HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 25 avril 2002
Á | 1105 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
Dr Kapil Khatter (directeur exécutif, association canadienne des médecins pour l'environnement) |
Á | 1110 |
La présidente |
M. Don Houston (directeur, Programmes de protection de l'environnement, Institut canadien de la santé infantile) |
Á | 1115 |
La présidente |
Dr Robert Cushman (médecin hygiéniste, ville d'Ottawa, association canadienne de santé publique) |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
La présidente |
Mme Sandra Schwartz (directrice, Environnement et Programme de santé des enfants, Enquête pollution) |
Á | 1130 |
Á | 1135 |
La présidente |
M. Merrifield |
Dr Kapil Khatter |
Á | 1140 |
M. Rob Merrifield |
Dr Kapil Khatter |
Dr Robert Cushman |
Á | 1145 |
Mme Sandra Schwartz |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ) |
Á | 1150 |
Dr Robert Cushman |
Dr Kapil Khatter |
M. Réal Ménard |
Dr Kapil Khatter |
M. Réal Ménard |
Dr Robert Cushman |
Á | 1155 |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Dromisky |
M. Don Houston |
M. Stan Dromisky |
 | 1200 |
M. Don Houston |
Mme Sandra Schwartz |
M. Stan Dromisky |
Mme Sandra Schwartz |
M. Stan Dromisky |
M. Don Houston |
La présidente |
Mme Wasylycia-Leis |
 | 1205 |
La présidente |
Mme Sandra Schwartz |
Dr Robert Cushman |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Dr Kapil Khatter |
M. Don Houston |
La présidente |
M. Jeannot Castonguay (Madawaska--Restigouche, Lib.) |
 | 1210 |
Dr Robert Cushman |
Dr Kapil Khatter |
M. Jeannot Castonguay |
Dr Robert Cushman |
La présidente |
Mme Skelton |
Dr Robert Cushman |
 | 1215 |
M. Don Houston |
Mme Carol Skelton |
Mme Fry |
M. Don Houston |
Mme Sandra Schwartz |
Mme Hedy Fry |
Dr Kapil Khatter |
 | 1220 |
La présidente |
M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ) |
Mme Sandra Schwartz |
M. Bernard Bigras |
La présidente |
Mme Kraft Sloan |
Dr Kapil Khatter |
 | 1225 |
Mme Karen Kraft Sloan |
Mme Sandra Schwartz |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
Dr Kapil Khatter |
M. Rob Merrifield |
Mme Sandra Schwartz |
M. Rob Merrifield |
Mme Sandra Schwartz |
M. Rob Merrifield |
 | 1230 |
M. Don Houston |
M. Rob Merrifield |
M. Don Houston |
M. Rob Merrifield |
M. Don Houston |
La présidente |
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.) |
Dr Robert Cushman |
 | 1235 |
Mme Hélène Scherrer |
Dr Robert Cushman |
La présidente |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Sandra Schwartz |
CANADA
Comité permanent de la santé |
|
l |
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l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 25 avril 2002
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. J'ai le plaisir de déclarer ouverte cette séance du Comité permanent de la santé et d'accueillir nos invités de la matinée, qui représentent quatre institutions. Nous avons M. Kapil Khatter, directeur général de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement, Don Houston, directeur des Programmes de protection de l'environnement à l'Institut canadien de la santé infantile, Robert Cushman, médecin hygiéniste de la ville d'Ottawa qui représente l'Association canadienne de santé publique, et Sandra Schwartz, directrice du Programme de l'environnement et de la santé des enfants de Pollution Probe.
Nous commencerons par la présentation de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement. Monsieur Khatter, vous avez la parole.
Dr Kapil Khatter (directeur exécutif, association canadienne des médecins pour l'environnement): Merci, madame la présidente et membres du comité. Je suis Kapil Khatter, médecin généraliste et directeur général de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement.
Au risque de gaspiller un peu du temps précieux qui m'est alloué et d'entamer votre capital de bonne volonté à mon égard, j'aimerais tout d'abord vous faire part de ma consternation devant le peu de temps réservé à la consultation. Nous sommes un groupe de médecins travaillant à peu près tous à plein temps, et notre expert en pesticides, qui est aussi le président de notre organisation, n'a pu venir car nous n'avons reçu qu'un préavis d'une semaine et aucune marge de manoeuvre quant à la date et l'heure de comparution, et il lui a été impossible de se libérer. Nous espérons simplement que notre intervention permettra d'aboutir à une meilleure loi et ne sera pas considérée comme une consultation de pure forme.
Mais nous sommes là aujourd'hui et nous voulons parler des problèmes entourant la participation publique et l'importance de cette dernière. Nous applaudissons à la concertation, mais il importe que celle-ci soit véritable, ne constitue pas simplement un geste d'apaisement du public, mais une occasion réelle de cerner les valeurs et les opinions des Canadiens concernant les pesticides et leur homologation.
En tant que médecins, notre première préoccupation est la santé des humains, en particulier celle des enfants. Nous ne pensons pas que ce projet de loi, tel que rédigé, protège adéquatement la santé des enfants. Il est inspiré de l'American Food Quality Protection Act et introduit un facteur de sécurité décuplé, mais comme aux États-Unis, l'application de ce dernier est discrétionnaire. Or, aux États-Unis, depuis 1996, date de promulgation de cette loi, ce facteur n'a presque jamais été appliqué, parce que facultatif. Or, nous considérons qu'il devrait être obligatoire, du fait que les enfants sont davantage exposés en raison de leur faible masse corporelle, du fait que leur exposition à vie sera plus longue et du fait que leurs organes sont encore peu développés.
La législation canadienne, le projet de loi, est en outre moins rigoureux que la Food Quality Protection Act en ce sens que l'application du facteur de sécurité est limitée aux pesticides utilisés en milieu résidentiel et scolaire. Cette restriction ne figure pas dans le modèle américain et cela nous préoccupe également. Nous pensons que les facteurs devraient être appliqués à tous les pesticides et dans toutes les situations, et pas seulement en milieu résidentiel et scolaire, car les enfants sont exposés aux résidus présents dans les aliments et l'eau potable, et les familles agricoles ont elles aussi des enfants.
Le fait que le facteur de sécurité décuplé soit discrétionnaire permet aux fabricants d'exercer des pressions pour obtenir des marges de sécurité qui leur sont plus favorables. Nous aimerions que les marges soient obligatoires. De fait, nous estimons qu'un facteur de sécurité décuplé constitue le strict minimum si l'on veut réellement protéger la santé.
Cela nous paraît important dans l'article sur l'homologation. D'autres éléments important sont absents de ce dernier--par exemple, le principe de prudence n'y est pas évoqué. Nous pensons qu'il est important et que sa présence ici ferait une différence.
Les évaluations d'innocuité sont généralement des estimations. On estime l'exposition potentielle à un pesticide et, à partir de là, le seuil d'innocuité à partir de tests sur les animaux. Mais ce ne sont que des estimations. Ces chiffres ne tiennent pas si le niveau d'exposition estimé est légèrement inférieur seulement à ce que nous estimons être le seuil d'innocuité, et alors nous n'avons aucun moyen de restreindre une homologation, en l'absence d'une clause imposant le principe de précaution qui nous permettrait, conformément aux règles de l'Organisation mondiale du commerce, de fixer notre propre niveau, notre propres normes de sécurité. Nous avons besoin d'une clause imposant le principe de précaution afin de pouvoir décider pour nous-mêmes, en tant que société, si...
Même avec toutes ces incertitudes, si l'évaluation ne met pas en évidence de risque avéré, mais seulement un risque potentiel, s'il existe sur le marché un autre produit qui présente la même utilité mais moins de risque que le produit considéré, auquel les enfants seront largement exposés et dont nous savons qu'il sera probablement persistant, nous n'avons aucun moyen d'appliquer le principe de précaution et de décider que nous n'avons pas besoin de ce second pesticide puisqu'il en existe un autre moins dangereux.
De façon générale, il faudrait viser une réduction de l'usage des pesticides en général et l'introduction de produits de remplacement moins dangereux. Mais surtout, il faudrait imposer des restrictions spécifiques à des substances dont nous savons tous qu'elles sont nocives ou problématiques. Suivez donc une substance au titre de la politique de gestion des substances toxiques: les polluants organiques persistants--les substances, pesticides et produits considérés comme perturbateurs endocriniens.
Á (1110)
Enfin, sur le plan de l'homologation, dans la mesure où les évaluations et la façon dont elles sont menées évoluent au fil du temps et sachant que l'on ne peut inscrire dans la loi tout le mécanisme d'évaluation, il faudrait tout de même prévoir des normes minimales d'évaluation. Ainsi, il faudrait inscrire dans la loi les éléments sanitaires fondamentaux à considérer dans une évaluation. En outre, il faudrait prescrire également le nombre minimal d'études à mener. Les articles sur l'homologation sont insuffisamment détaillés.
Pour terminer, j'aimerais parler de la transparence et de l'importance de rapports obligatoires. Cet élément doit être renforcé. Le projet de loi contient une disposition sur les rapports obligatoires, mais elle ne prescrit pas quels éléments doivent y figurer sur le plan de la santé environnementale. Par ailleurs, le ministre ne publie que ce qu'il veut. S'il décide de procéder à un examen spécial d'un produit pour lequel on a signalé des effets nocifs, cela est rendu public, mais lorsque le ministre décide que les renseignements reçus ne sont pas importants, il n'y a aucune supervision publique. Nous pensons qu'une supervision publique est essentielle.
Merci de votre attention.
La présidente: Merci, M. Khatter.
Nous allons passer à M. Houston, de l'Institut canadien de la santé infantile.
M. Don Houston (directeur, Programmes de protection de l'environnement, Institut canadien de la santé infantile): Merci de cette invitation à prendre position sur ce projet de loi important. Le projet de loi C-53 contient un certain nombre de dispositions que nous appuyons pleinement. Il y a lieu de féliciter le ministre des progrès réalisés dans ces domaines.
Mais nous pensons qu'il y a également quelques occasions manquées et des déficiences. Dans l'ensemble, le mouvement va plus ou moins dans la bonne direction, mais peut-être pas aussi loin que nous l'aurions souhaité.
Nous sommes pleinement en faveur de la prise en compte de l'exposition cumulative, ce qui est une très bonne décision, ainsi que des sensibilités différentes ou vulnérabilités spéciales des femmes enceintes--et par extension des foetus, nourrissons et enfants--, de même que des produits et stratégies de lutte antiparasitaire comportant de moindres risques. Nous approuvons le fait que le fardeau de la preuve soit imposé aux demandeurs de l'homologation et que le réexamen d'une homologation puisse être déclenché par différents moyens, notamment lorsqu'un autre pays de l'OCDE interdit l'ingrédient actif concerné et sur demande motivée de quiconque.
Cependant, nous formulons également quelques réserves. Nous sommes heureux de voir que le principe de prudence estt énoncé au paragraphe 20(2), mais il l'est uniquement en rapport avec l'annulation ou la modification d'une homologation. Comme les témoins précédents, nous pensons qu'il devrait être appliqué dans d'autres cas encore.
Un certain nombre de dispositions gagneraient à une application plus explicite du principe de prudence. Les articles 7, 10 et 18 viennent à l'esprit. Nous aimerions également que la définition du principe de prudence soit plus rigoureuse de façon à ce que les conditions de rentabilité ne puissent servir d'excuse au laxisme lorsqu'il s'agit de mieux protéger la santé des enfants canadiens.
