voulez je crois éviter.
Mme Justine Espenant: «Client» serait peut-être un terme approprié, puisque, dans le domaine de la santé, les mots «client» et «patient» sont très souvent interchangeables. Je suis bien à l'aise avec cela. Le mot «consommateur» est un terme archaïque que l'on continue à utiliser.
Il faut une participation de tous ces organismes, des organismes professionnels et du public, afin qu'ils puissent, avec Santé Canada, réglementer le secteur de la procréation assistée. Il est important que ce soit une collaboration. Je ne peux imaginer la réglementation d'un secteur sans la participation de spécialistes de ce secteur. C'est vraiment ce qui est le plus important et c'est logique.
J'espère avoir répondu à votre question. Merci.
[Français]
Mme Pauline Picard: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Picard.
Monsieur Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente. Je remercie moi aussi les témoins pour les exposés très utiles qu'ils nous ont présentés aujourd'hui.
J'aimerais revenir à un aspect qui a déjà été brièvement mentionné et qui se rapporte aux commentaires de Mme Haase concernant le counselling. J'ai été très intéressé de vous entendre dire que vous étiez, je crois, la seule travailleuse sociale du pays à travailler à temps plein auprès des familles et des enfants qui seraient produits, espérons-le, grâce aux méthodes artificielles de procréation.
Vous avez évoqué les incidences psychosociales et émotionnelles que vivent les familles. Vous avez également parlé des nombreux défis de la technologie et des déceptions qu'elle entraîne parfois.
J'aimerais vous poser cette question aux fins du compte rendu. Je pense que nous en avons déjà parlé, mais rafraîchissez-moi un peu la mémoire. Combien de cliniques compte-t-on au pays? Pouvez-vous nous dire pourquoi il n'y a pas plus de travailleurs et travailleuses sociaux offrant ce type de counselling mettant l'accent sur la famille?
Mme Jean Haase: Je pense qu'il est plus probable de trouver un travailleur social dans une clinique intégrée à un hôpital. Il est possible que ce service découle du programme d'obstétrique de l'hôpital auquel est attaché un travailleur social. Il existe deux cliniques en Ontario en plus de celle où je travaille. Elles disposent toutes deux d'une travailleuse sociale à temps partiel; ces personnes travaillent également dans d'autres secteurs de l'hôpital, mais elles ont également une responsabilité de travail social.
La raison pour laquelle les conseillers ne sont pas plus nombreux est que la plupart de ces services sont offerts par le secteur privé. Le counselling est considéré comme un superflu, un luxe et seulement comme un service utile ou nécessaire à quelques personnes. Le counselling n'est pas proposé de manière automatique comme partie intégrante du service.
J'ignore le nombre exact de cliniques existantes. Je dirais qu'il y a probablement au maximum une vingtaine de cliniques qui pratiquent les traitements de haute technologie comme la fécondation in vitro. Mais, souvenez-vous qu'il y aussi beaucoup de professionnels de la santé qui offrent des traitements à faible technologie contre l'infécondité, qui se contentent peut-être de prescrire des médicaments favorisant la fécondité ou de pratiquer des inséminations. En fait, l'insémination directe est pratiquée dans beaucoup de cabinets et pas nécessairement dans une grosse clinique spécialisée dans le traitement contre l'infertilité. Mais, je ne sais pas exactement combien de cliniques on compte dans tout le pays. Je sais que la plupart d'entre elles sont situées en Ontario.
M. James Lunney: Est-ce que le Dr Barwin a quelque chose à ajouter?
Dr Norman Barwin: Il est certain qu'il y a des cliniques FIV dans tous les hôpitaux universitaires—il y a 16 écoles de médecine au Canada. Je pense que Toronto en a huit ou dix de plus. À Vancouver, il y a une clinique privée et un autre établissement privé vient de s'ouvrir à Winnipeg.
Je sais que la clinique de Vancouver que j'ai visitée juste avant la réunion de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, dispose d'un psychologue. Beaucoup ont un psychologue à temps plein parmi leur personnel. Par conséquent, je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est plus probable dans un établissement universitaire, mais je crois que la plupart des cliniques proposent un service de counselling, soit par un psychologue... Je ne sais pas s'il y a des travailleurs sociaux, ce qui...
Mme Jean Haase: Si, il y en a. Il y en a dans le privé.
Dr Norman Barwin: Il est certain que la plupart des patients rencontrent des psychologues au cours de séances de counselling. En fait, une partie des coûts du traitement de la FIV comprend les services de counselling que les patients reçoivent avant même de rencontrer le médecin.
Mme Jean Haase: Je ne suis pas d'accord, docteur Barwin. La plupart des patients ne bénéficient pas de services de counselling. Ce n'est pas le cas.
