HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HEALTH
COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 27 septembre 2001
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour. Je déclare la séance ouverte.
Comme nous recevons beaucoup de témoins ce matin, j'aimerais que nous démarrions au plus vite le témoignage. Je demanderais donc à Mary Jardine, de la Société Parkinson du Canada de commencer.
Mme Mary Jardine (directrice exécutive nationale, Société Parkinson du Canada): Merci et bonjour.
Madame la présidente, mesdames et messieurs du Comité permanent de la santé, mesdames et messieurs. C'est au nom des 100 000 Canadiens qui souffrent aujourd'hui de la maladie de Parkinson, que David Simmonds, notre président national, et moi-même, qui suis directrice exécutive nationale de la Société Parkinson du Canada, vous remercions de nous avoir invités à comparaître. Nous allons faire un exposé conjoint.
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Nous vous remercions de tenir compte des opinions des
Canadiens souffrant de Parkinson et de celles de leurs proches
au cours de vos délibérations portant sur l'avant-projet de loi
déposé en mai dernier. Nous représentons la grande famille des
malades du Parkinson, soit les patients, leurs familles et leurs
proches, les soignants, les médecins, les gens de professions
apparentées, les milliers de bénévoles et, bien sûr, nos
chercheurs.
À notre avis, le débat public sur cette question est capital. La Société Parkinson du Canada est une organisation caritative nationale de santé qui compte des partenaires régionaux d'un océan à l'autre. Nous partageons une vision collective: celle d'alléger le fardeau des malades et de trouver un remède contre la maladie par le truchement de programmes d'action revendicatrice, d'éducation, de recherche et de services de soutien visant à offrir une plus grande qualité de vie à tous ceux qui sont touchés par cette maladie.
La maladie de Parkinson suit la maladie d'Alzheimer dans l'ordre des maladies neurodégénératives les plus communes. Il s'agit d'une maladie chronique et lentement progressive qui touche généralement une petite partie des cellules qui se trouvent dans le cerveau moyen que l'on appelle la Substantia nigra ou substance noire; la plupart du temps, mais pas toujours, la maladie apparaît au cours de la deuxième moitié de la vie avec des symptômes tels que les tremblements, la rigidité musculaire, la lenteur des mouvements, la difficulté d'élocution, le déséquilibre et la difficulté à marcher, et des difficultés dans la motricité fine.
Après avoir longuement consulté partout au Canada sa clientèle, la Société de Parkinson, par le truchement de son conseil d'administration national, adoptait officiellement une motion visant à appuyer les sept ébauches de recommandations énumérées dans le document de l'IRSC intitulé «Recherche sur les cellules souches humaines: La santé dans un cadre éthique».
De plus, nous souscrivons à l'avant-projet de loi, et particulièrement en ce qu'il permet le recours à des cellules souches embryonnaires humaines dans la recherche médicale. L'avant-projet de loi reflète les recommandations de l'IRSC. Nous avons encouragé les organisations régionales et de nombreux Canadiens de partout dans le pays à répondre à la demande d'opinion qu'ont faite à tous nos concitoyens l'IRSC et Santé Canada. En effet, la recherche dans les cellules souches recèle des perspectives innombrables pour le traitement de la maladie de Parkinson. Elle offre des perspectives de progrès et d'avantages énormes, à la fois dans la conception des médicaments et dans leur mise à l'essai, ainsi que dans la recherche pour déterminer la cause et trouver un remède pour guérir la maladie.
La recherche des cellules souches offre de l'espoir aux 100 000 Canadiens affligés de la maladie de Parkinson qui rêvent de freiner ou de supprimer la maladie. En effet, pour tous nos malades, l'espoir est un élément capital qui les aide à faire front à la maladie et, indirectement, à limiter leur coût. Nous reconnaissons l'énorme potentiel qu'offre la recherche sur les cellules souches adultes et nous espérons qu'elle progressera de façon continue.
Nous croyons également qu'il est très important d'appuyer la recherche des cellules souches adultes de même qu'embryonnaires. Il va de soi que les progrès et les percées médicales se produiront à un rythme beaucoup plus rapide si la recherche est diversifiée. Nous sommes d'accord pour délimiter les limites de ce qui est permissible dans la recherche sur les embryons humains, dans la mesure où la recherche se fonde sur des principes déontologiques et qu'elle est encadrée par une structure législative. Nous croyons que l'avant-projet de loi offre cet encadrement déontologique.
Le Canada compte certains des chercheurs spécialisés dans la maladie de Parkinson parmi les plus prometteurs et brillants du monde. L'avant-projet de loi fournira les lignes directrices et les paramètres qu'ils demandent depuis longtemps. Il ne fait aucun doute pour moi que les chercheurs canadiens seront des chefs de file dans ce domaine, une fois que les règles auront été précisées.
Les Canadiens souffrant de Parkinson rêvent d'un avenir assaini, plus heureux et dénué des épreuves que la maladie leur impose. Or, le recours aux cellules souches embryonnaires humaines dans la recherche leur offre plus qu'une lueur d'espoir que leurs rêves pourraient un jour se concrétiser.
M. David Simmonds (président, Société Parkinson du Canada): Merci, madame la présidente.
Comme le disait ma collègue, la Société Parkinson du Canada appuie la recherche sur les cellules souches qui serait menée dans un cadre législatif et serait fondée sur un ensemble de principes déontologiques. Nous sommes d'avis que l'avant-projet de loi crée un cadre suffisamment vaste pour permettre que la recherche sur les cellules souches suive l'état des choses actuellement prévisible.
Mais ce qui nous préoccupe, toutefois, c'est que le comité soit obligé, au fil de la recherche, de se pencher à nouveau sur les limites de la recherche permise sur les cellules souches pour s'assurer qu'elles ne sont pas trop restrictives. Il est important que le cadre législatif élaboré soit suffisamment souple pour s'adapter à l'évolution de la recherche. Je sais que mes amis de l'Association canadienne de dystrophie musculaire vous en parleront plus à fond dans leur exposé.
La maladie de Parkinson est une maladie qui a un effet progressivement débilitant sur les capacités physiques et cognitives, et comme on le dit souvent, ce qu'il y a de pire dans la maladie de Parkinson, c'est que votre santé ne cesse de se dégrader. Les médicaments réussissent à atténuer les symptômes, mais jamais à retarder la maladie ni à la guérir complètement. La recherche sur les cellules souches offre la possibilité de réparer le cerveau, et c'est une option qui pourrait être très efficace comme traitement, en attendant que l'on trouve la cause de la maladie de Parkinson. Voilà pourquoi cette perspective de traitement a soulevé autant d'enthousiasme chez les patients atteints de la maladie de Parkinson.
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Comme le signalait Mme Jardine, ce qui permet aux malades de
continuer à vivre, c'est l'espoir; or, l'espoir vient de ce que
l'on sait qu'on ne ménagera aucun effort en cours de recherche pour
trouver une solution. Mais cet espoir peut rapidement disparaître
si la recherche ne peut s'épanouir dans les domaines où elle le
ferait naturellement. Voilà pourquoi il est important de laisser
une certaine marge de manoeuvre dans la loi et permettre à l'élan
scientifique de s'orienter vers les secteurs où il va tout
naturellement.
J'aimerais aborder brièvement deux autres éléments. D'abord, le facteur du coût pour les contribuables. En effet, les cas de maladie comme le mien ou celui de Michael J. Fox peuvent avoir été diagnostiqués dès la fin de la trentaine. Il y a quelque 100 000 Canadiens qui souffrent de la maladie de Parkinson dont 10 000 environ ont moins de 40 ans. Autrement dit, ce qu'il en coûte à la société pour s'occuper de gens comme moi et M. Fox, au fur et à mesure que la maladie nous débilite est un montant faramineux si l'on songe à la perte de productivité sur le marché de la main-d'oeuvre active; aux prestations d'invalidité que nous verse une industrie pour nous maintenir dans l'honnêteté; aux services médicaux requis pour nous traiter; aux services de soins pour qu'on s'occupe de nous; et au fardeau financier et autre que la maladie impose à nos familles et proches. Vous comprenez donc que tout investissement dans la recherche d'un traitement et d'un remède vaut rapidement la peine et constitue un dividende social.
Nous, qui représentons les Canadiens souffrant de Parkinson, croyons que nous avons une responsabilité à l'égard non seulement de notre clientèle actuelle, mais aussi à l'égard de nos enfants—les causes génétiques de la maladie étant à ce point vastes—et à l'égard des 100 000 Canadiens de la prochaine génération qui seront sans aucun doute atteints de la maladie si nous ne faisons pas tout en notre pouvoir pour leur épargner ce fardeau.
Je vous souhaite bonne chance dans vos travaux et vous félicite de vos efforts. Nous espérons pouvoir continuer à prendre part à votre réflexion.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci, monsieur Simmonds.
Nous passons maintenant à l'Institut de recherche en santé d'Ottawa et à M. Ronald Worton, qui en est le président-directeur général.
Monsieur Worton.
Dr Ronald Worton (prtésident-directeur général et directeur scientifique, Institut de recherche en santé d'Ottawa): Merci. C'est un grand plaisir pour moi de comparaître.
Je remercie tout d'abord le comité de m'offrir l'occasion de lui faire part de mon point de vue au sujet de la recherche sur les cellules souches et du projet de loi sur la reproduction humaine assistée.
Mes commentaires se limiteront aujourd'hui à la partie du projet de loi touchant la recherche sur les cellules souches, car c'est ce qui nous intéresse tout particulièrement. C'est d'ailleurs une des facettes les plus intéressantes et pleine de défis pour la recherche dans le projet de loi. Même si ce dernier n'aborde pas de façon spécifique les cellules souches, beaucoup de paragraphes partout dans le projet de loi ont clairement une incidence sur la recherche utilisant des cellules souches.
J'aimerais vous signaler que les opinions que j'exprime ici sont les miennes et ne représentent pas un consensus des chercheurs qui étudient les cellules souches ou des chercheurs qui font partie de mon institut. Par ailleurs, je crois que mes opinions sont conformes pour l'essentiel à celles d'un grand nombre de mes collègues au Canada et certaines d'entre elles seront corroborées tout à l'heure par Michael Rudnicki.
En résumé, je suis tout à fait favorable à ce projet de loi. Je crois qu'il arrive à point nommé. Dans l'ensemble, c'est une bonne mesure; elle vise à nous permettre d'effectuer les recherches indispensables sur les cellules souches et sur les thérapies éventuelles qui en découleront.
Globalement, la législation proposée est à mon avis équilibrée et permet de faire cette expérimentation, étant entendu que les scientifiques dont je fais partie doivent travailler dans un cadre juridique bien précis.
Dans quelques instants, j'inviterais le comité à réfléchir soigneusement à ce qui doit relever de la réglementation et ce qui doit relever de la loi, car nous nous inquiétons essentiellement des activités qui vont faire l'objet d'une interdiction, qui seront donc illégales, cette interdiction étant très difficile à lever par la suite. Nous savons que la recherche progresse avec le temps, que l'opinion publique évolue et que dans 10 ans, des travaux impossibles à réaliser aujourd'hui pourront être menés à bien. Nous aimerions donc que ce projet de loi bénéficie d'une certaine souplesse.
J'ai pensé qu'il m'appartenait d'expliquer ce que sont les cellules souches. Je suppose cependant que vous vous êtes tous renseignés et je m'efforcerai donc de m'en tenir au plus simple et au plus court.
Il existe deux sortes de cellules souches, les cellules souches adultes et les cellules souches embryonnaires.
Les cellules souches adultes n'ont pas de fonction spécialisée et sont capables de faire deux choses: elles peuvent se diviser pour former deux cellules, puis quatre, puis huit, puis seize, etc. Autrement dit, elles peuvent s'autorenouveler et se multiplier.
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Mais elles sont aussi capables d'une fonction que les
scientifiques appellent la «différenciation». Elles peuvent se
différencier pour créer divers types de cellules. J'en donne deux
exemples dans mon document. Dans le sang, par exemple, les globules
rouges transportent l'oxygène, tandis que les globules blancs
combattent les infections. Ces deux types de cellules proviennent
de cellules souches hématopoïétiques, qui résident principalement
dans la moelle épinière et qui produisent un apport constant de
globules, car ces cellules sanguines doivent être continuellement
remplacées.
La peau est aussi un tissu qui se renouvelle constamment car il s'élimine par l'extérieur. Il existe des cellules souches sous la surface de la peau, qui la régénère.
D'autres tissus, comme ceux du cerveau, des muscles, du foie et des reins, sont relativement statiques et se renouvellent peu, mais ils comportent néanmoins des cellules souches qui interviennent dans leur régénération et dans leur reconstitution selon les besoins. Si des muscles sont endommagés par un exercice excessif, comme ceux auxquels je me livre périodiquement, ils doivent être réparés, et ce sont les cellules souches qui s'en chargent.
Évidemment, un muscle peut être endommagé par une maladie plus grave. Encore une fois, les cellules souches sont essentielles à une bonne reconstitution des tissus endommagés.
Un grand nombre de cellules souches adultes de ce genre n'ont été découvertes que ces dernières années. Ainsi, les cellules souches nerveuses ont été décrites pour la première fois à Calgary il y a cinq ou six ans par un scientifique canadien.
Les cellules souches embryonnaires, quant à elles, n'existent qu'au tout premier stade de l'embryon, jusqu'au quatrième ou cinquième jour de la gestation, avant même que l'embryon ne s'implante dans l'utérus. On trouve alors un sac de cellules qui vont assurer le développement de l'embryon, et les cellules du sac proprement dit vont former les membranes et le placenta.
Ce sont les cellules situées à l'intérieur du sac, appelé masse de cellules internes, qui constituent les cellules souches embryonnaires. Elles ont la capacité de produire n'importe quel type de cellules pour n'importe quel tissu. Elles doivent avoir cette capacité, puisque c'est ce qu'elles vont devoir faire au tout premier stade du développement embryonnaire. Chez la souris, par exemple, il suffit d'une seule cellule souche de ce type pour produire une souris complète. Nous savons que cette cellule est capable de produire tous les tissus et de donner une souris parfaitement fonctionnelle.
Nous supposons que chez l'humain, les cellules souches du premier stade de l'embryon peuvent faire la même chose. Évidemment, cependant, on ne peut en faire l'expérience, ou du moins, cela n'a encore jamais été fait.
Qui a-t-il donc de nouveau et qu'est-ce qui suscite cet intérêt soudain? On connaît les cellules souches sanguines depuis 30 ans. Mais il y a deux choses nouvelles, sur lesquelles Mike Rudnicki reviendra sans doute.
