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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 octobre 2001

• 1103

[Traduction]

La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour. J'aimerais d'abord déclarer la séance ouverte. Nous accueillons aujourd'hui un groupe fort distingué de témoins. Je tiens à faire en sorte qu'ils aient suffisamment de temps pour faire leur exposé et que les membres du comité aient le temps de leur poser des questions.

Nous allons commencer par le porte-parole de l'Association médicale canadienne, le Dr Henry Haddad.

[Français]

Dr Henry Haddad (président, Association médicale canadienne): Good morning. Bonjour.

Madame la présidente et membres du comité, je m'appelle Henry Haddad. Je suis président de l'Association médicale canadienne et je pratique la gastroentérologie à l'Université de Sherbrooke. Pour ceux qui ne connaissent pas l'Estrie, c'est un des endroits les plus jolis du Canada. Je peux dire que nous, Estriens, sommes très près de la nature. En effet, je me considère comme un country doctor, donc pas du tout de la grande ville.

À titre de président de l'Association médicale canadienne, je représente ici aujourd'hui plus de 50 000 médecins de toutes les régions du Canada. Nos membres incluent des résidents, des étudiants en médecine, des omnipraticiens et des spécialistes.

Notre association a une double mission, celle de jouer le rôle de chef de file auprès des médecins et, ce que je considère peut-être encore plus important, celle de promouvoir les normes les plus élevées de santé et de soins de santé pour les Canadiens.

• 1105

Je suis accompagné aujourd'hui de membres de l'AMC: le Dr Bereza, médecin bioéthicien de l'Université McGill à Montréal et président de notre comité d'éthique, et John Williams, notre directeur de la santé internationale et de l'éthique.

Je remercie le comité d'offrir à notre regroupement d'organismes prestataires de soins de santé la possibilité de présenter des commentaires sur le projet de loi régissant l'assistance à la procréation.

Les organismes qui témoignent devant vous sont tous du même avis au sujet de la mesure législative proposée, tout comme le Collège canadien des généticiens médicaux, le Conseil canadien d'agrément des services de santé et le Conseil national d'éthique en recherche chez l'humain, dont les représentants sont ici aujourd'hui avec moi.

Notre coalition vise à assurer que la mesure législative proposée par le gouvernement pour régir l'assistance à la procréation protège et favorise comme il se doit: premièrement, la santé et la sécurité des Canadiens dans l'utilisation du matériel reproductif humain en vue de l'assistance à la procréation, d'autres interventions médicales et de la recherche médicale; deuxièmement, le traitement approprié du matériel reproductif humain en dehors du corps pour reconnaître sa capacité de créer une vie humaine; et, troisièmement, la dignité et les droits de toutes les personnes, en particulier des enfants et des femmes en ce qui a trait à l'utilisation et au traitement du matériel reproductif humain.

Dans le mémoire présenté par l'Association médicale canadienne, et en reconnaissant comme vous que la reproduction est une fonction, une activité de l'humain très spéciale, nous appuyons fermement les objectifs énoncés dans le préambule de la mesure législative proposée.

Comme d'autres témoins que vous avez entendus, nous ne croyons pas, toutefois, que la criminalisation des activités médicales et scientifiques mentionnées dans le projet de loi constitue une bonne façon d'atteindre les objectifs visés. Nous sommes d'avis que l'on pourrait tout aussi bien les atteindre par des moyens moins draconiens que la criminalisation et, de plus, que la criminalisation créerait des obstacles importants aux progrès médicaux et scientifiques légitimes dans le traitement de l'infertilité.

L'AMC ne s'oppose pas en principe à l'interdiction de certaines activités, même si nous n'avons pas encore pris position quant à savoir si certaines des activités énumérées à l'article 3 de l'avant-projet de loi devraient être interdites. Nous ne nous opposons pas tellement aux interdictions, quelles qu'elles soient, mais aux moyens de les appliquer.

Nous proposons que les activités pouvant être permises soient définies, temporairement ou à long terme, par un organisme de réglementation qui se fonderait sur des renseignements scientifiques à jour, sur la contribution du public et sur un examen d'éthique.

Une loi criminelle est très difficile à modifier et convient donc à des activités dont le statut risque peu de changer avec le temps, comme l'assassinat et le vol, plutôt qu'à des activités médicales et scientifiques en constante évolution.

Dans le cas de ces dernières, il est préférable de s'en remettre à un organisme de réglementation représentatif pour déterminer si et quand des changements de facteurs reliés à la santé et à la sécurité ainsi qu'à l'évolution des attitudes et des valeurs de la population pourraient justifier de permettre, dans des conditions précises, certaines activités auparavant prohibées.

Des sanctions criminelles pourraient s'appliquer lorsqu'on pose des actes réglementés sans l'autorisation de l'organisme de réglementation ou en contrevenant aux conditions de permis établis par les organismes.

Comme il n'y a pas grand-chose dans le projet de loi au sujet d'un régime de surveillance et de réglementation, nous recommandons qu'il ne soit présenté au Parlement que lorsqu'il comportera des dispositions précises au sujet de l'organisme de réglementation.

• 1110

L'organisme en question devrait intégrer et utiliser des organismes et des institutions existantes, le cas échéant. En deuxième lieu, il devrait reconnaître et respecter le rôle important que jouent en la matière ceux qui dispensent les services de santé, leurs associations et ordres professionnels, et s'en inspirer. Troisièmement, il devrait rendre compte à la population canadienne de façon suffisante et la faire participer, le cas échéant, à la prise de décision relative à des politiques et aux activités de surveillance de ces questions.

L'organisme devra être imputable et avoir les responsabilités nécessaires pour coordonner les activités d'organisations oeuvrant déjà dans le domaine de l'assistance à la procréation, dont beaucoup sont ici aujourd'hui, et pour s'acquitter de fonctions échappant à ces dernières.

Je vous remercie, madame la présidente et membres du comité. Nous serons heureux de répondre à vos questions portant sur notre mémoire.

[Traduction]

La présidente: Docteur Haddad, je vous remercie.

Nous allons maintenant entendre, du Collège des médecins de famille du Canada, le Dr Richard MacLachlan, président du Comité d'éthique.

Dr Richard MacLachlan (président, Comité d'éthique, Collège des médecins de famille du Canada): Bonjour.

Madame la présidente et mesdames et messieurs du comité, je suis chef du Département de médecine familiale à l'université Dalhousie. Voilà sept ans déjà que je préside le comité d'éthique du Collège des médecins de famille du Canada.

Je suis ravi d'avoir cette occasion de dialoguer avec vous aujourd'hui, pour le compte de mes collègues, du très important sujet qu'est l'assistance à la procréation. Vous devriez déjà avoir reçu un exemplaire du mémoire de mon organisme.

Je représente les médecins de famille du Canada. La plupart des Canadiens ont un médecin de famille. Nous sommes le premier point de contact avec le système de santé pour les personnes ayant des difficultés de procréation et, après ce premier contact, nous continuons de les voir pour les traiter. Je crois que nous savons ce que pensent et ce que souhaitent nos patients et vos électeurs sur le plan de l'assistance à la procréation.

J'aimerais aussi féliciter le gouvernement des objectifs énoncés dans le préambule du projet de loi. De toute évidence, le gouvernement a été attentif au débat qui se déroule depuis le projet de loi C-47 et il a intégré une grande partie des opinions exprimées dans les objectifs.

J'aimerais aussi féliciter le gouvernement d'avoir reconnu le besoin de se doter d'un régime complet de réglementation en mentionnant la participation des organismes professionnels existants. Voilà qui représente une nette progression par rapport au projet de loi C-47.

Le Collège des médecins de famille du Canada est préoccupé par trois grandes questions soulevées par le projet de loi à l'étude. Ainsi, le projet de loi est muet quant aux caractéristiques du régime complet de réglementation proposé et, plus particulièrement, à son rapport avec les activités courantes des organismes existants qui participent à la formation, à l'agrément, à l'autorisation d'exercer, à la recherche et à l'amélioration de la qualité des techniques de reproduction.

Le projet de loi à l'étude n'est pas clair quant au rapport qui existe entre le régime de réglementation proposé et le gouvernement. Aux nombreuses rencontres que nous avons eues avec des représentants de Santé Canada depuis la mort du projet de loi C-47, on semble unanime à dire au gouvernement qu'il faut que le régime de réglementation soit indépendant. C'était certes la position de notre coalition d'organismes de santé lors de notre rencontre avec Santé Canada en mars 2000.

Le Collège des médecins de famille n'a rien contre le fait d'interdire certaines pratiques. Par contre, les moyens choisis pour le faire, notamment le recours au Code criminel, le préoccupent plus. Nous estimons, comme d'autres qui témoignent devant vous aujourd'hui, que le Code criminel ne devrait servir que de dernier recours et alors, seulement lorsqu'il y a eu infraction délibérée aux normes professionnelles énoncées. Il ne faudrait pas que le Code criminel serve à interdire des pratiques particulières. À nouveau, je répète que c'était notre position lors de la rencontre avec Santé Canada en mars 2000.

Quand on dépose des mémoires et qu'on fait des exposés, il est facile de perdre de vue la raison pour laquelle ces questions complexes ont vraiment de l'importance. Le fait est qu'elles ont de l'importance en raison des personnes dont elles touchent la vie. Il est difficile de concevoir un projet de loi qui soit de nature plus personnelle aux patients et à leurs familles que celui que vous êtes en train d'étudier.

Nous sommes peut-être 60 aujourd'hui, dans la salle. La documentation et ma propre expérience comme médecin de famille pratiquant révèlent qu'au moins six d'entre nous ici présents ont des patients qui ont des difficultés de procréation.

• 1115

Quand on pense qu'il y a 20 000 médecins de famille au Canada et que chacun d'entre eux a peut-être 1 500 patients, dans une année, nous verrons peut-être 30 millions de Canadiens qui nous consultent pour des services de counselling, de promotion de la santé, de diagnostic, de traitement et de référence à des spécialistes. Si l'on applique la règle du un sur dix, qui semble être la norme en termes de risques d'infertilité, cela signifie qu'en tant que médecins de famille, nous verrons chaque année plus de 100 couples qui ont des problèmes quelconques de fertilité.

Ces couples ayant un problème apparent d'infertilité nous posent un défi très particulier. Ils viennent souvent à nous avec le sentiment d'avoir échoué, d'avoir fait quelque chose dans le passé qui explique la situation actuelle. Ils vivent beaucoup de troubles émotifs, il y a de la tension dans leur couple et ils manquent d'espoir. Notre rôle consiste à les écouter, à les orienter et à les appuyer dans leur cheminement à travers le labyrinthe des décisions qu'ils auront à prendre.

Ces personnes—nos patients, vos électeurs—ne se préoccupent pas de l'éventuel clonage d'espèces hybrides. Ce qu'ils souhaitent, c'est avoir des enfants biologiques et utiliser des services qui les appuieront dans cette démarche, des services qui sont convenablement réglementés et qui s'appuient sur des connaissances scientifiques.

C'est pourquoi il faut que le projet de loi rédigé pour régler des problèmes posés par les technologies de procréation réagisse aussi bien aux préoccupations des patients actuels qu'aux préoccupations posées par les progrès scientifiques de demain. Les deux priorités sont légitimes. Les deux priorités exigent nos soins et notre attention.

Le projet de loi semble graviter autour des percées scientifiques et rejeter les préoccupations actuelles. C'est loin de rendre service aux milliers de personnes qui sont actuellement ou deviendront bientôt des patients du système des technologies de procréation.

Il y a eu tant de nouvelles réalisations dans le domaine de l'assistance à la reproduction humaine, au cours des 20 dernières années. Cela s'est fait grâce à un partenariat des patients, des gouvernements, des fournisseurs de soins de santé, des associations médicales et professionnelles, des écoles de médecine et des instances donnant l'autorisation d'exercer. Il faut que ces mêmes partenaires participent à tout nouveau régime de réglementation.

Il importe que votre comité ne perde pas de vue le patient et l'unité familiale lorsqu'il s'attardera aux aspects tenant davantage de la science-fiction des pratiques que l'on envisage d'interdire. Voilà ce qui manque dans le projet de loi.

Il tarde au Collège des médecins de famille du Canada de continuer de participer activement à ce dossier, à mesure que le gouvernement peaufine son raisonnement au sujet de cette partie importante de la pratique clinique dans la vie de nos patients.

Madame la présidente, voilà qui met fin à mon exposé.

La présidente: Docteur MacLachlan, je vous remercie.

Nous allons maintenant entendre la porte-parole de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mme Janet Storch, qui est l'experte-conseil invitée en matière d'éthique.

Mme Janet Storch (experte-conseil invitée en matière d'éthique, Association des infirmières et infirmiers du Canada): Merci beaucoup.

L'Association des infirmières et infirmiers du Canada est le porte-parole national des infirmières du Canada. Elle représente 100 000 infirmières par l'entremise de 11 associations provinciales et territoriales et de 27 groupes infirmiers associés et affiliés.

Nous sommes heureuses de donner notre opinion au sujet des propositions relatives au projet de loi régissant l'assistance à la procréation et de comparaître devant vous comme membres d'un regroupement de prestataires de soins de santé.

