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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 25 septembre 2001

• 1106

[Traduction]

La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): La séance est ouverte.

Bonjour, mesdames et messieurs. Nos invités nous donneront ce matin leur point de vue sur le sujet à l'étude.

Je vous signalerai également que la motion qui devait être débattue jeudi dernier sera à l'ordre du jour vers 12 h 30. M. Merrifield préfère qu'elle soit étudiée aujourd'hui plutôt que demain, et il a le droit de l'exiger, puisqu'il a respecté le préavis de 48 heures.

J'aimerais maintenant vous présenter nos quatre témoins d'aujourd'hui: il s'agit de Mmes Sherry Levitan, Joanne Wright, Phyllis Creighton et Juliet Guichon. Madame Levitan, vous avez la parole.

Mme Sherry Levitan (avocate, Canadian Multi-disciplinary Assisted Reproduction Coalition): J'aimerais commencer par vous décrire notre coalition et vous expliquer quels en sont les principes directeurs. La coalition CMARC est un regroupement multidisciplinaire de patients souffrant d'infécondité—c'est-à-dire les consommateurs—et de professionnels oeuvrant quotidiennement dans le secteur des techniques génésiques.

Je pratique le droit à Toronto, et je travaille depuis 1992 dans le domaine des techniques génésiques comprenant l'aide d'un tiers. On peut donc dire que je représente les couples qui veulent devenir parents.

Notre coalition a vu le jour parce que nous étions d'avis que ceux qui ont recours à ces techniques n'étaient représentés sur aucune tribune et n'avaient été consultés par aucun de ceux qui prétendent représenter les parents inféconds. Nos membres fondateurs sont des représentants de patients, d'avocats, de médecins, d'infirmiers et infirmières, de cliniques d'infécondité, de mères porteuses et de professionnels de la santé mentale qui oeuvrent quotidiennement dans le domaine des techniques génésiques. Vous comprenez donc que nous pouvons vous parler en des termes réels de ce qui se passe véritablement dans ce secteur et de la façon dont cela se passe.

Voici le principe qui nous guide: les patients devraient pouvoir avoir recours aux techniques qui existent actuellement d'une façon éclairée et sûre. Notre société croit en la famille, et la maternité de substitution est un outil utile qui permet aux personnes qui ne peuvent engendrer leurs propres enfants d'avoir une famille.

La maternité de substitution doit être réglementée mais non interdite, et nous nous réjouissons de voir réglementer la pratique des techniques génésiques. Dans la mesure où des politiques et pratiques sont instaurées en vue de protéger et de respecter toutes les parties intervenantes, il est possible d'aider en toute sécurité ces quelques couples—et je dis bien «quelques»—qui ne peuvent fonder une famille qu'avec l'aide d'un tiers. Toute femme qui choisit d'être mère porteuse devrait avoir le droit de le faire, car les services rendus par ces femmes sont honorables, admirables et ne compromettent en rien les valeurs sociales.

À titre de précision, il existe deux types de maternité de substitution: la traditionnelle et la non génétique. La maternité de substitution traditionnelle nous rappelle l'affaire de Baby M, dans laquelle une femme avait fait l'objet d'insémination et avait accepté de donner l'enfant. Nous n'oeuvrons pas dans ce domaine, et ce genre de maternité de substitution ne se fait pas au Canada. Je vais donc limiter tous mes commentaires à la maternité de substitution non génétique ou gestationnelle, où une femme porte un enfant avec lequel elle n'a aucun lien de parenté.

J'aimerais ensuite vous dire quelques mots de ce que je sais des gens qui ont recours à cette technologie ainsi que des mères porteuses. La grossesse par une mère porteuse est le dernier recours et représente souvent la seule option pour des couples dont la partenaire a subi l'ablation chirurgicale de l'utérus, est née sans utérus, a subi plusieurs fausses couches ou dont la santé serait affaiblie par une grossesse en raison d'une pathologie non liée comme une maladie auto-immune telle que le lupus, la maladie de Crohn, ou souvent le diabète.

• 1110

Chacune de mes clientes a vécu un drame. Quelques-unes ont eu un cancer utérin, dont l'issue fut une hystérectomie qui, ironie du sort, leur laissait intacte les ovaires. Plusieurs ont eu des hystérectomies d'urgence après la naissance de leur premier enfant. Une de mes clientes de 25 ans à peine a perdu son utérus et a presque perdu la vie lorsque sa première grossesse s'est terminée abruptement lors de sa vingtième semaine de gestation.

Une de mes clientes que je nommerai «H» attend aujourd'hui son premier enfant après 17 ans d'infécondité. Chaque fois que je lui donne un coup de fil et que je lui demande comment elle va, elle me répond toujours la même chose, qu'elle est au septième ciel.

Chacune de ces histoires pourrait vous arracher les larmes, et chacune de ces femmes chérit au-delà de tout celle qui l'a aidée en portant son enfant.

J'aimerais également dissiper certains mythes. Certains ont l'impression que les femmes qui choisissent d'avoir recours à des mères porteuses le font pour éviter une grossesse par crainte de faire des varices ou de prendre du poids. Mon expérience m'a appris que le couple qui me consultait n'avait jamais d'autres choix. Et toutes les femmes que j'ai connues avaient choisi d'avoir recours à une mère porteuse parce qu'elles ne pouvaient mener à bien elles-mêmes leur grossesse. De plus, mes clients proviennent de toutes les couches de la société et viennent de toutes les régions du pays; ce ne sont pas des gens riches.

Je n'aborderai que brièvement le cas de mères porteuses puisque Joanne Wright m'accompagne et qu'elle vous expliquera leur cas plus à fond.

Notre coalition recommande que seules les femmes de plus de 18 ans et qui ont déjà vécu une première grossesse soient autorisées à devenir mères porteuses. Il faudrait interdire également de devenir mère porteuse à toute femme qui aurait été condamnée au criminel ou dont le conjoint aurait été condamné au criminel, toute femme qui aurait vécu une situation de violence conjugale ou qui vivrait d'aide sociale.

Je vous signale que si une mère porteuse est mariée, son conjoint doit prendre une part très active à cette démarche. Il doit assister aux séances de consultation psychologique et également signer le contrat. Nous recommandons que cette façon de faire soit maintenue.

La grande majorité des mères porteuses sont des dames gentilles et bienveillantes qui sont reconnaissantes d'avoir eu leur propre famille et qui veulent aider d'autres femmes à fonder une famille. Leur motif principal, c'est d'aider. De temps en temps, nous rencontrons une femme qui devient mère porteuse pour toutes les mauvaises raisons, et nous voyons les médias intervenir et faire leurs choux gras de cette histoire à sensation. Sachez qu'elles sont l'exception et non la règle.

L'avant-projet de loi permet la maternité de substitution altruiste. Nous recommandons d'offrir une indemnisation raisonnable à ces femmes, puisque l'indemnisation est censée reconnaître le temps et les efforts qu'y met la mère porteuse de même que les inconvénients de la grossesse.

Il y a des années, en Californie, un tribunal avait essayé de définir le rôle de la mère porteuse gestatrix et avait fini par la comparer à une mère nourricière. Autrement dit, on lui avait confié les soins et les traitements de l'enfant pour une période définie, mais elle n'était pas considérée comme un parent. Elle n'acceptait aucune indemnisation monétaire en échange de la cessation de ses droits parentaux parce qu'elle n'en avait jamais eus. L'indemnisation qui lui était versée servait à reconnaître le temps qu'elle avait passé à prendre soin de l'enfant.

À notre avis, l'indemnisation ne devrait pas être élevée au point d'agir comme incitatif. Nous recommandons que le minimum versé à la mère porteuse soit comparable au taux d'assurance-emploi offert par le gouvernement fédéral et que le maximum soit fixé à 2 500 $ par mois. En outre, nous recommandons de rembourser à la mère porteuse ses frais et débours divers. J'ai annexé à mon mémoire une liste du type de dépenses qui pourraient être reconnues et dont le maximum devrait être fixé à 5 000 $.

La maternité de substitution doit être permise à certaines conditions, et cette prudence se fonde sur plusieurs prérequis. Toute femme qui souhaite devenir mère porteuse doit avoir accès à toute l'information pertinente—notamment d'ordre médical, procédural, etc.—et doit pouvoir donner un consentement éclairé. Le consentement éclairé implique nécessairement l'accès à un conseiller juridique et à un psychologue.

Dans la situation actuelle, toutes les parties sont représentées par leur avocat et il y a une entente de préconception. Autrement dit, un contrat est conclu avant qu'il y ait transfert d'embryon. Le contrat est long et détaillé et vise à permettre aux parties de s'entendre sur tout ce qui est prévu avant même qu'il y ait grossesse. Cet accord devrait être obligatoire, et je vous fournirai avec plaisir un exemple de ce type de contrat, si cela vous intéresse. Je répète que c'est un long contrat, qui compte 30 pages, mais qui aborde beaucoup d'angles différents.

• 1115

L'évaluation médicale et psychologique de toutes les parties, mais particulièrement des mères porteuses, représente une étape essentielle. Il faut avoir recours à une aide professionnelle quand le temps vient de déterminer le type d'évaluation à faire et la façon d'interpréter les résultats obtenus. Actuellement, les couples canadiens ne disposent pas des ressources nécessaires pour trouver la mère porteuse appropriée, pour assurer l'évaluation psychologique et médicale ou même pour fournir les renseignements pertinents à la mère porteuse. C'est pourquoi un nombre toujours croissant de couples canadiens se tournent vers l'Internet, ce qui a des résultats désastreux. Nous devons leur offrir la structure et le cadre qui leur permettront de faire les choses comme il faut. Les organisations qui pourraient offrir tous ces services aux couples canadiens, ou certains d'entre eux, devraient pouvoir continuer à offrir l'appui permanent nécessaire.

L'interdiction de la maternité de substitution aura deux conséquences claires. Tout d'abord, la maternité de substitution deviendra une option qui sera offerte exclusivement aux plus nantis, qui iront obtenir ces services aux États-Unis; de plus, ceux qui sont motivés—et croyez-moi, ces gens sont très motivés—feront les choses dans la clandestinité.

La maternité de substitution est actuellement une entente conclue par des adultes compétents qui ont eu accès aux services d'avocats et d'experts en counseling psychologique. Nous faisons tous les efforts possibles pour assurer la dignité de toutes les parties et pour favoriser un climat de coopération entre les intervenants. Je crois qu'il importe d'insister sur cet aspect. Ces personnes ne sont pas en conflit. Nous créons une équipe, et cette équipe demeure unie jusqu'à la fin. À notre connaissance, il n'est jamais arrivé au Canada qu'une mère porteuse non génétique refuse de remettre l'enfant aux parents qui avaient eu recours à ses services ou qu'il y ait eu conflit entre les parents et la mère porteuse.

Les Canadiens offrent des services de maternité de substitution de façon prudente et humanitaire, et les professionnels qui sont mis à contribution fonctionnent dans un climat de coopération. Nous sommes très fières de la façon dont les choses se font.

Si des sanctions pénales sont prévues pour ceux qui participent aux activités qui figurent sur la liste des activités qui seraient interdites, cela aura de graves répercussions: tout d'abord, les riches iront obtenir des services aux États-Unis. C'est une façon très onéreuse de faire les choses, et la maternité de substitution sera réservée ainsi aux très riches. Ceux qui ne peuvent avoir des enfants biologiques que grâce aux services offerts par une mère porteuse non génétique sont très motivés, en fait motivés à un point que je ne saurais vous expliquer. Nous croyons qu'ils trouveront un moyen d'avoir recours aux services d'une mère porteuse, même si ce genre d'activité est interdit.

Comment pouvons-nous offrir aux patients les meilleurs conseils possible et comment pouvons-nous protéger leurs intérêts s'ils doivent agir dans la clandestinité? Il existerait de graves dangers d'abus, et nous ne pourrions plus protéger les intervenants de la maternité de substitution traditionnelle.

Je vous ai déjà dit que nous n'offrons pas de services de maternité de substitution traditionnelle. Aucun médecin que je connaisse n'est prêt à procéder à une insémination s'il sait qu'il s'agit là d'une maternité de substitution traditionnelle. Aucun avocat que je connaisse n'est prêt à préparer une entente pour ce genre de procédure. Pourtant, ce genre de choses se produit parce que les gens ont dû se débrouiller seuls. J'exhorte votre comité à faire en sorte que ce genre de choses ne se produise pas dans le domaine de la maternité de substitution. Laisser les gens se débrouiller seuls pourrait être très dangereux.

Nos amis du milieu universitaire peuvent pontifier sur les valeurs et l'aspect moral et demander si ce genre de choses devrait exister au Canada. Le fait est que ces choses se font au Canada, et continueront de se faire même si le gouvernement fédéral décidait d'adopter une loi interdisant la maternité de substitution. Il faut reconnaître les faits et établir un milieu réglementé qui protégera les Canadiens.

Bref, comme la Cour suprême du Canada l'a déjà déclaré, les Canadiennes sont autonomes et peuvent faire ce qu'elles veulent de leur corps et c'est à elles qu'il appartient de décider si elles veulent porter un enfant pour une femme qui ne peut porter son propre enfant. La maternité de substitution existe et continuera d'exister. En prévoyant l'évaluation appropriée, l'accès aux services juridiques et au counseling, le gouvernement fédéral peut faire en sorte que les Canadiennes ne seront pas exploitées tout en appuyant l'élément le plus fondamental et le plus important de notre société, la famille.

Merci.

La présidente: Merci, madame Levitan.

Nous poursuivrons maintenant avec Mme Wright.

Mme Joanne Wright (Canadian Multi-disciplinary Assisted Reproduction Coalition): Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à venir aujourd'hui pour vous mieux faire connaître le monde de la maternité de substitution et pour réfuter certains des mythes qui entourent cette question.

Je m'appelle Joanne Wright et je suis mariée depuis plus de 20 ans et c'est un mariage heureux. Je suis également la mère de trois adolescents qui sont en pleine crise hormonale. J'ai eu le privilège d'aider deux couples à devenir des familles en devenant mère porteuse. Commençons donc au début.

