HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 17 avril 2002
¹ | 1540 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
M. Alan Bernstein (président, Instituts de recherche en santé du Canada) |
¹ | 1545 |
La présidente |
M. Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
¹ | 1550 |
M. Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
¹ | 1555 |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ) |
º | 1600 |
M. Alan Bernstein |
Mme Pauline Picard |
M. Alan Bernstein |
Mme Pauline Picard |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.) |
º | 1605 |
M. Alan Bernstein |
M. Reg Alcock |
M. Alan Bernstein |
M. Reg Alcock |
º | 1610 |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
º | 1615 |
La présidente |
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.) |
M. Alan Bernstein |
Mme Judy Sgro |
M. Alan Bernstein |
Mme Judy Sgro |
M. Alan Bernstein |
Mme Judy Sgro |
M. Alan Bernstein |
Mme Judy Sgro |
º | 1620 |
La présidente |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay--Atikokan, Lib.) |
M. Alan Bernstein |
M. Stan Dromisky |
M. Alan Bernstein |
M. Stan Dromisky |
M. Alan Bernstein |
M. Stan Dromisky |
M. Alan Bernstein |
M. Stan Dromisky |
La présidente |
M. Anderson (Cypress Hills--Grasslands) |
M. Alan Bernstein |
º | 1625 |
M. David Anderson |
M. Alan Bernstein |
M. David Anderson |
M. Alan Bernstein |
M. David Anderson |
La présidente |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
º | 1630 |
M. Alan Bernstein |
º | 1635 |
Le président |
Mme Wasylycia-Leis |
º | 1640 |
M. Alan Bernstein |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
M. Alan Bernstein |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
La présidente |
M. Jeannot Castonguay (Madawaska--Restigouche, Lib.) |
º | 1645 |
M. Alan Bernstein |
M. Jeannot Castonguay |
La présidente |
M. David Anderson |
Le président |
M. Jeannot Castonguay |
M. Alan Bernstein |
º | 1650 |
La présidente |
Mme Pauline Picard |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.) |
º | 1655 |
M. Alan Bernstein |
Mme Hélène Scherrer |
La présidente |
Une voix |
La présidente |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
» | 1700 |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
» | 1705 |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
» | 1710 |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
M. Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Paul Szabo |
M. Alan Bernstein |
M. Paul Szabo |
La présidente |
M. Paul Szabo |
La présidente |
M. Paul Szabo |
M. Alan Bernstein |
» | 1715 |
M. Paul Szabo |
M. Alan Bernstein |
M. Paul Szabo |
M. Alan Bernstein |
M. Paul Szabo |
M. Alan Bernstein |
M. Paul Szabo |
La présidente |
M. Paul Szabo |
La présidente |
M. Paul Szabo |
M. Alan Bernstein |
M. Paul Szabo |
M. Alan Bernstein |
» | 1720 |
La présidente |
Mme Carol Skelton (Saskatoon--Rosetown--Biggar, Alliance canadienne) |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
M. Alan Bernstein |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 17 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs. J'ai grand plaisir de déclarer ouverte cette séance spéciale du Comité permanent de la santé et de souhaiter la bienvenue en votre nom à M. Alan Bernstein, président des Instituts de recherche en santé du Canada. Je crois savoir que M. Bernstein a une déclaration à faire. Lorsqu'il aura terminé, nous passerons donc aux questions des membres du comité.
Monsieur Bernstein, vous avez la parole.
M. Alan Bernstein (président, Instituts de recherche en santé du Canada): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité.
[Français]
Merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité afin de parler des lignes directrices des IRSC pour le financement de toute la recherche sur les cellules souches pluripotentes humaines, c'est-à-dire adultes et embryonnaires.
[Traduction]
Lorsque les IRSC ont été créés par le Parlement il y a deux ans, les députés de la Chambre ont dit qu'ils voyaient l'organisme comme une structure proactive, stratégique, qui serait plus qu'un simple organisme de financement... un organisme qui—je cite la loi—:
excelle, selon les normes d'excellence scientifique reconnues à l'échelle internationale, dans la création de nouvelles connaissances qui permettront, par leur application, d'améliorer la santé de la population canadienne par |
(f) la prise de mesures à l'égard des nouvelles menaces pour la santé et des nouvelles possibilités dans le domaine de la santé, et l'accélération de la découverte de remèdes et traitements... |
De plus, le Parlement a insisté sur le fait que les IRSC devaient tenir compte des questions d'ordre éthique.
Les IRSC se sont attaqués à ce mandat au cours de leur brève histoire.
Par exemple, nous avons lancé des initiatives nationales dans une vaste gamme de domaines, dont la biosécurité, la salubrité des aliments et de l'eau, le tabagisme, l'utilisation de placebos dans les essais cliniques, les erreurs commises dans les hôpitaux canadiens, l'obésité, l'ostéoarthrite, la formation de la prochaine génération de chercheurs en santé, le renforcement de la capacité de recherche dans toutes les régions du Canada et les cellules souches.
Les IRSC ont rendu compte au Parlement de leur première année d'activité par plusieurs présentations à des comités permanents de la Chambre des communes et par le dépôt de leur premier rapport annuel le 6 février 2002.
De nombreux députés connaissent bien les activités des IRSC et ont indiqué qu'ils appuyaient les décisions de l'organisme. Nous avons eu le plaisir de participer avec eux à certaines de nos annonces de financement. Nous continuons de vous être reconnaissants dans l'exécution de notre mandat.
Le conseil d'administration des IRSC reconnaît l'importance de réaliser son mandat en respectant les lois et règlements du pays. Dans le cas de la recherche sur les cellules souches—un domaine de recherche prometteur à la fine pointe de la science—, nous nous sommes trouvés devant un vide juridique.
Jusqu'ici, les IRSC ont surtout financé des recherches sur les cellules souches animales ou adultes. Depuis plus de 40 ans, le Canada est l'un des principaux pays au monde pour la recherche sur les cellules souches. Au cours des cinq dernières années seulement, des chercheurs canadiens comme Derek van der Kooy, Sam Weiss, John Dick, Keith Humphries, Andras Nagy, Janet Rossant et Freda Miller ont été de véritables pionniers de la recherche sur les cellules souches dans la rétine, le cerveau, le sang, l'embryon de souris et la peau adulte.
Je voudrais maintenant, si vous le permettez, passer en revue le cadre réglementaire canadien avant la mise en oeuvre par les IRSC de leurs lignes directrices pour la recherche sur les cellules souches pluripotentes humaines.
Il est important de savoir que la recherche sur l'embryon humain était explicitement permise au Canada. Avant le 4 mars 2002, les chercheurs dans le domaine au Canada se fondaient sur les dispositions de l'Énoncé de politique des trois conseils: Éthique de la recherche avec les êtres humains, lequel avait été approuvé par les trois conseils subventionnaires du Canada en 1998, soit deux ans avant la création des IRSC.
En ce qui concerne la recherche sur les embryons humains, l'article 9.4 prévoit, et je cite:
Du point de vue éthique, il est inacceptable de créer des embryons humains uniquement à des fins de recherche. Cependant, la recherche avec des embryons peut être acceptable sur le plan éthique lorsque des embryons humains créés à des fins de reproduction ne seront par la suite plus utilisés à cette fin... |
Bref, vu l'absence de loi fédérale ou de lignes directrices des IRSC, rien n'empêchait d'obtenir et d'utiliser des cellules souches humaines à des fins de recherche.
La communauté de recherche en santé et le secteur bénévole au Canada ont reconnu le potentiel des cellules souches pour le traitement de maladies graves qui touchent des millions de Canadiens. En effet, depuis les années 60, comme je l'ai dit, le Canada est l'un des premiers pays au monde pour la recherche sur les cellules souches.
Conformément à notre mandat d'entreprendre des recherches à l'intérieur d'un cadre éthique et compte tenu du régime réglementaire actuel qui permettrait à la recherche sur des cellules souches provenant d'embryons humains de se poursuivre sans lignes directrices spéciales, le conseil d'administration des IRSC a créé un groupe de travail en octobre 2000 pour établir des lignes directrices claires par un processus ouvert et transparent. Ce groupe était formé de Canadiens remarquables, entre autres des chercheurs, des cliniciens, des éthiciens et des juristes. En faisaient également partie la professeure Ann McLaren, une des plus grandes spécialistes de l'embryologie au monde qui est aussi conseillère du gouvernement du Royaume-Uni en matière de recherche sur les cellules souches, de même que deux observateurs de Santé Canada.
Le groupe de travail était présidé par Janet Rossant, chercheur distingué au sein des IRSC, membre de la Société royale du Canada et titulaire de la récompense Nobel décernée par l'Institut national du cancer du Canada et de la médaille McLaughlin décernée par la Société royale du Canada. Des lignes directrices provisoires ont été rendues publiques le 31 mars 2001, et ont été suivies de plusieurs mois de consultations publiques. Une rétroaction a été reçue de 27 groupes et de 89 personnes.
À sa réunion du 16 janvier 2002, le conseil d'administration a reçu les recommandations finales du groupe de travail et a approuvé un ensemble de lignes directrices. Ces lignes directrices ont été rendues publiques le 4 mars.
Je voudrais insister sur le fait que les lignes directrices sont une étape nécessaire qui vise à combler un vide législatif et réglementaire au Canada. Une nouvelle loi aurait évidemment priorité là où elle recouperait les lignes directrices. Entre-temps, les lignes directrices procurent un cadre éthique harmonisé au niveau national pour la recherche qui serait permise en vertu de l'Énoncé de politique des trois conseils. De plus, les lignes directrices de IRSC faciliteront l'acceptation d'une loi fédérale par les chercheurs ainsi que la transition vers un cadre réglementaire.
J'aimerais souligner aussi que les IRSC n'ont pas travaillé isolément. Des membres du groupe de travail, notamment Mmes Rossant et Baylis, ont aidé Santé Canada pour les aspects pertinents du projet de loi. Mmes Rossant et Baylis, Mme Leroux—directrice de notre bureau de la déontologie—et moi-même avons comparu à votre comité l'automne dernier. Lorsque le ministre de la Santé a présenté le projet de loi en mai 2001, Mme Baylis a participé à la conférence de presse, où elle a insisté une fois de plus sur le fait que les lignes directrices provisoires des IRSC et le projet de loi étaient en harmonie pour ce qui est de la recherche embryonnaire.
Nous avons demandé et obtenu l'appui des organismes de financement provinciaux et des organismes bénévoles nationaux dans le domaine de la santé. Nombre d'entre eux ont accepté d'adhérer aux lignes directrices des IRSC, et d'autres sont en train d'obtenir l'appui de leur conseil.
En terminant, madame la présidente, j'aimerais attirer l'attention sur plusieurs points.
Premièrement, les lignes directrices s'appliquent seulement à la recherche que nous finançons. Seule une loi peut régir et régira la recherche dans le secteur privé.
Deuxièmement, il importe que le comité permanent reconnaisse que les lignes directrices des IRSC ne changent pas réellement la portée de la recherche sur les embryons humains actuellement permise en vertu de l'Énoncé de politique des trois conseils, que j'ai précédemment cité. En réalité, les lignes directrices restreignent encore ce que permet l'Énoncé de politique des trois conseils, en clarifiant des exigences particulières en ce qui concerne le consentement éclairé et les mécanismes visant à minimiser le risque de coercition; en ajoutant un nouveau comité de surveillance de la recherche sur les cellules souches; en exigeant la création d'un registre ouvert des lignées de cellules souches; et en interdisant la création de certains hybrides humains-animaux et chimères.
Troisièmement, je voudrais donner aux membres du comité l'assurance que, vu le temps nécessaire pour mettre sur pied un comité de surveillance et préparer les comités d'éthique de la recherche des universités, et vu nos cycles de financement normaux, aucuns fonds nouveaux pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ne seront remis aux chercheurs avant avril 2003.
Quatrièmement, le Canada, comme d'autres pays industrialisés, a pris des mesures pour s'attaquer à la question très difficile et complexe de la recherche sur les cellules souches. Le processus législatif et les lignes directrices élaborées par la communauté scientifique, juridique et éthique, sous les auspices des IRSC, sont très en harmonie. De plus, les provinces et la plupart des organismes de bienfaisance au Canada ont indiqué qu'ils souscrivaient de plein gré aux lignes directrices et qu'ils les appliqueraient. Donc, les législateurs fédéraux, la communauté scientifique et éthique, et les organismes de financement fédéraux, provinciaux et bénévoles sont sur la même longueur d'onde. Au niveau international, les lignes directrices sont vues comme une solution mitoyenne responsable qui permettra à d'importantes recherches d'avoir lieu dans un cadre éthique.
Enfin, je voudrais rappeler que les lignes directrices des IRSC vont dans le sens du processus parlementaire et le renforcent en offrant une solution provisoire qui est conforme au projet de loi sur la reproduction humaine assistée, sauf qu'elles sont plus restrictives en ce qui concerne l'utilisation de chimères. Les lignes directrices restreignent la recherche sur les embryons humains, comblent des vides dans l'Énoncé de politique des trois conseils et permettent à la recherche prometteuse d'avoir lieu dans un cadre éthique et réglementaire strict.
Madame la présidente, je suis ici à la demande du comité et je répondrai avec plaisir à toutes les questions sur le sujet.
Merci.
¹ (1545)
La présidente: Je vous remercie, monsieur Bernstein.
Nous allons procéder de la façon normale. M. Merrifield va poser la première question.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): J'aimerais vous remercier de votre présence et j'aimerais aussi remercier le comité de vous avoir invité. Nous voulons vous poser de très importantes questions au nom des Canadiens.