Ce n'est pas la première fois que nous comparaissons devant le comité pour discuter de l'assistance à la procréation. Notre position n'a pas changé depuis que nous avons dit au comité, il y a presque cinq ans, au sujet du projet de loi C-47 que même si nous sommes heureuses de constater les progrès qu'accomplit le gouvernement en établissant un cadre législatif et réglementaire pour les techniques de reproduction, nous craignons que l'approche curative ne l'emporte sur des stratégies sanitaires axées sur la prévention.

Les infirmières qui oeuvrent dans les milieux de la recherche et des soins aux patients reliés à la procréation humaine font face à des problèmes d'éthique tous les jours. Notre façon d'aborder ces enjeux est éclairée par un code de déontologie qui met l'accent sur la maximisation du mieux-être, que ce soit dans des situations de santé normale, de maladie, de blessure ou d'agonie, sur le respect de l'autonomie des clients, sur la dignité et le respect de soi de tous les êtres humains, sur le respect de la vie privée, sur les principes de l'équité et de la justice, sur l'imputabilité du comportement professionnel, sur les milieux de pratique qui encouragent les soins sûrs, compétents et respectueux de l'éthique.

Nous vous avons distribué le texte intégral de notre code de déontologie sur lequel s'appuie notre travail et nous vous exhortons à le consulter au cours de vos délibérations.

Le projet de loi dont vous êtes saisi nous préoccupe, notamment la transparence de l'élaboration de règlements et le mariage de la pratique clinique et de la recherche. Chaque aspect mérite une attention soutenue.

L'examen de l'éthique de la recherche est un exercice complexe et critique. Il existe des lignes directrices sur toutes les recherches mettant en cause des participants humains qui imposent des pratiques uniformes et respectueuses de l'éthique en ce qui concerne les consentements, l'équilibre entre le risque et les avantages et ainsi de suite.

• 1120

Voici nos recommandations. L'Association recommande que le cadre d'assistance à la procréation reconnaisse le caractère distinct de la recherche et de la pratique clinique.

L'Association recommande en outre que l'on aborde les lignes directrices et les pratiques de recherche sur l'assistance à la procréation dans le contexte des lignes directrices et des processus actuels sur l'éthique en recherche au Canada.

Des collègues de notre regroupement ont abordé avec compétence beaucoup d'autres préoccupations. Je m'en tiendrai donc à cinq aspects où il faut établir un équilibre: la promotion du mieux-être et la guérison de la maladie; les effets psychologiques et physiques de l'assistance à la procréation; la fourniture de renseignements sur les risques et les avantages suffisants pour permettre de faire des choix vraiment éclairés; la protection de la confidentialité et l'établissement d'un équilibre entre l'application de lois et de règlements nouveaux et l'utilisation de normes de déontologie professionnelles déjà en vigueur.

Pour ce qui du mieux-être et de la maladie, l'Association recommande que le Comité permanent de la santé revoit les données probantes et cherche les moyens de maximiser les stratégies de prévention qui ont trait à la santé de la sexualité et de la reproduction.

Pour ce qui est des effets psychologiques, l'Association recommande que le Comité permanent de la santé revoit les stratégies qui visent à informer les personnes vulnérables des effets psychologiques de l'assistance à la procréation et à les appuyer.

En ce qui concerne le choix éclairé, l'Association recommande que la loi inclut une définition du «consentement» qui comporte le concept du choix éclairé.

Pour ce qui est de la confidentialité, nous préconisons que les enfants aient accès à de l'information sur l'état de santé des donneurs et des membres de leur famille.

À l'égard des structures et des processus, l'Association recommande que le comité frappe un juste équilibre entre la création d'un régime législatif et réglementaire et les codes d'exercice des professions et normes d'agrément qui existent déjà de façon à profiter de la flexibilité offerte par ces derniers.

Nous sommes d'avis qu'il est possible de comparer à une démarche curative le recours à des mesures législatives et réglementaires pour gérer la prestation de services d'assistance à la procréation: c'est utile en dernier recours.

La meilleure façon de garantir que la population est en bonne santé génésique consiste à recourir à la prévention, à promouvoir auprès de toute la population canadienne des habitudes saines, peu coûteuses et simples. La meilleure façon—et la plus souple—de faire en sorte que les intéressés reçoivent des traitements sûrs et efficaces d'assistance à la procréation, c'est au moyen des normes éthiques qui régissent le travail de tous les professionnels de la santé.

Dans votre optique, les lois et les règlements—et c'est ce dont le comité est saisi—peuvent sembler constituer la démarche logique. Cette démarche ne donnera toutefois pas les résultats escomptés.

Je vous remercie de m'avoir accordé du temps.

La présidente: Madame Storch, je vous remercie.

Nous allons maintenant entendre le porte-parole de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, le Dr André Lalonde, qui en est le premier vice-président.

Docteur Lalonde.

[Français]

Dr André Lalonde (premier vice-président, Société des obstétriciens et gynécologues du Canada): Merci, madame la présidente, membres du comité et collègues. Je suis le docteur André Lalonde, obstétricien et gynécologue, vice-président administratif de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. Je fais partie également de la représentation de la SOGC au sein du Groupe de travail sur les techniques de reproduction humaine et de génétique de Santé Canada.

Il me fait plaisir de m'adresser au Comité permanent de la santé au sujet de l'assistance à la procréation au nom de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. La société représente plus de 2 750 obstétriciens, obstétriciennes, gynécologues ainsi que des omnipraticiens, des chercheurs, des infirmières, des sages-femmes et autres prestataires de soins de santé oeuvrant dans le domaine des soins de santé et de la reproduction à l'intention des femmes.

La mission de notre société est de promouvoir la santé optimale des femmes par le leadership, la collaboration, l'éducation, la recherche et la défense des droits. La société appuie les valeurs et les doctrines qui mènent à l'amélioration des soins livrés aux patientes, y compris la facilitation du changement au niveau du système de santé.

La SOGC a soumis un document de synthèse portant sur l'avant-projet de loi, mais la présentation d'aujourd'hui s'en tiendra à trois domaines spécifiques, soit, premièrement, l'établissement d'un organisme de réglementation, deuxièmement, l'expertise de la SOGC en matière d'élaboration de normes de pratique et de directives de pratique clinique et, finalement, les questions de justice sociale.

• 1125

Au sujet de l'organisme de réglementation proposé. De nouvelles techniques de reproduction émergent et évoluent constamment. Les bienfaits, la déontologie et la sécurité de chaque technique devront être évalués sur une base continuelle.

La recherche et le financement sont requis pour étudier la santé à long terme des hommes et des femmes qui choisissent d'employer ces techniques et d'étudier aussi la progéniture qui en découle, sans compromettre la confidentialité et le droit à la vie privée.

L'établissement d'un organisme de réglementation s'avère donc essentiel pour surveiller et analyser l'évaluation de ces techniques, la collecte de données, la diffusion d'informations, et pour cerner les besoins de recherche futurs.

La SOGC félicite le gouvernement du Canada d'avoir proposé l'établissement d'un organisme de réglementation pour veiller à la mise en oeuvre de la législation proposée. Tel que le Groupe de travail sur les techniques de reproduction humaine et de génétique de Santé Canada l'a recommandé dans son récent rapport, la société sanctionne un modèle de gouvernance partagée qui compterait des représentants du gouvernement, de collèges médicaux, d'associations professionnelles, de prestataires de services et de chercheurs.

Ces parties prenantes se retrouveraient dans la position unique de collaborer et de coordonner leurs efforts respectifs vers la surveillance et l'administration du cadre législatif et réglementaire qui a trait à la procréation assistée tout en assurant la coexistence de directives et de normes de pratiques élaborées par les associations médicales et professionnelles.

Un modèle de gouvernance partagée assurerait l'équilibre entre les directives gouvernementales qui fournissent les grandes lignes et les exigences, et les directives médicales et les normes de pratique qui fournissent aux prestataires de soins une direction et des détails cliniques spécifiques.

Deuxièmement, au sujet de l'élaboration de directives et de normes de pratique. La SOGC compte 18 comités cliniques oeuvrant à plusieurs dossiers distincts, y compris un comité d'endocrinologie de la reproduction et d'infertilité.

Au fil des ans, les comités cliniques de la SOGC ont élaboré plus de 100 directives de pratique clinique, déclarations de principes et opinions de comités traitant d'une variété de sujets. Les organismes tels que la SOGC et la SCFA jouent un rôle primordial dans l'élaboration de directives et de normes de pratiques.

Les prestataires de soins de santé partout au pays comptent sur ces directives basées sur des données probantes et sur les options de traitement que ces directives fournissent. Ces documents sont donc considérés comme des directives à la fine pointe de l'excellence en matière de soins des patients et patientes.

Nous recommandons que l'élaboration de directives et de normes de pratique dans le domaine des techniques de procréation assistée demeure la responsabilité de la SOGC et de la SCFA, deux associations professionnelles qui ont une solide réputation dans ce domaine d'expertise. Nous recommandons aussi que le financement soit disponible pour leur élaboration et leur diffusion.

Enfin, au sujet des questions de justice sociale. Alors que les techniques actuelles risquent d'offrir de nouvelles possibilités, nous soulignons qu'il est possible d'accomplir davantage au niveau de la prévention de l'infertilité par l'éducation, le partage d'informations et le dialogue. Il ne s'agit que de consulter les statistiques pour être convaincu. Au moins 20 p. 100 de toute infertilité chez les femmes est causée par les maladies transmises sexuellement, et ce pourcentage risque d'augmenter à l'avenir à cause de la hausse actuelle des taux de chlamydia chez les adolescents et adolescentes et les jeunes adultes dans la vingtaine au Canada.

La SOGC lancera bientôt une initiative nationale visant à promouvoir le bien-être de la santé sexuelle et reproductive. Un des buts de ce nouveau programme est de fournir aux hommes et aux femmes des outils pour adopter des comportements de sexualité protégée, prévenant ainsi la propagation de maladies transmises sexuellement.

Nous recommandons donc que le financement soit disponible pour la mise en oeuvre d'initiatives nationales d'éducation liées à la prévention et au traitement de l'infertilité. À l'heure actuelle, la prestation des soins d'infertilité n'est pas équitable à travers le pays, et les femmes qui souffrent d'infertilité dans une province donnée ont un meilleur accès aux options de traitement que les femmes dans d'autres provinces.

Dans notre société, les couples infertiles souffrent de conséquences médicales et psychologiques si l'infertilité n'est pas traitée. Même si le traitement s'avère inefficace, il permet au couple de mieux composer avec l'infertilité et d'en arriver à l'accepter. Ainsi, le traitement médical, s'il est désiré, doit être accessible sans égard à la géographie et au statut économique.

Nous reconnaissons que les options de traitement d'infertilité ne peuvent pas toutes être subventionnées à même les deniers publics. Toutefois, l'adoption de normes nationales résulterait à tout le moins à un accès équitable pour toutes les Canadiennes. L'accès est présentement déterminé par des considérations financières. Les discussions pour améliorer l'accès doivent inclure toutes les parties prenantes, y compris les groupes de femmes.

• 1130

Ainsi, nous recommandons un processus consultatif de grande envergure qui inclut le public afin de cerner lesquelles des investigations de la santé et des techniques devraient être assumées par l'assurance publique.

Nous recommandons aussi l'élaboration d'un carnet de santé annuel pour consigner le progrès de la prévention et du traitement de l'infertilité.

En conclusion, j'aimerais préciser que la SOGC soutient par-dessus tout que chaque Canadien et chaque Canadienne a droit à l'universalité, à l'égalité d'accès, à la compétence et à l'efficacité en matière de soins de santé de la reproduction. Merci.

[Traduction]

La présidente: Docteur Lalonde, je vous remercie.

C'est maintenant au tour de la Fédération des ordres des médecins du Canada, représentée par le Dr Chadsey, qui en est le registraire intérimaire et directeur exécutif.

Docteur Chadsey.

Dr Donald Chadsey (registraire intérimaire et directeur exécutif, Fédération des ordres des médecins du Canada): Madame la présidente et mesdames et messieurs les députés ainsi que chers collègues, je vous remercie beaucoup.

Je m'appelle Don Chadsey. Pendant 18 ans, j'ai pratiqué en Alberta l'obstétrique et la gynécologie en tant que spécialiste de la médecine de reproduction auprès de couples. Depuis 14 ans, je travaille pour le College of Physicians and Surgeons of Alberta dont je suis actuellement le registraire intérimaire. C'est en cette capacité que je représente la Fédération des ordres des médecins du Canada. Il s'agit d'un organisme national formé des ordres professionnels des médecins des 10 provinces et des deux territoires du Canada qu'il représente.

Je veux ouvrir une parenthèse ici pour souligner la différence entre un ordre de médecins, que beaucoup de provinces appellent collège, et une école de médecine, qu'on appelle parfois collège de médecine. C'est une malheureuse erreur d'avoir nommé «collège» des organismes de délivrance de permis.

L'une des principales fonctions des ordres de médecins consiste à adopter des normes et à les faire respecter par les médecins. D'où, en règle générale, la qualité supérieure des soins médicaux au Canada. Le mandat de la fédération en la matière est très précis, et c'est de quoi je veux vous entretenir aujourd'hui. L'aspect du projet de loi que j'aimerais aborder plus particulièrement concerne l'agrément et la réglementation des personnes et des établissements qui utilisent les techniques de reproduction et de génétique dans le cadre de leurs services cliniques et de leurs recherches.