Après avoir terminé notre famille, et sachant quelle joie des enfants pouvaient apporter, j'étais triste quand je pensais que plusieurs couples, pour des raisons indépendantes de leur volonté, ne pouvaient connaître cette joie. Grâce à des progrès technologiques, nous pouvons maintenant aider ceux qui sont infertiles et permettre à des couples d'avoir un enfant biologique par l'entremise d'une mère porteuse.

Même avant d'avoir des enfants, j'avais entendu le terme «mère porteuse» et j'avais en quelque sorte gardé en mémoire cette notion. Lorsque j'étais enceinte de mon troisième enfant, j'ai vu un documentaire sur les mères porteuses et je savais que je pourrais devenir mère porteuse. Je me suis renseignée et j'ai découvert qu'à l'époque la seule option qui m'était offerte était de me rendre aux États-Unis et de rencontrer un avocat qui se spécialisait dans la maternité de substitution, Noel Keane, à Dearborn au Michigan. C'est grâce à cette organisation de bonne réputation que j'ai pu recevoir le counseling et les renseignements dont j'avais besoin pour atteindre mon objectif. Ce service a fait preuve d'un professionnalisme et d'une crédibilité sans pareils.

• 1120

Ce service m'a également présenté au couple que je devais aider. J'allais être mère porteuse non génétique. Nous avons utilisé des embryons créés grâce aux ovules et sperme des parents. Nous avons procédé à une FIV et à un transfert d'embryon en mars 1988. J'ai donné naissance à leur fils et à leur fille en décembre 1988.

J'étais très fière de ce que j'avais fait. Mais jamais, pendant ma grossesse, n'ai-je pensé que ces bébés étaient les miens. Ils appartenaient à leurs parents, un point c'est tout. J'ai été un peu triste quand tout cela a été terminé, mais rien d'extraordinaire.

Je n'avais pas l'intention d'offrir mes services une deuxième fois, mais une amie qui connaissait un couple qui cherchait une mère porteuse m'a contactée. Elle m'a demandé si j'étais intéressée. J'ai dit non merci. Étais-je disposée à rencontrer ce couple? Bien sûr.

Alors j'ai rencontré ce couple qui m'a dit à quel point il désirait un enfant mais la mère ne pouvait porter un enfant. Comment pouvais-je les empêcher de connaître cette joie? La procédure a eu lieu en mai 1991 et leur petit garçon est né en février 1992. Mes sentiments ont alors été complètement différents de la première fois. L'accouchement s'est très bien déroulé, le personnel hospitalier était extraordinaire, mais j'avais toujours l'impression que ma meilleure amie venait d'avoir un petit bébé. Je n'étais pas attachée à l'enfant. J'étais simplement la gardienne. Je n'ai jamais pensé à garder le bébé.

Je n'ai pas fait ça pour l'argent. Pendant ma première grossesse comme mère porteuse, je ne savais même pas qu'il pouvait y avoir rémunération. J'entends rarement des plaintes sur les droits prélevés par les cliniques, par les avocats, par les conseillers, par les sociétés pharmaceutiques, cependant j'entends des plaintes sur la rémunération offerte aux mères porteuses, mais ces commentaires viennent habituellement des gens qui n'ont rien à voir avec ce genre de procédure. Une mère porteuse sacrifie beaucoup de choses: ses émotions, ses hormones, son corps, ses rapports intimes avec son conjoint, sa vie active avec ses enfants. Il y a également les risques possibles, elle pourrait perdre ses organes servant à la reproduction, il pourrait y avoir des complications lors de la grossesse ou de l'accouchement, elle pourrait avoir besoin de transfusions sanguines et, en fait, il se pourrait même qu'elle perde la vie pour aider ce couple à réaliser son rêve.

En étudiant la rémunération offerte, on peut calculer qu'en moyenne la mère porteuse reçoit environ 2,50 $ l'heure. Depuis 1992, j'ai fait partie de divers comités regroupant des avocats, des médecins, des travailleurs sociaux, du personnel de clinique, des gens de bonne réputation, qui essaient d'assurer la réforme et la réglementation de la maternité de substitution. Nous avons tous constaté, à notre surprise, que bien des gens, des mères porteuses et des parents éventuels, ne savaient pas vers qui se tourner et en fait n'avaient pas accès aux renseignements pertinents. Nous avons décidé qu'il devrait exister une personne ressource qui prendrait leurs appels et qui pourrait apparier couples et mères porteuses. J'ai offert de jouer ce rôle pour tous les intervenants et de rationaliser les services de communication en offrant les services d'une personne qui n'oeuvrait pas dans le secteur des soins médicaux. Vous connaissez le reste de l'histoire.

Je suis également directrice de la Canadian Surrogacy Options Incorporated. J'ai toujours été passionnée par la maternité de substitution. C'est pourquoi j'ai créé ce service de liaison, pas simplement pour les couples mais également pour les femmes qui s'intéressent à la maternité de substitution, afin d'éduquer les gens et leur présenter la maternité de substitution comme option viable pour les couples qui veulent avoir un enfant biologique. La maternité de substitution est donc la solution logique.

J'aimerais rassurer les membres du comité: ce n'est pas la façon dont les gens avaient pensé avoir des enfants lorsqu'ils se sont mariés. Malheureusement pour nombre d'entre eux, en raison de circonstances médicales, aucune autre solution n'est possible. Les couples qui communiquent avec moi ont déjà essayé toutes les formes possibles d'intervention médicale. En adoptant des lois et des règlements régissant les services offerts par des agences au Canada, nous pouvons offrir à ces couples un nouvel espoir.

Un service comme le mien permet aux gens de savoir que le gouvernement s'intéresse à leur sort. En autorisant un tel service, les Canadiens savent qu'il existe des professionnels responsables qui ont l'expérience nécessaire pour se pencher sur les questions les plus personnelles et qui peuvent faire preuve de compassion tout comme un professeur, un guide, un défenseur, et qui peuvent représenter un élément stable en défendant à la fois les intérêts de la mère porteuse et ceux du couple tout au long de cette période chargée d'émotions.

Après avoir visité un certain nombre de services et d'organisations aux États-Unis, j'ai conclu que mon service devait être un peu plus convivial. J'ai toujours voulu aider les personnes touchées pour leur simplifier les choses dans la mesure du possible. J'adore ce que je fais depuis déjà quelques années. À l'occasion les choses ont été un peu difficiles, mais cette mission, même si elle présente des défis, est certainement valorisante.

Malheureusement, j'ai probablement entendu toutes les tristes histoires qu'il y a. Cela me fend le coeur chaque fois qu'on me raconte les problèmes qu'ont vécus des gens avec l'infertilité. Par exemple, je pense à la jeune femme qui avait été diagnostiquée avec le cancer à 13 ans et qui avait dû avoir une hystérectomie. Pouvez-vous vous imaginer à 13 ans savoir que vous ne donnerez jamais naissance à un enfant? La maternité de substitution est son seul espoir. Je pense également à jeune femme de 18 ans qui était à un stade avancé du cancer et qui a également dû avoir une hystérectomie. Parce qu'elle était déjà enceinte, il a fallu mettre fin à la grossesse. Dix ans plus tard, mariée à un homme magnifique, son seul espoir était la maternité de substitution. Leur mère porteuse est actuellement enceinte de jumeaux qui devraient naître en décembre.

Il existe mesdames et messieurs beaucoup d'histoires de ce genre, et vous pouvez entendre la douleur dans leur voix lorsqu'ils font part de leur situation. Je suis convaincue que toute femme qui veut un enfant veut le porter elle-même et donner naissance elle-même à cet enfant; pourtant, certains pensent que ces femmes ne veulent simplement pas prendre de poids. Les femmes avec qui je suis en contact feraient n'importe quoi pour pouvoir porter leur enfant.

Aucune des mères porteuses avec qui mon service est en contact n'a changé d'idée. Aucune de ces mères porteuses n'a jamais été exploitée ou forcée de porter un enfant. Les mères porteuses potentielles doivent être indépendantes et ne pas recevoir de prestations d'aide sociale. Le couple doit avoir de vrais motifs médicaux pour avoir recours aux services d'une mère porteuse.

• 1125

Comme vous pouvez le constater, il existe toutes sortes de problèmes qu'un professeur serait en mesure de prévoir, de plus, il pourrait insister pour qu'il y ait des contrats en bonne et due forme et que toutes les personnes touchées aient accès à des services de counseling. Pour bien des couples, la maternité de substitution est un moyen pour créer une famille merveilleuse. Cela peut être une expérience heureuse à la fois pour la famille et pour la mère porteuse non génétique. J'espère que j'ai su aider les gens en leur faisant part de mon expérience personnelle et en leur faisant connaître une façon sensée de faire d'un couple une famille.

Bref, j'espère que j'ai su présenter d'un aspect positif la maternité de substitution. J'espère que les députés prendront le temps voulu pour se pencher sur ce que ma collègue et moi avons présenté; au lieu d'interdire catégoriquement la maternité de substitution, nous devrions nous rappeler ceux qui seraient touchés le plus par cette décision et nous devrions plutôt réglementer cette pratique, et prévoir des limites pour la rémunération, le nombre d'embryons transférés et des choses de cette nature, en plus d'assurer la réglementation d'agences fiables qui mettraient en oeuvre ces paramètres en insistant pour que les personnes touchées aient accès à des services juridiques, psychologiques et médicaux.

Mon histoire a une fin heureuse et je ne suis certainement pas l'exception, mais plutôt la règle.

La présidente: Je vous remercie, madame Wright.

Madame Guichon, vous avez la parole.

[Français]

Mme Juliet Guichon (professeur de bioéthique, Université de Calgary): Bonjour. Je m'appelle Juliet Guichon et je suis de la Faculté de médecine de l'Université de Calgary.

[Traduction]

J'aimerais répondre à certaines des questions soulevées par mes collègues, mais je commencerai d'abord par exprimer ma préoccupation en tant qu'universitaire, en tant que quelqu'un qui a étudié cette question à la faculté de droit de l'Université de Toronto, où j'ai écrit une dissertation à ce sujet. J'ai maintenant un doctorat.

J'ai certaines réserves à propos de cette pratique. Mme Levitan et Mme Wright font valoir que cette pratique permet de fonder des familles, et je n'en doute pas. Mais la façon dont nous concevons la question, dont nous examinons la famille qui a été créée fait en sorte que l'accent ne porte plus sur la famille dont est issu l'enfant. Jusqu'à un certain point, je crois qu'il est juste de dire qu'il y a eu une rupture de la famille.

Deuxièmement, désigner la femme gestatrice de porteuse d'enfant équivaut à privilégier la notion masculine de la condition parentale: les hommes fournissent l'aspect génétique, les femmes fournissent l'aspect génétique et la gestation. Dire que l'aspect génétique est plus important que la gestation, c'est une opinion politique. Réduire une femme, une mère naturelle, une femme enceinte qui nourrit l'enfant, qui accouche dans la douleur et qui est en mesure de continuer à nourrir l'enfant par la lactation, à cette désignation de mère «porteuse» équivaut à mon avis à desservir la maternité.

Mme Levitan a parlé du cas de Anna Johnson en Californie, où la Cour suprême de la Californie a déclaré que la femme gestatrice d'un embryon qui ne lui était pas apparenté génétiquement était dans une situation semblable à celle d'une mère nourricière. Il s'agit d'un cas unique dans la jurisprudence de la common law. À ma connaissance, aucun autre tribunal n'a fait ce genre de constatation. Et il importe de souligner que Anna Johnson était une femme de couleur. Elle était métisse, d'origine afro-américaine et amérindienne. Elle avait fait deux fausses couches, et avait réussi à mener sa grossesse à terme et voulait garder l'enfant. Le tribunal a déclaré qu'elle ne le pouvait pas, que l'enfant devait être remis aux gens dont les gamètes avaient servi à la fécondation.

Mme Levitan présente un argument à propos du consentement éclairé. Elle dit, avec raison, qu'il est important que les gens sachent dans quoi ils s'embarquent. Mais comme le dit la chanson, on ignore ce que l'on avait tant qu'on ne l'a pas perdu. La question qu'il faut se poser par conséquent c'est comment quelqu'un, même quelqu'un qui a porté un enfant, peut-il savoir ce que c'est que d'y renoncer? Par ailleurs, le consentement éclairé accorde aux personnes le droit jusqu'au moment de l'opération, jusqu'à ce qu'elles soient anesthésiées, de refuser le traitement. Donc on pourrait soutenir qu'une femme pourrait être en mesure à tout moment, selon le principe du consentement éclairé, de refuser, de se retirer de cet arrangement.

Il est important de reconnaître qu'il ne s'agit pas de contrats, même si Mme Levitan les présente comme tels. À ma connaissance, il n'existe aucune province au Canada où la common law considérerait ces arrangements comme des contrats. Il ne s'agit pas de contrats au sens commercial. Il s'agit de droit familial, et comme vous le savez, puisqu'un mariage peut finir par un divorce, toutes les ententes au sujet des enfants tiennent compte de l'intérêt de l'enfant. En droit familial, tout arrangement est sujet à examen. En droit commercial, lorsque l'on parle de construire un immeuble ou de vendre de l'immobilier, un marché est un marché. Ce serait une erreur de considérer cette pratique selon le droit commercial. Il s'agit de procréation humaine qui relève du droit familial qui s'occupe entre autres de cas de grossesses et de naissances extramaritales.

• 1130

Mme Wright a aussi parlé des services de Noel Keane. Je suis étonnée qu'elle les qualifie de réputés. Il a exercé à Dearborn, au Michigan. L'assemblée législative du Michigan a été tellement consternée par ce qui se passait qu'elle a interdit cette pratique au Michigan. Il a donc dû quitter le Michigan et il a eu des bureaux satellites pendant un certain temps. Il est mort à 57 ans du cancer de la peau, mais avant de mourir, il a été poursuivi par une mère naturelle—certains diraient une mère de substitution—qui avait porté un enfant et l'avait remis à un homme qui l'avait reçu. Il s'agissait d'un célibataire qui n'avait aucune expérience parentale et au bout de cinq semaines l'enfant était mort. La femme qui avait donné naissance à l'enfant a dit que si elle avait su que cet enfant ne serait pas remis à une femme qui s'en occuperait, elle aura refusé. Ce n'est qu'une affaire parmi tant d'autres auxquelles Noel Keane a été mêlé. J'ai de graves réserves à propos de cette pratique.