Je comprends la frustration que vous ressentez à titre de scientifique. En 1993, la commission royale n'a pas proposé de mesures législatives portant sur ces importantes questions liées à la recherche scientifique. Si je ne m'abuse, le projet de loi C-47 est mort au Feuilleton au grand dam de la plupart des parlementaires. Nous attendons toujours un projet de loi.
Comme vous voulez poursuivre vos recherches, je comprends que vous vouliez proposer des lignes directrices. Je suis cependant complètement sidéré que vous ayez décidé de trancher une question qui fait l'objet d'un débat au sein du pays depuis 10 ans. Vous proposez maintenant des lignes directrices qui ne reflètent peut-être pas la volonté des Canadiens et vous avez ce faisant contourné le processus parlementaire.
J'aimerais d'abord savoir si la ministre de la Santé savait que vous alliez présenter des lignes directrices le 4 mars?
M. Alan Bernstein: J'ai rencontré la ministre le 30 janvier dans le but surtout de discuter officieusement avec elle des IRSC. Comme vous le savez, elle venait d'entrer en fonction. Par courtoisie, je lui ai dit que le conseil avait approuvé deux semaines auparavant un ensemble de lignes directrices qui seraient très bientôt rendues publiques.
M. Rob Merrifield: Elle était donc au courant.
M. Alan Bernstein: Elle était au courant. Je ne lui ai pas demandé son approbation. Par courtoisie, je l'ai informée de la situation.
¹ (1550)
M. Rob Merrifield: Elle savait cependant en quoi consisteraient ces lignes directrices.
M. Alan Bernstein: Je lui ai expliqué la portée générale de ces lignes directrices. Je lui ai dit qu'elles cadraient dans l'ensemble avec le projet de loi bien que pas à tous les égards.
Nos lignes directrices sont en fait un peu plus contraignantes que certaines parties du projet de loi en ce qui touche notamment la création d'hybrides et de chimères provenant de cellules animales et humaines. Pour le reste, elles suivent d'assez près le projet de loi.
M. Rob Merrifield: Ce que vous dites au sujet du projet de loi est très intéressant. En décembre, après neuf mois de travaux intenses et après avoir écouté des témoins comme vous-même et d'autres témoins de tout le Canada et du monde entier, le comité a produit un rapport majoritaire et un rapport minoritaire présentant ses conclusions quant à la façon d'améliorer le projet de loi. Il est intéressant que vous nous disiez que vous ne vouliez pas suivre ces lignes directrices et que vous vouliez revenir au projet initial. Pourquoi avez-vous pris cette décision?
M. Alan Bernstein: Permettez-moi de revenir sur un point important que vous avez abordé au début de votre intervention, monsieur Merrifield. Avant octobre 2000, il y avait un vide dans la réglementation. Le seul texte régissant la recherche sur les embryons humains effectuée après avoir obtenu le consentement éclairé des parties visées était l'Énoncé de politique des trois conseils sur l'éthique de la recherche avec les êtres humains. Cela me préoccupait ainsi que le conseil.
En octobre, ce comité a entamé ses travaux avec mon appui. Le comité devait proposer des lignes directrices en prévision de l'adoption d'une loi. J'aimerais souligner au comité qu'au lieu d'ouvrir la porte à la recherche sur les cellules souches provenant d'embryons humains—porte qu'avait déjà ouverte l'Énoncé des politique des trois conseils—, nous avons fait presque le contraire. Nous avons restreint encore davantage le type de recherche que les scientifiques canadiens peuvent mener sur les embryons humains dans le but de produire des cellules souches. Nous avons considéré qu'il s'agissait d'une solution provisoire. Il s'agissait de combler un vide en attendant l'adoption d'une loi.
J'aimerais aussi souligner le fait qu'il n'existait pas de frustration au sein des chercheurs et qu'ils ne demandaient pas qu'on règle le problème à la hâte. J'ai estimé qu'il appartenait au conseil de proposer des lignes directrices conformes à la loi étant donné que le seul document de référence qui existe à l'heure actuelle est l'Énoncé de politique des trois conseils.
J'espère avoir clarifié la situation.
M. Rob Merrifield: Vous l'avez clarifiée, mais vous avez dit que vous ne ressentiez pas de frustration. Je vous assure cependant que moi j'en ressens comme parlementaire. Je suis complètement horrifié de voir que vous pensez être en droit de prendre une décision comme celle-là. Il s'agit de la plus importante décision éthique que nous aurons à prendre comme législateurs. Vous avez contourné le processus parlementaire en proposant ces lignes directrices avant le dépôt d'un projet de loi à la Chambre.
À titre de parlementaire, nous représentons nos électeurs. Comme législateurs, nous devons tenir compte de la volonté de nos électeurs. J'ai trouvé très intéressant de vous entendre dire que vous collaborez étroitement avec le gouvernement fédéral dans le domaine législatif. Ce sont nous qui adoptons les lois. Je n'ai pas l'impression que nous avons collaboré étroitement avec vous. Vous avez contourné le processus parlementaire et du même fait la volonté des Canadiens.
Vous avez dit que l'effet des lignes directrices ne se ferait pas sentir sur le financement des projets avant l'an prochain. Vous rendez-vous compte que Genome Canada a adopté vos lignes directrices et finance maintenant ce type de recherche depuis la semaine dernière?
M. Alan Bernstein: Pourrais-je répliquer à cette dernière intervention? L'exemple de Genome Canada que vous venez de donner est un exemple parfait qui explique pourquoi ces lignes directrices sont si importantes. Permettez-moi de vous en dire davantage.
En l'absence de nos lignes directrices, les seules lignes directrices qui existaient jusqu'ici étaient l'énoncé de politique des trois conseils. En vertu de cet énoncé de politique, la recherche sur les embryons est permise pourvu qu'il y ait consentement éclairé des personnes intéressées. Cette recherche est donc permise en vertu des seules lignes directrices qui existent à l'heure actuelle.
Ce type de recherche n'est plus permis en vertu de nos lignes directrices. Le comité de surveillance de la recherche sur les cellules souches que nous avons proposé n'est pas encore en place. Le comité n'a pas encore eu l'occasion d'étudier cette demande et de l'approuver ou de la rejeter. Entre-temps, nous attendons toujours un projet de loi.
J'aimerais donc insister sur le fait que nous n'établissons pas une politique. La politique permettant la recherche sur les embryons humains a été adoptée il y a deux ans avant la création des ICRS. Il s'agit de l'Énoncé de politique des trois conseils. Les politiques actuelles au Canada permettent la recherche qui est financée par les ICRS et maintenant par Genome Canada.
Genome Canada est donc le parfait exemple qui explique pourquoi ces lignes directrices sont tellement importantes. Elles permettront maintenant d'interdire des recherches qui étaient auparavant permises.
M. Rob Merrifield: Vous n'avez pas à me convaincre de l'importance des lignes directrices. Vous devez me convaincre que vous n'avez pas contourné le processus politique en proposant ces lignes directrices. Il appartient au Parlement, c'est-à-dire aux législateurs de ce pays, de se prononcer sur les questions éthiques au nom des Canadiens et vous avez contourné ce processus.
Lorsque vous avez comparu devant nous l'automne dernier, nous vous avons demandé au sujet du comité de réglementation que les ICRS ont créé s'il importait surtout qu'il soit indépendant, qu'il soit compétent au point de vue technique ou qu'il soit obligé de rendre des comptes. La réponse que vous avez donnée à cette question était très intéressante. Vous avez dit que ce qui importait surtout pour ce comité, et je vous cite maintenant textuellement, c'est ceci: «Ma réponse va peut-être vous surprendre, mais je pense que ce qui importe surtout c'est qu'il ait la confiance du public».
M. Alan Bernstein: Tout à fait.
M. Rob Merrifield: Bien que vous attachiez une telle importance à la confiance publique, vous avez contourné le processus législatif. Lors de votre dernière comparution, vous nous avez expliqué que les ICRS ne pouvaient pas jouer un rôle réglementaire parce que l'organisme qui finance la recherche ne devrait pas être aussi celui qui la réglemente. Or, c'est exactement ce que proposent vos lignes directrices.
Je suis complètement consterné au nom des Canadiens. Je crois qu'ils sont horrifiés de ne pas pouvoir se prononcer sur cette importante question. Vous avez constitué un organisme de réglementation qui n'a pas obtenu la confiance des Canadiens. Soit les scientifiques ont décidé de prendre eux-mêmes les choses en main, soit la ministre se sert de vous pour susciter un débat public sur cette question de façon détournée.
Je pense que c'est plutôt la deuxième hypothèse que je formule qui est la bonne. J'aimerais cependant connaître votre point de vue là-dessus.
¹ (1555)
M. Alan Bernstein: Ce n'est certainement pas la bonne hypothèse. Je maintiens ce que j'ai dit plus tôt, à savoir que la confiance du public est très importante.
Je considère la création du comité de surveillance et l'adoption des lignes directrices comme une mesure provisoire nécessaire jusqu'à ce qu'une loi soit adoptée. Les lignes directrices font aussi ressortir exactement le problème que vous soulevez, monsieur Merrifield, c'est-à-dire que nous finançons la recherche et nous la réglementons également. Il s'agit dans une certaine mesure d'un conflit d'intérêts, mais ce sont des lignes directrices provisoires.
Pour ce qui est de la prochaine étape, le comité et le conseil ont recommandé que Santé Canada constitue un organisme permanent. Quelle que soit la réglementation qui accompagnera le projet de loi, cette réglementation primera sur le comité de surveillance de la recherche sur les cellules souches dont la création est prévue dans nos lignes directrices.
Il s'agit donc de mesures provisoires pour combler le vide réglementaire et législatif actuel.
M. Rob Merrifield: Pourquoi ne pouviez-vous pas attendre le dépôt du projet de loi qui est prévu dans un mois et demi?
M. Alan Bernstein: Revenons à l'exemple de Genome Canada que vous venez de donner. Il existe des chercheurs dans ce pays...
M. Rob Merrifield: Pourquoi Genome Canada ne pouvait-il pas attendre le dépôt du projet de loi?
M. Alan Bernstein: Cela aurait été difficile. Pourquoi auraient-ils attendu? L'Énoncé de politique des trois conseils permet cette recherche.
M. Rob Merrifield: Vous venez vous-même de dire que les lignes directrices n'entreront pas en vigueur avant 2003.
M. Alan Bernstein: C'est une question d'échéance. Il ne faudrait pas oublier qu'il y a de nombreux Canadiens qui sont très favorables à cette recherche, notamment les personnes atteintes de diabète, celles qui ont subi un traumatisme médulaire et les personnes qui souffrent de sclérose en plaques et de maladies coronariennes. La question est très difficile parce qu'il faut tenir compte de divers points de vue.
M. Rob Merrifield: Très bien. J'attendrai le tour suivant pour vous poser d'autres questions.
La présidente: Je vous remercie, monsieur Merrifield.
Madame Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci, madame la présidente.
Monsieur Bernstein, avant de vous donner des lignes directrices, est-ce que vous aviez déjà commencé des recherches sur les cellules souches embryonnaires? Est-ce que vous avez déjà fait des recherches? Depuis deux ans, depuis la création des instituts, est-ce que de la recherche a été faite sur les cellules souches embryonnaires?
º (1600)
[Traduction]
M. Alan Bernstein: Nous finançons actuellement trois projets de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires qui ont été produites aux États-Unis et importées au Canada. Ces projets ont été financés avant la présentation des lignes directrices des ICRS et ils iront de l'avant. Ce type de projets devront dorénavant être examinés par le comité de surveillance.
[Français]
Mme Pauline Picard: Ces lignes directrices ont quelle valeur? Maintenant, ça vous donne quoi? Que vous ayez établi des lignes directrices, est-ce que cela vous a donné bonne conscience quant au droit de financer cette recherche? Quelles sont, en réalité, les valeurs de ces lignes directrices? Est-ce que c'est légal, moral ou si ce sont seulement des voeux pieux pour vous donner le droit de financer la recherche, puisque avant les lignes directrices, vous faisiez la recherche quand même?
[Traduction]
M. Alan Bernstein: Avant le dépôt de ces lignes directrices, le seul cadre réglementaire qui s'appliquait était l'Énoncé de politique des trois conseils. À cet énoncé s'ajouteront maintenant les lignes directrices portant sur les recherches sur les cellules souches des ICRS ainsi que la loi losrqu'elle aura été adoptée.
Pour ce qui est des lignes directrices, le Parlement nous a confié comme mandat de veiller à ce que la recherche que nous finançons soit régie par un cadre ouvert, transparent et éthique. Nos lignes directrices, qui complètent l'Énoncé de politique des trois conseils, restreignent encore davantage les recherches qui peuvent être faites. En l'absence d'une loi, le comité de surveillance sur les recherches portant sur les cellules souches pourra approuver ou rejeter toute proposition de recherche si elle n'est pas conforme aux lignes directrices des ICRS.
Je me répète, mais je crois qu'il s'agit d'une étape nécessaire. Les lignes directrices comblent le vide juridique qui existe actuellement au Canada.
[Français]
Mme Pauline Picard: Monsieur Bernstein, vous saviez que le comité faisait une étude. Un avant-projet de loi a été déposé en comité. Vous saviez que ça faisait déjà un bon bout de temps qu'on travaillait là-dessus. Vous êtes venu témoigner vous-même. Vous nous avec donné votre point de vue. Pourquoi avez-vous agi sans demander l'avis du comité?