Dr Norman Barwin: Je ne peux vous parler que du programme de l'hôpital Civic où les patients bénéficient d'une aide psychologique...
Mme Jean Haase: Oui, mais il est question ici de l'ensemble du pays. Je ne pense pas que l'on puisse dire que ces services de counselling soient offerts aux patients de manière générale, pratique et accessible dans tout le pays.
Dr Norman Barwin: Je parlais uniquement du traitement de haute technologie, pas de...
Mme Jean Haase: Les enjeux sont tout aussi importants dans le cas du traitement à faible technologie.
Dr Norman Barwin: Absolument.
Mme Jean Haase: Le counselling est tout aussi important dans ce cas-là.
Dr Norman Barwin: Il y a un psychologue dans le service de ma clinique à faible technologie.
M. James Lunney: Merci.
J'aimerais maintenant explorer un autre aspect. Je me contenterai peut-être de faire un commentaire pour ensuite vous poser une question au sujet du registre des naissances et de la protection des droits des enfants. J'ai entendu quelqu'un dire que l'avant-projet de loi permettrait les dons anonymes, ce qui bien sûr, comme certains l'ont indiqué, élèverait les droits du donneur, pour ce qui est de la protection de la vie privée, au-dessus de ceux de l'enfant. Des témoins nous ont parlé très éloquemment des difficultés que cela représenterait pour les enfants plus tard, parce qu'ils n'auront aucune idée des antécédents médicaux de leurs parents et ainsi de suite. J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez, pour mémoire.
J'aurais une question à poser au Dr Barwin, et peut-être que d'autres voudront faire des commentaires, à propos de l'importation de sperme. Tant que la preuve n'aura pas été faite que nous n'avons pas de pénurie de ressources naturelles de ce genre au Canada, pourquoi devrait-il être nécessaire d'importer du sperme des États-Unis ou d'autres pays? Y a-t-il une pénurie de ressources naturelles de ce genre au Canada?
Dr Norman Barwin: Je pense qu'une des raisons, c'est que dans certains cas on a eu peur que le donneur puisse être identifié. Je dois dire qu'il y a certainement moins de chances que le donneur puisse être identifié plus tard. Aussi, parce qu'on a essayé de restreindre le nombre de fois qu'un donneur peut être utilisé pour des patientes en particulier, le pool de dons est plus petit. C'est pourquoi nous sommes en faveur d'un registre national, parce qu'on saurait à tout le moins combien de donneurs ont été utilisés, surtout pour ce qui est des résultats.
On ne peut pas nier que Santé Canada et l'ACSI ont établi des lignes directrices très strictes pour ce qui est des tests que les donneurs doivent subir. Je crois que cela a eu une incidence très positive sur le contrôle de la qualité et le maintien de normes élevées. Par ailleurs, le nombre de donneurs s'en est trouvé réduit en raison du temps exigé et ainsi de suite. Mais je pense vraiment que toute la question de l'anonymat semble avoir une certaine incidence sur la bonne volonté des donneurs, certainement au Canada.
Je ne sais pas si vous êtes d'accord, Jean.
Mme Jean Haase: Je pense que le don d'os, notamment, est devenu une affaire florissante. Certaines des plus grosses entreprises de ce secteur se trouvent aux États-Unis. Il y a de moins en moins de cliniques qui sont intéressées à recruter des donneurs de sperme de sorte qu'on s'est tourné vers la source la plus accessible, c'est-à-dire une grosse banque commerciale, sans penser que nous utilisons tous la même. C'est tout simplement l'option la plus facile.
• 1300
Je sais que les règlements relatifs à la sélection sont
beaucoup plus stricts qu'ils l'étaient et que cela a eu une
incidence sur la volonté de certaines cliniques de se mettre à
recruter des donneurs. C'est une charge de travail qui leur paraît
trop lourde et qu'elles confient à une entreprise.
M. James Lunney: Merci.
Nous recevons des dons de prisonniers des États-Unis, mais je pense que nous pourrions probablement faire un peu mieux.
Je vais maintenant vous poser une question d'un autre ordre. Docteur Barwin, vous avez dit qu'il n'était pas toujours possible de prévenir l'infertilité et vous avez donné l'endométriose comme exemple. Soit dit sans vouloir vous offenser, Mme Espenant a parlé de sous-fertilité. Quelle est donc la cause de l'infertilité?
On nous a dit que l'âge était un facteur important. Vous avez indiqué qu'il s'agissait d'un problème pour les femmes de plus de 35 ans et d'un problème plus grave encore pour celles de plus de 40 ans. En tant que spécialiste de l'infertilité, pourriez-vous nous dire si, d'après les recherches effectuées, des années de suppression de l'ovulation au moyen d'une intervention chimique peuvent être un facteur qui aurait beaucoup contribué à l'infertilité chez les femmes et si c'est la raison pour laquelle il faut avoir recours à une hyperstimulation pour relancer des ovaires qui n'arrivent plus à produire d'ovules?