Nous avons également quelques réserves en ce qui concerne les ingrédients soit disant inactifs. Certains de ces solvants et surfactants peuvent avoir de plus grands effets sur la santé que certains principes actifs et ils peuvent comporter en outre des effets synergistiques entre eux, ainsi qu'avec les ingrédients actifs. Nous pensons donc que la formulation complète d'un pesticide devrait être évaluée du point de vue des effets tant sur la santé que sur l'environnement. La contamination de ces produits par d'autres agents peut également être un problème et devrait être prise en considération dans les évaluations.
Une marge de sécurité décuplée peut ne pas suffire à certains stades très délicats du développement neurologique des foetus et nourrissons. Cette marge est certainement un minimum. Nous demandons que les effets sur le développement neurologique d'un pesticide fassent également l'objet d'une enquête avant homologation et que, dans certains cas, une marge de sécurité supplémentaire soit appliquée. Nous avons appris cette leçon avec le plomb et il ne s'agit pas de répéter l'expérience.
S'agissant de pesticides utilisés à des fins purement cosmétiques autour des écoles, des garderies et des maisons, le seul risque acceptable est l'absence de risque. Il n'y a aucune justification à risquer la santé d'un enfant, même si l'effet n'est que relativement mineur, dans le seul intérêt d'un gazon exempt de mauvaises herbes, par exemple.
Sur le plan de l'étiquetage, nous demandons que les avertissements et instructions figurent de façon très visible et compréhensible. L'avertissement qu'un produit est un poison devrait pouvoir être compris par un enfant de première ou deuxième année d'école. Chaque année, des enfants mettent la main sur ces produits, qu'ils soient entreposés dans une ferme ou un garage, et ces avertissements doivent donc être clairs.
Nous sommes également préoccupés de voir que les études et expériences sur lesquelles une décision d'homologation est fondée peuvent être soustraites à l'appréciation d'experts indépendants et enfouies sous le manteau de la confidentialité. Toute expérience prétendant démontrer qu'un produit est sûr doit pouvoir être reproduite par des experts et scientifiques indépendants et impartiaux, avant d'être accepté comme preuve.
Le projet de loi n'énonce pas les rôles et responsabilités de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Il importe à nos yeux que cet organisme important travaille de manière transparente, qu'il soit indépendant de l'industrie et non soumis aux pressions politiques, que ses décisions soient fondées sur l'approche de prudence, qu'il dispose de ressources suffisantes pour examiner de façon fiable et serrée les études sur l'innocuité des pesticides et, lorsque c'est nécessaire, qu'il puisse reproduire les études soumises ou commander cette reproduction.
Á (1115)
Pour conclure, l'Institut canadien de la santé infantile serait heureux de pouvoir continuer à travailler avec le ministre et son personnel, ainsi qu'avec le comité et ses membres, en vue d'améliorer le projet de loi de façon à mieux protéger la santé de l'environnement et de la population canadienne, et particulièrement les enfants canadiens.
Nous vous remercions encore une fois de cette invitation à comparaître.
La présidente: Merci, monsieur Houston.
Nous allons maintenant entendre le Dr Cushman, de l'Association canadienne de santé publique
Dr Robert Cushman (médecin hygiéniste, ville d'Ottawa, association canadienne de santé publique): Merci, madame la présidente.
Pour me présenter, je suis le médecin hygiéniste de la ville d'Ottawa. Je représente ici aujourd'hui l'Association canadienne de santé publique, une organisation nationale, indépendante et sans but lucratif composée de bénévoles. L'Association canadienne de santé publique oeuvre depuis des années dans le domaine de la santé publique, bien évidemment, mais particulièrement de la santé professionnelle et environnementale. Je vais passer en revue le mémoire dont vous avez le texte.
Dans l'optique de l'ACSP, les deux principaux enjeux sont le principe de précaution et la promotion et la recherche de produits de remplacement. Sachez que l'Association canadienne de santé publique travaille dans ce domaine. Vous avez probablement entendu qu'à Ottawa nous nous penchons sur l'utilisation cosmétique des pesticides, tout comme Toronto. Je vous recommande une visite au site Internet du Département de santé publique de Toronto. Vous y trouverez quelques renseignements récents très intéressants sur les pesticides. Je n'ai pas besoin de vous rappeler non plus les initiatives prises sur le front municipal à Hudson, Halifax et Chelsea.
Les pesticides sont partout. Leur nombre a explosé au cours des 70 dernières années. On est passé de quelque 50 pesticides en 1940 à des milliers. Je crois que l'on en compte maintenant près de 6 000. Nous sommes très préoccupés par la contamination des nappes phréatiques. Nous savons que si l'on faisait des tests sanguins sur toute la population, nul ne serait exempt de traces de pesticides. On les emploie en agriculture et dans des bâtiments comme celui-ci. J'ai vu par la fenêtre des tables de pique-nique faites de bois traité sous pression. Ces produits sont partout. Nous les utilisons sur nos pelouses et les parcours de golf. Les pouvoirs publics et industries les emploient. Vous pouvez les trouver chez votre quincaillier.
Nous connaissons leurs dangers. Nous savons que les pesticides de première génération comportaient des effets persistants. Il y avait bioaccumulation et ils sont toxiques. Je pense que c'est le Globe and Mail qui avait un article cette semaine sur les déformations remarquées chez les reptiles et amphibiens, et l'on pense que ces effets ne sont pas seulement dus au DDT mais aussi au Malathion, le produit que nous craignons de devoir employer pour combattre le virus du Nil occidental dans notre ville.
Cela vous donne une idée de l'ubiquité, de l'omniprésence et du danger potentiel de ces produits.
Nous connaissons les effets toxiques à court terme et les effets indirects, et nous sommes inquiets, évidemment, devant les effets chroniques à long terme, qu'il s'agisse de cancers, de difformités congénitales, de perturbations endocriniennes, de stérilité. Nous commençons à déceler les liens. Nous savons également que nous avons des populations à plus haut risque, telles que femmes enceintes, enfants, certains travailleurs ou ceux qui ont une sensibilité aux produits chimiques.
J'ai examiné le projet de loi et j'y ai trouvé certains éléments positifs. De fait, nous sommes très satisfaits, car le projet de loi C-53 va nettement plus loin que la loi actuelle, la Loi sur les produits antiparasitaires de 1969. Nous avions un peu de rattrapage à faire, et c'est ce que vise ce projet de loi.
Je considère également que la première étape dans tout processus de réglementation consiste à réglementer ce qui est déjà sur le marché. Je vous en félicite. Le projet de loi reconnaît qu'un certain nombre de produits actuellement disponibles sont d'usage très répandu. Je suis heureux de voir que le projet de loi impose le fardeau de la preuve aux fabricants au moment de l'homologation d'un produit. C'est une mesure positive.
Je suis encouragé de voir les marges de sécurité accrues s'agissant des populations à risque, mais je souscris aux réserves de mes collègues lorsqu'ils s'inquiètent du caractère discrétionnaire de l'application.
Je suis très heureux de voir qu'il y aura un registre public, une réévaluation périodique des produits, la communication des renseignements commerciaux confidentiels aux autres ministères et des rapports annuels au Parlement. Toutes ces idées sont bonnes et je vous en félicite.
En revanche, je crains que le projet de loi n'aille pas assez loin pour répondre aux besoins du public canadien en l'an 2002. Il n'y a pas d'obligation de déshomologuer des pesticides anciens. Il n'y a pas de prise en compte de l'exposition cumulative lors de l'homologation, à moins que le ministre ne le demande. Il n'y a pas d'obligation d'évaluer le risque des adjuvants ou contaminants ou même de les indiquer sur les étiquettes. Il en résultera forcément des problèmes.
En outre, pour ce qui est de l'évaluation scientifique, il n'y a pas de définition des risques acceptables ni de critères touchant les seuils de toxicité. Il n'y a pas de mécanisme direct prévoyant la présentation et l'analyse de conclusions scientifiques indépendantes. La recherche est très importante. Vous devez avoir accès à cette recherche, et cette recherche doit avoir accès à vous. Les efforts déployés en vue de mettre en place un système de surveillance efficace et faire face aux effets nocifs sont minimes.
Á (1120)
Vous avez peut-être vu le Journal de l'Association médicale canadienne qui disait il y a quelques semaines qu'il existe un manque de formation dans le domaine de la santé environnementale. Certains groupes de chercheurs sont à l'avant-garde, mais il faut davantage de formation et aussi des systèmes de notification et de surveillance. Si un cas de rougeole survient aujourd'hui à Ottawa, j'en serai informé immédiatement, mais nous ignorons tout de certains des effets de ces pesticides.
Oui, le projet de loi s'attaque au problème réglementaire, et c'est un premier pas important car il y avait là une faiblesse à rectifier, mais cela ne nous donne pas pour autant une stratégie globale efficace. C'est cela que nous attendons réellement de Santé Canada, du gouvernement. Une stratégie globale rechercherait la minimisation: la réduction de l'emploi des pesticides, l'élimination des pesticides persistants ou perturbant le système endocrinien, et remplacerait les pesticides à haut risque par d'autres moins dangereux, et éliminerait progressivement l'usage cosmétique.
Il n'y a pas non plus de mandat en matière d'éducation. Le projet de loi C-53 devrait comporter un programme d'éducation pour informer les Canadiens sur les risques des pesticides et les solutions de remplacement. Vous ne pouvez vous en remettre pour cela aux cousins pauvres. Bien que Toronto ou Ottawa ne soient pas pauvres, c'est le cas de la plupart des municipalités. Vous ne pouvez leur laisser ce soin. Il faut un leadership au niveau fédéral.
Par ailleurs, comme je l'ai mentionné, il faudrait des rapports touchant la santé professionnelle, la surveillance et les cas individuels. Le gouvernement devrait suivre les effets sur la santé des travailleurs et nous aider à mettre en place un système pour affronter ces problèmes émergents.
En conclusion, l'Association canadienne de santé publique formule cinq recommandations en vue d'améliorer le projet de loi. La première et la plus importante préconise la mise en place d'une stratégie globale. Nous en avons déjà parlé.
Deuxièmement, il faut appliquer le principe de précaution. Celui-ci veut que, lorsqu'il y a des risques de dommages sérieux ou irréversibles, le manque de preuve scientifique ne doit pas être invoqué comme une raison de ne pas agir.
Troisièmement, il faut adopter une approche de prévention de la pollution. Le projet de loi cherche à réduire le risque inacceptable, mais il n'adopte pas vraiment d'approche préventive. La prévention signifierait, par exemple, d'éliminer les pesticides qui sont persistants, de ne pas les exporter et de supprimer graduellement l'emploi cosmétique de pesticides.
Quatrièmement, il faudrait des crédits accrus pour rechercher des solutions de rechange aux pesticides, tels que de meilleures méthodes de culture ou la gestion intégrée des nuisibles.
Enfin, et c'est l'élément primordial, il faut un leadership, un leadership national. La protection d'une personne ne devrait pas être fonction de l'endroit où elle vit dans ce pays. Que l'on vive à Chelsea, ou à Toronto, ou à Ottawa dans deux ans, tout le monde au Canada devrait être protégé, d'une côte à l'autre et du nord au sud, contre les effets potentiellement graves sur la santé des pesticides.