Vous connaissiez aussi ce que le comité pensait de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Vous saviez qu'on en faisait un point assez critique parce que cela pose des problèmes d'éthique. Cela pose plusieurs problèmes. On sait aussi que la population en général n'est pas favorable à soutenir la recherche sur les cellules souches embryonnaires maintenant qu'on sait que la recherche sur les cellules souches adultes ne crée pas autant de problèmes et pourrait être aussi efficace.
Pourquoi avez-vous agi sans demander l'avis du comité?
[Traduction]
M. Alan Bernstein: Permettez-moi de répondre en deux volets. En premier lieu, dans son ensemble, le processus auquel ont participé les IRSC était ouvert et transparent. J'ai comparu devant votre comité, aussi bien que le président de notre groupe de travail. Nous avons très bien expliqué au comité ce que nous faisions, ainsi que notre calendrier dans ses grandes lignes et notre intention d'aller de l'avant. Il me semblait très important pour nous de combler une lacune et d'établir un cadre qui garantirait le caractère éthique de toute recherche concernant les cellules souches.
J'aimerais également aborder brièvement la question de l'utilisation de cellules souches adultes plutôt que foetales. Je sais en effet que le comité a entendu plusieurs témoins lui dire que les cellules souches adultes pouvaient être extrêmement prometteuses. Bien entendu, notre groupe de travail a étudié la question. Ceux qui ont affirmé initialement que les cellules souches adultes étaient pratiquement aussi intéressantes que les cellules embryonnaires ont été accueillis avec beaucoup de scepticisme.
À cet égard, j'ai apporté quelques exemplaires de documents qui pourront intéresser le comité, madame la présidente. Il s'agit de rapports récents contenus dans les revues Nature et Nature Medicine, de celui d'un groupe de Toronto et d'un texte d'un non-spécialiste publié dans The Economist il y a deux semaines. Ils suscitent clairement certains doutes concernant la valeur des cellules souches adultes et les résultats prometteurs qu'on en attendait au départ. Il s'agit d'un domaine fort complexe où rien n'est noir ou blanc, mais il ressort clairement que, pour le moment, les cellules souches embryonnaires sont celles dont les vertus curatives sont les plus prometteuses pour les maladies dont nous parlons.
La présidente: Merci, madame Picard.
Docteur Alcock.
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Je vous prie de cesser de m'appeler «docteur» Alcock; voilà qui ternit mon image campagnarde.
Permettez-moi de revenir un peu en arrière. Au cinquième point de vos commentaires, monsieur Bernstein, vous avez déclaré que bon nombre de députés connaissent les activités des IRSC et ont soutenu les décisions de cet organisme. Je suis du nombre. J'ai participé aux activités de suivi et aux rencontres concernant la création de la fondation et vos travaux. J'estime qu'il s'agit de travaux extrêmement importants.
Je tiens à prendre mes distances par rapport à M. Merrifield et certaines des inquiétudes que lui et d'autres ont soulevées ici, notamment au sujet des cellules souches embryonnaires et des questions connexes. Cependant, je suis tout aussi attristé et déçu que lui par vous-même et les IRSC.
J'ai déjà comparé le fait d'intervenir en matière de politique sociale à celui de changer les pneus d'une automobile en marche. Évidemment, la société doit fonctionner et aller de l'avant. Il faut bien que des choses se passent puisque nous vivons dans un monde réel qui nous oblige à réagir constamment. J'ai rarement vu toutefois au cours de mon expérience parlementaire un comité devoir composer avec un enjeu si complexe, qui fait intervenir certaines des questions les plus difficiles et épineuses jamais abordées par les Canadiens, et aboutir à un consensus. Ce consensus—à savoir que ce qui est possible n'est pas nécessairement souhaitable, et qu'il importe de maintenir un rapport entre le progrès scientifique et ce qui fait consensus pour l'ensemble d'une société—s'est imposé avec vigueur à un moment donné.
Je ne suis pas moi-même attristé par les lignes directrices que vous avez formulées. Cependant, je suis extrêmement déçu à votre égard et à l'égard du conseil du fait que vous présumez des résultats du processus législatif. Je ne vois rien d'autre ici qu'une tentative de débordement du processus que mène actuellement le gouvernement et je suis profondément déçu de vous voir agir de la sorte. Vous auriez pu attendre quelques mois de plus; vous avez déjà attendu fort longtemps et vous auriez pu faire preuve d'un peu plus de patience. Je suis cependant convaincu que d'autres motifs expliquent la situation, et vous m'en voyez atterré.
Permettez-moi de vous poser une question. Je me suis laissé dire—sans savoir si cela était vrai puisque je n'ai pas téléphoné pour le confirmer—que deux membres du personnel du ministère de la Santé avaient été détachés auprès des IRSC ou collaboraient avec l'organisme à la rédaction des lignes directrices dont il est question. Est-ce vrai?
º (1605)
M. Alan Bernstein: Pour répondre à votre question, deux observateurs de Santé Canada participent à notre groupe de travail depuis sa formation en octobre 2000.
Est-ce que je pourrais aussi répondre au commentaire que vous avez fait tout à l'heure?
M. Reg Alcock: Bien sûr.
M. Alan Bernstein: Bien sûr, j'ai été déçu de vos propos, monsieur Alcock. Permettez-moi de souligner une fois de plus au comité que nous n'avons pas défini de politique. Je suis absolument convaincu que ce n'est pas notre rôle. Définir la politique gouvernementale serait, par exemple, d'affirmer que la recherche sur des embryons humains est acceptable.
Le mandat que j'ai donné au groupe de travail, et celui qui oriente l'activité d'IRSC, reposait sur la politique gouvernementale actuelle du Canada, qui permet les recherches sur des embryons humains. Cela étant, nous avons besoin de règles précises pour ce qui concerne les recherches sur les cellules souches. Si nous avions été les premiers à affirmer que les recherches sur des embryons humains sont acceptables, nous nous serions trouvés à définir la politique gouvernementale, ce qui n'aurait pas été approprié. Voilà sans contredit le rôle qui incombe au comité et au législateur.
Je sais que je me répète, mais il y a des choses qui méritent d'être répétées. L'annonce faite par les responsables de Génome Canada l'autre jour en est un bon exemple. Je craignais que certains chercheurs dont les travaux sont actuellement subventionnés au Canada, soit par des organismes gouvernementaux comme Génome Canada ou par d'autres sources, aient l'intention de mener des recherches sur des cellules souches embryonnaires. Ils ont le droit de le faire en ce moment en vertu de L'Énoncé de politique des trois conseils. Rien ne les empêchait d'aller de l'avant. Mais maintenant, les lignes directrices d'IRSC ne leur permettront plus d'effectuer de telles recherches tant qu'un comité de surveillance n'aura pas été établi ou qu'un règlement n'aura pas été adopté.
Je suis tout à fait d'accord avec tout ce que vous avez dit, sauf la conclusion que vous tirez. Je ne crois pas que nous établissons la politique gouvernementale. Nous définissons des lignes de conduite s'appliquant aux recherches que nous subventionnons.
M. Reg Alcock: Mais vous ne présentez pas cette ligne de conduite comme un choix. Vous affirmez que vous n'aviez pas le choix, qu'il fallait faire quelque chose, alors que vous aviez d'autres options. Vous auriez pu simplement expliquer qu'étant donné l'intention du gouvernement de présenter un projet de loi à ce sujet au cours des mois à venir, vous mettiez cette question en veilleuse tant que le gouvernement n'aurait pas fait connaître ses intentions. Voilà une autre voie que vous auriez pu emprunter.
Quant à Génome Canada, le comité convoquera ses représentants et en traitera séparément. J'ai les mêmes préoccupations à son sujet.
J'aimerais revenir aux deux fonctionnaires du ministère de la Santé. Ont-ils participé à la rédaction des lignes directrices que vous avez publiées?
M. Alan Bernstein: C'étaient des observateurs.
M. Reg Alcock: D'accord. S'agit-il des mêmes fonctionnaires qui seront chargés de rédiger le projet de loi pour le ministère de la Santé?
M. Alan Bernstein: En réalité, je l'ignore.
M. Reg Alcock: Personnellement, je répugne à montrer des fonctionnaires du doigt. Je pense qu'ils méritent une certaine protection contre les abus des parlementaires, mais je vous demanderais de transmettre leurs noms à la présidente en privé et nous obtiendrons les renseignements nécessaires au ministère même.
Merci beaucoup.
º (1610)
La présidente: Merci, monsieur Alcock.
Je donne de nouveau la parole à M. Merrifield.
M. Rob Merrifield: Je voudrais revenir sur ce que vous disiez à propos de la moralité et du travail long et ardu de ce comité. Avant de parler de la moralité du comité, je dois rappeler qu'il n'était pas représentatif au moment où il a été constitué. Il y siégeait des gens qui entretenaient un préjugé favorable à l'égard de la recherche sur les cellules souches embryonnaires et tout n'était pas ouvert ni transparent. Pourtant, vous affirmez que ceux-là mêmes devraient en établir les principes d'éthique.
J'ai du mal à distinguer exactement quand et comment ces membres du comité ont élaboré les principes d'éthique, surtout quand on songe qu'un avant-projet de loi a été examiné seul sans que le comité permanent n'aborde quoi que ce soit au-delà. Notre rapport été déposé en décembre, ce qui donnait à votre comité tout le temps nécessaire de l'étudier avant d'élaborer les lignes directrices que vous avez annoncées en mars. Je suis estomaqué. Je me dis que les scientifiques s'emballent ou que la ministre est en train de fomenter un coup fourré.
Revenons là-dessus. Quand vous êtes allé voir la ministre, que vous lui avez dit que vous alliez proposer ce projet de loi, que vous a-t-elle dit? Vous a-t-elle donné son approbation ou non?
M. Alan Bernstein: Je n'ai pas demandé son approbation. Cela n'aurait pas été convenable. Je lui ai dit qu'il y avait une question de...
M. Bob Merrifield: Cela n'aurait pas été convenable?
M. Alan Bernstein: Nous sommes un organisme indépendant qui rendait compte au Parlement directement par l'intermédiaire de la ministre. Je ne suis pas sûr de m'être bien exprimé mais il n'aurait pas été convenable que je cherche l'approbation de la ministre, ou qu'elle me l'accorde ou me la refuse.
M. Rob Merrifield: Si elle désapprouvait ce que vous faites, que pensez-vous qu'elle ferait?
M. Alan Bernstein: C'est une question hypothétique.
M. Rob Merrifield: Exactement. Vous n'avez pas une petite idée?
M. Alan Bernstein: Non, pas vraiment.
M. Rob Merrifield: Vous dépensez des fonds publics, n'est-ce-pas?
M. Alan Bernstein: Les ICRS rendaient compte directement au Parlement.
M. Rob Merrifield: Par l'intermédiaire de la ministre.
M. Alan Bersntein: En effet, par l'intermédiaire de la ministre. Nous rendons compte de ce que nous faisons au Parlement.
M. Rob Merrifield: Je pense que cela explique ce qui se produirait si elle n'approuvait pas. Cela est très probant pour moi comme pour le comité.
C'est assez renversant. Vous avez dit qu'on était en présence d'une norme morale élevée. J'aimerais savoir sur quelle base vous fondez cette moralité. Où vous arrêtez-vous? Pourquoi avez-vous tranché de cette façon par rapport au projet de loi?
M. Alan Bernstein: Vous parlez de nos lignes directrices?
M. Rob Merrifield: Oui, pas du projet de loi, même si le résultat est le même.
M. Alan Bernstein: Le groupe de travail avait pour mandat de tenir compte de l'Énoncé de politique des trois conseils pour élaborer des lignes directrices. Le groupe de travail sur les cellules souches n'a pas abordé la question éthique d'une recherche à partir d'embryons humains. Ce rôle incombe au Parlement.
Le groupe de travail s'en est tenu aux lignes directrices actuelles, qui figurent dans l'Énoncé de politique des trois conseils. Il s'est prononcé sur les questions de consentement éclairé et d'éthique au niveau national pour que le processus soit harmonisé à l'échelle du pays. Le groupe de travail s'est penché sur la question des hybrides humains-animaux et des chimères. Il s'est penché sur la question d'un registre des cellules souches qu'on établirait pour qu'on ne crée pas sans nécessité des lignées de cellules souches à partir de nouveaux embryons. Cela permettrait de réduire au minimum le nombre d'embryons utilisés.
Cela a été fait délibérément pour les raisons que vous évoquez précisément, monsieur Merrifield. Si ce comité ou les ICRS avaient lancé une discussion interne sur la moralité de la recherche à partir d'embryons humains... C'est de toute évidence une politique publique très importante. Il n'appartient pas à l'ICRS de décider de cette politique. C'est aux Canadiens de le faire par l'intermédiaire des parlementaires.
M. Rob Merrifield: Soyons clairs. C'est la politique des trois conseils qui justifie cela?
M. Alan Bernstein: Oui.
M. Bob Merrifield: Cette politique court-circuite donc le Parlement. C'est un piètre argument.
M. Alan Bernstein: La politique des trois conseils date d'avant la création des ICRS. Cette politique avait reçu la bénédiction tacite ou explicite du Parlement, je ne sais plus. Ce sont les lignes directrices actuelles suivant lesquelles toute la recherche financée par le gouvernement fédéral se fait actuellement au pays.