Dr Norman Barwin: J'ai eu la chance de rédiger le mémoire pour la Commission Baird sur la contraception et son rapport avec l'infertilité subséquente. Toutes les recherches qui ont été effectuées ont montré que même si l'inhibition de l'ovulation, comme avec la pilule Depo-Provera, entraîne un certain retard dans la fécondité, elle n'est pas associée à l'infertilité comme telle.
Il n'y avait pas de différence au bout de 18 mois dans le taux de conception entre les patientes qui avaient pris la pilule contraceptive et celles qui avaient utilisé le diaphragme. Le problème, c'est que de nombreuses patientes qui ont pris des contraceptifs ou des inhibiteurs d'ovulation ne savent pas si elles étaient fertiles auparavant. Autrement dit, elles n'ont pas été exposées au risque d'une grossesse avant de se mettre à prendre la pilule ou à utiliser d'autres méthodes de contraception.
Je pense qu'il n'existe aucune preuve que l'inhibition de l'ovulation est associée à une infertilité subséquente. Il a été démontré qu'au bout de trois mois, 7 p. 100 des patientes seront redevenues fertiles après avoir pris la pilule anticonceptionnelle. Au bout de six mois, 2 p. 100 d'entre elles auront encore des règles irrégulières, ce qui correspond à peu près à l'incidence de non-ovulation dans la population.
M. James Lunney: Toute la question de la suppression ou de la procréation différée est certainement un facteur qui contribue au problème et dont il faudrait peut-être discuter, pour obtenir leur consentement éclairé, avec les jeunes femmes qui décident de prendre des moyens contraceptifs.
Parlant de consentement éclairé, ce serait peut-être une bonne idée aussi d'informer les femmes que, d'après les statistiques, 21 femmes sur un million mourront d'une thrombo-embolie à cause de la pilule contraceptive. C'est peut-être un aspect du consentement éclairé dont on ne parle pas beaucoup. Êtes-vous d'accord?
Dr Norman Barwin: Je suis d'accord. Je pense que le contrôle des naissances en particulier exige un counseling approfondi et qu'il faut bien comprendre les contre-indications et les effets à long terme.
Il faut souligner également que les risques de kyste de l'ovaire et de cancer des ovaires sont moins grands chez les femmes qui ont pris la pilule anticonceptionnelle. Les femmes qui ont pris la pilule risquent moins d'être anémiques, de devoir s'absenter de leur travail en raison de règles douloureuses et de souffrir d'un cancer de l'utérus. La pilule anticonceptionnelle comporte d'autres avantages que la contraception.
Mais je suis tout à fait d'accord avec vous et nous, comme professionnels, faisons peut-être preuve de négligence en ne parlant pas des conséquences à long terme. La pilule contraceptive permet aux patientes de reporter la maternité à plus tard pour poursuivre leur carrière. Il n'est plus question d'avoir des enfants quand on est jeune, comme cela se faisait auparavant. Les femmes attendent d'avoir une carrière et d'avoir financièrement les moyens d'avoir des enfants. Bien sûr, la pilule contraceptive ne protège pas contre les maladies transmises sexuellement. Je pense qu'il faudrait insister sur cet aspect également.
M. James Lunney: Merci.
Ma dernière question, étant donné que nous avons ici des ingénieurs...
La présidente: Vous en êtes à votre douzième minute, monsieur Lunney, et vous devrez donc faire vite.
M. James Lunney: D'accord, une toute petite question.
• 1305
J'ai remarqué que les ingénieurs avaient uni leurs voix à
celles des médecins et des avocats pour dire que rien ne devrait
être interdit par la loi et que tout devrait être contrôlé au moyen
de règlements. J'ai l'impression que ceux qui travaillent avec
cette technologie et à qui elle pourrait profiter financièrement
tiennent à ce qu'il n'y ait aucune prohibition.
Cela contraste avec des groupes que nous avons entendus aujourd'hui comme le Conseil national des femmes dont la représentante, Mme Brown, s'est prononcée en faveur de la prohibition pour un certain nombre d'activités, y compris l'âge des femmes qui font don de gamètes, le traitement et ainsi de suite. C'était juste un commentaire. Si vous avez quelque chose à ajouter, allez-y.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Lunney.
Monsieur Castonguay.
[Français]
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente.
J'apprécie énormément les témoignages qu'on a entendus ce matin, particulièrement ceux portant sur toute la question du counseling. On en avait déjà discuté auparavant dans nos réunions. Maintenant, je me rends compte qu'il faut assurément faire une distinction entre le counseling et le consentement éclairé.
