HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 11 juin 2002
Á | 1105 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
La présidente |
Le greffier du comité |
La présidente |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne) |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Mme Maria Barrados (vérificatrice générale adjointe, Bureau du vérificateur général) |
Á | 1110 |
La présidente |
M. Ian Shugart (sous-ministre adjoint, Direction générale de la politique de la santé et des communications, ministère de la Santé) |
Á | 1115 |
La présidente |
M. Glenn Rivard (conseiller législatif principal, ministère de la Justice) |
La présidente |
M. Gerald Chipeur (avocat, témoignage à titre personnel) |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
Mme Maria Barrados |
Á | 1120 |
M. Rob Merrifield |
M. Ian Shugart |
M. Rob Merrifield |
M. Ian Shugart |
Á | 1125 |
M. Rob Merrifield |
M. Glenn Rivard |
M. Ian Shugart |
La présidente |
M. Gerald Chipeur |
Á | 1130 |
La présidente |
M. Alan Gilmore (directeur principal, Bureau du vérificateur général) |
La présidente |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
Mme Maria Barrados |
M. Paul Szabo |
Á | 1135 |
Mme Maria Barrados |
La présidente |
M. Ian Shugart |
Á | 1140 |
M. Paul Szabo |
M. Ian Shugart |
M. Paul Szabo |
M. Ian Shugart |
Á | 1145 |
La présidente |
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne) |
M. James Lunney |
M. Ian Shugart |
M. James Lunney |
Á | 1150 |
M. Glenn Rivard |
M. James Lunney |
M. Gerald Chipeur |
M. James Lunney |
M. Ian Shugart |
Á | 1155 |
M. Glenn Rivard |
La présidente |
M. Alan Gilmore |
M. James Lunney |
M. Ian Shugart |
La présidente |
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.) |
 | 1200 |
M. Ian Shugart |
Mme Francine Manseau (analyste principale des politiques, Direction générale de la politique de la santé et des communications, Division des projets spéciaux, ministère de la Santé) |
M. Ian Shugart |
Mme Judy Sgro |
M. Ian Shugart |
Mme Judy Sgro |
M. Ian Shugart |
Mme Judy Sgro |
 | 1205 |
M. Ian Shugart |
La présidente |
Mme Carol Skelton |
M. Ian Shugart |
 | 1210 |
Mme Carol Skelton |
La présidente |
Mme Carol Skelton |
M. Gerald Chipeur |
 | 1215 |
La présidente |
M. Glenn Rivard |
La présidente |
Mme Carol Skelton |
La présidente |
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.) |
La présidente |
Mme Hélène Scherrer |
La présidente |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
 | 1220 |
M. Ian Shugart |
Mme Hedy Fry |
 | 1225 |
M. Ian Shugart |
Mme Hedy Fry |
M. Ian Shugart |
M. Glenn Rivard |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
Mme Maria Barrados |
 | 1230 |
M. Rob Merrifield |
Mme Maria Barrados |
M. Rob Merrifield |
Mme Maria Barrados |
M. Rob Merrifield |
Mme Maria Barrados |
M. Rob Merrifield |
Mme Maria Barrados |
M. Rob Merrifield |
Mme Maria Barrados |
M. Rob Merrifield |
Mme Maria Barrados |
M. Rob Merrifield |
Mme Maria Barrados |
La présidente |
M. Ian Shugart |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Paul Szabo |
Mme Maria Barrados |
La présidente |
M. Gerald Chipeur |
M. Paul Szabo |
 | 1235 |
M. Glenn Rivard |
La présidente |
 | 1240 |
Mme Hedy Fry |
La présidente |
M. Glenn Rivard |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
Mme Maria Barrados |
 | 1245 |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Gilmore |
Mme Maria Barrados |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
 | 1250 |
M. Glenn Rivard |
M. Rob Merrifield |
M. Glenn Rivard |
M. Ian Shugart |
M. Glenn Rivard |
M. Ian Shugart |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
M. Glenn Rivard |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Gilmore |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
Mme Francine Manseau |
M. Rob Merrifield |
Mme Francine Manseau |
 | 1255 |
M. Rob Merrifield |
Mme Francine Manseau |
M. Ian Shugart |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
M. Paul Szabo |
La présidente |
· | 1300 |
M. Ian Shugart |
La présidente |
M. Ian Shugart |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 juin 2002
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): J'ai le plaisir de déclarer la séance ouverte.
Avant de commencer à entendre les témoins, je voudrais attirer votre attention sur le budget de fonctionnement que vous avez devant vous et dont nous avons désespérément besoin. En effet, si nous voulons continuer à recevoir des témoignages, nous devons disposer de fonds pour payer les frais des témoins. Je serais donc heureuse de recevoir une motion pour le montant demandé, que vous voyez dans la case noire, en haut, 29 500 $. La motion est proposée par Mme Thibeault et appuyée par M. Ménard. Y a-t-il des questions au sujet du budget?
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Est-ce que le montant paiera les frais de cette semaine? Je vois que nous avons dix témoins.
La présidente: Oui. C'est juste pour nous assurer--
Le greffier du comité: Il y aura plus de dix témoins, mais beaucoup d'entre eux n'auront pas de frais, parce qu'ils sont de la région.
La présidente: Ils vivent à Ottawa.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): J'avais la même question, madame la présidente. Est-ce que ce montant sera suffisant?
La présidente: Très bien. Nous allons maintenant passer au vote.
(La motion est adoptée)
La présidente: M. Ménard m'a remis un avis de motion.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Je ne veux pas qu'on fasse le débat. Je veux simplement lire la motion, et on pourra la mettre aux voix à la prochaine séance, conformément à notre Règlement. Je crois qu'elle va susciter l'unanimité. C'est une motion de justice.
Il est proposé: |
Que le Comité permanent de la santé blâme sévèrement la ministre Anne McLellan pour son refus de comparaître de nouveau devant le comité pour défendre ses crédits. Le comité y voit un manque de respect à l'endroit des parlementaires, un déni de la responsabilité ministérielle et une arrogance inqualifiable. |
Que le Président de la Chambre soit saisi de cette question. |
C'est ma motion, et nous en discuterons demain.
[Traduction]
La présidente: Au sujet de la toute première partie, monsieur Ménard, dites-vous que nous devons envoyer une lettre à cet effet? Quelle forme voulez-vous donner à ce blâme?
[Français]
M. Réal Ménard: On va voter; cela va prendre la forme d'un vote. Cependant, vous étiez mandatée pour communiquer avec la ministre.
[Traduction]
La présidente: Le greffier me dit que, si nous adoptons cette motion, il faudrait adresser une lettre à la ministre. C'est très bien, je vous remercie, monsieur Ménard. Nous inscrirons la motion à l'ordre du jour de jeudi. Aujourd'hui, ce n'était qu'un avis de motion.
Nous abordons maintenant le travail courant du comité. Vous avez devant vous la liste de nos témoins. Les deux premiers sont Maria Barrados et Alan Gilmore, du Bureau de la vérificatrice générale du Canada. Je vais leur demander de présenter leurs observations sur les dispositions particulières qui nous intéressent, selon les indications que le greffier leur a données.
Mme Maria Barrados (vérificatrice générale adjointe, Bureau du vérificateur général): Merci beaucoup, madame la présidente. Nous vous remercions de nous avoir invités à vous aider dans vos délibérations sur le projet de loi C-56, Loi concernant la procréation assistée.
Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Alan Gilmore, directeur principal, qui sera heureux de répondre aux questions sur la réglementation. Aujourd'hui, mes commentaires porteront sur les questions de reddition de comptes.
Á (1110)
[Français]
Le Bureau du vérificateur général ne fait pas de commentaires sur des questions de politique, et nous avons pour principe de ne pas faire de commentaires sur des aspects particuliers d'un projet de loi. Cependant, nous pouvons peut-être aider les membres du comité au sujet de certaines questions liées au projet de loi C-56, comme l'obligation de rendre compte au Parlement à laquelle sera soumise la nouvelle Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée.
En vertu de l'article 74 du projet de loi, l'agence sera incluse à l'annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques. L'agence sera un établissement public, ce qui veut dire que la vérificatrice générale a le plein mandat d'effectuer des vérifications d'optimisation des ressources ainsi que la vérification financière de l'agence.
[Traduction]
L'utilisation d'un conseil d'administration comme organe directeur est l'une des principales différences entre un établissement public et un ministère. L'Agence sera régie par un conseil d'administration dont les membres travailleront à temps partiel et seront nommés par le gouverneur en conseil, de manière à refléter le mieux possible un éventail de milieux et de disciplines pertinents aux objectifs de l'Agence. Les sous-ministres, ou les personnes qu'ils désigneront, des ministères fédéral et provinciaux de la Santé assisteront aussi aux réunions du conseil et auront le droit de discuter de toutes les questions étudiées.
Le projet de loi contient des dispositions limitées sur la reddition de comptes. Cependant, comme elle est désignée en tant qu'établissement public dans la Loi sur la gestion des finances publiques, l'agence sera soumise aux divers mécanismes redditionnels qui s'appliquent aux ministères. Il s'agit du rapport sur les plans et priorités, du rapport sur le rendement et de toutes les politiques du Conseil du Trésor qui s'appliquent aux entités définies comme étant des ministères aux fins de la Loi sur la gestion des finances publiques. De plus, l'Agence sera ajoutée aux annexe énumérant les institutions gouvernementales visées par la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[Français]
En tant que documents budgétaires, le Rapport sur les plans et les priorités et le Rapport sur le rendement contiennent de l'information importante sur le rendement qui est essentielle pour que le Parlement puisse effectuer un examen efficace des dépenses gouvernementales. Le Rapport sur les plans et les priorités établit les attentes en matière de rendement et décrit l'orientation générale que le ministre veut donner au ministère au cours de l'exercice budgétaire et des deux années suivantes. Le Rapport sur le rendement présente de l'information sur les résultats obtenus au service des Canadiens.
[Traduction]
Un bon rapport sur le rendement décrit le rendement de l'organisation. Il indique au Parlement quels résultats positifs l'organisation a produits pour les Canadiens, en présentant un tableau cohérent du rendement. Un bon rapport sur le rendement est fondamental pour assurer une reddition de comptes efficace au Parlement.
Comme point de départ, il est important d'énoncer clairement les buts et les objectifs de l'organisation. Cela constitue la base d’un bon rapport sur le rendement, qui doit respecter certaines exigences. Le rapport doit donner de l’information claire et pertinente sur le contexte opérationnel et les résultats stratégiques. En matière d’information sur le rendement, les parlementaires devraient s’attendre aux quatre éléments suivants: les attentes à l’égard du rendement sont claires et concrètes et mettent l’accent sur les conséquences, c’est-à-dire sur les résultats pour les Canadiens; les principaux résultats sont communiqués par rapport aux attentes et démontrent l’apport de l’organisation aux résultats présentés; la fiabilité de l’information sur le rendement est étayée par des preuves qui en garantissent l’exactitude; l’utilisation de l’information sur le rendement est démontrée, d’où une amélioration des résultats.
La nouvelle agence fonctionnera dans le cadre redditionnel des ministères, qui est bien établi. Cependant, comme les autres ministères et organismes, elle devra aussi arriver à produire de bons rapports sur le rendement pour le Parlement.