M. Rob Merrifield: Je trouve votre argument de défense intéressant, mais selon moi il est inacceptable. Il n'y a pas d'excuse. Une décision aussi lourde de conséquences qui pourrait prendre la forme de mesures législatives, dans ce domaine-là, est une décision qui doit être prise par le Parlement, et les Canadiens doivent avoir l'occasion de s'exprimer.
º (1615)
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Madame Sgro.
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.
Monsieur Bernstein, je ne vais pas revenir sur les questions et les commentaires qu'on a entendus jusqu'à présent. Je pense que cela n'est que l'expression de notre propre frustration face à une question aussi épineuse.
Comment les lignes directrices que vous avez énoncées se démarquent-elles des éléments qui figurent dans notre avant-projet de loi? Y a-t-il une différence?
M. Alan Bernstein: Les unes et les autres s'inscrivent tout à fait dans la même logique. C'est l'expression que j'aime utiliser. Il y a une différence majeure cependant et je l'ai constatée non pas dans la mesure législative mais dans le rapport du comité. En effet le comité recommande dans son rapport de décembre que la recherche sur des cellules souches embryonnaires ne procède qu'à défaut d'une autre source. Je paraphrase la recommandation mais c'est à peu près cela. Nous n'avons pas repris cela dans nos lignes directrices.
Je comprends tout à fait ce qui motive cette recommandation. Je pense que les ICRS et le comité ont estimé qu'il appartenait aux parlementaires de se prononcer là-dessus. Vous vous faisiez l'écho des grands espoirs que l'on fondait sur les cellules souches adultes. Désormais, la communauté scientifique est très sceptique. Je vais vous laisser ces articles mais je pourrais vous en lire un extrait.
En outre, il y avait un problème de logique, car on se demande comment on peut prouver qu'il n'existe pas d'autre source possible. Cela dit, je pense que nos lignes directrices sont tout à fait dans le droit fil de l'avant-projet de loi.
Mme Judy Sgro: Je suis contente qu'il existe des lignes directrices. Quelqu'un les a établies.
Étant donné que cette question a été tellement épineuse pour le gouvernement, vous dites-vous... Vous n'êtes pas obligé de répondre à cette question mais je me rends compte que vous avez constaté à un moment donné un vide réglementaire. Je reviens un peu en arrière. Quand vous êtes-vous rendu compte qu'il existait un vide réglementaire et pourquoi est-ce en octobre 2000 que vous avez constitué le groupe de travail?
M. Alan Bernstein: L'ICRS a été créé le 7 juin 2000. Nous aurons bientôt deux ans. Le fait que le groupe de travail ait été constitué dans les quatre ou cinq premiers mois de l'existence des ICRS témoigne de l'importance que revêtait cette question. J'étais conscient des énormes promesses que comportaient les cellules souches pour une guérison éventuelle de maladies très graves, d'une part. D'autre part, il se posait des questions morales très réelles du fait que la recherche portait sur des embryons humains.
Il n'y avait pas d'avant-projet de loi à ce moment-là. Aucun comité permanent ne se penchait sur des mesures législatives. Nous avons cru très important de lancer un processus dès octobre 2000. Je pense que le comité que nous avons constitué a nourri le processus parlementaire grâce à des informations.
Je n'en ai rien dit dans mes remarques préliminaires mais je pense que le Canada doit s'enorgueillir de ce qui se passe ici. Le processus est ici pluraliste, mais il y a une grande imbrication—elle n'est pas parfaite mais elle existe néanmoins—entre la communauté scientifique, la communauté des éthiciens et un grand nombre de parlementaires. Ce n'est pas une question qui fait l'unanimité. Le problème est très complexe. Il y a peu de pays dans le monde qui réunissent autant de gens autour de la table de discussion, et la partition est à peu près la même pour tous. Je pense que c'est unique au monde. Regardez ce qui se passe aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans d'autres pays.
Je pense que la démarche a été très positive car il y a eu échange d'information mutuelle entre la communauté scientifique, dont les représentants sont venus témoigner au comité, et les parlementaires. Je trouve ce processus très encourageant.
Mme Judy Sgro: Quand vous étiez venu témoigner devant le comité, nous aviez-vous aussi avisé de l'existence d'un groupe de travail?
M. Alan Bernstein: Oui. D'ailleurs, M. Rossant, qui a témoigné devant votre comité, l'avait fait à titre de président du groupe de travail. J'avais de mon côté parlé longuement de ce que faisait le groupe de travail et de ses recommandations au conseil.
Mme Judy Sgro: Si vous avez décidé de mettre ces lignes directrices de l'avant, est-ce en partie que vous aviez l'impression que le gouvernement fédéral n'arriverait pas à régler cette question d'ici un an ou deux?
M. Alan Bernstein: Pas vraiment.
Mme Judy Sgro: J'ai peut-être tort de vous poser une telle question.
M. Alan Bernstein: Je dois admettre que, si nos lignes directrices s'étaient écartées beaucoup du projet de loi, j'aurais bien hésité à publier les lignes directrices comme nous l'avons fait. Vu qu'il y avait un vide et qu'elles étaient tout à fait conformes au projet de droit, j'ai jugé que nous aurions tort de ne pas aller de l'avant, justement parce qu'il y avait un vide, ou une lacune. Les chercheurs attendaient ces lignes directrices. Tous les chercheurs canadiens savaient que le groupe de travail avait terminé son rapport. Si nous avions dit que nous attendions, on nous aurait répondu: «Très bien; il y a toujours l'Énoncé de politique des trois conseils.»
Mme Judy Sgro: Merci, madame la présidente.
º (1620)
La présidente: Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay--Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je voudrais changer de cap et parler un peu de la recherche relative aux cellules souches. Il existe essentiellement deux secteurs de recherche, la recherche sur les cellules souches adultes et la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Pouvez-vous nous dire quel type de subventions ont été accordées? A-t-on octroyé des subventions aux deux secteurs...
M. Alan Bersntein: Oui.
M. Stan Dromisky: ... ou seulement à un secteur? Pouvez-vous nous donner une idée de qui effectue les recherches dans les deux secteurs?
M. Alan Bernstein: Je peux vous donner les chiffres tout de suite. Nous finançons 46 personnes qui effectuent des recherches sur les cellules souches embryonnaires ou adultes provenant d'animaux. Nous finançons 11 projets de recherche sur les cellules souches humaines provenant d'adultes dans le pays à l'heure actuelle. Nous finançons aussi trois propositions en vue d'utiliser des lignes de cellules souches embryonnaires d'êtres humains provenant des États-Unis.
M. Stan Dromisky: S'agit-il de nouveaux projets?
M. Alan Bernstein: Ils ont été lancés au cours des deux ou trois dernières années.
Je tiens à souligner qu'aucun des trois projets en question ne porte sur des cellules souches nouvelles provenant d'embryons humains primaires. Tous les projets utilisent des lignées de cellules produites aux États-Unis pour être utilisées au Canada.
M. Stan Dromisky: Avez-vous une idée du but de ces projets de recherche?
M. Alan Bernstein: Oui. Un de ces projets vise à déterminer comment les gènes qui contrôlent la production d'hémoglobine fonctionnent dans l'être humain. L'hémoglobine est la molécule qui donne la couleur rouge aux cellules rouges et qui transporte l'oxygène aux tissus, comme le Dr Castonguay le sait bien. Si je ne m'abuse, un autre projet porte sur les travaux préliminaires visant à convaincre les cellules souches humaines de fabriquer les cellules des îlots pancréatiques qui fabriquent de l'insuline pour traiter le diabète du type 1.
M. Stan Dromisky: Je sais que vous avez de nouvelles lignes directrices qui portent expressément sur l'établissement de critères pour l'utilisation des tissus provenant de foetus humains avortés. Est-ce que je me trompe?
M. Alan Bernstein: Cela relève aussi des lignes directrices et des trois conseils. Si vous voulez obtenir des cellules souches, vous devez respecter certaines règles en plus de l'Énoncé de politique des trois conseils.
M. Stan Dromisky: Je vois. Il ne s'agit pas de règles distinctes. Elles font partie des mêmes lignes directrices.
M. Alan Bersntein: Oui.
M. Stan Dromisky: D'accord. Merci beaucoup.
La présidente: Monsieur Anderson.
M. David Anderson (Cypress Hills--Grasslands, Alliance canadienne): Je ne suis pas l'un des membres attitrés du comité, mais j'ai suivi la discussion à distance. En vous écoutant, je me disais que c'est une bonne chose que nous ne soyons pas un jury au tribunal, parce que j'ai l'impression que vous vous êtes vous-même coulé.
Cela fait 10 ans qu'on discute de tout cela sans avoir de règlements, sauf pour ceux que vous avez mentionnés. Il y a eu un vide pendant quelques mois et vous avez apparemment décidé de le combler. Cela m'a étonné de vous entendre dire qu'il n'y avait que trois projets dans ce domaine. J'avais supposé qu'il y en aurait beaucoup plus. Je ne peux que conclure que vous avez agi délibérément pour essayer de contourner le Parlement et le comité.
M. Alan Bernstein: Pas du tout, et je suis tout à fait sincère. Nous avons agi ainsi parce que le Parlement nous avait demandé de prendre les devants et d'identifier les possibilités relatives à la santé et d'effectuer les recherches dans ce domaine en respectant les règles morales.
Il se passe beaucoup de choses dans le domaine des cellules souches. C'est un secteur de recherche très excitant qui représente énormément de possibilités pour guérir des maladies très graves. Je pense que c'est une chose qu'on a perdue de vue dans la discussion aujourd'hui. C'est pour cela que nous avions été créés. Les recherches doivent cependant être effectuées selon une structure éthique très rigoureuse et je suis tout à fait d'accord là-dessus. C'est une condition sine qua non. J'avais l'impression d'avoir été directement chargé par le Parlement, de m'assurer, d'une part, que les recherches pouvaient aller de l'avant, mais aussi qu'elles seraient faites conformément à certaines lignes directrices tant que la loi n'aurait pas été adoptée. C'est ce que nous avons fait.
º (1625)
M. David Anderson: Vous dites que vous n'êtes pas frustré. Je ne peux pas imaginer être à la tête d'un institut de recherche et d'attendre deux ans que quelqu'un établisse des lignes directrices sans pouvoir les obtenir. Est-ce que ce n'est pas frustrant pour vous?
M. Alan Bernstein: Si je peux être honnête, j'ai été trop occupé à bien des choses pour me sentir frustré au sujet d'une chose particulière.
J'aurais, bien sûr, préféré que la loi soit adoptée, et ce pour deux raisons. D'abord, la loi aurait été adoptée indépendamment des IRSC, ce qui est tout à fait approprié, comme l'a signalé M. Merrifield plus tôt. Deuxièmement, la loi s'appliquerait non seulement aux recherches financées par les IRSC, mais aussi à tous les projets de recherche qui portent sur les embryons humains et les cellules souches au Canada.
M. David Anderson: Des observateurs de Santé Canada ont participé à votre processus. J'imagine qu'ils étaient d'accord avec ce que vous faisiez à ce moment-là?
M. Alan Bernstein: Je ne peux pas vraiment vous le dire. C'étaient des observateurs. Le projet de loi est tout à fait conforme à nos lignes directrices et j'imagine donc qu'ils étaient d'accord avec notre processus, mais je ne peux pas le confirmer.
M. David Anderson: Ils étaient donc pleinement au courant du processus et la ministre aussi?
M. Alan Bernstein: Oui.
La présidente: Merci, monsieur Anderson.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue, monsieur Bernstein. C'est agréable de vous revoir.
Le 27 janvier 2001, le Globe and Mail vous attribuait les propos suivants:
Il n'appartient pas aux scientifiques d'établir les limites éthiques de la recherche ou de l'application du savoir génétique dans le domaine de la santé publique. Les scientifiques doivent jouer le même rôle que les canaris dans les mines. Ils doivent servir à nous alerter aux questions qui doivent faire l'objet d'un débat. |
Je crois pourtant que ce qui s'est produit est tout à fait l'inverse. Vous avez dit cela aux médias, mais les députés viennent de vous dire que les IRSC et vous, à titre de président de cet organisme, avez fait complètement l'inverse. Les parlements ne se sont jamais prononcés sur les limites éthiques de la recherche.
Voilà pour ce qui est du premier point que je voulais soulever.
Le 18 mars 2002, The Hill Times faisait paraître un article qui porte votre signature et dans lequel vous disiez que vos lignes directrices allaient dans le même sens que les recommandations formulées dans les rapports du Comité permanent de la santé. Ce n'est cependant pas le cas. Je pense que vous avez déjà souligné le fait que l'une de ces recommandations était que la recherche sur les cellules souches embryonnaires ne soit pas permise à moins que l'on puisse démontrer qu'il ne serait pas possible d'atteindre les mêmes objectifs de recherche en utilisant d'autres types de cellules.
Vous ajoutez dans cet article qu'un organisme réglementaire distinct—sans lien de dépendance avec les IRSC, Santé Canada et les milieux de recherche—devrait être créé pour réglementer ces recherches très délicates.
Je pourrais poursuivre, mais je n'ai pas le temps de le faire.
Il existe de toute évidence des différences très nettes entre vos lignes directrices et ce qu'a recommandé le comité à tel point que vous auriez informé la ministre que le rapport présenté par le Comité de la santé rendait vos lignes directrices inapplicables. Ce que vous avez donc dit à la ministre de la Santé, au public par l'intermédiaire de l'article qui est paru dans The Hill Times et ce que vous nous dites maintenant n'est pas la même chose. Je regrette, mais ce n'est pas la même chose.