Mon collègue représentant l'Association médicale du Canada qui a témoigné tout à l'heure a indiqué que l'AMC préconisait un modèle où les responsabilités de surveillance des techniques de reproduction et de génétique seraient partagées avec des représentants du gouvernement, des fournisseurs de services, des associations médicales et professionnelles, des associations de patients et d'autres intervenants. Ce groupe de personnes collaborerait à la coordination de leurs forces respectives. À cette fin, il est important de définir et d'approuver leurs rôles et responsabilités, ainsi qu'à trouver les fonds nécessaires pour le démarrage et le fonctionnement de l'organisme d'agrément. Ce dont j'aimerais vous parler, ce sont les rôles que peuvent jouer les ordres de médecins dans la réglementation de nos techniques de reproduction et de génétique. Je propose les rôles suivants, qui se divisent en deux grands volets, et en un groupe d'autres petits rôles potentiels.

D'abord, les ordres de médecins peuvent reconnaître les médecins dûment qualifiés pour fournir des services cliniques et de recherche dans ces domaines et autoriser leur pratique. C'est là notre travail de tous les jours. Nous déterminons d'abord si un candidat au permis d'exercer a les qualifications requises, puis nous vérifions ponctuellement qu'il maintient ses connaissances à jour et offre des soins de qualité. Nous y sommes mandatés par les lois provinciales et territoriales.

La délivrance des permis est normalement assujettie à la réussite de programmes de formation et d'examens d'agrément au Canada établis, entre autres, par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et par le Collège des médecins de famille du Canada. Dans certains cas, il est possible d'accorder des équivalences pour la formation reçue et les études effectuées à l'étranger.

• 1135

Notre deuxième grand rôle consisterait à adopter des normes, ce que nous faisons déjà aussi. Nous formulons des politiques concernant les activités et comportements professionnels opportuns, puis les communiquons à nos membres et au grand public.

Forts de notre expérience en la matière, je crois que nous pourrions contribuer grandement à élaborer des normes nationales applicables aux établissements utilisant des technologies de reproduction et de génétique et à établir un processus d'agrément. Dans la plupart des provinces, nous inspectons périodiquement les cliniques et laboratoires médicaux, évaluons les médecins qui y travaillent et, à l'occasion, leur imposons le perfectionnement jugé nécessaire.

Par ailleurs, nous pourrions également nous charger d'autres tâches, dont la tenue de registres, ce que nous faisons déjà pour nos membres. Ainsi, nous pourrions monter des registres sur les activités des établissements visés. De même, nous pourrions continuer d'élaborer des politiques d'éthique comme le font déjà l'Association médicale canadienne et les différents ordres des médecins. De fait, l'Ordre des médecins de l'Alberta dispose déjà d'un conseil sur l'éthique de la recherche qui examine des propositions et pourrait participer à la mise en place d'un mécanisme semblable chez l'organisme national, que le projet de loi propose d'établir.

Je crois que tous les ordres des médecins existants profiteront de ce nouvel organisme national, quelle qu'en soit la forme définitive, et vice versa. Plus encore, je crois que tous les ordres professionnels tireront avantage de leur participation à sa création.

Il existe déjà des mécanismes très actifs pour l'homologation et la réglementation de beaucoup d'établissements, principalement dans les provinces les plus grandes, soit le Québec, l'Ontario, l'Alberta, le Manitoba et la Colombie-Britannique. L'Alberta, par exemple, s'est dotée de programmes détaillés d'assurance de la qualité pour la médecine de laboratoire et la visualisation diagnostique, ce qui inclut des techniques d'échographie. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la province a aussi déjà son conseil sur l'éthique de recherche.

Bref, madame la présidente, je crois que les ordres de médecins au Canada sont prêts à participer à l'élaboration et au bon fonctionnement du futur organisme de réglementation des techniques de reproduction et de génétique au pays.

Je vous remercie sincèrement de m'avoir donné l'occasion de témoigner.

La présidente: Je vous remercie, docteur Chadsey.

J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à la présidente de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, la Dre Jacquetta Trasler, ainsi qu'au président du Comité des relations gouvernementales, le Dr Arthur Leader, qui nous parlera au nom de la Société.

Docteur Leader.

Dr Arthur Leader (président, Comité des relations gouvernementales, Société canadienne de fertilité et d'andrologie): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente. Mesdames et messieurs les députés, bonjour.

Je travaille à Ottawa comme endocrinologiste de la reproduction et spécialiste de l'infertilité, domaines que j'étudie depuis plus de 20 ans. Je représente aujourd'hui plus de 500 médecins, scientifiques, professionnels de la santé et patients qui utilisent les services de reproduction dont il est question aujourd'hui.

La mission de notre Société comporte trois volets: favoriser l'éducation et la recherche en sciences et en médecine de la reproduction, offrir des services d'accréditation, approfondir nos connaissances et prévoir des mécanismes pour mesurer les résultats des thérapies et répondre aux besoins sociaux en matière de reproduction humaine. Comme l'a mentionné votre présidente, je suis accompagné aujourd'hui par la Dre Jacquetta Trasler, présidente de notre Société et clinicienne-chercheuse pratiquant à Montréal.

Je voudrais remercier le comité de permettre à la SCFA de s'exprimer sur l'ébauche de législation. Nous partageons les points de vue présentés aujourd'hui par les témoins précédents. Comme nos collègues, nous appuyons vivement l'esprit de l'avant-projet de loi, mais observons quelques lacunes dans le document à l'étude. Vous avez certainement en main notre mémoire, où nous présentons en détail notre position.

Nous croyons que ces lacunes diminueront la qualité des soins offerts aux Canadiens et nous limiteront dans des recherches d'une grande importance pour la santé future des femmes, des hommes et des enfants du Canada.

• 1140

La SCFA souhaite réaffirmer son opposition au clonage humain, à l'ectogénèse, à la recherche sur des embryons de plus de 14 jours, au transfert d'embryons entre animaux et humains, à l'utilisation d'embryons sans le consentement du donneur et à la maternité par substitution avec contrepartie.

Par contre, certains des actes prohibés seraient susceptibles de nuire à des recherches médico-scientifiques légitimes et importantes et à la prestation des meilleurs soins possible aux Canadiens souffrant entre autres d'infertilité, de diabète, de la maladie de Parkinson ou de traumatisme médullaire. Au besoin, on devrait plutôt opter pour la réglementation de certains actes bien définis.

Nous nous inquiétons particulièrement des dispositions qui suivent.

À l'alinéa 3(1)b), nous nous demandons pourquoi on interdit des techniques susceptibles de sauver des vies ou de favoriser la vie avant même qu'elles n'existent.

En ce qui concerne l'alinéa 3(1)d), notons que les techniques de presque toutes les recherches destinées à améliorer les traitements actuels de l'infertilité doivent être validées en laboratoire. Pour ce faire, nous devons créer des embryons, afin de confirmer que la fertilisation et le développement embryonnaire s'effectuent normalement. La SCFA n'appuie pas l'interdiction de créer des embryons à des fins de recherche, mais croit que ces recherches devraient être soigneusement réglementées, sous la supervision d'un organisme de réglementation national.

Nous estimons que l'alinéa 3(1)e) est inclus dans le nouvel alinéa 3(1)a) que nous proposons et devrait être supprimé.

De plus, nous considérons l'alinéa 3(1)g) prématuré, en ce qu'il interdit des techniques qui pourraient protéger l'avenir reproducteur de jeunes ayant survécu au cancer et de femmes souffrant de maladies auto-immunes ou de graves hémopathies.

Nous croyons qu'il faudrait revoir le libellé de l'alinéa 3(1)h) pour préciser qu'il existe un acte réglementé permettant la détermination du sexe pour le diagnostic de troubles chromosomiques associés au sexe, mais non pour la sélection du sexe de l'enfant à d'autres fins.

Le paragraphe 9(2) nous dérange tout particulièrement, puisqu'il aurait pour effet d'interrompre les recherches canadiennes sur la fonction du génome humain ou d'y nuire. Ces recherches sont essentielles pour comprendre les maladies qui frappent l'espèce humaine et pour y trouver des traitements. D'après le libellé actuel, cet acte réglementé ferait en sorte que chaque projet de recherche devrait recevoir une autorisation d'utiliser des souris transgéniques conçues pour porter un gène humain, méthode usuelle pour comprendre les origines génétiques des maladies et acceptée pour la recherche en génétique au Canada. Les effets négatifs de cette disposition sur la recherche scientifique et industrielle seraient immenses.

Nous sommes étonnés et déçus que cet avant-projet de loi ne décrive aucun cadre réglementaire. Comme on l'a dit, des intervenants ont travaillé pendant plus d'un an avec Santé Canada à élaborer un cadre réglementaire régissant l'assistance à la procréation, soit le modèle de partage des responsabilités. Nulle part dans ce projet de loi on ne parle de ce consensus.

La SCFA croit que l'accréditation devrait être à la base du processus d'autorisation des établissements fournissant ces services. Après dix ans de réflexion, l'accréditation est maintenant une solution pratique. Toutes les cliniques du Canada d'aujourd'hui, de même que le CCASS, approuvent unanimement la mise en place d'un programme d'accréditation des cliniques de fécondation in vitro et de dons de sperme. D'ailleurs, nous prévoyons entamer un cycle d'accréditation de trois ans qui touchera toutes les cliniques canadiennes dès le début de 2002. La SCFA estime que l'accréditation par le CCASS, la SCFA et la SOGC est une solution plus valable que la simple inspection.

Au cours des trois dernières années, la SCFA a volontairement établi et administré un programme de collecte et d'analyse de données à l'échelle nationale sur la FIV au Canada. Nous avons mis en oeuvre ce programme parce que nous estimons ces données essentielles pour les patients et les cliniques. Nous avons publié les données de 1999 sur les naissances vivantes et celles de 2000 sur les taux de grossesse. À l'heure actuelle, toutes les cliniques alimentent ce registre. Nous croyons que les renseignements contenus dans le registre devraient être partagés avec les fournisseurs, les patients et le public. Selon nous, la tenue du registre en question devrait incomber à l'organisme de réglementation plutôt qu'à Santé Canada.

Certaines définitions de l'avant-projet de loi sont incorrectes ou incomplètes du point de vue scientifique. Dans son témoignage devant votre comité, la Dre Patricia Baird a exprimé la même opinion. Ces définitions sont une partie fondamentale de la future loi, ce pourquoi la SCFA recommande de les réviser. Nous proposons déjà quelques définitions dans notre mémoire et nous serons également disposés à aider le comité dans cette tâche, si besoin est.

Nous espérons que nos commentaires serviront au comité à préparer un avant-projet de loi qui tient compte des besoins réels des personnes infertiles et favorise les fondements scientifiques et éthiques des soins qui leur sont offerts.

• 1145

Pendant votre étude du projet de loi, nous vous prions de garder en tête l'intérêt de nos patientes et de nos patients, ainsi que des chercheurs universitaires et industriels qui mènent des recherches de pointe au Canada.

Je vous remercie, madame la présidente et messieurs et mesdames les membres du comité. Nous serons heureux de répondre aux questions que vous pourriez avoir au sujet de notre exposé et de notre mémoire.

La présidente: Je vous remercie, docteur Leader.

Nous passons maintenant aux questions des membres du comité. J'accorderai d'abord la parole à M. Manning.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Madame la présidente, j'aimerais d'abord remercier nos distingués témoins.

Je sais que vous avez été contraints par le temps et suis certain que chacun de vous aurait pu parler pendant une heure de son domaine de spécialité. C'est avec plaisir que nous aurions voulu vous entendre. Nous nous ferons un devoir d'étudier vos mémoires avec attention.

J'ai deux questions. La première s'adresse probablement surtout au Dr Haddad et la deuxième, à tout le monde.

Ma première question porte sur les sphères de compétence. Vous avez exprimé vos inquiétudes à l'égard de l'accent qui a été mis sur la criminalisation des actes prohibés dans ce projet de loi. Vous savez probablement tous pourquoi il en est ainsi. Cela vient de la vieille bataille à savoir si elles relèvent du gouvernement fédéral ou des provinces.

Lorsque le ministre a fait part à ses collaborateurs qu'il souhaitait légiférer dans ce domaine, ils lui ont répondu: «Monsieur le ministre, vous avez un gros problème, parce qu'il s'agit ici de santé humaine, dont une grande part des pouvoirs incombe aux provinces.» Sans doute leur a-t-il demandé en contrepartie comment ils pouvaient renforcer les pouvoirs fédéraux. La solution que proposent généralement les avocats est de criminaliser tout ce que vous voulez interdire, parce que le droit criminel relève du gouvernement fédéral. Ainsi, cet avant-projet de loi fédéral repose largement sur la criminalisation.

Je vous demande donc où, selon vous, nous devrions idéalement établir la limite entre la réglementation de la sécurité des recherches sur l'assistance à la procréation, qui relève évidemment du gouvernement fédéral, et la prestation de services et l'exécution de recherches sur l'assistance à la procréation, qui relèvent davantage des provinces. Pouvez-vous nous donner votre opinion sur la ligne de partage entre les deux afin que cette loi ne finisse pas devant les tribunaux pour conflit entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Dr Henry Haddad: Eh bien, n'étant pas avocat...

M. Preston Manning: Cela vous aide.

Des voix: Oh, oh!