Merci.
Á (1125)
La présidente: Merci, docteur Cushman.
Nous allons passer à Sandra Schwartz, qui représente Pollution Probe.
Mme Sandra Schwartz (directrice, Environnement et Programme de santé des enfants, Enquête pollution): Merci.
Premièrement, je veux remercier le comité d'avoir invité Pollution Probe à parler de cet important projet de loi et à présenter notre analyse au comité permanent de la santé.
Dans notre présentation d'aujourd'hui, je vais me concentrer strictement sur trois éléments. Beaucoup d'autres observations ont été présentées par les autres témoins aujourd'hui et le seront encore la semaine prochaine par des groupes tels que le Fonds mondial pour la nature et l'Association canadienne du droit de l'environnement. Nombre d'entre nous qui travaillons dans le domaine de l'écohygiène et des risques potentiels tant pour l'environnement que la santé percevons dans ce projet de loi de nombreuses améliorations, mais formulons également un certain nombre de réserves.
J'aimerais parler de la susceptibilité particulière des enfants aux effets des pesticides et recommanderais des améliorations à apporter au projet de loi C-53, telles que la nécessité d'ériger le principe de précaution en principe directeur et précepte opérationnel, de rendre obligatoire l'application du facteur d'innocuité décuplé ainsi que la mise sur pied d'un conseil consultatif public.
Comme je l'ai mentionné, le projet de loi C-53 constitue une nette amélioration par rapport à la loi antérieure, qui avait été adoptée en 1969 et jamais aménagée depuis. Contrairement à la Loi actuelle qui remonte à 30 ans, le projet de loi C-53 donne au ministre le mandat essentiel de veiller à ce que le système de gestion des pesticides privilégie la santé et l'environnement. C'est là une nouveauté majeure. On peut donc prévoir que le projet de loi C-53 aidera à protéger la santé des enfants Canadiens, à condition que des amendements ne soient pas apportés pour en affaiblir les dispositions. Toutefois, certaines améliorations pourraient être apportées qui renforceraient le projet de loi dans le but de mieux protéger la santé des Canadiens.
Permettez-moi de vous expliquer d'abord la vulnérabilité particulière des enfants.
Les enfants constituent réellement notre ressource nationale la plus importante. Le bon développement cérébral des enfants est essentiel à leur santé, leur capacité de contribuer à la société tout au long de leur vie et au bien-être des générations futures. Les enfants ne peuvent opérer des choix concernant leur environnement, et il incombe donc à nous, les adultes, de prendre les bonnes décisions et d'assurer leur protection.
Les enfants sont exposés à de nombreux pesticides chimiques de provenances très diverses. De la conception jusqu'à l'adolescence, ils sont plus sensibles et plus exposés aux pesticides que l'adulte moyen. En moyenne, les enfants sont davantage exposés parce que, kilogramme pour kilogramme, ils mangent plus, boivent plus et respirent plus que les adultes et que leur régime alimentaire est un peu différent de celui des adultes. En outre, selon l'âge, l'aptitude des enfants à métaboliser, à détoxifier et à excréter de nombreux toxiques est différente de celle des adultes.
Les pesticides peuvent avoir toutes sortes d'effets aigus et à long terme suivant le type, la dose, la voie d'exposition et la sensibilité de l'individu exposé. Les enfants sont certainement une population plus sensible.
L'exposition à de faibles niveaux de pesticides pendant des mois ou des années peut causer le cancer, la dégradation du système nerveux, l'immunosuppression, l'infertilité, et altérer le comportement et le développement. L'utilisation de pesticides dans les maisons a été identifiée comme un facteur de risque dans l'étiologie de maladies chroniques chez les enfants, surtout la leucémie et les tumeurs cérébrales. Des données récentes indiquent que certains pesticides peuvent, à des niveaux extrêmement bas et potentiellement même après une seule exposition, perturber le système endocrinien. L'embryon est particulièrement sensible aux effets de ces produits chimiques, du fait que le cerveau, les organes sexuels et d'autres éléments structurels de l'organisme dépendent de signaux hormonaux subtils pour leur bon développement.
Par conséquent, il est urgent de faire des enfants une priorité de la politique sur les pesticides. Malgré la vulnérabilité plus grande des enfants aux contaminants environnementaux, il n'existe pas de stratégie cohérente d'évaluation et de gestion des risques qui puisse garantir que les enfants grandissent à l'abri de l'exposition aux produits antiparasitaires--c'est là la situation actuelle; le projet de loi C-53 contient quelques mesures à cet égard.
Au Canada, le régime de réglementation des pesticides ne tient pas compte explicitement à l'heure actuelle des vulnérabilités particulières des enfants, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis. La Food Quality Protection Act, la loi américaine de 1996 qui a réformé la réglementation des pesticides, était motivée en partie par une étude de la National Academy of Sciences de 1993, intitulée Pesticides in the Diets of Infants and Children, qui a constaté que le processus de réglementation ne tenait pas compte des vulnérabilités particulières des enfants et recommandait de le modifier de manière à mieux protéger la santé des nourrissons et des enfants. Cette loi a été adoptée à l'unanimité, sur la base des données incontestables présentées par l'étude.
Á (1130)
Aux termes de la Food Quality Protection Act, que je désignerai désormais par le sigle FQPA, l'Environmental Protection Agency est tenue d'appliquer un facteur de sécurité décuplé au moment d'évaluer et de fixer les limites réglementaires des pesticides de manière à avoir la certitude raisonnable de ne pas nuire aux nourrissons et enfants. Cette marge de sécurité tient compte des risques accrus pendant et après la grossesse et du caractère incomplet des données d'exposition et de toxicité dans le cas des enfants.
Pour protéger les enfants canadiens de l'exposition aux pesticides, nous avons besoin de telles stratégies obligatoires de protection axées sur les enfants dans nos propres structures. Par conséquent, nous recommandons la suppression au sous-alinéa 7(7)b)(ii), à l'alinéa 11(2)b), et au sous-alinéa 19(2)b)(ii) du membre de phrase qui laisse la discrétion au ministre: «à moins que, sur la base de données scientifiques fiables, il ait jugé qu'une marge de sécurité différente conviendrait mieux».
Permettez-moi d'expliquer nos raisons. À l'heure actuelle, il est d'usage au Canada d'évaluer la sécurité ou la nocivité d'une substance en comparant sa toxicité, telle que déterminée par des études animales, au niveau d'exposition réputé se produire. Cependant, même s'il existe de bonnes données scientifiques pour une substance, il subsiste généralement de l'incertitude quant à son innocuité. Il en est ainsi parce que les humains peuvent être plus susceptibles que les animaux de laboratoire et que certains individus sont plus sensibles que d'autres. L'incertitude et la nécessité d'assurer délibérément la protection de la santé augmentent lorsque les recherches sont limitées. L'évaluation des risques tient compte de cette imprécision en divisant le niveau d'exposition le plus élevé dont on sait qu'il ne cause pas de tort aux animaux jeunes ou adultes par des facteurs d'incertitude.
Parmi les facteurs d'incertitude d'usage courant, il y a le facteur de dix qui permet de tenir compte de la différence entre les animaux et les humains et un facteur supplémentaire de dix qui tient compte de populations vulnérables comme les enfants. On les retrouve aux articles 7 et 19 du projet de loi C-53.
Bien que les coefficients d'incertitude soient largement utilisés, les autorités de réglementation canadienne ne sont pas à l'heure actuelle obligées de les appliquer s'agissant de la vulnérabilité plus grande des enfants aux contaminants environnementaux. Le projet de loi C-53 changerait cela. Dans l'ensemble, on ajoute ces coefficients d'incertitude aux doses sûres pour les animaux adultes parce qu'il existe rarement des études adéquates sur les animaux jeunes. En outre, l'information sur l'exposition aux substances potentiellement toxiques est limitée et les recherches scientifiques que l'éthique nous permet de faire sont rarement capables de déterminer avec exactitude la nocivité d'une substance pour les enfants et d'autres. La suppression de la formulation facultative garantirait que le ministre pourrait appliquer le facteur de sécurité décuplé dans tous les cas, contrairement aux dispositions de la FQPA actuelle.
En effet, cette dernière laisse également une marge discrétionnaire et, selon une lettre en date du 30 mars 1999--donc il y a environ trois ans--de Susan Wayland, qui est administratrice adjointe par intérim de l'Office of Prevention, Pesticides and Toxic Substances de l'EPA, entre la date de l'adoption de la FQPA en 1996 et 1999, l'EPA américaine a évalué 120 principes actifs conventionnels aux termes de la loi et n'a appliqué le facteur de sécurité décuplé que dans 15 de ces 120 cas, c'est-à-dire dans 12,5 p. 100 d'entre eux.
Ainsi, si le projet de loi C-53 a pour objectif premier «la prévention des risques inacceptables pour les personnes et l'environnement que présente l'utilisation des produits antiparasitaires», il est impératif d'amender les articles 7, 11 et 19. Comme certains de mes collègues l'ont fait remarquer, bien que l'application d'une marge de sécurité supplémentaire soit indissociable d'une solide stratégie préventive de réglementation des substances, le principe de précaution n'est appliqué que de façon limitée dans le projet de loi C-53.
Le principe de précaution n'est mentionné qu'à l'égard de la réévaluation et de l'examen spécial prévu à l'article 20. Cette application limitée du principe de précaution est un grand sujet de préoccupation pour Pollution Probe. Le projet de loi C-53 omet de consacrer ou d'opérationnaliser ce principe internationalement reconnu. D'autres juridictions ont rendu ce principe exécutoire de manière à arbitrer entre des intérêts très divers et ont promulgué des lois environnementales sur cette base. Nous pensons qu'il est à la fois possible et souhaitable pour le Canada d'intégrer le principe de prudence dans une législation comme celle-ci.
Nous croyons donc qu'il faut insérer le principe de précaution et dans le titre et dans le préambule et dans les articles administratifs et opérationnels du projet de loi C-53, de façon à permettre au ministre de la santé et à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire d'agir même en l'absence de preuve irréfutable de nocivité, particulièrement lorsqu'il y a incertitude scientifique quant aux liens de causalité.
Nous comprenons tous que la science ne puisse apporter des réponses univoques aux problèmes d'hygiène environnementale. Compte tenu de cet écart entre la science et la politique, un texte de loi comme le projet de loi C-53 doit être fondé sur le principe de précaution. Selon ce dernier, lorsque des données substantielles de n'importe quel type nous donnent lieu de penser qu'une activité, une technologie ou une substance peuvent être nocives, nous devons agir de manière préventive.
Á (1135)
Souvent, un problème d'hygiène environnementale est de portée trop vaste, a des causes trop diverses et des effets à trop long terme pour qu'on puisse les cerner au moyen d'expériences scientifiques propres à établir de manière probante les relations de cause à effet. Ces problèmes se prêtent mal à l'étude en laboratoire. C'est pourquoi il faut s'en remettre à des observations, à des études de cas et à des données extrapolées d'études dosage/réponse pour estimer hypothétiquement le risque sanitaire potentiel. Si nous attendons toujours la certitude scientifique, le foetus et l'enfant peuvent subir des effets comportant des conséquences à long terme sur la santé des adultes et les dommages causés au monde naturel peuvent être irréversibles.