Pour la première fois depuis que nous discutons de cette question avec vous, vous avez parlé de cellules souches pluripotentes, tant des cellules embryonnaires que des cellules adultes. Le terme figure dans votre mémoire. C'est la première fois que vous avez reconnu que des cellules souches adultes sont totipotentes. Je trouve que c'est vraiment fascinant. Compte tenu des déclarations que vous avez faites par le passé et de certaines de vos déclarations portant sur les cellules souches adultes, je me suis dit que vous aviez un préjugé défavorable à l'égard de ces cellules et ce préjugé se manifeste d'ailleurs continuellement.
Lorsque vous avez annoncé ces lignes directrices le 4 mars, la presse vous a demandé quand des recherches portant sur ces cellules commenceraient à être financées. Vous avez répondu qu'il faudrait de six à huit semaines pour créer le comité de surveillance qui doit approuver le financement de ces recherches. Aujourd'hui, vous nous avez dit qu'aucune recherche ne serait financée avant avril 2003. Voilà un autre changement important. Il s'agit d'une différence d'un an entre ce que vous avez dit le 4 mars 2002 et ce que vous nous avez dit aujourd'hui.
Il y a un autre problème. Je suis sûr que vous faites allusion aux recherches qui montraient que la fusion de cellules souches adultes avait donné lieu à un embryon possédant un chromosome supplémentaire. Ceux qui ont diffusé ce renseignement ont par la suite admis qu'il était inexact parce que la boîte de Petri contenait à la fois des cellules embryonnaires et des cellules adultes. Il était donc inexact d'attribuer le problème qui s'est posé aux cellules adultes. Vous nous dites cependant que les cellules souches embryonnaires suscitent encore plus de problèmes. J'aurais cru que vous saviez à quoi vous en tenir à ce sujet.
Vous avez allégué devoir intervenir parce qu'il n'existait pas de politique. Vous avez tout à fait raison à cet égard. Ce sont les gouvernements qui élaborent les politiques. L'Énoncé de politique des trois conseils n'est pas l'aboutissement d'un processus législatif. Vous avez cependant laissé entendre implicitement ou explicitement qu'il s'agissait d'une politique. Or ce ne l'est pas. Cet énoncé ne reflète que ce que les chercheurs ont convenu de faire. Le fait est qu'il existe un vide réglementaire au Canada, ce qui est un problème important.
Cela m'amène à parler du caractère urgent de la situation. S'il est urgent que nous nous donnions une politique au Canada, politique qui doit nécessairement avoir l'aval du Parlement du Canada, pourquoi avez-vous collaboré pendant tout ce temps avec Santé Canada sachant que le dépôt d'un projet de loi retarderait le processus d'au moins un an? Pourquoi n'avez-vous pas dit à Santé Canada que c'était inacceptable?
Il faut que le Parlement puisse examiner un projet de loi. Avez-vous fait valoir à Santé Canada qu'il était urgent d'adopter une loi? Avez-vous insisté auprès du ministère sur le fait qu'il était très important qu'une loi réglemente la recherche dans ce domaine?
º (1630)
Voici le dernier point dont j'aimerais vous faire part. Vous avez souvent dit que le Canada était à l'avant-garde dans la recherche sur les cellules souches, mais que moins de 1 p. 100 du budget des ICRS était consacré à cette recherche. Vous avez aussi dit que les recherches sur les cellules souches avaient le potentiel d'être les recherches médicales les plus importantes de l'histoire de l'humanité. Le fait que moins de 1 p. 100 de votre budget soit consacré à la recherche sur les cellules souches adultes semble indiquer qu'on semble hésiter à utiliser des cellules souches adultes. Le Comité de la santé a fortement recommandé de favoriser la recherche sur les cellules souches adultes de préférence à la recherche plus délicate et plus controversée au plan éthique.
Enfin, il y a une autre question sur laquelle j'aimerais vraiment connaître votre avis. Un rapport de la Direction de la recherche de la Bibliothèque du Parlement indique les embryons et les gamètes dont disposent les cliniques de fécondité et qui, d'après ce que tout le monde dit, vont être utilisés à des fins de recherche appartiennent à des entreprises privées. Les cliniques de fécondité sont des entreprises à but lucratif. Elles ont des clients. Ces clients ont droit à ce que leur vie privée soit protégée. Voici ce qu'on lit dans vos lignes directrices:
Consentement libre et éclairé, fourni de plein gré, après divulgation de toute l'information pertinente pour le consentement; |
Respect de la vie privée et de la confidentialité |
Il y a aussi la question d'éviter qu'il y ait une influence indue exercée sur qui que ce soit. Or, il me semble que les cliniques de fécondité, dans la mesure où elles offrent des options en matière de recherche et doivent expliquer certaines de celles-ci, exercent en fait une influence indue sur les clients en leur demandant d'appuyer la recherche au lieu de leur donner le choix de simplement l'encourager.
Je suis d'avis, monsieur Bernstein, que les embryons et les gamètes que possèdent déjà les cliniques de fécondité ne devraient pas pouvoir être utilisés à des fins de recherche jusqu'à ce que vos lignes directrices puissent être appliquées et jusqu'à ce que nous ayons pu établir un rapport avec ces cliniques, étant donné que vous ne pouvez même pas assurer le respect des critères fixés dans ces lignes directrices, à savoir avoir obtenu un consentement libre et éclairé après divulgation de toute l'information pertinente. Il faut aussi que le client puisse dire qu'il renonce au droit d'être indemnisé dans l'avenir pour l'utilisation ou la commercialisation des lignées de cellules souches. Comme vous le savez, cela doit être fait au moment du contact initial avec le client. Or, les ICRS n'interviennent pas à ce moment-là. À moins que les ICRS ne soient de mèche avec une clinique de fécondité et soient prêts à payer la clinique pour ces gamètes, il me semble, comme le confirme le rapport du service de recherche, qu'aucuns des travaux menés actuellement dans les cliniques de fécondité sur ces embryons ou gamètes n'ont pu être financés par les ICRS.
Compte tenu de tout ce que je viens de dire, pourquoi vous présentez-vous devant ce comité de nouveau sans reconnaître le fait que si nous vous avons demandé de comparaître encore une fois devant nous c'est pour une raison bien précise, à savoir que vous avez voulu contourner le processus législatif? Vous n'avez aucunement admis que le processus parlementaire a été contourné, qu'il aurait dû être respecté et que vous n'avez fait aucun effort pour vous en assurer.
M. Alan Bernstein: Vous avez abordé un certain nombre de sujets. Je vais essayer de répondre à certains d'entre eux.
Parmi les questions importantes que vous avez soulevées, il y avait une citation de mes propos au sujet des scientifiques et des décisions gouvernementales. Je continue d'être convaincu de ce que j'ai dit à ce moment-là. Je ne crois pas que nous définissions une orientation gouvernementale. Ce que nous présentons, c'est un cadre à l'intérieur des directives qui existent. C'est au comité qu'il incombe de recommander des orientations et au Parlement de les fixer.
Si vous lisez nos directives, vous verrez qu'on y parle de la nécessité du consentement éclairé, du fait qu'il ne peut pas y avoir de transaction commerciale, etc. Tout cela se trouve déjà dans le cadre de l'Énoncé de politique des trois conseils, qui a été publié avant la création des IRSC. En votre qualité de parlementaires, vous comprendrez que la science évolue rapidement et que l'application de ces directives en matière d'éthique, qu'elles relèvent des trois conseils ou du Parlement, doit évoluer en parallèle—il y a quelques années à peine, les cellules souches n'étaient encore qu'une possibilité. Il y a toujours des problèmes à régler—des choix de société fascinants. Nous avons donc proposé des directives, pas une politique, qui s'inscrivent dans le cadre actuel.
Je n'ai jamais parlé au comité de cellules souches adultes par opposition aux cellules souches embryonnaires, mais je vais vous en parler maintenant. Les recherches que j'ai moi-même réalisées au cours des 25 dernières années portaient sur les cellules souches adultes pluripotentes. Loin de nier que certaines cellules adultes soient pluripotentes, j'ai fait une superbe carrière internationale dans l'étude de ces cellules, monsieur Szabo. Je sais de façon absolue que certaines cellules adultes sont pluripotentes. En fait, je suis très fier de mes contributions dans ce domaine. Le journal Nature l'a reconnu la semaine dernière et a cité deux des documents que j'ai produits comme des classiques des années 80, comme les deux documents les plus importants dans le monde de la recherche sur les cellules souches pluripotentes—toutes des cellules adultes, toutes venant de souris. Je suis très conscient de cela.
Je suis également très conscient de ce que les preuves scientifiques montrent actuellement que, malheureusement, les cellules adultes n'ont pas le même potentiel de prolifération ou de différenciation que les cellules souches embryonnaires aux fins des applications thérapeutiques dont nous parlons. Cela peut changer, et ce serait merveilleux. Je serais le premier à m'en réjouir. Ce serait formidable.
C'est également pour ces raisons que, par le passé, nous avons surtout financé des recherches sur les cellules souches embryonnaires et adultes venant d'animaux ou sur des cellules souches adultes humaines.
Ai-je réclamé à cor et à cri une nouvelle loi? Non. Ce n'est pas mon rôle en tant que scientifique et directeur des IRSC. C'est aux législateurs qu'il incombe de le faire. J'ai discuté avec des fonctionnaires de Santé Canada et avec le ministre des difficultés et des possibilités associées à la recherche dans le domaine des cellules souches. J'ai tenu une séance d'information scientifique avec le ministre Rock, lorsqu'il était ministre de la Santé.
Vous avez également parlé entre autres des cliniques de fécondité et du consentement éclairé. Parmi les recommandations du comité qui ont été adoptées par le Conseil des IRSC, il y en avait une disant que, pour s'assurer qu'il n'y ait aucune pression exercée sur les couples, sur les progéniteurs de ces embryons, aucun membre de l'équipe clinique ne pouvait faire partie de l'équipe de recherche. Les deux équipes doivent être entièrement distinctes. Là encore, je ne crois pas qu'il s'agisse de politique gouvernementale. C'est une directive qui permettra, je l'espère, de régler au moins l'une des préoccupations que vous avez mentionnées dans vos remarques.
Je sais que je n'ai pas répondu à tout, parce que vous avez parlé de beaucoup de choses. Mais ce sont les principaux sujets dont je puis vous parler pour l'instant.
º (1635)
La présidente: Merci, monsieur Szabo et monsieur Bernstein.
C'est maintenant au tour de Mme Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, madame la présidente.
Je tiens également à remercier M. Bernstein de comparaître devant notre comité. Il y a de nombreuses questions dont nous aimerions vraiment discuter avec vous pour faire suite au projet de loi C-13, sur lequel nous avons beaucoup travaillé, mais je vais essayer de limiter mes questions au sujet qui nous occupe aujourd'hui: les nouvelles techniques de procréation médicalement assistée.
J'aimerais tout d'abord dire que je ne reproche pas aux instituts de recherche en santé du Canada d'élaborer des lignes directrices, car nous évoluons tous depuis très longtemps dans un vide législatif. Nous sommes exaspérés par l'inertie du gouvernement dans les nombreuses années qui ont suivi la Commission royale d'enquête et nous nous faisons tous des illusions quant à ce que serait le monde aujourd'hui si seulement nous avions agi lorsque... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]
La présidente: Pourriez-vous vous rapprocher du microphone suivant et parler un peu plus fort, je vous prie?
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je vais me passer de préambule; je pense que M. Bernstein l'a entendu.
Ma première question de pure forme. Quelle serait la situation aujourd'hui, relativement à cette question très délicate, si nous avions adopté une sorte de cadre législatif il y a cinq ou six ans, à l'époque où nous, parlementaires, nous sommes penchés sur cette question?
Ma deuxième question porte sur la structure d'ensemble et les rapports hiérarchiques. Cela m'a peut-être échappé lors de la discussion précédente. Si ma mémoire est bonne, lorsque nous avons discuté du projet de loi, vous relevez en dernier ressort de la ministre et, par son entremise, du Parlement. Dans un cas comme celui-ci, n'auriez-vous pas discuté de cette question avec la ministre? Elle avait été informée de la décision relative aux lignes directrices et avait en fait donné le feu vert.
Ma troisième question porte sur ce qui me préoccupe le plus dans tout ce dossier, à savoir les possibilités commerciales de ce domaine de recherche, la commercialisation de la recherche. Nous avons soulevé la question à propos du conseil d'administration, afin de faire en sorte qu'un mécanisme soit en place pour empêcher d'éventuels conflits d'intérêts tout en tenant compte des objectifs, à savoir faciliter la commercialisation. Je veux m'assurer que l'objet de la discussion d'aujourd'hui n'est pas de faciliter la commercialisation de la recherche, et que nous avons bien des contrôles pour éviter les conflits d'intérêts.
Ma quatrième question porte sur le fait que le sujet dont nous discutons est une question de santé essentiellement féminine. Quelles consultations ont eu lieu entre les responsables de la décision relative aux lignes directrices et l'Institut de recherche en santé des femmes, créé dans le cadre des IRSC?
º (1640)
M. Alan Bernstein: Je commencerai par votre première question au sujet des organismes. J'en ai parlé brièvement avant votre arrivée
Les IRSC sont un organisme. En tant que tel, d'après mes renseignements, je rends compte au Parlement par l'entremise de la ministre. Par politesse, j'ai informé la ministre McLellan que le conseil avait approuvé ces directives le 16 janvier dernier et que nous allions les publier sous peu. Je n'ai pas demandé son accord, pas plus qu'elle ne me l'a donné, mais je l'en ai informée par pure courtoisie. Voilà pour la première question.