Dr Henry Haddad: Oui, ça le pourrait.

Si vous le permettez, je veux répondre à cette question peut-être de façon détournée et essayer de faire comprendre au comité pourquoi il faut faire la distinction entre la criminalisation d'une activité et son interdiction.

Il se fait de la recherche pour répondre aux besoins des patients. C'est essentiel. C'est ce qui compte le plus aujourd'hui et nous savons que la médecine de demain repose sur recherche qui se fait aujourd'hui. Cela veut dire mettre en oeuvre de nouveaux traitements et de nouveaux remèdes. L'objectif, il va sans dire, consiste à améliorer la qualité de vie de nos citoyens et à valoriser la dignité humaine.

La recherche vise en outre à prendre les traitements existants... Je suis gastro-entérologue et j'ai été témoin de ce qui s'est passé dans le cas de l'ulcère gastroduodénal. Nous sommes partis des traitements existants et après avoir effectué des recherches nous avons révolutionné le traitement de cette maladie. On n'opère plus les gens qui souffrent d'un ulcère gastroduodénal.

Nous rendons ainsi les traitements plus sûrs et plus efficaces et cela est très important. Tout le monde profite de la recherche. Je crois que vous avez reçu à ce comité un certain nombre de représentants de patients qui ont manifesté leur appui à la recherche.

Nous estimons, avec tout le respect que nous vous devons, que la criminalisation n'est vraiment qu'une option extrême qui, dans une société comme la nôtre, ne devrait être utilisée qu'en dernier recours. Nous croyons qu'il est possible d'interdire certaines activités par d'autres moyens qui soient moins invasifs et tout aussi efficaces, qui n'outrepasseraient pas la compétence fédérale. L'interdiction au moyen de la criminalisation est vraiment un moyen sans compromis qui nuirait—et je crois que mes collègues vous ont dit à peu près la même chose—aux progrès scientifiques et médicaux légitimes dans le traitement de l'infertilité, ce que personne d'entre nous autour de cette table voudrait voir se produire.

Je crois que ce que les recommandations que nous faisons au comité—c'est-à-dire, la création d'un organisme de réglementation indépendant et responsable—permettraient d'atteindre l'objectif que vous avez mentionné de même qu'une plus grande souplesse et une capacité de réponse plus rapide. Les preuves scientifiques émergent très rapidement et l'opinion publique évolue vite. Avec ce que nous proposons, un organisme de réglementation, nous pourrions ajouter aux interdictions, renforcer les interdictions existantes...

• 1150

Nous avons vu ce qui s'est passé avec le projet de loi C-47, lorsque nous avions une interdiction générale sur le clonage. Les choses ont changé depuis. Le Dr Leader et le Dr Lalonde en ont parlé.

Je crois que si nous criminalisons, si nous faisons intervenir le Code pénal, il nous faudrait beaucoup de temps et d'efforts pour apporter des changements en ce qui a trait aux questions éthiques et scientifiques. Nous avons vu que ce n'était pas très facile et, de plus, que cela retarderait tout le processus.

Il y a des choses qui peuvent être des infractions criminelles—par exemple, accomplir son travail sans autorisation, ce dont je crois ont parlé mes collègues, ou déborder le cadre de l'autorisation qui avait été conférée. Il s'agit, à notre avis, d'actes qui peuvent être criminels et qui peuvent très bien relever de la compétence fédérale.

Pour un gastro-entérologue, cela pourrait être une façon très simpliste de considérer la loi. Si je me trompe, veuillez me corriger.

Je ne sais pas si l'un ou l'autre de mes collègues a quelque chose à ajouter.

M. Preston Manning: Peut-être puis-je passer à ma deuxième question vu qu'elle découle vraiment de ce que je crois être votre réponse, à savoir que pour résoudre ce problème de compétence, il faut mettre en place un organisme de réglementation et nous assurer de bien circonscrire sa compétence. Cependant, il ne faut pas que la compétence fédérale s'appuie uniquement sur le Code pénal. Je crois que nous sommes nombreux à nous entendre là-dessus.

Deuxièmement, je puis dire que nous souscrivons en grande partie avec votre recommandation principale, à savoir que ce comité doit définir assez rapidement la forme que prendra cet organisme de réglementation. Les propositions relatives au projet de loi ne sont pas très précises à cet égard.

Le ministre, rendons-lui cette justice, a dit qu'il a laissé l'avant-projet de loi assez flou pour que le comité puisse présenter les meilleures recommandations possibles. Nous voulons nous acquitter de cette tâche.

Ma deuxième question, qui s'adresse vraiment à vous tous, est la suivante: quelle est la meilleure recommandation que vous puissiez faire en ce qui a trait à la forme que prendra l'organisme de réglementation. Vous pouvez d'une part vous diriger vers un organisme quasi judiciaire, un organisme de réglementation de type tribunal, qui est indépendant. Le problème qui se pose avec un organisme disposant d'une trop grande indépendance, c'est qu'il est très difficile alors de le rendre imputable. D'autre part, vous pouvez opter pour un organisme qui relève du ministre et du ministère et que le ministre peut interroger relativement à chaque aspect de son travail tant à la Chambre qu'ailleurs. Cet organisme doit rendre compte davantage, peut-être, mais il n'est pas indépendant du gouvernement, ni peut-être d'autres influences.

Ce que je vous demande, c'est si vous pouvez nous donner des lignes directrices générales quant à la forme qui permettrait le mieux selon vous que l'organisme soit indépendant et imputable?

Dr André Lalonde: Si vous me permettez de répondre, nous avons des exemples au niveau international. Au Royaume-Uni, comme vous le savez, le HFEA est un organisme indépendant. Il doit faire rapport à la fois à la population et au Parlement par l'entremise du ministère de la Santé. De cette manière on pourrait s'interroger sur ce que fait l'organisme. Cet organisme serait composé de représentants du gouvernement, de prestateurs de soins de santé et de patients et il ferait appel à des organismes existant au Canada pour l'assurance de la qualité, l'inspection, etc. Je crois donc qu'il doit être indépendant du ministère de la Santé.

Avec tout le respect que je vous dois, nous croyons que le ministère de la Santé, si un tel organisme doit lui être rattaché, aurait de la difficulté à bouger et à adopter de nouvelles techniques ou de nouvelles demandes des Canadiens. Nous croyons que le ministère de la Santé aurait beaucoup de mal et prendrait beaucoup de temps à apporter de nouveaux changements ou à discuter de nouvelles idées. Il serait lié pour des raisons politiques et pour beaucoup d'autres raisons. Nous ne voyons pas d'un très bon oeil un organisme qui serait lié directement au ministère de la Santé.

Il s'agirait donc, si vous voulez, d'un organisme quasi judiciaire. Il s'agirait d'un organisme qui serait mis en place et ferait rapport au Parlement par l'entremise du ministre de la Santé.

M. Preston Manning: Quelqu'un d'autre à quelque chose à dire?

Dr Richard MacLachlan: Lorsque nous avons rencontré les représentants de Santé Canada en mars 2000, on nous a posé cette même question. Ce que nous avons dit alors, lorsqu'on noua s demandé pourquoi l'organisme devrait être indépendant de Santé Canada, c'est qu'il serait plus responsable, plus transparent, qu'il devrait respecter des normes plus élevées et qu'il résisterait davantage à un changement de gouvernement. Ce sont les raisons que notre coalition a données à Santé Canada en mars 2000.

M. Preston Manning: D'accord.

La présidente: Merci, monsieur Manning.

Madame Sgro.

• 1155

Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.

Pour revenir à cette question de l'application et de la criminalisation, depuis le peu de temps que je siège ici, je me suis toujours préoccupée des organismes de réglementation et de leur capacité à vraiment mettre en oeuvre certaines choses. C'est la raison pour laquelle, en ce qui a trait à cette question très difficile, et morte de peur lorsque nous en avons entrepris l'étude, la question de l'application...

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

Je me suis sentie beaucoup mieux lorsque j'ai su que nous parlions de nous diriger vers la criminalisation.

Il y a une partie de moi qui sait peut-être qu'il ne s'agit pas de la meilleure solution mais je m'inquiète d'une mesure qui serait assortie de sanctions et qui pourrait en fait appliquer certaines choses. Je suppose que nous cherchons à faire le mieux possible en ce qui a trait à cette mesure législative très complexe.

Quelles mesures d'application efficaces un organisme de réglementation pourrait-il prendre?

Dr André Lalonde: Un organisme de réglementation donnerait, entre autres, selon moi, une autorisation à une clinique. Les médecins et les scientifiques ne pourraient plus travailler dans une clinique qui perdrait son autorisation. Je pense qu'il s'agit là d'une intervention très sérieuse et que cela protège certainement le public. Certaines normes devraient être respectées, comme nous le faisons à l'heure actuelle. Pourquoi notre régime hospitalier est-il efficace au Canada? Parce nos hôpitaux doivent être accrédités. Aucun hôpital ne veut voir son nom publier dans les journaux qu'il a perdu son accréditation. Jusqu'à maintenant cela a été très bénéfique pour le Canada.

Je crois que même si c'était prévu dans le Code criminel, ce ne serait pas plus rapide ou plus lent, vu qu'une clinique pourrait dire qu'elle est en plein processus d'appel; elle pourrait ainsi fonctionner neuf années de plus avant que les tribunaux n'aient pris de décision. Je crois donc que la réglementation exigeant qu'une autorisation soit renouvelée tous les ans ou tous les deux ans—une inspection régulière—donnerait une marge importante de sécurité.

Deuxièmement, ce sont les collèges des provinces qui délivrent les autorisations d'exercice de la médecine. La suspension a de très graves répercussions pour tout médecin ou professionnel de la santé. Je crois que vous avez les deux protections.

Mme Judy Sgro: Bien des choses peuvent toutefois se passer avant d'arriver à ce point. Je ne suis pas convaincue, car dans de nombreux cas, on observe beaucoup de violations et parfois, il faut attendre bien des années avant que des mesures ne soient prises. Je ne dis pas que c'est ce qui se passerait dans ce cas particulier; je parle d'autres domaines.

Dr Henry Haddad: Si vous permettez, j'aimerais compléter les propos de M. Lalonde; dans le mémoire de l'Association médicale canadienne figure notre politique sur l'assistance à la procréation, qui a été acceptée par le conseil d'administration. Elle se divise en trois parties: les objectifs, les principes et les éléments.

Si vous examinez les éléments, nous proposons—et nos collègues sont d'accord avec nous sur ce point—de créer un organisme national de réglementation qui élaborerait et surveillerait les normes nationales sur la recherche portant sur des sujets humains, y compris les techniques de génétique et de reproduction; qui élaborerait et contrôlerait des normes nationales sur la formation et la certification des médecins; qui autoriserait et certifierait les médecins, comme l'a indiqué M. Lalonde; qui élaborerait des lignes directrices sur les interventions médicales; qui agréerait des établissements où l'on pratique la reproduction assistée. Ce que nous proposons pour cet organisme de réglementation est très complet.

La présidente: Monsieur Chadsey voudrait-il intervenir?

Dr Donald Chadsey: Madame la présidente, merci.

En tant que représentant de l'organisme de réglementation, je comprends trop bien les doutes qu'a le public à propos de notre efficacité et de notre bonne volonté. Je comprends les préoccupations de Mme Sgro.

Je ne suis pas sûr qu'il y a nécessairement une grande différence entre la réglementation et l'interdiction d'une part, et la criminalisation, d'autre part. Des choses peuvent arriver—ou non—pendant suffisamment longtemps avant qu'elles ne soient découvertes et réglées efficacement en vertu de l'un ou l'autre régime.

En tant qu'organismes de réglementation, les collèges ont constamment affaire au niveau des provinces aux préoccupations et aux doutes des membres du public qui considèrent qu'ils perdent leur temps lorsqu'ils saisissent les collèges de leurs préoccupations ou de leurs plaintes, car ils croient qu'ils seront simplement mis de côté et que les organismes de réglementation existent uniquement pour protéger les mauvais médecins.

D'un autre côté, ces médecins, que nous traitons efficacement de diverses manières, y compris les punitions d'un genre ou d'un autre, verraient la situation d'une façon tout à fait opposée.

La marge est donc très étroite, me semble-t-il, entre trop ou pas assez de réglementation, entre une réglementation efficace et une réglementation inefficace. Nous pouvons nous défendre devant le public uniquement en adoptant une réglementation efficace et en prouvant ainsi que nous faisons ce qu'il faut et que nous sommes prêts à prendre des décisions difficiles lorsqu'elles s'imposent.

• 1200

La présidente: Monsieur MacLachlan et ensuite, Mme Storch.

Dr Richard MacLachlan: À mon avis, d'autres réponses qui pourraient être même plus rapides—si vous pensez à un agrément tous les trois ans, etc.—relèvent de votre cadre institutionnel.

Je suis ici en tant qu'ancien administrateur d'hôpital, vice-président responsable des services médicaux d'un grand hôpital universitaire pendant cinq ans, mais aussi en tant que chef d'un service hospitalier de 250 membres. En ma qualité de chef, j'étais responsable de la qualité des soins à l'échelle du service. En tant que vice-président des services médicaux, j'étais responsable des soins généraux. Je crois que nous avons parfaitement conscience de notre responsabilité qui vise à dispenser des soins aux patients sous ces deux aspects, du point de vue de l'administration hospitalière et du point de vue du personnel médical.

