HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HEALTH
COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 3 mai 2001
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. La séance est ouverte.
Ceci est la treizième réunion du Comité permanent de la santé. Nous accueillons aujourd'hui le ministre.
Avant de commencer, j'aimerais inviter les représentants des médias à quitter la salle, car ils nous dérangent. Nous avons besoin de réfléchir soigneusement à ce nouveau territoire que nous allons explorer ensemble. Merci beaucoup, mesdames et messieurs les journalistes.
Nous allons maintenant inviter le ministre à nous présenter son exposé.
L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé): Merci, madame la présidente. Bonjour à tous.
• 1110
Madame la présidente, je crois que ce jour sera un jalon
important dans un cheminement qui amènera le Canada à adopter des
mesures régissant l'assistance à la procréation et les activités
de recherche connexes.
Je vous propose aujourd'hui un avant-projet de loi qui nous semble, au gouvernement, la meilleure démarche pour aborder ces questions complexes; la meilleure démarche pour les femmes et les hommes qui se servent des progrès des traitements contre l'infertilité pour se construire une famille; la meilleure aussi pour les enfants nés grâce à l'assistance à la procréation, et qui voudront et devront pouvoir accéder aux informations sur leur historique médical; et la meilleure aussi pour les Canadiens souffrant de maladies ou de blessures invalidantes qui pourraient un jour bénéficier de ce potentiel de recherche passionnant.
[Français]
Je propose aujourd'hui, madame la présidente, un cadre législatif qui nous guidera dans un domaine à la fois prometteur et rempli de défis. Je demande au comité d'examiner ce cadre avec les Canadiens et les Canadiennes.
En définissant ce que la population canadienne acceptera et récusera dans le domaine de la procréation assistée, cet avant-projet de loi vise à baliser une question complexe sur les plans scientifique et déontologique.
[Traduction]
Le travail que nous accomplissons s'appuie sur les importantes contributions apportées au fil des ans: la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction, présidée de façon éminente par la Dre Patricia Baird, a déposé son rapport historique en 1993; les négociations des moratoires volontaires qui se poursuivent depuis 1995, lorsqu'on s'est entendu sur les pratiques qui ne devaient pas être poursuivies; et le projet de loi C-47, présenté en 1996, qui est mort au Feuilleton un an après, mais qui proposait une série d'interdictions de certaines activités telles que le clonage.
Durant cette période, madame la présidente, les progrès scientifiques se sont multipliés et ont rendu ce travail encore plus nécessaire, et aussi plus complexe. D'autres pays ont pris diverses mesures pour réglementer ce domaine. Il importe que le Canada ait aussi un cadre analogue. C'est pourquoi nous invitons aujourd'hui les députés à participer à cette démarche pour mettre en place un environnement approprié au Canada.
Compte tenu de cette évolution, pourquoi ne présentons-nous pas ce projet de loi au Parlement, et pourquoi commençons-nous ici par le Comité de la santé?
Madame la présidente, ce projet de loi n'est pas comme les autres. Ces questions sont différentes des autres. Ce sont des questions extrêmement personnelles pour les particuliers et leurs familles, et en même temps extrêmement intéressantes pour toute la société. Ce sont en fait des questions qui vont au coeur de la condition humaine.
Il y a des gens qui sont bouleversés parce qu'ils ne peuvent pas avoir d'enfants. Beaucoup espèrent que les progrès de la médecine permettront d'atténuer les souffrances de leurs proches. Ces problèmes soulèvent des questions qui ne sont pas simplement d'ordre technique ou scientifique, mais ont aussi une dimension morale et éthique.
En bref, il faut aborder la question sur un plan plus large que le simple plan scientifique, de façon à guider les recherches et les progrès de la science. Ce n'est pas parce que l'on peut faire quelque chose qu'on doit nécessairement le faire.
[Français]
Ces enjeux ne ressemblent à rien d'autre, mais vraiment ils sont extrêmement personnels pour les individus et leur famille. En même temps, ils sont d'un grand intérêt pour toute la société. Ces enjeux sont au coeur même de la condition humaine. Des personnes s'inquiètent de ne pas être capables d'avoir des enfants alors que d'autres souhaitent qu'un développement médical atténue les souffrances d'êtres chers.
Ces enjeux soulèvent des questions. Ils ne sont pas simplement d'ordre technique ou scientifique mais ont des dimensions d'ordre moral et éthique. Bref, il doit y avoir un mode de pensée supérieur, autre que simplement la science, pour orienter la recherche et les efforts scientifiques. Ce n'est pas parce que l'on peut faire quelque chose qu'on doit nécessairement le faire.
Voilà pourquoi nous avons choisi de présenter cette ébauche de projet de loi au comité pour commencer, pour donner aux députés l'occasion d'examiner et d'évaluer les propositions du gouvernement, d'y réfléchir, de consulter les Canadiens et de nous dire s'ils pensent que nous sommes sur la bonne voie.
Madame la présidente, il n'est pas question ici de parti pris politique; il s'agit d'une question profondément humaine. C'est pourquoi nous avons jugé qu'il était préférable de nous adresser directement aux députés pour les inviter à voir s'il existe un consensus public sur les moyens, les méthodes et les principes que nous proposons.
Le Canada n'est pas le premier pays à s'attaquer à ces questions. Chaque pays a sa façon de les traiter. Toutefois, notre façon d'agir nous placerait à l'avant-plan sur la scène internationale, en compagnie du Royaume-Uni et de l'Australie.
Le Royaume-Uni, par exemple, a pris l'initiative avec la création d'une administration nationale chargée de surveiller un éventail d'interdictions et de règlements. Nous prévoyons un arrangement semblable, une démarche pancanadienne intégrée qui ne copierait pas la situation morcelée qui existe actuellement aux États-Unis.
[Français]
Nous croyons que le gouvernement du Canada devrait prendre la tête de file en instaurant un cadre législatif qui va fournir une approche cohérente partout au pays et qui va préciser ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. À l'instar d'autres mesures législatives fédérales sur la protection de la santé, comme la Loi sur les aliments et drogues et la Loi réglementant les produits du tabac, l'avant projet de loi repose sur la responsabilité fédérale à l'égard du droit criminel.
Au Canada, le développement de cette législation constitue une forme valide d'exercice de la compétence en matière de droit criminel.
[Traduction]
C'est certainement un domaine où le gouvernement fédéral devrait assumer un rôle prépondérant, car le gouvernement du Canada est parfaitement placé pour prendre l'initiative d'une approche cohérente nécessaire pour gérer des questions nationales conformément à nos valeurs nationales.
C'est un fait, madame la présidente, que de plus en plus de Canadiens ont des problèmes d'infertilité et ne peuvent pas avoir d'enfants. Ils se tournent vers la science pour les aider grâce à des inséminations artificielles, des fécondations in vitro, et d'autres procédures de ce genre.
Quel serait pour eux de ce projet de loi? Premièrement, il donnerait la garantie que les traitements sont sans danger. Deuxièmement, il apporterait aux Canadiens des informations qui leur permettraient de faire des choix éclairés. Troisièmement, il permettrait aux enfants nés grâce au recours de ces technologies d'avoir accès à leur historique médical et à des informations sur leur hérédité. ité. Quatrièmement, il garantirait aux hommes et aux femmes qui choisiraient d'en aider d'autres à se construire une famille ou à faire progresser la science qu'on respecterait leur don de matériel reproductif et leur vie privée. Enfin, on donnerait la garantie aux chercheurs et à la population en général que la recherche scientifique est bien encadrée par des règles.
À partir de ce tableau d'ensemble, j'aimerais maintenant vous donner un aperçu de ce projet de loi. Il couvre essentiellement deux choses: l'assistance à la procréation et les recherches connexes. Dans les deux cas, nous proposons d'interdire certaines pratiques et d'en autoriser d'autres, mais qui seraient réglementées.
Permettez-moi de vous parler un peu du passage consacré à la procréation assistée. En gros, le projet de loi porte sur les dons de sperme et d'ovules, leur entreposage et leur utilisation. Il couvre toute la question de la fécondation de l'ovule en dehors du corps d'une femme; il porte sur toute l'évolution de l'oeuf fécondé jusqu'au quatrième jour suivant la fécondation, en dehors du corps d'une femme, ou plus longtemps s'il est congelé pour être utilisé ultérieurement.
• 1120
Je tiens à bien souligner cependant que ce projet de loi ne
porte pas sur la grossesse et par conséquent sur des procédures
comme l'amniocentèse ou l'échographie, qu'il ne porte pas sur les
embryons à l'intérieur du corps d'une femme, autrement dit qu'il ne
concerne en rien les rapports médecin-patiente.
Quant à ce qui devrait être interdit, selon nous, il y a un vaste consensus sur les pratiques mentionnées dans la liste. Chacune des interdictions que nous proposons, par exemple le clonage des êtres humains, figure sur la liste d'interdictions parce qu'elle porte atteinte à la dignité humaine. Les interdictions que nous proposons sont les suivantes: le clonage des êtres humains; la modification de la lignée germinale, c'est-à-dire la modification du code génétique de générations à venir, ce qui nuirait à la diversité humaine et brandirait le spectre d'enfants spécialement conçus;
[Français]
la création d'un être humain à partir de ce qui n'a jamais été un être humain et, donc, le risque d'engendrer des enfants qui ne sont pas issus d'un être humain; le développement d'embryons extra-utérins au-delà de la limite de 14 jours reconnue internationalement; la vente et l'achat d'embryons humains;
[Traduction]
l'achat de sperme et d'ovules; le choix du sexe; la maternité de substitution à des fins commerciales, c'est-à-dire le fait de concevoir et porter un enfant moyennant rémunération; le transfert à une femme de matériel reproductif animal, ou le transfert à une femme de matériel reproductif humain transplanté auparavant dans un animal; et la création d'embryons aux seules fins de la recherche. Je dois dire que, bien que la législation du Royaume-Uni autorise cette pratique, nous estimons qu'elle devrait être interdite, et notre proposition est conforme aux lignes directrices récemment publiées pour discussion par les instituts de recherche en santé du Canada.