Madame la présidente, voilà qui conclut ma déclaration d’ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions du comité.
La présidente: Je vous remercie, madame Barrados.
La parole est maintenant aux représentants du ministère de la Santé, M. Shugart, accompagné de M. Rivard.
M. Ian Shugart (sous-ministre adjoint, Direction générale de la politique de la santé et des communications, ministère de la Santé): Merci, madame la présidente.
Compte tenu de nos derniers témoignages devant le comité, nous avons cru bon de ne pas prendre du temps pour faire une longue déclaration sur la question de la responsabilité et de la reddition de comptes. En fait, je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce que vient de dire la vérificatrice générale adjointe. Il est vrai que les détails de la responsabilité ne sont pas précisés dans le projet de loi, pour les raisons mentionnées par Mme Barrados. Les principes de fonctionnement et les dispositions relatives à la responsabilité prévus à l’annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques s’appliquent clairement à l’Agence, dans la structure envisagée. Par conséquent, si vous voulez bien, nous allons nous en tenir là et rester à votre disposition pour répondre aux questions et vous être aussi utiles que possible.
Á (1115)
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Rivard, du ministère de la Justice, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Glenn Rivard (conseiller législatif principal, ministère de la Justice): Je dirai tout simplement que je suis d'accord avec les deux orateurs précédents. La question de la responsabilité est couverte puisque que l'agence sera inscrite à l'annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques.
La présidente: Très bien, je vous remercie.
Monsieur Chipeur, vous avez la parole.
M. Gerald Chipeur (a vocat, témoignage à titre personnel): Merci beaucoup. Je suis ici pour répondre à toute question que le comité voudra bien me poser.
La présidente: Très bien.
D'une façon générale, nous devons discuter des dispositions du projet de loi qui s'écartent des recommandations du comité. Je ne sais pas s'il y a des témoins qui veulent présenter des commentaires sur cette question particulière.
S'il n'y a personne, je vais céder la parole à M. Merrifield. Nous en sommes aux accords d'équivalence, à la responsabilité et à l'agence.
M. Rob Merrifield: Je vous remercie.
J'ai quelques questions à poser. Je crois que l'agence nous permettra de faire la transition vers le XXIe siècle, d'une façon qui gagnera ou non la confiance des Canadiens. La transparence et la responsabilité de l'agence constituent des questions vraiment critiques que nous devons examiner maintenant. À ce stade, nous avons encore la possibilité de mettre au point toutes ces dispositions d'une manière qui nous rapprochera de notre objectif. C'est le but que le comité vise et qu'il a travaillé fort pendant l'année dernière pour atteindre. C'est l'orientation que nous voulons prendre.
Quant aux différences qu'il y a entre notre rapport majoritaire et les dispositions du projet de loi, j'ai deux façons de voir les choses. Voici l'agence, voici sa structure et sa composition. Et, une fois formée, voici comment elle s'acquittera de la tâche dont nous l'avons chargée.
Il y a des différences considérables en ce qui concerne la composition de l'agence. Nous avons travaillé fort et longtemps--parce que l'avant-projet de loi n'abordait presque pas cette question--pour tenter de concevoir une structure dans laquelle agence serait responsable, ferait ce qu'on attend d'elle et serait transparente et fiable. Nous avons examiné les modalités adoptées par la Grande-Bretagne, qui tient compte du point de vue de tous les intérêts spéciaux. Il y a un autre domaine dans lequel le comité a formulé des recommandations. Nous voulions une agence dont les membres seraient un peu comme des juges, choisis parmi les hommes et les femmes les plus sages du pays, avec une proportion de 50 p. 100 de femmes et une expérience leur permettant de reconnaître les intérêts exprimés devant eux. À notre avis, c'était le moyen le plus judicieux de constituer cette agence.
J'aimerais connaître le point de vue, d'abord, du Bureau de la vérificatrice générale, parce que c'est un aspect que vous avez sans doute examiné. Je voudrais également connaître les motifs pour lesquels le ministère a choisi de procéder comme il l'a fait plutôt que d'accepter nos recommandations. Je voudrais ensuite connaître les commentaires de M. Chipeur sur la meilleure façon de procéder ou sur toute autre question qui l'intéresse.
Mme Maria Barrados: Comme vous le savez, notre Bureau a formulé beaucoup d'observations sur la création d'agences. Nos préoccupations étaient centrées sur le manque de responsabilité, le manque de transparence, le manque d'accès à l'information. Toutefois, l'agence décrite dans le projet de loi ne fait pas partie des organismes qui nous inquiètent. Elle est établie dans le cadre de la Loi sur la gestion des finances publiques, et toutes les politiques ainsi que toutes les procédures budgétaires sont précisées. Nous n'avons donc pas les mêmes préoccupations relatives à la responsabilité et à la transparence que dans le cas des bourses du millénaire ou de la Fondation canadienne pour l'innovation, par exemple.
Je crois que votre question porte en particulier sur la composition du conseil d'administration, qui est décrite dans le projet de loi. En réalité, je n'ai pas d'observations à formuler à ce sujet.
Á (1120)
M. Rob Merrifield: Je voulais juste avoir votre avis.
Il serait peut-être intéressant de savoir pourquoi le ministère a choisi cette façon de procéder plutôt que les modalités que nous avons recommandées.
M. Ian Shugart: Je voudrais d'abord souligner qu'à mon avis, il n'y a pas tellement de différences de perspective dans la façon dont l'agence, et en particulier son conseil d'administration, s'acquitteraient de leur mandat. Les dispositions concernant la composition du conseil d'administration ont pour objet de former un conseil qui, dans la mesure du possible, représente une variété demilieux et de disciplines utiles à la mission del’agence, au lieu de représenter une variété d'intérêts utiles à cette mission. Je crois que la diversité de l'expertise et des perspectives est importante au sein du conseil afin qu'il soit bien équipé pour prendre des décisions sur les questions qui lui sont soumises. Pour que ces décisions soient éclairées et bien pensées, il est nécessaire d'avoir une variété de perspectives combinant les sciences, l'éthique, le droit, les considérations internationales et ainsi de suite.
Bien sûr, le mandat de l'agence consistera à délivrer des autorisations. Je ne tiens pas, compte tenu de la présence ici de mon collègue de la Justice, à mettre l'accent sur le fait que l'agence a des fonctions quasi judiciaires. En fait, en délivrant des autorisations, elle assume clairement une fonction réglementaire. En ce sens, elle entend les arguments des parties et prend des décisions. Par conséquent, les représentants des différents intérêts se présenteront devant l'agence pour obtenir les décisions qu'ils souhaitent.
Je ne crois donc pas que la question soit parfaitement tranchée ni qu'on ait adopté un modèle plutôt qu'un autre. L'idée de départ était que, pour obtenir de sages décisions, il fallait que le conseil d'administration se compose d'hommes et de femmes ayant différent points de vue, de façon à refléter la diversité de la population canadienne ainsi que les différentes disciplines en cause. La distinction entre les antécédents, les disciplines et les intérêts représentés au sein du conseil d'administration était, à notre avis, d'une grande importance.
M. Rob Merrifield: Si c'était là l'intention--et je vous crois sur parole--, il y aurait peut-être un moyen de préciser, dans le projet de loi, certaines des choses qui devraient être représentées par l'agence. Nous voulons être sûrs que les décisions ne se fonderont pas exclusivement sur des considérations scientifiques et tiendront compte des nombreux éléments en jeu, puisque le projet de loi couvre tant d'autres domaines. Voilà pourquoi nous sommes mal à l'aise. Le comité tient beaucoup à ce que tout le monde soit représenté autour de la table et à ce qu'il n'y ait pas un seul domaine qui l'emporte sur tous les autres.
M. Ian Shugart: J'en prends bien note. Mon collègue aura peut-être des observations à présenter sur cette question, du point de vue de la rédaction législative. Vous avez parfaitement raison, les milieux et les disciplines en cause ne sont pas énumérés. Il nous semblait que l'expression «utiles à la mission de l'agence» suggérerait les incidences de santé et de sécurité ainsi que les incidences éthiques, sociales et scientifiques des questions qui se posent, dans le cadre du mandat de l'agence. Bien sûr, il appartiendra au comité de décider si c'est le cas.
Á (1125)
M. Rob Merrifield: Je vous demande de considérer les choses de notre point de vue. Nous avons une agence qui est en fait constituée par la ministre, qui relève d'elle et qui, conformément à l'article 25, peut recevoir d'elle l'ordre de faire n'importe quoi. C'est en outre la ministre qui procède aux nominations. Nous avons besoin ici d'une certaine responsabilité et d'une certaine transparence. Voilà pourquoi nous sommes mal à l'aise. Il faudrait, d'une façon ou d'une autre, préciser certaines choses. Je ne crois pas du tout que le projet de loi aille à l'encontre de nos intentions, mais il faudrait qu'il contienne certaines précisions. Une fois adoptée, cette loi restera en vigueur pendant des années. Nous avons maintenant l'occasion d'y inscrire les dispositions appropriées.
M. Glenn Rivard: Permettez-moi d'aborder la question de la transparence dans les nominations. En fait, c'est le gouverneur en conseil qui procède aux nominations. Celles-ci sont publiques: ainsi, chacun saura qui est nommé et pourra examiner son milieu, son expérience, etc., pour déterminer s'ils satisfont aux critères énoncés dans le projet de loi et mentionnés par M. Shugart et, en somme, si le conseil d'administration représente une variété suffisante de milieux et de disciplines.
M. Ian Shugart: Madame la présidente, permettez-moi d'aller un peu plus loin dans ma réponse concernant la composition du conseil d'administration. Je veux parler du sous-ministre fédéral et de l'un des sous-ministres provinciaux de la Santé. Vous nous avez demandé de concentrer nos observations sur les différences avec les recommandations du comité. Je voudrais répéter, une fois de plus, que les dispositions du projet de loi ne se conforment pas toujours à un modèle particulier. Nous avions l'impression--et cela s'est confirmé au cours de nos discussions avec les provinces--qu'il était important, d'une part, de ne pas empiéter sur les compétences provinciales et, de l'autre, d'établir un lien pour assurer la circulation de l'information provenant des délibérations du conseil d'administration entre le gouvernement fédéral et les provinces. Les sous-ministres ou leurs représentants désignés n'ont cependant pas le droit de vote, ils sont essentiellement là à titre d'observateurs. J'ai cru bon de mentionner ce fait concernant la composition du conseil d'administration.
La présidente: Monsieur Chipeur.
M. Gerald Chipeur: Je crois que cette discussion met en évidence l'un des problèmes que j'ai mentionnés la dernière fois, c'est-à-dire la question des conflits de compétences. C'est une question sérieuse car au lieu d'avoir, comme nous le voulons, un organisme national, nous pourrions voir neuf provinces se retirer, ce qui nous laisserait un organisme national ne représentant qu'une seule province. Il y a aussi la question des qualités des administrateurs qui seront nommés à l'agence. Quelles seront leurs fonctions? Si leur travail est essentiellement quasi législatif, s'ils ont surtout à déterminer ce qui est exempté et ce qui est permis, c'est-à-dire ce qui ne sera pas considéré comme une infraction criminelle, le Parlement n'aura fait que déléguer sa responsabilité d'élaborer les dispositions du Code criminel du Canada.