Si l'on pensait que l'exercice de la médecine ne répondait pas aux normes, la réponse la plus rapide consistait probablement à y mettre un terme sur-le-champ en invoquant les règlements de l'hôpital ou de l'institution.

La présidente: Mme Storch.

Mme Janet Storch: Ceci est également en réponse à votre question. Je voulais simplement ajouter qu'en plus des autorisations, de l'agrément, des codes de déontologie et de toutes les autres possibilités, même si l'installation recevait son agrément, de même que le comité d'éthique pour la recherche qui s'occupe de la recherche, il ne faut pas oublier que le contrôle par les pairs et l'éducation sont des éléments essentiels de l'agrément. L'éducation elle-même permet de constamment améliorer la qualité, car lorsqu'on travaille avec ses pairs, on veut répondre aux normes. Ce n'est pas que l'on doive répondre aux normes, mais plutôt que l'on souhaite être au courant des dernières découvertes. Cela devient donc pour moi un outil bien meilleur, car il est entendu que l'accent est mis sur l'éducation et l'amélioration constantes. Je crois que cela l'emporte sur ce qui pourrait arriver si l'on était assujetti au droit criminel.

La présidente: Monsieur Merrifield.

M. Rod Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Merci beaucoup pour vos exposés.

Je suis intrigué par la mesure législative que nous avons en main, vu qu'elle ne précise pas vraiment ce que vous recommandez tous, c'est-à-dire un organisme de réglementation. M. Haddad a indiqué dans son exposé que cet organisme devait rendre des comptes. Pouvez-vous me dire—et je pose cette question à tous—comment cet organisme pourrait être tenu responsable? Il est facile de créer un organisme de réglementation indépendant du gouvernement; pourtant, il doit répondre aux attentes du public. À mon avis, c'est un point que nous devons examiner pour essayer d'arriver au meilleur modèle possible. Y avez-vous pensé? Je suis sûr que oui. Pouvez-vous me donner vos conseils à ce sujet?

M. Henri Haddad: Cet organisme rendrait bien sûr des comptes aux Canadiens. En outre, il rendrait compte—à notre avis—au Parlement, mais par l'entremise du ministère de la Santé. D'après nous, c'est un modèle fort acceptable.

Dr André Lalonde: Pour ce qui est de la responsabilité, il faut que cet organisme soit transparent. Je dirais que cet organisme serait beaucoup plus transparent, tout comme l'organisme britannique, que s'il s'agissait d'un organisme noyé dans un ministère de 5 000 personnes où une seule personne filtrerait toute l'information. Cet organisme publierait chaque année les taux de réussite ainsi que les nouvelles technologies à l'étude.

N'oubliez pas qu'en raison de sa collaboration avec toutes les autres entités, le collège d'agrément du Canada demanderait combien d'institutions auraient reçu un agrément. Les collèges signaleraient les médecins titulaires au Canada. Vous auriez alors près de sept ou huit rapports et cet organisme serait tenu lui aussi de publier un rapport. À mon avis, c'est là que la responsabilité est la plus transparente.

Dr Arthur Leader: Je crois que vous voulez également un organisme qui tienne compte de la confédération fédérale-provinciale et des responsabilités des provinces. Si vous avez un organisme à Santé Canada, les gouvernements provinciaux, autant que je sache, ne seront pas du tout disposés à participer car, en tant qu'autorités indépendantes, ils n'aimeraient pas se soumettre à l'autorité fédérale.

• 1205

Si l'on veut un organisme conjoint, il ne faut pas qu'il relève uniquement du gouvernement du Canada, mais aussi des gouvernements provinciaux et territoriaux. Un tel organisme doit faire intervenir les organismes dispensateurs et les responsables de l'agrément.

La CSA travaille de concert avec Santé Canada en vue d'élaborer des normes pour la transplantation de tous les organes et tissus, y compris les tissus reproducteurs. La CSA va donc élaborer des normes et Santé Canada en fera mention dans ses règlements.

Les gouvernements provinciaux doivent également avoir voix au chapitre. Un des problèmes de l'équivalence, c'est qu'il pourrait y avoir théoriquement dix ou douze façons différentes de procéder. Si les provinces acceptaient l'équivalence, chacune pourrait l'interpréter différemment, ce qui serait véritablement chaotique. Il faut donc prévoir un endroit où les diverses compétences peuvent se rencontrer, discuter et arriver à une conclusion qui aboutisse à une conception unifiée.

En réponse à l'échange précédent, je dirais que, à mon avis, les interdictions n'ont jamais empêché pas à elles seules que les choses tournent mal et, par ailleurs, la méthode dont il a été question au sujet de l'application et de la réglementation est beaucoup plus efficace si les divers groupes sont réunis. Par contre, il est impossible de le faire au sein de Santé Canada. Il faut que cela se passe à l'extérieur et le partage doit se faire entre toutes les parties qui ont une responsabilité et une obligation dans ce domaine.

M. Rob Merrifield: Toujours dans la même veine, je suis d'accord avec votre concept de responsabilité. Vous dites que la reddition de comptes doit se faire à l'extérieur de Santé Canada, mais par l'entremise du ministre. C'est une question vraiment délicate étant donné que vous avez des compétences provinciales et fédérales au sein de cet organisme de réglementation, si bien qu'il faut qu'il y ait acceptation de part et d'autre.

Je vais circonscrire ma question. Si je comprends bien, cette méthode serait adoptée mais, quelles seraient les personnes les mieux placées pour siéger au sein d'un organisme de réglementation et comment seraient-elles choisies afin d'arriver à ce genre d'acceptation et de responsabilité à l'égard des Canadiens par l'entremise du ministre? Il va falloir s'attaquer à ce problème.

Dr Arthur Leader: Vous allez devoir discuter des personnes qui siégeront au sein de cet organisme de réglementation, lequel va relever à la fois du Parlement fédéral et des assemblées législatives provinciales, car, en vertu des dispositions relatives à la réglementation, indépendamment de la façon dont cet organisme sera défini, il sera responsable de l'application de l'équivalence. Il faut donc une approche de collaboration entre toutes les parties.

Je ne pense pas que nous pouvons nous prononcer pour l'instant au sujet de la structure, des fonctions du conseil d'administration, etc.

M. Rob Merrifield: Vous laissez donc entendre que les personnes siégeant au sein de ce comité pourraient être des politiciens, des membres du grand public et des éthiciens.

Dr André Lalonde: Nous nous sommes brièvement penchés sur certains de ces points lorsque nous avons participé au groupe de travail. Les organismes fédéraux et provinciaux nommeraient, disons, un tiers des membres; un tiers proviendrait des organismes dispensateurs et le dernier tiers proviendrait du public, à l'instar de ce qui se fait dans le cas de beaucoup de nos grandes institutions. Ce sont des groupes représentatifs, y compris des associations de femmes et l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité, qui représentent les consommateurs. On demanderait à ces gens de proposer des noms et les membres du conseil seraient alors choisis. En ce qui concerne la taille du conseil et son fonctionnement exact, je crois que nous tous ici serions prêts à travailler là dessus, mais pour l'instant on ne nous l'a pas encore demandé.

La présidente: Cela ne va pas tarder, monsieur Lalonde.

Monsieur MacLachlan voulait intervenir.

Dr Richard MacLachlan: Toujours dans le domaine de la responsabilité, dont nous avions aussi parlé avec Santé Canada en mars 2000, il faut dire que dans pratiquement toutes nos organisations, on retrouve des représentants non spécialisés dans nos structures de gestion. Dans mon organisation, le Collège des médecins de famille du Canada, des patients siègent au sein du conseil d'administration. En plus de la représentation des groupes de patients, nos organismes chargés des autorisations comptent des représentants non spécialisés. Ce n'est donc pas une profession complètement égocentrique. Notre profession est régie d'une manière qui prévoit des représentants non-spécialistes, ce qui consolide l'équilibre atteint.

M. Preston Manning: Madame la présidente, pourrais-je prendre 30 secondes pour faire une proposition?

La présidente: Non, désolée, ce n'est pas votre tour. C'est le tour de Mme Thibeault.

• 1210

[Français]

Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Madame et messieurs les docteurs, si vous me le permettez, j'aimerais passer à un autre domaine.

Docteur Lalonde, vous avez terminé votre énoncé en parlant de notre système de santé et des grands principes d'universalité, d'égalité d'accès, etc. Là vous parlez de quelque chose qui me tient à coeur. Vous parlez surtout d'adopter des normes nationales qui résulteraient en un accès équitable pour toutes les Canadiennes. En fait, on sait très bien que dans le moment, ces nouvelles techniques ne sont pas accessibles à tout le monde, et je pense que c'est important de se pencher sur ce sujet.

Comment pensez-vous que les provinces réagiraient si le projet de loi portait une référence à cette équitabilité? Ne pensez-vous pas qu'elles nous diraient tout de suite que nous nous ingérons dans un domaine qui les touche particulièrement?

Dr André Lalonde: Je pense que votre rôle serait de démontrer que les techniques et les traitements ou les investigations de la prévention sont basés sur des preuves cliniques très solides. Les provinces seraient alors davantage portées à vouloir avoir chez elles ces traitements ou ces investigations.

Le problème qu'on a maintenant, c'est que quelqu'un au Nouveau-Brunswick qui a un problème d'infertilité n'est pas traité de la même façon que quelqu'un qui est en Ontario ou au Québec.

Ou bien on a un système national de santé, ou bien on n'en a pas. L'avantage, c'est qu'un groupe de travail de la nouvelle autorité pourrait être créé pour essayer de voir quels sont les points communs. Je pense que les provinces, que ce soit en transplantation cardiaque ou en immunologie, essayent de mettre leur système en équilibre. Il y a des différences, mais il n'y a pas de différences majeures comme on en voit dans le domaine de l'infertilité. Je pense qu'on pourrait avoir une influence assez marquée pour s'assurer que certains traitements de base soient disponibles pour toutes les femmes au Canada là où elles résident.

Il y a ensuite la question de l'éloignement. C'est sûr qu'une femme qui réside dans le nord du Québec ou de l'Ontario n'a pas le même accès aux traitements qu'une femme qui demeure à Ottawa ou à Hull. Il faut se préoccuper de ces choses. Nous voulons apporter notre contribution dans ce domaine.

Mme Yolande Thibeault: Je suis tout à fait d'accord, docteur, et je vous remercie de l'avoir souligné dans votre présentation, parce que ce n'est pas un sujet qu'on a souvent étudié jusqu'ici.

Je voudrais maintenant m'adresser à celui ou celle d'entre vous qui voudra bien répondre. C'est au sujet de la confidentialité. Dans le cas de la procréation assistée, d'après ce qu'on propose dans l'ébauche, le donneur doit s'identifier afin que l'enfant qui va éventuellement naître d'une telle reproduction puisse avoir accès aux renseignements au sujet de ses antécédents génétiques. C'est très bien.

Ne pensez-vous pas que l'enfant né au moyen une telle méthode aurait aussi le droit, comme un enfant qui aurait été donné en adoption, d'avoir accès à la personne qui, à toutes fins utiles, est le père? Je ne voudrais pas qu'on crée une classe d'enfants qui, une fois rendus à l'âge adulte, seraient considérés à part parce qu'ils seraient nés au moyen de telles techniques.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Leader.

Dr Arthur Leader: À la lecture des transcriptions, je me suis aperçu qu'il s'agit d'un dilemme et d'une préoccupation dont a fait état ce comité à plusieurs occasions. C'est à mon avis une préoccupation fort légitime et importante. Je m'occupe de l'assistance à la procréation depuis 20 ans et lorsque j'ai commencé, les donneurs étaient non seulement anonymes, mais on disposait de très peu d'information.

• 1215

La situation a évolué si bien que maintenant les donneurs ne fournissent plus d'échantillons frais; en fait, les échantillons sont congelés et mis en quarantaine—pour des raisons de sécurité—jusqu'à concurrence de six mois. Cela signifie que vous avez tous les antécédents génétiques du donneur et que vous avez le temps de les rechercher. En outre, beaucoup de cliniques exigent une analyse chromosomique, ainsi que les antécédents complets de la famille. Cette information est actuellement mise à la disposition de tous les couples ou de toutes les femmes qui choisissent d'avoir recours à un donneur de sperme.

En outre, beaucoup de banques de sperme—plusieurs sont maintenant ouvertes—donnent des renseignements sur le donneur, comme par exemple une photo du donneur bébé, une photo du donneur adulte ainsi que parfois des entrevues du donneur enregistrées sur bandes vidéo. C'est vraiment au couple qui suit le traitement, ou à la femme, car souvent c'est une femme sans partenaire masculin, de choisir le donneur souhaité.

D'après mes collègues de Scandinavie et de Nouvelle-Zélande, pays où tous les donneurs doivent non seulement donner leurs antécédents génétiques et médicaux complets, mais également révéler leur identité, des couples candidats ne souhaitent rien savoir et vont donc voir ailleurs. Ainsi, les Suédoises vont au Danemark, si elles veulent un donneur anonyme. Il y a donc un élément de choix.