Pour en venir maintenant à ce qui pourrait être réglementé, madame la présidente, en matière de traitement de l'infertilité et d'activités connexes, notre objectif principal est de protéger la santé et la sécurité de toutes les personnes concernées. Nous tenons à nous assurer que les traitements qui permettront à une femme d'avoir de meilleures chances d'avoir un enfant sont des traitements sûrs. Par exemple, on limiterait le nombre d'embryons qui pourraient être transférés à une femme. L'objectif de cette limitation serait de réduire les cas de naissances multiples, où généralement les bébés on un très faible poids à la naissance et risquent d'avoir des problèmes de santé par la suite.
Nous voulons nous assurer que les dossiers sont réunis et que les résultats sont évalués afin que l'information puisse être disponible pour les personnes qui réfléchissent à leurs possibilités de traitement. Quant au matériel reproductif humain, les Canadiens veulent pouvoir s'appuyer sur des règles concrètes. Celles-ci porteront notamment sur la façon dont ce matériel doit être recueilli, son mode de conservation et ses usages. La maternité de substitution à des fins altruistes sera autorisée, mais seulement moyennant un consentement éclairé et adéquat.
Jusqu'à maintenant, la plupart de ces pratiques ont été régies par des directives d'application volontaire. Nous croyons que quand une femme se présente à une clinique ou au bureau d'un médecin pour y subir un traitement comme ceux dont nous parlons ici, elle devrait pouvoir se reporter à quelque chose de plus concret qu'une directive d'application volontaire ou à un moratoire sans caractère officiel. Elle doit pouvoir se sentir en sécurité et estimer que sa santé est protégée par la loi et par des règlements qui respectent nos valeurs et protègent son intégrité.
J'aimerais maintenant vous parler de la réglementation concernant les pratiques de recherche dans ce domaine. Naturellement, il existe d'immenses possibilités ainsi qu'un grand espoir de voir les Canadiens et les Canadiennes bénéficier de la recherche sur des problèmes comme l'infertilité et des problèmes de santé d'ordre génétique. De plus, la communauté scientifique mise sur des progrès qui suscitent beaucoup d'espoir pour les Canadiens touchés par le diabète, le cancer, des blessures à la moelle épinière, la cécité et des maladies dégénératives comme la maladie de Parkinson et la maladie d'Alzheimer.
Toutefois, madame la présidente, une partie de ce travail dépend de l'accessibilité du matériel génétique comme les cellules souches dérivées d'embryons. La proposition que nous soumettons aujourd'hui au comité régirait l'utilisation des embryons dans la recherche, de manière à rendre possible de nouveaux progrès dans le traitement de la maladie, tout en réaffirmant que nous ne permettons pas la création d'embryons aux seules fins de la recherche. Par la réglementation, nous chercherions à garantir que les embryons seront traités avec tout le respect voulu. Les médecins doivent disposer de toute l'information nécessaire pour obtenir un consentement véritablement éclairé de la part des donneurs. Des licences seraient requises pour effectuer ce genre de travaux de recherche et ne seraient accordées qu'après un examen scientifique et éthique complet.
• 1125
J'ajoute que cette approche est conforme, encore là, aux
directives récemment proposées par les instituts canadiens de
recherche en santé et est largement appuyée par la communauté des
chercheurs du Canada.
Il y a bien sûr de nombreuses opinions divergentes sur ces questions complexes, de morale et d'éthique, qui sont aussi de nature scientifique et juridique. Je pense qu'il est très important que le comité entende ce que les Canadiens et les Canadiennes ont à dire sur ces questions, et c'est avec plaisir que je prendrai connaissance de vos réflexions sur la portée et le sens des dispositions réglementaires proposées.
[Français]
Je veux que vous sachiez que mes homologues dans les provinces et les territoires ont en main une copie de cette législation. Ils sont au courant du processus et je les ai invités à me faire part de leurs commentaires là-dessus.
Les provinces et les territoires auront la possibilité de participer à l'élaboration des règlements. Je tiens à souligner que la législation renferme une disposition visant à permettre aux provinces et territoires d'élaborer leur propre cadre législatif, un cadre équivalent à celui du gouvernement fédéral. Ceci permettra aux provinces et territoires d'avoir leur propre processus, mais l'uniformité sera maintenue partout au pays.
[Traduction]
La législation renferme une disposition visant à permettre aux provinces et territoires d'élaborer leur propre cadre législatif, un cadre équivalent à celui du gouvernement fédéral que nous proposons aujourd'hui. Ceci permettra aux provinces et territoires d'avoir leurs propres processus, mais l'uniformité sera maintenue partout au pays.
[Français]
Et mes fonctionnaires vont continuer de travailler de concert avec leurs collègues dans les provinces et territoires, ainsi qu'avec d'autres parties intéressées afin d'élaborer les règlements au moment voulu.
En plus de proposer ce qu'il convient de réglementer, nous vous consultons, madame la présidente, sur la façon de le faire. Nous aurons besoin d'une ressource pour mettre en oeuvre et appliquer la loi, pour définir la politique, assurer le suivi des nouveaux dossiers et servir de source d'information viable.
Idéalement, un tel organisme serait très représentatif, transparent et rendrait compte de ses décisions. Toutefois, il devrait aussi être souple afin de pouvoir réagir avec rapidité et efficacité.
Nous avons besoin de votre avis quant à sa structure éventuelle et quant à savoir si on devrait l'intégrer à Santé Canada ou s'il devrait être autonome. J'espère que vous allez consulter les Canadiens et les Canadiennes à ce sujet.
[Traduction]
Madame la présidente, je conclurai en disant que la procréation assistée est un enjeu qui interpelle tous les Canadiens et les Canadiennes. Il ne laisse personne indifférent. C'est une question non partisane, une question qui concerne la condition humaine, et c'est pourquoi nous nous présentons devant vous aujourd'hui, avant même de déposer le projet de loi. Nous demandons au comité d'amorcer un dialogue avec les Canadiens et les Canadiennes, d'examiner les travaux effectués jusqu'ici, d'évaluer les propositions qui sont présentées, d'établir ce qui serait interdit et ce qui serait autorisé selon les règlements et, enfin, de nous indiquer si nos membres recueillent ou non un large consensus.
Nous souhaiterions recevoir un rapport d'ici à la fin de janvier de l'année prochaine, si c'est possible. Nous croyons que ce délai vous donnera le temps nécessaire pour vous acquitter de la tâche qui vous est confiée. J'ai bien sûr demandé aux hauts fonctionnaires et aux responsables du ministère de vous épauler de leur mieux. Je me ferai un plaisir de collaborer avec vous tous dans le cadre de l'examen que nous ferons de cette question de plus en plus complexe et importante.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur le ministre. C'était très clair, et nous vous en remercions. Malgré tout, je suis sûre que mes collègues auront bien des questions à vous poser. Commençons donc sans plus tarder.
Je donne d'abord la parole à M. Manning.
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, AC): Merci, madame la présidente, et merci monsieur le ministre pour votre déclaration.
Nous sommes sans doute tous d'accord ici—et je ne suis pas du genre à exagérer—pour dire que ce projet de loi est probablement l'un des plus importants qu'aura à examiner la 37e Législature, et cela pour les raisons que vous avez exposées. J'ai donc confiance que nous tous ici tenterons de nous élever au-dessus des partis pris politiques pour tâcher d'examiner cette mesure avec le plus grand sérieux possible.
J'ai plusieurs questions à poser. D'abord, comme vous l'avez remarqué, voilà huit ans que la Commission royale a présenté ses recommandations en vue de la création d'un tribunal réglementaire national. Le dernier projet de loi remonte à cinq ans. Le Canada—je crois qu'on peut le dire—accuse un grave retard par rapport à beaucoup d'autres pays. La loi britannique créant l'autorité réglementaire dont vous avez parlé a été adoptée il y a près de 10 ans.
J'aimerais savoir quels sont les obstacles qui ont retardé le dépôt d'une telle mesure. Nous devrons faire face à ces obstacles; ils sont bel et bien là. S'il y a des raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral ne s'est pas senti libre de présenter cette mesure législative ou d'entamer ce dialogue avec le public, je pense que nous devrions les connaître, puisque nous allons devoir les affronter nous-mêmes en ouvrant ce dialogue que vous nous demandez d'entreprendre.
M. Allan Rock: Madame la présidente, je vous dirai d'abord que c'est avec plaisir que j'entends M. Manning parler de la nécessité de renoncer aux partis pris politiques. Les questions dont nous débattons ici ne sont pas l'apanage de l'Alliance canadienne ni du Parti libéral ni du Bloc québécois; elles concernent tous les Canadiens. C'est justement dans cet esprit que j'espère voir s'entamer le débat aujourd'hui.
Il est passé bien de l'eau sous les ponts depuis 1989, quand on a constitué la Commission Baird. Je m'occupais du portefeuille de la justice en 1993, quand le rapport a été déposé vers la fin de l'année. Je me souviens que nous avons immédiatement examiné en quoi consistait la compétence du fédéral. Je sais que la commission avait beaucoup insisté pour dire qu'il devrait y avoir une législation fédérale, une réglementation fédérale, et que nous devrions recourir au pouvoir que nous confère le droit pénal. Je me rappelle d'avoir discuté avec le ministre de la Santé de l'époque sur les domaines qui étaient proprement de compétence fédérale et sur la façon dont ce pouvoir pouvait être exercé.
Je me rappelle aussi qu'en 1994 et 1995 nous avons mené des discussions avec des groupes—chercheurs, médecins ou groupes s'intéressant aux questions d'infertilité—sur les quelque 400 recommandations présentées par la Commission Baird. Elles ne recueillaient pas un appui unanime. Les vues étaient partagées sur certaines d'entre elles, monsieur Manning.