Par ailleurs, si l'agence doit s'occuper des questions que doivent trancher les commissions d'éthique des hôpitaux locaux, il y aura alors conflit de compétences, car ce domaine relève des provinces. La présence, au conseil d'administration, de deux sous-ministres ne fera que confirmer mon argument: la loi est fondamentalement viciée parce qu'elle n'aborde pas la question des préoccupations nationales. S'il y a effectivement des préoccupations nationales, si le Parlement fédéral décide qu'il doit intervenir, d'après la Constitution, il ne peut pas prévoir une exemption. Il faut donc trancher d'un côté ou de l'autre, mais vous avez plutôt créé quelque chose qui ressemble à cette créature mi-homme mi-sirène appelée le «merman de Banff». Le projet de loi se situe à mi-chemin, ce qui n'a jamais été envisagé dans notre Constitution.
La discussion qui se déroule ici aujourd'hui met en évidence les difficultés que connaîtra l'agence quand elle tentera de s'acquitter de son mandat à l'avenir. Je crois bien que vous avez besoin d'une plus grande clarté pour ce qui est des qualités et des responsabilités des personnes qui siégeront au conseil d'administration de l'agence. Autrement, vous aurez des conflits de compétences, tant sur le plan du Code criminel que sur celui des compétences fédérales et provinciales.
Á (1130)
La présidente: Monsieur Gilmore.
M. Alan Gilmore (directeur principal, Bureau du vérificateur général): Pour aborder un aspect un peu plus détaillé du projet de loi, je voudrais parler des nominations à temps partiel prévues dans le projet de loi en me fondant sur notre expérience des organismes de réglementation. Nous sommes ici en présence d'une agence qui a d'importantes responsabilités de réglementation. En même temps, les nominations ne doivent pas dépasser trois ans, même s'il y a des chevauchements. Les administrateurs sont nommés à titre amovible. Si vous vous souciez de l'indépendance d'un organisme de réglementation, vous avez intérêt à nommer des membres à temps plein avec des mandats assez longs et des nominations à titre inamovible. L'indépendance des membres est réduite quand la nomination est à temps partiel et à titre amovible et que les mandats sont courts et renouvelables.
J'ajouterai en outre un autre point que vous connaissez peut-être: les lignes directrices sur les conflits d'intérêts qui s'appliquent aux personnes nommées par le gouverneur en conseil ne touchent officiellement que les nominations à temps plein. Je crois savoir que le conseiller en éthique étend l'application de ces lignes directrices aux employés à temps partiel, mais, pour votre gouverne, cela n'est pas officiellement prévu dans les lignes directrices.
La présidente: Cela nous donne à réfléchir.
Merci, monsieur Merrifield.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie.
Madame Barrados, vous avez dit dans votre déclaration que l'agence serait inscrite à l'annexe II de la Loi sur la gestion des finances publiques, que le Bureau de la vérificatrice générale aurait le mandat d'effectuer des vérifications de l'optimisation des ressources ainsi que la vérification financière de l'agence. Je crois que nous comprenons ce qu'implique une vérification financière. Toutefois, essayez-vous, lorsque vous procédez à une vérification, de déterminer si l'agence s'est acquittée de son mandat, si elle l'a respecté et si elle dispose des moyens et de l'expertise nécessaires pour faire son travail?
Mme Maria Barrados: Comme vous le savez, les vérifications de l'optimisation des ressources ont une portée très étendue. Nous examinons l'organisme en cause, nous faisons une évaluation des risques qu'il court, ainsi qu'une analyse détaillée de ces risques. Tous les secteurs de conformité que vous avez mentionnés--moyens, efficacité, efficience, toute question que nous jugeons importante à l'exception de la politique elle-même--feraient partie de notre vérification.
M. Paul Szabo: Je vous remercie.
Au paragraphe 40(2), le projet de loi dit ce qui suit de l'administration de l'agence:
L’autorisation visant l’utilisation d’unembryon in vitro à des fins de recherche nepeut être délivrée que si l’Agence est convaincueque l’utilisation est nécessaire pour larecherche en cause. |
J'insiste sur le mot «convaincue». À ce sujet, le rapport du comité sur l'avant-projet de loi contenait une recommandation plus précise: d'une façon générale, aucune autorisation ne devrait être délivrée à moins qu'il ne puisse être clairement démontré qu'aucun autre matériel biologique ne peut servir à la recherche. Cela revient à la définition de ce qu'on appelle nécessaire. De plus, la ministre a dit ce qui suit dans son discours à l'étape de la deuxième lecture:
Les règlements exigeraient que les chercheurs travaillant sur des cellules souches embryonnaires fassent autoriser chacun de leurs projets par l'organisme de réglementation. Ils seraient également tenus de faire approuver par un conseil d'éthique réputé toute proposition de projet et de prouver que leurs besoins ne peuvent être satisfaits auprès d'aucune autre source. |
Il semble y avoir une distinction entre «convaincueque l’utilisation est nécessaire» et «doit faire» telle ou telle chose. En fait, la déclaration de la ministre semble suggérer que la décision sur la question de savoir si l'utilisation est nécessaire peut être prise par un comité local d'éthique de la recherche, ce qui signifie que cette décision est déléguée à quelqu'un d'autre. Croyez-vous que, pour vous acquitter de vos responsabilités concernant le mandat de l'agence, vous devez mieux comprendre ce que signifie l'expression «convaincueque l’utilisation est nécessaire»?
Á (1135)
Mme Maria Barrados: Monsieur Szabo, je ne suis vraiment pas en mesure de formuler des observations sur ces détails. Je n'ai pas suffisamment d'information sur le sujet. D'une façon générale, cependant, il nous est toujours plus facile de faire notre travail lorsque nous savons clairement ce qu'un organisme doit faire ainsi que les exigences particulières qui pourraient prêter à controverse. Pour nous acquitter de nos fonctions, nous examinons très soigneusement les dispositions législatives. Nous examinons également les discussions et les délibérations dont ces dispositions ont fait l'objet. En effet, nous n'inventons pas les critères; nous nous appuyons plutôt sur ce que le Parlement nous a donné. Par conséquent, de notre point de vue, plus il y a de clarté, mieux nous pouvons faire notre travail.
La présidente: M. Shugart a des observations à formuler à ce sujet.
M. Ian Shugart: L'intention ici était de compter le moins possible sur le matériel qui peut occasionner le plus de difficultés sur le plan éthique, si je peux m'exprimer ainsi. Autrement dit, l'intention était celle du comité. Nous nous sommes efforcés d'exprimer cette intention dans un libellé aussi proche que possible de celui de la loi britannique. Nous avons cru utile de nous servir de ce libellé basé sur dix ans d'expérience dans ce domaine. Nous l'avons donc emprunté pour exprimer l'intention du comité.
Pour ce qui est du lien entre la responsabilité de l'agence et celle des comités d'éthique de la recherche, il faut dire qu'une proposition ou une demande d'autorisation ne pourrait même pas parvenir à l'agence ou à un organisme de financement avant d'avoir reçu l'approbation d'un comité local d'éthique de la recherche. Certains établissements ont d'ailleurs deux de ces comités. Par exemple, dans un hôpital universitaire, il peut y avoir un comité pour l'hôpital et un autre pour la faculté de médecine du centre universitaire. Les organismes subventionnaires n'examinent pas des demandes de financement qui ne sont pas accompagnés d'une attestation d'approbation du comité d'éthique de la recherche. Par conséquent, l'agence ne délègue pas ses pouvoirs à un tel comité. En fait, lorsqu'elle prend une décision, elle va presque certainement tenir compte des délibérations du comité sur la demande en cause. Cela ne signifie pas que l'approbation du comité entraîne automatiquement l'approbation de l'agence, mais il n'y a pas de doute que l'agence en tiendra compte.
Glenn a peut-être d'autres observations, mais il n'y a pas d'intention, et je ne vois aucune disposition à cet effet dans le projet de loi, de déléguer cette responsabilité de l'agence à un autre organisme.
Á (1140)
M. Paul Szabo: Très bien, cela revient à dire que toute recherche doit normalement passer par un comité d'éthique de la recherche. C'est ainsi qu'il en a été dans le passé et cela se poursuivra l'avenir. Nous en tiendrons compte. Si le comité dit non, la demande ne parviendra jamais à l'agence. Mais comment celle-ci s'acquitte-t-elle de sa responsabilité, c'est-à-dire se convainc de la nécessité de l'utilisation? Que doit-elle faire d'autre pour être convaincue que la recherche est nécessaire et qu'aucun autre matériel biologique non embryonnaire ne peut permettre d'atteindre le même objectif? Le comité d'éthique de la recherche n'aborde pas cette question. Quelqu'un doit le faire. Qui donc le fera?
M. Ian Shugart: C'est l'agence qui prend la décision en bout de ligne. L'agence doit être convaincue, que le comité ait abordé la question ou non. Compte tenu du fait que les principales lignes directrices sur éthique de la recherche mentionnent en fait le même principe--s'il est possible d'utiliser un matériel biologique posant moins de difficultés sur le plan éthique, il convient de choisir les moyens qui occasionnent le moins de problèmes--, le comité d'éthique de la recherche devrait appliquer le même principe dans le cadre de son examen. Je crois qu'il le ferait, de sa propre initiative, pour s'acquitter de son mandat. S'il ne le fait pas, vous avez tout à fait raison, l'agence doit explicitement en arriver elle-même à une conviction à ce sujet. Si le comité d'éthique de la recherche a déjà examiné la question, l'agence pourrait ne pas aboutir à des conclusions différentes.
M. Paul Szabo: Supposons que l'agence n'a pas l'expérience ou l'expertise nécessaire pour prendre une décision parce que ses membres ne s'occupent pas de recherche sur une base quotidienne et ne sont donc pas au courant de ce qui se passe ailleurs. Comment fera-t-elle pour savoir s'il existe ou non une source non embryonnaire de cellules souches permettant d'atteindre les mêmes objectifs de recherche? À qui pourra-t-elle le demander? Comment fera-t-elle pour s'assurer de l'indépendance et de la compétence de la personne consultée?
M. Ian Shugart: L'agence aurait besoin de sources d'expertise pour les questions générales. Autrement dit, elle devrait développer l'expertise ou trouver des sources d'expertise dans les cas généraux. Elle devrait se tenir au courant des progrès de la science dans ce domaine et avoir accès aux connaissances sur une base quasi permanente. Elle aurait ensuite à trouver des experts pouvant se prononcer sur l'application particulière dont elle est saisie. Le débat qui se déroule actuellement dans les milieux scientifiques au sujet de la plasticité des cellules embryonnaires et des cellules souches d'adultes constitue un excellent moyen d'illustrer ce point. Il y a des points de vue divergents sur cette question. Si l'agence ne consulte, parmi ses sources d'expertise, que les chercheurs partisans de l'un des deux points de vue de ce débat scientifique, il serait évident qu'elle n'aurait pas fait son devoir. Si elle ne s'intéresse qu'à un seul point de vue, il serait clair qu'elle veut aboutir à un résultat particulier.
