Passer au contenu
;

HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 17 mai 2001

• 1122

[Traduction]

Le président suppléant (M. Stan Dromisky (Thunder Bay— Atikokan, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui, de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, le Dr Arthur Leader, chef de la division de la médecine de la reproduction à l'Université d'Ottawa, le Dr Gosden, directeur de la recherche au département d'obstétrique et de gynécologie de l'université McGill, et la Dre Léveillé.

Merci beaucoup. Qui va prendre la parole en premier?

Dr Arthur Leader (président, Comité des relations gouvernementales, Société canadienne de fertilité et d'andrologie): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés. Nous tenons à vous remercier de nous avoir choisis pour être les premiers à avoir un entretien avec vous au sujet de l'ébauche de projet de loi.

Pour le moment, nous considérons qu'il s'agit d'une discussion de nature technique et non pas d'une discussion précise sur les éléments de l'ébauche de projet de loi qui a été récemment été présentée par le ministre Rock. Nous avons hâte de participer avec les membres du comité à l'étude de cette mesure législative. À nos yeux, cette occasion constitue la première de deux ou trois consultations potentielles.

Notre approche globale est que nous favorisons l'intégration de toutes les activités, depuis le laboratoire jusqu'au chevet du malade en passant par l'intervention communautaire, dans la création de nouvelles connaissances, dans la prestation de services cliniques et dans l'amélioration de la condition humaine.

Je voudrais vous dire quelques mots au sujet de notre société. Nous sommes donc la société canadienne qui se consacre à l'étude de la médecine de la reproduction et des sciences de la reproduction. Notre société a été fondée en 1954. Nous sommes une association volontaire d'environ 400 médecins, scientifiques et professionnels de la santé et de la recherche en laboratoire qui se consacrent à l'amélioration de la santé de la reproduction et à la promotion de la compréhension scientifique de la reproduction humaine.

Notre mission est de promouvoir la recherche et l'éducation sur la santé de la reproduction; de constituer un foyer de reconnaissance professionnelle relativement aux processus servant à mesurer les résultats des thérapies que nous offrons; et de répondre aux besoins sociaux relativement à la reproduction humaine.

Nous avons, au cours des 40 dernières années et plus, établi notre réputation aux niveaux national et international. Je fais simplement un bref survol à l'intention de ceux d'entre vous qui ne connaissent pas notre association.

Le Dr Bruce Murphy est membre de notre société. Il est également membre du conseil de l'Institut du développement humain, de la jeunesse et de la santé de l'enfant, l'un des instituts au sein de l'ICRS.

• 1125

Nous sommes actuellement reconnus par le Collège royal des médecins et chirurgiens comme organisme accréditif chargé de décerner les titres universitaires aux spécialistes dans le domaine de la médecine de la reproduction.

Nous avons été invités par la Fédération internationale des sociétés de fertilité à être l'hôte du congrès mondial qui aura lieu à Montréal en 2004. Avec la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, nous avons publié il y a un certain nombre d'années un document sur les questions d'éthique associées à la procréation assistée. Ce document est à la disposition du comité.

Ce que nous aimerions faire aujourd'hui, c'est de vous exposer comment nous avons été amenés à participer à la mise au point de normes nationales pour les cliniques de procréation assistée, premièrement des normes d'agrément, pour promouvoir les meilleurs soins dispensés aux patients et la meilleure qualité de soins en laboratoire, et deuxièmement, des normes de gestion des tissus destinés à la reproduction avant leur transplantation, pour garantir la sécurité dans le traitement et la manutention des tissus destinés à la reproduction, comme le sperme, les ovules et les embryons.

Dans ces deux entreprises, nous avons établi un partenariat avec des organisations nationales; vous en connaissez certaines, notamment Santé Canada et d'autres dont la Dre Léveillé vous parlera, notamment le Conseil canadien d'agrément des services de santé.

Nous voulons aussi vous parler des importantes questions de recherche scientifique qui ont un rapport avec l'ébauche de projet de loi. En terminant, nous vous donnerons des renseignements sur le registre des données sur la FIV, registre que nous avons établi volontairement et que nous tenons à jour.

Je vais d'abord donner la parole à la Dre Léveillé qui vous parlera de l'élaboration de normes nationales pour les cliniques de procréation assistée; elle sera suivie du Dr Gosden, qui traitera d'importantes questions de recherche scientifique, après quoi je prendrai la parole.

Docteure Léveillé.

[Français]

Mme Marie-Claude Léveillé (directrice, Laboratoire clinique, The Fertility Centre, Ottawa): Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui.

Je ferai ma présentation en anglais, mais je pourrai répondre aux questions en français ou en anglais. Voici ma présentation.

[Traduction]

Mon rôle est de vous dire où nous en sommes dans l'élaboration de normes sur la procréation médicalement assistée et de vous donner une idée du rôle que la SCFA a joué dans l'élaboration de ces normes.

Commençons par les normes d'agrément. L'objectif est de promouvoir les meilleurs soins possibles aux patients et la meilleure qualité de soins en laboratoire. Les partenaires dans cet exercice étaient la Société canadienne de fertilité et d'andrologie, le Conseil canadien d'agrément des services de santé, Santé Canada et la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.

Si l'on examine l'historique de cette activité, en 1992, la SCFA a pris conscience que l'agrément devrait être l'une des orientations stratégiques de la société. En 1993, il y a eu le rapport de la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction, et en 1993, la SCFA et la SOGC ont décidé de créer un comité conjoint d'agrément.

En 1994, nous nous sommes rendu compte que la SCFA n'avait pas l'expertise voulue pour diriger toute seule un programme d'agrément ou d'agrément et elle a donc établi un partenariat avec le Conseil canadien d'agrément des services de santé, organisation bien connue qui s'occupe d'agrément d'un bout à l'autre du pays depuis de nombreuses années. C'est une organisation non gouvernementale à but non lucratif. Elle a été fondée en 1958 et s'occupe d'élaborer des normes pour de nombreuses organisations dans le domaine de la santé, y compris des organisations de soins actifs et de soins de longue durée. Elle effectue depuis de nombreuses années et de son propre chef des enquêtes d'agrément. Elle semblait donc toute désignée pour devenir le partenaire de la SCFA pour élaborer des normes applicables aux cliniques de procréation médicalement assistée.

Nous avons été vraiment très satisfaits de l'approche adoptée par le CCASS, fondée sur quatre éléments clés: l'amélioration de la qualité des soins et des services, des indicateurs de rendement, un processus interne d'autoévaluation, et un processus externe de révision par les pairs. Ces éléments sont tout à fait conformes à l'approche de la SCFA pour l'élaboration de normes applicables à la reproduction médicalement assistée dans notre pays.

• 1130

En 1994, on a élaboré une ébauche de normes cliniques et de laboratoire applicables à la reproduction médicalement assistée. En 1995, nous avons organisé un programme pilote d'agrément volontaire dans cinq centres universitaires d'un bout à l'autre du pays, soit Halifax, Ottawa, Hamilton, London et Calgary. Après ce programme pilote, il y a eu un suivi pour faire l'évaluation et déterminer l'orientation future.

Tous ceux qui ont participé à cet exercice y ont vu une excellente occasion de partager leurs intérêts et d'améliorer les soins, mais il en est également ressorti qu'il faudrait apporter certaines améliorations au processus. Il fallait d'abord que tous les intéressés dans les cliniques comprennent mieux le processus d'autoévaluation. Les gens ne comprenaient pas tellement bien le processus à ce moment-là. Par ailleurs, il est ressorti qu'il serait avantageux de donner une formation officielle aux responsables.

La deuxième étape, entre 1996 et 2001, menée grâce à des fonds accordés par Santé Canada, a consisté essentiellement à réviser et à mettre à jour ces normes et à élaborer une série d'indicateurs de rendement. En même temps, la SCFA a jugé bon d'organiser chaque année une réunion des directeurs des cliniques de FIV pour tenir une discussion générale sur le programme d'agrément volontaire, l'élaboration de normes d'agrément, la mise au point d'indicateurs de rendement et les aspects logistiques de la collecte des données.

Où en sommes-nous maintenant, en 2001? Nous avons une version révisée des normes d'agrément du CCASS pour la procréation assistée. Le document avec lequel nous allons travailler contient les normes d'application générale utilisées par le CCASS pour toutes les organisations dans le domaine des soins de santé, y compris le leadership, la gestion de l'information, les ressources humaines et l'environnement. Il y a un chapitre consacré spécifiquement à la procréation assistée et qui comprend deux rubriques différentes, la première sur les services cliniques et la seconde sur les services de laboratoire.

Pour vous donner un aperçu de ces normes spécifiques, jetons un coup d'oeil sur celles qui s'appliquent aux services cliniques. On y aborde les éléments clés: promotion de la santé, évaluation du patient, services diagnostiques, consentement éclairé et prestation des services. Du côté du laboratoire, on y aborde tous les points plus techniques de la procréation assistée: la conception générale du laboratoire et les locaux, les instruments, les solutions et le traitement proprement dit, c'est-à-dire le prélèvement et la manutention des gamètes et des embryons. Il y a aussi une question qui porte sur la recherche effectuée sur les gamètes et embryons humains.

Pour vous donner une idée de ce qui se trouve dans le document actuel traitant de la recherche sur les gamètes et les embryons humains, on y précise que toute clinique qui mène de telles activités doit respecter les protocoles et les normes, c'est-à-dire qu'il lui faut obtenir le consentement éclairé des patients et l'approbation du conseil d'administration pour effectuer la recherche.

De plus, il est indiqué que ces activités sont entreprises pour développer et améliorer les services en laboratoire. À titre d'exemple, très souvent, la recherche vise à améliorer les procédés de laboratoire et à mettre au point de nouveaux procédés pouvant optimiser les résultats de la procréation assistée.

On y aborde aussi la formation du personnel, ce qui est également très important. Un autre domaine d'activité vise à obtenir une meilleure compréhension des processus de la reproduction humaine.