En 1995, comme le temps passait, Mme Marleau, qui était alors la ministre de la Santé, a envisagé la possibilité d'un moratoire volontaire qu'appliqueraient tous les intervenants en attendant un consensus pour aller de l'avant. Il a fallu quelque temps pour y arriver.
En 1996, comme vous le savez, on avait déposé un projet de loi, qui a fait l'objet d'un débat et qui a été étudié par le comité mais qui est mort au Feuilleton en 1997 au moment du déclenchement des élections. Je suis devenu ministre de la Santé en juin 1997, et je suppose que vous allez me demander ce que je fais depuis quatre ans.
Je vous dirai que nous avons fait le point sur ce qui a été accompli et ce qui restait à faire. J'ai constaté dès mes premiers entretiens avec Mme Baird et d'autres, que la science avait progressé à la vitesse de l'éclair dans les années qui s'étaient écoulées depuis. Des choses qu'on n'avait même pas imaginées en 1993 étaient devenues possibles en 1998, et nous avons essayé de voir si les instruments proposés étaient suffisants pour y faire face.
Plus tard, vers la fin de la dernière Législature, avant les élections, monsieur Manning, nous avons entrepris des discussions très suivies avec certaines provinces sur le rôle qui revenait au fédéral par opposition aux gouvernements des provinces. Ce n'est qu'après avoir conçu cette proposition d'entente d'équivalence que nous avons pu être certains de disposer d'un moyen de dissiper ces préoccupations.
Nous en étions là lorsque les élections ont été déclenchées. J'ai fait de mon mieux pour vous soumettre cette mesure le plus rapidement possible après les élections, compte tenu des autres obligations que j'avais et des engagements que vous aviez aussi.
M. Preston Manning: Je présume que ce retard s'explique en partie par le fait que le fédéral et les provinces ont tenté de s'entendre comme il se doit. Je suppose que c'est un élément important de cette mesure législative. Si on n'a pas une bonne assise constitutionnelle, on s'expose à une contestation et la mesure législative devient alors très difficile à mettre en oeuvre ou à faire respecter.
• 1135
Il me semble que ce projet de loi, déjà par son titre, traite
directement d'un aspect de la santé humaine qui, selon la
Constitution, relève d'abord et avant tout des provinces.
Je sais que le gouvernement fédéral prévoit des sanctions pénales pour les choses qu'il interdit, et je présume que c'est peut-être la véritable raison pour laquelle il renforce le pouvoir fédéral. Si on criminalise des choses et qu'elles relèvent ainsi du Code criminel, personne ne conteste que c'est un pouvoir fédéral. Je me demande si c'est la meilleure façon d'établir une compétence.
En outre, il me semble que pour que cela fonctionne il doit y avoir une grande coopération avec les provinces, surtout en ce qui concerne la technologie de reproduction et les programmes de traitement. J'aimerais savoir dans quelle mesure il y a eu de véritables consultations avec les provinces au sujet de ce projet de loi. Par exemple, y a-t-il eu dans les huit dernières années au moins une conférence fédérale-provinciale de niveau ministériel pour traiter des technologies de reproduction et des technologies génétiques?
M. Allan Rock: Je pense que vous me demandez de traiter de deux aspects de la question, l'un étant aussi important que l'autre. Le premier aspect a trait aux techniques: du point de vue constitutionnel, le gouvernement du Canada a-t-il l'autorité voulue pour légiférer dans ce domaine, et le cas échéant, sur quoi repose ce pouvoir? Mais la deuxième question, qui est plus vaste encore, il me semble, est la suivante: Veut-on avoir une législation uniforme dans ce domaine? Croit-on que dans une fédération comme la nôtre on doit avoir une approche cohérente face à des questions aussi fondamentales, peu importe l'endroit où l'on vit au pays? Permettez-moi de répondre à chacune de ces questions, en commençant par la question technique des compétences constitutionnelles.
La Loi sur les aliments et drogues et la Loi sur le tabac sont deux exemples d'exercice du pouvoir fédéral en droit pénal relativement à des questions de santé et de sécurité. Les constitutionnalistes me disent que mis à part le strict pouvoir que confère le droit constitutionnel, le gouvernement du Canada a aussi un pouvoir général de légiférer quand se posent pour tous les Canadiens de grandes questions en matière de santé ainsi que de sécurité et d'ordre.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Manning—je ne veux pas l'affirmer de façon trop catégorique—, je suis convaincu en mon fort intérieur, en tant que ministre, en tant que personne, en tant qu'avocat que l'avant-projet de loi que nous vous soumettons serait maintenu par les tribunaux s'il était contesté sur le plan constitutionnel concernant la compétence du fédéral dans ces questions.
Ce qui m'amène à traiter du deuxième aspect dont vous avez parlé; à savoir si, mis à part l'aspect technique, il convient que le gouvernement du Canada légifère dans ce domaine, ou s'il devrait plutôt laisser le soin de cette question aux provinces. Permettez- moi d'exprimer mon opinion, l'opinion du gouvernement, soit qu'on doit avoir une approche cohérente face à ces questions, que nous devrions avoir une approche uniforme dans tout le pays, une approche qui respecte les valeurs auxquelles nous tenons dans tout le pays, car permettre le morcellement de la législation dans ce domaine serait faire fi de l'importance des questions qui nous occupent ici.
Pour ce qui est de la consultation, je peux vous dire que nous avons consulté les gouvernements des provinces. Je ne peux pas affirmer qu'on ait convoqué une réunion spéciale des ministres dans le seul but d'en discuter, mais je peux vous dire que des hauts fonctionnaires ont reçu l'ordre des ministres de collaborer à l'examen de ces questions depuis un certain temps. Ce n'est pas une surprise pour les provinces. Et nous croyons certainement que la proposition d'adopter une réglementation fédérale cohérente ainsi que de donner aux provinces le pouvoir de conclure des ententes d'équivalence devrait être bien accueillie, d'autant plus que nous consultons les provinces sur la forme que devrait prendre la législation et qu'elles participeront à l'élaboration de la réglementation.
La présidente: Merci, monsieur le ministre. Merci, monsieur Manning.
La parole est à M. Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente. Merci de comparaître devant nous, monsieur le ministre Rock.
À la lumière de votre exposé, de la séance d'information de l'autre jour, des renseignements que nous avons recueillis ici et de l'analyse des publications sur les législations étrangères, et comme nous venons de recevoir aujourd'hui même l'avant-projet de loi, dont je ne connais donc pas tous les détails; à la lumière de ce qui s'est passé à l'étranger jusqu'à maintenant et de ce vaste objectif que vous proposez au Parlement—tout cela est très complet, c'est du moins l'impression que j'en ai, on y aborde bien des sujets dont il n'a jamais été question dans les autres pays—, je crains que nous ne brûlions les étapes, compte tenu de ce que vous avez dit des valeurs canadiennes actuelles.
• 1140
Ne sommes nous pas en train de faire obstacle à des
développements futurs? Nous sommes ici dans un domaine très
dynamique. Nous avons acquis des connaissances considérables depuis
10 ans. Mais personne ne sait ce qui se produira d'ici 10, 15 ou
20 ans. Cette mesure législative ne risque-t-elle pas de faire
obstacle à des développements futurs?
M. Allan Rock: J'espère bien que non. Et je dois vous dire que notre intention va tout à fait en sens inverse: il s'agit de délimiter certains usages inacceptables, non conformes à la dignité humaine, comme le clonage humain et la création d'hybrides mi-animaux mi-humains, des êtres qui comporteraient des éléments animaux et des éléments humains. Voilà autant de choses inacceptables parce qu'incompatibles avec la dignité humaine.
En revanche, l'objectif du projet de loi, une fois définie une structure qui traduit nos valeurs dans ce domaine, est de permettre les travaux de recherche qui feront reculer les limites des connaissances scientifiques et médicales et qui garantiront la souplesse de la structure des valeurs que nous mettons en place.
Par exemple, sous réserve d'un consentement éclairé et des garanties qui s'imposent en matière d'information, de santé et de sécurité, sous réserve des autorisations appropriées et à condition que les locaux soient bien adaptés à leur utilisation, des professionnels de la santé seront autorisés à recueillir des éléments intervenant dans la reproduction humaine et de les soumettre à certaines techniques ou certains traitements. Les scientifiques seront autorisés à solliciter l'approbation de projets de recherche faisant appel à ces tissus reproducteurs à des fins qui n'étaient pas autorisées précédemment pour des considérations éthiques et scientifiques. Il s'agit donc d'une mesure permissive, mais qui est entourée d'un ensemble de règles que nous jugeons conformes aux valeurs canadiennes.
L'objectif n'est pas de faire obstacle à la science, mais au contraire de lui permettre de progresser, étant entendu que la science ne doit pas toujours être l'arbitre ultime de ce qu'il convient de faire. Si on s'en remet exclusivement à la science, on laisse de côté les dimensions éthiques et morales, qui doivent pourtant apparaître dans le tableau et c'est là l'objet même du projet de loi.
M. Stan Dromisky: En ce qui concerne les réserves, j'ai vu dans les revues spécialisées ce qui se passe dans un certain nombre de pays étrangers. Nous nous sommes intéressés à la législation de sept pays, à savoir la Suède, l'Espagne, l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Danemark, la France et la Suisse. Ces pays indiquent avec précision qui peut donner des tissus et qui peut en recevoir.
Je ne connais pas tous les détails de la proposition que nous avons par-devers vers nous, mais dans la plupart des pays, notamment dans ceux que je viens de citer, ces procédures sont réservées aux couples mariés ou, dans certains cas, à des conjoints de fait. On trouve aussi d'autres restrictions: aucune mesure ne peut être entreprise pour un couple infertile dont la femme est âgée de plus de 45 ans, par exemple.
Quelles sont les limites de votre projet de loi en ce qui concerne les bénéficiaires? Je me pose bien des questions à ce sujet. Qu'a-t-on prévu pour les donneurs et à propos de l'information les concernant? Est-ce que par la suite, les enfants nés grâce à ces procédures pourront déterminer l'identité de leurs parents biologiques? Y a-t-il des restrictions dans ce domaine?