Il est vrai que les administrateurs de l'agence ne seront pas eux-mêmes des praticiens renommés car, autrement, nous irions à l'encontre des voeux du comité, qui préfère que les décisions ne soient pas confiées à d'éminents chercheurs. Par conséquent, les administrateurs auront besoin d'expertise sur une base continue et devront prévoir des méthodes, des dispositions et des processus pour en disposer. Dans une certaine mesure, ils auront les mêmes besoins s'il y a un manque d'expertise sur une question particulière lors de l'examen régulier par les pairs des demandes de subventions. Qu'il s'agisse d'une décision de financement ou d'un examen de l'éthique de la recherche, il est courant d'aller chercher des personnes de l'extérieur, comme d'éminents experts spécialisés dans le domaine en cause, pour connaître leur point de vue. C'est donc ainsi que cela fonctionnerait, monsieur Szabo.
Á (1145)
La présidente: Merci.
Madame Skelton.
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Je vais céder la parole au Dr Lunney, qui doit partir bientôt.
M. James Lunney: Je vous remercie.
J'ai quelques questions à poser. L'une d'elles--je crois qu'elle s'inscrit aussi au chapitre de la responsabilité--concerne la vente ou l'importation de gamètes. Cette question me préoccupe pour plusieurs raisons. Certains de nos témoins l'ont abordée. Nous avons des difficultés à contrôler l'expédition transfrontalière de médicaments. Différents produits sont commandés sur Internet, comme le Propulsid et d'autres médicaments interdits ou contrôlés au Canada, et sont livrés par la poste. Tout d'abord, pourquoi permettons-nous l'importation de gamètes? Ensuite, comment le ministère envisage-t-il de contrôler ces expéditions?
M. Ian Shugart: Monsieur Lunney, c'est simplement une question d'approvisionnement pour faciliter la conception dans le cas des couples infertiles. Le projet de loi nous donnera le pouvoir, par voie de réglementation, de nous assurer que les gamètes provenant de n'importe quelle source sont conformes aux normes de santé et de sécurité définies par règlement. La mise en vigueur de la loi dans n'importe quel domaine lié à la santé et à la sécurité est toujours difficile pour n'importe quel ministère, et Santé Canada n'échappe pas à cette règle. Pour l'essentiel, ce sont les cliniques de fertilité qui s'occuperaient de la manipulation des gamètes pour les besoins des couples infertiles. Les dispositions du projet de loi concernant l'information garantiront que l'agence sait où ces cliniques se trouvent, si elles sont enregistrées, etc. Les cliniques elles-mêmes devront être autorisées et, à cette fin, devront se conformer aux critères de santé et de sécurité. Par conséquent, l'agence sera au courant des opérations normales entre patients et cliniques, y compris les sources d'importation, par suite des dispositions d'autorisation et de réglementation. De plus, les dispositions d'inspection et de vérification permettront à l'agence de veiller au respect des normes de santé et de sécurité relative aux gamètes dans ces cliniques.
M. James Lunney: Merci.
Je voudrais demander son opinion à M. Chipeur, mais avant de le faire, je veux poser une autre question. Nous nous inquiétons beaucoup de la commercialisation du matériel reproductif. Je vois que nous avons des moyens de contrôler ce qui se passe chez nous, mais que ferons-nous si un organisme étranger tente d'importer contre rémunération du sperme de Robert Redford ou des ovules d'un célèbre mannequin afin de produire des bébés sur mesure au Canada? Comment pourrions-nous réglementer cela si nous importons du matériel reproductif?
Á (1150)
M. Glenn Rivard: L'importateur devra être titulaire d'une autorisation délivrée conformément à la loi. Pour obtenir cette autorisation, il doit se conformer à des exigences réglementaires, comprenant la transmission de renseignements sur la source des gamètes, l'identité des donneurs, la méthode de collecte et l'éventuel versement d'une rémunération. Tous ces renseignements doivent être fournis et peuvent être vérifiés et inspectés par le ministère conformément à la loi.
M. James Lunney: Nous pourrions donc nous rendre au Costa Rica, où se trouve la clinique, pour examiner et vérifier ses dossiers... De quelle façon allez-vous déterminer l'origine exacte du sperme ou des ovules si les dossiers donnent un nom quelconque? Comment allez-vous faire des essais génétiques sur le matériel pour essayer de prouver ceci ou cela? Ce serait un fouillis inextricable. Je me demande, monsieur Chipeur, si vous avez des commentaires sur cette question.
M. Gerald Chipeur: Je suis d'accord avec mon ami du ministère de la Justice. Les dispositions de la loi s'appliqueront à tous les importateurs et donneront au gouvernement fédéral les mêmes pouvoirs qu'à l'égard des distributeurs locaux. À mon avis, il sera aussi difficile de réglementer et de contrôler les fournisseurs intérieurs que les organismes étrangers. Une fois qu'on a le produit, on peut suivre la même piste d'ADN que si on tente d'obtenir une condamnation dans une affaire. Je conviens que c'est un problème. La mise en vigueur de la loi est toujours difficile, mais les dispositions du projet de loi sont bien conçues pour affronter le problème. En fait, le gouvernement fédéral est le seul palier qui puisse réglementer ce genre d'importation. Les provinces n'auraient pas compétence dans ce domaine. S'il y a un domaine dans lequel le gouvernement devrait agir, c'est bien celui-ci.
M. James Lunney: Quelles précautions a-t-on prises pour éviter justement le scénario que je viens de décrire? Les mots sont tous là, mais si la mise en vigueur est un problème, je me demande si nous allons vraiment envoyer la GRC enquêter dans des laboratoires étrangers. Est-ce que des représentants de l’Agence canadienne de contrôle de la procréationassistée iront au Brésil, par exemple, pour enquêter sur la maladie de la vache folle? Ce n'est pas une pratique courante, sans compter qu'elle coûterait très cher. Quelle sorte de sièges sommes-nous en train de créer? Voilà ce que je veux savoir. S'il nous est impossible de contrôler la situation, ne vaudrait-il pas mieux obtenir tout le matériel reproductif dont nous avons besoin à l'intérieur de nos propres frontières? Nous ne sommes pas tous infertiles au Canada. Il nous reste sûrement des ressources intérieures dans ce domaine.
M. Ian Shugart: Je ne suis pas sûr de pouvoir aller au-delà de ce que nous avons dit. Par exemple, si un importateur ne fournit pas l'information voulue pour établir la sécurité des gamètes, cela suffirait pour ne pas lui délivrer une autorisation. Dans l'exercice de ses fonctions réglementaires, l'agence n'est jamais obligée de délivrer une autorisation. En fait, le refus d'une autorisation constitue l'un de ses principaux moyens de mise en vigueur de la loi. On peut supposer que l'agence accordera une certaine valeur aux relations avec des organisations réputées, que ce soit au Canada ou à l'étranger.
Á (1155)
M. Glenn Rivard: Je voudrais ajouter que le projet de loi accorde des pouvoirs complets d'inspection, semblables à ceux dont sont investis les organismes réglementation. Dans tous les secteurs réglementés, n'importe où dans le monde, il est toujours possible aux organismes soumis à la réglementation de commettre des fraudes. Ce serait d'ailleurs la seule façon de contourner toutes ces dispositions. Je voudrais simplement signaler que le projet de loi prévoit dans ce cas des peines assez lourdes, allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement.
La présidente: M. Gilmore a des observations à formuler à ce sujet.
M. Alan Gilmore: Dans le domaine de la réglementation, on se demande souvent s'il est préférable d'interdire ou de contrôler. Si vous interdisez une chose, vous créez souvent une demande clandestine. On a donc toujours ce dilemme: essayer de contrôler ou bien carrément interdire. Si vous décidez d'interdire l'importation de matériel reproductif, vous allez créer un marché clandestin, qui occasionnera diverses difficultés de réglementation et de mise en vigueur. Compte tenu de l'expérience acquise, il est difficile de faire un choix. Personnellement, je préfère le contrôle à l'interdiction, qui crée un marché clandestin. C'est un point de vue personnel fondé sur ce que j'ai pu lire dans la documentation et sur ce que je vois autour de moi.
M. James Lunney: Pour revenir à l'organisme réglementation et à la composition du conseil d'administration, nous avons parlé de différents modèles comprenant des experts. Beaucoup d'organismes de réglementation, surtout dans le domaine des professions de la santé, doivent comprendre des «profanes» parmi leurs membres. Je crois même que cela est prévu explicitement dans les règlements de beaucoup de professions de la santé. Il n'y a rien de tel dans le projet de loi. Serait-il possible d'y apporter une modification pour prévoir un certain nombre de personnes qui n'auraient pas de liens directs avec le secteur en cause et qui seraient choisies pour leur expérience ou leur sagesse? Nous nous inquiétons de la possibilité de conflits d'intérêts.
M. Ian Shugart: Monsieur Lunney, comme toujours, nous sommes à la disposition du comité pour ce qui est des modifications. Cela est courant, par exemple, dans les comités d'éthique de la recherche. Les meilleures lignes directrices dans ce domaine insistent sur la nécessité d'inclure des profanes parmi les membres des comités. Rien ne nous empêcherait de le faire dans ce cas. La question est de savoir si la diversité des milieux et des disciplines déjà prévue dans le projet de loi ne suffit pas. Je crois qu'il serait facile d'inclure des représentants éclairés de la population générale parmi les membres du conseil d'administration.
La présidente: Merci, docteur Lunney.
Madame Sgro.
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.
Docteur Shugart, est-il vraiment difficile de se procurer suffisamment de matériel reproductif au Canada? Au stade de l'étude de l'avant-projet de loi, les témoins que nous avons reçus m'ont donné l'impression qu'il n'y a pas de problème important au Canada, que nous n'avons pas de longues listes d'attente pour l'obtention de gamètes, etc.
 (1200)
M. Ian Shugart: Les nombres ne sont pas élevés par rapport à d'autres domaines de pratique clinique. C'est vrai. Dans les nombres globaux, c'est une question de proportion: avons-nous suffisamment de matériel pour répondre aux besoins de ces nombres relativement petits de patients?
Francine, pouvez-vous nous donner une idée de l'importance de ce problème?
Mme Francine Manseau (analyste principale des politiques, Direction générale de la politique de la santé et des communications, Division des projets spéciaux, ministère de la Santé): La réponse est différente selon que l'on parle de sperme, d'ovules ou d'embryons. Pour des raisons que nous ne connaissons pas vraiment, environ 80 p. 100 du sperme vient actuellement des États-Unis, sauf au Québec, qui semble recourir à ses propres donneurs. La situation n'était pas nécessairement la même il y a quelques années. Pour connaître les motifs de cette évolution, il faudrait poser la question aux personnes en cause. Dans le cas des ovules, je crois qu'il y a pénurie. La liste d'attente est très longue dans la plupart des cliniques du Canada. D'ailleurs elles ne le font pas toutes. Pour ce qui est des embryons, la pénurie est encore plus aiguë. Il manque d'ovules et d'embryons. Dans le cas du sperme, cela dépend. Selon certaines cliniques, les restrictions relatives à la santé et à la sécurité ainsi que les essais à faire ont eu des répercussions sur la disponibilité de sperme au Canada.