Le dilemme c'est que—et je ne connais pas la solution—le couple ou la femme qui fait ce choix peut souhaiter un donneur anonyme, alors que l'enfant qui naît peut vouloir connaître l'identité du donneur. Le problème c'est que—et de nouveau, comme M. Haddad, je ne suis pas avocat—le foetus n'est pas une personne et le sperme n'est certainement pas une personne. Par conséquent, l'enfant qui va être créé ou l'enfant qui va naître ne peut pas parler en son nom propre.

Ce qu'il reste à faire, comme je le fais depuis 20 ans, c'est conseiller les patients et leur dire ce qu'il en est. J'ai déjà vu des gens évoluer; ils disaient au départ qu'ils allaient cacher le processus, et pour finir, disaient qu'ils allaient le révéler à l'enfant. S'ils veulent le dire à l'enfant, il faut qu'ils obtiennent toute l'information disponible.

À l'heure actuelle, c'est possible. Ils peuvent dans n'importe quelle banque de sperme avoir accès à tous les antécédents médicaux et antécédents génétiques du donneur et remonter jusqu'à ses grands-parents. Selon les nouvelles normes, un échantillon de sang du donneur est exigé, car nous vivons à une époque où en fait vous voulez peut-être connaître la constitution génétique exacte du donneur.

Cette situation a évolué au fil du temps, mais au bout du compte, c'est au couple véritablement de décider s'il veut connaître l'identité d'un donneur ou s'il veut que le donneur reste anonyme. Il est possible de faire ce choix maintenant. Il y a des donneurs qui disent que lorsque l'enfant aura atteint l'âge de la majorité, ils souhaitent se faire connaître. C'est en fait à la femme de décider si elle veut de ce donneur et c'est à nous de la conseiller quant à l'importance de ce choix. Nous essayons de le faire. Au bout du compte, toutefois, c'est à la femme de faire ce choix en matière de donneur. Cette information est toutefois disponible.

[Français]

Mme Yolande Thibeault: Ne pensez-vous pas que le droit de l'enfant est primordial dans tous ces dossiers? Si madame ne veut pas que son fils ou sa fille éventuel sache qui sont ses parents, a-t-elle vraiment le droit de cacher à l'enfant qui va naître l'information qu'il voudra peut-être avoir un jour?

[Traduction]

Dr Arthur Leader: Je crois que cela devrait faire partie du processus de consentement éclairé et de choix éclairé pour que les femmes se rendent compte qu'il s'agit d'un point important à considérer. Au bout du compte toutefois, je ne pense pas que vous puissiez obliger qui que ce soit à le faire; je crois que vous pouvez par contre donner des conseils à cet égard.

Je dois dire qu'il est tout à l'honneur des divers groupes de donneurs d'avoir fait comprendre à la profession autant qu'au public qu'il s'agit d'une question à poser dans le cas des femmes qui ont eu des enfants grâce à des donneurs et des enfants qui cherchent à connaître l'identité du donneur—la situation se complique davantage lorsqu'il s'agit de donneurs d'ovules et d'embryons. C'est à mon avis une question raisonnable, mais ce n'est pas une question que l'on peut légiférer, car sinon, les gens iront ailleurs. C'est ce qui s'est passé en Suède et en Nouvelle-Zélande. Les gens sont allés dans un autre pays où ce n'est pas obligatoire.

Par conséquent, le droit en matière de choix doit toujours exister et il est possible de modifier ce choix par le biais de l'éducation.

Mme Yolande Thibeault: Merci beaucoup, monsieur. Vous ne m'avez pas convaincue, mais merci beaucoup.

Dr Arthur Leader: Je vous en prie.

La présidente: Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci, madame la présidente.

Docteur Haddad, premièrement, je suis d'accord avec vous que la région de Sherbrooke est l'une des plus belles régions du Canada. Le comté que je représente a un pied dans l'Estrie. C'est très beau. Je peux en parler en connaissance de cause.

• 1220

Dans votre présentation, vous avez indiqué que le recours à la criminalisation de certaines activités créerait des obstacles aux progrès médicaux et scientifiques légitimes dans le traitement de l'infertilité. À mon avis, le clonage humain à des fins de reproduction représenterait plutôt un palliatif à l'infertilité qu'un traitement. Pouvez-vous nous éclairer sur votre définition du traitement de l'infertilité?

Dr Henry Haddad: Je vais laisser cela à mes collègues qui travaillent plus que moi dans le domaine de l'infertilité.

Il y a, dans ce domaine, un point important que j'aimerais bien qu'on examine. Je demanderais au Dr Bereza... Quand on parle de criminalisation, il est important pour le comité de voir quel est l'effet de la criminalisation sur la relation entre le médecin et le patient, qui est vraiment à la base de l'acte thérapeutique et qui est là depuis le temps d'Hippocrate.

Si vous le permettez, j'aimerais bien que le Dr Bereza, qui est le président de notre comité d'éthique et un collègue que je connais depuis plusieurs années, vous parle un petit peu de l'importance de la relation entre le médecin et le patient dans le dossier dont on discute.

Mme Pauline Picard: D'accord.

[Traduction]

Dr Eugene Bereza (président, Unité d'éthique biomédicale, Faculté de médecine, Université McGill): Merci, madame la présidente.

[Français]

Je vais essayer de répondre à votre question si je le peux. Je veux souligner, comme le Dr Haddad l'a dit, que quand on parle de la criminalisation,

[Traduction]

Je pense qu'il ne faut pas oublier l'importance primordiale de l'effet que la criminalisation pourrait avoir sur la relation entre le médecin et le patient. Dans ce cas précis, si c'est une femme ou un couple qui vient consulter le médecin au sujet d'un traitement possible ou d'une décision d'aller de l'avant, la relation entre le médecin et le patient est toujours quelque chose de sacré. Le médecin doit avoir cette relation de confiance pour être effectivement en mesure d'aider ses patients.

À mon avis, si nous nous reportons à l'éthique traditionnelle de la relation entre le médecin et le patient, il est beaucoup plus bénéfique, thérapeutique et utile pour la femme ou pour le couple que le médecin soit en mesure de discuter de diverses options sans craindre de commettre un acte criminel potentiel ou réel—véritable épée de Damoclès—surtout lorsque ce dont nous parlons est en constante évolution et n'est pas figé.

Je vous donnerais une réponse très différente si nous parlions d'une entité figée sur laquelle la société dans son ensemble est d'accord. Autant que je sache toutefois—mais je ne suis pas spécialiste en obstétrique ni en gynécologie—c'est que nous parlons d'actes qui sont actuellement en évolution. Nous leur donnons des noms particuliers. Nous disons par exemple, que c'est du clonage, alors que d'après moi, le clonage ne décrit pas un seul acte, mais plusieurs. Par conséquent, de quoi parlons-nous vraiment lorsque nous disons que le clonage devrait être proscrit? Parlons-nous de tous ces actes ou de certains d'entre eux seulement?

Il faut rechercher la précision et lorsque nous qualifions un acte de criminel sous prétexte que nous sommes tous d'accord à ce sujet, il faut vraiment se demander quels sont les critères éthiques qui font que cet acte est criminel.

En parcourant certains documents, j'ai vu que nous utilisons des mots comme «évident»; il serait évident que cela ne serait pas bien ou que cela serait mauvais. Je vais être franc avec vous; en tant que personne, certains de ces actes m'apparaissent à première lecture comme étant évidemment... À tout le moins, je serais prudent.

Ce que je veux dire toutefois, c'est que des conclusions morales qui sont évidentes actuellement—alors que la science n'est pas figée, alors que la morale et les échelles de valeurs ne le sont pas non plus—seraient prématurées. Nous pensons qu'une réponse est évidente dans le cas de certains actes, mais dans une société multi-ethnique, pluri-ethnique, cela ne le paraît pas autant.

À mon avis, le système est beaucoup plus efficace lorsque, dans le contexte de la relation que j'entretiens avec mon patient, le fait de lui dire: nous allons parler d'actes potentiellement criminels, est très différent de: parlons de la façon dont je pourrais vous aider—même si ensuite je fais des choses illégales, d'après les organismes chargés de l'autorisation, vu que les Canadiens ont eu leur mot à dire à ce sujet et qu'ils peuvent rapidement modifier la définition de clonage.

• 1225

[Français]

Je ne sais pas si j'ai répondu directement à votre question, mais j'ai essayé.

Mme Pauline Picard: Oui, vous y avez répondu parce que cela m'amène à vous poser ma deuxième question.

Comme vous l'avez mentionné, l'actuel avant-projet de loi touche le clonage humain à des fins de reproduction et à des fins thérapeutiques, et d'autres techniques de procréation assistée. C'est très compliqué.

Selon vous, et vous semblez d'accord sur cela, est-ce un champ d'activité trop large? Tout est mêlé. Comme vous le dites, cela va peut-être empêcher certains couples qui veulent avoir des traitements ou utiliser ces techniques de le faire. Où nous situons-nous là-dedans? On ne le sait trop. Est-ce que ces interdictions touchent le clonage à des fins de reproduction? C'est compliqué, et je pense que vous l'admettez. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

[Traduction]

La présidente: Désolée, je ne comprends pas votre question. C'est plutôt une déclaration. Quelle est la question?

[Français]

Mme Pauline Picard: L'avant-projet de loi touche le clonage humain à des fins de reproduction et à des fins thérapeutiques, et d'autres techniques de procréation assistée.

Est-ce trop large comme champ d'activité? Ne vaudrait-il pas mieux qu'il y ait un projet de loi sur l'interdiction du clonage à des fins de reproduction et un autre projet de loi sur l'interdiction du clonage à des fins thérapeutiques?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Leader.

Dr Arthur Leader: Je suis d'accord avec vous, ce serait assez limité. Comme nous l'avons dit, nous sommes contre le clonage d'un autre être humain. Je ne peux pas imaginer que quiconque puisse souhaiter autre chose. Je crois que si on le précisait de cette façon, la question serait réglée et vous pourriez donner une certaine latitude en ce qui concerne les autres aspects de la manipulation cellulaire. Après tout, le clonage thérapeutique ne se fait pas à des fins de procréation et n'améliore pas la capacité de procréation d'une personne. Comme les représentants de la maladie de Parkinson, du diabète ainsi que les personnes atteintes d'une lésion de la moelle épinière vous l'ont dit, cela ouvrirait la porte à une thérapie qui n'est actuellement pas disponible.

Ce domaine, pour développer les propos de mon collègue, prend de l'ampleur. Nous avons parlé des cellules souches et des cellules souches embryonnaires. Il semble maintenant que l'on peut prendre l'ovule et l'utiliser à des fins de clonage, sans entrer dans le domaine des embryons. Il y a donc de nouveaux progrès, alors même que nous examinons le projet de loi dont nous sommes saisis. Il devrait y avoir, à notre avis, une souplesse qui permette de tirer parti de ces progrès, dans un cadre toutefois qui ne permette pas de faire des choses immorales.

Lorsque des gens, même des Canadiens, ont voulu opter pour le clonage—le groupe dont il a été question dans les médias au Québec—ils ne se sont pas adressé à une clinique canadienne, car ils savaient que nous ne le ferions pas. Ils se sont adressé à un groupe américain ou italien, car ils savent bien que d'après nos normes, en tant que praticiens, nous nous y opposons et nous ne le faisons pas. Dans une certaine mesure, il faut faire confiance à l'éthique sous-jacente et en garantir le maintien.

La présidente: Monsieur Castonguay.

[Français]

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente. Merci à vous tous pour vos témoignages. Cela nous complique la vie, mais c'est notre rôle.

Si je comprends bien, l'orientation serait de mettre toutes ces activités sous la gouverne d'un organisme de réglementation qui, évidemment, serait guidé par des codes d'éthique à tous les niveaux. Cela permettrait, dans un dossier qui évolue très rapidement, de faire des ajustements en cours de route, de peaufiner, de faire du fine tuning, pourrait-on dire. Malgré tout cela, y a-t-il certaines activités qui, selon vous, devraient être prohibées?

• 1230

J'ai cru comprendre que le clonage à des fins de reproduction devait être dans la liste des choses prohibées. Est-ce que vous voyez d'autres choses dans le projet de loi?

[Traduction]

Dr Arthur Leader: Je crois que dans ma déclaration liminaire, j'ai indiqué que nous nous opposons à l'ectogénèse, c'est-à-dire la culture d'embryons à l'extérieur de l'utérus. Nous sommes contre la recherche sur les embryons au-delà de 14 jours. Nous nous opposons au transfert d'embryons entre l'animal et l'homme. Nous sommes contre l'utilisation des embryons sans le consentement du donneur et d'un comité d'éthique pour la recherche. Enfin, nous nous opposons à la maternité de substitution commerciale. C'est très clair.

[Français]

Dr Henry Haddad: Pour que la position de l'Association médicale canadienne soit claire, je dirai qu'on n'a pas vraiment regardé certaines choses. On n'est sûrement pas contre le fait que certains éléments soient prohibés. Ce que le Dr Leader vient de présenter me semble tout à fait raisonnable.

Au niveau national, notre association s'est concentrée sur le processus de la réglementation de la reproduction assistée. Toute l'énergie de l'Association médicale canadienne a été consacrée à cela. On voulait d'abord s'assurer que la structure soit bonne. Comme on dit en anglais, let's get the structure right, et ensuite on pourra faire le reste. Mais la liste de prohibitions que le Dr Leader vous a présentée me semble tout à fait raisonnable, et je pourrais très bien être en faveur de cette liste.