Maintenant, au cours de la troisième étape, que nous espérons pouvoir mener entre 2001 et 2003, c'est-à-dire à partir de l'automne 2001, nous espérons obtenir l'approbation définitive de ce document révisé par tous les directeurs de clinique de FIV, et ensuite, en 2002-2003, nous pourrons procéder à l'agrément volontaire de toutes les cliniques de FIV.

• 1135

L'autre série de normes dont s'est occupée la SCFA traite de la gestion de la sécurité des tissus reproducteurs destinés à la transplantation. Pour faire l'historique de l'élaboration de ces normes, il faut remonter à 1988, date à laquelle la SCFA a publié ses premières lignes directrices sur l'insémination artificielle par donneur. Il s'agissait de lignes directrices à caractère pratique destinées aux praticiens dans le domaine. Elles ont été révisées en 1992 et en 1996. En 1996, nous avons obtenu le règlement sur le traitement et la distribution du sperme pour la procréation assistée. Dans ce règlement, il était fait mention des lignes directrices de la SCFA, considérées comme document de référence.

En 1999, nous avons été avisés que certaines cliniques ne respectaient pas le règlement sur le sperme. Le besoin s'imposait de réviser les lignes directrices de la SCFA, qui dataient de 1996. Il fallait aussi obtenir le point de vue des spécialistes des maladies infectieuses.

En 2000, les lignes directrices de la SCFA ont été révisées par un groupe de travail formé de spécialistes de Santé Canada. Ce groupe comprenait des experts en infertilité et des experts en maladies infectieuses. En juillet 2000, Santé Canada a publié une directive sur les exigences techniques pour l'insémination thérapeutique par donneur. C'est ce document auquel on renvoie maintenant dans le règlement sur le sperme.

Au cours de la même période, un autre exercice de plus grande envergure a également été entrepris pour élaborer des normes sur la transplantation d'organes et de tissus. C'était en fait une recommandation formulée par le comité permanent qui avait signalé le besoin d'élaborer au Canada des normes générales sur la sécurité des organes et des tissus, normes auxquelles on ferait renvoi dans la loi. Je crois savoir que l'Association canadienne de normalisation prévoit publier ces normes en 2003 et mettra sur pied un comité technique qui sera chargé de les réviser périodiquement.

Quelle a été la contribution de la SCFA à cet exercice d'élaboration des normes? Des membres de notre société ont été nommés au groupe de travail chargé d'élaborer des normes applicables aux tissus reproducteurs.

Merci.

Dr Arthur Leader: Je vais maintenant demander au Dr Gosden de prendre la parole en notre nom.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Merci.

Dr Roger Gosden (membre, Comité des relations gouvernementales, Société canadienne de fertilité et d'andrologie): Mesdames et messieurs les députés, c'est un grand privilège pour moi d'avoir aujourd'hui l'occasion de vous présenter un exposé scientifique sur les techniques de reproduction assistée. Je ne parle pas au nom des chercheurs du Canada. Mon rôle est de vous exposer le travail qui se fait aujourd'hui, les progrès accomplis et les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Je pense pouvoir dire au nom de mes collègues de partout au Canada que nous nous félicitons que l'on légifère dans ce domaine. Je dis cela parce que j'ai travaillé pendant longtemps au Royaume-Uni, où il y a une loi en vigueur depuis le début des années 90. Si cela vous convient, je me ferai un plaisir, une autre fois, de vous décrire mon expérience comme chercheur associé à un service clinique dans ce pays.

• 1140

Je pars de la prémisse que l'application des techniques de reproduction assistée en l'absence de recherche sur les gamètes et les embryons est contraire à l'éthique. Je ne pense pas que ce soit une déclaration controversée, parce qu'il est fermement ancré dans l'éthique médicale partout dans le monde que nous devrions dispenser des services médicaux reposant sur d'excellentes connaissances scientifiques.

Je veux vous parler du travail qui se fait aujourd'hui faisant appel à l'utilisation d'embryons et de gamètes humains, c'est-à-dire des ovules et du sperme, et je veux vous expliquer pourquoi ce travail est nécessaire. Premièrement, je vais énumérer les grandes questions et je vais ensuite en choisir quelques-unes, notamment les tests pour vérifier la sécurité des techniques de reproduction assistée et éviter les maladies héréditaires, et la production de cellules souches embryonnaires.

Mais je voudrais d'abord dire, au sujet de l'amélioration des techniques de reproduction assistée, que ces techniques existent depuis plus de 20 ans mais qu'il s'agit encore d'une sous-spécialité relativement jeune en médecine. De plus, la technologie est encore imparfaite. Seulement un traitement sur quatre ou cinq, environ, produit un bébé né vivant. Nous pouvons faire mieux. Il y a eu des progrès. Mais la recherche sur les gamètes et, dans des circonstances spéciales, sur les embryons, nous aide à identifier les problèmes.

Je vais vous en dire plus sur les tests de sécurité des techniques de reproduction assistée, parce que je crois que c'est très important. Étant donné les progrès rapides dans ce domaine, il est arrivé à l'occasion que la technique soit plus avancée que la science et nous ne savons pas toujours quelles sont les répercussions de ces nouvelles techniques sur le bien-être de la mère et de l'enfant à naître.

Découvrir les causes de l'infertilité en étudiant le début du processus de procréation humaine, c'est-à-dire la fécondation et les débuts du développement de l'embryon, nous permettra peut-être de mieux comprendre pourquoi certaines personnes ont des problèmes. C'est peut-être l'un des problèmes médicaux les plus répandus. D'après diverses estimations, de 10 à 15 p. 100 des couples ont de la difficulté à procréer. Si nous comprenons les causes, peut-être pourrons-nous à l'avenir introduire certaines mesures préventives.

La quatrième raison est d'éviter les maladies héréditaires, les maladies qui sont transmises d'une génération à l'autre. Environ 4 000 de ces maladies ont été décrites, certaines très rares mais d'autres très répandues, par exemple la fibrose kystique. Il est possible qu'à l'avenir, les techniques de reproduction assistée aient un plus grand rôle à jouer pour ce qui est d'éviter les maladies héréditaires.

Il faut ensuite trouver les causes des malformations congénitales. Il y a diverses influences, peut-être le régime alimentaire, peut-être le milieu de travail, peut-être l'environnement général, ou peut-être des médicaments qui peuvent nuire au développement précoce de l'embryon. La recherche sur les ovules, les embryons et les spermatozoïdes peut nous aider à comprendre tout cela.

La production de cellules souches embryonnaires est une nouvelle technique qui offre énormément de potentiel. On utilise pour ce faire des cellules embryonnaires prélevées sur des embryons rejetés. Je reviendrai là-dessus tout à l'heure.

Enfin, il y a la contraception innovatrice. Je ne m'attarderai pas là-dessus, mais j'ai toujours pensé que certains problèmes que nous avons observés chez des couples infertiles qui sont en parfaite santé par ailleurs pourraient déboucher sur la stratégie idéale pour ceux qui voudraient maîtriser leur fertilité future. Comprendre les causes de l'infertilité pourrait ainsi avoir des conséquences positives sur les progrès de la contraception.

Je vais maintenant entrer dans les détails.

Il est très important de tester la sécurité des techniques de procréation assistée. Quand ces techniques ont été lancées à la fin des années 70 avec la naissance de Louise Brown, personne ne savait avec certitude si le bébé serait en santé. Toutes les expériences menées sur des animaux indiquaient qu'elle le serait. Et elle est effectivement en santé. Il y a maintenant plus d'un demi-million de bébés qui sont nés dans le monde grâce aux techniques de procréation assistée, et absolument rien n'indique qu'il y a la moindre augmentation de la fréquence de malformations congénitales quelconques. Néanmoins, de nouvelles techniques apparaissent et nous devons mettre les enfants et les parents à l'abri de toute surprise. Pour y arriver, il faut faire de la recherche, parfois dès les tout débuts du développement des nouvelles techniques.

• 1145

Peut-être que l'exemple le plus spectaculaire est la technique de l'injection du spermatozoïde. L'injection intracytoplasmique du spermatozoïde a été inventée dans les années 90. Cette technique est illustrée ici. Nous avons ici un oeuf humain, c'est-à-dire un ovule. C'est une cellule entourée d'une membrane. Il y a ici un corps polaire, c'est-à-dire un peu de cytoplasme avec un jeu de chromosomes supplémentaires qui ont été expulsés de la cellule. Mais j'y reviendrai dans un instant.

L'ovule a été prélevé chez la femme après stimulation hormonale, a été monté sur une pipette, qui est une sorte de paille en verre, après quoi le spermatozoïde, qui est minuscule et enfermé dans cette autre pipette fine comme une aiguille, est injecté dans l'ovule.

Cette technique a révolutionné presque du jour au lendemain le traitement de l'infertilité masculine. Auparavant, les hommes dont le sperme contient très peu de spermatozoïdes pouvaient seulement enfanter grâce au don de sperme. Maintenant, pour une très forte proportion de ces hommes, nous pouvons trouver suffisamment de spermatozoïdes pour provoquer la fécondation assistée, de sorte qu'eux aussi peuvent devenir des parents génétiques.

Mais il importe de savoir quels sont les risques d'une nouvelle technique. Où doit-on placer la pipette et injecter la cellule? Et qu'arrive-t-il du fluide qui est injecté dans la cellule? On n'a pas encore répondu à ces questions de façon définitive.

Deuxièmement, il y a la maturation in vitro des ovules. C'est une technique dont vous avez peut-être entendu parler dans les actualités il y a environ un an et demi. Des essais cliniques sont en cours à Montréal; on met à l'essai une technique qui pourrait révolutionner la technologie de fécondation in vitro, le but étant de réduire la quantité de médicaments administrés à la femme et d'atténuer les risques en prélevant les ovules pendant le cycle naturel.

Ces ovules sont donc prélevés alors qu'ils n'ont pas encore atteint la maturité et on leur fait atteindre la maturité dans une boîte de Petri ou une éprouvette.

Et cette technique exige évidemment un contrôle attentif: la fécondation est-elle normale, l'embryon est-il normal avant d'être replacé dans l'utérus?