Il y a trois ans, en 1998, deux expériences ont déclenché une avalanche de nouvelles recherches, de nouvelles réflexions et de nouveaux paradigmes dans ce domaine. Dans le premier cas, des scientifiques ont réussi pour la première fois à cultiver des cellules souches embryonnaires humaines. Auparavant, l'opération présentait des difficultés, car s'il est facile de cultiver les cellules souches embryonnaires, les cellules souches humaines posaient davantage de problèmes.
À partir de 1998, on a réussi à cultiver des cellules humaines, ce qui a ouvert toutes sortes de possibilités concernant l'utilisation des cellules souches embryonnaires humaines.
En 1998 s'est produit un autre événement avec la première indication de la possibilité que ces cellules souches adultes produisent différents tissus. Autrement dit, une cellule souche prélevée dans la moelle osseuse, qui sert normalement à produire des globules, peut aussi produire du muscle; ou une cellule souche provenant du muscle, qui sert normalement à faire du muscle, peut produire des cellules sanguines si elle est placée dans de la moelle osseuse.
On a constaté d'autres exemples. Des cellules souches du cerveau, qui servent normalement à produire des neurones, ont donné des globules; des cellules souches du sang ont produit des neurones. Elles n'y parviennent pas très bien, mais elles y parviennent. Et c'est la première étape d'un processus qui, à notre avis, devrait permettre de prélever des cellules souches dans un tissu et de s'en servir pour réparer un autre tissu. C'est très important, car si l'on peut prélever des cellules souches chez un sujet pour réparer un tissu différent du même sujet, on élimine tous les problèmes de rejet immunitaire qui accompagnent normalement la greffe de tissus ou de cellules.
Ce sont donc deux découvertes capitales, qui ont suscité le remue-ménage des trois dernières années, ainsi que l'étude de mesures législatives sur le sujet au Canada, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et ailleurs.
Parmi les arguments formulés, on dit que dans la mesure où les cellules souches adultes sont capables de produire ces différents tissus, pourquoi ne pas se contenter d'utiliser des cellules souches adultes dans la recherche pour trouver d'éventuels procédés thérapeutiques? Qu'est-ce qui nécessite un travail sur les cellules souches embryonnaires?
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La réponse, c'est qu'en définitive, on espère pouvoir produire
à partir de cellules souches adultes toutes les cellules
nécessaires à des fins thérapeutiques, sans avoir à se servir de
cellules souches embryonnaires, mais nous savons dès maintenant que
les cellules souches embryonnaires ont un potentiel bien supérieur.
On dit qu'elles sont «pluripotentes», c'est-à-dire qu'elles peuvent
former toutes sortes de tissus, et qu'elles y parviennent avec un
niveau élevé d'efficacité.
On sait que les cellules souches adultes peuvent produire certains autres tissus, mais on ne connaît pas toute la gamme de leurs possibilités. On sait qu'elles sont moins efficaces et qu'elles sont assez difficiles à cultiver. On pense donc qu'il est indispensable de travailler sur des cellules souches embryonnaires et sur des cellules souches adultes pour comprendre parfaitement ce qui les différencie si l'on veut être en mesure d'utiliser tout le potentiel des cellules souches adultes.
Je vais vous donner un exemple. Un groupe de scientifiques dont je fais partie a constitué pour tout le Canada un réseau de centres d'excellence appelé le réseau des cellules souches. Nous avons récemment reçu du gouvernement fédéral un montant de 21 millions de dollars réparti sur les quatre prochaines années.
Dans le cadre de nos expériences, nous voulons essayer de comprendre les événements moléculaires qui se produisent dans la cellule souche. Quelles sont les caractéristiques moléculaires d'une cellule souche embryonnaire et d'une cellule souche adulte? Quelles différences y a-t-il entre les unes et les autres?
Si nous parvenons à le comprendre, nous pensons pouvoir manipuler des cellules souches adultes pour leur ajouter les facteurs moléculaires qui leur font défaut et les rendre plus semblables à des cellules souches embryonnaires, pour élargir leur potentiel, pour ainsi dire. Mais si nous ne comprenons pas les facteurs présents dans les cellules souches embryonnaires, nous ne pourrons pas espérer amener les cellules souches adultes à se comporter comme des cellules souches provenant d'un embryon.
Voilà l'élément essentiel de notre objectif de recherche. Nous devons donc travailler sur des cellules souches embryonnaires, même si notre objectif à long terme est d'éviter de s'en servir. Nous préférons évidemment travailler avec des cellules souches adultes.
Voilà pour mon principal argument sur le plan scientifique. L'avenir de la recherche sur les cellules souches est très prometteur si nous parvenons à travailler sur des cellules souches humaines. L'utilisation des cellules souches pour réparer des tissus endommagés par un traumatisme, comme les lésions de la moelle épinière, ou par une maladie, comme dans la dystrophie musculaire, présente un potentiel considérable. On vous en reparlera certainement.
L'effort de recherche devra être énorme: il va falloir de cinq à dix ans pour mettre au point certaines de ces thérapies, mais la voie est tracée et l'issue est acquise: on va trouver des traitements pour guérir un grand nombre de maladies dégénératives. La seule chose qu'on ignore, c'est le temps que prendront les recherches et le volume des expériences à mener.
J'aimerais terminer par quelques remarques d'ordre scientifique sur la loi proprement dite. J'ai déjà dit qu'elle était bonne, que j'approuve son orientation et tous ses principes. Si je l'interprète bien, elle devrait permettre aux chercheurs d'effectuer une bonne partie des travaux nécessaires sur les cellules souches pour faire de la thérapie des cellules souches une réalité.
Je reconnais par ailleurs la nécessité d'imposer des restrictions à la recherche, de fixer des limites et de définir des lignes directrices sur ce qui est autorisé et sur ce qui est interdit, aussi bien pour les scientifiques que pour le public.
Je m'inquiète un peu de la distinction faite dans le projet de loi entre les activités «interdites» et les activités «contrôlées». Si je comprends bien, il ne sera pas possible de faire passer une activité de la catégorie interdite à la catégorie contrôlée, ou réglementée, dans l'éventualité où la recherche définirait de nouvelles possibilités, ou si l'opinion publique évolue en fonction de cette recherche.
Je crains que si l'on est amené à opérer un changement de catégorie à l'avenir par une refonte de la loi, la démarche prenne trop de temps. Comme l'a dit tout à l'heure l'un de mes collègues, le temps se mesure en génération plutôt qu'en semaines ou en mois.
Il y a deux mois, les avocats Tim Caulfield et Bartha Knoppers, qui ont longuement réfléchi à la génétique, aux cellules souches et à l'utilisation de la thérapie génique et cellulaire, ont publié dans le Globe and Mail une opinion dont je vous ai donné copie.
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Leur article était intitulé «Don't Make Science a Crime» (Ne
faisons pas de la science un crime) et leur argument était
précisément le suivant: une activité qui ne peut être réglementée
peut être interdite pour l'instant, mais il faut que l'organisme de
réglementation puisse apporter des changements au fur et à mesure
des progrès de la recherche. C'est tout à fait mon opinion.
Il est un fait que personne ne va sciemment créer un embryon in vitro aux seules fins de la recherche. Je pense qu'actuellement, c'est une interdiction valable, utile et sage. Mais je pense aussi qu'il n'en sera pas toujours ainsi et que dans 10 ans, ou même peut-être dans cinq ans, il faudra peut-être y repenser. La solution consiste donc à trouver un mécanisme de réévaluation de toutes les activités interdites et peut-être pourrait-on charger l'organisme de réglementation de s'en occuper.
Finalement, en parcourant l'avant-projet de loi, j'ai relevé quelques exemples de définitions qui, d'un point de vue scientifique, sont inexactes ou problématiques. Je ne pense pas qu'il m'appartienne de vous en faire part ce matin ni de les signaler, mais je vous recommande de confier à un groupe de scientifiques éminents le soin de passer l'avant-projet de loi au peigne fin. Je suis même prêt à vous suggérer le groupe de travail des IRSC, qui est à l'origine de la première proposition législative sur les cellules souches, et qui pourrait participer à cette démarche.
Pour prendre un seul exemple, le paragraphe 9(2) interdit de combiner de l'ADN ou du matériel génétique provenant de deux organismes différents, par exemple d'un humain et d'une souris. Je sais que cette disposition vise à interdire la création d'organismes hybrides, ce que j'accepte parfaitement, mais en laboratoire, on fait constamment ce genre de combinaison. Nous faisons ce qu'on appelle des «cellules hybrides somatiques», c'est- à-dire des cellules uniques appartenant à la fois à la souris et à l'homme. Nous faisons ça pour cartographier les gènes—nous le faisons depuis 30 ans—et il n'en est jamais rien résulté de fâcheux.
Il faudrait donc que quelqu'un parcoure l'ébauche et signale les choses de ce genre car, même si l'intention est bonne, la formulation risque de nous empêcher de faire ce que nous faisons depuis 30 ans. Il faut éviter cela. Je vous ai simplement proposé une formule.
Merci.
La présidente: Merci, monsieur Worton.
Monsieur Rudnicki.
M. Michael Rudnicki (président de recherche du Canada en génétique moléculaire, scientifique principal et directeur du Programme de médecine moléculaire, Institut de recherche en santé d'Ottawa): Merci beaucoup.
Je voudrais tout d'abord remercier le comité de me permettre de m'adresser à lui aujourd'hui. J'ai commencé à travailler sur des cellules de carcinomes embryonnaires de souris—les premières cellules souches embryonnaires—il y a une vingtaine d'années, lorsque j'étais étudiant en quatrième année de premier cycle. Je me souviens de mon enthousiasme lorsque j'ai vu dans le microscope des réseaux de neurones et les masses de tissus cardiaques palpitants qui provenaient directement de ces cellules souches. Tard dans la nuit, nous discutions avec entrain, prévoyant le jour lointain où ces cellules pourraient servir à traiter des maladies chez l'humain. Ce jour est presque arrivé.
Deux décennies plus tard, mon laboratoire s'emploie à comprendre les mécanismes moléculaires qui définissent l'identité des cellules souches adultes et réglementent la progression de la différenciation. Nous avons récemment identifié un gène de contrôle appelé Pax-7, dont les cellules souches ont besoin pour décider de ce qu'elles vont devenir au terme de leur évolution. Cette découverte soulève la possibilité d'utiliser conjointement la thérapie génique et la thérapie axée sur les cellules pour orienter des cellules souches vers des voies particulières, afin de traiter des maladies comme la dystrophie musculaire.
Aujourd'hui, je vais tout d'abord parler brièvement des cellules souches embryonnaires et des cellules souches adultes, sans toutefois revenir sur ce qu'a dit M. Worton; je vais donc synthétiser mes commentaires. Deuxièmement, je parlerai des critiques que m'inspirent certains aspects de l'avant-projet. Il sera alors essentiellement question de ses conséquences pour la recherche sur les cellules souches.
De façon générale, les cellules souches ont la capacité, tout d'abord, de se multiplier—c'est l'autorenouvellement; et deuxièmement, la capacité de donner naissance à des types de cellules différenciés. Au cours du développement embryonnaire à partir d'une cellule unique, l'ovule fécondé, jusqu'à l'embryon multicellulaire puis au foetus, les cellules souches semblent se spécialiser progressivement et leur aptitude à produire différents types de cellules se restreint. Néanmoins, nous savons maintenant que les cellules souches adultes ont, comme les cellules souches embryonnaires, la capacité de se différencier en différents types de cellules.
Comment va-t-on utiliser les cellules embryonnaires et les cellules adultes à des fins thérapeutiques? On réussit à cultiver et à différencier les cellules embryonnaires dans des cultures de tissu pour produire un très grand nombre de cellules destinées à des greffes ou à des travaux de génie tissulaire. Actuellement, il doit y avoir plus d'une vingtaine de sociétés de biotechnologie qui travaillent à ce problème aux États-Unis.
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Les cellules souches adultes, en revanche, sont difficiles à
produire en culture cellulaire, mais on peut les introduire en
petites quantités dans le système sanguin, où elles peuvent se
loger dans des lésions, participer à la régénération des tissus et
produire, comme on vous l'a dit, plusieurs types de cellules
différentes. C'est ce que nous faisons à la clinique depuis plus de
20 ans. Ce n'est pas autre chose qu'une greffe de moelle osseuse,
c'est-à-dire une greffe de cellules souches adultes qui vont
reconstituer l'appareil de la moelle osseuse.
Cependant, il reste bien des problèmes à résoudre, et nous ne comprenons le fonctionnement de ces cellules que de façon pour le moins superficielle. Nous ne savons pas quelle cellule donnera les meilleurs résultats thérapeutiques. Comme on vous l'a dit, il est indispensable d'étudier aussi bien les cellules souches embryonnaires que les cellules souches adultes pour bien saisir leurs ressemblances et leurs différences.
L'avant-projet de loi arrive à point nommé. C'est une mesure prudente qui apporte le degré indispensable de surveillance et de réglementation. En tant que scientifique, je l'accueille favorablement, car elle nous permettra de poursuivre nos travaux. En outre, l'existence d'une structure réglementaire est importante en science, car elle protège le travailleur de première ligne de tout soupçon d'abus et l'empêche d'en commettre. Cette mesure législative est prioritaire pour les scientifiques canadiens. Néanmoins, elle m'inspire plusieurs réserves.
La longue période d'attente qui a précédé sa mise en oeuvre a créé un vide réglementaire préjudiciable à la recherche sur les cellules souches. Par exemple, au Canada, aucune lignée de cellules souches embryonnaires n'a été produite et, s'il se fait de la recherche sur cette catégorie de cellules, elle n'occupe que quelques chercheurs, alors que de nombreux pays ont des centres de recherche qui ont produit plusieurs lignées de cellules souches embryonnaires humaines. Le Canada est à la traîne. Par conséquent, il est essentiel de faire vite.
Dans l'ensemble, j'accepte le principe de cette mesure législative, qui vise à exercer une surveillance réglementaire sur les nouvelles technologies de reproduction. Par contre, je ne suis pas certain qu'il convienne d'assujettir certaines activités au Code criminel. Par exemple, on fait de la création de la vie par clonage une activité criminelle. Or, la loi criminalise aussi l'utilisation du clonage en recherche. Dans ce domaine, les choses ne sont pas aussi tranchées.
La National Academy of Sciences des États-Unis vient de publier un rapport qui avait pour auteur un groupe dirigé par le biologiste Bert Vogellstein, de l'Institut John Hopkins, qui approuve le clonage thérapeutique. Cette forme de clonage sert à produire des tissus génétiquement conformes à ceux du patient. Au plan scientifique, on peut valablement prétendre qu'il est important de cloner des noyaux de cellules, par exemple, à partir de cellules prélevées sur un patient atteint d'une maladie génétique mortelle, de façon à générer des cellules souches embryonnaires présentant le déficit génétique spécifique à la maladie, pour les étudier en laboratoire.