M. Ian Shugart: J'ajouterai à cela que nous ne voulons pas donner l'impression que nous disposons de chiffres exacts pour répondre à votre question. À l'avenir, après la constitution du registre général et la collecte de données dans ce domaine, nous disposerons de chiffres exacts. Pour le moment, d'après ce que nous savons du domaine et après avoir écouté les délibérations précédentes du comité, il semble que les cliniciens soient la principale source d'information sur la situation au niveau clinique.
Mme Judy Sgro: J'en conclus alors que l'infertilité est un grand problème. Si nous importons beaucoup de ce matériel, il doit y avoir une énorme demande, bien plus importante que je ne le croyais.
M. Ian Shugart: C'est un fait. Je crois d'ailleurs que la situation des familles en cause est particulièrement poignante. À notre connaissance, la demande est en hausse pour diverses raisons d'ordre sociologique, peut-être aussi à cause de facteurs épidémiologiques reliés aux maladies transmissibles sexuellement, etc. Encore une fois, si l'on compare la population totale de couples infertiles aux patients d'autres secteurs de la médecine, comme la cardiologie ou l'orthopédie, on se rend compte que les nombres sont relativement petits. Toutefois, pour les gens en cause, le problème est important, et nous croyons qu'il se développera. C'est pour cette raison que les dispositions du projet de loi qui toucheraient d'une façon disproportionnée les couples infertiles sont équilibrées par la politique anticommercialisation. Il n'y a pas de doute qu'il y a ici un souci d'équilibre, justement à cause de la nature des couples infertiles.
Mme Judy Sgro: Mais nous ne savons pas vraiment combien il y en a?
M. Ian Shugart: Pas exactement.
Mme Judy Sgro: Je voudrais revenir à la situation du chercheur qui s'adresse à l'agence pour dire qu'il a besoin de faire des recherches sur des cellules embryonnaires. Je voudrais revoir encore une fois le processus, parce que je ne suis pas sûre que le comprendre. Devra-t-il vous prouver qu'il ne pourrait pas faire sa recherche sur un autre matériel biologique?
 (1205)
M. Ian Shugart: Oui, c'est l'idée. Prenons, par exemple, le cas de Freda Miller de McGill, qui travaille sur des cellules souches d'adulte. Les médias annoncent aujourd'hui qu'elle poursuivra ses travaux à l'hôpital des enfants de Toronto. Tout protocole de recherche qu'elle proposerait serait soumis au moins au comité d'éthique de la recherche de l'hôpital. Dans le cas de cette recherche particulière, qui ne met pas en cause des cellules embryonnaires, cela s'arrêterait là. Un autre chercheur qui voudrait utiliser des cellules souches embryonnaires aurait aussi à présenter son protocole au comité d'éthique local, qui se poserait différentes questions. La recherche est-elle généralement éthique? L'objet de l'expérience est-il en soi éthique? Si oui, les membres du comité en viendraient à la question du matériel utilisé. Comme la recherche sur les cellules embryonnaires et la recherche sur les cellules d'adultes sont très différentes du point de vue des incidences éthiques, les membres du comité se poseraient une série de questions précises. Pourquoi le matériel embryonnaire est-il nécessaire? Pourquoi n'est-il pas possible d'utiliser des cellules souches d'adulte? Le chercheur a peut-être besoin d'essayer de comprendre l'étendue de la plasticité de la cellule souche. D'après la littérature, les chercheurs qui travaillent sur des cellules souches d'adulte dans ce domaine ont très souvent abouti à l'impasse, étant incapables d'aller plus loin.
Le problème, madame Sgro, est qu'il est impossible de prouver d'une façon absolue que quelque chose n'est pas réalisable. Il est cependant possible de démontrer qu'une chose est nécessaire. C'est en quelque sorte un dilemme logique, un paradoxe, mais le test est exactement le même. Nous voulons nous assurer que les cellules embryonnaires ne seront pas utilisées à des fins frivoles. S'il y a un autre chemin qui mène à Rome, c'est celui-là qu'il faut emprunter de préférence au chemin utilisant des cellules embryonnaires. S'il est possible de prouver que tous les autres chemins possibles sont bloqués et qu'il n'y a pas d'autre moyen d'arriver à destination, le projet de loi impose à l'agence de se convaincre qu'il en est ainsi.
Comme c'est toujours le cas dans le domaine scientifique, nous devons faire face à l'incertitude. Certains aspects sont inconnus. Quelques membres du comité savent beaucoup mieux que moi, à cause de leurs propres antécédents professionnels, qu'il en est ainsi. Si le comité local d'éthique de la recherche dit oui, l'affaire est transmise à l'agence, qui doit être convaincue de la nécessité de la recherche, que le comité local ait examiné ou non tous les aspects de la demande. S'il l'a fait, l'agence tiendra sûrement compte de ses conclusions. Autrement, elle doit aboutir elle-même à des conclusions probantes.
La présidente: Je vous remercie.
Madame Skelton.
Mme Carol Skelton: Dans le cadre de mes recherches sur le sujet, j'ai discuté avec des chercheurs d'une université canadienne, qui ont abordé la question des droits de propriété intellectuelle. Si un donneur autorise des recherches sur un embryon qu'il a donné, et que les recherches aboutissent à un traitement, y a-t-il quelque chose qui empêcherait le donneur de réclamer une partie des bénéfices provenant de ce traitement? Rien ne semble avoir été prévu dans le projet de loi pour empêcher cela.
M. Ian Shugart: La raison, madame Skelton, relève de la portée du projet de loi et du fait que son objet ne s'étend pas à la loi régissant la propriété intellectuelle. La réponse à votre question se trouverait probablement dans la Loi sur les brevets et les régimes de propriété intellectuelle fondés sur cette Loi. Normalement, tout partage des redevances ou des avantages découlant d'une invention serait prévu dans les ententes juridiques généralement très complètes qui sont signées au préalable. Dans les cas de collaboration entre les universités et l'industrie ainsi que dans les cas où une recherche est réalisée par plusieurs établissements ou sites, ces ententes sont négociées d'une façon très détaillée avant que la recherche ne soit entreprise. Par conséquent, c'est la Loi sur les brevets qui régirait cette situation.
Ensuite, en pratique--bien que je ne puisse pas être catégorique là-dessus--je crois qu'il est très improbable qu'une personne fasse une réclamation après coup s'il n'y a pas eu au préalable une entente sur le partage des redevances. Dans un cas de ce genre, les dispositions du projet de loi à l'étude s'appliqueraient. En effet, ces dispositions interdisent toute contrepartie, monétaire ou autre, présente ou future, en échange du don d'un embryon ou d'un gamète.
 (1210)
Mme Carol Skelton: Les autres témoins sont-ils d'accord sur ce point?
La présidente: Je crois que ces questions de brevets et de bénéfices débordent le cadre du projet de loi, madame Skelton.
Mme Carol Skelton: C'est une question qu'un chercheur a soulevée au cours d'un entretien.
Monsieur Chipeur, vous avez dit que le projet de loi n'abordait pas les choses sur un plan national. Voulez-vous nous en dire plus à ce sujet, s'il vous plaît?
M. Gerald Chipeur: La Constitution canadienne confie aux gouvernements provinciaux la responsabilité des questions locales, dont les soins de santé font généralement partie. Par ailleurs, le gouvernement fédéral a la responsabilité du droit criminel. Beaucoup des interdictions figurant dans le projet de loi sont de nature criminelle. Si le gouvernement fédéral s'inquiète d'un domaine relevant des champs de compétences que lui attribue la Constitution et qu'il souhaite adopter à ce sujet une loi qui empiète incidemment sur des compétences provinciales, touchant les soins de santé par exemple, les tribunaux confirmeront en général la constitutionnalité de la loi, en dépit du fait qu'elle empiète sur les droits et les responsabilités des provinces, si elle fait partie d'un plan national nécessaire pour atteindre des objectifs que le gouvernement fédéral est fondé à poursuivre en vertu de la Constitution. Le problème du projet de loi à l'étude est qu'il autorise les gouvernements provinciaux à se retirer du plan national, ce qui, dans mon esprit, ôte tout fondement à l'argument du Parlement selon lequel il a besoin d'empiéter incidemment sur le secteur de la santé pour atteindre l'objectif fédéral. Cet argument n'a aucune répercussion sur les interdictions prévues dans le projet de loi. Toutes ces interdictions relèvent, comme elles le doivent, du droit criminel. Le problème se pose lorsqu'on établit une agence qui prend des décisions concernant la santé. C'est sur ce plan que le projet de loi ne répond pas aux besoins, à mon avis.
Si l'exercice d'une compétence fédérale nécessite d'empiéter sur des pouvoirs provinciaux, il serait logique de ne pas créer d'exemption. Autrement, comme je l'ai dit, nous pourrions aboutir à la conclusion illogique qu'une seule province... Par exemple, conformément aux lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, les provinces ont le droit de se retirer, et le Québec l'a fait. Nous pourrions avoir la situation inverse dans ce cas. Il serait possible, par exemple, que toutes les provinces, sauf le Québec, créent leur propre agence équivalente, ce qui annulerait tous les efforts déployés par le Parlement pour réglementer ce secteur. Voilà, à mon avis, le vice fondamental du projet de loi à l'étude.
 (1215)
La présidente: Monsieur Rivard, avez-vous des commentaires?
M. Glenn Rivard: Le ministère de la Justice n'est pas du même avis. Nous n'avons aucun doute quant à la constitutionnalité du projet de loi. Je tiens à signaler que les dispositions d'équivalence imposent de déterminer qu'il y a bien une protection équivalente pour ceux qui subissent ces interventions dans une province qui a signé un accord d'équivalence avec le gouvernement fédéral. De même, il n'est pas tout à fait vrai de dire qu'il est possible pour une province de se retirer complètement. En fait, le projet de loi exige explicitement la transmission constante d'information au gouvernement fédéral. Les pouvoirs d'urgence prévus dans le projet de loi demeurent applicables et peuvent toujours être exercés par le gouvernement fédéral. Enfin, le gouvernement a toujours la possibilité de résilier l'accord et de réaffirmer sa compétence en vertu du projet de loi. À ma connaissance, il n'existe pas de jurisprudence appuyant un point de vue opposé. Comme je l'ai dit, nous sommes convaincus de la constitutionnalité du projet de loi.
La présidente: Madame Skelton, depuis la publication du rapport de la Commission royale fin 1993, neuf ans se sont écoulés, mais aucune province ne s'est précipitée pour remplir le vide. En fait, les provinces sont probablement très heureuses que quelqu'un d'autre assume cette responsabilité particulière, à cause des considérations d'éthique et des opinions divergentes qui existent sur ce sujet. Je ne crois donc pas que les provinces se hâteront toutes d'établir leur propre agence, de se retirer, etc.
Une voix: Sauf le Québec.
Mme Carol Skelton: Mais si c'est dans la loi, il y a lieu de s'en préoccuper.
La présidente: Madame Scherrer.
[Français]
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
Il y a une petite question qui me tracasse plus particulièrement; elle concerne encore la confidentialité. Je me souviens qu'on a abordé, ces derniers temps, la question d'un encadrement très spécifique pour la confidentialité. En particulier, on a parlé de la diffusion des renseignements médicaux. On disait que si une personne faisait une demande très spécifique à l'âge de 18 ans en vue de connaître ses parents biologiques, cette demande pourrait être prise en considération.