S'agissant de la question financière, je suis d'accord avec vous. Le groupe de travail partageait cette préoccupation et l'une de ces recommandations—qui fait maintenant partie intégrante des lignes directrices—prévoyait donc l'établissement d'un registre de cellules souches. Si un chercheur produit une nouvelle lignée de cellules souches grâce aux fonds des IRSC, tous les chercheurs doivent y avoir librement accès, et cela doit également être accessible sur l'Internet pour que nous soyons au courant. C'est exactement pour cette raison que la recommandation a été formulée et que le conseil l'a approuvée. Cela répond aussi à la question des conflits d'intérêts.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Un peu. En fait, ma question porte sur le conseil d'administration et je voudrais savoir si le système en place fait en sorte que ceux qui prennent les décisions ne sont pas en conflit d'intérêts dans ce domaine de recherche.
M. Alan Bernstein: Je suis pas mal certain que non. Lorsqu'il y a un conflit d'intérêts réel ou perçu, les membres du conseil d'administration le déclarent et quittent la salle ou s'abstiennent de participer à la discussion ou au vote. Je crois qu'ils ont très bien respecté les règles d'éthique.
Pour ce qui est de la santé des femmes, comme vous l'avez dit, nous avons un Institut de la santé des femmes et des hommes qui est dirigé par Miriam Stewart, de l'Université de l'Alberta. Mme Stewart est une spécialiste en sciences sociales éminente qui fait de la recherche sur les questions de santé touchant particulièrement les femmes.
Nous n'avons pas demandé aux directeurs scientifiques d'approuver individuellement ou collectivement ces lignes directrices. C'est le rôle du conseil. Ce n'est pas à moi de vous dire quelles sont les opinions de Myriam Stewart sur ces questions. Je sais qu'elle ne s'est pas prononcée contre, mais je ne peux pas dire si elle est pour ou contre. Nous n'avons pas posé la question aux directeurs scientifiques et elle ne s'est pas prononcée non plus.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci.
Madame la présidente, j'adorerais poser d'autres questions, mais je dois être à un autre comité dans cinq minutes.
La présidente: Merci, madame Wasylycia-Leis.
Docteur Castonguay.
[Français]
M. Jeannot Castonguay (Madawaska--Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente. Merci d'être là.
Je regarde le document que vous nous avez présenté. Quand je regarde les articles 11, 12, 13 et 14, spécialement, je crois comprendre qu'en octobre 2000, vous avez créé un groupe de travail pour établir des lignes directrices et que le processus s'est continué. Vous êtes arrivés au début de l'année avec un document qui était prêt et cela n'a pas été fait pour essayer de passer outre les parlementaires. Tout simplement, le document était prêt et vous l'avez présenté. Est-ce que c'est bien ma compréhension? Je sais que certains de mes collègues ne voient pas les choses ainsi, mais moi, j'ai tendance à le comprendre comme ça et je veux savoir. C'est ma première question.
Deuxièmement, le 31 octobre, lorsque vous êtes venu au comité, vous avez reconnu l'engagement que les Instituts de recherche en santé du Canada ont manifesté à l'égard de la recherche sur les seules souches adultes. D'autres témoins, entre autres le Dr Worton, nous parlaient de l'importance de la recherche sur les souches embryonnaires. Pouvez-vous expliquer au comité aujourd'hui pour quelles raisons il est important de poursuivre les recherches sur ces deux types de cellules simultanément?
º (1645)
[Traduction]
M. Alan Bernstein: Oui, j'en serais ravi. C'est un domaine cher à mon coeur de chercheur.
Tout d'abord, les cellules souches adultes sont extrêmement importantes pour le traitement clinique. Lorsqu'on reçoit une greffe de moelle osseuse pour certaines formes d'anémie ou de cancer, ce sont, en fait, les cellules souches formant le sang qui font le travail, par opposition à une transfusion de globules rouges, par exemple. Ce sont donc les cellules souches qui sont importantes.
Il est essentiel de comprendre comment fonctionnent les cellules souches et quels sont les facteurs de croissance nécessaires pour les garder vivantes et les inciter à proliférer, à se diviser et à donner naissance à de nouvelles cellules. Cela fait partie des recherches que je fais moi-même depuis 20 ans.
Il est également très important de comprendre comment les cellules souches embryonnaires décident de donner naissance à d'autres cellules souches ou de se différencier en neurones, en cellules sanguines, en cellules du muscle cardiaque, en cellules de muscles squelettiques, etc., pour comprendre comment notre organisme croît et se développe et peut-être aussi pour pouvoir manipuler des cellules souches adultes ou embryonnaires de façon à obtenir les cellules qui nous intéressent.
Nous voulons également comprendre les différences. Pourquoi les cellules souches embryonnaires sont-elles différentes des cellules adultes? Une cellule souche embryonnaire peut donner naissance à un être humain, bien entendu; nous le savons tous. Par contre, à notre connaissance, une cellule souche adulte ne le peut pas. Mais elle a les mêmes gènes. Que s'est-il donc passé dans le génome pour perdre cette plasticité ou cette capacité de développement?
Ce sont là des questions scientifiques très intéressantes et très importantes du point de vue thérapeutique si l'on veut pouvoir convaincre les cellules souches adultes de faire ce que nous espérons tous qu'elles pourront faire un jour, c'est-à-dire guérir des maladies très graves. Ce sont donc des domaines très importants de la recherche effectuée dans le but de traiter les maladies. Comme je l'ai déjà dit, le Canada peut se vanter de faire de la recherche dans ce domaine depuis déjà une quarantaine d'années.
[Français]
M. Jeannot Castonguay: Alors, est-ce que j'ai raison de comprendre que le comportement de ces deux types de cellules sont différents, d'où l'importance de faire des recherches sur les deux pour éventuellement, je l'espère, pouvoir avoir plus de connaissances, à un moment donné, de sorte que les cellules souches adultes pourraient peut-être nous servir mieux dans un contexte où il y aurait peut-être moins de problèmes d'éthique? C'est ma première question.
Deuxièmement, si je comprends bien, vous avez créé votre comité en octobre et lorsque vous êtes arrivé pour déposer les lignes directrices le timing était là; ce n'était pas fait volontairement.
[Traduction]
La présidente: Il y a un rappel au Règlement. Désolée. Monsieur Anderson.
M. David Anderson: Je voudrais seulement demander si ces questions sont en rapport avec le sujet de notre discussion d'aujourd'hui qui est censée porter sur les lignes directrices concernant la recherche sur les cellules souches plutôt que sur les cellules souches et leur utilisation scientifique.
La présidente: Le docteur Castonguay est médecin et il peut poser les questions qui l'intéressent. Mais je dois lui dire qu'il lui reste 20 secondes.
[Français]
M. Jeannot Castonguay: D'accord.
[Traduction]
M. Alan Bernstein: Je crois que cette conversation est tout à fait topique parce que je crois qu'à l'autonome votre comité s'est beaucoup intéressé à la question des cellules souches adultes plutôt qu'embryonnaires, ce qui représente un domaine très important. C'est un secteur extrêmement actif de la recherche dans lequel l'état des connaissances est en train d'évoluer. Selon les preuves scientifiques réunies jusqu'ici, les cellules souches adultes n'ont pas la capacité de développement que les études antérieures permettaient d'espérer.
Je crois important que votre comité se tienne au courant de l'évolution de la recherche. Dans ce vaste domaine d'intérêt général, il faut que le législateur se tienne au courant des progrès scientifiques pour pouvoir prendre des décisions éclairées.
Personnellement, j'estime que vous avez eu la sagesse de créer des organismes comme les IRSC et que nous sommes là pour vous conseiller. J'espère que vous n'hésiterez pas à vous adresser à nous, comme vous l'avez fait cet autonome lorsque vous m'avez demandé ainsi qu'au Dr Rassant et à d'autres de comparaître devant vous pour parler du potentiel qu'offrent les cellules souches, les cellules embryonnaires par opposition aux cellules adultes et des questions scientifiques de ce genre.
Ce sont des questions complexes en constante évolution. Les connaissances dans ce domaine ne sont pas définitives. Je souhaiterais qu'elles le soient, mais ce n'est pas le cas. Cette science évolue avec le temps. Les études antérieures ne sont pas toujours confirmées. Vous ne pouvez pas croire la dernière personne que vous entendez. Vous devez attendre que les preuves soient là.
J'espère avoir assez de crédibilité, non seulement dans le domaine des cellules souches, mais dans le secteur canadien de la recherche, pour pouvoir travailler avec votre comité et les parlementaires afin de vous informer de la direction que prend la recherche scientifique, des problèmes à examiner maintenant et à l'avenir ainsi que des possibilités de guérir des maladies et de promouvoir la santé.
º (1650)
La présidente: Merci, docteur Castonguay.
Madame Picard.
[Français]
Mme Pauline Picard: Merci, madame la présidente. J'ai une petite question.
Monsieur Bernstein, qu'est-ce qui va se passer quand la ministre déposera le projet de loi au mois de mai si son projet de loi ne correspond pas à vos lignes directrices? Qu'est-ce qui va se passer pour vous?
[Traduction]
M. Alan Bernstein: C'est très facile. La loi l'emportera évidemment sur toutes lignes directrices. Qu'elle soit différente ou similaire, elle aura priorité sur nos lignes directrices. C'est clair.
La présidente: Merci, madame Picard.
Madame Scherrer.
[Français]
Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Merci madame la présidente.
En tant que membre du comité permanent, je pense que ceux qui ont assisté ici à la majorité des présentations qui ont été faites ont entendu des présentations scientifiques très, très pointues de gens qui, effectivement, nous ont parlé du pour et du contre et de la valeur ajoutée, par exemple, des cellules souches par opposition aux cellules adultes.
Par contre--et je pense que ça vaut pour l'ensemble des députés--, ce qui a grandement influencé le choix ou le fait qu'on soit allés dans un sens ou dans un autre, ce sont tous ces éléments qui n'étaient pas des éléments typiquement scientifiques, mais des éléments d'éthique, des éléments sociaux, des éléments économiques, des éléments émotifs qui ont été véhiculés par des témoins. Ils ont probablement influencé l'opinion de tout le monde ici, autour de la table, ce qui a fait en sorte que le projet de loi est maintenant ce qu'il est. C'est parce qu'on a entendu ces gens qui sont venus nous dire ce que voulait dire, par exemple, une recherche poussée au niveau des cellules souches, et ce que ça impliquait dans leur quotidien aussi.
Dans vos lignes directrices, vous parlez de consultations faites auprès des Canadiens et des Canadiennes. Est-ce que ces Canadiens et ces Canadiennes étaient des scientifiques qui vous ont apporté des éléments contrôlables, vérifiables, ou si, effectivement, vos lignes directrices, que vous appliquez actuellement, ont été construites suite à des témoignages de gens qui sont également venus vous parler de ce que voulait dire dans le quotidien, au niveau éthique, au niveau émotif, au niveau religieux, l'implication, par exemple, de tout ce volet de cellules souches aussi?
º (1655)
[Traduction]
M. Alan Bernstein: C'est une bonne question. Le groupe de travail n'a pas sillonné le pays pour consulter le grand public, le «Canadien moyen». C'est ce que l'on fait, je suppose, lorsqu'on met en place une nouvelle politique d'intérêt général. Par contre, le groupe de travail a, dans le cadre de l'Énoncé de politique des trois conseils, élaboré d'autres lignes directrices concernant la recherche sur les cellules souches.
Je peux vous dire qu'après la publication de notre document de travail, de nos lignes directrices, de nombreux Canadiens, de nombreux organismes de bienfaisance oeuvrant dans le domaine de la santé se sont prononcés de façon très positive. Peut-être pas tout le monde, mais de nombreux Canadiens ont exprimé des opinions très positives. De nombreux organismes de bienfaisance du secteur de la santé assistaient à la conférence de presse où nous avons annoncé ces lignes directrices. La Société canadienne du cancer, qui représente des centaines de milliers de Canadiens, les organismes qui s'occupent de la maladie de Parkinson, de la sclérose en plaque, de la maladie de SLA, du diabète juvénile et bien d'autres se sont prononcés haut et fort en faveur de ces lignes directrices.
Ce ne sont là que quelques exemples, mais ils sont importants. J'ai reçu de nombreux courriels touchants de Canadiens, de jeunes atteints de maladies disant qu'ils applaudissaient ces lignes directrices et qu'ils voulaient savoir quand ils pourraient avoir accès au traitement.
Voilà pourquoi ce sont des questions complexes. Il y a du pour et du contre, mais il ne faudrait pas perdre de vue le grand potentiel que les cellules souches offrent pour le traitement des maladies. Pour le moment, c'est seulement un potentiel, mais il est promoteur.
[Français]
Mme Hélène Scherrer: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Il me reste M. Merrifield et M. Szabo sur ma liste. Je me demande s'ils me laisseraient poser des questions. Il vous reste du temps.
Une voix: Nous continuons jusqu'à 17 h 30, n'est-ce pas?
La présidente: Oui.
Monsieur Bernstein, dans votre premier exposé, vous avez parlé de vos consultations. Je crois qu'il s'agissait de 27 groupes et de 89 personnes. Je me réjouis que Mme Scherrer ait soulevé la question, car vous voulez dire, je suppose que vous avez envoyé vos documents à un certain nombre de gens et que 89 personnes ont décidé de vous répondre. C'est bien cela?
M. Alan Bernstein: En effet.
La présidente: Vous remarquerez, bien entendu, que nous procédons de façon très différente. Nous avons passé de longues heures avec les gens intéressés, y compris vous-même. Je crois que vous êtes venu nous voir deux fois.