C'est une technique très prometteuse, dont l'efficacité n'est pas encore aussi élevée actuellement que la FIV ordinaire; c'est pourquoi elle n'a toujours pas été adoptée de façon généralisée et doit encore être perfectionnée. Je suis certain que beaucoup de patients se réjouiront de l'arrivée de cette nouvelle technique remplaçant la technique actuelle, qui est demeurée relativement inchangée depuis maintenant 10 ou 20 ans.

Le troisième domaine est le transfert cytoplasmique ou transfert de noyau. Je vais vous parler seulement de l'injection de cytoplasme parce qu'on en a parlé dans les nouvelles il y a à peine deux semaines. Cela a fait les manchettes: «Des chercheurs américains à l'hôpital St. Barnabus ont créé des enfants génétiquement transformés». C'est la façon dont les médias ont présenté la nouvelle.

Il est vrai que ce n'est pas une technique utilisée au Canada, soit dit en passant, et à mon avis il est beaucoup trop tôt pour que nous le fassions, mais l'objectif est louable. Le but est d'aider les femmes qui ont dépassé légèrement l'âge optimal de la fertilité, disons la quarantaine, et dont les ovules se sont dégradés du point de vue qualité, ou celles qui, pour quelque raison inconnue, ont des ovules qui sont difficiles à fertiliser ou n'ont pas la viabilité normale.

L'idée est qu'il y a quelque chose qui est déficient quelque part dans le manteau cytoplasmique entourant l'ADN. Les chercheurs ont transféré une partie de ce manteau cytoplasmique renfermant les protéines, le prélevant dans l'ovule d'une jeune femme pour l'injecter dans l'ovule de la patiente, dans l'espoir d'améliorer la qualité de l'ovule. Ils ont signalé 15 grossesses viables dans leur centre et il y en a apparemment une trentaine dans le monde.

Le but est d'éviter d'avoir recours au don d'ovules en aidant à renflouer les ovules de la patiente. Mais je n'encouragerais pas cette technique tant que l'on n'aura pas fait des recherches plus approfondies pour en prouver l'innocuité et l'efficacité et pour optimiser la technologie.

C'est donc à mon avis une autre raison de mener des recherches sur les ovules et les embryons.

• 1150

Maintenant, pour ce qui est d'éviter les maladies héréditaires, c'est devenu un domaine très important. Je vais seulement en aborder un ou deux éléments.

Premièrement, j'insiste sur le fait qu'il y a deux manières de vérifier si un ovule a une mutation héréditaire ou s'il y a eu erreur chromosomique pendant la division de la cellule, alors que les chromosomes se divisent également pour produire un jeu normal de chromosomes.

Vous pouvez voir sur cette image que l'on a extrait de l'ovule une minuscule section que l'on appelle un fuseau. Le vert, c'est comme des cellules musculaires, c'est ce qui sépare les chromosomes quand l'ovule est fécondé. Les chromosomes qui renferment l'ADN sont violets. Ils sont situés à l'équateur et quand l'ovule est fécondé, les chromosomes se séparent en deux. Il y en a 46. Ils se séparent pour aller des deux côtés de l'ovule. Un côté constitue ce corps polaire, qui est rejeté, et l'autre côté conserve 23 chromosomes. C'est constitué par les 23 chromosomes du spermatozoïde. C'est ce qui se passe au moment de la fécondation.

Mais il arrive parfois que l'ADN de l'ovule ou du spermatozoïde a une mutation quelconque qui peut modifier le nombre des chromosomes ou induire une différence dans le codage de l'ADN qui entraîne par la suite un problème dans l'embryon, dans le foetus ou plus tard encore.

Tout cela peut être testé à différentes étapes, soit dans la cellule polaire, cette petite goutte de cytoplasme renfermant des chromosomes qui est rejetée, qui est un déchet biologique... C'est une possibilité très attrayante parce que cela ne nuit nullement à l'ovule ou au futur embryon. Mais les applications en sont limitées. Nous ne pouvons pas obtenir toute l'information pour certaines pathologies. C'est pourquoi on fait aussi du dépistage génétique à partir des embryons. C'est ce que l'on appelle le diagnostic génétique pré-implantatoire. Ce dépistage se fait actuellement sur une très petite échelle au Canada, à des fins de recherche seulement, mais il y a environ 50 centres dans le monde entier qui s'y consacrent.

Parfois on fait une vérification de chaque gène, mais je ne vais pas vous montrer la technologie utilisée pour ce test, parce que c'est assez compliqué. Parfois, on compte le nombre de chromosomes. Et c'est ce qu'on montre ici. Ce que vous voyez ici, ce sont les noyaux des embryons.

Prenons un embryon à l'étape où il compte huit cellules, le deuxième ou le troisième jour. On enlève l'une des cellules de l'embryon; nous croyons que cela ne cause aucun dommage au reste de l'embryon. C'est un peu comme procéder à une prise de sang, d'une manière, sauf que c'est une biopsie assez importante, proportionnellement. Cette unique cellule est ensuite testée à l'aide de sondes colorées pour différents chromosomes. Nous ne pouvons pas tester facilement tous les chromosomes à l'heure actuelle, mais nous pouvons en faire huit ou neuf à la fois.

Donc, on trouve dans le noyau d'une cellule normale la totalité des 46 chromosomes. Dans une cellule qui a subi une aberration au moment de la division, il peut y en avoir un supplémentaire, par exemple un chromosome 21 supplémentaire, et l'on peut s'en rendre compte d'après le nombre des zones colorées, ces trois points colorés que vous voyez ici. Parfois, il y a un problème au moment de la division et le nombre total de chromosomes double; nous en avons alors quatre jeux au lieu de deux. Toutefois, la fécondation échoue et il n'y a qu'un seul jeu de chromosomes. Peut-être que le spermatozoïde n'a pas pénétré comme il faut, mais l'ovule se divise quand même pour former une sorte d'embryon. Mais il n'ira pas très loin. Il y aura alors fausse-couche. Celui que vous voyez ici n'est pas viable.

Comme vous pouvez le voir, mesdames et messieurs, il est possible, grâce à la technique du dépistage, d'identifier les embryons qui ont les plus grandes chances de survie et qui sont dotés d'un jeu normal de 46 chromosomes. Cette technologie permet d'éviter les fausses couches, qui est l'aboutissement ordinaire de la presque totalité de ces problèmes, et donc d'accroître le taux de succès des techniques de procréation assistée, c'est du moins ce que nous croyons.

La fécondation in vitro, et même la fécondation naturelle à l'intérieur du corps, provoque un énorme gaspillage d'embryons. Pour des raisons que nous ne comprenons pas très bien et que les chercheurs devront tirer au clair, beaucoup d'embryons échouent en cours de route. Même s'ils ont l'air normaux, la majorité n'aboutissent pas.

• 1155

Ici, par exemple, nous avons des embryons humains qui ont fait l'objet de dépistage, dans le cadre de recherches menées par mes collègues. Ce sont des embryons de trop qui seraient autrement rejetés. Leurs chromosomes ont été vérifiés. Nous constatons que seulement le quart d'entre eux, exactement 26 p. 100, sont diploïdes, c'est-à-dire qu'ils sont dotés d'un jeu normal de chromosomes et qu'ils sont donc normalement viables. Les autres ont tous divers problèmes. Le groupe anuploïde peut inclure des embryons dotés d'un chromosome 21 supplémentaire. La plupart sont éliminés par fausse couche, mais à l'occasion, ils débouchent sur la naissance d'un enfant trisomique.

Je voudrais maintenant passer au troisième domaine de recherche que j'ai choisi, les cellules souches embryonnaires. En guise d'introduction, je signale qu'au début, on trouve dans l'embryon une cellule très primitive appelée cellule souche embryonnaire. Ces cellules—il y en a peut-être une douzaine, mais nous ne sommes pas sûrs d'en connaître le nombre exact—sont les cellules mères de tous les organes du corps. Pendant le développement de l'embryon, ces cellules se divisent. Elles disparaissent elles-mêmes parce qu'elles se transforment en des cellules plus spécialisées ou différenciées, d'abord en trois grands types fondamentaux de cellules—ectoderme, endoderme, mésoderme—d'où dérivent tous les organes du corps. Vous comprenez donc toute l'importance de cette cellule. C'est la raison pour laquelle la technologie des cellules souches suscite beaucoup d'intérêt dans le monde entier.

Maintenant, nous avons ici un embryon d'où l'on pourrait extraire des cellules souches embryonnaires. Il en est au quatrième ou cinquième jour et il est encore entouré de la membrane que vous avez vue tout à l'heure. Il est encore à l'étape où il se déplace librement et il pourrait donc être remis dans l'utérus. Mais à partir d'embryons de rejet, les membres d'une équipe du Wisconsin ont obtenu les cellules intérieures que l'on voit ici. Ils ont essentiellement retiré ces cellules et les ont injectées dans une solution nutritive dans une éprouvette. Ils ont constaté que les cellules se multipliaient et qu'ils étaient en mesure alors d'en contrôler le développement in vitro.

En fait, certains de mes proches collaborateurs en ont fait la démonstration chez la souris il y a 20 ans, mais il a fallu 15 ans avant de les trouver dans les embryons humains.

Pourquoi nous intéressons-nous tellement à ces cellules? Eh bien, ces cellules primitives se renouvellent d'elles-mêmes. On peut en produire des millions. En même temps, si on les expose à certaines molécules ou hormones, on peut en canaliser le développement pour qu'elles forment des cellules insulaires du pancréas, etc. Beaucoup de types de cellules, peut-être tous les types de cellules du corps humain pourraient être générés in vitro à partir de ces cellules et pourraient être ensuite utilisés pour ce que l'on pourrait appeler la médecine régénérative, pour traiter les maladies dégénératives comme la maladie de Parkinson, les diabètes de type I, le cancer, etc.

C'est pourquoi la recherche sur ces embryons est tellement importante, de l'avis de tous les chercheurs du monde entier. Mais on en est encore aux balbutiements.