D'après votre expérience, est-il déjà arrivé qu'après que vous ayez offert du counseling, certaines personnes aient changé d'avis en disant que ce n'était pas la voie qu'elles voulaient emprunter? Voilà ma première question. J'en ai une deuxième.
Croyez-vous qu'il devrait y avoir une clause quelconque dans le projet de loi qui assurerait l'existence, dans toutes les cliniques d'infertilité, d'un service de counseling qui serait quand même indépendant de la clinique, afin d'éviter que les experts ne viennent tordre le bras des conseillers et influencer, finalement, la prise de décision?
J'ai une troisième question qui me vient à l'idée lorsque je pense aux enfants qui vont naître de ces techniques. Est-il possible que les donneurs anonymes de sperme ne soient tout simplement pas acceptés dans de tels programmes?
[Traduction]
Mme Jean Haase: Merci.
Pour répondre à votre première question, arrive-t-il qu'après avoir reçu du counseling certaines personnes décident de ne pas subir de traitement? Oui, cela arrive à l'occasion. Parfois, des gens me sont envoyés parce qu'ils n'arrivent pas à prendre une décision et qu'ils veulent avoir certaines précisions pour pouvoir décider si c'est la bonne chose pour eux ou non. Parfois, des gens viennent me voir et décident plutôt d'adopter. Ils ne pensent pas que le traitement soit la bonne solution pour eux.
Oui, c'est parfois là le résultat du counseling. Tout dépend de l'étape à laquelle on voit le couple ou le patient.
Pour ce qui est de savoir si le counseling devrait être offert à l'extérieur de la clinique ou à la clinique même, j'ai essayé de répondre à cette question dans mon exposé. Je crois qu'il y a du pour et du contre. De toute évidence, je ne peux pas être objective. Je travaille dans une clinique et je crois pouvoir être très efficace auprès des patients de cette clinique. Je peux interagir avec les membres de l'équipe de soins de santé. Je peux être là s'ils ont besoin de moi un certain jour ou à une certaine heure.
Les services de counseling dans la communauté sont plus indépendants, c'est vrai, mais ils ne connaissent peut-être pas aussi bien le fonctionnement au jour le jour de la clinique de sorte qu'ils pourraient ne pas être très accessibles aux autres membres du personnel de la clinique.
Je pense que votre dernière question consistait à savoir si les donneurs anonymes continueront à être acceptés. J'espère que non. J'aimerais que ce soit chose du passé. Si j'avais à conseiller un donneur de sperme ou une donneuse d'ovules, je les encouragerais à penser à l'enfant qui va naître. Je leur demanderais comment ils se sentiraient si cet enfant ressentait un jour le besoin de les connaître ou de savoir quelque chose d'eux. Qu'en penseraient-ils? Je crois vraiment que le don de sperme ou d'ovules est un acte responsable qui doit s'accompagner de la responsabilité de divulguer son identité—je veux parler non pas de responsabilité juridique ou financière, mais bien d'une responsabilité morale.
Mme Marie Lemay: Est-ce que je peux ajouter quelque chose rapidement?
La présidente: Cette autre dame est avant vous.
Mme Marie Lemay: J'essaie de revenir au commentaire qui a été fait. Je n'ai pas eu la chance d'y répondre et je ne sais pas quand vous allez me redonner la parole.
La présidente: Nous répondons actuellement aux questions de M. Castonguay.
Est-ce que quelqu'un d'autre avait quelque chose à répondre à M. Castonguay?
[Français]
Mme Justine Espenant: J'aimerais ajouter quelques mots surtout pour souligner le fait que les conseils fournis aux patients par l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité viennent principalement s'ajouter au
[Traduction]
au counseling qui est offert dans les cliniques. Ce que les gens ne savent peut-être pas, c'est que lorsqu'on a un organisme national, un organisme de santé bénévole, les patients le considèrent comme un complément au counseling qui est offert à la clinique de sorte qu'ils reçoivent un soutien impartial—une éducation et une information impartiales—qui peuvent les aider à prendre une décision.
• 1310
Si vous vous demandez pourquoi nous sommes ici, c'est parce
qu'un des principaux rôles de notre organisation consiste à offrir
un soutien aux patients, à mieux les sensibiliser et à mieux les
informer. Il est extrêmement important d'avoir une information
impartiale, parce qu'il y a de l'argent en jeu, il y a échange
d'argent dans toutes les cliniques; il est donc dans leur meilleur
intérêt...
La présidente: D'encourager les gens.
Mme Justine Espenant: Exact. Il est donc important d'avoir à l'extérieur de la clinique des sources d'information neutres et impartiales.