M. Allan Rock: En ce qui concerne les personnes autorisées à participer à des techniques ou des traitements d'assistance à la procréation humaine, nous n'avons pas proposé un ensemble de règles. Nous avons plutôt misé sur la sécurité et le consentement éclairé. Nous avons voulu que toute personne qui participe à de tels traitements soit informée à l'avance et donne un consentement éclairé.
Nous avons aussi parlé de réglementation, de façon qu'une femme qui entre dans une clinique ou dans le cabinet d'un médecin pour demander un tel traitement se sente protégée, sache que sa santé n'est pas en danger et qu'il existe un ensemble de règles qui garantissent sa sécurité et qui lui permettront d'obtenir les renseignements dont elle a besoin, pour décider des traitements qu'elle va subir.
• 1145
En ce qui concerne les enfants, nous pensons qu'il est
important de leur donner accès aux renseignements médicaux
concernant leurs parents biologiques qui peuvent avoir une
incidence sur leur propre santé. Par exemple, s'il est prouvé que
l'enfant souffre de problèmes héréditaires, ou lorsqu'il existe un
élément génétique dans des problèmes de santé comme le cancer de la
prostate, l'enfant devra pouvoir obtenir cette information, qui lui
permettra de mieux s'occuper de sa propre santé.
Mais nous avons aussi fixé une limite en disant que sans le consentement du donneur, l'enfant n'aura pas accès à des renseignements permettant d'identifier le donneur, et ne pourra donc pas savoir qui il est ni où il se trouve, car nous estimons que l'absence de ces garanties aurait un effet dissuasif pour les personnes qui donnent du sperme à des fins de procréation.
La présidente: Merci, monsieur le ministre. Merci, monsieur Dromisky.
La parole est à M. Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, AC): Je cède la parole à Preston.
La présidente: Monsieur Manning, allez-y.
M. Preston Manning: Merci. Je devrai m'absenter dans peu de temps, et je vous remercie de votre amabilité.
Le projet de loi confère la responsabilité de la réglementation au ministre. Je sais bien que ce projet de loi n'est qu'une ébauche, mais on y trouve à plus de 20 reprises l'indication que «le ministre peut» ou que «le ministre est tenu de», etc. C'est le ministre qui va réglementer, selon l'état actuel du projet de loi. Je suis un peu surpris de voir que l'ébauche de projet de loi ne reprend pas les idées du gouvernement quant à l'instance qui sera effectivement chargée de la réglementation dans ce domaine. L'intention du gouvernement, c'est que la réglementation relève non pas du ministre, mais bien d'un organisme de réglementation.
Comme vous le savez, il existe un consensus parmi les scientifiques, les professionnels de la santé et les citoyens quant à ce que devrait être cet organisme de réglementation. Vous avez évoqué certaines de ses caractéristiques: la souplesse, la rigueur scientifique, la participation de spécialistes en déontologie provenant des milieux religieux, un processus d'audience ouvert et transparent, une grande efficacité dans l'élaboration des lignes directrices, une capacité d'enquête pour maîtriser l'appareil administratif déjà en place et pour centrer son attention sur les questions de ce genre.
Pourquoi l'avant-projet de loi ne reprend-il pas davantage le point de vue du gouvernement sur cet organisme de réglementation? Est-ce que le ministre est d'avis que si l'on s'en remet à un tel organisme, il devra s'agir d'un organisme indépendant du gouvernement? Devrait-il s'agir d'un organisme quasi judiciaire plutôt que d'un service ministériel? Le bilan du XXe siècle nous montre malheureusement que ce sont les gouvernements qui ont abusé des technologies reproductives et génétiques, plutôt que les citoyens ou le secteur privé.
M. Allan Rock: Monsieur Manning, c'est précisément l'une des questions que nous voulons confier au comité. Il y a deux points de vue à ce sujet. Le premier préconise un organisme indépendant et représentatif des différents intervenants—cliniciens, déontologues, consommateurs—, un organisme qui devrait être indépendant du gouvernement, situé à l'extérieur de Santé Canada, qui prendrait ses propres décisions et qui en rendrait compte. Selon l'autre point de vue, que c'est là un rôle que doit assumer le gouvernement, et il faut constituer un service au sein de Santé Canada, qui soit doté de l'expertise nécessaire, qui serait responsable par mon intermédiaire devant le Parlement, de façon que le gouvernement rende des comptes au Parlement par l'intermédiaire du ministre à la Chambre.
Ce sont là deux points de vue différents. Il existe des arguments dans un sens comme dans l'autre. J'ai mon propre point de vue à ce sujet, mais j'ai hâte de voir ce qu'en conclura le comité après s'être informé. M. Manning estime qu'il existe déjà un vaste consensus concernant l'indépendance du tribunal. Je sais que plusieurs voix se font entendre dans diverses directions à ce sujet. Si le comité en vient à la conclusion qu'une formule est préférable à l'autre, nous serons heureux de prendre son avis en considération.
J'ajoute que si l'on crée un organisme indépendant, cette création aura une incidence sur l'appareil gouvernemental et engagera la prérogative du premier ministre. Mais évidemment, le point de vue et l'avis du comité, fondés sur le travail qu'il va faire, seront pour nous d'une importance capitale.
M. Preston Manning: Voilà un thème qui va faire l'objet d'un débat important au sein du comité. En somme, vous demandez au comité de proposer une structure de réglementation.
Une dernière question. Monsieur le ministre, vous dites que la science doit avoir pour guide une notion plus élevée. À votre avis, quelle est cette notion plus élevée et de quoi procède-t-elle?
M. Allan Rock: Je voulais dire simplement ceci: si nous laissons la science servir ses propres fins, si nous la laissons prédominer, je pense qu'on va laisser de côté des valeurs humaines que tous les Canadiens partagent. À mon sens, les Canadiens admettent et comprennent que lorsqu'on aborde ce sujet—la procréation humaine et les traitements et techniques permettant de la faciliter—, on ne parle pas d'un domaine scientifique ou technique ordinaire. Ce dont on parle a une dimension humaine, morale et éthique. J'estime que les femmes qui ont recours à ces traitements souhaitent que nous reconnaissions l'existence de cette dimension dans la façon dont nous allons réglementer le domaine.
Quant à ce dont procède cette notion plus élevée, monsieur Manning, je crois que c'est le fait, reconnu par tous les Canadiens, que ces procédures scientifiques doivent être régies par des valeurs humaines. Il faut dépasser la dimension individuelle, le champ de l'analyse technique en laboratoire et reconnaître qu'il est ici question de la dignité de la vie humaine, et que ces procédures doivent être régies en conséquence.
La présidente: Merci, monsieur Manning.
La parole est à Mme Sgro.
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.
Monsieur le ministre, il convient de vous remercier de nous présenter cet avant-projet de loi, mais je dois vous dire que j'hésite entre la fuite et l'enthousiasme à mettre en place toutes les mesures qui nous permettront d'éviter l'injustice. J'éprouve donc un certain malaise face à cette question, tout en reconnaissant qu'elle est primordiale.
Je tiens à vous féliciter d'avoir eu le courage de proposer une telle mesure. Elle arrive à point nommé et elle donne à chacun de nous l'occasion de se prononcer de façon non partisane et de décider dans l'intérêt de tous les Canadiens. Et c'est bien ce qu'entend faire le comité de la santé.
Vous soulevez ici bien des questions qui devront être abordées selon diverses perspectives. Vous avez parlé du court délai accordé au comité pour la présentation de son rapport. C'est un délai d'autant plus court que la question est complexe et que chacun d'entre nous devra l'aborder non seulement d'un point de vue moral, mais aussi dans la perspective de tous nos principes et dans le contexte de la législation canadienne. Nous allons arriver bien vite en janvier 2002. Je pensais que les choses n'allaient jamais vite au niveau fédéral, mais soudain, j'ai l'impression qu'elles se précipitent. Au bout de 13 ans, on décide soudain de faire vite. Y a-t-il une raison particulière qui vous permette de croire que le comité aura le temps de faire rapport de la question d'ici janvier? Que se passera-t-il dans le cas contraire? Cela vous poserait-il un problème?
M. Allan Rock: Madame la présidente, le comité est maître de sa propre destinée et s'il lui faut plus de temps pour cette étude, il n'aura qu'à prendre le temps voulu. Le comité n'a pas à terminer ses travaux dans un délai arbitraire.
Je voulais simplement vous donner une idée du temps que je pensais qui vous serait nécessaire, mais je me trompe peut-être tout à fait. Après avoir commencé vos travaux, vous vous rendrez peut-être compte qu'il vous faut plus de temps. Le Parlement ajournera pour l'été et les membres de ce comité siègent aussi à d'autres comités et doivent s'acquitter de certaines responsabilités à la Chambre. Nous avons tout l'automne devant nous. Le temps passe cependant très rapidement et d'autres questions retiendront aussi votre attention.
Un mot au sujet de votre entrée en matière. Vous avez souligné à quel point ces questions sont complexes. Elles le sont effectivement. Aussi complexes soient-elles, je suis heureux de voir que vous convenez avec moi que l'une des responsabilités dont doivent s'acquitter des élus comme vous et moi est d'essayer de notre mieux de trouver réponse à ces questions difficiles.
Quant à la façon dont nous procédons aujourd'hui, j'ai envisagé d'autres solutions. J'ai songé à présenter un projet de loi à la Chambre qui serait renvoyé devant le comité après la deuxième lecture. La difficulté c'est que le vote en deuxième lecture signifie que le projet de loi est accepté en principe. J'ai pensé qu'il ne convenait pas de demander aux députés de donner leur accord en principe à des mesures sur lesquelles le comité ne s'était pas d'abord penché. Même si un projet de loi était renvoyé devant le comité après la première lecture, cela comporterait des conséquences pour le gouvernement. Nous avons donc décidé de déposer un document à la Chambre par respect pour le Parlement avant de présenter le même document au comité. Il ne s'agit cependant que d'un avant-projet de loi. Je crois que c'est la meilleure façon de procéder, mais je ne peux pas prétendre avoir le monopole de la sagesse.