Lorsque j'ai reçu cette ébauche, j'avais l'impression que vous aviez déjà décidé de l'adopter. Je me suis peut-être trompée. Donc j'ai rédigé ces commentaires en partant du principe que vous alliez permettre à des établissements autorisés de participer au processus. Je vous conseille d'être prudents. Mais si c'est ce que vous décidez de faire, permettez-moi de vous proposer ce qui suit.

La présidente: Excusez-moi, madame Guichon. Si vous me permettez de vous interrompre. Le document que vous avez reçu est un avant-projet de loi. Il s'agit uniquement d'une série de propositions que le ministre nous a demandé de commenter. Aucune décision n'a été prise par qui que ce soit à ce sujet.

Mme Juliet Guichon: Je vous remercie.

Donc, lorsque vous prendrez votre décision, permettez-moi de vous proposer ce qui suit. Je vous mettrais en garde de permettre aux femmes de suivre cette procédure à un taux—j'ai fait rapidement le calcul—de 2 500 $ par mois multipliés par neuf mois, 22 500 $, plus 5 000 $, soit un total de 27 500 $. Vous risquez ainsi de permettre par la porte arrière ce que vous voulez empêcher par la porte avant. Mais si vous décidez d'autoriser cette pratique dans des établissements désignés, je propose que vous l'envisagiez à titre expérimental. Je sais que cette expression peut avoir des connotations péjoratives et ce n'est pas ce que je veux dire. On ignore les conséquences sociales de la maternité de substitution. Il existe très peu de données jusqu'à présent sur cette pratique, et c'est parce qu'elle a un caractère quasi criminel ou illicite qui fait qu'il est très difficile pour des universitaires comme moi-même d'obtenir des données. Donc si vous avez l'intention d'autoriser cette pratique, pourriez-vous envisager d'en permettre l'exercice dans des établissements autorisés comme des établissements de recherche afin que les personnes qui exercent ces pratiques sachent que leurs résultats feront l'objet d'études?

Si vous décidez de le faire, il faudra reformuler les dispositions de l'article 21 de l'avant-projet de loi, car elles empêcheraient les chercheurs d'obtenir des renseignements qui permettent d'identifier les personnes. Si nous ignorons qui sont ces personnes, nous ne pourrons pas faire de suivi. L'une des préoccupations exprimées, c'est que de toute évidence cela touchera la famille pour laquelle l'enfant est porté. Si l'accent passe de la femme enceinte à la famille qui reçoit l'enfant, on ne se soucie plus alors de leur situation. Ma recherche m'a permis d'examiner uniquement des faits anecdotiques concernant des enfants dont les mères étaient enceintes, et ont remis par la suite le bébé à quelqu'un d'autre. Ces enfants, d'après ces mêmes faits—et nous ne savons pas s'il s'agit de cas représentatifs—semblent en souffrir. Ils voient leur mère perdre un enfant. Les partisans de cette pratique disent qu'on peut donner des conseils psychologiques aux enfants, qu'on peut leur expliquer la situation, mais au bout du compte, un enfant est né dans une famille et est transféré ailleurs. On se demande si cette pratique ne risque pas d'insécuriser les enfants mêmes et ce qui se passera pour eux au moment de la puberté et lorsqu'ils seront aux prises avec leur propre sexualité.

C'est pourquoi je propose que si vous décidez de permettre l'exercice de cette pratique dans des établissements autorisés, que vous le fassiez à titre de recherche, car jamais auparavant dans l'histoire de l'humanité avons-nous séparé la génétique et la gestation chez les femmes, jamais auparavant avons-nous dit que nous ignorons qui est la mère. Nous voyons une femme enceinte et nous nous disons ce doit être la mère, mais un instant, nous devons procéder à des tests d'ADN complexes. Cela a d'importantes conséquences sociales, parce que la certitude de la maternité est le fondement même de la vie humaine. Elle n'a jamais été mise en doute. L'incertitude quant à la paternité est une situation douloureuse. C'est un problème et j'ignore s'il serait bon pour la société que la maternité aussi soit mise en doute.

• 1135

Aux termes de l'avant-projet de loi, tout intermédiaire qui se livre à cette pratique commettrait un acte criminel s'il offre de l'argent, verse de l'argent ou fait de la publicité. Je propose que vous rendiez aussi passible de poursuite criminelle quiconque de porter un enfant.

Je dis cela parce que si vous allez sur le Web, vous verrez qu'un certain nombre de femmes offrent leur service. Je viens de Calgary où le secteur de l'élevage bovin est important. Si vous allez sur le Web, vous pourrez constater que le même type d'information est affiché si vous voulez acheter du sperme de taureaux. Vous y verrez des renseignements sur la descendance, la taille, le poids et ainsi de suite. Si vous mettiez ces deux éléments d'information côte à côte, vous constateriez qu'ils ne diffèrent pas tant que cela.

Ce genre d'annonce de la part d'une femme incitera des couples à se réunir. Si vous prévoyez les dépenses—et le maximum proposé par Mme Levitan est de 27 500 $—alors des couples se réuniront. Donc je propose que si... En partant du principe que des femmes de 18 ans et plus sont en mesure de prendre leurs propres décisions, j'ignore pourquoi vous envisageriez de les exclure de poursuites criminelles si vous désirez que ce genre de pratique ne soit pas rémunérée.

En ce qui concerne simplement la formulation, la définition de mère de substitution et la pratique de mère de substitution se trouvent à englober la pratique ordinaire que constitue l'adoption. Lorsque je lis ensemble la définition de mère de substitution et de donneur, il me semble que cela engloberait la pratique de l'adoption. J'ignore si c'est une mauvaise chose. Je considère que toutes les pratiques de procréation devraient être assujetties au droit familial. Donc je ne suis pas sûre que ce soit une mauvaise chose, mais je tenais simplement à le signaler.

Vous qui êtes nos représentants au gouvernement fédéral, vous êtes limités par les dispositions de la Loi constitutionnelle, c'est-à-dire le droit pénal, mais les provinces ont à faire une grande partie du travail pour préciser quelles sont les lois sur le sujet. Je recommande que vous travailliez en collaboration avec les provinces pour uniformiser les lois. Seul le Québec a adopté une loi à ce sujet. Le Québec a adopté des mesures législatives selon lesquelles les ententes concernant le transfert de garde des enfants ne sont pas des contrats et ne peuvent pas être considérées comme telles, étant exclues du droit des contrats.

Je propose que l'on encourage les neuf provinces de common law à uniformiser ces dispositions dans toutes les régions du pays afin que personne ne considère qu'il s'agit de contrats. On pourrait dire qu'il s'agit d'ententes à propos d'enfants mais qu'il ne s'agit pas de contrats, et que ces ententes seront toujours assujetties aux critères constamment appliqués par les tribunaux—à savoir, l'intérêt supérieur de l'enfant.

Je propose également que la mère naturelle soit considérée comme la mère de l'enfant. C'est dans l'intérêt de l'enfant. La femme qui contribue un ovule contribue une cellule unique, et à cet égard son rapport à l'enfant est le même que le rapport du père à l'enfant. Elle ne contribue qu'une cellule unique, puis se tient à l'écart et attend neuf mois. Elle ne sera peut-être pas présente lors de la naissance parce qui lui était impossible de se rendre sur place ou peut-être parce qu'elle est morte.

La femme qui donne naissance est dans la salle. Lorsque l'enfant est né, elle est instinctivement prête à continuer à nourrir l'enfant. Nous savons qui elle est. Nous pouvons la voir avec nos propres yeux. Nous n'avons pas besoin d'un technologue pour nous dire qui est la mère. Les enfants ont besoin de gens qui s'occupent d'eux, qui assument la responsabilité de leurs soins, parce que ce sont des êtres humains vulnérables. La société a besoin de parties responsables et reconnaissables qui peuvent prendre des décisions médicales dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Je propose donc que vous encouragiez les provinces à déclarer catégoriquement que la mère naturelle est la mère de l'enfant.

Cela n'empêcherait pas les mères naturelles de céder leur enfant à l'adoption, en fonction des critères d'évaluation du foyer d'accueil et autres dispositions prévues par les législateurs. La paternité légale devrait être déterminée de la même façon que dans le cas d'autres naissances.

Comme vous le savez sans doute, il arrive que les tribunaux n'ordonnent pas d'analyse sanguine. Disons qu'une femme est enceinte et que le voisin dise: «C'est mon enfant qu'elle porte et lorsque l'enfant viendra au monde je veux un test d'ADN.» Si la femme est mariée et dit ne pas vouloir se soumettre à une analyse sanguine et ne pas l'autoriser pour son enfant, il arrive que les tribunaux refusent que soit effectuée l'analyse sanguine. Ils ne veulent pas perturber la relation maritale.

• 1140

C'est une question de jugement. Je ne veux pas dire que les juges ont toujours raison, mais il existe une jurisprudence importante sur cette question. Si une mère naturelle veut garder son enfant et refuse une analyse sanguine, cette mesure ne sera pas ordonnée systématiquement.

Quoi qu'il en soit, il existe une jurisprudence abondante en matière de paternité légale. Je soutiens que dans le cadre de cette pratique, la paternité légale doit être établie de la même façon que pour toute autre naissance.

En cas de litige portant sur la garde de l'enfant, je pense que la loi devrait énoncer qu'il devrait y avoir présomption en faveur de la mère naturelle puisqu'elle est la mieux placée pour dispenser des soins à un nouveau-né et pour des raisons évidentes. Elle produit habituellement du lait et nourrira l'enfant au sein. Elle est instinctivement capable de s'occuper de l'enfant.

Il faudrait que les règles du droit familial en matière d'accès et de soutien s'appliquent. Si le tribunal décide d'ordonner une analyse sanguine et que le donneur de sperme tient à être le père légal, alors il faudrait lui permettre d'exercer ses droits ordinaires d'accès et d'assumer l'obligation d'offrir un soutien financier.

Les établissements autorisés devraient libeller leurs formulaires de consentement de façon à ce que ces faits soient clairs, que les ententes ne soient pas exécutoires en tant que contrat et que la mère soit assujettie aux lois sur l'adoption. L'Ontario, par exemple, ne la laissera même pas signer une entente pour céder l'enfant avant que sept jours se soient écoulés après la naissance, et pendant 21 jours après cette période elle peut révoquer le consentement de façon à bénéficier des droits accordés aux autres mères naturelles. Par ailleurs, il faudrait indiquer clairement que la mère naturelle est la mère légale et que la paternité légale est établie comme dans le cas d'autres naissances. Les règles du droit familial concernant la garde, l'accès et le soutien des enfants devraient s'appliquer.

Je vous remercie.

La présidente: Je vous remercie, madame Guichon.

Nous allons maintenant entendre Mme Creighton.

[Français]

Mme Phyllis Creighton (membre, Comité consultatif de Santé Canada sur le moratoire provisoire visant les techniques de reproduction): J'apprécie fort l'invitation que vous m'avez faite de venir ici participer à la discussion, qui est très profonde et très sérieuse.

[Traduction]

Je suis heureuse de comparaître devant vous. Je tiens tout d'abord à préciser certaines choses. J'ai une formation universitaire, mais en tant qu'historienne. Je m'intéresse depuis de nombreuses années à cette question. Je fais partie du mouvement des naissances naturelles réunissant des femmes qui voulaient s'approprier leur grossesse, qui voulaient célébrer leur grossesse et qui voulaient y participer.

Je viens d'une famille désunie, ce qui était inhabituel à l'époque, et je comprends très bien que le plus souvent, les enfants n'ont pas voix au chapitre. Il n'y a personne ici pour parler au nom de l'enfant, et j'assumerai ce rôle.

Je trouve qu'il est extrêmement important de tenir compte du contexte et d'avoir la meilleure vue d'ensemble possible. Un ouvrage qu'un groupe d'entre nous a préparé pour la Commission royale d'enquête sur les nouvelles technologies de reproduction, intitulé Whose Child is this?, renferme des réflexions profondes qu'il vaut encore la peine de lire. Cet ouvrage est toujours disponible. Il provient du Anglican Book Centre et représente la contribution de l'Église anglicane du Canada à la Commission royale.

Avec le temps, je constate que certaines des réflexions qu'il renferme sont encore plus pertinentes qu'elles l'étaient à l'époque où nous les avons rédigées. Par exemple, un de mes collègues en théologie a fait la déclaration suivante:

    [...] lorsque nous reconnaîtrons l'impulsion inexpugnable du capitalisme vers l'expansion et la création de nouveaux marchés, nous reconnaîtrons que la réification de l'être humain

... c'est-à-dire transformer un enfant en objet d'échange moyennant paiement...

    est un phénomène parfaitement mais tragiquement logique et inévitable. Les êtres en tant qu'objets de leur propre production deviennent eux-mêmes des objets de consommation sur le marché et ce marché devient le centre de l'action humaine.

Je comprends bien que mes collègues de droite exécutent des services pour lesquels le gouvernement du Canada avait proposé un moratoire en 1995. Ils l'ont fait parce qu'ils voulaient nous donner le temps de définir notre orientation. J'ai eu l'honneur de siéger au comité concernant le moratoire provisoire qui a été déclaré, et dont ils n'ont pas tenu compte.

Cela me porte à croire que lorsque vous vous penchez sur cette question, il faut penser non seulement au Canada, mais aussi à ce qui se passe ailleurs dans le monde. On ne peut pas simplement dire que le recours à une mère porteuse non génétique, un terme bien déplaisant pour une femme qui passe huit mois à porter un enfant, se fait maintenant chez les actrices et les femmes de carrière très occupées, au Royaume-Uni, où l'on a toujours dit que, bien entendu, «il s'agit simplement d'aider les femmes».