Notre répulsion à l'idée de créer la vie à partir de gènes clonés résulte d'un point de vue étroit qui ne fait pas de différence entre les technologies de reproduction et la recherche en laboratoire. J'estime qu'au lieu d'opter pour la criminalisation pure et simple, on devrait faire appel à d'autres outils, comme les moratoires, qui donneraient un environnement réglementaire moins rigide.
Avons-nous besoin d'un nouvel organisme de réglementation relevant de Santé Canada pour surveiller la reproduction assistée et la recherche connexe? Je ne suis pas certain qu'il faille récréer la roue, dans la mesure où cet instrument existe déjà. Toute la recherche sur l'humain est actuellement régie par les commissions d'éthique en recherche des réseaux hospitaliers. On pourrait créer un organisme national autonome qui veillerait à l'accréditation des comités d'éthique, effectuerait des visites dans les services de recherche, étudierait l'évolution des technologies et du paysage éthique et surtout, émettrait des lignes directrices après consultation des commissions d'éthique et des scientifiques.
Nous avons déjà un modèle d'organisme semblable; c'est le Conseil canadien de protection des animaux, qui est chargé de surveiller les comités de recherche zootechnique dans les centres universitaires et hospitaliers. J'estime qu'il serait plus efficace, plus économique, mieux adapté et moins bureaucratique d'opter pour un tel mécanisme plutôt que d'en confier le mandat à Santé Canada.
En conclusion, on peut prédire que la recherche sur les cellules souches présente d'énormes avantages au plan médical, en particulier pour le traitement des maladies pour lesquelles il n'existe actuellement aucune thérapie efficace. Il est donc essentiel que l'environnement réglementaire canadien facilite la recherche fondamentale et translationnelle.
Veut-on vraiment créer un code de conduite rigide pour la recherche sur les cellules souches, alors que les problèmes forment une zone grise au lieu de se présenter comme des choix manichéens? A-t-on besoin d'un vaste appareil bureaucratique pour surveiller les activités de recherche, alors que les comités d'éthique de recherche locaux peuvent s'en charger? Les mécanismes actuels de réglementation sont déjà tout à fait efficaces, d'autant qu'aucune cellule souche embryonnaire humaine n'a jamais été produite au Canada.
J'invite le comité à peser soigneusement les conséquences pour la recherche scientifique de la mise en oeuvre du projet de loi dans sa forme actuelle.
Merci de m'avoir permis d'exprimer mon point de vue.
La présidente: Merci, monsieur Rudnicki.
Nous allons maintenant entendre l'Association canadienne de la dystrophie musculaire et demander à son directeur exécutif national, M. Yves Savoie, de commencer.
M. Claredon Robicheau (président, Section du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, membre du conseil d'administration, Association canadienne de la dystrophie musculaire): Merci beaucoup.
La présidente: C'est M. Robicheau. Très bien.
M. Claredon Robicheau: Nous allons présenter notre exposé à deux.
Mesdames et messieurs, madame la présidente, membres du Comité permanent de la santé, je tiens à vous remercier de prendre en considération la position de l'Association canadienne de la dystrophie musculaire et l'opinion des personnes atteintes de maladies neuromusculaires.
Mon nom est Claredon Robicheau. Je suis membre du conseil d'administration de l'Association canadienne de la dystrophie musculaire, président de la section locale de l'association pour le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse et président du Groupe de travail du conseil sur la défense des droits et intérêts. Je suis aussi une personne atteinte de dystrophie musculaire des ceintures. Yves Savoie, directeur général national de l'association, m'accompagne.
[Traduction]
Nous sommes ici pour vous exposer notre opinion afin d'inclure dans le projet de loi un cadre réglementaire touchant l'usage des cellules souches non seulement aux fins de la recherche mais aussi dans le cadre des traitements et thérapies qui pourraient en découler. Nous avons bon espoir que dans un avenir proche, la recherche sur les cellules souches livre des résultats prometteurs. Le cadre législatif doit aussi tenir compte des conséquences de la recherche et dresser à l'intention de la communauté scientifique des lignes directrices permettant d'assurer aux personnes handicapées et atteintes de maladies l'accès à des traitements éventuels susceptibles d'améliorer la qualité et la durée de leur vie et de permettre leur guérison éventuelle.
Aux plans médical, juridique et éthique, la recherche comportant des tissus reproductifs humains soulève des questions qui sont sources de division et sont lourdes d'implications pour tous les niveaux de l'activité humaine. Ces questions appellent à la réflexion et au débat, un débat qui doit intervenir à tous les niveaux de la société, des assemblées du Parlement jusqu'aux assemblées communautaires, au sein des organismes comme autour de la table familiale.
[Français]
Je suis issu d'une famille de Meteghan en Nouvelle-Écosse. Trois de mes frères et soeurs sont atteints de dystrophie musculaire des ceintures. Croyez que les discussions ont été nombreuses et parfois passionnées, tout comme elles l'ont été au sein de notre organisme également, l'ACDM. C'est la perspective de l'association que je vous présente aujourd'hui, et que je partage. Elle a fait l'objet d'une consultation intense avec nos membres, nos bénévoles et nos structures de gouvernance. Cependant, nous reconnaissons que les membres de notre organisme ne partagent pas tous notre position. Ainsi, nous les encourageons à communiquer directement avec leur député pour faire connaître leur point de vue.
La position de l'ACDM est fondamentalement le reflet de notre double mission: la recherche et le service aux clients. Recherche non pas comme une fin en soi, mais pour en traduire les résultats en bénéfices qui améliorent la qualité de vie des personnes atteintes. Ce principe d'appui à la la recherche au service des individus guide non seulement notre travail quotidien, mais également nos recommandations.
Nous croyons que la recherche sur les cellules souches apportera un jour, dans un avenir proche, des résultats concrets pour les personnes atteintes de plusieurs maladies.
[Traduction]
Dans ce climat d'espoir, nous ne pouvons nous contenter d'examiner les considérations législatives de l'utilisation de cellules souches humaines uniquement dans le cadre de la recherche. Qu'arrivera-t-il une fois que nous aurons mis au point des méthodes scientifiques éprouvées, qui permettront d'utiliser les cellules humaines embryonnaires pour traiter et éventuellement guérir ces maladies? Les scientifiques affirment que la demande de cellules souches embryonnaires excédera rapidement l'offre d'embryons surnuméraires créés in vitro par les cliniques de fertilité. Nous devons explorer toutes les sources potentielles de cellules souches, y compris les tissus adultes.
Lorsque ce projet de loi sera déposé, il devra comprendre une réglementation qui permette la production d'embryons humains obtenus à partir de dons de matériel génétique ou à partir d'autres types de matériel génétique si la recherche confirme leur capacité de sauver des vies ou de guérir des maladies. Cette activité ne devra s'exercer qu'à l'intérieur d'un cadre réglementaire très étroit, seulement au cours des 14 premiers jours de développement des embryons, seulement s'il n'existe pas d'autres sources suffisantes de matériel et seulement dans le cadre de traitements destinés à l'être humain.
• 1145
Le comité permanent doit agir dès maintenant et se pencher sur
ce scénario afin d'éviter tout retard important dans l'accès à des
technologies qui pourraient permettre de sauver des vies une fois
que la recherche aura mis au point des traitements cliniquement
éprouvés, fondés sur l'utilisation de tissus reproductifs humains.
Nous reconnaissons qu'il peut s'écouler encore de nombreuses années
avant que les résultats de la recherche puissent être traduits en
thérapies médicales utilisables. Mais nous savons qu'il faut aussi
de nombreuses années pour élaborer de nouvelles lois. La nature
même du processus parlementaire et la mouvance des priorités
signifient que des Canadiens atteints de maladies neuromusculaires
et de plusieurs autres maladies, dont le cancer et la paralysie
cérébrale pourraient se voir contraints à une attente trop longue.
En tant que parlementaires, vous avez renforcé les liens fondamentaux entre la recherche en santé et l'amélioration de la qualité de la vie des Canadiens en créant les Instituts de recherche en santé du Canada. Votre travail en vue de resserrer les liens entre la contribution du gouvernement fédéral à la recherche en santé et l'amélioration de la santé des Canadiens s'inscrit en fait en parallèle de notre intervention d'aujourd'hui.
On appelle dystrophie musculaire (DM) un ensemble de maladies musculaires caractérisées par une faiblesse et une atrophie progressive des muscles volontaires qui contrôlent les mouvements du corps. À mesure qu'il s'affaiblit et s'atrophie, le tissu musculaire est remplacé par un tissu adipeux et conjonctif.
Les maladies neuromusculaires ont chacune des caractéristiques bien spécifiques. Les muscles qui sont plus particulièrement atteints varient d'une forme de dystrophie à l'autre. Les différentes formes de la maladie se distinguent par la gravité des symptômes, l'âge auxquelles elles se manifestent, la rapidité avec laquelle elles évoluent et aussi selon leur mode de transmission génétique. Plusieurs maladies neuromusculaires sont génétiques et plusieurs des gènes à l'origine de ces maladies ont été identifiés par des chercheurs canadiens au cours des 15 dernières années.
[Français]
Personnellement, je suis affecté par la dystrophie musculaire des ceintures, qui affecte essentiellement les muscles volontaires situés autour de mes épaules et de la région de mes hanches. Voilà déjà 11 ans que je me sers d'un fauteuil et la progression de ma maladie m'a obligé à quitter mon emploi comme banquier au sein de la Banque Toronto-Dominion il y a déjà neuf ans. Je sais sincèrement que je devrai faire face à d'autres transitions au cours des prochaines années.
[Traduction]
Bien que les maladies neuromusculaires affectent différemment les personnes qui en sont atteintes, nous partageons tous la même préoccupation: le temps. On ne doit pas sous-estimer les conséquences des maladies neuromusculaires progressives: les adultes et les enfants qui en sont atteints éprouvent des incapacités chroniques sévères qui affectent tous les aspects de leur vie quotidienne et, dans certains cas, réduisent même leur espérance de vie. Ces Canadiens n'en sont pas moins actifs au sein de leur communauté, à laquelle ils contribuent pleinement. Les Canadiens atteints de maladies neuromusculaires ont droit à une bonne qualité de vie en tant que personnes indépendantes, mobiles et productives.
[Français]
La présidente: Merci, monsieur Robicheau.
Monsieur Savoie.
M. Yves Savoie (directeur exécutif, Association canadienne de la dystrophie musculaire): Merci, madame la présidente.
Déjà nous avons pu constater à quel point les progrès dans des domaines tels que la génétique, l'utilisation thérapeutique des stéroïdes et les soins respiratoires ont permis d'accroître l'espérance de vie de plusieurs clients de l'ACDM. Des clients qui ne devaient pas dépasser l'âge de l'adolescence peuvent aujourd'hui envisager leur entrée au collège, à l'université ou sur le marché du travail. Des engagements à long terme, une vie indépendante et même la retraite sont maintenant au nombre des possibilités qui s'offrent à eux.
Cependant, alors que les personnes atteintes de maladies neuromusculaires passent de la jeunesse à l'âge adulte et accèdent à l'éducation supérieure et au marché du travail, elles se heurtent souvent à des barrières freinant l'accès à l'emploi, à des taux de chômage plus élevés que la moyenne et à des salaires moindres, autant d'obstacles à l'atteinte de leur plein potentiel qui, trop souvent, les condamnent à la pauvreté. Elles doivent aussi vivre quotidiennement avec des maladies qui s'aggravent de jour en jour.
Le temps est venu d'élaborer un cadre législatif plus progressiste et plus permissif qui comprenne des lignes directrices pour l'utilisation de cellules souches humaines dans la mise au point de thérapies et de traitements efficaces. Nous ne pouvons éviter indéfiniment cette question. Si la recherche réussit à mettre au point des thérapies qui utilisent des cellules souches embryonnaires et si la validité de ces thérapies est démontrée par des essais cliniques sur des humains selon des méthodes scientifiques reconnues, la législation doit déjà être en place pour guider les chercheurs et surveiller leurs travaux.
De plus, cette législation doit être permissive et permettre la production de cellules souches humaines par divers moyens afin d'éviter tout délai inutile dans la mise au point d'applications pratiques susceptibles de sauver la vie de nombreux Canadiens.
• 1150
Si nous croyons que les cellules souches peuvent
conduire à des traitements efficaces, nous devons alors
nous attaquer à la question épineuse de
l'approvisionnement. Où trouverons-nous les cellules
souches en quantité nécessaire pour répondre à la
demande des Canadiens atteints de multiples formes de
maladies et d'incapacités?
L'état actuel de nos connaissances indique que les cellules souches embryonnaires présentent des caractéristiques particulièrement prometteuses. Mais il s'agit là de promesses que n'ont pas démontrées les cellules souches tirées de tissus adultes ni d'aucune autre source.
La seule utilisation de cellules souches prélevées sur les embryons surnuméraires produits à des fins de reproduction humaine ne suffira pas à l'application de nouvelles connaissances dans la mise au point de thérapies efficaces. Nous sommes particulièrement préoccupés du potentiel d'abus que représente le recours à la fertilisation in vitro en tant que moyen détourné pour répondre à la demande croissante de cellules souches. Cela mettrait en péril les principes solides sur lesquels se fondent les propositions pour la reproduction humaine assistée.
De plus, il existe des raisons scientifiques importantes en faveur d'un approvisionnement—certains de ces arguments ont été faits plus tôt par le docteur Worton—plus généreux et plus diversifié de cellules souches. Les cellules souches présentent des variations biologiques naturelles, et les études sur des souris ont démontré que la capacité des souris d'accepter les cellules souches varie selon ces variations biologiques naturelles. Il est possible que certaines cellules souches embryonnaires produisent des réactions immunogènes chez l'adulte. Il sera probablement nécessaire de disposer d'une quantité suffisante et d'une grande variété de types de cellules souches pour surmonter le problème que posent ces variations. Avec le temps, nous pourrions aussi découvrir que certaines cellules souches, compte tenu des variations biologiques naturelles, sont plus efficaces pour la réparation de certains tissus. S'ajoute aussi le fait que malgré que les cellules souches soient, du moins théoriquement, immortelles, certaines n'en meurent pas moins.
Enfin, il faut prévoir la difficulté d'assurer un approvisionnement adéquat en cellules souches pour répondre aux besoins thérapeutiques d'une vaste population.