[Français]
M. Jeannot Castonguay: Je crois dans l'importance du counseling et je crois que que c'est un aspect que l'on ne doit pas négliger. C'est possiblement, quant à moi, un des aspects les plus importants à considérer au départ. Je suis très heureux de savoir qu'il y a des gens qui, après avoir eu l'occasion de rencontrer quelqu'un, en arrivent à dire que ce n'était pas une solution pour eux.
Je crois que le counseling est excessivement important compte tenu de certaines expériences que j'ai vécues où des personnes ayant pris certaines décisions en arrivaient, malgré tous les efforts qui avaient été faits pour les renseigner, à les regretter à la suite d'événements survenus ultérieurement. Elles m'ont dit, cinq ans plus tard, qu'elles n'auraient jamais dû prendre de telles décisions.
Croyez-vous qu'il est obligatoire pour une clinique d'offrir du counseling, qu'une clinique ne pourrait tout simplement pas fonctionner si on ne s'assurait pas qu'il y a du counseling efficace et réel qui s'y fait?
[Traduction]
La présidente: À qui posez-vous la question, monsieur Castonguay?
M. Jeannot Castonguay: À tout le monde.
Mme Jean Haase: Je vais essayer d'y répondre. Je pense qu'il faudrait exiger d'une clinique qu'elle offre du counseling pour pouvoir obtenir un permis. Mais lorsqu'il y a utilisation de gamètes qui ont fait l'objet d'un don, ce devrait être obligatoire.
[Français]
M. Jeannot Castonguay: Je vous remercie.
[Traduction]
La présidente: Lorsque des gamètes de tiers sont utilisés, le donneur devrait recevoir du counseling tout comme le couple qui a fait la demande de don?
Mme Jean Haase: Oui, les deux, absolument.
La présidente: Je vois.
Est-ce que je peux avoir mon tour maintenant?
[Français]
M. Jeannot Castonguay: Certainement. Je vous remercie.
[Traduction]
La présidente: Cette question d'argent m'intéresse beaucoup, parce que si vous lisez l'avant-projet de loi, vous pourrez voir que l'objet de la loi est d'éliminer la réification et la commercialisation. D'après moi, ce ne sera pas possible en raison de ces considérations.
J'essaie de comprendre comment il se fait que certaines personnes payent et d'autres non. Prenons votre clinique, madame Haase. Il s'agit essentiellement d'un hôpital administré par l'État et les gens y rencontrent un médecin qui peut demander à la Protection-santé de l'Ontario de lui rembourser ses services. J'imagine que les services fournis dans votre clinique sont gratuits jusqu'à un certain point et que c'est lorsqu'il doit y avoir fécondation in vitro qu'il y a des frais. Est-ce exact?
Mme Jean Haase: Voulez-vous parler des frais pour le traitement ou pour le counseling?
La présidente: Je veux parler des frais... Vous nous avez indiqué que le counseling devrait faire partie des services offerts. Je considère qu'une clinique doit offrir toute une gamme de services: information, éducation, aiguillage vers l'association, qui devient en quelque sorte un groupe de soutien, plus les services de professionnels de la santé et, je l'espère, de travailleurs sociaux. Je trouve que les psychologues ne font pas du tout le même travail que les travailleurs sociaux. Il y a une grande différence. Certaines personnes pourraient devoir consulter un psychologue qui leur ferait passer des tests mais, d'après moi, c'est un travailleur social qu'il faut.
Donc, à quel moment des frais sont-ils exigés? Et que pourrions-nous faire pour comprendre l'aspect argent si nous voulons l'éliminer?
Mme Jean Haase: Notre clinique est située à l'intérieur de l'hôpital de sorte que nous n'avons pas de frais généraux, nous ne payons ni éclairage ni chauffage. Si nous étions une entreprise privée...
La présidente: Il vous faudrait payer le loyer et tout le reste.
Mme Jean Haase: ...il nous faudrait payer tout cela. C'est là un aspect de la question. Et le poste de conseiller a été créé à la clinique lorsque l'hôpital...
La présidente: L'a mise sur pied.
Mme Jean Haase: ...l'a mise sur pied, oui.
En fait, lorsque les patients viennent pour ce que nous appelons l'avant-midi d'évaluation, l'avant-midi d'orientation, s'ils devaient opter pour une FIV, la séance durerait toute la matinée et ils verraient l'infirmière, le médecin et le psychologue. Ils doivent payer pour cela. Si la FIV en Ontario n'a pas pour cause un blocage tubaire, alors ils doivent payer 500 $ pour cet avant-midi d'évaluation. Ils ne savent pas quelle somme va au conseiller, au technicien de laboratoire ou au médecin. Il y a donc des frais qui sont exigés lorsque le traitement n'est pas assuré par la Protection-santé de l'Ontario.
La présidente: Autant que vous sachiez, la FIV est-elle couverte par l'assurance-maladie ailleurs au Canada?