• 1145

On ne peut pas non plus affirmer que c'est une pratique courante. Que je sache, moins de dix obstétriciens canadiens ont adopté cette pratique. En lisant mon mémoire, vous connaîtrez la position de la profession sur la question. D'après les témoignages que j'ai recueillis dans la profession, chez des gens bien placés pour savoir, dans beaucoup de situations, le counseling serait inutile. On peut aider une femme à comprendre qu'elle ne tient pas vraiment à avoir un enfant, mais il y a la dynamique familiale, sa soeur qui la supplie, par exemple, et si vous lui demandez si elle va refuser à sa soeur, elle vous dira que c'est impossible.

Il y a aussi la situation qui a fait l'objet d'une pièce de théâtre, l'an dernier, A Child on Her Mind, écrite par mon collègue Jeff Nisker, qui enseigne l'éthique médicale à l'université Western, en Ontario. Il s'agit d'un fait vécu. Il y a une réfugiée du Kosovo. Son employeur veut une maternité de substitution traditionnelle. Il est faux de dire que cela ne se fait pas au Canada, puisque c'est arrivé dans ce cas-là. On a dit à cette femme que si elle ne faisait pas cela pour son employeur, on la reverrait d'où elle venait. Elle venait d'un pays déchiré par la guerre, son ami était mort et elle était dans une situation intenable. Pour elle, la pénétration de la seringue, qu'on voit dans la pièce, était une violation de son corps et de sa personne. À mesure que progressait la grossesse, elle s'est de plus en plus identifiée à cet enfant. J'ai parlé à l'interprète, qui employait la méthode de Stanislavski. Je lui ai demandé si ça aurait fait une différence, s'il s'était agi de l'ovule d'une autre femme, avec le sperme. Elle y a réfléchi quelque temps et ensuite elle a dit que non, c'est l'expérience des neuf mois qui comptait.

Tout de suite après cette pièce, je suis allée à une réunion où j'ai rencontré une infirmière dans la trentaine à qui ses meilleurs amis lui avaient demandé de faire la même chose. Au début, elle voulait le faire. Ses amis étaient angoissés et elle voulait vraiment le faire. Mais lorsqu'elle y a réfléchi, au fond de son coeur, elle savait ce qui se produirait, et elle a dû dire à ses amis: «Je voudrais vraiment que vous ayez un enfant, je voudrais vraiment pouvoir le faire, mais je sais qu'au bout des neuf mois, cet enfant serait le mien.»

Ce sont des anecdotes, mais il est important de savoir aussi que les recherches montrent qu'il y a des problèmes. Juliet vous a signalé qu'il faut pouvoir réexaminer la situation plus tard, pour bien savoir ce qu'on fait. Il y a donc des chercheurs qui trouvent d'anciennes mères de substitution, une décennie plus tard, et celles-ci disent se sentir abandonnées, trahies, et qu'elles regrettent ce qu'elles ont fait.

Je vais maintenant passer au texte que j'ai préparé.

D'abord, je vous exhorte à recommander que la loi sur l'assistance à la procréation qui sera déposée interdise la maternité de substitution à visée commerciale, comme le fait l'avant-projet de loi, et qu'aucun soutien ou encouragement ne soit accordé à la maternité de substitution à visée altruiste. J'appuie les dispositions qui s'opposent à la rétribution, à une offre de rétribution ou à ce qu'on fasse de la publicité, aux paragraphes 4(1), (2) et (3). Cela signifie qu'un dépliant comme celui-ci serait interdit. Avec tout le respect que je leur dois, je peux dire que mes collègues ici présentes sont en conflit d'intérêts, pour des raisons monétaires. En effet, elles sont rémunérées pour ce qu'elles font. Je respecte leur intégrité, j'ai écouté très attentivement leurs propos, mais ce genre de chose ne serait pas permis si vous suivez cette recommandation. Le Canada devrait tirer des leçons de l'expérience américaine et de ses nombreux exemples du plus mauvais goût relativement à la maternité de substitution à visée commerciale affichés sur Internet.

Une saine politique publique doit tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants, et l'émergence de courtiers de bébés n'est certainement pas dans leur intérêt. La commercialisation de la maternité de substitution est viciée à la base en raison d'une prémisse moralement inacceptable, soit qu'un bébé est un produit pouvant être échangé et transféré pour de l'argent. Les courtiers peuvent prétendre que l'argent sert à dédommager la mère porteuse du service de reproduction qu'elle rend, mais, comme elle ne reçoit le plein montant convenu dans les accords préalables que lorsque le bébé est remis aux parents qui en ont fait la demande, le paiement est donc fait pour le bébé. Un enfant n'est pas un objet qui appartient à sa mère. La femme qui donne naissance à un bébé—que celui-ci provienne ou non d'un de ses ovules—est sa mère biologique et légale, en droit. Elle est tenue de prendre soin de ce bébé. Le traiter comme un produit qui peut être vendu va à l'encontre de son droit, en tant qu'être humain, à la dignité et au respect.

• 1150

La conception en vue de la maternité de substitution est en soi une notion moralement inacceptable: l'intention de ne pas prendre soin de l'enfant et de le donner est le fondement même de sa conception. La maternité de substitution à visée commerciale considère la capacité de reproduction comme un bien et les femmes comme du bétail, une attitude avilissante qui fait la promotion d'un rôle inconvenant pour les femmes.

Deuxièmement, je vous exhorte à retirer du projet de loi l'appui et l'encouragement à la maternité de substitution à visée altruiste. Le paragraphe 4(4) exempte «la prestation de services d'ordre juridique, médical ou psychologique» des interdictions qui précèdent et qui s'appliquent à la rétribution d'une mère porteuse ou d'un intermédiaire. L'alinéa 10d) ajoute:

    Nul ne peut, sauf en conformité avec une autorisation délivrée sous le régime du paragraphe 12(1) [...] rembourser les frais supportés par une mère porteuse relativement à sa grossesse.»

La maternité de substitution pourrait donc devenir une activité contrôlée pouvant être exercée par une agence ou une personne en vertu d'une autorisation, et les exceptions proposées encourageraient cette activité en prévoyant une structure de service pour des mères porteuses non rétribuées et le remboursement de leurs dépenses.

L'interdiction de certaines «considérations» fermerait une porte à la commercialisation de la maternité de substitution, mais l'autorisation de rembourser certains «frais»—terme équivoque—en ouvrirait une autre. Que pourrait réclamer un avocat pour la mère porteuse? Des frais de subsistance? Une compensation pour perte de salaire? Le tout pourrait grimper rapidement—disons à 15 000 $, pour un travail de 24 heures sur 24 pendant neuf mois; ce serait de l'exploitation des femmes. Ces dispositions ont incité le Globe and Mail à conclure que le gouvernement autoriserait le remboursement de toutes les dépenses raisonnables d'une mère porteuse, laissant entendre une approbation gouvernementale, ce qui reviendrait à autoriser la maternité de substitution à visée altruiste.

Pourquoi fournir pareil soutien, qui sous-entend une approbation? La prémisse sur laquelle repose ce raisonnement est qu'une maternité de substitution à visée altruiste est autorisée dans notre société, donc moralement, physiquement, psychologiquement et socialement acceptable. Est-ce vraiment le cas? Il existe pourtant une opposition bien informée. Le Groupe de travail sur la maternité de substitution de l'Église anglicane du Canada a réalisé une étude d'une durée de deux ans et a présenté un livre qui rejette cette option à la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction. Rien n'a encore diminué la force des témoignages ou la pertinence des principes présentés alors, et le rejet de la maternité de substitution exprimé dans ce document est donc encore valable. La maternité de substitution risque toujours de provoquer des maux personnels et sociaux—l'exploitation de femmes vulnérables, le chagrin inattendu et persistant de la mère porteuse lorsqu'elle devra se séparer de son enfant, la peine et le mal pour ses enfants actuels—question déjà soulevée par Juliet—, l'incidence destructrice sur son mariage et l'avilissement de la capacité reproductive de la femme.

L'Église catholique s'est toujours opposée à la maternité de substitution, mais vous serez peut-être étonnés d'apprendre que la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada a également envisagé l'aspect éthique de cette question. Nous avons toujours essayé d'encourager cette société à se pencher sur les questions délicates. Elle l'a fait. Elle a publié la déclaration de principe no 59 en avril 1997, intitulée Preconception arrangements (Accords de maternité de substitution) produit par son comité d'éthique pour guider les membres de la profession. Il y est écrit: «Les accords de maternité de substitution à visée altruiste sont également inacceptables moralement [...] et pourraient entraîner des formes plus insidieuses de coercition que la maternité de substitution à visée commerciale.» Quel message transmet-on à la profession, au sujet du sérieux des questions éthiques ayant des dimensions psychologiques et sociales, quand on rejette les recommandations auxquelles elle a travaillé avec sérieux?

Pourquoi la maternité de substitution à visée altruiste est-elle moralement inacceptable? On vient de nous dire qu'il n'y a pas du tout de problème. Parce qu'un enfant ne peut être considéré comme un cadeau que sa mère fait à d'autres. Traiter un enfant comme un cadeau fait de cet enfant un produit. Une femme n'a pas le droit de traiter son enfant comme un produit et aucun accord de maternité de substitution ne peut lui donner ce droit. L'idée même de maternité de substitution est mauvaise: l'enfant ne serait pas conçu si ce n'était pour en faire «cadeau» à d'autres. Et lorsque je parle de conception, il faut savoir qu'il ne suffit pas de mettre en présence un ovule et un spermatozoïde pour faire un bébé; il faut qu'ils puissent se nicher dans un utérus. Parce que cette intention est à l'origine de la conception du bébé, ce «cadeau» ne peut valablement être comparé à celui d'une femme enceinte qui, étant incapable de prendre soin de l'enfant à naître, prévoit le donner en adoption.

On ne peut non plus faire de comparaisons avec des situations que j'ai connues, comme Juliet, au sein de certaines familles ou chez des cultures autochtones, lorsqu'un enfant conçu par amour, au sein d'une relation, vient au monde et demeure dans le contexte familial et dans cet amour, tout en étant élevé par une autre famille. À mon école, j'ai connu une fille qui avait deux autres soeurs. Elles étaient dans deux familles différentes, deux soeurs qui élevaient les enfants. Il n'est pas question de cela. Dans ces cas-là, il y a tout un contexte familial qui est préservé.

• 1155

La mère porteuse essaie habituellement de se détacher du foetus qui est en elle, niant qu'il est le sien et se disant qu'il appartient au couple qui a demandé cet enfant. Mais le bébé qui va naître vient de son corps et n'existerait pas sans ce qu'elle lui donne pendant la grossesse. Voilà pourquoi c'est elle la mère biologique.

L'intention de créer et de porter un enfant pour le donner nie les liens de responsabilité que comporte le fait de porter un enfant. Les mères sont, logiquement, les premières à donner des soins à un enfant et à le protéger. Elles sont là à sa naissance et peuvent lui donner le sein immédiatement. Qu'arriverait-il à un enfant qui naît avec un problème génétique si la mère et le couple qui l'a commandé refusent toute responsabilité? Lisez les documents sur ce sujet.

L'intention de donner un enfant en «cadeau», non de l'avoir pour lui-même ou elle-même et d'en prendre soin, signifie également que le corps de la mère et son système de reproduction sont considérés comme un service. Cela fragmente la maternité, diminue la dignité de la reproduction et entraîne une perte de respect pour les pouvoirs procréateurs d'une importance si intime pour les femmes.

Ma collègue Marsha Hewitt a préparé quelques pages où elle décrit la maternité de substitution comme un sous-ensemble de l'industrie qui comprend aussi la pornographie et la prostitution. Je ne suis peut-être pas d'accord avec elle, mais il s'agit bien de fragmenter un aspect particulier des pouvoirs intimes de la femme.

Déjà, au Royaume-Uni, des femmes de carrière, des actrices et des mannequins ont recours à des services de «location d'utérus» par simple commodité; cela montre bien le dénigrement. Une politique gouvernementale qui soutient et encourage une pratique qui pourrait nuire à toutes les femmes en réduisant le fait de porter un enfant à un service est immorale.

Je crois que c'est aussi très intéressant. Je me demande quel bienfait un médecin pense donner à une femme qui doit prendre des médicaments hormonaux très puissants pour porter l'enfant de quelqu'un d'autre. En règle générale, on ne fait pas de mal à ses patients. Habituellement, on traite une patiente dans son intérêt à elle. Quelle maladie au juste traite-t-on chez cette patiente? Je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles vous devez écouter la voix des médecins.

Pour porter un enfant qu'on ne veut pas, il faut s'en détacher et y penser comme l'enfant de quelqu'un d'autre. Il existe cependant des preuves, la recherche l'a montré, indiquant que quels que soient l'intention et les plans d'une femme, il se crée un lien entre le foetus et la mère. Pourquoi est-ce ainsi? Les humains ne sont pas des esprits qui contrôlent leurs sentiments: nous sommes des personnes dans lesquelles le corps et l'esprit s'unissent et s'influencent l'un l'autre. La recherche montre que l'attachement accru de la mère pour le foetus est presque universel au cours de la grossesse et que le nouveau-né pourra reconnaître la voix de sa mère et qu'il s'est harmonisé à ses mouvements, à son tempérament et à ses habitudes. Ces travaux de recherche sont décrits dans ce livre.

Certains experts attribuent à ce lien l'insécurité dont souffrent souvent les enfants adoptés qui sont séparés de leur mère dès la naissance. Ainsi, les hypothèses derrière le détachement nécessaire de la mère porteuse par rapport à son enfant sont peu crédibles parce qu'elles reposent sur une théorie dualiste erronée de la nature humaine. Elles pourraient susciter beaucoup de détresse pour la mère et l'enfant, et pour le couple qui l'attend si des accords de maternité de substitution sont, comme il se doit, inexécutables.

L'argument habituel selon lequel la gestatrice, terme déshumanisant, n'est pas la mère de l'enfant est non fondé. C'est le processus de croissance du bébé à l'intérieur de la mère et sa naissance au moyen de son énergie et par son canal génital qui en fait son bébé. Ce n'est pas un raisonnement moral abstrait, mais une expérience humaine courante. Pour comprendre pourquoi il en est ainsi, il faut envisager la personne globalement comme une unité psychosomatique, non pas comme une dualité corps-esprit.