Une autre raison d'étudier les cellules souches embryonnaires in vitro—et bien sûr, ces cellules n'ont plus à cette étape la moindre capacité de former un bébé, elles sont seulement des éléments constitutifs de l'embryon—est que nous pourrions utiliser ces cellules pour tester la toxicité des médicaments. Par exemple, nous soupçonnons que beaucoup de substances peuvent nuire au bébé, à l'embryon, aux premières étapes du développement. Au lieu d'en faire l'essai sur des animaux, qui ne sont pas toujours très fiables comme sujets d'essai, nous pourrions en faire l'essai sur des cellules humaines, pour voir ce qui arrive au développement de ces cellules, pour déterminer si ces substances causent des problèmes. Ces substances sont appelées tératogènes. L'exemple le plus connu est bien sûr celui de la thalidomide, bien que l'effet s'en fasse sentir à une étape ultérieure du développement. Nous pourrions faire le dépistage des médicaments, des facteurs alimentaires et des facteurs environnementaux susceptibles de nuire aux premières étapes du développement humain et d'avoir des conséquences tout au long de la vie.

• 1200

Troisièmement, ces cellules souches embryonnaires nous aident à mieux comprendre le premier stade du développement des êtres humains, l'évolution d'une cellule très primitive en des cellules différenciées. Pourquoi est-ce important? Eh bien, cela pourrait nous aider à comprendre les causes de l'infertilité et de la fausse couche et avoir aussi d'autres répercussions.

Par exemple, dans le cas du cancer, nous avons une cellule qui est également très primitive à certains égards. Elle ressemble beaucoup à des cellules embryonnaires, sauf qu'elle ne se comporte pas d'une manière contrôlée. Nous aimerions pouvoir transformer les cellules cancéreuses en cellules différenciées qui cesseraient de se diviser et seraient beaucoup plus bénignes. C'est exactement ce qui se passe pendant notre propre genèse à partir des cellules primitives, qui ont un énorme potentiel et peuvent devenir presque n'importe quoi, éventuellement des cellules beaucoup plus contrôlées et spécifiques. Donc, la recherche sur l'embryon peut nous aider à mieux comprendre le cancer.

Enfin, et je vous remercie de votre patience, je voudrais dire que l'une des raisons pour lesquelles nous sommes contents que l'on légifère dans ce domaine, c'est que, comme on le dit dans le préambule, on reconnaît la valeur des nouvelles techniques de reproduction pour les particuliers et la société au Canada. Je suppose que l'on peut dire que ce qui préoccupe les chercheurs, ce n'est pas seulement de connaître les pénalités si nous commettons une erreur, mais aussi de savoir comment on opère la division entre les catégories de recherche et de traitement clinique, c'est-à-dire entre la catégorie interdite et la catégorie réglementée.

S'il y a un message que je voudrais vous laisser en terminant, c'est que si nous rangeons trop d'interventions dans la catégorie interdite, cela pourrait avoir à mon avis des conséquences immenses. Je vais vous en donner un ou deux exemples.

Nous aimerions perfectionner la technique de la congélation des ovules. La raison en est que nous n'aurions alors pas besoin de congeler tellement d'embryons et je pense que tout le monde s'en féliciterait. Deuxièmement, nous aimerions approfondir nos connaissances afin d'améliorer la technique de la maturation in vitro. Je pense que les médecins et les patients conviennent que c'est en théorie une technique beaucoup plus attrayante que l'actuelle fécondation in vitro.

Maintenant, où se situe la frontière entre la recherche sur les embryons et la création d'embryons destinés à la recherche et le fait de faire des essais cliniques pour produire un bébé? Je pense que les chercheurs devront être très prudents et très conscients que s'ils appliquent une procédure visant à produire un bébé, mais en utilisant une nouvelle technologie faisant peut-être appel à la congélation ou à la maturation de l'ovule in vitro, il y a toujours la possibilité que, premièrement, leur comité de déontologie de l'hôpital leur dise «Vous enfreignez la loi», ou bien qu'ils s'exposent à des poursuites au criminel pour avoir appliqué une procédure qui, bien qu'elle vise à produire un bébé, mettait en cause de la recherche au sens strict. Quand on fait quelque chose de nouveau, il faut prélever des ovules, observer la fécondation, vérifier que l'embryon s'est divisé comme il faut et a atteint l'étape propice avant d'implanter cet embryon dans le corps de la femme. On ne pourrait pas procéder autrement. Dans mon esprit, cela constitue de la recherche. Je pense que le comité doit être conscient que nous travaillons dans une zone qui est très floue.

Un dernier exemple: la modification de la lignée germinale. Je ne pense pas que beaucoup de gens accueilleraient avec joie l'idée que l'on puisse concevoir des bébés sur mesure; en fait, cette idée est essentiellement une invention des journalistes. Mais la possibilité d'effectuer des modifications du génome, de l'ADN des embryons pose évidemment de très sérieuses questions. Je pense que si c'est interdit, cela voudra dire qu'il n'y aura aucune possibilité, à moins qu'une nouvelle loi soit promulguée, de corriger une mutation qui est létale pour l'embryon ou le foetus ou qui pourrait raccourcir la vie d'un enfant à naître.

Bien que cette technologie soit loin d'être au point actuellement, je pense qu'elle pourrait l'être dans cinq à dix ans et qu'il serait alors possible d'annuler une pathologie héréditaire dans la famille.

• 1205

Cela aurait aussi des répercussions au Canada pour les chercheurs qui travaillent à la thérapie des gènes somatiques et qui consiste notamment à traiter à l'aide de procédures expérimentales des patients qui sont en âge de se reproduire et qui souffrent, par exemple, de la fibrose kystique. Je ne pense pas que l'on puisse exclure à tout jamais la possibilité que cette thérapie génique puisse induire des modifications dans leurs ovules ou leurs spermatozoïdes, ce qui constituerait une modification de la lignée germinale. Les chercheurs en question doivent en être conscients si cette activité est interdite.

Merci beaucoup.

Dr Arthur Leader: Monsieur le président, je pourrais peut-être faire une dernière observation sur le registre, car c'est l'une des questions qui préoccupent les gens. Je voudrais passer en revue notre registre des données de FIV. Et je remercie les membres du comité de leur patience.

Pourquoi recueillons-nous des données? Eh bien, nous voulons savoir ce qui se passe et dans quelle mesure cette activité permet de prédire le résultat, afin de pouvoir mieux traiter les patients. Si nous introduisons de nouvelles thérapies, nous voulons savoir si elles sont vraiment meilleures. Il nous faut un point de repère et c'est ce que les données nous permettent d'obtenir. Nous devons identifier les risques à court terme pour les femmes et à long terme pour leur progéniture, afin de donner aux patients des options plus réalistes et de guider l'affectation des ressources.

Au Canada, en juin 1998, toutes les cliniques de FIV se sont entendues sur la nécessité de recueillir des données et l'ont fait volontairement. Un logiciel a été distribué à la fin décembre et, en janvier 1999, on a commencé à recueillir des données partout au Canada. Des données ont été envoyées par des cliniques hospitalières et des cliniques indépendantes des quatre coins du Canada. La collecte des données au Canada est actuellement volontaire et autofinancée. Autrement dit, le coût de la collecte, de l'analyse et du traitement des données est financé entièrement par les cliniques elles-mêmes, sans aucun financement externe.

Chaque clinique envoie ses données trimestriellement à la SCFA.

Nous utilisons la même base de données que les centres de lutte contre la maladie des États-Unis. Ils nous ont vendu ce logiciel au prix symbolique de un dollar, et nous compilons ces données de la même manière qu'on le fait aux États-Unis.

Le rapport annuel est envoyé aux directeurs des cliniques de FIV et c'est à eux de décider si les données doivent être publiées. En l'absence d'une structure complète, comme je vais l'expliquer, pour visiter les divers sites afin de vérifier les dossiers, ce qui peut coûter très cher—aux États-Unis, il en coûte environ 300 000 $ par année—ils veulent s'assurer que ce qui est publié représente fidèlement les activités réelles. Notre prochain rapport devrait être publié après notre réunion en 2001.

Quant aux résultats de 1999, on a amorcé au Canada 4 290 cycles de FIV. À titre de comparaison, en France, on fait environ 80 000 cycles par année, et probablement autant au Royaume-Uni. Ce n'est donc pas une technique dont nous abusons au Canada.

Le taux de grossesse est de 26 p. 100, ce qui se compare favorablement avec les résultats obtenus ailleurs dans le monde, que ce soit aux États-Unis ou dans d'autres grands pays, où il y a plus d'activités dans ce domaine. Le taux est meilleur parmi les femmes les plus jeunes. C'est donc à l'avantage des femmes de se faire traiter quand elles sont jeunes plutôt que d'attendre d'être dans la quarantaine. La majorité des femmes qui sont devenues enceintes, soit 62 p. 100, ont mis au monde un bébé, et 26 p. 100 d'entre elles ont mis au monde des jumeaux. Cela vous donne un aperçu de la situation.

À l'avenir, nous prévoyons mettre au point une version canadienne de la base de données, ce qui nécessitera des ressources, et identifier des possibilités d'amélioration, parce que nous avons au Canada des définitions différentes de celles des États-Unis, par exemple au chapitre des résultats. Par ailleurs, nous n'avons pas de version française de la base de données, ce qui est regrettable. Le coût de la traduction est prohibitif pour une organisation bénévole.

Nous devons trouver suffisamment d'argent pour analyser les données, préparer les rapports et faire la validation des données, ce qui exige une inspection sur place. Aux États-Unis, les cliniques qui se trouvent dans la tranche supérieure des 5 p. 100 et celles qui se trouvent dans la tranche inférieure de 5 p. 100 font régulièrement l'objet de vérifications dans le cadre de l'administration du registre des données.

En terminant, je tiens à vous remercier tous de votre patience et vous suis reconnaissant de nous avoir écoutés jusqu'au bout. Nous sommes certainement prêts à répondre à vos questions. Nous voudrions aussi vous inviter à visiter l'une ou l'autre des cliniques d'infertilité, que ce soit à Ottawa, à Montréal ou n'importe où ailleurs au Canada.

• 1210

Nous invitons aussi les membres du comité à rendre visite à n'importe quel laboratoire de recherche scientifique sur la reproduction, ce qui leur donnerait l'occasion de discuter avec les chercheurs de leurs activités, que ce soit à l'université McGill de Montréal, au Laboratoire Lunenfeld de Toronto, ou encore à Ottawa ou Vancouver.