Appliquer le principe de précaution signifie que l'on n'attendra pas qu'un lien de cause à effet soit établi au-delà de tout doute raisonnable avant de prendre des mesures pour protéger la santé humaine et l'environnement. Le manque de certitude scientifique concernant les effets des pesticides sur la santé humaine et écologique ne doit pas servir d'excuse pour remettre à plus tard des mesures susceptibles de prévenir des résultats potentiellement irréversibles. C'est pourquoi nous recommandons de faire du principe de précaution la notion fondamentale qui sous-tend tous les aspects du projet de loi. En dernière analyse, la précaution est une affaire de prévention des dommages et non pas d'évaluation des risques.
En sus des amendements relatifs au principe de précaution, il est essentiel que le projet de loi C-53 impose la création d'un conseil consultatif public. La création d'un tel conseil est rendue possible par l'article 5 du projet de loi C-53. Cependant, cela reste facultatif et il faudrait donc modifier le libellé afin que cela devienne obligatoire et préciser que ce conseil devra être composé majoritairement de citoyens et de représentants de l'intérêt public, en sus des représentants de l'industrie.
En outre, il faudrait préciser le mandat de ce conseil, qui aurait plusieurs fonctions. Il agirait de manière à assurer la transparence et la reddition de comptes, vérifier la bonne application de la loi, déterminer l'état des connaissances, etc. Il est peu probable que surgisse le consensus social nécessaire à la légitimité des décisions relatives aux normes si le public n'est pas en mesure d'apporter en temps opportun une contribution réelle aux principaux volets du cadre décisionnel.
En résumé, toute législation dont l'objectif est de protéger la santé humaine contre les risques environnementaux, telle que le projet de loi C-53, doit être conçue en sachant non seulement qu'il n'existe pas de données certaines sur les principaux enjeux, mais aussi que la probabilité d'en disposer avant que des décisions finales doivent être prises est faible. Aussi, la preuve scientifique d'une relation causale ne devrait pas être le seul facteur déclenchant une action réglementaire. Les décisions concernant les produits antiparasitaires doivent être prises sur la base de connaissances insuffisantes. Il importe donc de fixer des objectifs au moyen d'une loi exécutoire dans le but de protéger la santé et le bien-être de nos enfants.
Bien que certaines améliorations renforceraient le mandat de la nouvelle Loi sur les produits antiparasitaires, Pollution Probe appuie le projet de loi C-53 dans sa version actuelle. Cependant, pour lui donner plus de poids, son titre devrait spécifier d'emblée: «Loi visant à protéger la santé et la sécurité humaine et l'environnement en réglementant les produits utilisés pour la lutte antiparasitaire sur la base du principe de précaution». Joint à l'inclusion d'un facteur de sécurité obligatoire de dix et à la création obligatoire d'un conseil consultatif public, cet amendement renforcerait l'objectif premier du projet de loi, qui est la prévention des risques inacceptables pour les personnes et l'environnement que présente l'utilisation des produits antiparasitaires. Cela inciterait également l'industrie à produire et à vendre des solutions de rechange aux pesticides plus sûres.
Nous encourageons fortement le Comité permanent de la santé à apporter ces amendements, étant donné qu'ils renforceraient l'aptitude de Santé Canada et de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire à protéger efficacement et adéquatement la santé et la sécurité des personnes, ainsi que l'environnement.
Je vous remercie.
La présidente: Merci, madame Schwartz.
Nous allons maintenant passer à la période des questions, et nous commencerons avec M. Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Merci à tous d'être venus. J'apprécie d'entendre vos points de vue sur cette loi très importante, qui ne s'est fait que trop longtemps attendre et qui touche de près la santé et la sécurité des Canadiens.
Je suis un peu préoccupé par certaines choses que vous avez dites. La plupart d'entre vous s'inquiètent de la santé et de la sécurité des enfants et vous parlez surtout de la société urbaine, laquelle consomme, d'après les chiffres qui nous ont été fournis, environ 1 p. 100 des pesticides employés au Canada. Vous parlez beaucoup du danger pour les enfants et je me demande si vous constatez beaucoup de problèmes réels chez les enfants dus aux pesticides. Je sais que c'est un vaste sujet et qu'il est difficile d'obtenir des données, mais peut-être les médecins... Auriez-vous des chiffres réels qui montreraient les effets des pesticides aujourd'hui sur les enfants canadiens?
Dr Kapil Khatter: Pour répondre à votre question, la raison pour laquelle nous avons ces discussions et débats est justement qu'il est difficile de tirer ce genre de conclusions. Les effets qui nous inquiètent sont surtout à long terme. Ce sont des effets qui peuvent être provoqués par des doses très faibles et pour lesquelles il est très difficile de démontrer une relation de cause à effet. Ce que nous constatons dans la société, c'est fondamentalement deux catégories d'effets inquiétants. La première met en jeu l'appareil reproducteur: multiplication des cancers des testicules, baisse de la quantité de spermatozoïdes--ce genre de choses. Nous sommes particulièrement inquiets lorsque l'exposition commence dès l'enfance, car les séquelles à long terme ont alors largement le temps d'apparaître.
Un autre phénomène est celui des difficultés d'apprentissage, l'hyperactivité--des troubles qui se multiplient et pour lesquels nous cherchons des associations. Nous avons des études animales qui montrent que ces pesticides peuvent produire ce type d'effet, avec notamment une étude retentissante faite au Mexique qui montre de façon spectaculaire que l'exposition à ces pesticides peut engendrer chez les enfants des difficultés d'apprentissage et des troubles de coordination.
Á (1140)
M. Rob Merrifield: Cela m'intéresse vraiment, car j'ai grandi en milieu rural et ai été exposé aux pesticides. Je pense que la plupart des agriculteurs sont exposés à des quantités énormes de pesticides, de par leur métier. Je me demande si vous auriez des données montrant que ceux qui ont été exposés pendant de nombreuses années présentent le genre de troubles dont vous parlez. Sont-ils plus fréquents en milieu rural qu'en milieu urbain? S'il devait y avoir un problème majeur, c'est certainement là qu'on s'attendrait à le rencontrer.
Dr Kapil Khatter: Je sais que le Dr Cushman souhaite intervenir, mais pour reprendre son propos sur la nécessité d'un leadership national, nous avons justement besoin de ce genre d'études. Il importe que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et Santé Canada s'engagent à faire ce genre de travail, car ces études manquent et nous n'avons pas les données qu'il faudrait. Mais la décision prudente qu'il faut prendre maintenant consiste à ne pas attendre une étude sur 30 ans qui prouve la réalité de ces effets; il faut agir tout de suite, par mesure de prudence.
Dr Robert Cushman: En ce qui concerne l'utilisation agricole... Dans notre mémoire, nous disons que c'est environ 70 p. 100. On songe bien sûr au gazon dans les villes, mais il faut songer également à l'utilisation dans les structures, comme ce bâtiment. Encore une fois, dans l'utilisation intérieure, il y a tout le problème de l'exposition dans un espace confiné. Il faut en tenir compte.
Je vous recommande les travaux du Dr Gillette. Quelqu'un connaît-il ses recherches? Elle était en ville il y a quelques mois. Elle est allée au Mexique et a trouvé une localité où l'on cultive des légumes et une autre où l'on élève du bétail, proches l'une de l'autre. Leurs populations étaient très homogènes, la seule différence étant l'emploi de pesticides. Comme on peut s'y attendre, on appliquait beaucoup de pesticides dans la localité à culture potagère et très peu dans la localité d'élevage.
Vous devriez voir les dessins réalisés par ces enfants. Ils avaient entre six et huit ans. Les uns pouvaient faire ce que l'on attend d'un enfant de sept ou huit ans--dessiner un bonhomme--allumettes, avec un peu plus de raffinements avec l'âge. Les dessins faits par les enfants de la localité utilisant beaucoup de pesticides n'étaient que des gribouillis informes. Par ailleurs, lorsqu'elle lançait des ballons à ces gamins, ceux du village d'éleveurs se débrouillaient comme une future équipe des Blue Jays--qui aurait bien besoin d'eux--alors que ceux de l'autre localité manquaient totalement de coordination. C'était triste à voir. Nous pouvons vous communiquer cette étude dont nous avons les références. Elle mérite d'être lue.
Il s'agit là d'exposition chronique à long terme. Nous connaissons une très bonne étude, une étude de cas à groupe de contrôle menée auprès de travailleurs agricoles de l'Iowa. Il est très clair que le lymphome non-hodgkinien est beaucoup plus courant chez les travailleurs agricoles exposés aux pesticides, peut-être depuis l'enfance. Cette maladie survient à l'âge mûr, en quelque sorte. C'est la maladie qui a frappé le jeune capitaine des Canadiens de Montréal. Ce n'est pas quelque chose qui survient à l'âge de 80 ans. Vous la voyez chez des gens de 30 et 40 ans. Cela a été démontré.
L'article que j'ai cité sur... Il faut examiner de très près le développement du foetus et de l'embryon. Nous voyons maintenant des amphibiens et des reptiles qui naissent sans jambes. Nous voyons des oiseaux ayant le bec croisé. Ils ont une période de gestation plus courte, mais dans l'ensemble les processus fondamentaux sont les mêmes que chez nous. Si vous regardez la nature des pesticides, les toxines qu'ils contiennent, il est clair qu'ils agissent sur les mêmes organes, sur les mêmes propriétés du système nerveux que chez vous et chez moi. Les principes fondamentaux sont les mêmes. Ils sont d'ailleurs spécifiquement conçus pour cela.
Comme on l'a mentionné, on voit une multiplication des troubles de déficit d'attention et des cas de stérilité. Malheureusement, ce n'est pas une relation linéaire, comme celle du bacille de Koch et de la tuberculose ou du VIH et du SIDA. Vous avez 6 000 pesticides qui passent par la partie étroite du sablier, et vous avez toutes ces manifestations différentes. Il y a une multiplicité de facteurs et beaucoup de ces troubles ont également d'autres causes. Mais nous les constatons. Songez à la maladie de Lou Gehrig, décelée pour la première fois chez l'équipe 49 de San Francisco. Tous ces hommes jouaient sur du gazon naturel en Californie, avant l'invention du gazon artificiel. Pour une raison que l'on ignore, un grand nombre de membres de cette équipe ont été touchés par la même maladie.
Oui, il y a une réaction à la dose, mais il faut considérer aussi la bioaccumulation. Il faut considérer la synergie, voir combien de ces pesticides agissent simultanément. C'est très complexe, mais nous en savons certainement suffisamment maintenant pour faire preuve de prudence. Comme on l'a dit tout à l'heure, c'est là où il importe que le gouvernement fédéral intervienne et nous aide. Nous, service sanitaire municipal, ne pouvons analyser et disséquer ce problème.
Á (1145)
Mme Sandra Schwartz: J'aimerais également répondre.
Pour vous donner quelques exemples d'études menées au Canada par Santé Canada, un chercheur du nom de Tye Arbuckle, de Santé Canada, a effectué une étude sur une famille agricole de l'Ontario. Elle s'est surtout penchée sur les résultats au niveau de la reproduction, des choses comme les grossesses et les enfants de femmes enceintes exposées. Elle a principalement constaté une augmentation de certaines anomalies reproductives telles que l'avortement spontané. Elle a constaté en outre certains troubles du développement--des choses comme des difformités congénitales. Donc, même au Canada, avec les recherches limitées effectuées, on a des exemples de cette sorte.