Nous ne dédommageons pas financièrement ceux qui font don d'un de leurs reins lorsqu'une vie est en danger. L'infertilité est angoissante et mérite notre compassion, mais la vie ne s'en trouve pas menacée. À moins d'assurer les meilleurs intérêts des enfants, on ne devrait pas intervenir pour y remédier. L'aide personnelle proposée, d'ordre juridique, médical ou psychologique et l'aide financière sont une incitation mal conçue à la maternité de substitution.

• 1200

Une politique gouvernementale qui encourage les femmes à prendre tous les risques liés à une grossesse et à une naissance en tant que mère porteuse et à le faire sous le sceau d'une approbation officielle est nuisible et dangereuse. Je vous exhorte donc à supprimer le paragraphe 4(4) et l'alinéa 10d).

La présidente: Merci, madame Creighton.

Merci à tous. Vous nous avez donné un vaste éventail d'opinions sur ce sujet.

Je vais maintenant inviter M. Manning à poser ses questions.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, AC): Je tiens à vous remercier infiniment de vos exposés et de la réflexion qui les a inspirés.

De façon à ce que vous compreniez bien ma position, je dirai qu'il y a de nombreux intérêts importants en jeu ici, mais je considère qu'il faut faire passer les intérêts de l'enfant en premier et vous devez le savoir avant de répondre à mes questions.

Ma première question s'adresse à Sherry et Juliet en leur qualité d'avocates. J'aimerais savoir quelle est ou devrait être la situation juridique de l'embryon ou du foetus que porte la mère porteuse. Il s'agit d'un projet de loi ici. En dernière analyse, nous devrons déterminer le statut juridique de toutes les personnes intéressées pour toute cette question. Peut-être pouvez-vous nous dire quelle est ou quelle devrait être la situation juridique du foetus. Il s'agit au fond de déterminer si le foetus peut appartenir à quelqu'un ou est-ce quelque chose que la garde...? Je pense que vous savez ce que je cherche à savoir.

Mme Sherry Levitan: Nos voisins du Sud par nature ont tendance à intenter du procès pour un oui ou un non. Ils ont une avance de dix ans sur nous. J'ai lu la jurisprudence avec intérêt. En plusieurs années, il s'est accumulé un grand nombre d'affaires qui portaient justement sur cette question, le cas d'un époux et d'une épouse, qui, après une fécondation in vitro, ont divorcé et ne s'entendaient pas sur ce qu'il fallait faire des embryons préservés. La cour devait en fait déterminer la situation de ces embryons. Certains se sont demandé s'il n'y avait pas lieu d'appliquer les principes de propriété de la common law. D'autres étaient d'avis qu'il fallait appliquer les principes de garde. Ce que les tribunaux ont fini par décider aux États-Unis, c'était que ces embryons avaient la possibilité de naître et donc qu'il fallait les traiter avec le plus grand respect et la plus grande dignité. C'est une approche hybride, et il y a des affaires de tous les genres.

La Cour suprême du Canada a déclaré qu'un foetus n'est pas reconnu tant qu'il n'est pas né, tant qu'il n'y a pas en fait d'enfant, et j'estime qu'il faut continuer avec cette approche.

Cela dit, la question de savoir ce qu'on doit faire des embryons est réglée au niveau de la clinique où des consentements sont signés avant que l'on ne commence les procédures. Les gens doivent en fait donner leurs instructions à la clinique. Dans certains cas au New Jersey, il a été établi que l'on peut exiger que ces instructions soient suivies. Mais je ne pense pas qu'on puisse faire beaucoup plus.

Mme Juliet Guichon: Lorsque l'embryon est dans le corps de la femme, quelle que soit l'origine génétique de cet embryon, le droit constitutionnel fixé par l'arrêt Morgentaler de 1988 de la Cour suprême du Canada s'applique, c'est-à-dire que les droits de la femme découlant de l'article 7 de la Charte la protègent et lui permettent de se faire avorter si elle le souhaite, etc. Le statut de l'embryon lorsqu'il se trouve dans le corps de la femme est donc déjà fixé par la décision de la Cour suprême du Canada.

Je voudrais aussi indiquer que lorsqu'une femme est enceinte, même si elle a accepté de subir une intervention par laquelle on lui a implanté un embryon provenant génétiquement de deux autres personnes, il n'est pas toujours certain que cet embryon soit génétiquement le sien. Comme vous le savez, la fécondation in vitro comporte un taux d'échec très élevé, d'environ 80 p. 100, même si les taux de succès sont meilleurs avec les jeunes femmes que l'on sait fertiles. Mais il est toujours possible que la femme soit devenue enceinte après des rapports sexuels avec son mari ou son partenaire. Lorsqu'elle est enceinte, reste à savoir de qui est l'enfant, ce qu'on va pouvoir déterminer à un stade ultérieur de la grossesse. Mais il est difficile d'établir si elle est enceinte à cause d'une fécondation in vitro ou d'un transfert d'embryons, et qu'elle porte par conséquent l'enfant de quelqu'un d'autre. Par ailleurs, on peut se demander comment une femme peut devenir enceinte de l'enfant de quelqu'un d'autre. Que peut signifier une telle affirmation?

• 1205

La présidente: Merci.

M. Preston Manning: Deuxièmement, dans le mémoire de Phyllis, le paragraphe 8 aborde la question de la condamnation morale de la maternité de substitution à visée altruiste. Vous nous présentez divers arguments, Phyllis. Pouvez-vous nous indiquer le fondement des jugements moraux dans ce domaine? Ce comité a de nombreuses questions morales à se poser et je pense qu'il serait intéressant de savoir sur quoi reposent ces jugements.

Ensuite, Sherry, je suppose qu'à votre avis, la maternité de substitution à visée altruiste est moralement acceptable. Pouvez-vous nous dire pourquoi, et surtout, sur quoi vous fondez votre jugement moral pour en venir à cette conclusion?

Tout cela en 30 secondes. Phyllis, voulez-vous commencer?

Mme Phyllis Creighton: L'élément principal, c'est que l'on atteint la plénitude de la condition humaine lorsqu'on s'investit dans l'amour. L'amour nécessite une relation. L'amour respecte pleinement ceux qui dépendent de lui et ceux qui l'engendrent. Respecter un enfant, c'est comprendre la portée de son développement dans l'organisme de la mère qui va lui donner naissance. C'est David Roy, du Centre d'éthique de Montréal, qui le premier, s'est posé la question. A-t-on une idée de ce que signifie l'émotion occasionnée par la voix familière et les mouvements de la mère? Si une femme s'abandonne à l'amour pour concevoir un enfant, elle devrait aimer cet enfant une fois qu'il est né. Et rien ne justifie un respect moindre pour cet enfant que pour l'enfant placé en adoption. C'est l'intention qui importe. Sinon, la femme n'aurait pas d'enfant, à moins qu'elle n'ait l'intention de le donner en adoption. Ce n'est pas le don de soi dans un contexte d'amour.

Est-ce que cette réponse vous éclaire?

En toute franchise, je considère que la vie a une fonction cruciforme. C'est vrai, je suis chrétienne, et les chrétiens ont un motif particulier de s'exprimer ainsi, mais je considère sincèrement que tous les humanistes, tous mes amis, vivent pleinement leur existence dans le don, et cet attachement est la réponse essentielle à ceux qui disent qu'il y a toujours eu des guerres et qu'il y en aura toujours. Effectivement, mais il existe une espèce humaine, et cela signifie que l'attachement est plus profond.

La présidente: Madame Levitan.

Mme Sherry Levitan: Vous parlez de l'intérêt de l'enfant. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Manning. Ces enfants nés de mères de substitution sont les enfants les plus désirés que j'aie pu voir. Ils sont entourés d'amour de tous côtés; ils sont traités comme tous les enfants devraient l'être et ne le sont malheureusement pas toujours.

Certains membres de notre société s'interrogent sur le caractère moral de la maternité de substitution à visée altruiste. Or, on peut dire qu'un acte est moral s'il est juste et s'il devrait être fait dans les circonstances. Qu'est-ce qui pourrait être plus moral qu'une femme aide de façon altruiste une autre femme qui ne peut pas avoir des enfants, à fonder une famille? À mon avis, il s'agit là d'un acte tout à fait moral.

La présidente: Merci.

Je vous remercie, monsieur Manning.

[Français]

Madame Picard.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci, madame la présidente.

Madame Creighton, je veux vous dire que je suis d'accord à 100 p. 100 sur ce que vous avez dit. Ça rejoint totalement mon opinion sur les mères porteuses.

Ma question va s'adresser à Mme Levitan. Je voudrais savoir si, dans le code d'éthique que vous vous êtes donné, vous avez une norme qui porte sur les enfants issus d'une mère porteuse qui veulent connaître leur mère biologique. Que faites-vous? Quels sont les droits du bébé? Est-ce que vous les considérez comme un produit que l'on peut exporter? Que faites-vous si le bébé qui naît de la mère porteuse n'est pas en santé et que les parents refusent de le reconnaître? On en a vus. Ce ne sont pas des histoires d'horreur; c'est la réalité. On a vu, dernièrement, ce jeune couple qui refusait les bébés de la mère porteuse parce qu'il voulait un bébé et que la mère porteuse avait en elle des jumeaux. Alors, qu'est-ce qui est prévu dans votre code pour cela?

• 1210

Dans votre exposé, vous avez émis un certain nombre de réserves en regard de la qualité de la femme qui pourrait demander des services. Entre autres, vous avez mentionné un environnement sans violence, une mère qui ne touche pas d'assistance sociale. Est-ce que vous trouvez que ces conditions sont trop limitatives? Elles sont, à mon avis, discriminatoires. J'aimerais avoir votre position là-dessus.

[Traduction]

La présidente: Madame Levitan.

Mme Sherry Levitan: Je vais tâcher de vous répondre dans l'ordre.

La première question qu'on a posée était de savoir si ces enfants pourront connaître leur mère biologique. D'après ce que j'ai pu constater, la mère porteuse établit une relation étroite avec le couple dont elle porte l'enfant, pendant toute la grossesse. Cette relation se poursuit ensuite et chaque couple décide avec la femme qui l'a aidé à avoir un enfant la nature que prendra ensuite cette relation. D'après ce que j'ai pu constater, ces personnes continuent toujours d'entretenir certains liens. Je suis tout à fait ouverte à l'idée qu'un enfant puisse rencontrer et apprendre à connaître la femme qui lui a donné naissance.

La deuxième question qui m'a été posée avait trait aux droits de l'enfant et à l'horrible cas dont nous avons entendu parler récemment. Le contrat que j'établis au nom de ma cliente est très détaillé. Il repose sur la présomption que le couple collabore avec la mère porteuse et compte chérir et s'occuper de l'enfant qu'elle leur donnera, sans égard à son état de santé, sans égard au nombre d'enfants dont la mère porteuse pourrait accoucher et sans égard au sexe de l'enfant. Ces facteurs ne sont pas importants. Quant à l'histoire d'horreur dont on a récemment entendu parler, je pense que nous ne connaissons pas tous les faits. Quelque chose a créé la discorde dans cette affaire. L'incidence des naissances multiples est beaucoup plus élevée lorsque la fécondation a lieu in vitro. Chacun le sait et les couples sont habituellement heureux si cela se produit parce que lorsqu'on attend depuis si longtemps un enfant, on est tout à fait prêt à en accepter plus d'un. Je ne vois donc aucun problème dans la façon dont cette technique a été appliquée jusqu'ici.

Il a été beaucoup question du fait que l'enfant est vu comme un produit. Je ne connais personne qui voit un enfant de cette façon. Il peut s'agir du résultat d'un processus. On a à l'esprit la photo d'une famille chaleureuse qui se promène avec un enfant dans une poussette, mais cet enfant n'est pas le résultat d'une simple transaction financière. La réalité est tout autre.

La troisième question portait sur le genre de femmes qui deviennent des mères porteuses. Nous tâchons de faire un filtrage. L'une de mes collègues a parlé des pressions qui pouvaient s'exercer et c'est certainement quelque chose que nous tâchons d'éviter puisque cela pourrait entraîner par la suite de mauvaises relations entre les parties visées. Nous voulons que l'expérience soit bonne pour tous. Nous voulons qu'un lien étroit se crée entre les intervenants. Nous avons recommandé certaines restrictions pour ce qui est du choix des mères porteuses et nous pensons, par exemple, que la situation serait moins qu'idéale, si nous avions recours à des femmes qui sont d'anciennes criminelles ou qui vivent de l'aide sociale. Nous voulons réduire au minimum la possibilité de conflits ainsi que toute situation qui pourrait donner lieu à une relation tendue entre la mère porteuse et le couple qui souhaite avoir un enfant.

La présidente: Je vous remercie, madame Picard.

Monsieur Castonguay.

[Français]

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je m'adresse à madame Wright. Selon votre expérience, savez-vous si, d'un point de vue pratique, plusieurs candidates prêtes à agir comme mères porteuses ont été refusées après avoir reçu du counselling, une évaluation médicale, une évaluation psychologique? Peut-être pourriez-vous me dire également si, dans votre expérience, vous avez vu des mères porteuses qui, au départ, étaient d'accord pour offrir ce cadeau-là à une autre personne et qui, à la fin de la grossesse, ont changé d'idée et dit que c'était leur enfant et qu'elles voulaient le garder. Je ne sais pas si vous avez vécu cette expérience. Pourquoi les personnes qui vivent de l'aide sociale seraient-elles différentes des autres quand il s'agit de devenir des mères porteuses? Cela m'a un peu intrigué, et j'aimerais connaître le raisonnement derrière ça.

• 1215

[Traduction]

La présidente: Je pense que la question s'adressait à Mme Wright.

Mme Joanne Wright: Je vous remercie.