S'il y a un domaine qui vous intéresse particulièrement, faites-le-nous savoir et nous nous ferons un plaisir de vous faciliter les choses. Si c'était plus facile pour le comité, nous pourrions faire venir les chercheurs ici devant vous. Et nous serions honorés de revenir témoigner devant le comité, surtout lorsque celui-ci étudiera l'ébauche de projet de loi. Comme vous le savez, cette mesure est relativement nouvelle dans le domaine public et notre organisation n'a pas eu le temps de se réunir et de réfléchir à la réponse qu'il convient de donner aux diverses mesures proposées.

Nous aimerions donc avoir l'occasion de revenir pour discuter de l'ébauche de projet de loi et pour vous exposer notre réaction. Si le registre des données vous intéresse, si vous voulez de plus amples renseignements sur cet aspect ou sur l'agrément, nous serons honorés de revenir vous en parler à une date ultérieure.

Je le répète, nous avons hâte de participer à cet exercice avec vous. Nous voulons assister à une approche intégrée face aux questions de la procréation humaine assistée et nous serions ravis d'avoir l'occasion de vous rencontrer de nouveau.

Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui et de nous avoir écoutés avec patience. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Merci beaucoup.

Pour ce qui est de revenir témoigner devant le comité, il n'y a aucune garantie à ce sujet, mais nous penserons certainement à vous si jamais le besoin s'en fait sentir. Toutefois, lorsque la version définitive du projet de loi sera publiée, je suis certain que vous tiendrez beaucoup à nous faire part de votre point de vue sur ce projet de loi. Je vous invite donc à rester en contact avec nous.

Vos exposés ont été vraiment exhaustifs. J'aimerais savoir si vous avez de la documentation ou des copies du texte de vos exposés que vous pourriez remettre au greffier qui se chargerait de les distribuer à tous les membres. Nous vous en serions reconnaissants.

Nous allons maintenant lancer la période des questions—cinq minutes par personne, y compris la réponse. Je vous demanderais d'être le plus bref possible dans vos préambules.

Monsieur Manning.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, AC): Je voudrais d'abord féliciter nos invités d'être venus. Je suis certain que vous préféreriez tous être dans un laboratoire ou une clinique ou un hôpital plutôt qu'ici, et nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré de votre temps.

La question que j'aimerais poser—je pourrais peut-être vous faire remettre cette feuille de papier et je vous invite à en prendre connaissance—porte sur ce que le Dr Gosden a dit au sujet de la ligne de démarcation entre les activités interdites et les activités réglementées. Comme vous le savez, c'est l'une des principales décisions que nous devons prendre relativement à ce projet de loi, à savoir qu'est-ce qui sera interdit et donc précisé dans la loi et qu'est-ce qui entrera dans la catégorie des activités réglementées et sera donc assujetti à cet organisme de réglementation.

Je me demande si vous pourriez tous les trois, ou si l'un d'entre vous, à votre choix, pourrait nous dire s'il y a certaines procédures et certaines recherches qui, vous en êtes absolument convaincus, devraient catégoriquement être interdites? Vous avez dit souhaiter que la liste soit très courte, mais y en a-t-il qui devraient à votre avis être interdites?

Et nous ne présupposons pas que vous serez tous d'accord là-dessus.

Dr Arthur Leader: Comme je crois l'avoir dit à la fin de mon intervention, monsieur Manning, nous aimerions revenir vous présenter cette liste quand nous aurons eu le temps d'y réfléchir.

M. Preston Manning: Très bien.

Dr Arthur Leader: Nous avons dit publiquement que nous sommes contre le clonage humain. Nous sommes contre ce que l'on appelle le clonage permettant de produire une copie conforme d'une autre personne. Nous sommes catégoriques là-dessus. Comme vous le dites, la question de savoir ce qui doit être interdit et ce qui doit être réglementé est critique, mais je pense que nous serons plus en mesure de vous répondre quand nous aurons eu l'occasion de consulter nos membres.

M. Preston Manning: Êtes-vous tous du même avis?

Et qu'arrive-t-il à l'autre extrémité du spectre? Êtes-vous même en mesure de dire à cette étape que...? Y a-t-il certains actes médicaux ou certaines recherches connexes qui ne devraient pas être réglementés, tout au moins par le gouvernement? Il pourrait y avoir autoréglementation par les scientifiques, ou par les hôpitaux ou par les cliniques d'infertilité. Y a-t-il des domaines qui, d'après votre jugement, devraient faire l'objet d'une autoréglementation au lieu d'être réglementés par le gouvernement?

• 1215

Dr Arthur Leader: Je crois qu'il y a actuellement un système en place au Canada, aux termes duquel la pratique de la médecine est réglementée par les provinces, par l'intermédiaire de la Fédération des ordres des médecins du Canada. Par conséquent, cet aspect de la médecine fait l'objet d'une autoréglementation et exigerait un changement en profondeur et assurément la participation des provinces.

Comme la Dre Léveillé l'a signalé, dans tout le domaine de l'agrément, le dossier évolue énormément. Historiquement, au Canada, les établissements de santé sont réglementés, si l'on veut, par le régime d'agrément, de sorte que les soins dispensés au patient...

Ce sont là deux domaines d'expérience et d'expertise dans lesquels on peut puiser, mais pour ce qui est des techniques précises, je demanderais d'avoir la possibilité d'y réfléchir davantage et de revenir en parler au comité.

M. Preston Manning: Eh bien, si vous pouvez remplir ce tableau pour nous, ce serait très bien.

Dr Arthur Leader: Je pense que c'est un bon outil.

M. Preston Manning: J'ai une dernière question. Nous avons demandé aux fonctionnaires du ministère qui sont venus la semaine dernière quelle était leur définition de la recherche «connexe» dans le domaine de la procréation humaine assistée. Si j'ai bien compris leur réponse, ils ont dit que c'était de la recherche qui comportait la création ou l'utilisation d'embryons humains. La création ou l'utilisation de l'embryon, voilà ce qui semble définir l'étendue de la recherche connexe aux fins de ce projet de loi.

Ma question est donc celle-ci: trouvez-vous que c'est une bonne manière de définir la recherche connexe et d'en fixer les limites aux fins de ce projet de loi? Je pose la question parce que j'ai entendu le Dr Gosden parler des essais préembryonnaires, lesquels, d'après la définition qu'on nous a donnée la semaine dernière, ne relèveraient pas de ce projet de loi.

Avons-nous raison de cibler l'utilisation d'embryons pour établir les limites de la recherche connexe dans le domaine de la procréation humaine assistée, ou bien devrions-nous chercher quelque chose d'autre?

Dr Arthur Leader: Je l'ignore. Je pense que la question est de savoir quelle portée vous voulez donner à la mesure. Vous devez examiner les précédents. Si vous considérez les travaux de la Commission de réforme du droit de l'Ontario, ou encore de la Commission fédérale de réforme du droit, travaux qui remontent aux années 80, de sorte qu'il y a des précédents dans ce domaine, il a été établi que les spermatozoïdes et les ovules sont d'origine humaine, mais ne constituent pas des personnes et il est légitime d'effectuer des recherches pendant une période de 14 jours après la fécondation. C'est une recommandation qui a été acceptée internationalement, que ce soit au Royaume-Uni, grâce aux travaux de la Commission Warnock, ou que ce soit à la suite des travaux de la Commission de réforme du droit ou de la Commission royale ou du Conseil de recherches médicales.

Je pense donc que toute la gamme des activités relève de la recherche—ce qu'on fait avec des spermatozoïdes, des ovules et des embryons—et il semble y avoir une ligne de démarcation entre les 14 premiers jours et les jours suivants.

M. Preston Manning: Merci.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Merci.

Monsieur Bonin.

M. Ray Bonin (Nickel Belt, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie pour une présentation fantastique. Je suis en politique depuis 25 ans, à tous les niveaux sauf au provincial, et j'ai toujours fait grandement confiance aux experts comme vous. C'est encore le cas. Et c'est la première fois que je suis placé dans la situation où je dois évaluer une mesure législative envisagée en tenant compte, pour mon évaluation et ma conclusion, de considérations morales.

• 1220

Je dis cela au tout début du processus parce que nous ne faisons que commencer notre étude. Nous sommes saisis d'une ébauche de projet de loi. Par conséquent, cette mesure reviendra un jour à la Chambre sous forme de projet de loi et le comité en sera de nouveau saisi. Je pense que vous serez inévitablement de retour.

Voici où je veux en venir. Je sais que nous entendrons des témoins qui traiteront des questions morales envisagées de leur point de vue. Nous devrons écouter leurs arguments et les évaluer. Ce que je voudrais dire, c'est que j'aimerais entendre aussi les experts, les spécialistes.

Je ne crois pas qu'un évêque ait le dernier mot en matière de morale et qu'un chercheur scientifique n'ait pas son mot à dire. Je crois que vous êtes des gens de bonne volonté, autant sinon plus que la plupart d'entre nous, et vous avez des préoccupations. Dans votre profession, vous pouvez être en faveur de quelque chose et dire: «Moralement et du point de vue de l'éthique, je choisis personnellement de ne pas faire ceci ou cela», mais quand vous êtes un législateur, vous devez choisir de permettre aux gens de le faire ou de le leur interdire. Comprenez-vous le dilemme dans lequel nous nous trouvons? Et nous ne sommes pas des experts. J'ose dire qu'aucun d'entre nous ici n'est un expert. Nous dépendons donc de vous tous.

Tout au long de notre étude, j'espère que nous pourrons compter sur l'aide de tout le monde pour nous aider à comprendre et à adopter une approche raisonnable, j'ose même dire intelligente, pour résoudre ce problème que certains d'entre nous peuvent avoir.

Je crois bien que je n'ai pas de question à vous poser, mais je demanderai à tous les autres dans votre domaine qui témoigneront d'être conscients que nous nous tournons vers vous. Vous devez savoir que l'Église catholique a peut-être des objections au projet de loi. Je suis catholique. Je ne veux pas entendre seulement le point de vue de l'évêque là-dessus. Je veux en connaître les aspects scientifiques et, si mon évêque se trompe, je veux le savoir.