Je vous recommanderais certainement, si vous le souhaitez, d'inviter quelques chercheurs de Santé Canada pour qu'ils vous fassent part de leurs résultats de recherche. Je suis sûre qu'ils seraient ravis de venir.
En outre, aux États-Unis on a effectué ce que l'on appelle une étude de biomarqueur, qui portait sur une série de contaminants de l'environnement, recherchant notamment une poignée de métabolites de pesticides dans le sang et l'urine. On a effectivement retrouvé de ces métabolites dans le corps humain.
Cela ne prouve pas nécessairement qu'il en résultera certaines séquelles, mais cette recherche montre que ces pesticides persistent dans le corps humain et on sait qu'ils ont un effet biologique potentiel chez les humains.
La prochaine série d'études que va conduire le Centres for Disease Control aux États-Unis cherchera à déterminer le circuit d'exposition à ces substances particulières décelées dans le sang et l'urine, à déterminer quels étaient les niveaux d'exposition et quels peuvent en être les effets sanitaires.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Nous allons passer à M. Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ): Merci, madame la présidente.
J'aimerais poser trois questions.
D'abord, vous avez manifesté beaucoup d'insatisfaction à l'égard du projet de loi et vous souhaitez que des amendements très concrets y soient apportés. Essayons de comprendre la portée de chacun d'entre eux. Quelqu'un parmi vous a mentionné qu'il n'y avait à l'heure actuelle aucune mesure prévoyant le retrait des anciens pesticides. Or, vous semblez accorder beaucoup d'importance à ce problème. À cet égard, pourriez-vous nous donner des conseils sur la façon dont on pourrait procéder ou des références qui nous permettraient de proposer un amendement très concret?
Á (1150)
[Traduction]
Dr Robert Cushman: Il s'agit en gros d'éliminer les pesticides anciens.
[Français]
C'est une question très difficile, entre autres parce que les pays industrialisés ont la mauvaise habitude d'exporter ces anciens pesticides.
Ensuite, au sujet des exportations...
[Traduction]
Je pense que nous pouvons y réfléchir.
[Français]
Ensuite, il faut trouver une façon d'assurer que ces pesticides ne se retrouvent pas autant dans les produits domestiques que dans les produits industriels. Je dois vous avouer que je n'ai pas de réponse à ce problème; je crois qu'il s'agit d'une question de réglementation qui, selon moi, n'est pas de notre ressort.
[Traduction]
Je dis que je ne...
[Français]
Dr Kapil Khatter: On peut le placer dans la section de l'évaluation comparative des risques. On parle du principe de substitution; en d'autres mots, si on trouve un pesticide qui donne les mêmes résultats mais comporte moins de risques, on peut...
M. Réal Ménard: Mon collègue le député de Rosemont--Petite-Patrie connaît la question mieux que moi, puisqu'il l'a étudiée pendant un an au Comité de l'environnement. Le rapport de ce comité mentionne que dans certains pays, lorsqu'un nouveau produit de substitution est disponible sur le marché après avoir fait l'objet d'une évaluation rigoureuse, le nouveau produit doit avoir préséance sur l'ancien produit. C'est ce genre de mesure que vous semblez souhaiter, et même si cela n'a pas pris la forme précise d'un amendement, vos objectifs à cet égard sont clairs.
Je vais maintenant poser ma deuxième question, si vous le permettez. Chacun d'entre vous a souligné qu'il n'existait pas de stratégie intégrée concernant les effets des pesticides sur les enfants; vous avez même exprimé le souhait qu'un système de notification soit adopté. D'ailleurs, quelqu'un a dit à ce sujet que lorsque dans une ville, un enfant était atteint de rougeole, des systèmes de surveillance épidémiologique nous permettaient d'en être informés assez rapidement.
Dans le même ordre d'idées, quels sont, à votre avis, les éléments absents de cette stratégie intégrée? J'aimerais aussi savoir si vous considérez que le Laboratoire de lutte contre la maladie de Santé Canada est le centre de coordination de cette stratégie.
Finalement, si je comprends bien votre point de vue, vous souhaiteriez que le système de notification donne lieu à un genre de déclaration obligatoire dès que des signes d'infection ou de contamination aux pesticides se manifestent.
Dr Kapil Khatter: Ce sont les médecins qui devraient être responsables de faire ces déclarations obligatoires, mais on voit que ça ne marche pas. Alors, c'est aux compagnies d'avoir des réglementations leur permettant de dire s'il y a des risques pour la santé ou l'environnement. C'est aussi la responsabilité du gouvernement de faire de la recherche et de la surveillance pour déterminer s'il y a un risque pour la santé ou l'environnement.
M. Réal Ménard: Ne pensez-vous pas qu'on parle de deux choses? C'est cela que je veux essayer de comprendre. On parle d'un système de notification. J'avais cru comprendre qu'il s'agissait d'une sorte de déclaration obligatoire et que le médecin, pour sa part, lorsqu'il était témoin dans le cadre de sa pratique médicale d'un certain nombre de signes précurseurs de contamination par des pesticides, devait en avertir un centre épidémiologique. Est-ce que ça doit être un laboratoire public ou un laboratoire privé? Pour la plupart des maladies à déclaration obligatoire, c'est le Laboratoire de lutte contre la maladie de Santé Canada, où on tient des statistiques. De plus, dans chacun des centres satellites au Canada, il y a de l'information qui est relayée. Donc, vous souhaitez qu'il y ait un système de notification publique et qu'il y ait un amendement au projet de loi en ce sens-là. Est-ce que je comprends bien votre idée?
Dr Robert Cushman: Oui, mais je dois vous dire que c'est très compliqué parce que notre compréhension est toujours un peu antédiluvienne. C'est très compliqué. C'est comme pour la rougeole il y a 200 ans, mais il faut commencer quelque part. Je pense que dans nos centres antipoison et nos centres de toxicologie, on peut avoir un système pour encourager les gens. Bien sûr, il y aura des expositions occupationnelles; ce sont elles qui vont sortir le plus vite. Il faudrait avoir un système pour nos médecins. Je pense que pendant le siècle actuel, il va y avoir beaucoup de maladies environnementales. On doit avoir un moyen d'encourager nos médecins et notre système de santé à faire de la surveillance.
C'est très intéressant. Après le 11 septembre, on a vu cinq anciennes maladies que la plupart de nos médecins n'avaient jamais vues, mais au moins, on avait une expérience passée de montage d'un effort. C'est une renaissance d'une certaine façon, mais dans ce cas-ci, c'est difficile. C'est un défi, mais on ne peut pas se fermer les yeux là-dessus. Je veux que ça commence. Oui, on doit avoir des systèmes et commencer à faire une certaine éducation, et on réussira peut-être à sensibiliser les gens avec le temps.
Prenons l'exemple du VIH. Il y a 20 ans, notre compréhension de cette maladie était minime. Il y aura certainement une évolution, mais il faut commencer quelque part. Je pense que Santé Canada a un rôle à jouer là-dedans.
Á (1155)
M. Réal Ménard: Ai-je le temps de poser une dernière question, madame la présidente?
[Traduction]
La présidente: Vous avez largement dépassé, monsieur Ménard. Je vais passer à M. Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay--Atikokan, Lib.): Merci beaucoup. J'ai conscience de la complexité et du grand défi qui se pose ici.
J'aimerais d'abord poser une question simple. Existe-t-il sur le marché un produit que l'on puisse qualifier de pesticide sûr, qui ne va pas toucher l'être humain--qui va tuer ce dont on ne veut pas, mais sans nous affecter?
M. Don Houston: Il y a des techniques multiples, depuis arracher une mauvaise herbe jusqu'au piège à souris, bien entendu. Mais il y a aussi la terre de diatomées, qui contrôle les perce-oreilles, les coquerelles et toute une série d'autres insectes domestiques. Elle est moins efficace à l'extérieur car l'humidité ne lui convient pas. Néanmoins, c'est un produit non toxique, à moins de se rouler dedans, et qui, appliqué par une méthode de gestion du risque, est complètement non toxique.
Il existe d'autres possibilités encore. Ceux qui utilisent les méthodes de culture organique ont mis au point au fil des ans de nombreuses techniques qui marchent très bien et leur production se vend à meilleur prix que celle de leurs voisins. Malheureusement, les cultures génétiquement modifiées de nos jours deviennent des mauvaises herbes qui prolifèrent, des mauvaises herbes difficiles à contenir car résistantes aux herbicides. Mais il y a des techniques multiples et si vous faisiez venir quelqu'un de Canadian Organic Growers, cette personne pourrait répondre à votre question de façon beaucoup plus complète et vous indiquer les méthodes.
Par ailleurs, il y a aussi les techniques intégrées de lutte antiparasitaire employées par des vergers dans de nombreuses régions du Canada, qui permettent aux cultivateurs de faire l'économie de beaucoup de pesticides et qui produisent des fruits d'aussi belle apparence que ceux produits selon les méthodes conventionnelles. On emploie quand même un peu de pesticides, mais beaucoup moins.
En ville, une partie de la solution serait d'accepter quelques pissenlits sur la pelouse. D'ailleurs, j'ai jadis travaillé comme intendant de terrain sur un petit parcours de golf et je gardais tous ces « verts » libres de mauvaises herbes avec un simple couteau suisse. Toutes ces choses sont possibles.
M. Stan Dromisky: La plupart des solutions concernent l'agriculture intensive, mais la vaste majorité de la population de ce pays vit dans un milieu urbain organisé: des centres métropolitains, des villes, des bourgades et même des villages organisés. Les pesticides dont je parle, ceux qui sont utilisés par le public--et ils sont nombreux, je sais--sont le genre avec lesquels les enfants entrent en contact. La plupart portent des avertissements. Si vous allez chez Canadian Tire, pratiquement chaque boîte porte un avertissement: mettez hors de la portée des enfants, et si vous en avalez, voici les choses à faire, toute cette sorte de choses.
Peut-être la solution est-elle de les interdire tous, ne pas en avoir du tout, et peut-être les nombreux problèmes dont vous faites état ne se poseraient plus, étant donné que personne ne fait les études toxicologiques intéressant les enfants qui s'imposent.
 (1200)
M. Don Houston: Ce serait une solution qui aurait notre appui à tous, je pense.
Mme Sandra Schwartz: Mais pour être équitable, il faut songer aux conséquences économiques et je vais faire preuve de modération à ce panel et dire que l'on peut...
M. Stan Dromisky: Le dollar passe avant la vie de l'enfant.
Mme Sandra Schwartz: Non, le dollar jamais. Justement, j'allais dire que le dollar ne doit jamais avoir préséance. Il ne fait aucun doute qu'il faut davantage de recherches. Si cela signifie bannir certains produits du marché en attendant les recherches, ce serait probablement une bonne chose, mais cela ne signifie pas que ces produits ne pourraient pas être réintroduits si la science démontre qu'ils sont sûrs. Tout dépend de la définition que l'on donne de «sûrs». Y aura-t-il des effets sur la santé d'un enfant? Tant que l'on ne fait pas les recherches, il est difficile de savoir.