[Traduction]
La présidente: Excusez-moi, madame Scherrer, toutes ces questions d'anonymat sont inscrites à l'ordre du jour de demain.
[Français]
Mme Hélène Scherrer: D'accord.
[Traduction]
La présidente: Très bien, merci beaucoup.
Je passe maintenant rapidement à Mme Fry.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
J'ai juste deux questions rapides. J'ai surtout besoin d'éclaircissements. De toute évidence, les Instituts de recherche en santé du Canada et d'autres organismes accorderont du financement à ceux qui souhaitent faire de la recherche sur n'importe lequel de ces sujets. Vous avez donné de longues explications et, comme résultat, les choses sont de moins en moins claires pour moi. Est-ce que l'agence fera, au jour le jour, de la microgestion, examinant chaque projet de recherche qui passe, par exemple, par les IRSC et les organismes fédéraux et provinciaux de recherche pour prendre des décisions? Va-t-elle se substituer à ces organismes? Va-t-elle faire double emploi avec eux? Ou bien interviendra-t-elle seulement s'il y a quelque chose de douteux? Voilà ma première question.
La seconde porte sur la confidentialité, mais pas du même point de vue. Conformément à l'article 47, un inspecteur peut visiter différent lieux. Il ne s'agira pas dans tous les cas de sites de recherche in vitro. Ces lieux pourront comprendre des cliniques de fertilité qui s'occupent de gens réels. Leur travail aura probablement des composantes in vitro. Je voudrais savoir si les inspecteurs, lorsqu'ils demanderont de l'information, respecteront le secret professionnel qui existe entre le médecin et son patient, de sorte que les noms des personnes faisant l'objet d'interventions ne soient pas facilement accessibles. Beaucoup de mes collègues médecins se sont longtemps battu, dans des cas d'accidents de voiture et d'autres cas, pour empêcher le premier avocat venu de mettre la main sur tous leurs dossiers. Il faudrait prévoir des ordonnances spéciales lorsqu'on exige d'un médecin qu'il produise des renseignements qui, à son avis, ne sont pas pertinents. Je m'inquiète de la possibilité de voir un inspecteur arriver soudain dans une clinique, mettre la main sur 600 dossiers et prendre connaissance des noms de toutes les personnes venues demander des conseils ou des traitements. Cela compromettrait gravement la confidentialité des relations médecin-patient.
Vous voudrez peut-être répondre à ces deux questions.
 (1220)
M. Ian Shugart: Je vais demander à Glenn de parler des dispositions de confidentialité du projet de loi. Je tiens cependant à mentionner encore une fois que la portée du projet de loi se limite à la manipulation de l'embryon in vitro. Par conséquent les interventions cliniques et les autres relations in vivo débordent automatiquement le cadre du projet de loi. Je me rends compte que, dans le contexte d'une clinique, la distinction n'est pas toujours très claire. Je demanderais donc à Glenn de donner d'autres détails à ce sujet.
Le contexte de la recherche est complexe. Pour répondre à votre première question, je dirais que l'agence ne fera pas de microgestion de la science. Il faudrait peut-être rappeler que les recherches qui seront présentées à l'agence concernent uniquement les secteurs pour lesquels une autorisation est nécessaire, c'est-à-dire les recherches sur l'embryon, les gamètes, etc. Au Canada, le nombre de chercheurs dans ce domaine est relativement limité. Nous ne nous attendons donc pas à un volume d'activité assez important pour justifier des administrateurs à plein temps à l'agence, pas plus important, par exemple, que la charge de travail des membres du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, qui s'occupent de réglementation et qui sont nommés à temps partiel.
Il y a sûrement un lien entre les IRSC et l'agence. Les IRSC pourraient, pour des raisons n'ayant rien à voir avec l'éthique, décider de ne pas financer une recherche. Les choses, dans ce cas, n'iront pas plus loin. La communauté des chercheurs, dans ce domaine, sera donc relativement petite. De plus, le mandat de l'agence se limite aux aspects nécessitant une autorisation. Les décisions de financement et les lignes directrices régissant les comités d'éthique de la recherche échappent au contrôle de l'agence.
Mme Hedy Fry: Supposons, pour les fins de la discussion, que les cellules embryonnaires puissent servir à autre chose. Quelle serait la situation si l'objet d'une recherche est d'examiner les cellules souches embryonnaires pour découvrir leurs propriétés et déterminer quelles autres applications elles pourraient avoir? Il s'agirait encore une fois strictement de recherche in vitro destinée à découvrir ce que nous ne connaissons pas déjà des cellules souches embryonnaires et de les comparer aux cellules adultes.
 (1225)
M. Ian Shugart: Vous devriez poser la question à un spécialiste en bioéthique. Le premier stade d'un examen éthique consiste à rechercher des fins frivoles ou un manque d'objet. On en sait déjà beaucoup à ce sujet. Les chercheurs qui travaillent et font des expériences sur du matériel humain doivent donner beaucoup de précisions sur ce qu'ils cherchent à découvrir et sur leurs motifs. Les normes sont assez élevées à cet égard. Puis-je affirmer qu'une recherche comme celle que vous mentionnez serait rejetée? Non, je ne peux pas le faire. Mais même ce genre de recherche doit répondre aux normes des éthiciens, qui ne donneront pas leur aval si les motifs sont douteux.
Mme Hedy Fry: Je suis heureuse de vous entendre dire que ce genre de recherche ne serait pas automatiquement rejeté. La seule raison pour laquelle nous connaissons les utilisations possibles des cellules souches embryonnaires est que quelqu'un en a fait l'étude. Il faut être très prudent, quand on cherche à réaliser l'équilibre entre l'évolution du savoir et l'éthique, de ne pas fermer la porte à cette évolution. Nous avions l'impression d'avoir une certaine connaissance du cerveau, mais nous nous rendons compte aujourd'hui que nous ne savons rien des deux tiers de ce que le cerveau fait. Nous avons donc besoin de faire progresser la connaissance. Bien sûr, il est important de le faire d'une manière éthique. J'espère donc que les administrateurs de l'agence comprendront des bioéthiciens.
M. Ian Shugart: Encore une fois, je suis convaincu que cela fait partie de la diversité de milieux et de disciplines prévue dans le projet de loi.
Glenn voudra peut-être donner plus de précisions sur votre question concernant la confidentialité.
M. Glenn Rivard: Je voudrais effectivement préciser quelques points. D'abord, les pouvoirs conférés aux inspecteurs se limitent à la vérification de la conformité aux dispositions de la loi. Ces pouvoirs ne leur donnent pas un droit illimité d'accès et de recherche de toutes sortes de renseignements. Ainsi, si vous êtes médecin et que vous ayez une autorisation en vertu de cette loi pour faire de la fertilisation in vitro, mais que vous dispensez en même temps des services médicaux, une inspection légitime ne peut porter que sur les activités faisant l'objet de l'autorisation.
Ensuite, je voudrais simplement signaler que le projet de loi ne permet que dans une mesure très limitée la divulgation d'information à l'extérieur de l'agence. Si l'on considère les motifs, il est très difficile de penser à une situation dans laquelle des noms de patients seraient divulgués. Ils pourraient l'être si un tribunal a délivré une ordonnance à cet effet, bien que je trouve difficile d'imaginer une situation où cela serait possible. Les motifs de divulgation de n'importe quel renseignement sont sensiblement plus limités, par exemple, que dans le cas de la Loi fédérale sur la protection des renseignements personnels.
La présidente: Merci, madame Fry.
Les représentants du Bureau de la vérificatrice générale doivent partir très bientôt. M. Merrifield et M. Szabo ont des questions à leur poser. Allez-y en premier, Robert. Nous passerons ensuite à Paul.
M. Rob Merrifield: Je suppose que le Bureau de la vérificatrice générale s'occupera d'examiner l'agence. Ce qui me dérange le plus, c'est l'absence, dans le projet de loi, d'un lien direct entre l'agence et le Parlement. C'est la ministre et le ministère qui sont responsables. À titre de vérificateurs recherchant l'ouverture et la transparence, trouvez-vous cette situation facile à accepter, ou bien préféreriez-vous un lien direct avec le Parlement?
Mme Maria Barrados: Conformément à la LGFP, l'agence a l'obligation d'établir un rapport sur les plans et les priorités et un rapport sur le rendement dans le cadre du processus budgétaire. L'inscription de l'agence à l'annexe II implique ces exigences. Par conséquent, elle présente des rapports au Parlement.
 (1230)
M. Rob Merrifield: Seulement dans le cadre du processus du budget des dépenses?
Mme Maria Barrados: Ce sont deux rapports importants, qui vous permettent de vous renseigner sur beaucoup de choses.
M. Rob Merrifield: À votre avis, notre examen dans le cadre du budget des dépenses va-t-il au-delà de l'utilisation des ressources financières? Peut-il s'étendre beaucoup plus loin?
Mme Maria Barrados: Ces rapports renseignent sur la responsabilité tant pour le rendement financier que pour le rendement des programmes.
M. Rob Merrifield: Ces rapports sont-ils annuels?
Mme Maria Barrados: C'est exact.
M. Rob Merrifield: Par conséquent, votre bureau peut y aller tous les ans.
Mme Maria Barrados: Non. Les exigences relatives aux rapports faisant partie du processus du budget des dépenses sont annuelles. Je ne sais pas exactement quel genre de vérification financière nous pouvons effectuer. Toutefois, s'il y a des états financiers distincts, comme dans le cas des IRSC, nous pourrions les vérifier. Nous nous occupons de la vérification financière. Si les Comptes publics sont en cause, nous ferions aussi une vérification financière sur une base annuelle. Notre vérification de l'optimisation des ressources n'est cependant pas annuelle. Nous procédons à une évaluation des risques, mais nous choisissons les programmes et les activités devant--
M. Rob Merrifield: Pouvez-vous me dire ce qui déclencherait ce processus?
Mme Maria Barrados: Nous avons différents critères. Il y a d'abord les priorités du bureau dans le domaine de l'optimisation des ressources. La santé et la sécurité font également partie des priorités de la vérificatrice générale. Cela signifie que l'ensemble du bureau examine tout le secteur de la santé et de la sécurité et ce que nous appelons les risques aux endroits que nous avons visités ou non. Nous déterminons également ce qu'une vérification peut rapporter. Si nous estimons qu'une chose est risquée, s'il y a un endroit que nous n'avons pas visité, si nous croyons pouvoir améliorer un secteur, la priorité est élevée. C'est en tenant compte de tout cela que nous prenons nos décisions relatives à la répartition des ressources.
M. Rob Merrifield: C'est donc vous qui décidez.
Mme Maria Barrados: Oui, à une exception près. Si nous recevons une demande majoritaire provenant d'un comité parlementaire, nous essayons toujours d'y répondre.
M. Rob Merrifield: Ainsi, notre comité pourrait déclencher une vérification?
Mme Maria Barrados: Si la demande présentée est majoritaire.
La présidente: Monsieur Shugart.