Vous dites que les IRSC font rapport au Parlement et que vous voudriez avoir de bonnes relations de travail avec les parlementaires. Je crois que nous avons fait notre part en vous invitant vous et plusieurs membres de votre groupe à témoigner devant notre comité pour guider notre réflexion. Étant donné la courtoisie dont nous avons fait preuve envers votre groupe en l'invitant à participer au processus politique, je m'étonne que vous ne soyez pas venu nous demander nos opinions au sujet de vos lignes directrices et de ce que vous comptez faire à cet égard. Il ne s'agit pas de nous demander notre permission, mais je crois que vous auriez pu le faire par simple courtoisie. Pourriez-vous répondre à cela.
M. Alan Bernstein: Je pensais que nous l'avions fait dans un véritable esprit de coopération lorsque je suis venu ici le 31 octobre.
La présidente: Vous êtes venu pour nous conseiller, mais vous ne nous avez jamais demandé de vous conseiller sur un aspect dans lequel nous sommes davantage experts, c'est-à-dire non pas l'aspect scientifique, mais l'aspect politique.
M. Alan Bernstein: Quand je suis venu, j'ai fait deux choses. J'ai d'abord parlé un peu de l'aspect scientifique pour répondre à des questions de M. Manning et d'autres membres du comité, si je me souviens bien. J'ai également parlé de notre processus de façon à entamer le dialogue, si vous voulez, entre votre comité et les IRSC.
Je ne vous ai pas délibérément posé la question, mais en y réfléchissant, je ne suis pas certain qu'il soit sage de notre part de politiser notre travail. Je n'ai pas vraiment réfléchi à la question, mais je crois préférable que votre comité et le Parlement s'occupent des questions politiques et que nous nous occupions des questions scientifiques dans le cadre des lignes directrices et de la politique du gouvernement, ce que nous avons fait je crois.
Il est préférable que nous ne politisions pas ce que nous faisons, mais que nous nous tenions à votre disposition pour vous fournir des conseils scientifiques et notre opinion quant à la direction que prend la science et le potentiel qu'elle offre. Autrement, nous deviendrions des politiciens de deuxième ordre, si vous voulez, ce qui ne vous serait pas très utile. Nous sommes utiles en tant qu'organisme scientifique, en tant que groupe d'experts capables de formuler des conseils et de dire dans quelle direction nous pensons que la science s'oriente.
La présidente: Mais n'est-il pas important pour vous de dialogue directement avec nous? Vous avez reconnu que vous ne faites pas rapport au ministre, mais au Parlement par l'entremise du ministre. Comment pensez-vous pouvoir vous mettre en rapport avec le Parlement si ce n'est par l'intermédiaire de ce groupe qui représente le Parlement? Étant donné que tous vos fonds vous viennent des crédits votés par le Parlement, n'est-il pas absolument essentiel pour vous et pour votre travail que vous continuiez à recevoir cet argent?
» (1700)
M. Alan Bernstein: Absolument, et nous rendons des comptes au Parlement et à vous. Voilà pourquoi je suis venu ici chaque fois qu'on me le demandait. Cette imputabilité est absolument essentielle pour notre réussite.
La présidente: Très bien. Je ne pense pas que vous compreniez vraiment comment nous voyons les choses. Nous vous votons des crédits. Vous prenez des décisions scientifiques qui déterminent l'utilisation de cet argent. Mais alors que nous nous sommes penchés sur les divers aspects de la politique publique entourant cette question, nous avons l'impression que vous nous avez devancés en établissant les règles à respecter. J'essaie simplement de vous expliquer l'impression que cela nous donne.
D'autre part, dans votre exposé, vous avez constamment répété que vos lignes directrices correspondaient au projet de loi. Ces paroles nous ont irrités. Nous comprenons que vos lignes directrices provisoires de 2001 reflètent ce que vous saviez de l'avant-projet de loi, autrement dit, il était normal qu'elles soient dans le même esprit. Néanmoins, c'est au cours de la période qui a suivi la publication de votre projet de lignes directrices que nous avons fait tout notre travail et essayé de tenir compte de l'opinion de tous les Canadiens suite aux discussions sur la politique publique. Vous affirmez également que vos lignes directrices de 2002 reflètent le projet de loi.
Notre comité n'était pas à l'aise avec le projet de loi. Nos opinions divergentes en témoignent et l'idée que vous ayez basé votre deuxième série de directives sur ce projet de loi nous donne la chair de poule.
M. Alan Bernstein: Je comprends ce que vous dites, madame la présidente. En toute sincérité, comprenez bien que je me trouvais, que le conseil se trouvait devant un choix difficile. Nous avions eu des consultations ouvertes et transparentes avec certains des meilleurs chercheurs du pays, des éthiciens, des avocats, des médecins, des observateurs de Santé Canada. Il y avait un vide juridique. J'avais très peur, comme le conseil, que la recherche en cours soit jugée en infraction avec la loi une fois celle-ci adoptée. Il y a une lacune à combler. Ou bien nous ne faisions rien et nous courrions alors un gros risque... Le financement récent de Génome Canada est un exemple de sommes importantes consacrées à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines—ce n'est pas une question d'argent. Votre comité aurait alors pu, à juste titre, venir me voir pour me dire: «Pourquoi n'avez-vous pas établi de lignes directrices? Vous aviez un groupe travail et une procédure en place. Pourquoi n'avez-vous pas été jusqu'au bout?»
La présidente: Non, nous serons certainement unanimes à vous dire que nous ne vous aurions pas demandé d'établir des lignes directrices avant que la ministre n'ait présenté son projet de loi et que le Parlement n'ait donné son accord. Je crois que vous avez mal compris nos intentions.
» (1705)
M. Alan Bernstein: Pour le moment, il n'y a pas de loi et j'ai jugé qu'il était très important de combler ce vide en attendant qu'une loi soit adoptée.
La présidente: J'ajouterais que nous ne trouvons pas étonnant que vos lignes directrices aient été bien accueillies, surtout par les patients et les groupes qui les représentent étant donné que les chercheurs ont diffusé des nouvelles propres à créer d'énormes attentes chez ceux qui souffrent.
Nous nous inquiétons dans une certaine mesure devant de telles attentes étant donné que, jusqu'ici, cette recherche n'a pas donné beaucoup de résultats. C'est la classe politique qui va devoir justifier les montants d'argent que nous vous avons accordés et que vous avez affectés à cette recherche si des milliers de malades atteints par exemple de la maladie de Parkinson n'obtiennent pas les résultats promis par les chercheurs qui ont publié ces communiqués.
M. Alan Bernstein: : Je partage totalement ces inquiétudes, madame la présidente. Je crois aussi, étant donné l'importance des discussions au niveau international et pas seulement au Canada sur les questions d'éthique, qu'on semble avoir perdues de vue que, pour le moment, il s'agit seulement d'une science prometteuse. Nous ignorons si ces cellules peuvent guérir des maladies, mais on semble présenter implicitement la chose comme un fait. Je partage donc votre inquiétude en voyant que les attentes du public sont si élevées qu'elles risquent forcément d'être déçues.
La présidente: Si vous partagez mes préoccupations, pourquoi vous vantez-vous que la population applaudit vos lignes directrices alors que ces réactions proviennent surtout de patients dont les attentes sont irréalistes?
M. Alan Bernstein: Ce n'est pas la raison pour laquelle nous avons proposé ces lignes directrices. Je crois que nous l'avons fait pour donner à ce travail un cadre éthique en attendant qu'une loi soit adoptée.
La présidente: Je le sais, mais vous ne pouvez pas gagner sur les deux tableaux. Vous ne pouvez pas dire qu'une chose vous inquiète et affirmer en même temps que c'est une grande réussite.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Merrifield.
» (1710)
M. Rob Merrifield: Vos arguments sont vraiment intéressants. Vous dites que vous n'êtes pas prêt à formuler une législation à cet égard et que telle n'est pas votre intention. Vous vouliez seulement établir des lignes directrices pour les IRSC afin de combler le vide juridique. C'est ce que vous avez laissé entendre.
Les IRSC font de la recherche uniquement avec l'argent du gouvernement fédéral et vous participez directement à l'établissement et à l'approbation du montant versé. Il est donc tout à fait illogique de votre part de dire que vos lignes directrices n'ont aucun effet sur l'opinion publique. En les proposant, vous avez influencé l'opinion.
C'est intéressant. Vous l'avez fait avec un groupe de chercheurs, du point de vue scientifique. Nous avons beaucoup parlé des cellules souches adultes par opposition aux cellules souches embryonnaires. Comme vous le savez, nous nous sommes demandés quelle était la solution préférable.
La science évolue à un rythme phénoménal. Je ne veux pas discuter avec vous parce que c'est vous le chercheur. Vous savez bien mieux que moi ce qui offre le plus grand potentiel.
Notre comité a examiné des choses dans une perspective beaucoup plus vaste. Lorsque nous avons discuté de toute cette question, nous nous sommes vite rendu compte que l'embryon a tout le potentiel de la vie humaine. Chaque éprouvette cache un visage humain. Il ne s'agit pas de simples cellules. Cela soulève une question d'éthique et nous entraîne sur un terrain glissant qui devrait inquiéter les chercheurs et qui inquiète le grand public.
Nous l'avons constaté dans d'autres pays. La Grande-Bretagne se dirige maintenant vers le clonage thérapeutique. Vous n'avez pas établi de limite à cet égard. Il y a lieu de se demander pourquoi. Ou est-ce seulement la prochaine étape? Allez-vous passer au clonage total ou au clonage à des fins de reproduction? Où établir la limite? Une fois que vous avez créé une vie, il devient très difficile de la détruire pour pouvoir dire que vous n'irez pas jusque là.
Où allons-nous nous retrouver? Dans 20 ans, dirons-nous que nous n'avons pas les moyens de laisser vivre les personnes handicapées? Allons-nous faire bon marché de la vie, à un stade ou à un autre? Ou notre grand-mère va-t-elle devoir se méfier parce que nous n'aurons pas les moyens de prendre soin d'elle quand elle sera trop vieille?
Ce sont là des exemples extrêmes, je le sais. Mais je veux vous faire comprendre que si nous ouvrons la porte en détruisant si facilement la vie, comme vous l'avez fait dans vos lignes directrices, il y a de quoi s'inquiéter énormément.
Je ne discuterai pas des cellules souches, car je suis convaincu que cette question devrait être décidée par le Parlement et la population canadienne. C'est aux Canadiens d'en décider et non pas aux chercheurs.
Vous êtes beaucoup plus instruits que moi, mais je pense pouvoir discerner le bien du mal. Pour ce qui est de savoir si cette question devrait être du ressort des Canadiens ou des chercheurs, c'est aux Canadiens qu'il revient d'en décider et j'estime donc que vous avez eu tort de proposer ces lignes directrices.
Ma question est donc la suivante: compte tenu de ce que vous avez entendu ici et de ce que les parlementaires en pensent, allez-vous suspendre vos lignes directrices et votre financement en attendant que la loi soit adoptée et que les Canadiens puissent vraiment vous dire ce que vous devriez faire et ne pas faire dans ce domaine?
M. Alan Bernstein: Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, les IRSC n'alloueront pas d'autres fonds à la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines avant avril 2003, étant donné le calendrier. Autrement dit, si le Parlement doit donner suite à cette décision en mai, le projet de loi sera en vigueur bien avant que notre comité de surveillance ne soit même mis sur pied.
Je ne vois donc aucune raison de faire marche arrière à ce stade. À mon avis, cela ne ferait que bouleverser les choses et ajouter à la confusion .
M. Rob Merrifield: En fait, cela prouverait sans réserve aux Canadiens que c'est bien leur décision.
M. Alan Bernstein: Je suis totalement d'accord avec vous sur ce point. Il s'agit effectivement d'une décision prise par les Canadiens par le biais du Parlement.
Je partage totalement votre avis, monsieur Merrifield. C'est sans équivoque le rôle qui revient au Parlement.
M. Rob Merrifield: Est-ce donc une réponse positive?
M. Alan Bernstein: Oui, dans la mesure où je conviens que c'est le rôle qui revient au Parlement.
M. Rob Merrifield: Il est donc entendu que vous retirerez les lignes directrices et le financement en attendant que le projet de loi soit adopté?
M. Alan Bernstein: Non.
M. Rob Merrifield: Allez-vous au moins retirer les fonds, dans ces conditions?
M. Alan Bernstein: Oui, jusqu'en avril 2003.
M. Rob Merrifield: C'est mieux que rien.
M. Alan Bernstein: Cela donnera au Parlement le temps d'adopter le projet de loi, quel qu'il soit, et de mettre en place la réglementation qui l'accompagne.
M. Rob Merrifield: Très bien. Il n'y aura donc pas de nouveaux fonds débloqués tant que le projet de loi ne sera pas en vigueur.
M. Alan Bernstein: Jusqu'en avril 2003, ce qui est prévu dans notre cycle normal.
M. Rob Merrifield: C'est un engagement de votre part.
M. Alan Bernstein: Oui.
M. Rob Merrifield: Très bien.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
La parole est à M. Szabo.
M. Paul Szabo: La vérificatrice générale vient à peine de présenter son rapport où elle a parlé des problèmes liés aux fondations et aux organismes qui ont reçu des avances de fonds de la part du gouvernement mais sans rendre le moindre compte au Parlement. C'est notamment le cas des IRSC, qui ne rendent directement aucun compte au Parlement.