C'est donc le message que je vous laisse. Puisque vous êtes ici, vous voudrez peut-être répondre, mais j'espère que le message sera transmis aux autres. Nous amorçons un processus qui durera près d'un an et il est très important que nous comprenions bien et que nous ne disions pas simplement: «Je suis contre et je ne veux pas entendre le moindre argument».

Je n'ai pas de question. C'est seulement une réflexion sur un dilemme qui se pose à certains d'entre vous et dont vous devez être conscients.

Dr Arthur Leader: Je pense que c'est une tâche très difficile. Il est toujours plus facile d'avoir raison quand on sait qu'on a raison. C'est plus difficile de savoir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Je ne vous envie pas dans votre tâche, surtout dans une société qui est multiculturelle et où coexistent de nombreuses fois religieuses et de nombreuses ethnies. C'est de plus en plus une mosaïque. C'est très difficile.

En tant que clinicien, ma responsabilité est de ne causer aucun tort aux patients que je vois ou que d'autres peuvent voir. C'est pourquoi nous avons adhéré à ce processus d'agrément. Les collègues qui travaillent au laboratoire veulent s'assurer que les patients reçoivent les meilleurs soins possibles et qu'ils peuvent les recevoir n'importe où au Canada, ce qui met en cause le volet agrément.

La question qui est la plus difficile, celle soulevée par M. Manning et d'autres, consiste à déterminer ce qui ne devrait jamais être permis, ce qui ne doit pas être autorisé aujourd'hui, aux termes du règlement, mais qui pourrait l'être demain. Ces valeurs peuvent changer. Nous l'avons vu dans d'autres sociétés. En Allemagne, par exemple, toute recherche sur les embryons est totalement interdite, mais on envisage actuellement de faire de la recherche sur les cellules souches. Les Allemands comprennent qu'il y a là des avantages sur le plan de la santé.

Il est donc très difficile d'intégrer tous ces éléments. Si nous pouvons vous aider, nous serons ravis de le faire, mais nous comprenons que c'est une tâche difficile qui vous attend.

M. Ray Bonin: J'en sais plus maintenant qu'avant la réunion; comme vous pouvez le voir, j'en savais vraiment très peu.

Dr Arthur Leader: Je vous remercie du compliment.

M. Ray Bonin: Cela a été très intéressant.

Si j'ai bien compris, vous devez créer un certain nombre d'embryons, dans l'espoir que l'un d'entre eux sera fertilisé et créera une personne. Les autres embryons, vous les utilisez pour faire de la recherche pendant cette période de 14 jours. C'est bien cela? Ils servent à la recherche.

• 1225

Mme Marie-Claude Léveillé: Ce qui se passe en général, c'est qu'on peut obtenir entre un et vingt ovules d'une patiente. Le contrôle n'est pas parfait. C'est pourquoi on ne peut pas donner de garantie à une patiente quand on prélève seulement trois ovules.

Nous avons un dilemme au laboratoire. Ne sachant pas quels ovules sont les meilleurs, nous ne pouvons pas en féconder seulement trois afin de pouvoir implanter ensuite trois embryons. La seule solution pour l'instant est de les féconder tous, c'est-à-dire une vingtaine. Ensuite, on continue de les observer de près pendant deux ou trois jours et, d'après leur morphologie, leur apparence, et grâce à notre expérience et nos connaissances, nous pouvons identifier ceux qui, d'après nous, sont les plus viables. Nous implantons ensuite deux ou trois embryons.

Certaines patientes décident alors qu'elles veulent faire congeler les autres embryons afin de ne pas être obligées de subir de nouveau la stimulation ovarienne et le processus au complet la prochaine fois. Elles peuvent revenir et nous décongelons trois ou quatre embryons et nous en implantons un ou deux.

Donc, oui, dans chaque cas, nous avons des embryons qui ne semblent pas prometteurs et qui sont écartés, qui ne seront pas implantés. Très souvent, ils ne sont pas congelés, parce que nous savons déjà qu'il faut un certain niveau de qualité pour que nous puissions garantir qu'ils vont survivre quand on les décongèlera. Dans certains cas, nous devons donc rejeter quatre ou cinq embryons.

Dans la plupart des cliniques au Canada, nous avons un système en place par lequel nous demandons aux patientes, avant qu'elles commencent ce traitement, si elles nous autoriseraient à utiliser ces embryons pour faire de la recherche. Très souvent, les patientes disent oui. Je pense qu'elles comprennent que si l'on nous permet de mettre à l'essai de nouveaux procédés et si elles reviennent dans deux ans pour subir un nouveau traitement, elles pourraient avoir un meilleur taux de succès en nous permettant aujourd'hui d'étudier le comportement de ces embryons dans une culture différente, un environnement différent ou des conditions différentes. Très souvent, nous utilisons ces embryons pour mener à bien ces activités.

M. Ray Bonin: C'est l'une des décisions que nous devrons prendre dans nos recommandations. Voici où je voulais en venir. Comme je l'ai dit, je fais confiance aux professionnels et aux experts comme vous. Je pense qu'un jour ou l'autre, vous serez capables de produire un seul embryon et vous saurez qu'il comporte tous les ingrédients voulus pour devenir une personne impeccable. À ce moment-là, serons-nous obligés de créer d'autres embryons uniquement pour la recherche? C'est un dilemme que je devrai trancher.

[Français]

Le président: Madame Picard.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci, monsieur le président.

Vous représentez la Société canadienne de fertilité et d'andrologie. D'après ce que j'ai pu lire, vous êtes aussi rattachés à des laboratoires. Je voudrais savoir si vous vous occupez seulement de reproduction humaine assistée. Vos recherches portent-elles seulement sur ce sujet? Vous intéressez-vous de quelque façon que ce soit aux causes de l'infertilité? Ce n'est pas la première fois que nous étudions ce sujet et que le comité reçoit des témoins. Nous l'avons fait lors de la Commission Baird. Un projet de loi a été déposé. Nous avons reçu beaucoup de scientifiques, de gens, de médecins, de gens spécialisés en éthique, des sommités. J'ai déposé moi-même un projet de loi pour interdire le clonage humain. On a recommencé.

Un sujet revient souvent. Je comprends qu'il est peut-être peu intéressant pour les scientifiques, à l'heure actuelle, de s'intéresser aux causes de l'infertilité chez la femme quand on fait de la recherche sur des embryons, parce qu'il y a toutes sortes de nouvelles technologies, toutes sortes de nouveaux médiums de découverte.

• 1230

Je voudrais savoir si vous vous intéressez à ces causes et où en sont rendues les recherches. Ne pensez-vous pas qu'avant d'offrir une technique de procréation assistée à une femme qui est stérile et qui veut un enfant, il faut d'abord trouver la cause de son infertilité?

[Traduction]

Dr Arthur Leader: Vous posez votre question en disant «vous». Je pense que l'on s'intéresse, dans la communauté médicale et scientifique, aux causes de l'infertilité et à la prévention de l'infertilité. C'est un domaine de recherche dont l'importance est reconnue.

Quand nous faisons nos recherches, par exemple, beaucoup d'entre nous tiennent compte de l'influence de la chlamydia sur le comportement des spermatozoïdes, sur le fonctionnement des trompes, sur la façon dont le corps humain réagit normalement dans certaines situations, et nous nous demandons pourquoi il en résulte un problème d'infertilité. On s'intéresse à cette question; cela fait partie de la recherche à laquelle s'adonnent les scientifiques de recherche fondamentale, les cliniciens, et tous ceux qui s'intéressent à la santé communautaire, et ces gens-là sont représentés dans notre société. Nous ne nous attardons pas exclusivement au bout de la ligne, c'est-à-dire au traitement des gens qui souffrent d'infertilité, par opposition au traitement de la cause.

Je suis sûr, et les autres témoins le savent bien, que la principale cause provient des infections transmises sexuellement, dont il faut assurer la prévention, ainsi que les conséquences sur la fertilité du tabac, des toxicomanies et, dans une certaine mesure, de l'environnement. Quand nous voyons nos patients, nous leur conseillons de changer leur mode de vie et nous intervenons souvent en leur nom si nous pouvons les aider à changer leur milieu de travail ou d'autres activités. C'est un domaine qui nous intéresse.

Nous avons mis l'accent sur cette question précise parce que c'est probablement le domaine le plus technique et peut-être le moins bien compris par les membres du comité. Mais il existe un besoin et nous appuyons l'idée de prendre des mesures de prévention pour empêcher l'infertilité quand elle est évitable.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Je ne suis pas actuellement membre du Comité de la santé, mais j'en ai déjà été membre. Je remplace seulement M. Yvon Charbonneau aujourd'hui.

C'était extraordinairement intéressant de vous écouter et je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer, surtout que nous sommes le comité de la santé. Ayant déjà fait partie du comité, je sais comment nous travaillons avec le ministre qui est très ouvert aux travaux du comité. J'ai participé à notre étude sur les remèdes à base de plantes médicinales, ce qui est bien sûr très loin d'avoir l'importance de l'étude dont s'occupe actuellement le comité. Mais nous avons présenté un rapport contenant 54 recommandations et M. Rock les a toutes acceptées. C'est pourquoi je crois que les autres comités permanents du Parlement devraient s'inspirer de celui-ci.

Chose certaine, l'expertise dont vous nous fait bénéficier est extraordinairement importante. À cet égard, j'aurais deux ou trois questions à poser à Mme Léveillé. Je voudrais savoir quel âge ont les embryons que vous rejetez actuellement?

Mme Marie-Claude Léveillé: Vous voulez dire ceux qui ont été congelés?

Mme Aileen Carroll: Oui, mais attendez un instant, je reviens au début. Quand un embryon est congelé, l'horloge s'arrête.

Mme Marie-Claude Léveillé: Oui.

Mme Aileen Carroll: C'est bien ce que je pensais. Donc, une fois que vous prenez une décision scientifique quant à la capacité de cet embryon de se développer avec succès, combien de temps la loi vous autorise-t-elle avant de prendre cette décision de le rejeter? Y a-t-il une loi, ou bien...