M. Ian Shugart: Permettez-moi d'ajouter que, dans le cadre du processus du budget des dépenses, les parlementaires peuvent demander à des représentants de l'agence de venir au comité pour défendre leur budget. C'est un autre aspect du processus.
M. Rob Merrifield: J'espère que l'agence se montrera plus flexible que la ministre. Autrement, nous aurons des difficultés.
La présidente: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: La question porte sur le consentement libre et éclairé, qui est un aspect très important des relations entre les donneurs, les chercheurs et les cliniques de fertilité. La définition dit que ce consentement doit être «donné conformément au droit applicableen la matière». Je ne sais pas de quel droit il s'agit. À votre connaissance, y a-t-il d'autres mesures législatives ou d'autres précédents qui expliquent ce qu'est le consentement libre et éclairé au sujet d'une entreprise ou d'une entente contractuelle particulière, selon l'objet des mesures législatives en cause?
Mme Maria Barrados: Je suis désolée, nous n'avons rien à ajouter sur cette question.
La présidente: Monsieur Chipeur.
M. Gerald Chipeur: La common law est claire. C'est la définition classique du consentement qu'un médecin doit obtenir. Par conséquent, les tribunaux n'auraient aucune difficulté à mettre en vigueur cette disposition, qui fait intervenir les critères habituels: par exemple, mettre le client au courant de toutes les options ainsi que des conséquences et du coût de chacune. Toutes ces choses doivent être divulguées. C'est une définition classique du consentement. Je crois qu'elle est utilisée d'une façon appropriée.
M. Paul Szabo: Mais que faites-vous, par exemple, des dispositions énoncées dans les lignes directrices adoptées par les IRSC, qui vous demandent de consentir à ne pas participer à une commercialisation future des résultats découlant de la subvention? Allez-vous obtenir une déclaration de conflit d'intérêts des chercheurs qui utiliseront les gamètes? Je crois que vous aurez à examiner des copies de contrats entre les chercheurs et l'établissement et d'autres parties. On trouve beaucoup de détails aux IRSC. Je ne sais pas si on envisage de mettre dans les règlements des détails sur ce que le consentement implique exactement, sur les choses auxquelles on renonce, sur ce qu'on a le droit de voir, sur le droit de se retirer à tout moment, etc. Je crois que, pour la plupart des gens, ce processus de consentement libre et éclairé constitue un principe général, mais qu'il y a énormément de détails à considérer dans l'aspect «éclairé». Ce n'est pas très détaillé ici. Je me demande donc s'il y aura plus de détails dans les règlements.
 (1235)
M. Glenn Rivard: J'aurais quelque mots à dire à ce sujet. Comme M. Chipeur l'a mentionné, en droit, le principe du consentement comprend certain critères fondamentaux qui s'appliquent partout au Canada. L'avantage du concept du consentement est qu'on bénéficie de toute la jurisprudence, des interprétations et des protections correspondantes. C'est un fait que certains gouvernements provinciaux ont prévu dans la loi, pour le secteur médical, des exigences d'information auxquelles il faut satisfaire pour assurer un consentement vraiment éclairé. Autrement dit, la définition du projet de loi est conçue de façon à garantir l'application des exigences d'information que les provinces ont inscrites dans leurs lois. Le principal avantage, dans ce cas, est qu'un médecin de l'Ontario, par exemple, n'a pas à appliquer deux normes différentes pour son cabinet de médecine générale et un autre cabinet autorisé en vertu de cette loi.
La présidente: Paul, ce point m'intéresse parce que nous nous appuyons sur une ancienne définition ou pratique dite du «consentement éclairé», telle qu'elle s'applique au cabinet d'un médecin, par exemple. J'ai l'impression que la liste des options, des conséquences possibles, etc. que M. Chipeur nous a présentée est tout à fait appropriée, sauf qu'elle serait probablement limitée aux options médicales consistant à aller de l'avant ou non. Le choix entre les options, les effets secondaires possibles et les répercussions porteraient sur les aspects physiques. Je suis d'accord que la province a le droit de légiférer dans ce domaine pour imposer des normes aux médecins, mais je crois que le sujet dont nous parlons est beaucoup plus étendu que cela.
Nous avons reçu des représentants d'une excellente clinique, le Centre des sciences de la santé de London. La travailleuse sociale du Centre nous a dit que, dans certains cas, le médecin responsable s'acquitte de son devoir concernant le consentement éclairé au cours de l'entrevue médicale, mais que la clinique ne juge pas cela suffisant. Le client doit ensuite s'entretenir avec des travailleuses sociales pour parler de ses antécédents familiaux, de ses plans d'avenir, du nombre d'enfants qu'il souhaite avoir, etc. Elle nous a dit, avec beaucoup de franchise, que certains clients changent d'avis après ces entretiens traitant des incidences à long terme. Parfois, il y avait deux ou trois séances, parce que le médecin responsable, tout en étant satisfait des résultats physiques, n'est pas encore convaincu que les personnes en cause ont vraiment réfléchi aux incidences à long terme.
Je crois donc que le consentement éclairé, pris dans le sens médical, n'est vraiment pas suffisant quand on parle de fonder une famille et qu'il s'agit essentiellement d'une question sociétale. Voilà pourquoi nous avons continué à en parler. Nous savions que le consentement éclairé était déjà défini et déjà mis en pratique. Vous vous souviendrez que, dans notre rapport, c'était exactement la raison pour laquelle nous n'avons pas utilisé l'expression «consentement éclairé». Nous aurions préféré «consentement éclairé et choix éclairé» pour élargir les paramètres.
Nous avons entendu parler du cas d'une femme qui voulait concevoir, mais qui était très malade et qui cherchait donc une mère porteuse. Toutefois, son état de santé était tellement mauvais qu'on se demandait si elle vivrait assez longtemps pour s'occuper de l'enfant. Il y a toutes les autres choses. Parfois, les gens sont aveuglés par leur désir d'avoir un enfant, à tel point que l'intérêt de l'enfant ne vient pas vraiment en premier pour eux. Mme Fry n'était pas ici à ce moment. Nous avons entendu quelques histoires à vous glacer le sang. Il s'agissait de personnes aussi désespérées que déterminées, mais dont les circonstances étaient telles que l'intervention n'aurait vraiment pas été dans l'intérêt de l'enfant.
 (1240)
Mme Hedy Fry: Madame la présidente, j'aimerais vraiment formuler une observation à ce sujet. J'ai fait ce travail pendant 23 ans. Habituellement, quand une personne va dans une clinique, y compris celle que vous avez mentionnée, elle passe d'abord par son médecin de famille. Ordinairement, celui-ci ne discute pas avec elle des choses dont vous parlez, mais il aborde sûrement les incidences à long terme. Il aurait parlé à cette femme du peu de temps qu'il lui restait à vivre et de l'opportunité d'une telle initiative. Il y a donc un endroit où ces discussions aboutissent à un genre différent de consentement éclairé, parce que l'omnipraticien renvoie ses clients à des cliniques de ce genre. Je peux donc dire que, d'habitude, le consentement éclairé dans le cas de l'omnipraticien est très différent de ce qu'il est dans le cas d'une clinique.
La présidente: Mais nous avons entendu dire que ces mêmes personnes--peut-être parce que le médecin ne voulait pas engager la discussion sur les incidences à long terme--sont renvoyées à la clinique dans l'espoir que les choses se feraient là.
M. Glenn Rivard: Si vous le permettez, j'aurais aussi quelques commentaires à ce sujet. Lorsque j'ai répondu à la question concernant la définition du consentement, je ne voulais pas donner l'impression que le projet de loi ne peut pas exiger la fourniture d'une foule de renseignements aux personnes qui subissent ces interventions. Les pouvoirs nécessaires sont inscrits dans la loi, qui prévoit en outre des services de consultation, le tout étant conçu pour répondre exactement aux préoccupations que vous avez soulevées.
La présidente: Monsieur Merrifield.
M. Rob Merrifield: C'est une excellente discussion. Nous aurons peut-être besoin d'approfondir notre examen de ce point, un autre jour, avec d'autres témoins.
Ma question, à laquelle les représentants de la vérificatrice générale, qui sont encore ici, voudront peut-être répondre, porte sur la différence entre les recommandations de notre rapport majoritaire et les dispositions du projet de loi. Je veux parler des principes d'une déclaration statutaire sur le mandat de l'organisme de réglementation et de l'élaboration d'un code d'éthique. Nous avons parlé de rapports réguliers au Parlement et d'un plan stratégique triennal qui serait approuvé par le ministre et par le Parlement.
Mme Maria Barrados: Nous avons examiné la documentation du comité et nous nous sommes demandés si les dispositions relatives à la responsabilité mentionnées à plusieurs endroits des recommandations avaient été prises en considération. Comme l'agence relève de la LGFP, nous avons jugé que les principaux aspects de la responsabilité d'un organisme de ce genre sont couverts de cette façon. Cela signifie qu'il faut lire le projet de loi en tenant compte de tous les détails qui figurent dans la LGFP. L'inscription de l'agence à l'annexe II de la LGFP déclenche l'application de toutes les autres dispositions.
 (1245)
M. Rob Merrifield: Mais c'est plus précis. Si l'organisme de réglementation est soumis à un code d'éthique, vous feriez votre vérification en vous basant sur ce code, j'imagine.
Mme Maria Barrados: Oui.
M. Rob Merrifield: Je vous remercie.
M. Alan Gilmore: Il faut faire la distinction entre les coûts et les avantages qu'il y a à placer quelque chose dans le cadre de la LGFP ou à la soumettre à la politique générale de l'État et aux directives du Conseil du Trésor et du Bureau du Conseil privé. On fait des choix implicites en plaçant un organisme dans le contexte du Conseil du Trésor et du BCP. Par exemple, en faisant de cette agence un établissement public, vous la soumettez à la politique réglementaire du BCP, qui se compose d'une série de lignes directrices visant à établir un certain équilibre entre l'intérêt public, l'intérêt économique et l'intérêt individuel. La définition exacte de cet équilibre varie avec le temps. Il faut comprendre que cela fait partie du contexte dans lequel l'agence fonctionnera. Plus on est précis dans la loi, moins les politiques s'appliquent, parce que la loi est évidemment plus importante que les politiques. Toutefois, moins il y en a dans la loi, plus les politiques s'appliquent et plus le Conseil du Trésor et le BCP s'efforcent d'établir un certain équilibre dans l'agence.
Par exemple, en termes concrets, le BCP tente actuellement de déterminer de quelle façon le principe de précaution s'appliquera aux organismes de réglementation. Ce principe est déjà mentionné dans certaines lois. Il figure dans les accords internationaux signés par le gouvernement du Canada. Implicitement, le principe de précaution s'appliquera à l'agence, sous une forme ou une autre, à moins que vous n'apportiez des modifications au projet de loi. Les modalités d'application devront être négociées par les parties, mais si le BCP aboutit à une définition du principe, il n'y a pas de doute qu'il s'appliquera. Comme il ne figure pas dans le projet de loi, ce sera dans le contexte de la politique de l'État.