J'espère que nous vous avons donné des précisions sur quelques sujets. Quand nous rejetons la candidature d'une mère porteuse, nous cherchons à savoir si elle a un bon réseau de soutien émotif, si elle peut compter sur l'aide de sa famille et si son mari l'appuie. Je me renseigne sur ses ressources financières et cela revient sans doute à la question de l'aide sociale. Les mères porteuses doivent jouir d'une autonomie financière pour que leur décision ne soit pas entièrement motivée par l'argent. Il faut d'abord que la décision de porter l'enfant de quelqu'un d'autre vienne du coeur. C'est quelque chose qu'il faut vouloir vraiment faire.

La présidente: Monsieur Castonguay.

[Français]

M. Jeannot Castonguay: Voici ma deuxième question, madame la présidente. Avez-vous eu des clientes qui, en fin de grossesse, ont dit que l'enfant était le leur et qu'elles voulaient le garder? Avez-vous vécu de telles expériences?

[Traduction]

Mme Sherry Levitan: Non, jamais.

Mme Juliet Guichon: J'aimerais faire remarquer que mes recherches qui, comme je l'ai déjà dit, se fondent sur des cas dont on m'a parlé et non pas sur des données statistiques, lesquelles sont très rares, révèlent qu'il y a une forte proportion de mères porteuses qui ont connu des expériences sexuelles malheureuses ou qui ont connu une grossesse malheureuse. Ces femmes ont souvent subi un avortement qu'elles ont mal accepté, elles ont dû donner un enfant en adoption ou elles ont été victimes d'abus sexuels. J'ignore si le nombre de personnes qui ont raconté ainsi l'expérience qu'elles ont vécue, serait bien différent du nombre de personnes qui feraient part des mêmes expériences dans un groupe témoin, mais un psychiatre appelé Philip Parker de Dearborn, au Michigan, qui a travaillé avec Noel Keane, a interviewé une centaine de candidates à la maternité de substitution. Il a formulé l'hypothèse voulant que le fait, par exemple, d'avoir eu un avortement mal accepté constituait un facteur qui incitait certaines femmes à vouloir être mères porteuses. Il s'agissait pour elles de réparer le tort qu'elles considéraient avoir causé. Les femmes victimes d'abus sexuels cherchaient à regagner la maîtrise de leur propre corps et à l'utiliser de la façon qu'elles souhaitaient l'utiliser. Les femmes ayant dû donner un enfant en adoption voulaient établir un lien avec l'enfant qu'elles porteraient pour un couple puisqu'elles n'avaient eu aucun lien avec l'enfant qu'elles avaient donné en adoption.

Je répète que j'ignore si une étude statistique aboutirait aux mêmes résultats, mais ce qu'on cherche à établir, c'est si ce qui motive les mères porteuses est vraiment le désir d'aider d'autres gens. L'appât du gain existe—il existe des études américaines là-dessus—, mais d'autres facteurs psycho-sociaux méritent aussi d'être étudiés. Décider de porter l'enfant d'une personne qui n'est pas son partenaire et de mener à terme cette grossesse est un acte profondément intime et physique. Il n'est pas surprenant qu'on constate qu'il vaudrait la peine d'étudier davantage les raisons qui incitent une personne à agir de la sorte.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Castonguay.

[Français]

M. Jeannot Castonguay: Évidemment, vous savez que pour nous, qui aurons à nous prononcer et à faire des recommandations au ministre, c'est très complexe. Il y a beaucoup de questions, et c'est pour cela qu'on rencontre ici des gens comme vous. Malgré toutes les difficultés que cela comporte, si je comprends bien, madame Guichon, vous seriez d'accord qu'on permette qu'il y ait des mères porteuses. Finalement, il y a beaucoup de choses inconnues pour tout le monde. On s'engage sur un terrain assez neuf. Est-ce bien ce que je dois comprendre?

[Traduction]

Mme Juliet Guichon: Je vous comprends. Nous ne permettons pas aux gens de vendre leurs enfants. Nous réglementons très rigoureusement le processus d'adoption. Si une personne ne peut pas s'occuper de son enfant, l'État trouve des parents pour celui-ci en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Ce qui m'inquiète au sujet de cette pratique, c'est qu'elle n'ait pas cours dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Un contrat ne peut pas tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Même si la pratique était réglementée, le simple fait qu'une femme soit payée pour avoir un enfant risque de créer une situation d'exploitation.

• 1220

Je partage votre préoccupation. Il s'agit d'une question très complexe et difficile qui soulève de grandes réserves de ma part. Si vous décidez de réglementer la pratique, il importerait que des chercheurs puissent l'étudier davantage, de manière à vous donner des conseils.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Il ne fait aucun doute que cette partie du projet de loi soulève une question très complexe et difficile, qu'on ne peut pas simplement trancher de façon simpliste en disant voici ce qui est bien et voici ce qui est mal.

Dans ma circonscription, une femme a dernièrement porté l'enfant de sa soeur. Les lois actuelles qui ont trait au congé parental et à l'assurance-emploi, par exemple, doivent aussi être prises en compte. Je me demande si vous connaissez des cas où l'application de ces lois a posé des difficultés. Qui a droit au congé parental et quand commence-t-il? Qu'en est-il de l'assurance-emploi? Dans le cas que je vous ai donné, la travailleuse qui a eu l'enfant de sa soeur a-t-elle droit à des prestations d'assurance-emploi? Qu'advient-il à la naissance de l'enfant? La mère naturelle obtient-elle un congé parental? Qui devrait être admissible à ce congé?

Pourriez-vous nous donner des précisions à cet égard?

Mme Juliet Guichon: Je crois que c'est la mère naturelle qui est admissible au congé parental et aux prestations d'assurance-emploi. Elle peut aussi conserver son enfant à moins qu'elle ne décide de le donner en adoption. C'est donc la femme qui porte l'enfant qui est admissible au congé de maternité. En vertu de la loi actuelle, c'est la mère naturelle qui est considérée comme la mère et la loi présume qu'elle aura la garde de l'enfant à moins que quelque chose d'autre ne se produise. En Ontario, une femme ne peut donner en adoption son enfant que sept jours après sa naissance et elle a ensuite 21 jours pour revenir sur sa décision. Je ne vois donc aucun problème. Une femme enceinte est une femme enceinte.

Mme Sherry Levitan: Je sais que vous serez surpris de m'entendre exprimer un autre point de vue.

Le congé parental actuel s'étend sur 12 mois. Nous faisons oeuvre de pionniers dans ce domaine parce que nous estimons qu'il est important pour le développement de l'enfant que ses parents établissent un lien étroit avec lui dès la naissance. Le congé parental vise aussi à permettre aux femmes qui ont donné naissance de reprendre des forces. Une femme ne devrait pas être contrainte de retourner au travail si elle n'est pas prête physiquement à le faire. Voilà pour ce qui est de la mère naturelle, mais il faudrait permettre à ceux qui vont élever cet enfant d'établir un lien étroit avec lui dès sa naissance. À mon avis, les parents qui s'occuperont du nouveau-né devraient avoir droit à un congé parental.

Mme Juliet Guichon: Je ne suis pas en désaccord avec vous. On pourrait faire comme pour l'adoption. La femme enceinte a droit au congé de maternité. Si elle donne en adoption son enfant, c'est la mère adoptive qui a droit au congé parental. Je voulais simplement faire remarquer qu'il existe déjà des dispositions législatives qui s'appliquent lorsqu'un enfant est adopté par une famille. Je ne pense pas que cette pratique soit bien différente.

M. Stan Dromisky: Après la signature du contrat par lequel la mère porteuse donne son enfant en adoption...

La présidente: Monsieur Dromisky, cette question suscite aussi une controverse. Certains pensent que l'adoption devrait être régie par un contrat juridique et d'autres pas. Nous ne pouvons présumer...

Mme Juliet Guichon: Une fois que l'adoption est officielle, le couple qui adopte l'enfant a droit à un congé parental.

Mme Phyllis Creighton: J'aimerais revenir en arrière un instant...

La présidente: Madame Creighton, je ne peux vous accorder la parole que si vous voulez répondre à la question qui a été posée.

Mme Phyllis Creighton: Je voulais simplement faire remarquer qu'on ne devrait pas accepter la notion que ce qui doit primer est la réalité telle qu'elle existe. L'un des plus grands penseurs de ce pays a dit que ce qui doit primer est ce qui est moral.

Le contrat fait problème. Vous avez entendu Mme Wright dire que l'argent n'est pas tout ce qui intéresse les mères porteuses. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais lorsque j'ai lu dans le dictionnaire qu'un contrat était «tout ce qui est donné, promis ou cédé par une partie en échange de la promesse ou de l'engagement pris par une autre», je me suis dit que cela correspondait exactement à la réglementation envisagée qui repose sur une interprétation très large des dépenses.

• 1225

Si vous voulez vraiment répondre à la préoccupation qu'a exprimée Juliet, vous devrez tâcher de convaincre les milieux médicaux et gouvernementaux de renoncer au secret et à l'anonymat, ce que nous essayons de faire en vain depuis 25 ans. Il faudra pouvoir suivre à la trace pendant longtemps la mère porteuse, la mère adoptive et la famille d'adoption pour savoir si ce dont je vous ai parlé est seulement une théorie ou si ce qui importe est la nature humaine et la moralité.

M. Stan Dromisky: Merci beaucoup.

La présidente: Monsieur Lunney.

M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, AC): Nous convenons tous, je pense, que toute cette question présente de nombreux aspects déplaisants. Il y a eu des abus dans les secteurs non réglementés. Les témoins en ont cité quelques exemples aujourd'hui et on en trouve d'autres dans l'article de Mme Guichon, par exemple le cas du couple qui décide de divorcer et qui incite ensuite la mère de substitution à subir un avortement; il y a eu le cas également de l'enfant qui est né malade et de l'homme qui souhaitait annuler le contrat parce que ce dernier ne prévoyait pas un enfant malade. Il y a donc dans ce dossier toutes sortes de questions épineuses.

J'aimerais revenir à la question qu'a soulevée Sherry Levitan au sujet du contrat et du paiement. Nous savons que l'avant-projet de loi n'est pas censé autoriser un paiement direct, mais je pensais vous avoir entendu dire que tant qu'il n'y a pas de loi à ce sujet, on offre une indemnisation d'environ 2 500 $ par mois. Quelqu'un a-t-il proposé de porter ce plafond à 5 000 $ par mois pour les divers frais? Si j'ai bien compris, cela représenterait près de 67 000 $ pour une grossesse. C'est un incitatif plutôt intéressant. J'ai peut-être mal compris les chiffres et j'aimerais que vous me disiez ce qu'il en est.

À votre avis, y a-t-il un facteur qui puisse empêcher une personne de faire carrière dans la maternité de substitution et d'en faire une habitude? Recommanderiez-vous de limiter ces cas à un ou deux? Comment y parvenir, à votre avis?

Mme Sherry Levitan: La première question porte sur l'indemnisation. Mes observations étaient doubles. Il y a les frais et les déboursés pour les frais divers, et il y a d'autres dépenses comme l'assurance-vie, les vêtements de maternité, les médicaments, le transport et la garde des enfants. Ce sont des frais que la femme subit parce qu'elle est enceinte. Nous lui remboursons ces frais, et il y a en général un plafond de l'ordre de 5 000 $. Voilà pour la première question.

Deuxièmement, vous nous demandez ce que nous pensons du montant prévu dans le contrat pour les frais généraux. À l'heure actuelle, c'est en moyenne entre 15 000 $ et 18 000 $. Pour en arriver à 67 000 $, il faudrait que cela se produise plusieurs fois. Nous recommandons un plafond car nous ne voulons pas qu'on brandisse ce genre de chiffres. Nous recommandons 2 500 $ par mois, ce qui porte en général sur une période de 10 mois car le contrat commence avant le début de la grossesse.

Quant à votre deuxième question au sujet d'une éventuelle carrière dans la maternité de substitution, je vais demander à Joanne Wright de nous dire si elle a déjà rencontré des femmes qui voulaient en faire une carrière. Que je pense ou non, personnellement, que cela devrait se faire, si nous appuyons le droit d'une femme à décider de le faire, je ne pense pas que, du point de vue constitutionnel, nous puissions la limiter à une ou deux grossesses. Ce ne serait pas acceptable.

Joanne, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Joanne Wright: Non.

La présidente: Monsieur Lunney, ces réponses vous satisfont-elles?

M. James Lunney: Oui. Merci. Je me demandais ce que vous vouliez dire à ce sujet.

La présidente: Merci.

Madame Wasylycia-Leis, vous avez la parole.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, madame la présidente. J'ai manqué une partie de la réunion, car j'ai dû faire des allers et retours entre ici et la Chambre, et je vous prie de m'en excuser.

Je voulais poser une question à Juliet et Phyllis. La commission royale a dû passer toute cette question au peigne fin il y a une dizaine d'années. Nous avons entendu de nombreux témoignages de la part d'organismes et de particuliers qui ont abouti à la recommandation visant l'interdiction de la maternité de substitution. Pourriez-vous m'aider à comprendre dans quelle mesure cette question tient à coeur aux Canadiens? D'autre part, comment pouvons-nous garantir que l'idée d'une interdiction sera maintenue et freiner toute tendance à la commercialisation dans le domaine de la santé génésique?

• 1230

Mme Phyllis Creighton: Le Canadien moyen continue de s'informer par les journaux et les médias. Il est beaucoup plus facile de raconter une histoire émouvante au sujet de l'angoisse sans parler des décès qui surviennent. Il en a toujours été ainsi.

Je me souviens d'avoir participé il y a des années à l'émission de télévision appelée Speaking Out avec Noel Keane. J'étais sidérée d'entendre dire que Noel Keane était un médecin renommé. Il ne savait même pas ce qu'il mettait sur papier, ce qui explique que j'aie marqué plus de points que lui, même s'il était accompagné par une jeune femme qui vantait les mérites de la chose.

À mon avis, il faudrait mener une sérieuse campagne de sensibilisation si l'on veut vraiment éclairer l'opinion publique.

La commission royale a lu énormément de documents et longuement réfléchi à la question. Un de ses membres, Bartha Knoppers, faisait également partie du groupe au Québec qui avait adopté une position en concluant qu'un contrat était inexécutable, aux termes du Code civil, en raison de son inévitable caractère déshumanisant. J'utilise ce terme sans hésiter.