Mme Jean Haase: Autant que je sache, elle n'est couverte en Ontario que lorsqu'il y a blocage des trompes, à moins qu'elle soit jugée médicalement nécessaire dans l'éventualité où l'hyperstimulation et l'insémination, si c'était la solution retenue, entraîneraient un risque plus élevé de naissances multiples. En Ontario, c'est ce que nous appelons une conversion à la FIV. C'est fait à la dernière minute pour éviter les naissances multiples et éliminer ou réduire les effets de l'hyperstimulation.
Je crois savoir que cet acte médical est couvert en Ontario, mais je ne pense pas qu'il le soit dans les autres provinces. Je ne crois pas que la FIV le soit.
La présidente: Pourriez-vous nous indiquer comment nous pourrions faire en sorte qu'il n'y ait plus d'échange d'argent? Vous nous avez donné un aperçu de la solution, madame Haase, quand vous avez dit que si les cliniques devaient recruter leurs propres donneurs de sperme, elles n'auraient plus à s'approvisionner auprès de banques dont certaines obtiennent leur sperme de prisons aux États-Unis.
Tout cela nous rend fous. Nous détestons même en parler. Et nous ne savons pas combien de dons certains de ces donneurs ont faits ni à combien d'enfants ils pourraient avoir donné la vie...
Mme Jean Haase: Et ils pourraient faire des dons à bien des endroits différents en même temps.
La présidente: Exactement.
À mon avis, le seul espoir que nous ayons actuellement au Canada, c'est qu'un don aille à Vancouver et l'autre à Halifax et que ces deux enfants ne se marient pas. C'est trop vague. Ce n'est pas assez.
Mme Jean Haase: Je pense que nous devons examiner un mode différent de recrutement. Actuellement, on peut parler de commercialisation.
La présidente: C'est exact.
Mme Jean Haase: Si on encourage les gens à faire des dons en leur offrant de l'argent, alors ils prendront l'argent. Des recherches très intéressantes ont été faites sur les motifs des donneurs ailleurs dans le monde. Je sais que le professeur Ken Daniels a envoyé un mémoire très utile au comité dans lequel il parle de ces recherches. Les donneurs ne s'attendent pas à recevoir d'argent dans des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
La présidente: Et en Suède non plus, maintenant, je pense.
Mme Jean Haase: Oui. C'est exact.
C'est possible. Et cela nous ramène à la question de l'âge, dont nous discutions tout à l'heure. Il a été prouvé que les gens plus jeunes sont moins susceptibles de penser aux répercussions à long terme de leur don. Si on offre à un étudiant d'université de 21 ans 50 $ ou peu importe pour son don, sa motivation pourrait être tout à fait différente. Les recherches qui ont été faites sur les donneurs de sperme en Grande-Bretagne ont révélé que les hommes qui ne sont pas intéressés ou qui ne demandent pas à être payés sont souvent ceux qui sont un peu plus vieux, qui ont leurs propres enfants, qui comprennent ce que c'est d'être parents. Ils ont un point de vue tout à fait différent. Ce ne sont pas des étudiants de 22 ans, qui veulent 50 $.
Nous devons faire preuve d'une plus grande créativité dans le recrutement des donneurs. Ce n'est pas impossible, selon moi.
La présidente: Nous parlons de donneurs de sperme. C'est un concept plus facile.
Mme Jean Haase: Oui.
La présidente: Mais la somme d'argent versée à une femme pour ses ovules est beaucoup plus élevée...
Mme Jean Haase: Oui, elle l'est.
La présidente: ...et elle pourrait avoir pris des fécondostimulants. Vous avez donc une femme...
Mme Jean Haase: Je dirais que cela fait partie des dépenses de celle qui fait don de ses ovules, qu'il ne faudrait pas s'attendre à ce qu'elle assume les frais elle-même. Oui, ce sont des dépenses. Mais je ne pense pas que les donneurs de sperme aient de nombreuses dépenses en général.
Ce qui est vraiment inquiétant, c'est l'importance commerciale que les dons d'ovules ont prise.
La présidente: C'est ce qui nous inquiète.
Mme Jean Haase: La recherche sur Internet de femmes qui sont prêtes à vendre leurs ovules est extrêmement préoccupante. C'est une question d'offre et de demande et c'est là que les gens vont pour trouver ce qu'ils ne peuvent trouver ailleurs.
La présidente: Exactement.
Il est question dans le projet de loi des dons altruistes, mais toutes les preuves que nous avons recueillies montrent que la plupart des dons tournent autour de l'argent. Il peut arriver à l'occasion qu'une parente fasse quelque chose pour un membre de sa famille. Par exemple, nous avons entendu dire que le prix pour une mère porteuse pouvait être de 36 000 $ pour 12 mois, et cela pour ses dépenses uniquement, parce qu'elle doit rester à la maison, ou peu importe. Les dispositions du projet de loi sont très vagues à ce sujet. Seriez-vous tous d'accord pour dire qu'il faudrait les renforcer?