Mme Marie-Claude Léveillé: Il n'y en a pas.

Mme Aileen Carroll: Il n'y en a pas. C'est donc 14 jours.

Mme Marie-Claude Léveillé: Sauf erreur, il n'y a pas de loi pour l'instant.

Dans le programme où je travaille à Ottawa, nous avons commencé la congélation en 1992 et je crois que des embryons qui ont été congelés vers 1992-1993 sont encore stockés.

Le processus que nous avons mis en place dans notre clinique consiste à téléphoner ou à écrire aux patientes annuellement pour leur demander si elles veulent renouveler la mise en banque de leurs embryons, si elles vont revenir pour une nouvelle tentative, ou bien si elles veulent que nous nous débarrassions des embryons. Certaines patientes nous répondent et nous disent que nous pouvons nous en débarrasser et c'est ce que nous faisons. Mais la plupart des embryons ont été congelés et dégelés pour l'usage thérapeutique. Essentiellement, les patientes reviennent un an ou deux plus tard pour une nouvelle tentative.

Mme Aileen Carroll: Je vois. Je vous remercie de votre réponse.

• 1235

Docteur Gosden, vous nous avez fait une petite dissertation sur la congélation des ovules, domaine dans lequel vous travaillez actuellement, et j'accepte ce que vous avez dit, à savoir qu'il est prématuré pour l'instant—en toute déférence pour M. Manning—d'établir une ligne de démarcation claire, d'interdire, de réglementer. Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. C'est prématuré. Néanmoins, je voudrais vous demander, puisque vous avez pris connaissance de l'ébauche de projet de loi, avez-vous le sentiment que l'une ou l'autre des techniques interdites ou réglementées qui sont abordées dans ce document va faire obstacle à votre travail? Ou bien cette question elle-même est-elle prématurée?

Dr Roger Gosden: Je vais faire mon possible pour y répondre.

Mme Aileen Carroll: Je pense que vos travaux sont d'une importance vitale et qu'il est très intéressant que des profanes comme nous puissions les comprendre. Il est important de comprendre la distinction entre les manipulations que l'on fait avec l'ovule, par opposition à l'ovule fertilisé, c'est-à-dire l'embryon.

Dr Roger Gosden: Je dirai seulement que chaque fois que nous en avons discuté, tous les intervenants ont semblé unanimes pour dire qu'il s'agit là d'une technique souhaitable, mais elle est très peu fiable pour le moment. Elle est tellement peu fiable que nous ne l'offrons pas à nos patientes, parce que le taux de succès est probablement quatre fois moins élevé qu'avec la congélation d'embryons. Mais nous croyons pouvoir augmenter ce taux. Quand il sera suffisamment élevé, je ne doute pas que la technique sera utilisée partout dans le monde à des fins cliniques et je crois donc que les chercheurs canadiens voudront participer à cet effort pour améliorer les résultats dans ce domaine de la médecine de la reproduction.

Je ne peux pas commenter spécifiquement le projet de loi, mais je tenais à attirer l'attention sur les problèmes d'interprétation qui pourraient surgir, selon le libellé que les parlementaires choisiront pour définir un embryon destiné à la recherche. Cela s'applique à un certain nombre de sujets différents. D'aucuns croient que l'on pourrait créer des embryons expressément pour la recherche, pour reprendre l'expression qu'on a utilisée. Cela peut avoir divers sens, mais pourrait en fait englober des actes de ce genre et peut-être d'autres aussi. J'ai mentionné également la maturation in vitro des ovules qui, je pense, pourrait être généralement acceptée.

Je pense qu'il pourrait être très difficile de rédiger un texte de loi qui englobera tout cela de manière que la science puisse progresser sans que les chercheurs et leurs comités de l'éthique dans les hôpitaux s'inquiètent quant à la solidité de leur situation et craignent de faire tester le précédent par les tribunaux. Il semble qu'une zone floue pourrait émerger et je n'ai donc aucune recommandation précise à faire. Je ne parle au nom de personne d'autre là-dessus. Je voulais seulement mettre en lumière un problème potentiel.

Mme Aileen Carroll: Merci.

Merci, monsieur le président.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Merci.

Monsieur Owen.

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci beaucoup pour votre témoignage expert très riche en informations.

Tout ce domaine peut bien sûr devenir très controversé. C'est déjà immensément prometteur. Depuis le début de la décennie, nous avons vu se répandre des procédés et des thérapies assez avancés, comme vous venez de le décrire, et votre organisation aide à superviser et à standardiser tout cela. Mais ce travail s'est fait en l'absence de réglementation et de législation, sur la base d'un code volontaire que vous avez décrit, mettant en cause la présentation de données non vérifiées. Et tout ce domaine qui est potentiellement tellement explosif présente aussi d'immenses possibilités. Mais la situation a évolué et voici où nous en sommes maintenant.

• 1240

Quant au graphique à quadrant de M. Manning, si l'on examine la ligne qui va de la recherche à la thérapie, et ensuite celle qui va des actes interdits à ceux qui sont réglementés, il semble que nous soyons en présence de recherche qui n'est pas séparée de la thérapie comme peut l'être, par exemple, la recherche pharmaceutique, par opposition aux enquêtes fondées sur des protocoles très rigoureux avant l'autorisation finale et l'utilisation clinique.

Donc, à bien des égards, la recherche, qui peut parfois être constituée d'éléments distincts, semble être la thérapie en même temps. C'est vraiment un seul processus, ce qui rendra encore plus difficile d'établir les distinctions. C'est là plus une observation qu'autre chose de ma part.

Mais ma question porte sur votre analyse des données qui vous a permis d'établir des taux de succès en pourcentage pour différents groupes d'âge, et vous nous avez présenté les résultats de cette recherche. Relativement aux cliniques qui font de la thérapie fondée sur la recherche et qui, dans une certaine mesure, s'autoréglementent en application de codes volontaires et font rapport de leurs résultats sans vérification, quel degré de confiance avez-vous dans les chiffres que vous nous avez présentés quant au taux de succès, puisque l'on peut supposer qu'il y a une certaine rivalité entre les cliniques qui vous font rapport? Dans quelle mesure êtes-vous confiant que votre perception de la recherche et de la pratique est conforme à la réalité? Car en édifiant un régime réglementaire en application de cette mesure législative, nous voudrons bien sûr bénéficier de votre expérience en allant plus loin.

Dr Arthur Leader: Premièrement, la communauté est restreinte. Il y a 22 centres au Canada. La plupart sont installés dans des hôpitaux universitaires et sont donc supervisés par des comités d'éthique en matière de recherche. Nous n'avons pas publié de données spécifiques pour chaque centre, seulement des données globales, afin d'éviter le problème de rivalité. C'est donc dans cet esprit que les centres ont présenté leurs données, sachant que l'on publierait seulement des données globales.

Il en a coûté 500 000 $ pour mettre au point le programme utilisé parce qu'il s'agit d'un programme conçu de telle manière que l'on ne peut plus modifier les données une fois qu'on les a entrées. Donc, dans cette mesure, il y a une vérification. On ne peut pas modifier les résultats et on est tenu d'entrer les données pour chaque patient. La vérification sur place est simplement une autre étape. Mais le programme comprend des sauvegardes qui garantissent que les responsables ne peuvent exclure leurs pires cas et présenter seulement leurs meilleurs.

Je pense donc que les données sont sûres à cet égard et comme il s'agit de données globales, les gens ne modifient pas leurs données pour que leur taux de succès soit supérieur à ceux des autres. Je pense donc que c'est fiable.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Merci.

Monsieur Castonguay.

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Je crois que le Dr Gosden veut répondre.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Docteur Gosden.

Dr Roger Gosden: Je voudrais ajouter des observations tirées de l'expérience du Royaume-Uni.

Je pense que chacun convient que les patientes doivent savoir quel est le taux de succès et qu'il doit y avoir un contrôle de la qualité. Au Royaume-Uni, le taux de succès des quelque 100 centres est publié dans les journaux. Les données sont recueillies à l'échelle nationale par l'organisme de réglementation et sont rendues publiques.

Je pense qu'il importe de reconnaître que, même si l'on peut reconnaître que ce système a beaucoup de mérite, il n'en a pas moins introduit cette rivalité que le Dr Leader a mentionnée. L'effet secondaire est que les centres ont été soupçonnés de choisir seulement les patientes qui offrent les meilleures perspectives de succès. C'est ainsi que les personnes qui représentent des cas plus difficiles, pour qui le traitement peut être très justifié, mais qui ne contribueront pas à augmenter le taux de succès, ont tendance à être écartées. Les responsables ont le sentiment qu'il y a là un problème.

J'ignore comment on peut y remédier. C'est seulement une observation que je fais.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Monsieur Castonguay.

[Français]

M. Jeannot Castonguay: Merci, monsieur le président, et merci à nos invités.

Je crois qu'il faut trouver une façon de permettre à la recherche de continuer. Il y a là un potentiel énorme pour l'humanité entière, afin d'améliorer les conditions de vie. Je suis conscient que lorsqu'on touche à des tissus humains vivants, cela a d'autres répercussions, dont mon collègue a parlé.

• 1245

Évidemment, on sait que la seule souche embryonnaire, avec son potentiel multiple, est un bijou pour les chercheurs et constitue une excellente source. Y a-t-il d'autres sources de cellules multipotentes à l'heure actuelle que l'on pourrait utiliser et qui seraient peut-être un peu moins controversées?

Si je pose la question, c'est parce que je crois qu'il existe d'autres sources de cellules souches qui ne sont pas embryonnaires. Si on met l'accent sur la recherche de cellules embryonnaires, va-t-on décourager les chercheurs de faire leurs recherches à partir de sources qui ne sont pas des cellules embryonnaires?

[Traduction]

Dr Roger Gosden: Je vous remercie de poser cette question qui est très importante.