Quelles seront alors les sources d'approvisionnement en cellules souches embryonnaires lorsque les traitements seront offerts à une vaste population? Deux choix sont présentement envisageables. Tout d'abord, des personnes pourraient faire volontairement don d'ovules et de sperme en donnant un consentement éclairé à leur utilisation exclusivement aux fins de traitement de sujets humains et avec l'assurance que les cellules souches embryonnaires seraient prélevées au cours des 14 premiers jours de développement des embryons.
Le deuxième choix—et je remarque que celui-ci est plus difficile—serait de cloner des embryons à partir d'autre matériel génétique. Cette avenue est plus controversée mais n'offre pas moins un net avantage. Les embryons ainsi créés le seraient de façon autologue à partir de l'ADN d'une personne ou peut-être d'un proche, et l'utilisation de ces cellules souches embryonnaires pour le traitement pourrait réduire le risque de réactions immunogènes.
Nous tenons à souligner que nous croyons fermement que la science doit procéder avec prudence et respect. Nous affirmons aussi que nous favorisons la poursuite vigoureuse de toute autre source de cellules souches. Cependant, nous souhaitons ne fermer la porte à aucune possibilité, même si la seule solution qui reste devait s'avérer la plus difficile. Nous devons aussi fournir un cadre réglementaire qui prévoit le succès de la recherche et se penche sur les questions qui découleront de ce succès afin que la science ne se voie pas contrainte de procéder dans un vide juridique et éthique.
[Traduction]
L'ACDM préconise un cadre réglementaire sévère pour coordonner toutes les technologies de procréation humaine assistée. Nous exhortons les scientifiques, les professionnels et les experts en réglementation à contribuer à sa conception, et nous invitons la participation des Canadiens ayant un handicap chronique et grave. Leur apport est essentiel à la discussion car ils offriraient le point de vue de ceux qui peuvent bénéficier directement de ces progrès.
Votre comité doit agir dès maintenant sur le plan d'une réglementation guidant l'utilisation et la fourniture de cellules souches dans les meilleures conditions, c'est-à-dire où des modalités de traitement fructueuses ont été découvertes. On n'a pas encore exploité ce succès. Veillons à ce que les millions de Canadiens atteints de certaines maladies et handicaps n'aient pas à attendre des années avant d'en tirer les bénéfices.
L'Association canadienne de la dystrophie musculaire vous remercie de l'avoir invitée à témoigner et de prendre en considération son point de vue à l'occasion de cette loi historique. Nous répondrons volontiers à vos questions.
La présidente: Merci, monsieur Savoie.
Je vais maintenant donner la parole à Mme Thérèse Leroux, directrice de l'éthique aux Instituts de recherche en santé du Canada. Nous écoutons votre exposé, madame.
Mme Thérèse Leroux (directrice de l'éthique, Instituts de recherche en santé du Canada): Madame la présidente, distingués membres du Comité permanent de la santé, mesdames, messieurs,
[Traduction]
Je vous remercie de m'inviter à me présenter devant le Comité permanent de la santé pour exposer la position des IRSC au sujet de la recherche sur les cellules souches embryonnaires dans le cadre de l'examen, par votre comité, de l'avant-projet de loi sur l'assistance à la procréation.
[Français]
Comme vous l'avez déjà entendu ce matin, lors des présentations qui ont précédé la mienne,
[Traduction]
Les cellules souches offrent le potentiel de traitement pour nombre de maladies qui causent aujourd'hui énormément de douleur et de souffrance à des personnes et à leurs familles, et qui représentent des coûts constants pour notre système de santé et notre économie.
[Français]
Ces maladies sont, par exemple, la maladie de Parkinson, la maladie d'Alzheimer, le diabète,
[Traduction]
La sclérose en plaques, les maladies du coeur, et les lésions de la moelle épinière. Même si les cellules souches adultes provenant de tissus adultes représentent une source potentielle de cellules pour le traitement des cellules des maladies dégénératives, les tissus embryonnaires et foetaux—appelés cellules souches embryonnaires—constituent une nouvelle et très prometteuse source, en termes de polyvalence et de capacité de croissance. C'est dans ce domaine qu'il subsiste de nombreux problèmes éthiques et juridiques que nous ne pouvons pas ignorer.
Le Canada n'a pas actuellement de lignes directrices pour régir expressément l'utilisation des cellules souches d'embryons humains dans la recherche. Cette absence de politique publique prive les chercheurs, les comités d'éthique de la recherche et les organismes de financement des balises dont ils ont besoin et auxquelles les Canadiens s'attendent.
L'avant-projet de loi du gouvernement fédéral sur l'assistance à la procréation est une initiative attendue qui fournira un cadre législatif pour réglementer la reproduction humaine assistée et l'utilisation d'embryons humains dans la recherche.
De concert avec Santé Canada, les IRSC ont élaboré des lignes directrices concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires ainsi qu'une politique de financement à cet égard. Il est heureux que nous puissions avoir ce dialogue avec les Canadiens à ce stade de l'élaboration à la fois d'un cadre législatif pour la procréation assistée et de lignes directrices des IRSC pour le financement de la recherche sur les cellules souches.
Au Canada, nous ne sommes pas les seuls à vouloir nous donner des lignes directrices pour l'utilisation de cellules souches à des fins de recherche. Tant le Royaume-Uni que les États-Unis ont récemment élaboré des politiques sur la recherche avec des cellules souches provenant d'embryons ou de foetus. Ces deux pays ont adopté chacun une approche différente pour régir la recherche sur les cellules souches avec des tissus embryonnaires ou foetaux, mais ils ont tous les deux l'avantage d'offrir des lignes directrices claires aux chercheurs.
Des scientifiques canadiens ont grandement contribué à la recherche sur des cellules souches, à commencer par
[Français]
le Dr Leblond à Montréal, dans les années 1950.
[Traduction]
Aujourd'hui, des chercheurs canadiens sont parmi les sommités mondiales dans ce domaine. Notre pays a besoin de lignes directrices pour assurer la poursuite de cette importante activité scientifique mais seulement à l'intérieur d'un cadre éthique qui répond de façon satisfaisante aux préoccupations légitimes au sujet de la source des cellules souches utilisées, du choix éclairé, de la protection de la vie privée et de la confidentialité, et de la commercialisation ou des motifs mercantiles.
Voilà pourquoi les IRSC ont établi un groupe de travail sur la recherche avec des cellules souches. Nous avons réuni un remarquable groupe d'experts internationaux de la recherche en santé, de l'éthique, de la politique et du droit de la santé, pour nous aider à définir des règles de conduite nationales dans ce domaine.
J'invite aussi les groupes bénévoles et les autres organisations qui oeuvrent dans le domaine de la santé au Canada à participer à cet important débat.
[Français]
Au cours d'une période de consultation de trois mois qui a pris fin le 29 juin 2001, le groupe de travail a invité toutes les parties intéressées à présenter leurs points de vue. Parmi les 110 réponses reçues, 25 provenaient de groupes d'intérêt, de groupes de professionnels, d'organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé et d'organismes gouvernementaux. Il y a eu également 65 réponses provenant d'individus, dont une minorité ont mentionné des intérêts personnels ou professionnels dans la recherche sur les cellules souches ou les cellules embryonnaires, par exemple des membres du clergé, des médecins, des philosophes ou encore des clients potentiels de ces développements technologiques.
• 1200
Le processus de consultation a été très utile dans la
détermination des nombreuses questions, qui sont toutes
étudiées par le groupe de travail dans le cadre de ses
discussions actuelles en vue de la rédaction d'un
rapport final aux Instituts de recherche en santé du
Canada.
Dans les recherches mettant en cause l'obtention de cellules souches à partir de cellules embryonnaires germinales, ce sont—vous n'en serez pas surpris—les questions éthiques qui suscitent le plus de controverse. Les opinions de la population sont partagées. Il y a ceux qui croient que l'embryon humain est un être à part entière dès le moment de sa conception, jouissant d'un plein statut moral et d'un droit inaliénable à la vie. D'autres considèrent qu'un embryon humain aux stades précoces de son développement n'est qu'une agglomération de cellules ayant un statut moral égal à celui de toutes les autres cellules de l'organisme. La position adoptée par le groupe de travail coïncide avec l'approche proportionnelle suivie dans l'Énoncé de politique des trois Conseils. L'embryon humain a un statut moral particulier en tant que personne potentielle. De ce point de vue, l'embryon humain n'a pas le même statut moral qu'une personne et ne jouit pas d'un droit absolu à la vie.
En plus des questions d'ordre éthique relatives au statut moral de l'embryon portant sur la source du matériel de recherche, il y a d'importantes questions éthiques reliées à un certain nombre d'autres sujets, par exemple le choix ou le consentement libre et éclairé. Qui devrait donner un consentement pour l'utilisation de ce matériel à des fins de recherche? Est-ce que le don dirigé devrait être autorisé et, si oui, dans quels cas?
Il y a aussi des préoccupations au sujet de la banalisation possible des femmes et de la vie humaine. Est-ce qu'on devrait payer pour obtenir le matériel de recherche? En outre, il y a les questions du respect de la vie privée et de la protection des renseignements personnels. En allant plus loin dans l'éventail de questions, pouvons-nous établir des distinctions entre le traitement et la mise en valeur des objectifs de la recherche? Quelles lignes directrices aurait-on concernant la commercialisation et les brevets? Qui devrait tirer un profit financier de la recherche?
Quelques-unes de ces questions ont déjà été abordées de façon générale dans l'Énoncé de politique des trois Conseils. Cependant, ces lignes directrices ne fournissent pas l'orientation qu'il faut en ce qui a trait à la recherche concernant les cellules souches « pluripotentes » humaines. Nous recommandons que l'Énoncé de politique des trois Conseils fasse l'objet d'une révision pour aborder effectivement ces préoccupations d'ordre éthique.
[Traduction]
À ce stade de nos discussions, nous avons essayé de faire la lumière sur le type de recherche qui est actuellement permis selon l'énoncé de politique des trois conseils. Nous n'avons pas encore fourni d'orientation sur l'ensemble des questions d'ordre éthique qui ont été relevées. Nous croyons que les chercheurs, les spécialistes de l'éthique et le peuple canadien ont besoin d'exprimer leurs points de vue sur la façon dont nous définissons les questions et formulons les réponses au sujet de l'orientation éthique concernant ce nouveau domaine de recherche.
[Français]
Avant de terminer ma présentation, j'aimerais vous faire une invitation, celle d'aller sur notre site web pour consulter notre discussion paper on proposed guidelines for funding of human embryonic stem cell research in Canada.
[Traduction]
Vous pourrez lire nos recommandations. Nous recommandons notamment la création d'un conseil national d'évaluation pour assurer un examen d'ordre éthique d'une telle recherche, qu'elle soit financée avec des fonds publics ou privés, et ce, pour compléter le travail des comités locaux d'éthique de la recherche.
[Français]
Merci beaucoup de votre attention.
La présidente: Merci, madame Leroux.
Maintenant, mesdames et messieurs, nous allons passer aux questions.
Madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, AC): Merci, madame la présidente.
Merci de vos exposés, car vous représentez des gens dont l'état de santé, nous l'espérons vivement, pourrait être amélioré grâce à cette nouvelle recherche. J'ai une amie très chère atteinte de la maladie de Parkinson et je sais que la plupart d'entre nous ont des amis, des connaissances, des parents atteints des affections dont vous vous occupez tous les jours.
Pour en venir au coeur de la question, je pense que l'essentiel est le juste milieu entre la liberté des chercheurs, qui souhaitent mettre au point des traitements et des thérapies spécifiques à ces affections, et notre préoccupation concernant le plus haut respect et la plus grande protection des éléments de vie humaine. C'est, à vrai dire, ce que les membres du comité doivent prendre en considération pour atteindre le bon équilibre.
Il nous serait utile si chacun d'entre vous nous exposait son point de vue sur la façon dont ce juste milieu pourrait être atteint, car je sais que vous réfléchissez à la question tout aussi intensément, voire plus, que nous.
Mme Mary Jardine: Je commencerai volontiers.
C'est manifestement cet aspect qui va retarder les choses dans bien des organisations. La Société Parkinson Canada a fait sienne l'approche adoptée par les IRSC et Santé Canada et nous y adhérons. Nous comprenons bien les nombreux dilemmes qui se posent sur le plan de l'éthique.
Votre question porte sur le juste équilibre entre la liberté des chercheurs et le fait qu'un élément de la vie humaine constitue un facteur délicat. En fait, je suis sûre que bien des gens qui s'occupent de la maladie de Parkinson s'opposent sans doute à cette législation, même si nous avons obtenu un consensus national pour l'appuyer.
C'est une question très difficile. Nous n'avons pas voulu adopter un point de vue très arrêté sur la question de l'éthique. Les gens doivent faire leur propre choix, la décision leur appartient. Notre organisation toutefois est assurément favorable au processus de recherche et les progrès réalisés dans la recherche sur l'embryon humain et les cellules souches.
David, vous voulez peut-être ajouter quelque chose?
La présidente: Je vais devoir faire une mise en garde. Si chacun d'entre vous répond à la question, je vous demanderai, de bien vouloir le faire en 45 secondes chacun.
Mme Mary Jardine: D'accord, pour moi c'est terminé.
La présidente: Est-ce que chacun comprend la question, ou faut-il la répéter?
Diane, pouvez-vous poser votre question de nouveau?
Mme Diane Ablonczy: Je voudrais votre point de vue sur l'équilibre souhaitable entre le besoin de liberté en matière de recherche prometteuse sur le plan des avantages, et le besoin de protéger la valeur et la dignité propre à la vie humaine et aux éléments de vie humaine.
M. Claredon Robicheau: Permettez-moi une observation personnelle. Quand la question a été soulevée à la réunion générale de l'Association canadienne de la dystrophie musculaire à Victoria, j'ai éprouvé le besoin en rentrant chez moi de réfléchir aux questions éthiques et morales qui se posent du point de vue de la religion—car je suis catholique—de ma propre famille, de ma propre collectivité. Les décisions que vous prendrez ici sous peu et dans les mois à venir, étant donné leur portée éthique, vont susciter des interrogations dans la collectivité en général, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique, et l'on vous demandera des comptes, comme à moi.
J'ai bien analysé l'approche proactive de l'ACDM pour les traitements et les guérisons, non seulement sur le plan de la recherche en tant que telle, et je me suis entretenu avec les membres de ma famille—mon père a 75 ans et ma mère 65 ans—pour m'assurer qu'ils comprenaient bien l'aspect éthique dont j'allais venir parler à Ottawa.