• 1155
Les députés pourront participer activement à l'élaboration du
produit final, c'est-à-dire de la loi. Je veux donc faire part au
comité de mes préoccupations et tirer également profit d'un
processus parlementaire qui nous permettra d'engager le type de
dialogue que je pense être nécessaire.
Mme Judy Sgro: J'insiste sur l'importance de la prévention et de l'importance d'une loi qui interdirait un certain nombre d'activités.
Quelles mesures comptez-vous prévoir dans la partie de la loi portant sur les mesures d'exécution en vue de faire respecter ces interdictions? À quoi songiez-vous?
M. Allan Rock: Vous soulevez une question très difficile et complexe. Comment faire appliquer les normes ou les principes énoncés dans la loi? Il nous faudra évidemment obtenir la collaboration de tous les gouvernements. Je songe, par exemple, à la Loi sur le tabac, à laquelle j'ai fait allusion un peu plus tôt en réponse à la question de M. Manning. En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés en droit pénal, le gouvernement fédéral a décrété que la vente du tabac à des mineurs est une infraction. Dans ce cas, nous comptons sur les provinces pour appliquer la loi. Nous leur accordons les fonds voulus à cette fin de sorte que les provinces peuvent veiller à ce que la loi soit appliquée sur le terrain.
Il est possible qu'une entente semblable puisse être négociée entre les gouvernements fédéral et provinciaux dans ce domaine. Ce qui importe c'est que les hommes et les femmes qui craignent de ne pas pouvoir concevoir un enfant et qui veulent avoir accès à ces procédures disposent de l'information voulue pour prendre une décision éclairée. Ils doivent aussi savoir que ces procédures ne présentent pas de risques. Il importe donc que nous ayons les moyens voulus pour faire respecter ces interdictions.
La présidente: Je vous remercie, madame Sgro. Je vous remercie, monsieur le ministre.
La parole est à M. Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, AC): Madame la présidente, j'aimerais céder mon temps à mon estimé collègue, M. Preston Manning.
La présidente: Monsieur Manning, allez-y.
M. Preston Manning: Pour revenir à l'organisme de réglementation qui, nous l'espérons, fera l'objet de recommandations de la part du comité, comme le ministre le sait, il existe déjà tout un ensemble de mécanismes réglementaires subsidiaires. Je songe aux comités d'éthique de la recherche qui étudient la plupart des grands projets scientifiques, en particulier ceux qui portent sur la recherche sur les êtres humains, et aux lignes directrices tripartites que les organismes fédéraux de financement de la recherche ont adoptées.
Cet organisme de réglementation va-t-il remplacer ces comités et créer un nouvel appareil de réglementation ou va-t-on plutôt tirer parti de l'expérience qu'ils ont acquise dans ce domaine?
M. Allan Rock: Je crois que la création d'un seul organisme qui évaluerait du point de vue éthique tous les projets de recherche au pays constituerait une entreprise ambitieuse.
La question qu'il convient de se poser, monsieur Manning, est si nous pouvons confier à un organisme de réglementation autonome ou à un organisme qui relèverait du gouvernement du Canada la tâche de porter un jugement éthique sur certaines règles de base qui devraient s'appliquer dans ce domaine.
Cet organisme devrait se pencher sur les questions de principe de manière à ce qu'on sache qu'un institut de recherche s'est reporté à ces principes avant d'autoriser un praticien à aller de l'avant dans ses recherches. Autrement dit, cet organisme national ne se pencherait pas sur chaque projet de recherche, mais établirait les lignes directrices auxquelles il conviendrait de se conformer. Cela répond-il à votre question?
M. Preston Manning: Oui, en partie.
Ma deuxième question porte sur les définitions qui figurent dans l'avant-projet de loi. Voici comment on définit un embryon: «organisme humain jusqu'au 56e jour de développement suivant la fécondation ou la création». Voici maintenant la définition de foetus: «organisme humain au cours de la période de développement allant du 57e jour suivant la fécondation». Je crois que l'avant- projet de loi datant de cinq ans établissait une distinction supplémentaire à partir du 14e jour de la fécondation.
• 1200
Le ministre pourrait-il nous expliquer comment on en est
arrivé à ces définitions et comment on a établi le moment à partir
duquel l'embryon devient un foetus? Souhaite-t-il que le comité ou
du moins l'organisme de réglementation se penche sur cette
question? D'où proviennent ces définitions? Proviennent-elles
d'autres politiques fédérales et le ministre souhaite-t-il que le
comité se penche également sur cette question?
M. Allan Rock: Nous avons voulu refléter du mieux possible, madame la présidente, l'état des recherches actuelles et des normes scientifiques. Il est reconnu à l'échelle internationale, du moins c'est ce qu'on me dit, que le 14e jour de la conception marque une étape dans le développement de l'embryon avec la formation, par exemple, du système nerveux. Il s'agit d'un jalon dans le développement de l'embryon.
On accepte donc à l'échelle internationale que des cellules souches peuvent être extraites de l'embryon avant le 14e jour de son développement. Le 56e jour marque un autre jalon du développement. Ces jalons reflètent les connaissances scientifiques sur le développement cellulaire.
Si le comité souhaite se prononcer sur la pertinence de ces jalons ou s'il pense que d'autres jalons devraient être retenus, libre à lui de le faire après avoir entendu les témoignages voulus.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Manning.
La parole est à vous, M. Owen.
M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente, monsieur le ministre.
J'aimerais commenter sur la question de gouvernance, et enchaîner sur certains des commentaires faits par M. Manning et peut-être vous posez une question à propos du troisième aspect de la gouvernance.
Il y a d'abord l'aspect législatif de la gouvernance. À cet égard, je tiens à vous remercier d'avoir présenté au comité l'ébauche du projet de loi.
Comme vous le savez sans doute tous, je suis novice dans ce genre de travail, mais d'après ma vaste expérience parlementaire de trois mois, il me semble qu'il s'agit d'un processus particulièrement constructif et peut-être instructif pour d'autres projets de loi du même genre, surtout ceux qui suscitent un grand intérêt de la part du public et qui revêtent une grande importance pour le public, tels que celui-ci. Mais j'espère que ce processus nous permettra de trouver un terrain d'entente et de bâtir peut-être quelque chose que nous partageons tous et que nous pourrons soumettre, accompagné de recommandations, à l'approbation du corps législatif.
Le deuxième aspect de la gouvernance est l'aspect réglementaire mentionné par M. Manning. Bien que je sois relativement au courant de toute la gamme d'organismes de réglementation qui existent dans le domaine de la santé et dans d'autres domaines dans ce pays, j'ai constaté qu'à l'occasion ou peut-être de plus en plus, nous avons tendance à réagir aux différents problèmes qui surgissent dans la société en créant des commissions, des organismes supplémentaires, plus indépendants, censés être transparents, responsables et représentatifs, des entités qui ne relèvent pas directement du gouvernement. Je crains parfois que dans ce souci réel de donner suite aux inquiétudes du public à propos de l'intervention directe du gouvernement dans certains de ces domaines, nous affaiblissions la capacité du gouvernement d'assumer en fait directement la responsabilité qui lui a été confiée en tout premier lieu.
C'est pourquoi j'espère que notre comité saura peser les avantages et les inconvénients, que vous avez d'ailleurs mentionnés, les deux points de vue, associés à la mise en oeuvre de ce règlement par le gouvernement officiel et les ministères responsables ou par d'autres instances extérieures.
Le troisième aspect de la gouvernance qui m'intéresse est d'ordre constitutionnel et concerne la question de sphère de compétence. Nous avons parlé brièvement de la répartition des pouvoirs en vertu de la Constitution entre les provinces et le gouvernement fédéral. La sphère de compétence qui m'intéresse va au-delà de cela et concerne la sphère mondiale où se fait de plus en plus la recherche dans le secteur des techniques de reproduction et d'autres techniques de pointe et où ces techniques sont utilisées. J'aimerais savoir ce qui à votre avis devrait être le travail de vos collaborateurs et comment selon vous ce projet de loi s'harmonisera aux expériences en cours dans d'autres pays, y contribuera ou s'en inspirera, et dans quelle mesure nous pouvons espérer qu'il sera dans les faits efficace en raison du caractère mondial de la recherche et même de la pratique médicale.
M. Allan Rock: Permettez-moi d'aborder brièvement chacun de ces éléments, madame la présidente.
Tout d'abord, en ce qui concerne le rôle du comité, je peux vous parler de ma propre expérience en tant que ministre de la Santé et pas vraiment en tant que ministre de la Justice car je ne crois pas qu'une question de ce genre se soit posée. En tant que ministre de la Santé, j'ai eu l'occasion par le passé de confier au comité des questions assez complexes et de lui demander de les examiner de façon exhaustive, de tenir des audiences publiques et de me fournir des recommandations. Dans un cas il s'agissait de la réglementation des produits de santé naturels. Votre comité a consacré 18 mois à cette étude, à l'issue de laquelle il a formulé 54 recommandations que nous avons acceptées sans exception. Nous les avons mises en oeuvre. Nous avons maintenant préparé des règlements qui tiendront compte de chacune de ces recommandations. Dans le deuxième cas il s'agissait de la question des dons d'organe et des transplantations, où je vous avais demandé de proposer un régime, que nous venons d'adopter et dont nous avons fait l'annonce. Nous y avons donné suite.
Je crois que le fait de recourir au comité et de demander aux collègues à la Chambre d'assumer une partie du fardeau et du processus d'élaboration d'une position est une façon très équitable et efficace de gouverner le pays.
En ce qui concerne vos autres questions, à propos de l'opportunité d'avoir des entités indépendantes du gouvernement, vous avez fourni une partie de la réponse à la question de M. Manning concernant la démarche qui serait préférable. Il y a des arguments pour et contre.