Si les gens prenaient vraiment le temps de réfléchir à l'expérience que connaît la femme... Il ne s'agit pas simplement du risque que court la femme, la soi-disant mère porteuse, de subir à son insu des conséquences à long terme en raison des médicaments utilisés pour synchroniser son système afin qu'elle accueille le bébé. Il s'agit également du fait que les femmes doivent réfléchir sérieusement à ce que cela signifie pour leur fertilité future, le risque de décès, ou d'accouchement par césarienne, ce qui est un aspect important. Le fait de porter des jumeaux n'est pas non plus une futilité. Cela augmente considérablement les risques pour la santé de la mère. Il y a donc beaucoup à faire pour éduquer les gens.

Je ne pense pas toutefois qu'il y ait des preuves concrètes. En fait, les preuves que nous fournissent les sondages révèlent que, dans tout le pays, les gens s'opposent à l'idée de la maternité de substitution à des fins commerciales, pas seulement pour que les femmes ne soient pas entièrement motivées par l'appât du gain, mais pour qu'elles ne soient pas motivées du tout. J'ai vraiment du mal à accepter les gens qui disent qu'ils veulent simplement faire un cadeau. Et ensuite ils demandent d'être payés?

Bon nombre d'entre nous consacrent des milliers d'heures aux études, à la réflexion et à l'examen de questions, le tout à titre gracieux. Je gagne ma vie en étant réviseure de traduction du Dictionnaire biographique du Canada, ce dont je suis très fière. C'est le meilleur ouvrage historique du pays.

Voilà certaines de mes idées.

Nous avons eu énormément de chance. Nous avons présenté ce document, qui représente notre participation à la Commission royale, au Synode général, soit le parlement élu de l'Église anglicane du Canada. Il y avait 300 personnes et nous nous sommes débattus pendant toute une semaine pour donner aux gens l'occasion d'y réfléchir; les participants sont arrivés à la même conclusion que nous, à savoir que c'est intolérable.

Mme Juliet Guichon: J'aimerais parler de la commission royale. Comme vous le savez peut-être, celle-ci a entendu le témoignage de toutes les personnes désireuses de comparaître devant elle lors de ses déplacements d'un bout à l'autre du pays. Elle a permis aux gens de prendre la parole non seulement en public mais aussi en privé. La commission a entendu des récits horribles de l'angoisse vécue par ces femmes. Je ne veux minimiser en rien la douleur qu'éprouvent les personnes qui ne peuvent pas avoir d'enfants, mais la commission a également écouté les gens qui ont témoigné.

Elle aurait rédigé un document plus sévère que celui qui est actuellement à l'étude. Elle aurait poussé les médecins qui pratiquent la fécondation in vitro à perdre leur licence s'ils transféraient un embryon dans une femme qui n'avait pas l'intention d'élever l'enfant. Je sais que cela a beaucoup consterné les médecins qui soignent les cas de stérilité. Ces derniers sont confrontés tous les jours à la souffrance des femmes, et ils essaient de leur venir en aide du mieux possible. Toutefois, bon nombre des personnes qui ont témoigné devant la commission royale étaient à même de prendre un peu de recul et de raconter d'autres récits.

• 1235

Le rapport de la commission royale a été controversé, cela ne fait aucun doute, surtout dans les milieux médicaux. Il n'a pas eu pour effet de faire perdre leur licence à certains médecins. Toutefois, la commission royale a également adopté une position très ferme selon laquelle la femme qui avait accepté de rendre un enfant était d'une certaine façon une victime, et ne ferait donc l'objet d'aucune sanction pénale si elle se livrait à cette activité. Cette position a également été controversée, car elle se fondait sur la prémisse que nous sommes tous des êtres humains autonomes et adultes, en mesure de prendre nos propres décisions. Cette position a été sujette à controverse, et cela a posé de gros problèmes à la commission.

La présidente: Madame Levitan.

Mme Sherry Levitan: La commission royale a recueilli ses données il y a 10 ans. Lorsque le Canadien moyen pensait à la maternité de substitution, c'est l'affaire Baby M qui lui venait à l'esprit. C'était un cas de maternité de substitution traditionnelle. Étant donné que, depuis les 10 dernières années, les taux de stérilité sont à la hausse et que de plus en plus de gens comprennent mieux la situation, ou ont peut-être des amis qui ont vécu cette stérilité, et comprennent mieux les problèmes en cause, je ne pense pas qu'on puisse utiliser des données vieilles de 10 ans pour nous dire ce que les Canadiens pensent de la maternité de substitution. Je ne pense pas qu'ils aient en main, à l'heure actuelle, l'information nécessaire pour prendre ces décisions. Il vaut mieux informer les gens avant de prendre une telle décision.

Mme Phyllis Creighton: Voici ce qu'a déclaré la commission royale:

    Les opinions relatives aux contrats de maternité de substitution se fondent sur des convictions fondamentalement différentes au sujet de la nature humaine et de la façon dont le monde fonctionne ou devrait fonctionner.

La commission a déclaré qu'elle n'était pas convaincue par les arguments des partisans de la maternité de substitution, à des fins commerciales ou non. Ce serait, selon moi, une très bonne chose que de relire le chapitre du deuxième volume—la citation que j'ai faite est tirée de la page 683, mais les arguments commencent avant cela.

C'est un document très réfléchi, et on peut y retrouver aussi les témoignages de l'époque, car le volume de recherche de Juliet est toujours là. Si vous prenez une décision au sujet des statistiques... La criminalité est omniprésente. La commission royale a essayé d'énoncer certains principes que nous cherchons à préserver. Dans quel genre de société souhaitons-nous vivre? Souhaitons-nous une société qui fasse le commerce de grossesses? Souhaitons-nous une société qui échange des enfants contre de l'argent? Est-ce là ce que nous voulons? Nous nous efforçons de définir des valeurs fondamentales et leurs valeurs étaient très claires. Il y avait la dignité humaine, le tort réel et possible pour la famille—dont on se préoccupait—et on ne voulait pas susciter des rapports d'opposition.

La présidente: Merci beaucoup.

Vu qu'il n'y a pas d'autres questions et sachant que le comité doit maintenant examiner la motion dont il est saisi, au nom du comité, je vous remercie d'avoir témoigné et de nous avoir fait part de votre réflexion, même si nous n'avions pas beaucoup de temps. J'aimerais savoir si vous êtes disposés à répondre à d'autres questions éventuelles que pourrait vous transmettre le greffier. En même temps, je tiens à vous remercier des nombreuses années que la plupart d'entre vous ont consacrées à l'étude de ces questions, qui revêt une énorme importance pour nous à l'heure actuelle. Nous sommes loin d'être des experts. Merci de nous avoir fait part de votre bon jugement. Nous ferons peut-être à nouveau appel à vos compétences.

Mme Juliet Guichon: Je vous remercie du sérieux que vous attachez à la question, et à titre personnel, je vous remercie d'assumer ce fardeau.

Mme Phyllis Creighton: Moi aussi.

La présidente: C'est gentil.

Mesdames et messieurs, il nous reste 20 minutes avant la fin de la séance, et vous vous souvenez sans doute qu'il y a une semaine, M. Merrifield nous a présenté une motion dont il souhaitait saisir le comité. Malheureusement, la séance de jeudi où nous devions en débattre a été annulée, et c'est pourquoi nous avons réservé un peu de temps ce matin pour cette motion. La motion de M. Merrifield porte que le comité recommande au gouvernement d'agir sur-le-champ pour interdire le clonage humain au Canada. Voilà la teneur de la motion dont le comité est saisi, mais je crois comprendre qu'il y a un amendement. Aux termes du règlement, il faut toujours débattre et trancher l'amendement en premier et je demanderai donc au motionnaire de le présenter.

[Français]

Mme Pauline Picard: Madame la présidente, je voudrais proposer, après la motion de M. Merrifield, qu'on ajoute, après les mots «le clonage humain au Canada», les mots «en adoptant à cette fin le plus rapidement possible le projet de loi C-336».

[Traduction]

La présidente: Cet amendement est recevable, puisqu'il vise le même objet général que la motion initiale. Souhaitez-vous dire quelques mots à ce sujet, madame Picard, puisque vous en êtes l'auteure, sans oublier que le temps nous presse?

• 1240

[Français]

Mme Pauline Picard: Oui. Je vais demander à M. Ménard de plaider pour moi.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la présidente, je pense qu'il faut être reconnaissants envers nos collègues de l'Alliance d'avoir présenté la motion et être reconnaissants envers notre collègue Mme Picard de l'amender parce que, dans le fond, la question est la suivante. Des gens de l'extérieur de ce Parlement, qui n'ont rien à voir avec les partis politiques et qui n'ont donc aucune attache partisane ont fait valoir, tout au cours de l'été, qu'il y avait un vide juridique.

Alors, il y a un vide juridique qui fait en sorte qu'il serait possible, dans l'un ou l'autre des laboratoires privés ou publics, que l'on assiste à une situation où il y aurait des manifestations de clonage qui se produiraient. Le risque est petit, il est même infinitésimal. C'est vrai. Mais la question que ce comité doit se poser, c'est la suivante. Est-ce qu'on veut courir ce risque? Je pense qu'on est dans une situation que les principaux chefs de partis ont soulignée.

Il y a une collègue, Mme Picard, qui depuis plusieurs années s'intéresse à ces questions-là, et qui a déposé un projet de loi simple, pratique, opérationnel et judicieux, c'est-à-dire qu'on propose qu'il y ait une infraction prévue dans le Code criminel pour quiconque se livrerait à du clonage en laboratoire et que ce soit sanctionné selon les règles de droit que l'on connaît.

Alors, ce que nous disons, c'est que nous devrions adopter le projet de loi de Mme Picard. Ce comité doit demander impérativement au gouvernement d'adopter rapidement ce projet de loi, et une fois que nous aurons éliminé le risque qui pèse sur nous, ça ne nous empêchera pas d'étudier l'ensemble des questions extrêmement complexes, comme l'ont rappelé tous les témoins.

Je termine là-dessus, madame la présidente. Le gouvernement ne peut pas nous dire qu'il est en train de revoir ça et que c'est un tout. Une des conclusions de la commission royale d'enquête avait été, justement, de disposer de la question du clonage très rapidement et, après cela, de disposer des autres questions. Les deux ont leur autonomie. Cela n'empêche pas de pouvoir modifier le Code criminel, de créer une infraction, d'adopter le projet de loi de Mme Picard et, après cela, de faire des propositions au gouvernement sur l'ensemble des autres questions.

De toute façon, il y a un consensus sur le clonage. Il n'y a pas un témoin qui ait remis cela en cause. Il y a un consensus, je le pense bien, du côté des formations politiques, et c'est le sens de la proposition. Nous serions extrêmement déçus, pour ne pas dire dévastés intérieurement, d'assister à la défaite de cette motion. Nous y verrions quelque chose d'irresponsable de la part du gouvernement qui compromettrait notre volonté de collaborer pour la suite des événements.

[Traduction]

La présidente: Vous avez entendu des arguments solides en faveur de l'amendement, qui vise à adopter le projet de loi d'initiative parlementaire, et je vais entendre une intervention contre cette proposition.

M. Ray Bonin (Nickel Belt, Lib.): J'invoque le Règlement. J'ai du mal à comprendre ce que fait le comité. La Chambre nous a demandé d'étudier un avant-projet de loi. Nous parlons maintenant d'un autre projet de loi pour lequel nous n'avons pas reçu d'ordre de renvoi et que nous n'avons pas encore décidé d'étudier. En examinant cette motion, nous sommes en train de discuter d'une question qui reviendra sur le tapis lors de l'étude article par article. Si le comité décide de rejeter cette motion pour des raisons pratiques, lorsque nous en serons à l'étude article par article, aurons-nous tranché la question? En général, on ne discute pas deux fois de la même question. Je pense que cette discussion devrait être reportée jusqu'au moment où nous ferons l'étude article par article.

M. Réal Ménard: Ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. Ray Bonin: Si, absolument, c'est un rappel au Règlement. En fait, il y en a trois.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Au sujet du rappel au Règlement.

La présidente: Allez-y, madame.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je ne veux pas trop retenir le comité, mais je pense qu'il serait utile de lui rappeler que le projet de loi dont il est question dans cet amendement à la motion, le projet de loi C-336, fait suite au projet de loi C-247, également proposé par Mme Picard, qui a été débattu au Parlement et renvoyé au Comité de la santé; ce dernier, après une discussion approfondie, y a apporté des amendements mais l'affaire en est restée là parce que le gouvernement s'est engagé à proposer dans les plus brefs délais un projet de loi qui porterait sur toutes les questions liées à la technologie de reproduction. Je pense donc qu'il est tout à fait normal que le comité se penche sur cette question, étant donné le temps qui s'est écoulé et le temps qu'il faudra encore attendre avant que le Parlement n'obtienne gain de cause dans ce dossier.

La présidente: Je tiens à remercier M. Bonin d'avoir soulevé cette question. Nous ne voulons en aucun cas limiter nos discussions ultérieures. En revanche, pour le moment, la question dont nous sommes saisis est de savoir si l'on veut ajouter quelques mots à une motion que nous n'avons pas encore examinée.

• 1245

Je sais que M. Bonin ne veut pas se pencher sur cette motion car il estime qu'elle sème la confusion dans l'étude qui nous a déjà été confiée. Il a fait clairement valoir cet argument. Mais pendant les minutes qui ont suivi, nous avons entendu une intervention pour et une autre contre l'adoption du projet de loi d'initiative parlementaire comme moyen—car c'est ce que stipule l'amendement, le projet de loi comme moyen—si nous décidons d'adopter toute la motion.

Je voudrais mettre l'amendement aux voix pour que nous sachions précisément de quoi nous parlons.

Monsieur Bonin.

M. Ray Bonin: Madame la présidente, nous devons savoir si la motion est recevable. Dans le cas contraire, l'amendement ne l'est pas non plus. Je vais donc tout simplement...