Ils ont très bien compris qu'il s'agissait d'embryons de 14 jours, et non pas de 11 semaines, comme c'est le cas des embryons que l'on peut avorter au Canada légalement. Cela les a grandement rassurés.
• 1210
J'ai même demandé à mon petit frère ce qu'il pensait de l'idée
de donner son sperme, son ADN ou tout type de tissus pour faire
avancer la recherche, au besoin, l'année prochaine, dans cinq ans.
Je voulais m'assurer qu'il comprenait que nous étions en train
d'ouvrir une porte, et non pas de la fermer à toutes sortes de
considérations morales concernant le don d'ADN. Je lui ai expliqué
que c'était en vue d'un traitement, uniquement, et non pas pour
créer un nouveau petit frère.
C'est la grande différence avec ce qui se passe en Europe, quand on entend un scientifique dire qu'il va procéder à un clonage un jour ou l'autre. Il ne s'agit pas de cela ici. Il s'agit de traitement et de guérison, et cette limite de 14 jours existe. Je pense que c'est essentiellement pour cela que ma famille, et beaucoup de mes clients avec qui je me suis entretenu par courriel à propos de cette législation, m'ont dit n'y voir aucun inconvénient, car il s'agit ici d'utiliser des embryons de 14 jours, pas plus.
La présidente: Quelqu'un d'autre veut-il ajouter quelque chose?
Mme Thérèse Leroux: Oui, volontiers.
Si l'on examine notre énoncé de politique des trois conseils, on se rend compte qu'un des principes hautement proclamés est la dignité humaine. Reportez-vous au chapitre 9, vous vous rendrez compte que nous sommes contre l'utilisation d'embryons. On ne peut accepter moralement de créer un embryon uniquement à des fins de recherche. Cependant, nous comprenons bien que l'utilisation d'embryons dans ce type de recherche pourrait apporter de grands avantages à la collectivité, à ces gens qui souffrent de ces maladies, et nous sommes prêts à utiliser les embryons qui ne seraient pas utiles à la planification familiale de ceux qui auraient fourni ces tissus.
Nous avons alors affirmé qu'il faudrait des lignes directrices très sévères concernant le consentement, et voilà pourquoi dans mon exposé je n'ai pas mis l'accent uniquement sur l'aspect moral mais également sur le consentement éclairé, la protection de la vie privée, et tous les autres aspects reliés à ce type de recherche. Je pense qu'il est très important d'établir ce lien avec la dignité humaine, mais il faut aussi ajouter que l'utilisation de ces tissus pourrait permettre de sauver des vies. Il faut donc un cadre éthique. Ce sera peut-être la façon de trouver un juste milieu.
La présidente: Merci, madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy: Merci. Je pense que ces remarques sont très utiles, madame la présidente.
La présidente: Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup.
L'été dernier, le président Bush a fait une déclaration concernant la recherche sur les cellules souches et, à cette occasion, il a fait allusion aux lignées de cellules souches. Il a cité un chiffre très élevé. Dans les jours qui ont suivi, les scientifiques ont réagi au Canada et aux États-Unis, et en Europe aussi, pour contester ce chiffre. De nombreux scientifiques qui s'occupent de cette recherche depuis assez longtemps s'étonnaient que le chiffre soit si élevé.
Tout d'abord, pouvez-vous nous dire ce qu'est une lignée de cellules souches, et nous donner plus de renseignements concernant le potentiel de développement de nouvelles lignées? Quel est le potentiel pour l'avenir? Y a-t-il une limite au nombre de lignées que l'on peut développer? Ce projet de loi empêchera-t-il de façon quelconque ou préviendra-t-il le développement de nouvelles lignées ou de lignées supplémentaires qui viendraient s'ajouter à celles que le Canada possède déjà? Je voudrais votre réaction générale là-dessus.
La présidente: Monsieur Worton.
M. Ronald Worton: Permettez-moi de commencer car je pense que le M. Rudnicki veut répondre également.
Une lignée de cellules souches est une notion assez simple. Si l'on retire la masse cellulaire interne de l'embryon, les 100 cellules environ, et si on en fait une culture, la division cellulaire s'amorce, de sorte qu'il y a multiplication, et qu'on obtient 200 cellules et ensuite 400, et c'est cela qu'on appelle essentiellement une lignée. On peut faire le clonage des cellules mais cela n'a pas du tout le même sens que le clonage des gens, bien entendu, sauf que le principe est le même. Autrement dit, on peut laisser une cellule se diviser, en obtenir deux, quatre, et puis huit, et l'on obtient une lignée clone, toutes les cellules étant dérivées de la même cellule, elles sont ni plus ni moins identiques l'une à l'autre. Voilà ce que sont les lignées cellulaires.
• 1215
Une chose importante à comprendre quand on travaille avec les
systèmes biologiques, les cellules notamment: il y a une variation
énorme. Même si une cellule souche est assez semblable à une autre
cellule souche, sa croissance, sa différenciation potentielle,
peuvent très bien dépendre exactement de son origine, de l'heure à
laquelle elle a été prélevée, de la méthode et du milieu de
culture, de la fréquence à laquelle on a fait passer les cellules
d'une éprouvette à l'autre pour la multiplication, etc. Certaines
lignées cellulaires sont nettement supérieures à d'autres. La
différenciation de certaines est parfois supérieure aux autres. La
division et la multiplication des cellules ne sont pas toujours de
qualité égale.
C'est cette variation biologique qui fait que nous devons travailler avec plus d'une lignée cellulaire. De façon générale, on croit que les méthodes de développement de ces lignées cellulaires, la façon dont on les extrait de l'embryon, le genre de milieu de culture où nous les faisons se multiplier, tout cela va s'améliorer avec le temps et que, par conséquent, les lignées cellulaires seront améliorées. Ainsi, nous ne voulons pas être forcés de travailler avec un nombre déterminé de lignées.
Je ne peux pas vous dire combien il existe de lignées actuellement car je ne sais pas quelle était la source de renseignements du président Bush quand il a déclaré qu'il en existait 60. Manifestement ce sont des compagnies privées qui détiennent certaines d'entre elles. Elles ont été créées aux États-Unis par des sociétés qui les offrent à ceux qui veulent les acheter. Je pense qu'il nous faut au Canada produire ces lignées cellulaires et les mettre gratuitement à la disposition des chercheurs.
Vous demandez si la législation va nous permettre de faire cela, et je pense que oui. Je pense qu'elle va nous permettre de créer de nouvelles lignées cellulaires à partir d'embryons existants, embryons qui se trouvent congelés, embryons prélevés à d'autres fins, d'ordinaire à des fins de procréation. Toutefois, ces embryons créés pour bâtir une famille, deviennent inutiles une fois la famille au complet. Seulement trois choses peuvent se produire dans le cas de ces embryons: on peut s'en débarrasser; on peut les garder au congélateur indéfiniment; ou on peut les utiliser à des fins de recherche car on sait parfaitement qu'ils ne seront jamais utilisés pour créer une vie humaine.
La présidente: Monsieur Rudnicki, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Michael Rudnicki: Je pense qu'il y aura un besoin constant de lignées cellulaires supplémentaires. Les cellules souches embryonnaires ont une durée de vie limitée en milieu de culture. Techniquement, elles sont immortelles, mais il se trouve qu'elles accumulent les mutations, et il se produit une dérive génétique au cours de la multiplication. Les cellules souches embryonnaires se comportent très différemment des vieux stocks, de sorte que croire naïvement que 60 lignées sont suffisantes à tout jamais est tout simplement une erreur.
Cela dit, il nous faudra également une diversité de cellules souches embryonnaires car, étant donné les mutations que subissent ces cellules, une lignée particulière pourrait se révéler supérieure quand il s'agira de fabriquer des cellules pancréatiques bêta, alors qu'une autre lignée sera mieux adaptée pour les tissus cardiaques. Voilà une chose. En outre, on peut imaginer le besoin d'une banque de cellules souches embryonnaires nous permettant d'être renseignés sur l'immunité des donneurs. Il sera donc nécessaire de les créer en permanence.
La grande question qu'il faut se poser est de savoir si l'excédent d'embryons sera suffisant. On l'a dit, il y a là matière à débat.
M. Stan Dromisky: Merci beaucoup.
La présidente: Merci, monsieur Dromisky.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Merci, madame la présidente.
J'ai beaucoup apprécié l'interaction de chacun des témoignages. Je pense que ça nous permet de vraiment comprendre l'importance des cellules souches.
Je veux revenir sur les recommandations qu'a faites M. Savoie pour bien les comprendre.
Dans votre première recommandation, vous dites qu'une des premières possibilités serait que des personnes fassent volontairement des dons d'ovules et de sperme en donnant un consentement éclairé. C'est déjà possible dans les cliniques de fertilité. Qu'est-ce que votre proposition amènerait de différent? Ce n'est pas à partir des ovules qu'on peut faire des cellules souches; c'est vraiment à partir des embryons.
M. Yves Savoie: À l'heure actuelle, les dons d'ovules et de sperme peuvent être faits dans le contexte des traitements de fertilité, en vue d'une grossesse. Les dons sont permis, et ils le seraient en vertu de l'avant-projet de loi, dans ce contexte-là, pour les traitements de fertilité. Les embryons qui ont été créés à cette fin et qui sont surnuméraires seraient disponibles pour des activités de recherche, avec un consentement informé.
Notre proposition porte seulement sur le stade où la recherche pourrait apporter des solutions thérapeutiques prouvées. À ce moment-là, les embryons surnuméraires obtenus par la voie des traitements de fertilité ne seront pas suffisants pour générer les cellules souches nécessaires à des applications thérapeutiques.
• 1220
On propose donc que dans le projet de loi qui sera
éventuellement déposé, les dons d'ovules et de sperme
puissent être
entrevus strictement à des fins de
traitement, des traitements pour des maladies comme le
cancer, la maladie de Parkinson ou la dystrophie musculaire.
Évidemment, il faudra toujours un consentement éclairé,
mais on entrevoit exactement le même
mécanisme que celui que vous connaissez déjà pour les traitements
de fertilité, dans le contexte
d'un traitement...
M. Réal Ménard: Mais c'est l'embryon qui serait utilisé.
M. Yves Savoie: C'est ça. Dans les 14 premiers jours.
M. Réal Ménard: Parfait. Concrètement, vous dites craindre qu'il y ait une difficulté d'approvisionnement. Vous nous avez bien fait voir le potentiel très prometteur des cellules souches. Souhaiteriez-vous qu'on inscrive dans le projet de loi une interdiction chronologique, disons? Par exemple, souhaiteriez-vous que le législateur dise qu'il est interdit d'utiliser des embryons à des fins de recherche pour les cinq prochaines années? Dans le fond, cela équivaudrait à un moratoire plutôt qu'à une interdiction ad vitam aeternam. Est-ce bien ce que vous souhaitez en termes de changement législatif?
Si M. Worton souhaitait s'exprimer par la suite, ça serait agréable de l'entendre.
M. Yves Savoie: Le message qui est ressorti de plusieurs des présentations était d'inviter une plus grande flexibilité tout en reconnaissant la valeur d'un cadre de contrôle et de réglementation très fort. C'est d'ailleurs la solution pour laquelle a opté le parlement britannique en créant un cadre qui est beaucoup plus permissif, mais qui est assorti d'un système et de mécanismes de contrôle qui permettent de s'adapter au changement à la lumière des découvertes.
M. Réal Ménard: Concrètement, souhaitez-vous un moratoire plus qu'une interdiction?
M. Yves Savoie: Absolument. À l'heure actuelle, pour nous, il y a interdiction de toute application de cellules souches au traitement. Qu'est-ce que cela va donner si des traitements sont découverts dans cinq ou sept ans? On accusera alors un important retard, puisqu'il faudra attendre beaucoup de temps avant qu'un parlement futur se penche sur la question de revoir le projet de loi pour ouvrir la porte à l'application de cette technologie en matière de thérapie ou de traitement.
M. Réal Ménard: Concrètement, comme législateurs, nous ne pouvons pas être entre les deux. Ou bien on dit qu'il y a une interdiction... Il y a 11 interdictions dans l'avant-projet de loi, et vous dites qu'il y en a une qui peut compromettre l'avenir sur le plan de la recherche. Plus tôt, M. Rudnicki ou M. Worton a dit qu'on serait peut-être mieux avec un moratoire. Un moratoire peut être volontaire. Diane Marleau en a imposé un sur neuf interdictions. Comment cela peut-il s'aménager sur le plan législatif? C'est cela que nous devons prendre en considération.
M. Yves Savoie: C'est une autorité qui pourrait être laissée au conseil qui est déjà prévu dans l'avant-projet de loi et qui sera chargé de la réglementation et du contrôle. Cela pourrait être délégué à ce conseil par la loi, ou la loi pourrait prévoir un moratoire d'une certaine durée. Les deux solutions sont, à mes yeux, tout à fait souhaitables.
M. Réal Ménard: Ai-je le temps de poser une dernière petite question, à moins que vous ne souhaitiez intervenir là-dessus?
[Traduction]
M. Ronald Worton: Si j'ai bien compris votre question, il s'agirait de voir comment réagir plus tard à propos de ce qui est actuellement interdit, ou illégal. Quant à moi, j'estime que l'on pourrait réglementer toutes ces activités interdites, imposer un moratoire en l'occurrence, mais permettre périodiquement d'envisager qu'elles soient autorisées avec le temps, advenant que la recherche et les attitudes du public évoluent. Prenez par exemple la liste des 11 activités interdites actuellement et demandez-vous si quelques-unes d'entre elles—deux ou trois peut-être—pourraient être autorisées un jour ou l'autre à l'avenir si la recherche et l'attitude du public changent.
[Français]
M. Réal Ménard: Vous savez que le texte législatif prévoit déjà une révision quinquennale. L'avant-dernier article prévoit une révision cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi. Cela existe déjà. Mais je trouve intéressante l'idée qu'il puisse y avoir un moratoire. Il faudra voir avec les fonctionnaires si cela peut s'écrire. Il ne faut pas compromettre l'avenir sur le plan de la recherche tout en respectant nos préoccupations éthiques.
Voici ma dernière question. Michael, vous avez dit que le Canada était en retard et que certaines activités n'étaient pas menées au Canada. Qu'aviez-vous à l'esprit quand vous avez fait cette affirmation?
[Traduction]
M. Michael Rudnicki: Je voulais dire qu'il n'y a pas de lignées cellulaires embryonnaires créées au Canada.
La présidente: Excusez-moi. Pouvez-vous répéter cela?
M. Michael Rudnicki: Je parle de cellules souches embryonnaires. Il n'y a eu aucune dérivation de ces cellules humaines au Canada, que je sache.
La présidente: Merci.