Vous pourrez examiner ce qui s'est fait au Royaume-Uni depuis 1991. Il y a 10 ans, le Royaume-Uni a mis sur pied un comité ou une instance chargé d'étudier l'infertilité humaine. Il s'agit d'une instance indépendante chargée de faire ce genre de travail. Vous voudrez peut-être parler à ceux qui ont eu affaire à cette instance, à ceux qui la dirige et en sont responsables au Parlement britannique, pour connaître leurs réactions.
Enfin, je crois que vous avez soulevé un très bon argument, monsieur Owen, en ce qui concerne l'usage international. Il existe certains protocoles internationaux dont le Canada est signataire qui reconnaissent que certaines pratiques, telles que la modification génique de cellules germinales, ne sont pas acceptables. Il existe des lacunes. Le risque existe qu'un scientifique désireux de créer un marché pour certains services, comme le clonage, passe d'un pays à l'autre, à la recherche d'un endroit où de telles pratiques sont permises. C'est pour cette raison qu'à mon avis il faut envisager des ententes internationales.
Je vais à Genève dans quelques semaines en compagnie de certains de mes collègues du comité, à l'assemblée annuelle de l'Organisation mondiale de la santé. Je vais proposer à l'occasion de cette assemblée que nous examinions la question de façon plus structurée. Il faudra déterminer si le genre de mesures que nous proposons ici au Canada devraient faire l'objet d'une évaluation à l'échelle internationale. Il est possible que les gouvernements concluent des ententes pour éviter que certaines personnes profitent des lacunes en matière de gouvernance pour s'adonner ailleurs à des pratiques que nous jugeons carrément répréhensibles, peu importe où elles s'exercent.
M. Stephen Owen: Je vous remercie.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Owen. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Nous passons maintenant à Mme Bourgeois.
[Français]
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Non, merci.
[Traduction]
La présidente: La parole est à Mme Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je vous remercie.
C'est pour moi un réel plaisir de participer à cet événement aujourd'hui. Je dois préciser que je siège au nom de mon collègue de Winnipeg Centre, qui sera j'en suis sûre très heureux de participer à ce processus.
J'aimerais vous poser certaines questions qui à mon avis vont être soulevées lors des déplacements du comité un peu partout au pays. Il s'agit d'aspects dont il va falloir assurément s'occuper. Un grand nombre de questions qui se rattachent à la santé soulèvent des craintes. Dans ce cas-ci, il s'agit d'un important enjeu en matière de santé.
La privatisation des soins de santé suscite à l'heure actuelle beaucoup de craintes. En ce qui concerne toutes ces procédures, je veux savoir comment elles seront protégées de la privatisation dans le cadre du projet de loi que vous présentez.
Je crois que quelqu'un a mentionné que la recherche se fait à l'échelle mondiale. Il existe de nombreuses questions qui se rattachent aux droits d'auteur et à la propriété intellectuelle des procédures. La question qui se pose est la suivante: Comment pouvons-nous réellement garantir qu'il existera une instance de réglementation, une instance nationale de surveillance, qui veillera au grain? C'est une question qui me préoccupe et qui préoccupe beaucoup de Canadiens.
• 1210
Dans la même veine, il y a la question des accords commerciaux
de demain. On nous a dit que les services de santé ne sont pas sur
la table. Mais si en fait les services de santé font de plus en
plus l'objet d'ententes commerciales, la question qui se pose est
à nouveau la suivante: Pouvons-nous être sûrs que le gouvernement
fédéral surveillera toutes nos procédures en matière de santé?
C'est une question centrale dont à mon avis nous allons devoir nous
occuper.
M. Allan Rock: Madame la présidente, une grande partie des questions soulevées par Mme Lill déborde ce projet de loi. Par exemple, la question des droits d'auteur ou des brevets visant les procédures ferait l'objet d'une loi distincte, portant en fait sur tout ce qui peut faire l'objet d'un brevet. Bien qu'il s'agisse d'un sujet important et intéressant, le présent projet de loi traite davantage de la recherche qui peut être faite et des circonstances dans lesquelles elle peut être faite, plutôt que de ceux qui détiennent un intérêt matériel dans la découverte une fois qu'elle est faite. Donc ces questions débordent vraiment le cadre de la discussion d'aujourd'hui.
Pour ce qui est de savoir si les établissements privés seraient englobés, l'avant-projet de loi s'intéresse davantage aux techniques de procréation assistée en tant que telles et à la portée de la recherche qu'à la question de savoir qui est propriétaire de l'établissement où ces activités se déroulent. La mesure proposée ne dit rien non plus du rôle du Trésor dans le financement de ces activités. Cette question est aussi très importante, comme vous le savez. Les couples ou les personnes qui cherchent à obtenir de l'aide pour avoir des enfants doivent souvent débourser des sommes considérables pour ce type d'intervention, et ils soutiennent qu'elles devraient être couvertes par les régimes d'assurance-santé publics. Ce n'est toutefois pas dans notre loi que nous allons pouvoir régler cette question, car cela relève de la compétence des provinces.
Je peux toutefois vous parler de la nécessité de prévoir un organisme national de surveillance. Madame Lill, je peux vous dire que j'ai travaillé avec le ministre du Commerce international en prévision des discussions sur la ZLEA qui ont eu lieu à Québec, et il était très clair que nos services de santé nationaux ne sont pas, comme je l'ai dit, sur la table et qu'ils ne peuvent pas être négociés dans le cadre de l'accord commercial. Nous avons le droit d'avoir notre système de santé publique à nous et nous avons l'intention de conserver ce droit. Il me semble que nous avons aussi le droit d'établir et d'appliquer nos propres règles pour déterminer quelles interventions sont acceptables selon notre schème de valeurs. Même si nos valeurs concordent à mon avis avec les valeurs mondiales, nous avons le droit d'avoir nos propres lois à cet égard.
Mme Wendy Lill: Dans ce cas-là, j'ai une autre question pour vous, dont vous direz peut-être qu'elle ne s'applique pas ici, sur les normes nationales. J'aimerais savoir comment la mesure proposée se raccorde à la Loi canadienne sur la santé. Comme vous l'avez dit, les interventions de ce genre ne sont pas couvertes par tous les régimes de soins de santé provinciaux. La question est de savoir comment les deux éléments concordent. Il s'agit après tout d'une mesure importante qui touche à la santé. Comment la mesure cadre-t-elle avec la Loi canadienne sur la santé? Les normes nationales suscitent de graves inquiétudes. Je vis dans une région du pays qui, bien souvent, ne semble pas avoir le même accès à certaines interventions que le centre-ville de Toronto. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Allan Rock: Je crois que le rapport entre cette mesure et la Loi canadienne sur la santé est le même que la relation entre la Loi sur les aliments et drogues et la Loi canadienne sur la santé. Autrement dit, les deux mesures portent de manière générale sur la santé, mais elles traitent de questions distinctes et très différentes. La Loi canadienne sur la santé prévoit des transferts financiers du gouvernement du Canada aux provinces à certaines conditions qui reflètent des principes auxquels toutes les provinces ont adhéré dans le cadre d'un régime national.
La mesure proposée porte sur un secteur particulier de l'activité humaine, la procréation assistée, pour en régir les traitements et les techniques et établir un cadre permettant de réglementer la recherche. C'est comme comparer des pommes et des oranges.
• 1215
Pour ce qui est des normes, ce terme est pertinent à notre
discussion d'aujourd'hui en ce sens que nous proposons une approche
pour l'ensemble du pays permettant de tenir compte des valeurs
humaines que les Canadiens ont en commun, peu importe la région du
pays où se trouve quand il s'agit de régir les techniques de
procréation assistée ou les recherches qui se font dans ce domaine.
La présidente: Merci, monsieur le ministre. Merci, madame Lill.
Le temps passe, et j'ai cinq noms sur ma liste du côté ministériel. Je suppose que les trois députés de l'opposition qui n'ont pas encore pris la parole voudraient pouvoir le faire. Nous allons donc devoir vraiment nous efforcer d'être succincts en posant nos questions. Il nous reste à peine deux ou trois minutes par personne.
Cela dit, nous passons à M. Charbonneau.
[Français]
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je voudrais vous dire, monsieur le ministre, que le défi que vous nous proposez est emballant. Tout d'abord, le processus que vous mettez de l'avant nous permettra à nous, députés qui tentons de représenter au mieux nos populations, de participer de manière ouverte, sans être liés par un cadre partisan. C'est un débat sur la santé, mais c'est aussi un débat de société.
Le deuxième élément intéressant, c'est que l'ébauche de projet de loi que vous nous apportez ne traite pas seulement des interdictions, comme c'était plutôt le cas du projet de loi C-47 de 1996. Il apporte aussi une dimension de ce qu'il sera possible de faire dans un cadre réglementé. Vous nous proposez même de nous outiller d'un organisme réglementaire, pour que le tout puisse s'adapter de manière souple au fil des années. Donc, nous aurons un certain avantage à être entrés tardivement en scène, puisque nous pourrons profiter des expériences, des balbutiements ou des tâtonnements d'autres pays.
Ma question porte sur la recherche. On prévoit réglementer la recherche dans certaines de ces activités. Maintenant, il y a de la recherche qui est subventionnée par des fonds publics et il y a aussi de la recherche qui est faite par des entreprises privées, que ce soit en technologie, en produits pharmaceutiques ou dans d'autres domaines. Est-ce que l'intention de réglementer est axée autant sur les activités privées que sur les activités de recherche qui seront financées par des fonds publics?
M. Allan Rock: Oui, absolument. Les principes que nous proposons aujourd'hui vont s'appliquer à la recherche, qu'elle soit financée par des fonds publics ou par le secteur privé. Les mêmes principes s'appliquent.
M. Yvon Charbonneau: Merci, madame la présidente. Vous nous aviez demandé de faire vite. C'est fait.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Madame Scherrer, à vous.
[Français]
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci, madame la présidente.