M. Stan Dromisky: Nous pourrions parler de cela pendant des heures.
Je vais maintenant m'adresser aux médecins. Un enfant arrive, avec une éruption cutanée ou quelque chose du genre en plein été, et le médecin va prescrire une pommade, etc. Parlons franchement. Les médecins n'ont pas le temps de faire tous les tests et de mettre en parallèle les cas rencontrés par d'autres médecins d'enfants présentant des symptômes très similaires et de faire un suivi pour rechercher la raison et le lieu d'origine de ces symptômes--autrement dit la cause. Ce pourrait être un pesticide affectant les enfants qui ont joué dans un certain parc, par exemple un parc venant d'être traité par les autorités municipales.
On peut parler à l'infini et c'est une tâche pratiquement impossible. Peu m'importe toutes les études que vous citez. Quelqu'un a-t-il fait une analyse génétique de tous les habitants de cette petite localité du Mexique? Non. Tout est à l'avenant.
M. Don Houston: Ce qui est intéressant justement dans cette communauté, c'est qu'il s'agissait en fait d'une même collectivité qui s'est scindée en deux villages distincts au cours du dernier siècle. Donc, les deux populations étaient génétiquement parfaitement identiques. Dans cette étude particulière, la génétique ne peut être une explication.
À l'heure actuelle, Santé Canada, en collaboration avec des universitaires, projette une étude longitudinale d'assez grande envergure de la santé environnementale des enfants. Elle en est au stade de la planification et exige un financement assez important, provenant principalement des pouvoirs publics. Nous pensons que cette étude répondrait à bon nombre des questions que nous nous posons--que vous soulevez et que nous tous avons soulevées aujourd'hui. Si cette étude était financée, elle pourrait bien apporter un certain nombre de réponses.
Malheureusement, il faudra attendre une vingtaine d'années pour cela. Il faudrait travailler un peu plus vite que cela. Certaines réponses catégoriques n'en sortiront que dans 20 ans, d'autres peut-être plus tôt.
Il y aura des contestations. L'industrie du tabac contestait jusque dans les années 80 que le tabac causait des taux de cancer accrus chez les fumeurs. Nous savions tous bien avant qu'il y avait là un problème. Il faudra donc agir un peu plus vite.
Une voix: Mais il est toujours sur le marché.
M. Don Houston: C'est vrai, il est toujours sur le marché. Mais au moins il comporte ces terribles avertissements que même un enfant de cinq ans peut comprendre. C'est justement l'un des problèmes avec certains des pesticides, je pense.
Un aspect pour lequel nous avons des données, ce sont les empoisonnements. Il y a des empoisonnements. Chaque année, un certain nombre d'enfants sont empoisonnés par des pesticides.
C'est le strict minimum que l'on puisse faire.
M. Stan Dromisky: D'accord, merci beaucoup.
La présidente: Merci, monsieur Dromisky.
Nous allons passer à Mme Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, madame la présidente.
Suite aux propos de Stan, l'idéal serait d'éliminer du marché tous les pesticides, car aucun n'est exempt de risque. Mais puisque nous vivons dans le monde réel et subissons différentes contraintes, il me semble qu'à tout le moins le gouvernement du Canada devrait agir lorsque des données et des études montrent un lien entre une maladie et l'exposition à ces pesticides.
Il m'apparaît, ayant écouté les témoins qui ont défilé jusqu'à présent, que le principe de précaution est mal portant à tous les égards. Qu'il s'agisse des produits actuellement sur le marché--tous ces produits vendus depuis des années et qui sont censés avoir été examinés et avoir fait l'objet de mesures--ou de nouveaux produits, je ne parviens pas à cerner ce qui a vraiment été examiné. Hier, l'ARCA, lors de sa comparution, n'a pas pu me donner de réponse plus claire. Quelles données ont été examinées? Où sont les études qui justifieraient au moins quelques mesures? Quelles mesures ont été prises? A-t-on jamais fait quoi que ce soit?
Je dois donc vous demander si vous avez une meilleure idée de ce qui se passe sur le plan du réexamen des pesticides actuellement sur le marché, et du mécanisme prévu pour retirer du marché un produit dès lors qu'il y a des indications scientifiques d'un problème?
Ensuite, pour ce qui est de ce projet de loi, qui est censé nous aider à l'avenir s'agissant des nouveaux produits arrivant sur le marché, contient-il des pouvoirs suffisants pour permettre au gouvernement, sur la foi de preuves scientifiques indépendantes, d'agir pour soit bannir et saisir le produit, soit refuser de l'homologuer, soit envoyer des avertissements? Est-ce que ce pouvoir existe sur les deux plans?
Je pose la question non pas en tant qu'experte connaissant les différents ingrédients et les synergies et les complexités de la problématique, mais en tant que profane, en tant que parent toujours soucieux des substances auxquelles nos enfants sont exposés. Est-ce que nous avons actuellement en place un mécanisme nous permettant de faire cela, ou bien le projet de loi nous donne-t-il un espoir pour l'avenir à cet égard?
 (1205)
La présidente: Je demande à ceux qui vont répondre d'être brefs, car Mme Wasylycia-Leis a déjà épuisé la moitié de ses cinq minutes. Toutes les réponses combinées ne pourront durer plus de deux minutes et demie.
Mme Sandra Schwartz: Je serai réellement rapide. Je formulerai deux remarques.
Premièrement, j'ai indiqué dans mon exposé que le principe de précaution doit être carrément affiché en tête du projet de loi, dans le préambule et même dans le titre. Chez nous, à Pollution Probe, nous avons fait beaucoup de travail sur le principe de précaution. À l'heure actuelle, tel qu'il est appliqué au Canada, il intervient uniquement au stade de la gestion des risques, et même là encore de façon très limitée. On ne peut le cantonner au niveau de la gestion des risques; il doit être présent dès le départ, dès le processus d'évaluation du risque.
Si le principe était énoncé dès le début du projet de loi, alors il couvrirait également l'évaluation du risque. On ne peut le cantonner à l'article 20, là où il est question de modifier ou d'annuler une homologation. Il doit intervenir dès l'homologation initiale, etc.
Donc pour répondre à cela...
Dr Robert Cushman: À titre de complément de réponse, je fais observer que, dans ce projet de loi, la responsabilité principale appartient au ministre de la Santé et non à l'agence de réglementation. Je sais que vous êtes tous surchargés de responsabilités dans votre circonscription et au Parlement, et le ministre a en outre les responsabilités du Cabinet et de son portefeuille. Cela ne me rassure guère.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous souhaite répondre également?
J'ai une autre question rapide.
Dr Kapil Khatter: La réévaluation des pesticides et leur retrait du marché souffrent d'une opacité totale. Nous ne savons presque rien de ce qui se passe. Heureusement, ce projet de loi va accroître la transparence en énonçant certaines de ces choses.
Une faiblesse mentionnée aujourd'hui est que les réévaluations obligatoires qui vont être faites, ce dont nous sommes très heureux, ne sont pas assorties de délais contraignants. Ces réévaluations pourront donc continuer à traîner, comme elles le font depuis des décennies. Nous aimerions que ces réévaluations soient assorties d'échéances.
M. Don Houston: La structure et le fonctionnement de l'ARCA devraient également être énoncés dans ce projet de loi. Son mandat devrait peut-être être formulé différemment, compte tenu de ces préoccupations.
La présidente: Votre temps est écoulé.
Mme Wasylycia-Leis: J'y reviendra plus tard. Veuillez m'inscrire sur la liste.
La présidente: Je dois vous avertir que j'ai huit autres intervenants et qu'il ne reste qu'environ une demie heure. Je vais donc limiter tous les autres intervenants à quatre minutes.
Nous passons au Dr Castonguay.
[Français]
M. Jeannot Castonguay (Madawaska--Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je ne ferai pas un long préambule.
Docteur Cushman, j'aimerais savoir ce que vous entendez lorsque vous parlez d'un risque acceptable. Je vous ai entendu dire le terme acceptable risk. Qu'est-ce qu'on doit entendre par un risque acceptable? J'aimerais aussi que vous me disiez ce qu'on entend quand on parle de cosmetic use. Si l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire approuve un produit après l'avoir évalué parce qu'elle considère que les risques sont acceptables, croyez-vous que ce produit devrait être enregistré?
 (1210)
Dr Robert Cushman: Je vais peut-être avoir besoin d'un coup de main pour répondre à cette question.
D'abord, en ce qui concerne l'usage cosmétique, on a des options. Il est clair que dans certaines situations, on a davantage besoin de pesticides. Dans de tels cas, ou bien on a des options acceptables, ou bien on n'en a pas. Il y a une différence. L'usage cosmétique est justement ça: c'est cosmétique.
Qu'est-ce qu'un risque acceptable? Il y a des risques de cancer et des risques environnementaux de un sur 100 000 ou de un sur un million. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais il y a des standards pour le cancer, par exemple. Un risque occupationnel supérieur à un sur 100 000 nous préoccupe beaucoup. Les experts de l'analyse des risques pourraient vous donner plus de renseignements là-dessus.
[Traduction]
Avez-vous quelque chose à ajouter?
[Français]
Dr Kapil Khatter: Je m'excuse de parler en anglais.
[Traduction]
Une source de confusion, je pense, réside dans les termes «risque» et «dommage». Je pense que tout le monde s'accorde à dire que lorsqu'on a des preuves solides que des dommages sont causés à des personnes et des enfants, aucun degré de dommage n'est acceptable et qu'il faut retirer ces produits du marché. Mais lorsqu'on parle de risque, on parle d'une inconnue, du potentiel de dommage. C'est pourquoi la décision alors met en jeu des valeurs et devient une décision démocratique, s'agissant de savoir si un produit vaut le risque compte tenu de son utilité. Ce qu'il faut, c'est un mouvement plus général vers la réduction de tous les risques et dommages potentiels, en retirant un aussi grand nombre que possible de ces produits du marché et en utilisant les pesticides le moins possible.
[Français]
M. Jeannot Castonguay: Ne croyez-vous pas que c'est l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire qui doit faire cette évaluation de la nécessité des pesticides? Il faut quand même utiliser des pesticides pour ne pas être envahi par la peste, mais aussi s'assurer que les risques sont acceptables au moment où on prend la décision, sachant très bien qu'il ne s'agit pas d'une science absolue et que la vérité d'aujourd'hui n'est pas celle de demain. Est-ce que ce n'est pas le rôle de l'agence? Est-ce qu'on peut tenir pour acquis que ce projet de loi donnera ce rôle à l'agence?
Dr Robert Cushman: Je pense que oui. Si je comprends bien, c'est le rôle de notre gouvernement fédéral. Au niveau municipal, nous n'avons pas cette capacité, et je pense que la plupart des provinces ne l'ont pas non plus. C'est clair.
On se demande souvent si on doit accepter les normes des pays européens ou des États-Unis, mais je pense que c'est le rôle de notre gouvernement fédéral. Il n'y a aucun doute dans mon esprit à cet égard.
[Traduction]
La présidente: Merci, docteur Castonguay.
Madame Skelton.
Mme Carol Skelton (Saskatoon--Rosetown--Biggar, Alliance canadienne): Docteur Cushman, vous parliez des compétences des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. Pensez-vous que l'usage cosmétique devrait être régi par une réglementation fédérale, contraignante pour les provinces ou municipalités? Faudrait-il un règlement fédéral applicable dans tout le Canada, afin que tout le monde soit tenu de respecter ces normes?