M. Michael Rudnicki: C'est en Suède, en Chine et en Inde, qu'il existe des centres qui ont fait la dérivation de cellules souches embryonnaires humaines.
• 1225
Le climat actuel a donné lieu à une atmosphère frigide, et
étant donné le moratoire des IRSC sur ces activités, et en
l'absence d'une approbation grâce aux mécanismes qu'offrent le
conseil d'éthique humaine, ce travail n'a pas été fait. Nous sommes
donc trois ans, presque quatre ans, en retard par rapport au reste
du monde. Et cela n'a vraiment pas lieu d'être.
Permettez-moi d'ajouter quelque chose sur un sujet connexe. Nous imposons une norme morale différente et plus sévère dans le cas de la dérivation des cellules souches embryonnaires que nous ne le faisons actuellement dans les cliniques de fécondation in vitro qui transfèrent un embryon humain. Je crains que notre prudence extrême ne nous ait amenés à utiliser un instrument massif pour réglementer à outrance peut-être. L'insémination artificielle et la fécondation sont pratiquées dans des cliniques à cet effet depuis 20 ans. Quand la fécondation in vitro a été rendue possible il y a 20 ans, la Grande-Bretagne a envisagé de l'interdire. Maintenant, c'est pratique courante. Les gens donnent leur sperme et leurs ovules, et il y a procréation avec implantation dans l'utérus. C'est une chose courante dans les cliniques spécialisées dans le traitement de la stérilité.
[Français]
M. Réal Ménard: Si je vais dans une...
[Traduction]
La présidente: Monsieur Ménard, vous avez disposé de presque huit minutes.
M. Réal Ménard: Une dernière question, madame la présidente.
La présidente: Non. Vous avez pris trois minutes de plus que les autres.
Je donne la parole à Mme Scherrer.
M. Réal Ménard: La vie est très dure.
[Français]
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Mais non, monsieur Ménard, je vais dans le même sens que vous, alors on va peut-être avoir la réponse.
Merci, madame la présidente.
Monsieur Worton,
[Traduction]
Il me faut vous dire que votre exposé est très clair
[Français]
et vous redorez l'image que j'avais des scientifiques, qui nous font souvent des présentations qu'on ne comprend pas toujours ou qui sont très compliquées. C'était clair, c'était précis. Ça m'apprend beaucoup.
Je continue un petit peu sur le même sujet qui été abordé tout à l'heure. J'ai entendu M. Michael Rudnicki dire que si cet avant-projet de loi allait de l'avant, ça permettrait de continuer les travaux ou de faire des travaux. J'étais un peu sous l'impression qu'actuellement tout était permis et que cet avant-projet de loi venait plutôt contraindre certains travaux que vous faisiez déjà.
Je voudrais qu'on m'explique un peu quelles sont actuellement les contraintes, à part celles qu'on a déjà abordées, qui vous empêchent d'aller de l'avant dans vos travaux. Est-ce qu'il y a des contraintes actuellement? Est-ce qu'il y a un projet de loi qui vous empêche d'agir ou qui régit des activités que vous feriez peut-être et que vous ne pouvez pas faire?
[Traduction]
M. Ronald Worton: Si je peux interpréter ce qu'a dit M. Rudnicki...
[Français]
Mme Hélène Scherrer: Oui. Oui.
[Traduction]
M. Michael Rudnicki: Je vais ensuite corriger ce qu'il a dit.
M. Ronald Worton: ...ensuite il va corriger ce que j'aurai dit, comme d'habitude.
Aucune loi, aucune ligne directrice ne nous ont empêchés de dériver des lignées de cellules souches embryonnaires au Canada. En l'absence d'une politique, en l'absence d'une loi, et en l'absence de lignes directrices, on hésite à s'y adonner de crainte d'être taxé de défection ou d'être considéré hors-la-loi. Mon propre laboratoire est tout à fait disposé à travailler avec des cellules souches embryonnaires humaines, mais faute de politique ou de lignes directrices, nous hésitons à le faire.
Puisque nous avons désormais les lignes directrices énoncées par les IRSC, je pense que nous pourrions invoquer que ces lignes directrices vont sans doute devenir fermes et que les dispositions législatives déposées vont probablement être adoptées dans une version semblable à celle que nous avons sous les yeux. Maintenant, nous serons prêts à entreprendre des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, puisque nous serons rassurés, sachant que nous ne dérogeons pas à ce qui pourrait être considéré comme les limites éthiques normales acceptées au Canada.
M. Michael Rudnicki: Je pense qu'il est important aussi de souligner que travailler et dériver des cellules souches embryonnaires ou ne pas le faire n'est pas tout simplement laissé au choix du chercheur individuel. Pour entreprendre n'importe quel travail avec des tissus humains ou des sujets humains, il faut l'approbation d'un comité local d'éthique de la recherche. Par expérience, nous savons que nous n'obtiendrions pas l'approbation de ces comités en l'absence d'un cadre de travail. Récemment, nous devions nous soumettre au moratoire imposé par les IRSC sur ces activités.
[Français]
Mme Hélène Scherrer: Alors, il y a un problème d'éthique, mais il y a également un problème de financement aussi, non?
Vous êtes un institut de recherche reconnu. Est-ce que ça se fait ailleurs dans des instituts où la recherche peut se faire de façon moins «catholique»? Vous êtes peut-être surveillés de plus près parce que votre institut est reconnu, avec des scientifiques qui sont rattachés à une université? Est-ce que, par exemple, ces recherches-là se font ailleurs au Canada, de façon moins reconnue, peut-être? Est-ce qu'il est vraiment nécessaire d'avoir une réglementation parce que ça se fait ailleurs aussi?
M. Michael Rudnicki: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question.
M. Ronald Worton: Moi non plus, mais Michael avait tout à fait raison. De notre point de vue, travailler avec des lignées de cellules souches embryonnaires, puisqu'il s'agit de tissus humains, exige l'approbation d'un comité local d'éthique de la recherche. Ces comités, et le nôtre à notre hôpital, hésitent à approuver certaines activités en l'absence de lignes directrices. S'ils n'agissaient pas ainsi, elles courraient des risques, de sorte que ces lignes directrices se révèlent très utiles pour nous. Je sais que les comités d'éthique en matière de recherche un peu partout au pays commencent à parler des cellules souches, commencent à communiquer, à lire ces lignes directrices, et sont suffisamment rassuré pour dire qu'effectivement nous pouvons commencer à entreprendre ce genre de recherche alors qu'auparavant nous ne pouvions pas.
Dans le secteur commercial, dans l'industrie, on n'a pas besoin de se soumettre aux lignes directrices des IRSC. On peut faire ce que l'on veut. L'aspect positif de la législation est que, je présume, elle s'appliquera à tout le monde, qu'il s'agisse d'une société ou d'un chercheur financé par les IRSC. C'est ce qui me plaît dans cette législation, car je pense que la situation aux États-Unis est un peu ridicule, constatant que le président Bush affirme qu'on ne peut travailler qu'à partir de 60 lignées cellulaires si l'on est financé par les instituts nationaux de santé ou tout autre organisme gouvernemental. Entre-temps, si c'est l'Institut Howard Hughes pour la recherche médicale qui vous finance, vous pouvez, puisqu'il est indépendant, créer des lignées cellulaires comme bon vous semble et les vendre à ceux qui travaillent aux instituts nationaux. Je trouve que la situation aux États-Unis est un peu indéfendable. Je préfère la façon dont nous procédons.
M. Michael Rudnicki: Concernant les fonds de recherche, si j'ai bien compris votre question, les IRSC ne débloqueront pas de fonds tant qu'on n'aura pas présenté la preuve que le travail répond à des considérations éthiques. Il faut un certificat.
La présidente: Merci, madame Scherrer.
C'est maintenant au tour de M. Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, AC): Merci. Je vous remercie de vos exposés.
Je voudrais revenir sur ce dont on parlait il y a un instant concernant les lignées de cellules souches embryonnaires ou la recherche effectuée au Canada. Vous semblez dire qu'il n'y en a pas. Parlez-vous ici du financement fédéral ou du financement privé ou...?
M. Michael Rudnicki: Je ne connais personne qui ait dérivé des cellules souches embryonnaires humaines, dans le secteur privé ou dans le secteur public au Canada. Que je sache, personne ne l'a fait.
M. Rob Merrifield: Vous parlez ici de la recherche embryonnaire humaine?
M. Michael Rudnicki: Exactement.
M. Ronald Worton: Depuis 15 ans, on a beaucoup travaillé sur les cellules souches embryonnaires des souris.
M. Rob Merrifield: Je vois.
Je suis un peu troublé de constater que l'aspect moral vous rend nerveux, mais que si une loi est adoptée et qu'aucun aspect éthique... Je comprends très bien les arguments du groupe représentant ceux qui sont atteints de la maladie de Parkinson ou de dystrophie musculaire. Quand on est atteint de ces infections, on cherche une solution. Je vous comprends.
Ma question porte sur le rêve de trouver une guérison grâce aux cellules souches embryonnaires. Est-ce tout simplement un rêve et s'agit-il d'une chimère? Combien coûteront nos efforts pour l'atteindre?
Je m'adresse à tous les membres du groupe de témoins et je voudrais vous dire que je suis un peu déçu de votre exposé car vous n'avez fait ressortir que les éléments positifs et les promesses que comporte la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Vous ne nous avez jamais parlé des aspects négatifs, ni des difficultés que comporterait une extension à outrance de l'utilisation des cellules souches, ni des problèmes de rejet potentiel propre aux cellules souches embryonnaires plutôt qu'aux cellules adultes.
Pouvez-vous nous donner la fin de l'histoire.
La présidente: Monsieur Worton.
M. Ronald Worton: D'emblée, je vous dirai que j'appuie la législation en général à tous les égards mais que j'ai quelques réserves concernant le fait que l'on veut interdire en permanence certaines activités et les rendre illégales par conséquent. Je conviens assurément qu'il faut des mesures législatives, une réglementation, et un organisme de réglementation pour surveiller la situation. Les détails quant aux interrelations entre les comités locaux d'éthique de la recherche et ces mesures de réglementation pourront être réglés plus tard mais je conviens certainement que ce genre de réglementation est nécessaire.
• 1235
Par exemple, je suis absolument contre le clonage de
personnes. Je pense que c'est dangereux. Je pense que nous ne
sommes absolument pas prêts à faire cela. Personnellement, j'espère
que ce ne sera jamais possible. Je m'opposerai toujours
vigoureusement à cela, et c'est pourquoi je suis ravi de voir que
cela figure dans la liste des 11 activités interdites.
J'ai beaucoup réfléchi à certains des problèmes d'éthique et j'ai également travaillé sur le sujet. Lorsqu'il s'agit d'utiliser des cellules souches prélevées sur un embryon de cinq jours, c'est une question de point de vue. On peut par exemple dire qu'effectivement, n'importe quel embryon de cinq jours est viable, et c'est exact. Mais il y a un autre point de vue également. Ainsi, dans le cas du clonage thérapeutique, si nous voulons prélever des cellules dans la moelle osseuse de Claredon et utiliser des cellules souches adultes pour réparer son muscle, j'espère que cela pourrait marcher. C'est là notre objectif à long terme: arriver à pouvoir réparer son muscle en utilisant les cellules souches de sa propre moelle.
Mais si cela ne fonctionne pas trop bien et s'il apparaît, cinq ans plus tard, que la seule façon de procéder efficacement et adéquatement serait d'utiliser des cellules d'embryon, peut-être voudrons-nous créer ce que certains appelleraient un embryon, afin d'obtenir les cellules nécessaires pour le guérir.
L'autre façon de voir les choses serait, mettons, de prélever un groupe de cellules sur le corps de Claredon. Nous prélevons un noyau et nous introduisons ce noyau dans un oeuf énucléé. Dans cet environnement, ce noyau sera reprogrammé afin de pouvoir créer des cellules souches. Ce sont ces cellules que nous utiliserons alors. En fait, c'est cela qu'on ferait. On prélèverait le noyau d'une de ces cellules, on introduirait ce noyau dans un oeuf en développement créé expressément pour cela, on lui permettrait de se développer pendant cinq jours, après quoi on prélèverait les cellules souches.
Tout dépend du point de vue qu'on adopte, c'est-à-dire soit qu'on considère cela comme une façon de créer une cellule souche à partir d'un embryon, soit qu'on le considère comme la destruction d'un embryon.
La présidente: Une dernière question, monsieur Merrifield, vos cinq minutes sont déjà écoulées.
M. Rob Merrifield: Oui, mais nous n'avons obtenu qu'une seule réponse.
Ce qui me dérange, c'est que nous disons fort bien, ouvrons les portes et laissons-nous emporter par notre enthousiasme pour la recherche embryonnique, alors qu'en même temps vous nous dites que c'est la cellule souche adulte qui, somme toute, présente le plus de potentiel. Je suis tout à fait d'accord avec cela. Ce qui me dérange un peu, c'est que si nous ouvrons la voie à la recherche embryonnique, nous perdrons les ressources et des fonds pour la recherche en matière de cellules souches adultes, une recherche qui, à mon sens, est probablement plus porteuse et présente à coup sûr moins de problèmes d'éthique.
M. Ronald Worton: J'en conviens parfaitement, nous ne voulons pas que la loi aille trop loin au risque de déplaire aux Canadiens. J'en conviens fort bien, il ne faut pas pour l'instant utiliser ou créer des embryons pour la recherche. Il ne faut pas créer des embryons pour produire des cellules souches. Il ne faut pas faire de clonage thérapeutique. Par contre, il est difficile de prévoir quel sera le raisonnement de la population d'ici 10 ans, compte tenu des progrès de la recherche.
M. Rob Merrifield: C'est vrai, mais vous soutenez qu'il ne faut pas l'interdire à long terme car nous voudrons peut-être faire de la recherche dans ce domaine. Par contre, l'autre argument est qu'il faut y aller lentement de peur de commettre des erreurs. Mais cela, je ne l'entends pas dans votre argumentation.
M. Ronald Worton: Je pourrais très facilement me rallier à la proposition de loi sous sa forme actuelle, même avec les interdictions qu'elle contient, tant qu'elle reste assortie d'un mécanisme de révision pouvant être enclenché à un moment donné. Ce que certains personnes me disent—et c'est surtout Preston Manning qui a appelé mon attention là-dessus lorsqu'il est venu nous rendre visite pour essayer de mieux comprendre ce qu'étaient les cellules souches—c'est que s'il faut modifier la loi pour pouvoir faire quelque chose qui, à un moment donné, semblera approprié, peut-être faudra-t-il 15 ou 20 ans pour y arriver, alors qu'un organisme de réglementation pourrait prendre la même décision en l'espace de quelques mois.