Mme Jean Haase: J'aimerais bien qu'il n'y ait plus aucune commercialisation. C'est venu petit à petit et personne ne s'est vraiment interrogé. Bien sûr, nous sommes situés très près des États-Unis où cela est chose courante. Mais je pense aussi que les traitements pour infertilité offerts en dehors des régimes d'assurance-maladie des gouvernements ont joué un très grand rôle.
La présidente: Donc, si ces traitements étaient couverts par les régimes de soins médiaux...
Mme Jean Haase: Cela aiderait énormément.
La présidente: Bien sûr, la santé relève de la compétence des provinces, mais nous pourrions essayer de les intimider par notre discours. Par exemple, si nous étions responsables de l'attribution des licences, nous pourrions en délivrer uniquement aux cliniques qui n'acceptent d'argent de personne, et la profession médicale elle-même pourrait exercer des pressions sur le gouvernement pour que cela soit de nouveau couvert par l'assurance-maladie...
Mme Jean Haase: Les gens sont horrifiés à l'idée d'offrir de l'argent aux donneurs d'organes ou de sang.
La présidente: Exactement.
Mme Jean Haase: Cela ne fait tout simplement pas partie de notre culture. Mais, pour une raison quelconque, nous en sommes venus à considérer que c'est normal dans le cas de la reproduction.
La présidente: Avant que je vous donne la parole, monsieur Lunney, les ingénieurs avaient quelque chose à répondre à un commentaire que vous avez fait tout à l'heure.
Voulez-vous y aller, madame Lemay?
Mme Marie Lemay: Merci, oui. Je tenais simplement à faire une précision. Tout le monde dit que la science évolue très rapidement et il est extrêmement important pour nous que ces technologies soient entre les mains de personnes qui sont liées par un code d'éthique, qui possèdent non seulement les compétences, mais l'éthique qu'il faut. Notre système professionnel au Canada est là pour cela.
Nous sommes d'accord avec la profession médicale pour dire qu'il faut conserver cette flexibilité et tabler sur ce qui existe déjà. Ne réinventez pas la roue. Incluez ce que nous avons au Canada dans l'organisme de réglementation que vous devrez mettre en place.
La présidente: Vous avez une question, monsieur Lunney?
M. James Lunney: Merci. Je viens de penser qu'il serait peut-être utile au comité d'avoir une idée de ce qu'il en coûte actuellement aux patients pour des services de fécondation in vitro ou d'insémination par don de sperme et de savoir qui paye. Que paye la province dans certains cas et que paye le patient pour ces services?
La présidente: Je pense que les coûts varient d'une province à l'autre. Tout dépend.
M. James Lunney: Il pourrait être utile pour le comité d'avoir un tableau ou un aperçu de la situation.
La présidente: Ce serait très utile si quelqu'un pouvait lui en dresser un, mais, dans certains cas, ces renseignements ne sont pas du domaine public.
Mme Justine Espenant: J'ai rédigé un article il y a quelques années au sujet du coût de la grossesse et je pourrais vous l'envoyer pour que vous le lisiez. Cela vous donnera un aperçu des coûts qu'on ne peut pas chiffrer, par exemple, le coût des déplacements d'une patiente du nord de la Saskatchewan pour se rendre à sa clinique de Saskatoon, qui exigent trois heures en voiture ou en petit avion, et qu'il faut effectuer tous les deux ou trois jours pour des prises de sang et des ultrasons. Il y a aussi le coût des heures d'emploi perdues. Il y a le coût de l'incompréhension des voisins, des amis et des membres de la famille.
Il s'agit là de frais connexes qu'on ne peut pas quantifier et qui devraient être inclus dans les coûts, comme je le dis dans l'article que j'ai écrit.
Il est prouvé que la FIV fonctionnera habituellement au troisième cycle et je ne peux donc pas comprendre pourquoi elle n'est pas couverte par les régimes d'assurance-maladie des provinces. Cela dépasse mon entendement. Si elle doit fonctionner, ce sera habituellement au troisième cycle, et cela me semblerait être une couverture raisonnable pour l'ensemble du pays.
C'est épouvantable ce qui se passe en Ontario. Lorsque des familles interjettent appel—il existe une commission d'appel en Ontario, mais l'appel n'est pas couvert par l'assurance-maladie—on leur envoie toute la paperasse, et on leur fait franchir tout le processus avec leur avocat en sachant très bien qu'elles ne recevront pas un sou à cause de telle ou telle disposition. La province donne au couple l'impression qu'il sera entendu devant une commission d'appel, mais aucune décision ne peut être renversée. Les frais ne peuvent pas être couverts. Si vous aviez accès aux dossiers à Toronto de tous ces couples ou individus qui ont voulu interjeter appel des coûts, vous seriez surpris de constater tout le travail et tous les efforts qu'ils ont investis sans se voir rembourser quoi que ce soit.