M. Jeannot Castonguay: Madame la présidente, on parle de standards canadiens. Évidemment, on sait que chacune des provinces a son mot à dire, et l'inquiétude du comité est qu'on se retrouve avec une dizaine d'agences et que les standards varient d'une province à l'autre, à un point tel que les patients pourraient décider, selon les standards, de changer de province. Est-ce rêver en couleur que de penser qu'on pourrait avoir des standards canadiens et exercer assez de pressions pour que les provinces respectent ces standards? On parle d'une loi canadienne, mais on sait que dans la vraie vie, il y a des variations, même au niveau des différents collèges qui octroient des permis de pratique au niveau du Canada. J'aimerais entendre des commentaires.

Dr André Lalonde: Je peux vous dire que notre association, qui existe depuis 55 ans, fait des guides de pratique clinique en obstétrique et gynécologie. Ils sont acceptés dans toutes les provinces. On les envoie à tous les collèges médicaux du Canada, par l'entremise du FMLAC, et lorsqu'ils développent des guides de pratique, ces standards servent de base et ils sont très peu changés.

On a récemment publié avec la CFAS une position sur les questions éthiques dans la santé de la reproduction, et elle a été très bien acceptée. Les associations professionnelles médicales comme celles des gynécologues, des pédiatres, etc. ont un avantage. Chaque province est beaucoup trop petite pour élaborer des guides de pratique clinique. Donc, on regarde ce qu'il y a à l'international. Nos comités sont conjoints. On a des représentants de toutes les provinces. Je suis prêt à vous dire que 99 p. 100 des guides de pratique clinique qu'on émet sont adoptés sans aucun problème dans tous les hôpitaux du Canada.

Donc, il n'y a pas cette bataille ou cette chicane de juridictions entre le fédéral et le provincial parce que nos membres viennent de tout le Canada. Je pense que c'est un avantage. Le service d'agrément des hôpitaux est aussi canadien. Donc, on a avantage à utiliser les structures en place plutôt que d'essayer de créer des réglementations pancanadiennes qui vont donner lieu à des discussions entre les provinces.

[Traduction]

La présidente: Peut-être M. Chadsey voudrait-il répondre.

Dr Donald Chadsey: Merci, madame la présidente.

Je suis confiant que les organismes chargés de l'autorisation n'auraient probablement pas de mal à arriver à un consensus dans ces domaines. Il est vrai qu'il y a des différences entre les décisions passées et présentes prises par les divers organismes chargés de l'autorisation, en particulier dans la façon dont ces décisions sont prises, mais le consensus à propos des questions les plus importantes, surtout les questions éthiques, est généralisé. Je ne pense pas qu'il soit probable qu'une province dise qu'un comportement ou un service médical donné—le clonage par exemple—serait quelque chose de moral, tandis que les neuf autres organismes provinciaux et les deux organismes territoriaux chargés de l'autorisation diraient que c'est quelque chose d'immoral. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir d'organisme rebelle.

• 1235

La présidente: Merci, monsieur Castonguay.

Je suis d'accord avec vous sur un point important, comme celui du clonage, mais il y a beaucoup de subtilités dans ce domaine. Nous avons reçu des témoins fort variés dont les idées différaient en fonction de leurs valeurs; cela va poser un véritable problème.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Le débat qui avait lieu alors que je suis arrivée en retard—veuillez m'en excuser, madame la présidente—va probablement au coeur des questions dont nous traitons. Il s'agit de toute la question de flexibilité et de fluidité, étant donné que la science évolue constamment et que les gens ne sont pas tous identiques; nous avons des valeurs différentes à propos de toute la question de la procréation. On sait par ailleurs que bien des intérêts se précipitent pour tirer avantage de cette flexibilité en matière de commercialisation et de chosification.

À mon avis, l'histoire nous montre que souvent, dans ce genre de situation, la santé des femmes n'est pas toujours en haut de la liste des priorités. Je considère que le problème auquel nous sommes confrontés—et je pose ma question à vous tous, à quiconque veut nous aider—c'est de savoir comment vous protégez véritablement la santé des femmes et comment vous faites en sorte que les femmes ne sont pas poussées trop loin, que nous ne leur donnons pas de faux espoirs, que nous ne les considérons pas comme des utérus ambulants, tout cela dans l'intérêt de la science ou de la recherche d'une solution magique. Vous nous aideriez probablement beaucoup si vous pouviez répondre à cette question.

La présidente: Monsieur Lalonde.

Dr André Lalonde: Je vais essayer d'y répondre.

Je crois que cela revient à la transparence et à l'éducation du public. Nous traitons tous les jours de transplantations cardiaques ou rénales—qu'est-ce qu'il y a de plus grave qu'une transplantation cardiaque? Pourtant, l'information est disponible. L'éducation du public a été faite. Il y a des groupes de femmes qui existent et si ces groupes ont quatre représentantes au sein de cet organisme—disons 25 p. 100, 30 p. 100, 40 p. 100 des membres—elles vont s'assurer que l'information est donnée aux Canadiens. Je crois que chaque Canadienne a le choix de prendre une telle décision. Il faut faire attention toutefois qu'aucun groupe ne réussisse à convaincre le comité que son avis est le seul à retenir. Nous voulons offrir un cadre, donner l'information, assurer la transparence au sujet des complications, des taux de grossesse, de tous les autres traitements, de manière qu'une femme, avec son partenaire, puisse prendre une décision éclairée. C'est, je crois, le fondement de la médecine au Canada à l'heure actuelle.

La présidente: Mme Storch aimerait intervenir.

Mme Janet Storch: Merci pour votre question, car elle reprend certainement des préoccupations présentées par l'Association des infirmières et infirmiers du Canada.

Outre ce qu'a dit M. Lalonde, je crois que si nous examinons les diverses façons de réagir—et je vais revenir au processus d'agrément en place et à l'examen par les pairs—si vous aviez des équipes de pairs ou de spécialistes, qui pourraient englober des non-spécialistes, à l'instar du Conseil canadien d'agrément des services de santé, vous auriez au sein de cette équipe qui se rend dans une clinique non seulement le point de vue médical, mais d'autres points de vue également. Vous pourriez avoir des travailleurs sociaux, des infirmières et des infirmiers, n'importe qui d'autre, qui examineraient de très près ce qui se passe dans cette clinique. L'information est-elle présentée de façon impartiale? Les gens en comprennent-ils les effets?

Je crois qu'il a été indiqué plus tôt que les enfants conçus par insémination artificielle n'auraient pas accès à l'information les concernant. D'après ce que nous savons, les gens ne sont pas vraiment au courant de leur situation si bien qu'après, il est trop tard, alors que la façon dont cette information est traitée et la façon dont les décisions sont prises sont très importantes pour la vie de ces gens dans une famille donnée.

Nous avons donc certainement les mêmes préoccupations que vous et selon nous, beaucoup d'éléments pourraient être intégrés—y compris tous ceux dont nous avons parlé, je crois—dans les codes professionnels, l'accent étant mis sur ce point; comme je l'ai dit, il faut prévoir des normes de toutes sortes en matière d'agrément pour la recherche et pour la pratique clinique, ainsi qu'un organisme de surveillance largement représentatif.

• 1240

La présidente: Monsieur MacLachlan.

Dr Richard MacLachlan: Vous vous inquiétez au sujet de l'effet de balkanisation et du fait que les 13 compétences du Canada ont des normes différentes; je dirais que nous nous efforçons en grande partie d'observer des normes nationales.

Pour ce qui est de nos programmes de formation d'obstétriciens, de médecins de famille, d'endocrinologues—il y a une seule norme et toutes les écoles sont agréées tous les six ans. S'il y a des problèmes au niveau des écoles, elles sont agréées plus fréquemment, mais nous n'avons qu'une seule norme nationale. De même, lorsque mon hôpital—ou mon installation—est agréé par le Conseil canadien d'agrément des services de santé, une seule norme est utilisée à l'échelle nationale. Il n'y a pas en Nouvelle-Écosse une norme qui serait différente de celle de l'Ontario.

Enfin, pour ce qui est de notre norme en matière de recherche, nous avons un point de référence, le code de déontologie tripartite sur la recherche humaine qui a été mis au point après de vastes consultations. Chaque comité d'éthique pour la recherche relié à une institution du pays s'en sert comme unique point de référence.

Pouvons-nous fixer des normes nationales? C'est ce que nous faisons déjà dans ces secteurs. J'espère que cela peut vous donner un certain degré de confiance dans notre capacité de le faire ailleurs.

La présidente: Merci, monsieur MacLachlan et Mme Wasylicia-Leis.

Madame Chamberlain, vouliez-vous intervenir?

Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Non, je cède la place à Mme Beaumier.

La présidente: Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Missisauga, Lib.): La plupart de mes questions ont été traitées. Toutefois, est-ce que tout le monde autour de cette table s'oppose à la criminalisation de tel ou tel élément de ces techniques de reproduction? Êtes-vous tout à fait contre la criminalisation, ou y a-t-il des éléments qui pourraient être visés?

Parler d'un organisme de réglementation créé pour assurer cette surveillance est une chose; toutefois, en tant que politiciens, nous avons aussi une responsabilité à l'égard des Canadiens et nous devons essayer de régler les questions qu'ils se posent, notamment celles qui leur font peur.

La présidente: Monsieur Haddad.

Dr Henry Haddad: Nous disons qu'il ne faudrait pas que ce soit une loi pénale, mais cela ne veut pas dire qu'il ne pourrait pas y avoir d'actions au criminel contre un médecin ou un chercheur qui travaillerait sans licence, par exemple, ou qui ne respecterait pas les règles de la licence. Nous sommes tous d'accord sur ce point.

La présidente: Docteur Lalonde.

Dr André Lalonde: En vertu du droit de la médecine, au Canada, si vous faites quelque chose qui n'est pas approuvé ou qui ne correspond pas à la procédure approuvée par votre collège, cela peut mener à des sanctions administratives ou même pénales. Les sanctions pénales sont possibles si j'exécute un acte médical qui n'est pas reconnu comme tel au Canada. Le droit de la médecine existe. Nous sommes protégés.

Les gens pensent toujours que lorsque quelque chose de nouveau survient, il nous faut faire une loi, il nous faut prévoir des sanctions pénales. Le droit de la médecine existe. Si je pratique illégalement en Ontario et que je fais de la recherche clinique ou un traitement quelconque sans l'approbation du collège des médecins de l'Ontario, non seulement suis-je pénalisé et je perds mon permis d'exercer, mais si c'est un acte criminel, je peux aussi faire l'objet d'une procédure criminelle. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir une autre loi en plus.

Mme Colleen Beaumier: Mais nous n'avons pas de loi qui dise que le clonage humain aux fins de reproduction est un acte criminel, n'est-ce pas? Je ne comprends pas. Si ce n'est pas prévu dans le Code criminel, comment quelqu'un peut-il faire l'objet d'une procédure au criminel pour avoir contrevenu à vos normes? Je ne suis ni avocate, ni médecin.

Dr André Lalonde: Revenons un peu en arrière. Il n'y avait pas de greffe du coeur il y a 40 ans. Il s'en fait maintenant. Je ne pense pas qu'une loi ait été adoptée au Parlement pour dire qu'un gynécologue ne pourrait pas faire une greffe du coeur, n'est-ce pas?

La présidente: Non, mais je n'aime pas beaucoup votre exemple, docteur Lalonde, parce que la nécessité d'une greffe du coeur révèle une situation de vie ou de mort. C'est l'une des choses qui fait la complexité de ce sujet.

L'infertilité, pour la plupart, n'est pas une affaire de vie ou de mort. C'est l'affaire de quelqu'un qui veut suivre une certaine voie, mais sa vie n'est pas en danger et cette situation ne peut se comparer à celle d'une greffe du coeur, à mon avis.

Dr André Lalonde: Eh bien, cela ferait une discussion philosophique intéressante, parce que je pense que la définition de la santé, c'est le bien-être émotionnel, physique et psychologique d'une personne. Est-ce que nous essayons maintenant de comparer le danger physique avec le danger psychologique, ou de déterminer lequel des deux est le pire?

Je veux dire par là que certaines personnes infécondes...

• 1245

La présidente: Il y a plus simple que la définition de la santé—je suis d'accord avec vous, nous devons avoir cette définition holistique—et c'est la définition de la mort. C'est beaucoup plus clair. Et c'est ce à quoi fait face quelqu'un qui a besoin d'une greffe du coeur, à court ou à long termes.

Docteur Haddad.

Dr Henry Haddad: Si ma mémoire est bonne—elle me fait parfois défaut, à mon âge—nous avons été très près, au Canada, de désigner l'avortement comme une infraction criminelle. L'avortement n'est pas une infraction criminelle, mais certaines activités liées à l'avortement peuvent entraîner des sanctions pénales.

Si mon collègue, le Dr Lalonde, est d'accord avec moi, je pense que c'est le plus près que nous puissions parvenir d'une réponse à la question.

Mme Colleen Beaumier: C'est un terrain glissant sur lequel la plupart d'entre nous n'avons aucune envie de nous aventurer. Cependant, nous savons que vous avez des normes pour cela. Nous savons qu'il y a des médecins qui enfreignent ces normes, et nous n'avons jamais vu de médecins faire l'objet d'accusations au criminel pour cela.