M. Rob Merrifield: J'ai vu les lois être adoptées ici au Parlement en l'espace de 72 heures.
M. Ronald Worton: Je peux me tromper.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Nous allons maintenant entendre M. Charbonneau.
[Français]
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Merci, madame la présidente.
Ma question va compléter le débat qui vient de s'ouvrir; elle porte sur l'alinéa 3(1)b) du texte législatif. Cet alinéa dit que:
-
Nul ne peut [...] modifier le génome d'une cellule
d'un être humain
ou d'un embryon in vitro de manière à rendre la
modification transmissible aux descendants de celui-ci;
• 1240
Nous savons qu'il y a des maladies transmissibles
aux descendants et que d'autres ne le sont pas. Je ne sais
pas exactement si la maladie de Parkinson ou la
dystrophie musculaire sont transmissibles aux
descendants, mais même si ce n'était pas le
cas, je sais qu'il y a certaines maladies qui sont
transmissibles: des maladies cardiaques, des maladies
du cerveau ou d'autres maladies.
Si on peut, par une modification du génome, empêcher la transmission d'une telle maladie aux descendants, est-ce que ça ne serait pas une bonne chose à envisager, alors que l'avant-projet de loi l'interdit? Quel est votre sentiment à cet effet? Quelle est, d'après vous, le fondement d'une interdiction telle que celle qui apparaît à l'alinéa 3(1)b), en vertu duquel on ne peut pas faire de modifications transmissibles? Ce que l'on veut dire, c'est que bonnes ou mauvaises, pour le mieux ou pour le pire, on ne peut pas faire de telles modifications. Il me semble que si c'est pour le mieux, on pourrait examiner l'affaire. Je voudrais entendre votre point de vue là-dessus.
M. Yves Savoie: Je vais vous donner un point de vue général sur la question, et peut-être que le docteur Worton pourra en discuter plus précisément.
Ça revient au thème central de notre présentation, qui est de dire que pour changer les activités prohibées et pour s'adapter à la réalité de l'éclairage que nous apportera la recherche, ça va prendre longtemps dans un processus parlementaire, alors que le faire par la voie d'un conseil chargé du contrôle et de la réglementation des activités avec, peut-être, des moratoires prévus dans la loi, la chose sera plus facile.
Pour la question technique, je passerai plutôt la parole au docteur Worton.
[Traduction]
M. Ronald Worton: Je pense que le paragraphe en question lorsque vous parlez de modifier le génome est excellent, et il mérite d'être conservé. Je pense qu'il a pour but d'empêcher qu'on joue avec le génome humain afin de créer des altérations génétiques, des mutations si vous préférez, qui pourraient se révéler nuisibles. Je ne vois aucune raison qui nous y obligerait.
Il est vrai que pratiquement toutes les formes de dystrophies musculaires ont une origine génétique. C'est une maladie qui se transmet d'une génération à l'autre. Mais il ne faut pas, pour empêcher cela, essayer de modifier le génome humain. Il y a d'autres moyens d'y arriver, et nous préférons soigner la maladie que jouer avec le génome lui-même.
Je pense donc que c'est un bon élément de la loi et je n'y toucherai pas.
[Français]
M. Claredon Robicheau: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. On parlait de mon frère au commencement de notre discussion personnelle et de celle avec l'Association canadienne de la dystrophie musculaire. Il y a une grosse différence quand je parle à mon frère de changer le génome pour des traitements à mon intention et quand on discute de jouer avec des génomes et l'ADN pour prévenir que ses enfants aient la maladie. Ça, c'est jouer avec l'humanité et le développement de l'humanité. Il y en a un qui est le traitement, et l'autre, c'est autre chose.
[Traduction]
La présidente: Excusez-moi.
Monsieur Leroux, les règles de procédure ne me permettent pas de donner la parole à un membre du groupe à moins qu'un député ne lui pose une question, ou que vous n'interveniez pour un commentaire.
Mme Thérèse Leroux: Je voulais simplement vous rappeler
[Français]
M. Charbonneau, je peux vous suggérer d'aller lire l'éthique de la recherche avec des êtres humains dans l'Énoncé de politique des trois Conseils. Au chapitre 8, on aborde les modifications génétiques. Vous allez voir que derrière tout le discours, je pense qu'il faut être franc et reconnaître que l'eugénique est une chose qui nous hante. L'idée d'imaginer qu'on peut changer, grâce à la thérapie génique, le potentiel génétique des individus à des fins qui ne sont pas heureuses, comme améliorer l'état de santé de quelqu'un et de ses descendants, fait en sorte qu'on a établi, entre autres dans cet énoncé de politique, que les modifications génétiques de cet ordre-là n'étaient pas acceptables. Je pense que c'est ce qu'il y a derrière la prise de position.
Si on retourne dans les documents comme ceux élaborés par la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction, on va voir aussi cet interdit. Donc, je pense que c'est comme une suite logique. Peut-être qu'on pourra revenir là-dessus ultérieurement, parce qu'on nous a dit que la loi pouvait faire l'objet d'une révision à tous les cinq ans, et peut-être qu'on aura changé notre position. Mais je crois, compte tenu de l'état actuel de nos connaissances et compte tenu qu'on ne connaît pas à moyen et à long terme les répercussions d'une thérapie génique sur les cellules germinales, qu'on n'est pas favorables à une telle chose.
La présidente: Je vous remercie.
Excusez-moi, vous ai-je interrompu, monsieur Rudnicki?
M. Michael Rudnicki: Ce n'est rien.
La présidente: Nous allons maintenant passer à M. Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, AC): Madame la présidente, je voudrais pour commencer remercier tous les témoins qui ont utilement contribué à notre entendement de cette question intéressante et difficile à la fois qui nous occupe.
Je voudrais également remercier M. Worton et M. Rudnicki. J'ai eu le privilège de visiter leur établissement de recherche en compagnie de Preston Manning et d'autres membres de notre caucus cette année. J'ai été extrêmement impressionné par l'établissement lui-même et par la qualité des travaux de recherche qui y sont en cours, par le matériel très complet et par le niveau des recherches que l'on y effectue déjà. En fait, j'aurais toujours le souvenir de ces cellules souches qui se développaient sous mes yeux au microscope dans une boîte de Pétri, des cellules musculaires que je pouvais voir palpiter.
Je voudrais toutefois ajouter mon écho à cette discussion sur les cellules souches qu'on laisse se développer, et sur les 60 lignées aux États-Unis. Lorsque nous regardons autour de nous ici, nous devons bien penser que chacun de nous contient entre 80 et 100 billions de cellules, et que nous avons tous des cellules souches. Ne serait-il pas possible, en approfondissant un peu les recherches, de cultiver des cellules souches adultes de la même façon, in vitro, et de développer à l'infini de nouvelles lignées de cette manière?
La présidente: Monsieur Rudnicki.
M. Michael Rudnicki: C'est effectivement du domaine du possible, mais jusqu'à présent, personne n'a encore pu cultiver ces cellules dans des cultures tissulaires, et nous avons déjà pourtant une longue expérience des cellules souches de moelle. Ces cellules, nous pouvons les cultiver dans des cultures complexes mais pendant un temps assez limité, quelques semaines, voire quelques mois si nous insistons vraiment, mais ces cellules ne peuvent pas être cultivées au sens strict du terme, nous ne pouvons pas les multiplier dans une boîte de Pétri. Par contre, il est possible de le faire avec des cellules souches embryonnaires. Il est possible de cultiver des cellules souches embryonnaires en incubateur, dans des boîtes de Pétri, de le faire en grande quantité dans des cultures tissulaires relativement simples qui produisent des populations relativement pures.
Ce qu'on peut également faire à partir des cellules souches embryonnaires, c'est les différencier dans les cultures tissulaires et dériver des cellules souches adultes des cellules souches embryonnaires afin de reconstituer la moelle, de réparer un muscle ou de produire des neurones pour un patient atteint de la maladie de Parkinson, et faire cela à partir de cellules souches, à partir d'une cellule souche adulte dérivée d'une cellule souche embryonnaire.
Nous ne pouvons donc pas vraiment prédire quelle sera la meilleure façon de procéder et quelles sont les cellules qui seront les plus utiles en milieu clinique. Tout cela doit continuer à faire l'objet de travaux de recherche fondamentale afin que nous puissions arriver à comprendre comment ces cellules fonctionnent et ce qui les fait vivre.
M. James Lunney: Certes. Bien entendu, si les cellules souches adultes étaient prélevées sur le patient lui-même, celui qui souffre de la maladie de Parkinson, il ne faudrait à ce moment-là pas les cultiver pendant très longtemps, et vous pourriez les réintroduire rapidement chez le patient sans devoir les cultiver pendant une période indéterminée.
M. Michael Rudnicki: Mais le problème, c'est d'en produire en nombre suffisant.
M. Ronald Worton: Je pense que ce que vous dites, c'est effectivement ce que nous aimerions faire, et je pense l'avoir dit dans mon exposé. Nous serions ravis de pouvoir utiliser exclusivement les cellules souches adultes pour traiter un grand nombre de ces maladies. Cela nous éviterait d'avoir à travailler avec des cellules souches embryonnaires à des fins thérapeutiques.
Mais à mon avis, le problème pour arriver à ce stade, c'est que nous devons pouvoir étudier les cellules souches embryonnaires et les cellules souches adultes, les comparer et essayer de déterminer quelles sont les différences. Par exemple, quels sont les gènes qui s'enclenchent dans une cellule souche embryonnaire, mais qui ne s'enclenchent pas dans une cellule souche adulte?
Si nous savions cela, si nous savions quels sont les gènes qui donnent à une cellule souche embryonnaire ses merveilleuses propriétés, à ce moment-là nous pourrions enclencher ces gènes dans une cellule souche adulte ou les introduire dans la cellule souche adulte par le biais d'un virus, par exemple, et donc transformer ces cellules souches adultes en cellules souches semblables à des cellules souches embryonnaires afin que la magie opère.
C'est précisément cela que nous aimerions pouvoir faire. Mais nous parlons ici d'une période de recherche pouvant aller de cinq à vingt ans et pendant laquelle la seule façon à mon avis de pouvoir arriver à ce résultat et permettre une utilisation maximale des cellules souches adultes est d'arriver à comprendre parfaitement les différences entre les deux et à les exploiter.
M. James Lunney: J'aurais quelque chose à dire au sujet de la maladie de Parkinson, après quoi je voudrais vous poser une question sur la chimère dont vous nous avez parlé un peu plus tôt. Pour ce qui est de la maladie de Parkinson, quelqu'un a-t-il jamais essayé les cellules souches adultes...? Pour commencer, nous savons que toutes les tentatives qui ont été faites pour introduire des cellules souches embryonnaires dans l'organisme de patients atteints de la maladie de Parkinson ont entraîné des conséquences désastreuses. Certaines ont entraîné des tremblements incontrôlables bien pires que ceux qui sont provoqués par la maladie elle-même. D'ailleurs, un chercheur m'a dit, si je me souviens bien, qu'en raison du caractère immunitaire spécifique du cerveau, en raison de la barrière hémato-encéphalique, si on n'éliminait pas les cellules immunitaires, les cellules embryonnaires proliféreraient à un point tel qu'elles finiraient par tuer le malade.
• 1250
Y a-t-il quelqu'un qui aurait déjà essayé d'utiliser les
cellules souches adultes pour soigner un Parkinsonien?
Mme Mary Jardine: La question est excellente, mais je ne saurais y répondre. Je sais que certaines transplantations de cellules foetales ont présenté de grosses difficultés et posé de véritables problèmes, mais en ce qui concerne les cellules souches embryonnaires...
Monsieur Worton, vous avez peut-être une idée sur la question. Personnellement, je ne saurais en toute sincérité répondre à cette question, mais je pourrais toujours me renseigner.
La présidente: Monsieur Worton ou monsieur Rudnicki?
M. Michael Rudnicki: Vous avez demandé si on avait essayé d'utiliser des cellules souches adultes pour soigner la maladie de Parkinson, c'est bien cela?
M. James Lunney: En effet.
M. Michael Rudnicki: Jusqu'à présent, les travaux les plus concluants ont été effectués sur des souris. On a fait des transplantations de moelle. Quand on effectue une transplantation de moelle sur une souris, on constate que les cellules implantées font leur chemin dans le cerveau de ces petits patients. On peut raisonnablement prévoir qu'il en sera de même chez les humains, mais nous en sommes encore au stade des recherches. Nous commençons seulement à étudier ce qui se passe chez les humains pour déterminer si, en rétrospective, un patient qui a reçu une transplantation de moelle n'a pas des cellules données dans le cerveau.
M. James Lunney: Cela me semble tout à fait enthousiasmant.
Ma dernière question fait suite à ce que vous avez dit, je crois, monsieur Worton, au sujet de l'utilisation de cellules hybrides somatiques. Nous avons posé la question aux experts de Santé Canada pour arriver à mieux comprendre pourquoi quelqu'un voudrait ainsi mélanger des gènes d'animaux et d'humains, et j'ai constaté que vous aviez signalé que ces hybrides étaient utilisés pour examiner l'expression génétique. Pourriez-vous être un peu plus précis? Nous cherchons à nous renseigner à ce sujet.
M. Ronald Worton: Il y a deux éléments ici. Le premier, c'est le mélange de gènes humains et de gènes de souris pour la création d'un embryon. Cela, on n'en veut pas.
Par contre, ce qui se fait depuis 30 ans, c'est qu'on prend une cellule de souris en culture et une cellule humaine en culture et on les fusionne pour former une cellule hybride. De façon générale, la cellule hybride perd ses chromosomes humains mais le fait progressivement après un certain temps. Depuis 1970, on s'est servi de cela pour cartographier le génome humain étant donné qu'à mesure que ces cellules hybrides perdent leurs chromosomes humains en se développant, elles perdent leurs gènes humains et on peut alors faire la corrélation et voir quels chromosomes disparaissent et quels gènes disparaissent, et donc voir quels sont les gènes rattachés à tel ou tel chromosome.
Cela, on le fait depuis 30 ans, on l'a fait dans des centaines de laboratoires différents, on l'a fait dans le monde entier, et cela ne fait pas du tout controverse. Après tout, il s'agit ici simplement de souches cellulaires, ce ne sont pas des animaux, ce ne sont pas des humains. On ne les a jamais qualifiées de chimères étant donné qu'une chimère serait plutôt la création d'un organisme chimérique. Ce sont tout simplement des souches cellulaires.