Veuillez m'excuser, monsieur Ménard.

La présidente: Je l'ai déjà vérifié auprès du greffier.

M. Ray Bonin: Écoutez, veuillez laisser la présidente diriger la séance.

Si nous examinons cet amendement, aurons-nous tranché la question lorsque nous en serons à l'étude article par article? Il s'agit au moins d'une question d'information, si vous refusez de le traiter comme un rappel au Règlement.

Une voix: Rappel au Règlement.

La présidente: Un instant. Je veux répondre à cette question.

Le greffier m'a donné l'assurance que la motion initiale est recevable car elle est tout à fait compatible avec l'objet de notre discussion, dont elle représente un élément très précis. La motion a donc été jugée recevable pour cette raison.

M. Ray Bonin: Et c'est pourquoi je veux savoir si, lorsque nous en serons à l'étude article par article, la question aura été réglée?

La présidente: La motion est présentée sous forme de recommandation. Le comité recommande quelque chose au gouvernement.

M. Ray Bonin: À la Chambre?

La présidente: Non, au gouvernement, c'est-à-dire au ministre. Il peut soit accepter soit rejeter cette recommandation.

[Français]

M. Réal Ménard: J'invoque le Règlement.

[Traduction]

La présidente: Entendu.

[Français]

M. Réal Ménard: Je veux juste que ce soit clair quant à notre façon de fonctionner. Une fois que vous demandez le vote, nous ne sommes pas censés entendre de rappels au Règlement, et vous aviez demandé le vote à ce moment-là. De toute façon, on présume que si vous permettez le débat...

[Traduction]

La présidente: Non, je n'ai pas mis la question aux voix.

[Français]

M. Réal Ménard: On présume que si vous permettez le débat, c'est parce que vous reconnaissez que la motion est recevable. Sinon, vous n'auriez pas permis le débat.

[Traduction]

La présidente: Je n'ai pas encore mis la question aux voix. J'ai demandé que quelqu'un invoque des arguments en faveur de la motion, et qu'un autre membre invoque des arguments contre, et depuis, on m'interrompt avec des rappels au Règlement. Comme je suis une présidente très gentille, j'ai permis tous ces rappels au Règlement.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous aviez demandé le vote.

[Traduction]

La présidente: Je demande maintenant le vote pour l'amendement seulement. Pour régler la première partie de la question, il faudrait recourir au projet de loi de Mme Picard.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): Je voudrais m'opposer à la motion. Vous avez demandé que quelqu'un invoque des arguments contre cette motion.

La présidente: Non, quelqu'un s'y est déjà opposé. M. Bonin a été assez catégorique.

Mme Carolyn Parrish: D'accord.

La présidente: S'agit-il d'un autre rappel au Règlement?

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): J'aimerais connaître votre argument en vertu duquel un comité de la Chambre est habilité à faire une recommandation au gouvernement, alors que, il me semble, le premier rôle d'un comité de la Chambre, c'est de faire une recommandation à la Chambre. De la façon dont c'est formulé ici, il s'agit d'une recommandation au gouvernement. N'est-ce pas une question sur laquelle vous devriez nous éclairer, à savoir si c'est acceptable ou non?

[Traduction]

La présidente: Non. À mon avis, l'intention du motionnaire se trouve dans sa motion. Nous ne pouvons pas modifier l'intention du motionnaire. Il veut faire une recommandation à l'intention du ministre, sachant très bien que le ministre peut l'accepter ou la rejeter.

Je mets la question aux voix. Tous ceux qui sont en faveur de l'amendement seulement, c'est-à-dire que l'on inclue le projet de loi C-336 dans la motion, veuillez lever la main.

[Français]

Une voix: On veut un vote pas appel nominal.

M. Réal Ménard: On veut un vote par appel nominal.

[Traduction]

La présidente: Nous aurons un vote par appel nominal.

(L'amendement est rejeté [Voir le Procès-verbal])

• 1250

La présidente: Nous allons maintenant demander au motionnaire de la motion principale de présenter ses arguments.

M. Rob Merrifield (Yellowhead, AC): Merci de l'avoir prise en considération.

Je ne suis pas ici pour essayer de persuader les autres qui sont à la table. Nous comprenons tous la dynamique de cette question importante, celle du clonage procréateur. La motion n'entre pas en conflit avec le projet de loi que nous examinons. En fait, elle coïncide avec lui. En fait, tout témoin qui a comparu devant le comité depuis son établissement a été en faveur d'une interdiction du clonage procréateur...

Ce n'est pas pour cette raison que je présente cette motion. Je n'essaie de tordre le bras à personne. Mais j'essaie de vous persuader que certains qui ont soulevé ces questions ont proposé... Je peux lire une liste de noms qui se trouve ici: Jennifer Leddy, Mme Picard, la Dre Patricia Baird, la Dre Margaret Somerville, et ainsi de suite. En effet, même Yvon Charbonneau a laissé entendre—et je le cite textuellement—qu'à sa connaissance personne ne préconise le clonage humain, alors pourquoi attendre un an, ou un an et demi avant d'interdire cette pratique?

Je pense que nous de ce côté-ci sommes tous du même avis. Selon nous, il faut prendre des mesures. Et d'ailleurs, certaines personnes aux États-Unis, et aussi des personnes qui sont membres d'une secte qui est également associée au Canada, ont déclaré publiquement qu'elles feront du clonage d'ici la fin de l'année. En fait, selon ces personnes, un médecin italien, le Dr Antinori, et un médecin du Kentucky, le Dr Zavos, ont déclaré qu'ils feront du clonage d'ici novembre.

Donc, je ne veux pas proposer quelque chose de différent par rapport à ce que nous ferions en dernier lieu. Mais quand on est sur la voie et qu'on voit le train s'approcher, il serait ridicule d'y rester et de se faire frapper. Et le temps presse, le temps presse énormément.

J'ai été même frappé par le service interconfessionnel qui a eu lieu jeudi dernier. Nous avons même invité ce groupe. Heureusement que nous jouissons de la liberté de religion ici au Canada... Ce n'est pas ça que je dis. Je vous mets en garde: il y a un groupe ici au Canada qui a déclaré qu'ils feront de cette pratique de clonage procréateur une réalité maintenant.

J'aurais pu rédiger le projet de loi d'une manière telle que nous interdisions également le clonage thérapeutique, ce que le projet de loi fait aussi, mais je voulais le rédiger d'une manière telle que personne ne puisse s'inscrire en faux contre le projet de loi. Nous ne devrions pas permettre ces pratiques au Canada. Nous pourrions nous trouver entraînés dans le projet de loi C-336. Cette pratique sera assujettie au Code criminel, alors que l'on ne s'énerve pas sur ce point. Même si je suis d'accord pour dire qu'elle devrait être assujettie à une loi, il s'agit d'une recommandation à l'intention du ministre.

Même quand nous étions à Genève ce printemps, le ministre a dit au monde entier que le Canada doit montrer la voie en organisant une conférence et en préparant une convention internationale contre le clonage. Eh bien, on ne peut pas déclarer qu'on va jouer un rôle de chef de file et mettre fin à quelque chose si on n'interdit pas la pratique chez soi ou n'inclut pas une disposition dans la loi chez soi.

Il se peut que le vote sur cette motion soit la dernière décision de ce comité, parce que nous risquons d'avoir d'autres personnalités autour de cette table la semaine prochaine, ainsi que des témoins tout à fait différents. Si le comité veut prendre des mesures collectivement, il nous faut agir maintenant. Je ne veux absolument pas que les livres d'histoire canadiens indiquent que nous n'avons pas agi. Le comité doit s'acquitter de ses responsabilités pour le bien du Canada. Il nous faut agir maintenant car le temps presse beaucoup.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Merrifield.

Voilà pour les arguments en faveur de la motion. Nous allons maintenant entendre quelqu'un qui s'y oppose.

Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky: Madame la présidente, j'ai énormément de choses en tête au sujet de toute cette question. Je sais quelle est ma responsabilité en tant que membre du comité. Je pense que nous le savons tous. Je sais que nous sommes confrontés à un défi de taille. Nous avons un projet de loi à examiner. Nous allons passer beaucoup de temps ici. Nous allons recevoir beaucoup d'information dans nos bureaux et les experts qui comparaîtront devant nous dans les semaines à venir vont nous présenter énormément d'information aussi. Le débat sera exhaustif. Le temps est très important.

• 1255

Ce qui me fait peur, ce qui me préoccupe énormément, c'est que nous allons examiner cette question sans plan systématique. Nous allons examiner la question au coup par coup, article par article, et c'est très, très probable, car nous ne savons pas quelles seront les répercussions d'une telle motion, dans l'immédiat, et à plus long terme. Avons-nous des mécanismes pour mettre une telle motion en vigueur? Quel processus allons-nous suivre? Comment est-ce que la Chambre des communes va participer à cet exercice? Si la Chambre des communes participe, quelles seront les responsabilités du comité pour cette partie du projet de loi et tous les autres facteurs qui entrent en ligne de compte?

Je me rends compte que ce n'est qu'une recommandation au ministre, mais je regarde tout simplement les deux revers de la médaille, si le ministre la rejette, ou la retarde, ou l'accepte, ou si c'est la responsabilité du comité. Il y a énormément de répercussions, des répercussions qui sont très déroutantes. La question n'est pas aussi simple que nous le disent les gens. Donc, je pense que le comité doit s'acquitter de ses responsabilités, étudier le projet de loi en quatrième vitesse, et entamer le processus qui va finalement nous amener à une étude article par article. Donc, je voudrais proposer le report de la motion dont nous sommes saisis.

La présidente: Cette motion est recevable. Il veut reporter la motion. Jusqu'à quand voulez—vous reporter la motion?

M. Stan Dromisky: Si je comprends bien, le seul élément dont nous pourrions débattre est le délai. Je n'ai pas de délai fixe à l'esprit, mais je voudrais que cette motion soit assortie au projet de loi. Autrement dit, nous traiterions de la motion au même moment où nous traiterons de cette partie du projet de loi, et c'est à ce moment-là que le comité va décider si nous devrions interdire le clonage ou non.

La présidente: Alors, vous voulez que nous prenions la décision quand nous traiterons de cette partie du projet de loi. Est-ce que c'est cela que vous voulez dire?

M. Stan Dromisky: C'est exact.

La présidente: Cette motion est recevable. Une motion visant à reporter une question ne peut pas faire l'objet d'un débat, donc nous allons la mettre aux voix tout de suite. Je demande le vote.

La motion dont nous sommes saisis vise à reporter l'étude de la question. Comme on ne peut en débattre, je ne peux donner la parole à personne.

[Français]

M. Réal Ménard: Ce n'est pas recevable, ça. Sur une question de directive, juste sur le sens de votre décision, on a une motion qui dit exactement le contraire de ce que vous nous proposez de faire, et vous déclarez recevable une motion que l'on avait acceptée et qui dit son contraire. Voulez-vous nous citer l'article du Règlement qui permet de dire cela?

[Traduction]

La présidente: Non, la motion originale a une intention. M. Dromisky n'a même pas parlé contre le fond de la motion originale. Il a parlé contre le moment choisi et il a suggéré qu'on la reporte. Mais selon le Règlement, une motion de report a préséance sur la motion dont nous sommes saisis et elle ne peut faire l'objet d'un débat. Il faut la soumettre au vote immédiatement. Donc je vais demander la mise aux voix. Ceux qui sont pour la motion de report, levez la main.

M. Rob Merrifield: J'invoque le Règlement.

[Français]

M. Réal Ménard: Quel est l'article où on voit ça?

[Traduction]

La présidente: Il y a un rappel au Règlement. Monsieur Merrifield.

M. Rob Merrifield: Je trouve à redire à votre déclaration voulant que le projet de loi concerne une action immédiate, et non pas le clonage reproducteur. Vous semblez dire que cela ne va pas à l'encontre, mais moi je vous suggère que cela va tout à fait à l'encontre de l'intention de la motion.

La présidente: Ça n'a aucune importance si cela va à l'encontre de la motion, parce que ça ne change pas le but de la motion. Une motion de report a son propre statut. On ne peut en débattre et il faut qu'elle soit soumise aux voix telle quelle. Le comité dit par le biais de cette motion qu'il ne veut pas traiter de sujet immédiatement, mais qu'il veut en discuter plus tard. C'est un point de vue parfaitement légitime pour un comité et une motion peut en découler.

M. Réal Ménard: Quel article? Nous voulons lire l'article, parce que nous n'aurons jamais de débat si le gouvernement dit que nous pourrons toujours avoir un débat par la suite.

[Français]

Qu'est-ce que ça donne de déposer une motion? Montrez-nous l'article à cet effet. Voyons donc, cela n'a pas de bon sens. On dépose une motion et on dit qu'il n'y aura pas de débat parce qu'on va la reporter. Il n'y aura jamais de débat en comité. Il y a un nom pour ceux qui ne veulent pas débattre en comité. Ce n'est pas normal, ça. Montrez-le moi.

[Traduction]

La présidente: On me conteste essentiellement en disant que la motion de report n'a pas préséance. Le greffier n'a pas son règlement avec lui.

[Français]

M. Réal Ménard: Madame la présidente, on ne peut pas accepter ce genre de façon de faire. Pensez-y un instant. On peut rejeter la motion. Le gouvernement peut utiliser sa majorité pour rejeter la motion, mais on ne peut pas...

• 1300

Madame la présidente, est-ce que vous convenez avec nous qu'il n'est pas possible, dans le cadre du fonctionnement normal d'un comité, qu'on décide de reporter une motion. Dans ce cas, il n'y aura jamais de débat. Donnez-nous l'article. On va étudier cela.

[Traduction]

La présidente: Selon mes souvenirs du Règlement, une motion de report a préséance. Elle est soumise au vote immédiatement; il n'y a pas de débat. M. Ménard se souvient d'une autre règle, et le greffier n'a pas son règlement avec lui. Je crois qu'au début de la prochaine réunion, le greffier nous lira la règle, ce qui nous permettra de savoir quoi faire.

Par conséquent, nous allons traiter de cette question au début de la prochaine réunion. La séance est levée.

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