Bonjour, monsieur le ministre. J'abonde tout à fait dans le sens de M. Charbonneau, à savoir que ce projet doit faire l'objet d'un débat de société. En tant que femme, il vient me chercher particulièrement, d'autant plus qu'on parle d'une fertilisation qui s'effectue complètement à l'extérieur des deux partenaires. On ne parle plus d'un partenaire impliqué, mais de quelque chose qui peut s'effectuer pratiquement en vase clos, sans que les deux partenaires puissent suivre le processus.
J'apprécie particulièrement qu'on aille au-delà de l'aspect scientifique. Je trouve que, lorsqu'on parle de procréation assistée, il ne faut pas s'attarder uniquement à l'aspect scientifique, étant donné qu'on aide les femmes qui veulent avoir des enfants. Trop souvent, dans les médias, on entend parler seulement des cas de réussite. On ne parle pas des femmes qui, mois après mois, année après année, vivent un processus qui est très difficile et qui ressemble parfois à de l'acharnement. Dans cette loi, il y a le volet social, le volet économique, le volet personnel et le volet émotif. Je ne voudrais pas qu'on en fasse une loi scientifique.
Ma deuxième crainte porte sur la recherche, et je vous pose une question là-dessus. C'est l'aspect commercial de la procréation assistée qui m'inquiète beaucoup. Lorsqu'on parle d'ovules, de sperme ou d'embryons, on ne parle pas de boîtes de soupe qu'on peut compter. Lorsqu'il y a un prélèvement et qu'on l'entrepose, on ne peut pas dire qu'on a dans cette armoire-là tant d'ovules ou d'échantillons de sperme.
• 1220
Je ne sais pas à quel point un projet de loi peut être
suffisamment musclé pour assurer qu'il n'y ait pas de
commerce ou d'échange, et que les
femmes et les hommes qui subissent un prélèvement
sachent
vraiment ce qu'ils viennent de subir et ce qu'on fait
du sperme ou des embryons qui ont été prélevés.
Je trouve que ce volet doit être très
musclé en ce sens-là.
Est-ce qu'il existe actuellement une loi en ce sens-là?
M. Allan Rock: Non, madame la présidente. Il y a une véritable lacune à cet égard, et c'est pour cela que nous avons proposé un cadre de réglementation. Vous avez bien parlé, madame Scherrer, de l'aspect personnel. Les couples, et particulièrement les femmes, qui sont affectés par ces problèmes souffrent d'une vraie angoisse, dont vous avez bien parlé.
En fait, l'avant-projet de loi contient des principes de base préalables, et nous avons inclus une référence spécifique aux femmes, qui sont particulièrement affectées et touchées par tous ces sujets. Évidemment, c'est la réalité, et on doit refléter cette réalité dans notre travail.
Concernant la vente et l'achat de matériaux reproductifs, il est clair que nous avons l'intention d'interdire la commercialisation de tout ça ou, comme l'a dit Mme Patricia Baird, la «commodification» de ces matériaux. C'est inacceptable. Nous avons donc proposé une certaine approche ainsi que des règles du jeu. Nous avons proposé des prohibitions assorties de conséquences assez sévères et importantes.
Comme pour tous les autres aspects de notre avant-projet de loi, si vous estimez qu'on peut en faire plus et qu'on peut atteindre ces objectifs d'une façon plus efficace, nous serons ouverts à vos recommandations. Je serai très heureux de recevoir vos commentaires là-dessus.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame. Merci, monsieur le ministre.
La parole est à M. Merrifield.
M. Rob Merrifield: Le sujet que nous abordons est très intéressant, et je suis vraiment très heureux qu'il nous soit ainsi présenté en comité. J'espère que c'est une tendance qui trouvera aussi des adeptes dans d'autres domaines.
J'ai été intrigué par les propos de Mme Sgro qui se demandait si nous étions à la hauteur de la tâche qui nous attend. Quand je pense à ce qui s'est passé depuis 10 ans, il me semble que le génie est déjà en partie sorti de la bouteille, parce que la technologie avance à un rythme vertigineux. Une mesure semblable a déjà été proposée, mais nous avons préféré reculer plutôt que de la mettre en oeuvre. Or, la tâche qui nous attend est telle qu'il me semble qu'il faudrait mettre les bouchées doubles et faire quelque chose avant que le génie ne soit complètement sorti de la bouteille. Comme c'est leur argent qui sert en grande partie à financer ce secteur, je crois que les contribuables canadiens veulent avoir l'assurance que nous avons le problème bien en main.
Dans un an, nous aurons terminé notre travail, ou même moins d'un an, d'ici à janvier. Pouvez-vous me donner une idée de ce que vous comptez faire à partir de ce moment-là et de l'échéancier que vous vous fixeriez?
M. Allan Rock: Il est difficile d'être précis, mais je prévois que le comité présenterait son rapport—et j'ose espérer que les membres du comité trouveront un terrain d'entente pour pouvoir formuler des recommandations—, et que le gouvernement, une fois qu'il aura reçu votre rapport, décidera de l'orientation à suivre et présenterait peu de temps après un projet de loi.
Je crois qu'on s'entend généralement pour dire qu'il s'agit d'un domaine qui doit faire l'objet d'une certaine réglementation. Ainsi, monsieur Merrifield, je crois que les chercheurs qui travaillent dans le domaine de l'infertilité sont d'accord pour dire que la réglementation est nécessaire et que la science avance à grands pas. Je crois que notre société exige aussi une certaine réglementation. En invitant le comité à se pencher sur la question, nous espérons engager le dialogue avec les Canadiens sur les principaux enjeux. Je peux vous dire qu'après qu'il aura reçu votre rapport, le gouvernement du Canada y répondra de manière à tenir compte du besoin que l'on semble avoir d'une réglementation.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Monsieur Bonin, vous avez la parole.
[Français]
M. Ray Bonin (Nickel Belt, Lib.): Merci, madame la présidente.
Monsieur le ministre, merci beaucoup de votre présentation. Encore une fois, vous avez démontré que vous êtes bien au courant de vos dossiers. Lorsqu'on vous pose des questions, on obtient des réponses.
• 1225
Je suis convaincu que vous serez réinvité au comité, et
j'aurai certainement des questions à ce moment-là,
lorsque j'aurai
étudié davantage la question.
[Traduction]
Monsieur le ministre, c'est aujourd'hui le jour de la conception pour notre comité. Aussi les membres du comité deviendront les parents du document qui vous sera soumis. Je me demande si c'est une simple coïncidence ou si vous avez fait des calculs savants pour nous demander de faire rapport d'ici à la fin janvier, car ce sera pratiquement neuf mois jour pour jour à partir d'aujourd'hui.
Monsieur le ministre, vous auriez pu rédiger un projet de loi que vous auriez présenté à la Chambre. Vous auriez pu obliger des gens comme moi à prendre des décisions d'ordre moral sans vraiment savoir ce qui se trouvait dans le projet de loi. En procédant comme vous avez décidé de le faire—et je tiens à vous en remercier—, vous me permettez de participer intelligemment au processus, de faire des recherches à partir d'informations solides et, je l'espère du moins, de contribuer à la recherche que nous allons faire.
Ceux qui me connaissent savent que, comme il s'agit d'une question d'ordre moral, j'entends voter librement. Vous me permettez de contribuer au processus, d'y participer et d'apprendre. Peut-être que j'accepterai tout ce qui se trouve dans votre projet.
Je tiens à vous remercier de me donner cette occasion. Vous pouvez être sûr que je ferai tout mon possible pour contribuer au processus parce qu'il s'agit d'une question très importante.
M. Allan Rock: Merci, monsieur Bonin.
La présidente: Merci, monsieur Bonin. Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Lunney, à vous la parole.
M. James Lunney: Merci, madame la présidente.
L'entreprise dont nous sommes chargés sera certainement intéressante. C'est quelque chose que les Canadiens attendent depuis longtemps. Comme on l'a déjà dit, il s'est déjà passé bien des choses depuis les études qui ont été faites sur les techniques de reproduction, depuis la Commission royale d'enquête et le reste. Les progrès ont été énormes. Il reste toutefois bien des questions importantes auxquelles il faut répondre, et nous en avons déjà soulevé quelques-unes.
Toute cette question des embryons qu'on élèverait à des fins de recherche et qu'on pourrait garder jusqu'à 14 jours est une question très délicate. Combien de temps pourra-t-on les entreposer? Ensuite, s'il y a des embryons excédentaires qui résultent d'interventions in vitro, etc., combien de temps pourra- t-on les entreposer? Que fera-t-on des embryons excédentaires? Ce sont là des enjeux de taille, et je voudrais savoir ce qu'en pense le ministre.
Il y a aussi une autre chose intéressante, peut-être un des effets positifs du retard, et c'est que le progrès de la technique ou de la science nous a permis de voir qu'il est maintenant possible de greffer des cellules souches adultes. Il est maintenant permis d'espérer qu'on puisse, en laboratoire, créer des tissus pour la même personne qui en sera le receveur. Nous espérons entendre des témoignages d'experts dans ce domaine, sur l'élaboration de méthodes scientifiques exemplaires, et entendre des opinions à ce sujet. J'aimerais savoir ce que pense le ministre de ces questions.
M. Allan Rock: Merci, monsieur Lunney.
Je partage votre intérêt sur ce sujet. En effet, j'ai pris juste assez de temps pour me préparer et m'informer sur ces questions et voir si je puis me porter volontaire comme membre de votre comité. J'aimerais beaucoup participer aux travaux que vous ferez. Ce sera absolument fascinant. Vous serez vraiment à la fine pointe de ce qui se fait dans ce domaine remarquable de la R-D humaine partout au Canada. Je suivrai de très près les travaux de votre comité pour cette raison.
Permettez-moi de traiter deux questions que vous avez soulevées. Vous avez parlé de la création d'embryons pour la recherche, et c'est une question épineuse. Je tiens à préciser que l'avant-projet de loi que nous présentons au comité interdira la création d'embryons aux seules fins de la recherche. Ce sera interdit.