Un autre exemple de gènes humains introduits dans des cellules de souris s'observe lorsqu'on étudie ce que nous appelons les souris transgéniques, et c'est essentiellement le fait d'introduire dans l'organisme d'une souris un gène étranger qui peut aussi être le gène d'une autre souris. Parfois il s'agit de gènes provenant d'autres organismes, des gènes humains par exemple. À ce moment-là, la question qu'on se pose généralement concerne le mode de régulation du gène humain et quelle est la fonction de ce gène. On ne peut pas introduire le gène dans l'organisme d'un autre être humain pour étudier ce qu'il va y faire, mais si vous l'introduisez dans une souris, à ce moment-là on peut déterminer quelle est sa fonction.
Cela se fait déjà. Cela se fait depuis environ une dizaine d'années, mais nous parlons ici de l'introduction d'un gène humain dans le génome de la souris. Cette souris est toujours, à toutes fins utiles, une souris normale, mais en l'étudiant, on en apprend beaucoup sur les fonctions que peut avoir un gène humain.
On utilise cela dans les essais réalisés en thérapie génétique, par exemple pour déterminer s'il est possible, en introduisant un gène humain normal dans une souris atteinte de dystrophie musculaire, de parvenir à éliminer la maladie. C'est une des façons de répondre à la question, et c'est inoffensif.
M. James Lunney: Je pense que ce contrat avec ce genre de petite bête, c'est que quelqu'un soit tenté d'aller un peu plus loin et de faire naître quelque chose qui serait en partie humain et en partie autre chose. Comment s'y prendre pour réglementer cela?
M. Ronald Worton: Avec les protocoles que nous avons préconisés. L'organisme de réglementation sera composé de gens intelligents représentant tous les milieux, et notamment des scientifiques, qui devraient facilement pouvoir faire la distinction entre ce qui est raisonnable et ce qui passe les bornes du bon sens.
La présidente: Merci, monsieur Lunney.
M. James Lunney: Merci, madame la présidente.
La présidente: Monsieur Castonguay.
[Français]
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente.
Merci à nos invités, qui nous aident énormément, mais qui nous compliquent parfois la vie. Évidemment, on entend beaucoup de témoignages. Le spectre est large et il s'élargit de jour en jour, car il y a des gens qui s'opposent complètement à toute recherche dans ce domaine. J'apprécie énormément vos présentations.
On sait que traditionnellement, tout le monde s'entendait pour dire que lorsqu'on prenait un ovule et qu'on lui faisait rencontrer un spermatozoïde, on créait un embryon.
Avec l'amélioration des technologies, on peut prendre un ovule, changer son noyau et obtenir des tissus qui, évidemment, sont du matériel génétique ayant énormément de potentiel. Est-ce qu'on a créé un embryon ou non? Ce sujet-là est très délicat lors de nos discussions avec les gens qui s'opposent complètement à ce qu'on touche aux embryons.
J'aimerais avoir votre opinion. S'agit-il vraiment d'un embryon ou si ce sont tout simplement des cellules qui ont énormément de potentiel? Doit-on considérer qu'on peut créer un individu avec ces cellules en les mettant dans un milieu propice, ou si ce sont tout simplement des cellules qui ont beaucoup de potentiel? J'aimerais avoir vos commentaires.
Est-ce que vous saisissez ma question?
Mme Thérèse Leroux: Je crois que oui. Je crois qu'il faudrait demander aux scientifiques quelle est la caractéristique d'un embryon qui fait qu'il n'est pas uniquement un amas de cellules qui a un grand potentiel pour la recherche. Est-ce que le simple fait d'unir l'ovule et le spermatozoïde, avec le potentiel de développer une personne nouvelle et distincte, nous dit que c'est un embryon? Si on prend le matériel génétique d'une cellule somatique de la peau et qu'on le met dans un ovule, là on modifie les règles du jeu. Est-ce qu'on peut encore qualifier cela d'embryon? Je ne sais pas si mes collègues scientifiques peuvent arriver à nous dire s'il y a vraiment une définition d'un embryon.
[Traduction]
M. Ronald Worton: Je pourrais peut-être demander à M. Rudnicki de répondre à cela.
M. Michael Rudnicki: Je pense que cela devient principalement une question de sémantique. Qu'est-ce qu'un embryon? Pour commencer, un embryon au stade du blastocyste, qui compte environ 64 cellules dont 12 environ sont des cellules souches embryonnaires, n'a aucune chance de produire une vie s'il n'est pas implanté dans l'utérus. Il a autant de chances d'arriver à maturité qu'un follicule de cheveu. Ce n'est pas un être humain. Il peut devenir un être vivant, mais n'importe quelle cellule de mon corps peut également devenir un être vivant à part entière par clonage si on parvient un jour à résoudre ce genre de problème.
À cause de sa source, cet embryon mérite d'être respecté et traité de façon contrôlée, mais déjà cette frontière morale a été franchie par notre société étant donné ce que nous faisons aujourd'hui et ce que nous faisons depuis 20 ans dans les cliniques où l'on fait de la fécondation in vitro. Il y a des donneurs de sperme et des donneuses d'ovules, ce qui permet de créer des embryons dans une boîte de Pétri. On choisit alors les embryons les plus prometteurs qui sont fécondés pour produire des blastocystes robustes dont deux sont implantés dans l'utérus de la future mère et, en moyenne, l'un d'entre eux va produire une vie. Les autres embryons sont alors soit congelés pour plus tard, soit détruits, soit encore utilisés à des fins de recherche pour améliorer la technique de fécondation in vitro. Cette frontière donc, nous l'avons déjà franchie.
Est-ce qu'un blastocyste, ou même un zygote fécondé, est un embryon? Tout à fait. Est-ce que cela représente une personne potentielle? Seulement suite à l'implantation dans l'utérus. Sans cela, je suis d'avis qu'il s'agit d'un amas de cellules—un amas de cellules spéciales qu'il faut traiter avec le respect qui leur est dû et selon un cadre de réglementation régissant les activités de recherche—mais ce n'est pas la même chose qu'un foetus de 24 semaines. Ça, c'est mon point de vue.
[Français]
M. Jeannot Castonguay: Merci. Je comprends très bien.
On peut parler de sémantique, et c'est peut-être là qu'est la difficulté quand on parle aux gens de la rue et qu'ils nous disent de ne pas toucher aux embryons. Pour eux, un embryon est un ovule qui a été fécondé par un spermatozoïde. Mais quand le noyau d'une cellule somatique est introduit dans un ovule, est-ce que c'est un embryon? C'est peut-être de la sémantique, mais il est important que nous sachions ce que c'est.
• 1300
On connaît tout le potentiel que cela a, mais il reste
qu'au départ, ce n'est pas le même exercice qu'on a fait.
[Traduction]
La présidente: Vous voulez que quelqu'un réponde, monsieur Castonguay?
M. Jeannot Castonguay: Oui. Du point de vue éthique, j'aimerais entendre ce que...
[Français]
Mme Thérèse Leroux: Au niveau éthique, ce qui pourrait probablement vous aider, c'est de voir si vous avez une approche où vous mettez l'accent sur la finalité de l'acte qui est posé. Est-ce que vous avez plutôt une approche utilitariste? Lorsqu'on enlève le noyau d'un ovule et qu'on transfère le noyau d'une cellule somatique en vue de faire de la recherche, on dit que la finalité permet de dire que dans ce cas-ci, on n'est nullement intéressé à créer un nouvel être humain, mais uniquement à avoir du matériel pour faire de la recherche et que, par conséquent, la finalité est limitée et bien précise.
Par contre, je suis convaincue que parmi les personnes que vous rencontrez sur le trottoir et qui vous posent des questions, certaines ont une approche qu'on dit déontologique. Pour elles, la fin ne justifie pas les moyens. Elles disent qu'à partir du moment où il y a un potentiel de vie, on ne peut pas utiliser le matériel. C'est un matériel qui a une caractéristique particulière à cause de ce potentiel. Parce qu'elles craignent la pente glissante et les dérapages, elles vous disent que parce qu'il s'agit d'un matériel qui a un trop grand potentiel, elles ne veulent pas qu'il serve à de telles fins.
Lorsqu'il s'agit de sujets comme celui-là, ce n'est jamais noir et blanc. En bon avocat, on peut toujours trouver des arguments pour ou contre, peu importe la position qu'on souhaite adopter.
Je suis désolée de ne pas pouvoir vous donner la réponse à votre question. Elle est très pertinente, mais je ne suis pas en mesure d'y répondre. Encore une fois, je vais probablement devoir demander à quelqu'un du milieu scientifique de vous dire rigoureusement ce qu'il en est. Sur le plan de l'éthique, je peux trouver des arguments pour appuyer le point de vue voulant que cela ait toujours des caractéristiques propres à l'embryon, aussi bien que le point de vue contraire, à savoir que, quand on utilise l'approche de la finalité, ce n'est plus dans la même classe que l'embryon.
M. Jeannot Castonguay: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Castonguay.
Vous avez une autre observation, monsieur Worton?
M. Ronald Worton: Madame la présidente, je n'ai rien à y ajouter. C'était un bon résumé, d'après moi. C'est gênant de le dire, mais je suis un peu en retard pour un rendez-vous avec le sous-ministre de la Santé et l'un des sénateurs pour parler d'une autre question, et je me demande si je pourrais me retirer. Je pense que vous avez assez d'experts ici.
La présidente: Oui. Merci beaucoup.
M. Ronald Worton: Merci beaucoup.
La présidente: Je voudrais tout simplement récapituler. Je veux que les gens ici présents, qui ont des convictions fermes, se rendent compte de la problématique dont nous sommes saisis. Je constate que vous et d'autres groupes avez fait preuve d'un immense esprit de collaboration avec le gouvernement.
Par exemple, vous avez dit qu'en l'absence d'une loi et de l'approbation d'un conseil hospitalier d'éthique, qui pourrait comporter un financement gouvernemental, les scientifiques hésitent à agir. Mais nous avons entendu des témoins dire que l'assistance à la procréation par le biais de mères porteuses s'est poursuivie et a rapporté de l'argent pendant les six ans que nous avons eu un moratoire. Il y a donc des gens qui font carrément fi du moratoire. Et à l'autre extrême, vous hésitez à agir puisque vous n'avez pas de lignes directrices fermes, de loi, ou quoi que ce soit.
J'estime, bien sûr, que le comportement scientifique est tout à fait conforme à l'éthique, à la différence du comportement à l'autre bout de l'éventail. Il faut trouver une loi régissant l'assistance à la procréation qui s'occupe des deux bouts de cet éventail.
En dernier lieu, j'ai constaté que Mme Leroux a dit que la position déontologique qu'analysera l'IRSC n'est pas encore prête. Or, j'ai constaté que les deux groupes qui sont venus discuter de leurs points de vue ont tous dit qu'ils s'appuyaient sur la position énoncée par l'IRSC ou qu'ils étaient favorables.
• 1305
Le fait est qu'il n'y a pas de position. Vous êtes la seule
éthicienne présente aujourd'hui, et votre exposé nous montre que
vous n'avez pas de position. Vous vous êtes contentée de parler de
la procédure, de la façon dont cela fonctionnera, et ensuite vous
avez soulevé des questions d'ordre éthique. Mais nous avons besoin
des réponses. Nous avons besoin d'une réponse quelconque.
Nous avons entendu des éthiciens qui ont osé affirmer que pour eux, telle chose posait problème, telle chose était bonne, et que telle autre chose n'était pas bonne. Mais je crois que vous avez une position particulière au sein de l'IRSC, quand tous ces groupes disent être d'accord avec les principes fondamentaux énoncés par l'IRSC.
Quand prévoyez-vous avoir une telle position? Je ne veux pas dire un énoncé de politique, mais plutôt la position déontologique acceptée à laquelle vous avez fait allusion dans votre discours? Quand pouvons-nous prévoir cela? Ou quand peuvent-ils plutôt prévoir cela? Parce qu'ils se disent d'accord avec quelque chose qui n'a pas encore été publiée.
Mme Thérèse Leroux: Si, c'est publié. Enfin, ils sont d'accord avec notre document de discussion, qui formule des recommandations et notre point de vue.
La présidente: Oui, concernant ce qui devrait être permis, mais il n'y a pas d'explication d'ordre éthique à tout cela. Je croyais que vous aviez dit que vous alliez publier un document portant uniquement sur les considérations déontologiques.
Mme Thérèse Leroux: Oui, ce sera le rapport final, qui découlera de ce document de discussion et des commentaires envoyés par des gens à notre site Web. Nous allons donc ajouter certains éléments, et certaines de nos recommandations seront peut-être modifiées.
La présidente: Quel en sera le résultat, à votre avis? Allez-vous y modifier quelque chose? Croyez-vous qu'il y aura des changements? Je vous demanderais de faire preuve d'un peu d'audace. Le rapport restera-t-il sensiblement inchangé, auquel cas les gens peuvent déjà dire qu'ils l'acceptent et l'appuient, ou va-t-il être différent dans trois semaines?
Mme Thérèse Leroux: Il sera sensiblement le même, mais nous allons peut-être ajouter de l'information pour guider les chercheurs et le conseil de révision déontologique. Ils trouveront donc des renseignements utiles dans le rapport, car les gens posaient des questions. Ils ont besoin de renseignements.
Dans ce document, par exemple, nous n'avons pas beaucoup étudié la question des tissus venant d'autres pays. Nous allons ajouter de l'information sur cela, puisque le conseil de révision déontologique devra évaluer des protocoles proposant le partage de souches cellulaires avec un membre d'une équipe ou un collègue qui travaille, disons, aux États-Unis. Nous allons tâcher d'aider le conseil en analysant ce type de protocole. S'il y avait des découvertes utilisant des cellules souches du cordon ombilical, il serait peut-être intéressant d'envisager qui donnerait le consentement. Dans ce cas-là, ce n'est pas nécessairement clair. Il faut donc couvrir cela.
Je crois, cependant, que les principes sont déjà là. C'est une sorte d'instrument qui guide le lecteur, car il montre notre façon d'envisager la recherche sur les êtres humains.
Nous y travaillons toujours. Il y aura un appel conférence au début d'octobre. Nous espérons avoir terminé notre travail pour le mois de novembre. Dès que nous aurons le rapport final, nous serons heureux de vous en envoyer un exemplaire ainsi qu'à tous les membres du comité.
La présidente: Merci beaucoup.
Merci, tout le monde. Je voulais tout simplement que vous compreniez tous le dilemme éthique dans lequel nous nous trouvons, étant donné le comportement de ceux qui travaillent dans le domaine de la reproduction assistée.
Merci beaucoup de nous avoir présenté vos idées sages et votre expérience. Nous avons trouvé cela très intéressant.
La séance est levée.