La communauté mondiale de la recherche médicale est actuellement fort enthousiaste au sujet de la recherche menée à partir de cellules souches embryonnaires. Comme je l'ai montré dans mon tableau, ces cellules offrent le plus grand potentiel. Mais nous ne savons nullement si elles vont se révéler la meilleure solution ou s'il sera démontré qu'on peut les utiliser en toute sécurité. Nous l'ignorons pour l'instant. Mais la plupart s'accordent à dire que nous devrions étudier la question pour savoir quelles sont les options qui s'offrent à nous sans en rejeter aucune pour l'instant. Il y a beaucoup de chercheurs, dont moi-même, en fait, qui n'utilisent absolument pas de cellules embryonnaires pour mener des travaux de recherche de ce genre. En fait, nous utilisons des cellules d'autres sources, tirées par exemple du cordon placentaire et de tissus adultes. Nous constatons que ces cellules sont plus plastiques que nous ne le pensions auparavant, en ce sens qu'elles peuvent former d'autres types de cellules.

Par exemple, les cellules de la moelle osseuse peuvent être transformées in vitro en cellules du foie ou en cellules musculaires ou même en cellules nerveuses, chez les animaux. Nous ne savons pas encore si c'est possible chez les humains, mais la recherche se poursuit. Il y a là plus de potentiel que nous ne le pensions à l'origine quant à l'utilisation d'autres types de cellules, moins controversées sur le plan éthique. Néanmoins, la grande majorité des chercheurs sont d'opinion que, pour diverses raisons, ces cellules souches adultes, et peut-être même les cellules placentaires tirées du cordon, ne pourront pas répondre à tous nos besoins, soit parce que les cellules ont vieilli, soit parce qu'il y a eu des changements avec le temps, ou pour d'autres raisons.

Je pense donc pouvoir parler au nom de mes collègues en disant que la recherche se poursuivra sur tous les fronts jusqu'à ce que nous ayons une idée plus claire de la situation.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Merci beaucoup.

Nous avons fait le tour de table. Il nous faut des réponses courtes, à cause des questions que vous posez aux témoins. N'utilisez pas la totalité de vos deux minutes pour faire un préambule, sinon je vous couperai la parole.

Monsieur Manning.

M. Preston Manning: Vous nous rendez la tâche difficile.

En fait, j'ai une liste de questions qui découlent de cette présentation et que je remettrai peut-être au greffier à la fin de la séance, mais je vais en poser une seule. Les fonctionnaires du ministère ont dit que les instances qui ont été présentées au ministère par les éthiciens sur cette question au cours des quatre ou cinq dernières années tournaient autour de la valeur morale de l'embryon. C'est en fait la question que M. Bonin a soulevée.

Ils nous ont expliqué qu'il y avait toute une gamme d'opinions sur cette question. Je vais vous citer ce qu'ils ont dit: à une extrémité du spectre—je répète que j'essaie d'énoncer cela de la façon la plus neutre possible—il y a ceux qui disent que l'embryon ne mérite aucune attention particulière sur le plan moral. À cette étape, ce n'est qu'une petite masse de cellules aux premières étapes du développement. À l'autre extrémité du spectre, certains sont d'avis que l'embryon a la même valeur morale qu'un être humain. Entre les deux, certains disent qu'il faut accorder à l'embryon une certaine valeur morale, c'est-à-dire que c'est plus qu'un simple tissu, mais qu'il n'a pas pour autant la même valeur qu'un être humain. Ils nous ont dit que dans ce domaine mitoyen, ce domaine entre les deux extrémités, il faut peser soigneusement ses mots.

• 1250

Maintenant, je reconnais que c'est une question immense à laquelle je vous demande de répondre en deux minutes, mais si vous aviez un conseil à nous donner aujourd'hui quant à l'orientation que nous devrions adopter au sujet de la valeur morale de l'embryon dans ce projet de loi, quel serait-il?

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Monsieur Manning, je pense que ce que vous demandez pourrait nous être présenté sous la forme d'une thèse ou d'une dissertation qui prendrait des heures. C'est un domaine immense dans lequel vous vous lancez. Franchement, je ne sais pas s'il serait possible pour un témoin de répondre à cette question en une ou deux minutes. Si l'un des témoins accepte de relever le défi et de nous faire parvenir une communication là-dessus, je suis certain qu'elle serait imprimée et distribuée dans le monde entier, d'un bout à l'autre de la planète, à tous vos collègues.

C'est la réponse qui me vient automatiquement à l'esprit devant le défi que vous lancez à nos témoins, monsieur Manning.

Mme Marie-Claude Léveillé: Je voudrais seulement dire ceci: vous devez savoir que l'on a beaucoup de respect pour l'embryon dans ces cliniques. Quand j'ai de nouveaux employés qui viennent travailler au laboratoire—il y a maintenant dix personnes qui travaillent avec moi à la clinique—au début, c'est très difficile pour eux de travailler dans une clinique de FIV humaine à cause du potentiel de ces embryons.

Beaucoup de gens ont été formés en travaillant sur des embryons de souris, des embryons de rats, des embryons de hamsters. Ils ont toutes les compétences techniques voulues pour faire leur travail. Mais quand ils commencent à travailler avec des embryons humains, cette perspective immense—vous savez ce que je veux dire, ce que nous avons là pourrait devenir un être humain—est très difficile pour tout le monde.

Je veux en fait vous rassurer en vous disant que les gens comme moi qui travaillent dans le laboratoire ne considèrent pas ces embryons comme de simples amas de cellules dont nous pouvons disposer à notre guise. Nous avons énormément de respect pour ces embryons. Nous sommes très conscients qu'ils peuvent devenir des êtres humains et nous faisons de notre mieux pour les conserver dans le meilleur état possible au cours des deux ou trois, parfois quatre ou cinq jours qu'ils passent à l'extérieur du corps humain.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): C'est une bonne réponse et je voudrais attirer votre attention sur le fait que nous accueillerons vers la fin de mai un groupe d'éthiciens. Nous devrons également leur poser des questions de ce genre.

Monsieur Bonin.

M. Ray Bonin: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre suggestion de visiter des cliniques ou des laboratoires. Je vais certainement en faire la recommandation et je suis sûr que le comité voudra y aller.

Où nous recommandez-vous d'aller pour obtenir les renseignements les plus utiles? Même s'il y en a un certain nombre, vous pourriez nous envoyer une liste.

Dr Arthur Leader: Nous pourrions vous donner une liste. Cela dépend. Si vous allez dans votre circonscription, par exemple, il y en a peut-être un tout près. Selon l'endroit où vous voulez aller comme comité—je ne veux nullement dénigrer les autres cliniques—mais il y a certainement trois centres importants pour la recherche et les soins cliniques. En fait, ce serait à vous d'en décider. Peu importe où vous aimeriez aller, nous pourrions vous faire parvenir cette liste.

M. Ray Bonin: J'ai seulement deux minutes et il me reste peut-être quelques secondes seulement. Si nous allons en Grande-Bretagne, y verrons-nous une réalité bien différente de celle que nous observerons au Canada?

Dr Roger Gosden: Non, je ne le pense pas. Vous verriez peut-être comment fonctionne l'organisme de réglementation, si vous le souhaitez. Vous verriez comment on fait les inspections des cliniques et des laboratoires de recherche. La nature de la recherche est plus étendue là-bas. Je devrais peut-être préciser qu'il y a en fait très peu de centres au Canada qui font de la recherche sur les embryons humains, du moins à l'heure actuelle.

Vous verriez une gamme d'activités plus étendues. Vous verriez peut-être même là-bas des gens qui travaillent actuellement sur des cellules souches embryonnaires, alors que ce domaine de recherche commence à peine au Canada. Mais vous savez sûrement que le Parlement a adopté en janvier et février derniers une mesure permettant d'utiliser des embryons humains pour en dériver des cellules souches embryonnaires.

Vous verriez donc toute la gamme des activités, le tout condensé dans un petit pays.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard: Je serai brève.

• 1255

Vous nous avez parlé de votre rôle d'accréditation des cliniques et des laboratoires. Pouvez-vous nous dire si l'accréditation de ces cliniques est obligatoire? Si elle ne l'est pas, pensez-vous que des cliniques privées pourraient effectuer des travaux et de la recherche dans le domaine des technologies de procréation assistée sans définition de normes et sans code de déontologie?

Mme Marie-Claude Léveillé: Le système actuel est un système volontaire. Si les cliniques y adhèrent, ce n'est pas à cause d'une loi. Après avoir participé aux trois dernières réunions avec les directeurs des cliniques de FIV, je pense que toutes les cliniques ont intérêt à obtenir une accréditation. C'est une bonne chose pour toutes les cliniques parce que cela donne une meilleure idée des processus qui devraient être en place et cela guide un peu les cliniques. Le document nous aide à définir où nous en sommes au niveau de nos procédures et à voir s'il y a des choses qui devraient être en place. Il arrive que nous n'y avions tout simplement pas pensé. Le document nous offre la possibilité de réviser nos activités et nous donne souvent des idées. Mais le système est présentement volontaire.

Mme Pauline Picard: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Merci beaucoup.

Je dois maintenant mettre fin à la discussion, étant donné l'heure qu'il est. Nous serait-il possible d'avoir l'information qui figure dans le guide dont vous avez parlé au sujet des normes d'agrément? Merci beaucoup.

Premièrement, je voudrais vous féliciter. Vous êtes trois personnes différentes, trois personnes intelligentes ayant fait des études très poussées, trois universitaires et chercheurs de trois institutions différentes, et c'est extraordinaire de voir à quel point vous avez pu faire des exposés complets, succincts, clairs et logiques à l'intention des profanes membres du comité. Tout cela était tellement cohérent et logique et je vous félicite d'avoir pris la peine de vous préparer de cette manière. Nous avons énormément appris aujourd'hui et j'espère que toutes les présentations que nous entendrons à l'avenir seront aussi claires que la vôtre. Je vous remercie beaucoup.

M. Preston Manning: Environ quatre questions se posent à la suite de cette présentation. Pourrais-je simplement les lire très rapidement pour les consigner au compte rendu, à l'intention de nos attachés de recherche et du greffier?

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Si vous le voulez bien, présentez-les seulement au greffier, monsieur Manning.

M. Preston Manning: Bien.

Le président suppléant (M. Stan Dromisky): Merci beaucoup.

La séance est levée.

Haut de la page