Dr Robert Cushman: C'est une question difficile. Disons tout d'abord, comme je l'ai dit précédemment en français, qu'il est essentiel que la réglementation des produits se fasse au niveau fédéral. Regardez comment les choses sont faites aux États-Unis et dans l'Union européenne.
Pour ce qui est de l'usage cosmétique des pesticides, trois municipalités--Chelsea, Hudson et Halifax--ont pris l'initiative. Il y en aura beaucoup d'autres prochainement. C'est un peu comme la fumée ambiante. C'est la même problématique. Il est probablement plus facile pour quelques municipalités de prendre l'initiative. Mais je pense qu'il est très important que le gouvernement fédéral intervienne très rapidement, afin que les mêmes normes sanitaires et environnementales s'appliquent à tous les Canadiens.
Sur la question de savoir si le gouvernement fédéral devrait prononcer cette interdiction aujourd'hui, je pense que cela exige beaucoup de réflexion, de mobilisation communautaire et de courage politique. Et je dis cela dans le contexte d'une ville qui a adopté il y a tout juste un an un arrêté sur le tabac. Je vous lance donc le défi. La question est de savoir si vous voulez être à la tête ou à la queue du peloton à cet égard? Je pense que dans dix ans vous verrez un climat très différent. Je vous encourage donc, mais...
 (1215)
M. Don Houston: Il semble clair, à mes yeux en tout cas, que le gouvernement fédéral devrait prendre l'initiative de définir l'usage cosmétique. L'ARCA travaille déjà à une stratégie de pelouse saine et cherche à encourager la gestion antiparasitaire intégrée des pelouses. Beaucoup de gens n'en sont pas ravis et je penche dans le même sens. Néanmoins, la capacité de donner cette définition existe et c'est une responsabilité que le gouvernement fédéral devrait assumer.
Mme Carol Skelton: Je suis préoccupée car, vivant dans une petite localité rurale, nous manquons de beaucoup de choses que possèdent les grandes villes. Je dois dire que je félicite la ville d'Ottawa.
La présidente: Nous passons au Dr Fry.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais poser deux questions. Premièrement, vous avez évoqué l'idée d'avoir un organe qui se pencherait sur les résultats de recherche et données scientifiques. Envisagez-vous que l'IRSC pourrait jouer ce rôle?
Deuxièmement, vous avez parlé de la nécessité d'un système de surveillance--qui me paraît important et qui est prévu dans le projet de loi--dont l'information devrait être accessible. Quelle forme prendrait cet accès? Envisagez-vous quelque chose de similaire à la lettre médicale, les avis concernant un médicament qui étaient adressés à tous les médecins? Envisagez-vous ce genre de système d'alerte précoce, de façon à ce que les médecins soient à l'affût de certains symptômes, ce qui faciliterait la surveillance? Est-ce là ce que vous envisagez? Comment cela fonctionnerait-il?
M. Don Houston: Je peux peut-être répondre au sujet de l'IRSC. Je laisse les médecins parler des systèmes de surveillance.
L'IRSC commence à s'occuper d'écohygiène et cherche à élaborer une stratégie. Une réunion à cet effet aura lieu en septembre. Des crédits seront débloqués pour financer la recherche en santé environnementale. Je ne sais pas en quoi consisteront ces recherches, cela n'a pas été déterminé. Certaines pourront porter sur les pesticides, mais je ne sais pas.
Il me semble que l'un des domaines dans lesquels il importe de travailler--et notre association est à l'avant-garde dans ce domaine--est l'information des médecins en première ligne, afin qu'ils puissent déceler les symptômes pouvant être causés par des pesticides et les signalent, de façon à recueillir ainsi de meilleures données sur le terrain. Malheureusement, de la façon dont les médecins sont rémunérés dans la plupart des provinces, ils ont dix minutes par patient et guère de possibilités de faire ce travail.
Pour ce qui est de l'enregistrement central, Santé Canada s'en occupe et recueille des statistiques sur le cancer. Cependant, j'ai essayé de savoir quels étaient les taux chez les enfants, et je n'ai pu trouver ce renseignement à Santé Canada.
Mme Sandra Schwartz: J'aimerais également dire un mot sur l'IRSC.
Aux États-Unis, des centres d'excellence ont été créés aux fins des recherches sur la santé des enfants et l'environnement. La plupart des centres se sont concentrés sur l'asthme mais on vient d'en ajouter à la liste qui se penchent sur les pesticides, particulièrement dans la population urbaine.
Ma suggestion, sur le plan des recherches, serait de créer une structure similaire, de type centre d'excellence, par le biais de l'IRSC, pour étudier spécifiquement l'exposition des enfants aux pesticides.
Mme Hedy Fry: La lettre médicale...?
Dr Kapil Khatter: Oui, à cet égard, comme Don Houston l'a dit, l'éducation est réellement importante. Nous essayons de sensibiliser les médecins à l'écohygiène et aux effets à court et long terme des pesticides. Nous avons également besoin de ressources pour instruire le public des dangers des pesticides et l'inciter à en réduire l'usage.
En ce qui concerne la surveillance de type lettre médicale, s'agissant d'un produit qui représente un risque involontaire, auquel les gens sont exposés parce que quelqu'un d'autre l'utilise, la surveillance n'est pas tellement destinée à dire aux médecins que tel pesticide pose problème, mais plutôt d'amener l'agence à retirer ce produit du marché. Il ne s'agit pas de le laisser sur le marché et de mettre ensuite en place un système d'alerte, alors que l'on sait déjà qu'il pose problème.
 (1220)
La présidente: Merci, docteur Fry.
Monsieur Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ): Merci, madame la présidente. Veuillez excuser mon absence de tout à l'heure. J'étais à un autre comité.
D'abord, je tiens à vous féliciter pour votre mémoire. Vous croyez que le principe de la précaution doit prendre une place importante dans le projet de loi. J'ai d'ailleurs dit cette semaine qu'il était totalement inacceptable qu'on y fasse allusion simplement dans l'article 20 et qu'on n'en parle absolument pas dans le préambule.
D'ailleurs, monsieur Cushman, j'ai quelques réserves quant à votre énoncé sur les provinces. Vous n'êtes pas sans savoir qu'au Québec, un groupe de travail s'est penché sur la question et en est venu à la conclusion qu'il fallait éliminer, sur cinq ans, l'utilisation des pesticides en milieu urbain, particulièrement dans les espaces publics. Le lendemain, le ministre de l'Environnement du Québec a dit que c'était la voie à suivre. Donc, on attend la politique.
Voici ma question. Est-ce que la littérature médicale actuelle peut nous permettre d'envisager et de proposer que, dans ce projet de loi, on puisse prévoir des délais quant à l'élimination sur cinq ans, par exemple, de l'usage de certains pesticides? Inscrire le principe de la prudence dans la loi, c'est une chose, mais il faut prévoir des dispositions dans le projet de loi pour en venir à une véritable lutte antiparasitaire dans le but de protéger la santé publique. À mon avis, cela passe par l'élimination, sur cinq ans, de l'usage des pesticides. Donc, j'aimerais savoir si on devrait inscrire une telle échéance dans le projet de loi.
[Traduction]
Mme Sandra Schwartz: Absolument. En bref, la réponse est oui, particulièrement dans le cas des pesticides pour lesquels on possède de bonnes connaissances. Je songe aux organophosphates et aux carbamates, qui sont des inhibiteurs d'une enzyme qui est importante pour les cholimestérases du système nerveux. De nombreuses études montrent les dommages potentiels que cela peut provoquer.
Un exemple est ce qui s'est passé aux États-Unis avec un produit du nom de Dursban, c'est-à-dire la substance chimique chlorpyrifos, que les États-Unis ont interdite. Le Canada a annoncé qu'il allait suivre, mais n'a rien fait.
Il faudrait effectivement inscrire dans le projet de loi une disposition spécifiant une certaine échéance pour le retrait--cinq ans ou ce que vous choisirez--particulièrement des pesticides pour lesquels on possède des indications, et ensuite les autres au fur et à mesure que les preuves s'accumulent. S'il y a de bonnes indications d'un risque ou danger, particulièrement pour les enfants, il faut prévoir un délai de retrait.
[Français]
M. Bernard Bigras: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Bigras.
Nous allons passer à Mme Kraft Sloan.
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
Comme M. Bigras, j'ai été retenue dans un autre comité que je présidais ce matin, et je vous demande pardon d'avoir manqué vos exposés.
J'aimerais revenir sur le principe de précaution. Je ne sais pas si les témoins sont en mesure de répondre à ma question, mais je vais la poser néanmoins.
Êtes-vous au courant des protocoles d'essai suivis par les fabricants pour déterminer l'innocuité de leurs produits? La directrice de l'ARCA nous a dit hier que l'une des raisons pour lesquelles le principe de précaution occupe une place restreinte dans le projet de loi et n'y figure pas de la manière que certains souhaitent est qu'il est déjà appliqué aux protocoles d'essais aux fins de l'évaluation des risques que suivent les fabricants, et, deuxièmement, qu'il est déjà appliqué dans l'examen conjoint mené par le Canada et les États-Unis. Cependant, en réponse à nos questions, il est apparu que le principe de précaution n'est énoncé dans aucun des documents ou protocoles directeurs.
Est-ce que les témoins pourraient nous parler de la manière dont le principe de précaution est utilisé dans ces protocoles d'évaluation des risques?
Dr Kapil Khatter: Je dirais qu'il ne l'est pas. On a certes employé le terme «approche de précaution», à l'égard des méthodes d'évaluation des risques. Mais ce que l'on entend par là c'est que lorsque les évaluations sont bien faites, on pose des hypothèses prudentes et l'on essaye d'errer en faveur de la sécurité.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, étant donné toutes les incertitudes qui président à ces évaluations de risque, ces dernières se ramènent fondamentalement à des calculs arithmétiques. On se retrouve à comparer des chiffres, on se retrouve avec un chiffre qui représente l'exposition et un chiffre qui représente le niveau sûr, et on les compare entre eux. À moins d'avoir un mécanisme formel d'application du principe de précaution, on est obligé de s'en tenir à ce chiffre et de décider subjectivement s'il est suffisamment sûr ou non.
Ce que nous proposons c'est que, l'évaluation de risque faite, si le niveau d'exposition semble trop élevé, alors on retire l'homologation ou restreint une substance, et même si le chiffre ne dit pas que l'exposition est assurément trop élevée, il faut néanmoins s'interroger. Il faut alors se placer dans l'optique de la prudence et voir s'il ne faut quand même pas restreindre ce pesticide à cause de toutes les incertitudes, à cause de tout ce que l'on ne sait pas, de tous les risques potentiels que l'on ne peut pas calculer.
 (1225)
Mme Karen Kraft Sloan: Vous n'êtes donc pas assuré que le principe de précaution est appliqué comme il le faudrait au niveau de l'homologation avant la mise sur le marché, au niveau des essais, et il n'est certainement pas énoncé dans le projet de loi de la manière qu'il faudrait. C'est donc là votre opinion?
Mme Sandra Schwartz: Il n'y a pas de disposition dans le projet de loi--Kapil l'a bien fait ressortir--qui imposerait le type de recherche à prendre en compte, et j'estime qu'il faudrait énoncer dans le projet de loi toute la batterie de tests à effectuer. J'ai ici un document du Children's Environmental Health Network aux États-Unis, qui s'est penché sur la question des pesticides et la FQPA. Le réseau y indique quels tests sont effectués et lesquels il faudrait ajouter. Je me ferais un plaisir de fournir ce document au comité pour inclusion éventuelle dans le projet de loi.