La présidente: Vous devriez écrire au Barreau du Haut-Canada à ce sujet, parce que les avocats acceptent d'interjeter appel et maintenant qu'on a la preuve qu'aucune cause n'a jamais été gagnée, le Barreau devrait ordonner à ses membres de cesser de jouer le jeu.
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Votre association fait-elle du lobbying auprès du gouvernement
provincial? C'est là que l'action se passe.
Mme Justine Espenant: Cela fait partie de la liste des choses à faire. Il y avait aussi le travail avec un ombudsman et le ministre de la Santé de l'Ontario pour faire savoir à tous qu'il y a un processus... que les choses pouvaient changer.
Le problème, c'est que nous n'avions pas les fonds voulus pour tout faire. Il y avait de trop nombreuses autres priorités. Parce que nous n'avions pas assez de fonds pour ce genre de recherches, elles n'ont pas été faites.
La présidente: D'accord. Merci beaucoup.
Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir bien voulu nous attendre—nous avions une demi-heure de retard—et d'avoir eu la patience de nous consacrer une demi-heure de plus à la fin de la journée. Vous nous avez été très utiles. Il se pourrait que nous téléphonions à certains d'entre vous pour avoir plus de détails sur les thèmes que vous nous avez fait découvrir. Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci beaucoup.
Je demanderais aux membres d'attendre une seconde. Nous avons un problème parce que notre voyage a été interrompu. Il y a une quarantaine de groupes et de particuliers qui souhaitent nous présenter leur témoignage et, parce que nous n'avons pas tenu d'audiences pendant quatre jours là où nous devions aller, ils insistent auprès du greffier pour venir nous rencontrer.
Croyez-vous qu'il soit nécessaire d'entendre 40 autres témoins, ou même 10 autres témoins de plus? Nous en rencontrerons d'autres par la suite, bien sûr, que nous avons déjà convoqués.
Pensez-vous vouloir entendre le témoignage de 10 des 40 témoins que nous devions rencontrer pendant nos déplacements? La seule date qui reste pour le moment est le 26 novembre, le deuxième lundi après notre retour. Le greffier doit en aviser ces gens s'il leur faut venir à Ottawa de loin.
M. James Lunney: La Dre Miller fait-elle partie de ces témoins?
La présidente: Oui.
M. James Lunney: Quand viendra-t-elle nous rencontrer?
La présidente: C'est là le problème. Nous devions la rencontrer lors de notre passage à Montréal. Nous avions prévu de rencontrer tous ces gens dans les régions.
M. James Lunney: Nous devons absolument la rencontrer si nous le pouvons.
La présidente: La question n'est pas de savoir qui nous allons rencontrer. Nous pouvons la convoquer parce que nous savons que vous tenez à entendre son témoignage, et j'aimerais la rencontrer moi aussi. Ce n'est pas là le problème. La question est de savoir si le comité est prêt à siéger toute une journée à Montréal, à arriver un dimanche soir et à siéger toute la journée lundi pour entendre dix des témoins que nous avions convoqués, dont la Dre Miller.
M. James Lunney: Quand pensiez-vous le faire, Bonnie?
La présidente: Le lundi 26 novembre.
M. James Lunney: Zut! Je voyage cette journée-là. J'ai déjà un vol le dimanche. Je reviendrai dimanche s'il le faut pour cette réunion.
La présidente: D'accord.
Et vous, monsieur Castonguay?
M. Jeannot Castonguay: Je ne serai pas là cette semaine-là. Je dois m'absenter. La semaine du 26 novembre?
La présidente: Oui.
M. Jeannot Castonguay: Je serai absent à compter du 23 novembre, je pense.
La présidente: Voyagez-vous pour le ministre?
M. Jeannot Castonguay: Oui.
M. Rob Merrifield: Comment fait-il?
M. Jeannot Castonguay: Comment? Si vous voulez venir, je n'ai rien contre. Vous êtes un homme aimable, alors ça va.
M. Rob Merrifield: Nous aurons beaucoup de temps pour les questions, vous savez, parce que nous ne serons pas nombreux.
La présidente: Même si nous n'étions que trois, je pense que nous devrions tenir une séance d'une journée. Nous en avons déjà prévu une pour décembre. Le 3 décembre, je pense. Nous siégerions deux lundis de suite.
M. James Lunney: Donc, il faudrait que je prenne l'avion le 25 novembre.
La présidente: Oui, le 25 novembre.
La séance est levée.