Cependant, je ne tiens pas à en parler. Parlons plutôt d'autre chose, puisque ce temps est à moi.

Me reste-t-il du temps?

La présidente: Il vous en reste.

Mme Colleen Beaumier: Vous avez soulevé un autre aspect intéressant. Vous dites que l'incapacité de procréer peut causer des troubles psychologiques extrêmement graves. Eh bien, à mon avis, ce serait l'indice d'une certaine instabilité de la part de la personne qui voudrait se prévaloir de vos services.

Docteur Leader, vous parlez de consultations que vous avez avec les gens qui viennent vous voir. Combien de candidats rejetez-vous? D'ailleurs, en rejetez-vous?

Dr Arthur Leader: Bien sûr que nous le faisons. Lorsque je m'assieds avec un couple, je lui présente un choix. La première possibilité que je lui présente, c'est de ne rien faire. Il peut accepter sa situation.

La deuxième possibilité que je leur suggère, c'est d'envisager l'adoption. Si vous vivez au Québec, l'adoption internationale est le seul choix qui s'offre. Il faut 25 000 $ pour aller en Chine ou ailleurs. Ceux qui vivent n'importe où ailleurs au Canada ont accès à l'adoption privée, pour environ 8 000 $ ou 10 000 $. L'adoption publique est rare, bien que cela varie.

À part le fait qu'ils veuillent connaître l'expérience de la grossesse—et les femmes, en particulier, veulent savoir ce que c'est que de porter un enfant—beaucoup de couples n'ont pas les moyens d'adopter. Ce sont néanmoins les deux possibilités dont je leur parle.

Ensuite, je leur demande s'ils sont prêts à subir l'enquête. Parce que s'ils renoncent au traitement, si c'est contraire à leurs croyances—et beaucoup de gens ont des croyances qui leur interdisent le traitement—nous ne faisons pas d'enquête. Alors il y a un choix, mais les deux premiers choix sont de ne pas procéder au traitement.

En ce qui concerne l'infertilité, j'ai vu des mariages très solides être brisés parce que l'un des partenaires est stérile. Cela peut avoir d'énormes répercussions sur les familles.

Je sais aussi que dans notre société multiculturelle, certaines cultures ne permettent pas l'utilisation du sperme d'un donneur. C'est la solution la plus facile, à faible coefficient de technologie. Mais alors ils doivent recourir à la conception assistée, parce que leur cadre d'éthique ne permet ni l'adoption, ni l'utilisation du sperme d'un donneur.

Il faut donc examiner chaque cas, ce que nous faisons, et cerner les besoins du couple et ce qu'il est prêt à envisager. Ce n'est pas toujours le traitement.

Pour ce qui est de la question de ce qui devrait être interdit, je ne vois pas de problème à dire que le clonage humain ou le clonage à des fins de reproduction devrait être contrôlé, ou encore qu'il devrait être interdit, mais vous devez le dire sans menacer les auteurs d'infractions à cette règle de prison ou d'amende de 500 000 $.

Il y a déjà un cadre. Nous sommes accrédités, nous avons un permis, notre licence de médecine; Santé Canada et la CSA ont établi des normes pour réglementer l'utilisation de tissus dans ce genre de situation. Ils peuvent citer ces normes et règlements, ce qu'ils ont l'intention de faire, ce qui fait que tous les domaines sont actuellement en voie de développement, et c'est ce qui constituera le cadre de réglementation de ces activités.

Je pense que la question est de savoir si nous devons désigner comme des criminels ces gens—et dans le projet de loi, il y a des cas, que nous citons—qui, par inadvertance... Par exemple, si vous vendez un livre, n'importe quel livre, qui parle du moyen d'avoir des garçons plutôt que des filles, c'est une infraction criminelle en vertu de la loi en vigueur actuellement.

• 1250

Mme Colleen Beaumier: D'accord, mais...

La présidente: Votre temps est écoulé.

J'ai deux autres noms, et il reste neuf minutes. Alors vous aurez chacun quatre minutes et demie, monsieur Manning, puis madame Sgro.

M. Preston Manning: Je n'ai, d'abord, qu'une suggestion à faire à l'Association médicale canadienne, et peut-être pourrez-vous y revenir plutôt que de prendre le temps qui nous reste aujourd'hui.

Docteur Haddad, dans votre échange avec M. Merrifield, lorsqu'il a demandé comment vous pouvez assurer l'imputabilité, vous avez dit qu'une solution serait d'avoir un organisme indépendant, mais qu'il rende compte de ses activités au ministre, à la Chambre.

Le problème, avec cela, c'est que lorsque vous créez cette situation et que le ministre se présente devant la Chambre et se fait poser des questions sur certains problèmes, il dit: «Écoutez, vous avez créé cet organisme indépendant. Ne me posez pas de questions sur lui. C'est vous qui avez dressé ces pare-feu, alors ce n'est pas à moi qu'il faut poser vos questions».

J'aime bien la suggestion du Dr Leader, et je sais que nous en avons parlé auparavant, qui est d'abord de partager l'autorité, puis de créer l'organe de réglementation par-dessus cela. Mais lorsqu'il y a un ministre qui relève du Parlement et l'autre de l'Assemblée législative dans des secteurs de compétence commune, comme l'agriculture et l'environnement, le ministre fédéral dit toujours «Ce n'est pas moi qui ai fait la gaffe, ce sont ces gens des provinces», et à l'Assemblée législative provinciale, le ministre se dresse et dit «Ce n'est pas nous, ce sont les fédéraux».

J'aime bien l'idée d'un organisme réglementaire indépendant, mais peut-être l'Association et certains de vos collaborateurs pourraient-ils dire comment nous pourrions réaliser à la fois l'imputabilité et l'indépendance. Je pense qu'il faut plus que des comptes rendus du ministre à la Chambre.

La question que j'ai à poser est une question pratique sur les coûts. Si nous pouvons respecter le calendrier, ce projet de loi sera présenté au Parlement au printemps prochain. À ce moment-là, pour la première fois en 10 ans, les revenus fédéraux commenceront à baisser parce que nous sommes en récession. Nous aurons un énorme projet de loi pour cette affaire de sécurité internationale et nationale. Alors la question qui sera posée au sujet de tous les projets de loi, mais encore plus au printemps prochain, ce sera: combien ça coûte?

Plusieurs d'entre vous ont mentionné le besoin de fonds pour faciliter les activités de vos organisations, par exemple, une part de la réglementation, de la formulation des règlements, et l'accréditation. Pouvez-vous nous donner une idée de ce qu'il en coûterait d'appliquer la réglementation comme vous le suggérez? Si ce n'est pas possible aujourd'hui, pouvez-vous au moins donner une idée d'où viendraient les fonds pour couvrir ces coûts?

Présumez-vous que ce sera entièrement sur la facture des contribuables? Dans la négative—et je pense que le Dr Leader sait où je veux en venir—le coût de la réglementation pourrait très bien être assumé par le client, ou l'utilisateur des cliniques de fertilité, par exemple, ce qui ferait monter en flèche les coûts déjà prohibitifs des services.

Dr Arthur Leader: Pour répondre à la deuxième question, tout d'abord, l'accréditation est le modèle, il est approuvé, et il est en voie de réalisation. Nous avons créé un processus par lequel c'est autofinancé. Ainsi, l'accréditation est le fondement des centres de délivrance de permis. Il y a un coût, qui sera d'environ 5 000 $ par clinique, mais on prévoit que c'est la clinique qui l'absorbera.

Le registre existe déjà. Il nécessitera probablement très peu de mise de fonds. Nous parlons de quelque chose de l'ordre de 30 à 50 000 $. Je peux donner des précisions sur ce que nous faisons. L'accréditation des professionnels de la santé est déjà financée, dans les divers territoires et provinces, par les membres. Alors, il s'agit surtout d'un coût administratif.

Pour ce qui est des normes relatives au sperme, aux ovules, aux tissus reproductifs et aux embryons de donneurs, il y a un contrat—et je n'en connais pas la valeur—entre Santé Canada et la CSA. Il y a intention de réglementer et d'assurer l'observation de ces normes, qui visent tous les tissus donnés.

Donc, pour ce qui est du coût différentiel de ce qui est en voie de réalisation, je dirais—mais je ne me suis pas encore assis pour le calculer—que ce sera peu en comparaison de ce que cela coûterait si vous faisiez tout vous-mêmes à partir de zéro, ce qui serait énorme. Mais il faut utiliser ce qui a déjà été fait et l'intégrer.

• 1255

La présidente: Merci, monsieur Manning.

Madame Sgro, allez-y. J'apprécierais que vous me laissiez une minute à la fin. J'ai trois ou quatre annonces à faire.

Mme Judy Sgro: D'accord. Je vais m'en tenir à une simple question, alors. Oublions les plus compliquées.

Supposons que nous obtenions que cette loi, après bien des années, soit dans les livres, combien de temps faudrait-il avant que nous la revoyions, étant donné le rythme effarant de l'évolution de la science? Est-ce que ce devrait être trois ans, cinq ans—en supposant que vous pensez qu'il faudrait la revoir une fois qu'elle est adoptée?

Dr Arthur Leader: Il ne faudrait pas que ce soit cinq ans. Pour beaucoup de règlements, deux ans semble être un délai de prescription approprié.

Mme Judy Sgro: Alors il faudrait que ce soit deux ou trois ans.

Dr André Lalonde: Tout change tellement vite.

Mme Judy Sgro: Oui, exactement. Je vous remercie.

Madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup.

Merci à tous les témoins. Nous vous sommes très reconnaissants du travail que vous avez fait, du travail de préparation pour cette réunion et du travail que vous faites en coulisse avec le gouvernement tandis que nous essayons de préparer le pays à ceci. Il se peut que nos attachés de recherche aient des questions à poser après avoir revu votre témoignage, alors ils voudront peut-être communiquer avec vous pour vous demander des précisions. J'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Merci beaucoup de nous avoir accordé de votre temps.

Membres du comité, tel que promis, le sommaire de la preuve, de la première réunion de septembre jusqu'à la pause de l'Action de grâces, a été préparé et va vous être remis maintenant.

Ensuite, il semble que la question de la maternité de substitution suscite beaucoup de trouble, alors j'ai demandé au greffier d'extraire les chapitres sur la maternité de substitution du rapport de la Commission royale. Ce rapport, comme vous le savez, est assez déconcertant et il est à peu près gros comme ça. Mais j'ai fait extraire ce chapitre particulier pour vous pour que vous puissiez le lire.

De plus, je ne sais pas si vous voulez reporter cela à demain, mais nous avons reçu cette lettre des ministres qui nous demandent d'examiner la question de l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés. Je dois leur répondre. Voulez-vous en parler maintenant ou attendre demain? Nous pourrions seulement avoir une motion selon laquelle je dois écrire une lettre pour dire que nous serons heureux de le faire lorsque nous en aurons terminé avec ce dossier-ci.

Mme Judy Sgro: Je propose que nous examinions la question une fois que nous aurons réussi à terminer ce que nous avons commencé. Pouvons-nous fixer une échéance?

La présidente: C'est une motion recevable.

Êtes-vous prêts à en discuter?

Des voix: D'accord.

La présidente: C'est bien. Une motion a été proposée pour que nous répondions positivement aux quatre ministres qui nous ont demandé d'examiner la question de l'étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés. Mme Sgro propose que nous répondions aux ministres par l'affirmative, et que j'écrive une lettre à cet effet.

Êtes-vous prêts à passer au vote?

Voulez-vous dire quelque chose, monsieur Merrifield?

M. Rob Merrifield: Oui. Vous allez dire oui, mais après que nous ayons terminé avec ceci.

La présidente: Oh, oui, j'avais oublié. Dans la formulation de la motion, ajoutez «lorsque nous aurons terminé les travaux en cours».

Mme Judy Wasylycia-Leis: Ceci est l'ébauche du projet de loi au sujet duquel nous allons essayer de faire un rapport d'ici à décembre. À l'origine, le ministre a dit que le vrai projet de loi reviendrait au comité au début de la nouvelle année, alors on peut penser que cela prendra du temps aussi.

La présidente: Nous aurons probablement du temps pour commencer l'examen des aliments génétiquement modifiés. Ensuite, il nous faudra peut-être interrompre ces travaux-là pour procéder à l'étude article par article du projet de loi, s'ils vont aussi vite qu'ils le prévoient.

Je pense que ce qui est important, c'est de dire notre intention aux ministres.

(La motion est adoptée—Voir le Procès-verbal)

La présidente: Merci beaucoup.

Il y a une dernière chose. Je regrette le changement à la réunion dont nous avions convenu, qui devait être lundi soir. Je l'ai appris tard vendredi, et le greffier a essayé de vous en avertir. Dès que je saurai quoi que ce soit, il vous en informera par courriel.

• 1300

Il semble que le ministre doive maintenant venir à 9 heures jeudi. La réunion aura lieu dans la pièce 253D. Puisque ce n'est pas notre lieu habituel de réunion, ce qui est malheureux, c'est que si nous allons voir le ministre pendant deux heures, ce sera suivi de deux heures ici.

Je vous suggère de posez des questions très succinctes, parce que quatre heures d'affilée, c'est très dur pour tout le monde. Nous avons aussi beaucoup de gens qui doivent venir à 11 heures.

La séance est levée. Je vous remercie.

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