En fait, à l'époque où je siégeais au Comité de la santé, lorsque celui-ci se penchait sur le projet de loi portant création des IRSC, j'ai proposé une motion à l'étape du rapport. À l'époque, des groupes comme l'Association des infirmières et infirmiers du Canada et d'autres étaient très préoccupés à l'idée que l'ancien mécanisme de financement relevait du Conseil de recherche médicale qui fonctionnait comme un réseau d'anciens élèves et que l'on ne portait pas suffisamment intérêt à la recherche novatrice. Ils craignaient qu'un nouvel organisme ne devienne à son tour un club d'anciens, qui a sa petite liste de projets favoris et que toutes ces initiatives «marginales» ne reçoivent aucun financement.
Je me suis battu pour que le Parlement fasse au bout de trois ans un examen des IRSC. J'ai demandé l'appui des responsables de Santé Canada à l'égard de cette motion à l'étape du rapport, mais en vain. Ils ont refusé d'approuver un examen au bout de trois ans. J'ai exigé une réponse. Un fonctionnaire qui travaillait dans ce domaine m'a dit qu'on ne prévoyait aucun examen, aucune obligation de rendre compte au Parlement pour les instituts de recherche de crainte qu'il ne soit trop difficile de trouver un président pour les instituts. En fait, cela revenait à dire que si les instituts de recherche en santé rendaient des comptes au Parlement, certaines personnes ne voudraient pas assumer ces fonctions parce qu'elles ne voulaient pas avoir affaire au Parlement.
J'aimerais savoir si, avant d'accepter votre poste, vous avez stipulé qu'il n'était pas question pour vous de rendre des comptes au Parlement.
En second lieu...
M. Alan Bernstein: Puis-je répondre maintenant à cette question, madame la présidente?
Les IRSC rendent compte directement au Parlement tous les ans. Nous ne sommes pas comme les fondations autonomes dont a parlé ces derniers jours la vérificatrice générale, comme la Fondation canadienne pour l'innovation et Génome Canada. Nous rendons compte directement au Parlement dont nous recevons des crédits annuels. Mon poste est donc remis en question tous les ans. Je rends directement compte au Parlement. Et pour l'autre volet de votre question, non, je n'ai pas insisté pour ne pas avoir à rendre de comptes au Parlement.
M. Paul Szabo: Notre comité a sans doute une notion différente de ce que l'on entend par rendre des comptes au Parlement. Le fait de présenter un rapport annuel est une chose. Le fait de se présenter devant le Parlement et de faire l'objet de la part de notre comité d'un examen des mesures que vous avez prises, les changements que vous avez apportés, les propositions que vous avez reçues, afin de nous informer et de nous prouver si vous avez bien respecté votre mandat, si les objectifs en matière de recherche ont bien été atteints et si les fonds sont bien... ça, c'est la reddition de comptes. Ce n'est pas ce dont vous parlez.
La présidente: Monsieur Szabo, nous avons le droit de les inviter tous les ans à nous parler du rapport et de leur poser toutes les questions que nous souhaitons.
M. Paul Szabo: C'est évident.
La présidente: Ils acceptent volontiers de venir et de nous rendre des comptes.
M. Paul Szabo: Dans certains...
M. Alan Bernstein: Madame la présidente, je serais ravi de venir vous parler des transformations qu'ont subies les IRSC, par rapport à l'ancien Conseil de recherche médicale. Tout ce qui se fait dans notre pays en matière de recherche en santé est absolument remarquable
» (1715)
M. Paul Szabo: Lorsque la Chambre reviendra après l'ajournement d'été et que je pourrai déposer à nouveau un projet de loi d'initiative parlementaire, je ne manquerais pas l'occasion d'en présenter un pour rétablir la motion à l'étape du rapport en vue d'obliger les IRSC à subir au moins un examen triennal. Je compterai sur votre appui à ce moment-là.
Monsieur, vous avez fait une remarque que j'aimerais tirer au clair, à savoir que les cellules souches peuvent créer un être humain. Vous souvenez-vous d'avoir dit cela?
M. Alan Bernstein: Oui. J'ai dit que nous savons que certaines cellules souches embryonnaires peuvent produire des êtres humains. C'est la phrase que j'ai utilisée, je pense.
M. Paul Szabo: Y compris les cellules germinales?
M. Alan Bernstein: Oui. Les cellules souches pluripotentes humaines...
M. Paul Szabo: Pluripotente... non, non, attendez un instant. Je veux parler des cellules souches embryonnaires.
M. Alan Bernstein: Eh bien, j'aurais dû dire pluripotente.
M. Paul Szabo: Les cellules souches elles-mêmes ne créent pas. Il y a certaines... et j'étais simplement curieux parce que j'ai lu quelque chose à ce sujet.
Mme Françoise Baylis avait présenté avec vous les lignes directrices lors de votre conférence de presse du 4 mars, et je voudrais bien savoir pourquoi vous aviez changé la date de votre conférence de presse du vendredi au lundi quand le Parlement ne siégeait pas. De toute façon, Mme Baylis a dit ceci devant le comité de la santé en mai dernier:
Tant que nous ne serons pas sûrs que nous devrions accepter ces activités nouvelles et controversées sur le plan éthique, il importe de les interdire. |
Autrement dit, nous devons être certains.
Un peu plus tard, elle a dit ceci:
La première chose à reconnaître dans la loi et dans toutes les discussions, c'est que les embryons sont des êtres humains. C'est un fait biologique admis. Ils font partie de l'espèce humaine. |
Depuis le début, quand vous avez témoigné devant le comité et quand vous avez fait des déclarations publiques, vous avez parlé des possibilités énormes que représente ce genre de recherche, même si vous avez fait preuve de prudence vu qu'on a fait énormément de publicité à ce sujet. Vous aviez cependant parlé de possibilités, mais encore aujourd'hui, vous dites que vous n'êtes pas sûr que ces recherches pourront aboutir un jour.
Mme Baylis semble croire que les embryons sont des êtres humains et je pense que bien des Canadiens sont d'accord avec elle. Aux États-Unis, le secrétaire à la santé et aux services humains vient d'annoncer de nouveaux règlements qui redéfinissent l'enfant comme étant une personne âgée de moins de 19 ans, à partir de la conception jusqu'à la naissance. Aux États-Unis, on reconnaît donc le foetus comme étant un être humain qui doit être protégé et qui est même assuré pour les services prénataux aux fins des services de santé. Il y a bien des gens qui semblent croire que les embryons sont des êtres humains.
Croyez-vous qu'il soit permissible et acceptable sur le plan moral de détruire un être humain, un véritable être humain, parce que cela peut aider plus tard un autre être humain?
Mme Baylis a aussi dit plus tard aux journalistes que sur les quelque 250 embryons qu'on pense avoir maintenant dans les cliniques de fécondité, seulement la moitié auront survécu à la congélation et au dégel. Sur ces 125 embryons, seulement 9 environ seront d'assez bonne qualité pour produire des cellules souches. Là-dessus, peut-être seulement cinq seront d'assez bonne qualité pour correspondre aux normes fixées pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires, d'après elle.
Cela signifie peut-être cinq embryons sur 250. Autrement dit, il faudrait tuer 25 embryons, ou 25 êtres humains, pour obtenir une lignée de cellule souche.
Avez-vous expliqué aux Canadiens que c'est ce que vous devez faire pour vos projets de recherche? Vous devez tuer 25 êtres humains pour obtenir la cellule souche qui pourra peut-être devenir un être humain plus tard.
C'est pour cela que nous sommes ici. Vous dites que vous ne voulez pas créer une politique, mais vous avez dû agir. En réalité, tout ce que vous êtes autorisé à faire, c'est d'affecter des fonds. Vous n'aviez pas besoin d'établir de lignes directrices. Tout ce que vous aviez à faire, c'est dire que vous ne pouviez pas encore financer la recherche sur les cellules souches embryonnaires. C'est tout ce que vous aviez à faire.
La présidente: Monsieur Szabo, Vous êtes...
M. Paul Szabo: Ai-je tout pris le temps qui m'était attribué?
La présidente: Vous l'avez largement dépassé et M. Bernstein n'a pas eu la chance de vous répondre.
M. Paul Szabo: Je m'excuse. Je vais m'arrêter. J'aimerais entendre votre réponse.
M. Alan Bernstein: Je serai très bref. Je rappelle au comité que la recherche sur les embryons humains est autorisée à l'heure actuelle.
M. Paul Szabo: Selon l'Énoncé de politique des trois conseils.
M. Alan Bernstein: Oui.
M. Paul Szabo: C'est-à-dire selon les règles des chercheurs, non pas celles des gouvernements ou des assemblées législatives.
M. Alan Bernstein: C'est exact, et c'est pourquoi nous avons publié nos lignes directrices.
Par ailleurs, il faut aussi tenir compte de la façon dont ces lignes directrices sont rédigées dans l'Énoncé de politique des trois Conseils. Le texte dit que l'on peut seulement faire de la recherche sur des embryons qui n'ont pas été créés à des fins de recherche, mais plutôt pour la fécondation in vitro et la reproduction humaine assistée et qui sont en surnombre et dont on n'a plus besoin. Donc, la plupart de ces embryons finiraient probablement par être jetés de toute manière. Je pense que la réflexion qui sous-tend le texte des trois Conseils—et je ne défends pas ici les trois Conseils, je dis seulement au comité ce qu'il en est—si ces embryons doivent être jetés de toute manière, dans certaines conditions, et s'ils offrent la promesse ou le potentiel de guérir de très très graves maladies, ne devrions-nous pas explorer cette possibilité, sous réserve des conditions appropriées du consentement éclairé?
Je reconnais que ce sont là des questions très difficiles. Ce n'est pas absolument clair et net. D'une part, il y a les très sérieuses questions que vous avez soulevées, et je respecte le droit de très nombreux citoyens de notre pays qui souscrivent à ces vues. Je suis également conscient qu'il y a de très nombreuses personnes dans notre pays qui souffrent de très graves maladies et qui disent que puisque nous allons littéralement jeter ces embryons dans la cuvette des toilettes, pourquoi ne pas les utiliser pour essayer de guérir certaines maladies très graves qui affligent les êtres humains? Voilà le problème éthique auquel vous êtes confrontés, et je me compte chanceux de ne pas être à votre place.
» (1720)
La présidente: Merci, monsieur Szabo.
Mme Skelton a une très brève question à poser.
Mme Carol Skelton (Saskatoon--Rosetown--Biggar, Alliance canadienne): Une très brève question, monsieur Bernstein. Le gouvernement du Québec s'apprête à interdire la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Comment votre organisation réagirait-elle à l'interdiction par les provinces de la recherche sur les cellules souches embryonnaires?
M. Alan Bernstein: De deux manières. Bien sûr, si une province décrète l'interdiction, alors c'est interdit. Ce sera au gouvernement fédéral, et non aux IRSC, de décider s'il y a lieu de respecter cela ou non.
Deuxièmement, les membres du comité seraient peut-être toutefois intéressés de savoir que le Fonds de la recherche en santé du Québec, l'organisme subventionnaire du Québec qui finance toute la recherche sur la santé, a publié la semaine dernière une directive disant qu'elle respectera les lignes directrices des IRSC.
La présidente: Cela pourrait être interprété simplement comme un autre indice montrant que toute la communauté scientifique fonctionne de manière entièrement libre et ne s'inquiète pas trop de ce que le gouvernement fédéral ou provincial dit ou même laisse entendre, qu'elle fonctionne vraiment de manière indépendante.
Un autre exemple de cela, c'est que vous parlez constamment des trois Conseils comme si c'était l'autorité faisant la loi, alors qu'il n'y a pas une seule assemblée législative au Canada qui a souscrit à ces lignes directrices ou qui a même dit que les scientifiques devraient s'en inspirer. C'était un simple engagement d'honneur, comme M. Szabo l'a dit; c'est le club des vieux copains, qui comprend maintenant quelques copines, qui s'est réuni et qui a dit: Voici ce que nous allons faire.
Mais ce qui nous préoccupe dans tout cela, c'est que nous sommes responsables de l'argent qui permet à cette recherche de se poursuivre, tout au moins les projets qui sont financés par vous-même et qui l'étaient auparavant par le Conseil de recherches médicales.
Vous pouvez apprécier notre inquiétude. La boucle est bouclée. À mon avis, et je pense que les membres du comité partagent cet avis, nous avons le sentiment que c'est un cercle fermé dont nous sommes exclus. Vous venez nous voir pour nous le dire, mais vous ne venez jamais nous voir pour nous le demander, si vous voyez ce que je veux dire.
On pouvait sentir ce malaise dans la salle après la conférence de presse en janvier.
M. Alan Bernstein: Je sais que je me répète, mais je vais le dire une dernière fois. Je considère cela comme une mesure provisoire et nécessaire en attendant qu'on légifère, parce qu'à l'heure actuelle, il n'y a quasiment aucune règle régissant la recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines.
La présidente: Monsieur Bernstein, je vous remercie beaucoup d'être venu nous voir aujourd'hui. Vous avez attiré un public nombreux, et il y aura probablement des gens qui vous verront, et nous aussi, à la télévision. Nous tenons à vous remercier pour votre engagement qu'aucun argent ne sera dépensé avant avril 2003, et nous ferons de notre mieux pour mettre en place une mesure législative d'ici là.
M. Alan Bernstein: Je vous remercie et je vous suis reconnaissant de nous avoir donné l'occasion de témoigner.
La présidente: Merci beaucoup.
La séance est levée.