Il semble que ce soit permis au Royaume-Uni. À mon avis, les Canadiens désapprouveraient. Je propose que ce soit interdit. Vous dites ensuite—à juste titre, je crois—qu'on pourrait créer des embryons pour aider une femme à tomber enceinte; vous dites que dans le cas d'embryons qui ne sont pas créés à cette fin, si le donneur donne son consentement, il serait possible, sous réserve de conditions strictes, que l'embryon puisse être confié à des chercheurs de haut niveau. Ces chercheurs auraient une licence pour faire des opérations qui sont validées à l'avance sur le plan de l'éthique et de la science. C'est effectivement une question épineuse.
• 1230
Ce ne serait pas juste pour moi de venir me décharger de cette
question sur le comité pour qu'il trouve la solution. J'ai
toutefois adopté une position. Je crois que nous devrions donner
l'autorisation aux chercheurs dans de telles circonstances, et
c'est ce que l'on trouve dans cet avant-projet de loi. Les donneurs
peuvent donner leur consentement pour qu'un embryon créé afin
d'aider à la reproduction humaine, mais qui n'est pas utilisé à
cette fin, puisse, dans des conditions strictes, servir à la
recherche. C'est ma position. Le comité tiendra maintenant des
audiences à ce sujet et y réagira.
Madame la présidente, M. Lunney a soulevé une autre question intéressante, celle des cellules souches adultes. Ces cellules offrent la promesse d'aider les chercheurs qui les recueilleront sur des adultes. Je ne peux pas prétendre avoir un doctorat en génétique, mais je puis vous dire ce que j'ai appris, et il semble que les connaissances dans ce domaine soient très limitées. Il semble que les cellules souches prélevées sur des adultes n'offrent pas les mêmes possibilités que celles prélevées sur des embryons parce qu'elles sont affectées par l'âge et l'expérience génétique du donneur. Et même si ces cellules peuvent être prélevées sur des adultes, elles n'offrent pas le même potentiel en matière de recherche que les cellules souches d'embryons. Vous entendrez l'avis de gens qui en connaissent bien plus que moi sur les détails et les aspects techniques.
La présidente: Merci, monsieur le ministre. Merci, monsieur Lunney.
Je voulais que nous puissions libérer le ministre avant 12 h 30, comme on me l'avait proposé...
M. James Lunney: J'ai une petite observation à faire.
La présidente: Oui, mais soyez bref.
M. James Lunney: Il s'agit d'une petite observation pour mémoire et des préoccupations des experts que M. Manning a invités au sujet du projet du génome humain. Le Dr Hudson, qui est l'un des directeurs du projet du génome humain à Montréal, a dit que des cellules souches adultes prélevées sur une souris pouvaient être réinjectées à la même souris. Les cellules sont cultivées en laboratoire et réinjectées dans une souris atteinte d'infarctus cardiaque mineur. Ces cellules pouvaient produire du tissu de myocarde sain. De toute façon, c'est un domaine de recherche très prometteur. C'est une découverte qu'on commence à élaborer, un peu plus lentement en sciences, mais qui se révèle très prometteuse. Je suis sûr que nous serons tous heureux d'en entendre davantage à ce sujet.
M. Allan Rock: En effet, madame la présidente, M. Lunney a tout à fait raison. Ces progrès sont remarquables.
L'an dernier, j'ai visité le laboratoire de l'Université de l'Alberta où le Dr Ray Rajotte et son équipe ont élaboré ce qu'on appelle le protocole d'Edmonton. Le protocole d'Edmonton, de renommée mondiale, promet de guérir le diabète insulino-dépendant, de faire en sorte que les diabétiques qui s'injectent de l'insuline n'aient plus jamais à le faire. Ils transplantent des cellules sécrétrices d'insuline provenant du pancréas d'un donneur dans le corps de la personne diabétique, ce qui permet à celui-ci de produire lui-même toute l'insuline dont il a besoin.
Le Dr Rajotte m'a dit que son plus grand défi est maintenant d'obtenir suffisamment de pancréas pour récolter les cellules productrices d'insuline qu'il lui faut. C'est l'une des raisons qui nous ont poussés à accélérer les travaux relativement au don et la greffe d'organes, initiative dont votre comité est à l'origine. Le projet est en place, le secrétariat a été établi à Edmonton, nous lui avons donné de l'argent, nous avons créé un conseil national, nous sommes prêts à lancer des programmes de sensibilisation, la gouverneure générale a accepté la présidence d'honneur, et ainsi de suite.
Les technologies à base de cellules-souches embryonnaires pourraient nous permettre de produire des cellules productrices d'insuline et ainsi traiter les Canadiens diabétiques. Ces recherches peuvent mener à des thérapies pour les traumatismes médullaires. Justement, Rick Hansen, dont l'institut fait oeuvre de pionnier dans la recherche à ce sujet, m'a envoyé une télécopie ce matin pour me faire part de son soutien enthousiaste pour notre proposition. Il estime que ces recherches, qui se feront dans un cadre réglementaire, pourraient permettre à ceux ayant subi un traumatisme médullaire de marcher de nouveau.
C'est un domaine très emballant. Nous avons la grande chance de compter sur un comité d'éminents experts tout aussi engagés que vous ici présents aujourd'hui. Madame la présidente, j'ai bien hâte de travailler avec mes collègues à ces projets prometteurs dans les mois à venir.
Merci beaucoup de m'avoir accueilli ce matin.
La présidente: Monsieur le ministre, nous avons encore une question pour vous. Avez-vous le temps d'y répondre ou devez-vous partir tout de suite?
Madame Parrish, allez-y.
Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Merci beaucoup.
J'ai siégé au comité qui a examiné le projet de loi C-47 qui prévoyait de nombreuses restrictions et peu de règlements. Je suis heureuse de constater que cette fois-ci, c'est l'inverse.
Il ne s'agit pas ici de médecine douce ou de greffes. Les travaux de notre comité sur ce sujet pourraient être les plus émotifs et les plus dévastateurs que nous ayons jamais eus. Votre approche m'apparaît à la fois terrifiante et encourageante.
• 1235
J'ai une question à vous poser qui fait suite à celle de M.
Manning. Je suis députée depuis huit ans, et c'est probablement la
question la plus importante que j'ai posée en huit ans. Depuis que
je suis devenue députée, je m'inquiète du fait que notre pays ne
réglemente pas l'avortement—et je ne suis ni pour ni contre
l'avortement. Le fait que l'avortement ne soit régi par aucun
règlement me préoccupe. Si nous définissons ce que sont un embryon
et un foetus—on parle ici d'une période de 54 jours—cela aurait-
il une incidence sur les autres lois fédérales?
M. Allan Rock: Sans vouloir me lancer dans des conjectures, je dirais que cet avant-projet de loi n'est pas censé s'appliquer au foetus tant qu'il est dans le corps d'une femme. Il ne s'applique qu'à l'ovule fertilisée à l'extérieur du corps humain, et ce, seulement pendant les 14 jours suivant la fertilisation, à moins que l'ovule fécondée ne soit congelée pour un usage futur. D'emblée, je dirais que l'avant-projet de loi ne s'applique pas au foetus in utero. Je le répète, il ne traite ni d'amniocentèse, ni de fausses couches, ni de la relation entre le médecin et ses patientes. Il ne porte que sur l'aide qu'on apporte à celles qui veulent tomber enceinte par le biais de la fertilisation in vitro, ou aux personnes qui voudraient mener des recherches connexes, ainsi que nous venons d'en discuter.
Mme Carolyn Parrish: Mais comme vous savez, lorsqu'on ouvre une boîte de Pandore, il y a parfois des choses qui en sortent auxquelles on ne s'attendait pas. Si le comité devait préciser quelles procédures étaient acceptables ex utero, pensez-vous que cela aurait une incidence sur une loi future concernant ce qui peut-être fait à in utero?
M. Allan Rock: Il est très difficile de le savoir. Je pense que la portée du projet de loi est beaucoup plus étroite, car il ne porte que sur les façons d'aider une femme à devenir enceinte. Je ne voudrais pas faire des conjectures, mais à première vue, je dirais que le projet de loi vise une partie précise du processus, le tout début.
Mme Carolyn Parrish: D'accord. Merci.
La présidente: Merci, monsieur le ministre. Merci, madame Parrish.
Au nom du comité, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de nous avoir accordé de votre temps, et d'avoir répondu à nos questions de façon si claire et si franche. Comme M. Bonin a dit, nous allons probablement vous inviter à comparaître de nouveau lorsque nous serons un peu plus avancés dans notre étude du sujet.
M. Allan Rock: Merci.
La présidente: Je rappelle à mes collègues membres du comité que nous avons une motion à examiner avant la fin de la réunion. Donc je vous demande de patienter quelques minutes. M. Dromisky a une motion à proposer.
M. Stan Dromisky: Oui. Merci beaucoup.
Voulez-vous attendre un instant, monsieur le ministre, s'il vous plaît?
La présidente: Il veut que vous entendiez sa motion.
M. Stan Dromisky: Oui, il faut que vous entendiez la motion.
La motion est en trois parties. D'abord, le comité tient à vous remercier officiellement de nous avoir permis de participer aux travaux préparatoires du projet de loi. Nous vous en remercions sincèrement, comme nous vous l'avons souvent dit.
Deuxièmement, le comité a déjà dit qu'il relève avec enthousiasme les défis que vous lui donnez.
La troisième partie de la motion consiste à demander au personnel de nous présenter aussitôt que possible un plan de travail pour que nous puissions nous lancer dans nos travaux sans tarder.
M. Ray Bonin: Je demande le consentement unanime.
Des voix: D'accord.
La présidente: La motion est adoptée à l'unanimité. Merci.
M. Allan Rock: Merci encore une fois, madame la présidente.
La présidente: Je vous demande d'envisager la possibilité de tenir à huis clos la réunion pendant laquelle nous allons discuter du plan de travail. De cette façon, nous pouvons faire des critiques sans déranger qui que ce soit.
Merci beaucoup.
La séance est levée.