Il y a d'autres éléments de cette politique que vous devez connaître. On parle depuis plusieurs années de l'intérêt public et du service à assurer aux entités soumises à la réglementation. D'une certaine façon, les inspecteurs sont déchirés entre le désir de fournir un service aux gens qu'ils inspectent, de les éduquer, de les persuader et l'obligation de vérifier leur conformité. Autrement dit, la différence entre les deux rôles fait l'objet de discussions. Un comité supérieur de la fonction publique a publié un rapport faisant état de cette préoccupation. Si une chose n'est pas expressément mentionnée dans la loi, c'est le contexte des politiques de l'État qui s'applique.
Voilà les choses dont vous devez vous soucier. Le projet de loi ne dit pas si la politique de recouvrement des coûts s'applique à l'agence. Cela va avec le reste. Voulez-vous qu'elle s'applique ou non? Elle fait partie de la politique de l'État. Cela ne signifie pas que l'agence devra nécessairement recouvrer ses coûts, mais il faudra y penser parce que cela fait partie des rouages du gouvernement. Plus vous mettez de détails dans la loi, moins les lignes directrices s'appliquent. Moins vous mettez de détails, plus le contexte général de l'administration fédérale, du Conseil du Trésor et du BCP jouent un rôle. Voilà l'équilibre à rechercher lorsqu'on élabore un projet de loi. Vous ne devez pas le perdre de vue.
Mme Maria Barrados: Je me demande si je peux me retirer.
La présidente: Bien sûr. J'essaie de vous faire signe depuis environ vingt minutes.
Merci beaucoup.
M. Rob Merrifield: J'aimerais savoir ceci. Pourquoi, en rédigeant le projet de loi au ministère, avez-vous fait abstraction des recommandations du comité au sujet d'un code d'éthique pour l'agence?
 (1250)
M. Glenn Rivard: Je crois que l'intention a toujours été de mettre dans les règlements les détails des critères à appliquer lors de l'évaluation des demandes d'autorisation. Les règlements peuvent prendre la forme d'un code d'éthique ou d'un code de pratique.
M. Rob Merrifield: Mais le code n'est mentionné nulle part. Ne serait-il pas sage de mentionner dans le projet de loi qu'il y aura un code d'éthique dans les règlements? Ce n'est pas là. J'en ai été surpris lorsque j'ai vu le projet de loi, surtout après notre recommandation. Nous avons été assez fermes sur ce point.
M. Glenn Rivard: Je suppose que l'approche adoptée dans la législation canadienne est de préciser les choses qui peuvent être réglementées, sans aller dans le détail du contenu des règlements. Le projet de loi comprend un vaste pouvoir d'établir de la documentation, y compris les codes d'éthique. Je crois que c'est l'approche normale pour la création d'un pouvoir de réglementation.
M. Ian Shugart: Il n'y a aucun empêchement.
M. Glenn Rivard: En effet, il n'y a sûrement aucun empêchement.
M. Ian Shugart: C'est davantage une question de rédaction législative.
M. Rob Merrifield: Dans quel article recommanderiez-vous d'inscrire une disposition de ce genre?
La présidente: Nous avons simplement recommandé d'élaborer, à l'intention de l'agence, un code d'éthique fondé sur les principes figurant dans le préambule du projet de loi. Ne suffirait-il pas d'insérer une disposition à cet effet?
M. Rob Merrifield: C'est ce que je dis. Où pourrait-on l'insérer et quelle forme pourrait-elle prendre? Cette question est peut-être un peu trop précise pour le moment, mais vous pourriez sans doute nous transmettre la réponse plus tard.
M. Glenn Rivard: Je crois pas que cela répondrait pleinement à votre question. Je voudrais cependant signaler que l'article 22 traitant de la mission de l'agence mentionne expressément l'obligation de «promouvoir l'application de principes d'éthique». De plus, à l'article 23, le projet de loi dit essentiellement que l'agence exerce ses pouvoirs conformément aux principes énoncés dans le préambule. Le projet de loi prévoit donc déjà le cadre éthique de l'agence.
M. Rob Merrifield: Ce sont des dispositions plutôt faibles. Je me demandais d'ailleurs si vous n'alliez pas me donner cette réponse. C'est très bien. Les représentants de la vérificatrice générale ont peut-être quelque chose à dire à ce sujet.
M. Alan Gilmore: Dans le contexte du gouvernement, les organismes sont tenus d'avoir un code d'éthique et un énoncé de vision conformément à la politique du Conseil du Trésor. Le problème que nous avons eu jusqu'ici est que, malgré les bonnes intention, les énoncés tendent à être vagues et à se prêter à toutes sortes d'interprétations. Par conséquent, si le code d'éthique ne figure pas dans le projet de loi ou si l'exigence n'y est pas explicite, vous serez soumis aux règles du Conseil du Trésor et vous devrez vous en accommoder dans ce contexte.
M. Rob Merrifield: Nous étions persuadés qu'il était important de l'inscrire dans le projet de loi.
Y a-t-il d'autres commentaires? Si non, je vais poser une autre question.
La présidente: M. Szabo a aussi une autre question.
M. Rob Merrifield: La mienne sera très rapide. Juste un éclaircissement.
La présidente: Vous avez déjà eu 10 minutes, Rob.
M. Rob Merrifield: Je n'y peux rien. Ce sont les réponses qui ont été très longues.
Francine a mentionné tout à l'heure que nous avons une pénurie de donneurs de sperme, d'ovules et d'embryons au Canada.
Mme Francine Manseau: J'ai dit, sur la base de l'information que nous pouvons recueillir maintenant et qui, comme l'a précisé Ian, n'est peut-être pas très complète, environ 80 p. 100 du sperme vient des États-Unis.
M. Rob Merrifield: Il y a donc pénurie au Canada.
Mme Francine Manseau: On peut le supposer. Pour ce qui est des ovules, les cliniques et les patientes nous disent qu'il y a de longues listes d'attente pour les ovules venant de tiers ainsi que pour les embryons in vitro. Les gens qui ont besoin d'un ovule essaient parfois de se procurer un embryon in vitro. C'est ce que nous avons appris.
 (1255)
M. Rob Merrifield: Vous dites qu'à des fins de reproduction, il est difficile de persuader les gens de faire don d'embryons in vitro.
Mme Francine Manseau: Oui, il est difficile de persuader des couples de faire don d'un embryon in vitro à un autre couple à des fins de reproduction.
M. Ian Shugart: Ce n'est pas nécessairement le cas tout le temps. De plus, l'agence pourrait bien avoir à jouer un rôle de sensibilisation du public au sujet des dons. Quoi qu'il en soit, c'est la situation actuelle.
La présidente: Il faut dire aussi que la pénurie des uns est source d'abondance pour d'autres. Autrement dit, les gens qui parlent de pénurie sont ceux-là mêmes qui veulent multiplier le chiffre d'affaires de leur entreprise. Les cliniques de fertilité sont en effet des entreprises. À ce titre, elles aiment disposer d'un approvisionnement garanti. La raison pour laquelle nous importons tant de matériel reproductif des États-Unis est que c'est un commerce là-bas. Ces gens paient les donneurs, puis présentent de grosses factures aux cliniques canadiennes qui leur passent des commandes. En un sens, nous essayons de faire le contraire chez nous. Nous voulons expliquer aux Canadiens que des gens peuvent avoir besoin d'ovules et de sperme, tout comme ils peuvent avoir besoin d'organes et de sang, et qu'il faudrait apprendre à en donner. Les Canadiens devront prendre une décision à ce sujet et déterminer dans quelle mesure ils veulent se montrer généreux. Par conséquent, c'est autour de ces points que tournera le débat public au Canada.
M. Rob Merrifield: Ce qu'il faut débattre, ce sont tous ces embryons qui vont être détruits. Nous avons donc besoin de mesures législatives pour qu'il soit possible de les utiliser dans la recherche. C'est vraiment très intéressant d'apprendre que nous avons une pénurie de gens disposés à faire don de ces embryons à des fins de reproduction. Je trouve cela un peu surprenant.
M. Paul Szabo: Madame la présidente, il ne nous reste presque plus de temps. Je vais donc formuler ma demande. J'espère vraiment qu'il nous sera possible de mieux comprendre. Le rapport du comité contenait une importante recommandation au sujet de l'entreposage des ovules, de la levée des restrictions portant sur le nombre d'ovules recueillis, etc. Ces questions se rapportent toutes aux cliniques de fertilité. Elles se rapportent toutes à l'autorisation initiale prévue dans l'Énoncé de politique des trois conseils, qui donnait le feu vert à la recherche sur les embryons. Cela n'a jamais été confirmé par une loi fédérale. Cela suppose aussi que le processus in vitro est toujours réussi, en dépit du fait que le Dr Baylis a dit publiquement que 50 p. 100 des embryons ne survivent pas au procédé cryogénique. Il n'y a pas de seuil. Je ne sais pas quelles relations existent aujourd'hui entre les cliniques de fertilité et les chercheurs. On peut croire que les cliniques vendent les embryons aux chercheurs, ce qu'elles ne pourront plus faire. Je ne sais pas comment elles ont été entraînées dans cette affaire et sont devenues des agents chargés d'établir le premier contact pour obtenir un consentement éclairé. J'ai vraiment besoin d'en apprendre beaucoup plus à ce sujet.
L'autre question est de savoir ce qui se produit quand le comité recommande d'encourager la recherche sur l'entreposage des ovules. S'il est possible de les conserver, cela réglerait le problème des embryons, car nous pourrions garder des ovules plutôt que des embryons.
Ce sont des questions, madame la présidente, sur lesquelles je ne sais pas si nous aurons d'autres occasions de nous pencher. Mais elles sont très intéressantes pour moi et peut-être pour d'autres membres du comité.
La présidente: Il y a aussi une question au sujet des règlements. Nous avons cru comprendre que certains détails, comme le nombre de fois qu'une personne serait autorisée à donner du sperme, figureraient dans les règlements. Nous espérons aussi que ceux-ci nous serons soumis. Bien entendu, ils paraîtront dans la Gazette du Canada. Je trouve cependant étrange que l'article 66 prévoit le dépôt des projets de règlement devant les deux Chambres pendant une période maximale de 60 jours civils. Cela est inhabituel. Il est plus courant de fixer une période de 30 jours de séance, au cours de laquelle les parlementaires des deux Chambres ont l'occasion d'examiner ces projets. Les 60 jours civils pourraient tomber en juillet et en août. Alors, pourquoi ce choix?
· (1300)
M. Ian Shugart: Je ne sais pas au juste. Je sais qu'on s'est inquiété au sujet des règlements reliés à la santé et à la sécurité et de la nécessité d'agir rapidement dans certaines circonstances. Je ne sais pas si d'autres collègues peuvent nous donner des détails à ce sujet.
La présidente: Les règlements qui nous intéressent ne s'inscrivent pas dans cette catégorie.
M. Ian Shugart: Alors, nous trouverons la réponse à cette question.
La présidente: Très bien, merci.
Je vois qu'il n'y a pas d'autres questions. Je voudrais donc remercier les témoins d'être venus aujourd'hui et d'avoir tenté de nous aider. Plus nous approchons de la fin, plus la situation semble devenir confuse pour nous. Ce sont des couches superposées de complications. Je tiens cependant à vous dire que nous vous sommes très reconnaissants d'être venus avec un préavis aussi court pour nous aider à comprendre cette série particulière de questions.
La séance est levée.