Par ailleurs, et c'est une considération primordiale, lorsqu'on regarde la batterie de tests actuels, ils utilisent habituellement des animaux adultes, et non pas des juvéniles. Ces tests ne fournissent donc pas réellement de données adéquates. Cela aussi devrait être spécifié dans la loi--qu'il faut étudier les effets sur des jeunes animaux, et pas seulement des adultes.
La présidente: Merci, madame Kraft Sloan.
Monsieur Merrifield.
M. Rob Merrifield: Le sujet de l'ARCA m'intéresse car nous avons en plus des témoins qui disent que son efficacité laisse peut-être à désirer. L'agence fait-elle son travail et le fait-elle efficacement? J'aimerais connaître votre point de vue, brièvement.
Je pense que c'est le témoin médecin qui a dit que les délais de réévaluation sont devenus un réel problème. Peut-être faudrait-il spécifier dans la loi des échéances tant pour les évaluations initiales que les réévaluations. Je pense que ce serait une bonne chose.
D'autres témoins ont souscrit à cela, de façon à ce qu'il y ait des engagements clairs, au lieu du flou actuel. Êtes-vous d'accord avec cela?
Dr Kapil Khatter: Tout à fait. Nous avons entendu des chiffres de 15 à 20 ans de retard pour certaines de ces évaluations. Nous, les gens de l'extérieur, n'en connaissons pas les raisons, mais c'est certainement trop long.
Autant nous sommes heureux que des réévaluations doivent obligatoirement avoir lieu, du fait que tant de pesticides ont été homologués à une époque où les normes étaient moins rigoureuses, autant nous craignons que cela ne serve pas à grand-chose s'il n'y a pas des échéances.
M. Rob Merrifield: Je pense que nous voyons un consensus en faveur d'un amendement à cet effet au projet de loi, sous quelqu'angle que l'on aborde ce texte. Je vous remercie de cette réponse.
Mon autre question est de savoir s'il y a des pesticides en usage au Canada--et vous en avez déjà évoqué un ou deux--qui sont dangereux et ne devraient pas être sur le marché, et s'il existe d'autres produits plus sûrs qui pourraient les remplacer?
Mme Sandra Schwartz: J'ai mentionné deux catégories de pesticides, les organophosphates et les carbamates. Il y a des solutions de rechange, telles que des pesticides biologiques. On les appelle des pesticides, mais ils ne sont pas chimiques.
M. Rob Merrifield: Mais sont-ils efficaces?
Mme Sandra Schwartz: Si vous lisez la littérature, vous verrez que oui. La gestion intégrée de la lutte antiparasitaire est une autre façon de réduire l'usage de pesticides. L'abstention n'est pas totale, mais au moins cette méthode réduit la quantité utilisée.
Il existe toute une littérature montrant que les solutions de rechange sont à la fois plus sûres et efficaces.
M. Rob Merrifield: C'est notre souci également. Je pense que nul au Canada, ni les agriculteurs, ni les golfeurs, ni les préposés à l'entretien des terrains de golf n'aiment utiliser des pesticides. Ils s'en servent parce qu'ils ont peu d'autres options. Je pense donc que nous sommes tous du même bord à cet égard et la réduction de l'emploi de ces produits chimiques et pesticides devient très importante aux yeux de tous les Canadiens, à cause du principe de précaution, parce que nous ne sommes pas certains de leurs effets. Tout cela est vrai. Je pense que nous sommes tous sur la même longueur d'ondes. Nous voulons un organisme gouvernemental, l'ARCA, qui soit efficient, bien géré et disposant des ressources voulues pour pouvoir protéger les Canadiens. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec moi là-dessus.
Je vois que Don souhaite ajouter quelque chose.
 (1230)
M. Don Houston: J'ai plusieurs remarques. Premièrement, un certain nombre de parcours de golf ont opté pour l'entretien non chimique de leur terrain, notamment l'un des plus renommés du Canada, le Royal Montréal.
Mon oncle est récemment décédé du cancer après avoir travaillé pendant 20 ans comme intendant de parcours. Il a commencé à exercer ce métier assez tard dans sa vie et est décédé peut-être un peu plus jeune que la normale, mais il affirmait que son cancer ne résultait pas de son exposition aux pesticides.
Pourtant, un de ses collègues qui était également intendant de parcours m'a dit: «C'est incroyable le nombre de mes amis intendants qui meurent du cancer, et ce à un âge un peu plus jeune que mes amis qui ne sont pas intendants de parcours». Je viens d'une famille de golfeurs, vous l'aurez deviné.
M. Rob Merrifield: C'est vrai, mais à ce sujet, indépendamment des phobies qui apparaissent, nous vivons aujourd'hui plus vieux et en meilleure santé que jamais auparavant.
M. Don Houston: Non, ce n'est pas entièrement vrai.
M. Rob Merrifield: Ce sont là les statistiques.
M. Don Houston: Non, les statistiques disent que nous vivons plus vieux, pas que nous vivons en meilleure santé. Et cela intéresse uniquement les personnes qui sont actuellement d'âge avancé, pas les jeunes enfants.
Les statistiques font apparaître également des taux supérieurs d'asthme, des taux supérieurs de déficience de l'attention, des taux supérieurs de cancer des testicules et de cancer du sein chez de jeunes personnes.
On peut donc jouer le jeu des biostatisticiens et dire que les choses sont soit pires, soit meilleures.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Madame Scherrer.
[Français]
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Dans le même ordre d'idées, on sait qu'un pesticide est composé de plusieurs produits chimiques, et non d'un seul produit. Le tabac contient aussi plusieurs produits. Je m'inquiète beaucoup quant à la possibilité de tenir un registre, étant donné que ces pesticides sont composés de plusieurs produits. Est-ce qu'on est capable de dire que tel produit a tel effet ? Est-ce qu'il y a un lien d'établi entre un produit chimique particulier et ses effets?
Voici ma deuxième question. On parle de cancer, de lymphomes, de maladies pulmonaires chroniques. On sait qu'il y a lieu de tenir un registre, parce que tout le monde va trouver terrible le fait qu'un lymphome ou un cancer risque d'être causé par de tels produits. Mais on parle aussi de troubles cutanés qui ne sont pas majeurs. Est-ce qu'on ne s'illusionne pas quand on pense être en mesure de tenir des registres sur des troubles cutanés qui peuvent devenir chroniques? On parle d'une qualité de vie. Eh bien, il faut dire que les troubles cutanés chroniques sont drôlement emmerdants. Est-ce qu'on ne rêve pas en couleur quand on pense pouvoir tenir un registre de tels troubles?
Dr Robert Cushman: C'est moi qui ai suggéré la tenue d'un registre. Je pense qu'il faut commencer quelque part. Si on veut être nihiliste, on va payer. On a demandé plus tôt si c'était la vie humaine ou les dollars qui comptaient. Je dois vous assurer que les dégâts environnementaux vont nous coûter cher. On commence déjà à payer.
Je vous comprends tout à fait, mais je pense qu'il faut commencer à travailler quelque part et identifier pour cela les endroits où on peut travailler, là où il y a un rapport coûts-bénéfices avantageux. On a besoin de scientifiques, d'épidémiologistes et d'un institut.
Le Dr Fry nous demandait où cela devait être. Je me méfie un peu des institutions. Je veux qu'on se penche sur le problème global, dans une approche multidisciplinaire. Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais je préférerais qu'on soit smart et non nihilistes.
 (1235)
Mme Hélène Scherrer: Je voudrais vous indiquer que je ne suis pas contre la tenue d'un registre; c'est tout le contraire. Mais si on décide d'en tenir un, il faudra qu'il soit efficace. Si on crée un registre dans lequel on inscrira tous les cas d'eczéma et de psoriasis... Il faut s'assurer qu'on puisse établir un lien de cause à effet entre un produit chimique associé et autre chose. Les produits actuels peuvent causer toutes sortes de problèmes, sans parler de ceux qui vont venir. Si on fait un registre, il faut effectivement faire quelque chose de smart qui va avoir un effet et qui va être gérable. Autrement, tous les effets secondaires de n'importe quel produit pourraient être associés à une composante chimique d'un pesticide.
Dr Robert Cushman: Je suis d'accord. Je voudrais ajouter autre chose. Je pense que c'est M. Bigras qui a parlé de ce qu'on faisait au Québec. Je regrette, mais j'ai parlé des provinces en général. Je pense que le point que j'aimerais aborder revient ici.
Dans notre pays, on est seulement 32 millions d'habitants. La gestion des problèmes auxquels nous sommes confrontés coûte donc très cher. J'ai mentionné les pays européens et les États-Unis. Je suggère à notre gouvernement fédéral de ne pas toujours réinventer la roue, parce qu'il est clair qu'on doit établir des standards internationaux. Souvent, cela n'est pas possible, mais on doit au moins essayer de le faire. Sans cela, ce défi sera insurmontable. C'est une science très difficile et on en est au début.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Scherrer.
Madame Wasylycia-Leis, deux minutes.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je serai très rapide.
J'ai une question pour Sandra, qui a mentionné le Dursban, un pesticide qui inquiète beaucoup d'entre nous. Nous avons soulevé cette affaire en comité avec le ministre et à la Chambre, et on nous a dit qu'aucune promesse n'a été faite de retirer le produit, et le ministre de la Santé a même affirmé à la Chambre que nous copions précisément ce que font les Américains.
Pouvez-vous donc nous dire, si cela est vrai, pourquoi le Dursban, en dépit de toutes ces preuves et inquiétudes, est toujours sur le marché et ce que nous pouvons faire pour accélérer l'action au sujet de ce pesticide particulier.
Mme Sandra Schwartz: Eh bien, suivons-nous les États-Unis? Cela dépend de l'interlocuteur. C'est la même chose avec l'EPA.
En gros, les États-Unis ont interdit la substance. Son emploi prendra fin progressivement. Le Canada n'a pas réellement fait cela. Nous n'aimons pas interdire les choses. Cela ne fait pas partie du vocabulaire des législateurs canadiens. De ce fait, il y a certainement encore du travail à faire s'agissant d'interdire des substances au Canada.
Je ne sais pas réellement quoi vous dire pour de qui est du Dursban. C'est une substance dont nous savons qu'elle a des effets néfastes et peut-être faut-il lancer une campagne de sensibilisation publique très vaste afin que les gens arrêtent d'acheter le produit. Nous devons également insister auprès de sociétés comme Home Depot et d'autres afin qu'elles retirent le produit de leurs rayons. Ce n'est peut-être pas seulement une affaire de mesure législative, peut-être faudrait-il aussi prendre quelques initiatives sur une base volontaire, tout d'abord pour que l'on arrête de fabriquer le produit et, deuxièmement, amener les distributeurs à cesser de le vendre.
La présidente: Merci, madame Wasylycia-Leis.
Merci à tous nos témoins. Je vous remercie d'avoir donné des réponses succinctes. Vos exposés étaient clairs. Il se pourrait que nous vous contactions de nouveau si nous avons besoin de certains éclaircissements, d'ici la fin de notre étude. Merci.
[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos]