:
Merci, monsieur le président et membres du comité.
Je m'appelle Fred Gaspar et je suis le dirigeant principal en matière de conformité à l'Office des transports du Canada. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Randall Meades, qui est dirigeant principal en matière de stratégies.
[Traduction]
Nous sommes heureux de comparaître devant vous encore une fois et de répondre à vos questions dans le cadre de votre étude.
J'aimerais commencer par vous rappeler brièvement la nature de notre organisation et son mandat. L'Office des transports du Canada est un organisme indépendant. Il s'agit d'un tribunal quasi judiciaire fédéral et d'un organisme de réglementation, qui prend des décisions sur un grand nombre de questions concernant le transport aérien, ferroviaire et maritime. L'Office a essentiellement trois mandats de base. Le premier est de veiller à ce que le réseau national de transport fonctionne efficacement et harmonieusement. Le deuxième est de protéger le droit fondamental des personnes ayant une déficience à un réseau de transport pleinement accessible. Le troisième consiste à offrir aux passagers aériens un régime de protection du consommateur.
La Loi sur les transports au Canada est la loi habilitante de l'Office. Elle prescrit l'étendue des pouvoirs de l'Office, ainsi que son rôle dans l'administration de la loi.
[Français]
L'Office partage également la responsabilité de certaines dispositions de la Loi sur le déplacement des lignes de chemin de fer et les croisements de chemin de fer et de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Ces dispositions concernent principalement le règlement des différends et le recouvrement des coûts.
[Traduction]
Pour ce qui est du transport ferroviaire, le mandat de l'Office s'applique aux compagnies de chemin de fer sous le régime fédéral, qui sont actuellement au nombre 21 sociétés actives qui comprennent les chemins de fer de catégorie 1 et les chemins de fer d'intérêt local. En bref, l'Office assume diverses fonctions réglementaires, qui vont de veiller à ce que les compagnies de chemin de fer qui relèvent de la compétence fédérale respectent les exigences en matière d'assurance responsabilité civile jusqu'à établir les plafonds de revenus admissibles du CN et du CP pour le transport du grain de l'Ouest.
[Français]
L'Office joue également un rôle important dans le règlement des différends liés au transport ferroviaire. En plus de sa fonction juridictionnelle formelle, il possède de l'expertise en matière d'approches alternatives de résolution de conflits, dont des services de facilitation, de médiation et d'arbitrage. D'après notre expérience, ces méthodes sont plus rapides et moins coûteuses. En outre, elles conduisent à une entente qui est avantageuse pour toutes les parties.
[Traduction]
Aux fins de la discussion d'aujourd'hui, j'aimerais mentionner le processus de règlement extrajudiciaire des différends administré par l'Office, qui propose trois formes d'arbitrage: l'arbitrage portant sur le niveau de services ferroviaires, l'arbitrage en matière de transport ferroviaire et l'arbitrage sur l'offre finale.
Depuis 2013, au moyen du nouveau mécanisme d'arbitrage sur le niveau de services, l'Office a le pouvoir d'imposer des sanctions financières administratives aux compagnies de chemin de fer allant jusqu'à 100 000 $ pour chaque infraction aux obligations en vigueur. De plus, les modifications adoptées en 2014 ont conféré à l'Office le pouvoir d'imposer aux compagnies de chemin de fer le paiement d'une indemnité à l'issue du traitement d'une plainte sur le niveau de services.
[Français]
Bien que l'Office assume un certain nombre de responsabilités liées au secteur ferroviaire, j'aimerais aujourd'hui faire porter votre attention exclusivement sur le projet de loi . Cette mesure législative a d'abord été adoptée le 1er août 2014 et a ensuite fait l'objet d'une prolongation par le Parlement le 15 juin 2016.
Le projet de loi visait à transporter rapidement les grains vers les marchés et à accroître la prévisibilité et la transparence dans la chaîne d'approvisionnement. Vous vous rappellerez qu'il avait été présenté pour répondre de manière urgente à des circonstances uniques, c'est-à-dire une récolte agricole inégalée et un vortex polaire.
[Traduction]
Les principales nouvelles dispositions créées par ce projet de loi confèrent à l'Office trois nouveaux pouvoirs: celui de préciser par règlement ce qui constitue des conditions d'exploitation aux fins de l'arbitrage sur le niveau de services ferroviaire; celui de fournir au ministre des Transports des conseils confidentiels en vue de l'établissement du volume minimal de grain transporté en vertu de l'annexe II et enfin, celui d'établir les prix applicables à l'interconnexion pour les produits ciblés par l'Office.
Quand la a été promulguée en juin 2013, elle a créé un mécanisme d'arbitrage sur le niveau de services ferroviaires lorsque les parties n'arrivent pas à négocier de manière confidentielle les modalités d'un accord sur le niveau de services.
Ce mécanisme d'arbitrage ne s'applique qu'aux questions visées par le paragraphe 169.31(1) de la Loi sur les transports au Canada, et plus particulièrement aux « conditions d'exploitation auxquelles la compagnie de chemin de fer est assujettie relativement à la réception, au chargement, au transport, au déchargement et à la livraison des marchandises en cause, y compris les normes de rendement et les protocoles de communication » ainsi qu'aux autres « conditions d'exploitation » auxquelles l'expéditeur est assujetti et qui sont liées aux conditions d'exploitation de la compagnie elle-même. Il s'applique aussi au « service fourni » par la compagnie de chemin de fer et à « la question de savoir si des frais peuvent être imposés par la compagnie de chemin de fer relativement aux conditions d'exploitation » ou au service fourni par la compagnie.
Les dispositions concernant l'arbitrage sur le niveau de services ne définissent pas les conditions d'exploitation elles-mêmes. À l'époque, l'Office n'avait pas le pouvoir de les définir par règlement. La a donc modifié la LTC par la suite afin d'accorder à l'Office le pouvoir de préciser par règlement en quoi consistent les « conditions d'exploitation ».
Afin d'établir ce règlement, l'Office a mené de vastes consultations ciblées auprès des expéditeurs et des compagnies de chemin de fer, et d'autres intervenants. Depuis son entrée en vigueur, ce règlement clarifie les choses pour les expéditeurs comme pour les compagnies de chemin de fer quant à ce qui pourrait faire l'objet d'un arbitrage sur le niveau de services.
Aujourd'hui, le règlement et les conditions d'exploitation régissant l'arbitrage sur le niveau de services des compagnies de chemin de fer permettent un arbitrage efficace dans le respect du délai prescrit par la loi de 45 à 65 jours civils. Ils réduisent du coup la nécessité d'un mécanisme d'arbitrage parallèle pour déterminer la recevabilité de certaines questions soumises à l'arbitrage.
[Français]
Bref, les conditions d'exploitation renvoient aux obligations d'une compagnie de chemin de fer ou d'un expéditeur en ce qui a trait à la réception, au chargement, au transport, au déchargement et à la livraison des marchandises, y compris les normes de rendement et les protocoles de communication. Elles constituent une longue liste, sans toutefois être une liste exhaustive, d'exemples de conditions admissibles à l'arbitrage.
[Traduction]
Le projet de loi a également modifié la loi de manière à prescrire que l'Office, après consultation du CN, du CP, des propriétaires et des exploitants des entreprises de transport de grain, conseille le ministre sur la quantité minimum de grain que le CN et le CP doivent transporter chaque mois d'une campagne agricole, au plus tard le 1er juillet de chaque année précédant une campagne agricole.
Le troisième élément, et c'est probablement le plus important pour le Comité, c'est que le projet de loi a ajouté des dispositions afin de permettre à l'Office de porter à 160 kilomètres la distance limite d'interconnexion au Manitoba, en Alberta et en Saskatchewan. Comme vous le savez, l'interconnexion désigne l'opération qu'effectue une compagnie de chemin de fer qui ramasse les wagons d'un client et transfère ces wagons à un autre transporteur qui effectue le « transfert de ligne », soit la majeure partie du mouvement ferroviaire. Des modalités d'interconnexion se concluent lorsqu'un expéditeur a un accès immédiat à un seul transporteur, mais qui se trouve à proximité raisonnable d'un ou plusieurs autres transporteurs concurrents.
Afin d'assurer un accès juste et équitable à l'ensemble du réseau ferroviaire, l'interconnexion est réglementée au Canada depuis 1904. Il s'agit d'une entente commerciale entre compagnies de chemin de fer, par laquelle une compagnie accepte de transporter des wagons d'une autre compagnie et inversement, afin d'assurer aux expéditeurs captifs l'accès au réseau ferroviaire à un prix réglementaire. Les compagnies de chemin de fer font le rapprochement de ces coûts entre elles chaque année. L'interconnexion permet aux expéditeurs de négocier, selon les mécanismes commerciaux habituels, des modalités de transport adaptées à leurs besoins avec différents transporteurs en concurrence pour la partie du transport de ligne du mouvement ferroviaire complet.
[Français]
Le Règlement sur l'interconnexion du trafic ferroviaire fixe les prix des services d'interconnexion fournis par le transporteur de tête de ligne, instituant ainsi un règlement d'établissement de prix équitables et prévisibles qui s'appliquent uniformément à tous les transporteurs de tête de ligne qui fournissent des services d'interconnexion.
En vertu de la Loi sur les transports au Canada, l'Office peut, par règlement, fixer les modalités d'interconnexion du trafic, fixer les prix par wagon pour effectuer cette opération et établir à ces fins des zones tarifaires. Les dispositions d'interconnexion de la Loi sont réputées constituer des dispositions d'accès concurrentielles permettant à un expéditeur de choisir son transporteur, malgré le fait qu'il ait un accès physique à un seul transporteur.
Veuillez noter que l'Office examine annuellement les prix d'interconnexion et les compagnies de chemin de fer et qu'elle révise ces prix au besoin ou dans le cas d'une révision quinquennale prescrite dans le Règlement, laquelle a été effectuée la dernière fois en 2013.
[Traduction]
Le nouveau règlement sur les prix des services d'interconnexion établit cinq zones d'interconnexion: 6,4 kilomètres, 10 kilomètres, 20 kilomètres, 30 kilomètres et de façon temporaire, 160 kilomètres à partir d'un lieu de correspondance pour le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta. Cette modification a créé la nouvelle zone 5 d'interconnexion, qui s'applique aux mouvements de tous les produits dans les provinces des Prairies.
Le prix fixé pour la zone 5 suit le modèle établi pour les prix actuels, à savoir que le prix de la zone s'appliquera aux 40 premiers kilomètres parcourus sur la voie dans cette zone, et un prix par kilomètre s'appliquera à chaque kilomètre parcouru sur la voie en sus des 40 kilomètres parcourus à l'intérieur de cette zone.
[Français]
Après ce bref survol, nous tenons à vous remercier de votre attention. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.
:
Je vous remercie vivement de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour parler du projet de loi . Je m'appelle Humphrey Banack et je suis vice-président de la Fédération canadienne de l'agriculture. Je suis moi-même producteur de céréales et d'oléagineux dans le centre de l'Alberta. La capacité de transport est un élément crucial pour notre entreprise familiale. Nous cultivons 7 000 acres de céréales et d'oléagineux. Il a été très difficile pour moi de quitter la ferme pour venir ici aujourd'hui. Nous sommes en pleine récolte du blé. Hier après-midi, j'ai mis en marche les moissonneuses-batteuses pour les laisser aujourd'hui entre les mains de ma femme et de mon frère. Il n'est pas facile pour moi de m'éloigner de la ferme à cette période-ci de l'année, mais le transport demeure un élément essentiel si nous voulons aller de l'avant.
Notre organisation représente les agriculteurs de tout le pays, et il est important que leur point de vue soit entendu ici aujourd'hui. Le projet de loi vise plusieurs objectifs clairs. Il modifie la Loi sur les grains du Canada pour permettre la réglementation des contrats touchant les céréales et l'arbitrage des différends relatifs aux dispositions de ces contrats. Il oblige en outre le CN et le CP à transporter les quantités minimales de grain prévues dans la Loi sur les transports au Canada ou par décret.
J'espère pouvoir vous aider à mieux comprendre aujourd'hui à quel point il est important pour les agriculteurs d'atteindre ces objectifs pour le transport de leurs produits car, si ce sont les entreprises céréalières qui sont les expéditrices, ce sont en bout de ligne les agriculteurs qui paient la note. Tous ces objectifs sont étroitement reliés au contenu du rapport Emerson sur lequel la Chambre et le ministre ne manqueront pas de se pencher sous peu.
Avant de vous exposer les facteurs particuliers justifiant le maintien du projet de loi , permettez-moi de vous expliquer brièvement notre position au sein de l'industrie. En raison de la taille réduite du marché canadien, les agriculteurs de l'Ouest vendent pour l'exportation 70 % du blé, 50 % du canola et 25 % des céréales secondaires qu'ils produisent. En moyenne, les céréales de l'ouest du pays doivent parcourir 1 500 kilomètres, ce qui est beaucoup plus que les distances d'acheminement de 300 à 400 kilomètres que l'on constate dans les principaux pays qui nous livrent concurrence. Au moins 94 % de ces produits exportés sont transportés par rail vers les installations portuaires canadiennes ou vers leur destination finale aux États-Unis et au Mexique. Pour leur part, nos concurrents américains ont recours pour 50 % de leurs exportations à des camions et à des barges qui livrent une concurrence viable aux entreprises ferroviaires. Les agriculteurs canadiens ne bénéficient pas d'options semblables.
En conséquence, de 35 à 40 millions de tonnes métriques de céréales de l'Ouest canadien sont chaque année à la merci du monopole des entreprises ferroviaires. Au cours de l'exercice 2014-2015, les agriculteurs canadiens ont payé des frais de transport totalisant 1,4 milliard de dollars pour l'exportation de leurs céréales. Ce ne sont pas les expéditeurs qui paient. Les expéditeurs reçoivent la facture, mais le transport est payé par les agriculteurs qui n'ont aucune façon de recouvrer ces coûts sur les marchés. Dans cette équation, les entreprises céréalières sont essentiellement des fournisseurs de services pour les agriculteurs qui épongent tous les frais. Les agriculteurs paient lorsque le transport des céréales est au ralenti. Ils paient tous les frais de transport. Ils paient également lorsqu'il y a des interruptions ou des retards. Ils paient même les pénalités imposées par les entreprises d'expédition lorsqu'elles doivent verser des droits de surestarie pour leurs navires en attente dans un port.
Cette réalité est reconnue dans le rapport Emerson. On y indique que si le service est peu fiable ou imprévu, des sanctions contractuelles, des pertes de ventes et des pertes de primes s'ensuivent. On ajoute que les expéditeurs assument ces coûts considérables pour les refiler ensuite aux agriculteurs. Pour que les agriculteurs puissent gagner leur vie, et même profiter mensuellement d'entrées de fonds suffisantes, il faut un effort concerté et opportun des deux entreprises ferroviaires qui exercent essentiellement un monopole. La capacité pour l'agriculteur de gérer le transport de ses céréales — et par le fait même ses flux de trésorerie pour pouvoir payer ses factures dans le délai prévu — dépend d'un système de transport monopolistique qui cherche presque exclusivement à réduire ses coûts et à maximiser les rendements pour ses actionnaires.
Quant à la gestion du volume des céréales transportées par les entreprises ferroviaires, le ministre doit conserver l'autorité législative de fixer les quantités en question à n'importe quel moment. Pour que l'industrie canadienne des céréales et des oléagineux puisse prospérer, il faut qu'elle ait accès aux marchés internationaux pour pouvoir rapidement y offrir ses produits à un prix compétitif. Toutes ces conditions ne peuvent pas être laissées aux caprices des dirigeants ferroviaires qui misent d'abord sur les marchandises qui rapportent le plus et s'emploient à réduire leurs coûts et à augmenter leurs rendements. Les agriculteurs ne disposent d'aucune solution de rechange pour l'accès aux marchés d'exportation; ils doivent bénéficier de frais de transport concurrentiels et pouvoir faire transporter rapidement leurs céréales, surtout dans les cas de récolte exceptionnelle et de forte demande sur les marchés internationaux.
Je vous disais tout à l'heure que je suis en pleine récolte de mon blé. Ce sera la meilleure récolte que j'aie connue jusqu'à maintenant, et on parle de quantités considérables dans tout l'Ouest canadien.
Nous prévoyons ainsi une récolte très abondante dans l'ouest du pays, un peu comme en 2013. Le gouvernement doit donc conserver le pouvoir de réglementer les volumes par décret à la demande du de telle sorte que le réseau ferroviaire desserve comme il se doit le secteur céréalier. Nous devons absolument alimenter nos marchés internationaux. Lorsque l'on perd des marchés ou des clients fidèles parce que nos produits ne sont pas livrés à temps, voire pas du tout, il est très difficile de les récupérer. Notre prospérité financière et la survie même de nos fermes sont menacées si nous n'arrivons pas à vendre nos céréales pour payer nos coûts de production qui s'élèvent à des centaines de milliers de dollars.
Il est important de noter que la réglementation des volumes doit se faire de manière à éviter toute répercussion néfaste non intentionnelle. Lorsque les volumes ont été réglementés en 2014, les entreprises ferroviaires, soucieuses d'accroître les volumes transportés pour répondre à la demande, ont laissé les secteurs ayant de plus longues distances d'acheminement ou des problèmes de logistique crouler sous leurs céréales. Ce fut le cas pour le nord-est de la Saskatchewan.
Les volumes réglementaires imposés s'appliquaient uniquement aux céréales destinées à l'exportation. C'était et c'est encore à ce niveau que les principaux problèmes se posent. Les entreprises ferroviaires ont mis en place les infrastructures nécessaires et ont atteint la plupart des objectifs établis.
Les marchés intérieurs, tant pour la consommation humaine que pour l'alimentation animale, ont été mis en péril en se retrouvant tous deux pendant une longue période sous les niveaux d'entreposage acceptables pour les matières premières. Ainsi, une minoterie de l'est du Canada aurait été à quelques heures près de ne plus pouvoir approvisionner en farine Tim Hortons alors que des provenderies de la vallée du bas Fraser en Colombie-Britannique devaient composer avec des restrictions de livraison. S'il peut vous sembler terrible de ne pas pouvoir passer votre commande quotidienne chez Tim Hortons, la perspective d'un poulailler plein de volailles sans alimentation est un véritable cauchemar pour l'industrie.
L'expérience nous a appris que toute action entraîne une réaction. Des mesures devraient être prises pour veiller à ce que la réglementation des volumes de transport des céréales se fasse de façon équilibrée de telle sorte que les problèmes réglés dans un secteur n'en créent pas pour un autre.
Il a beaucoup été question aujourd'hui d'interconnexion. Cette mesure est cruciale car elle permet aux expéditeurs de magasiner pour trouver des frais de transport moins élevés, et la distance accrue devrait être maintenue. Il est essentiel que le travail des entreprises ferroviaires respecte les règles et l'esprit qui sous-tendent les objectifs d'interconnexion. L'interconnexion est tout simplement un mécanisme visant à créer une certaine concurrence sur un marché qui serait sinon monopolistique. Certains vont jusqu'à dire que l'interconnexion ne fonctionne pas. Nous avons vu certains chiffres peu élevés; Jean-Marc m'en a fourni quelques-uns. Il était notamment question de 4 500 wagons en déplacement. Ce n'est peut-être pas beaucoup, mais il faut absolument s'assurer que cela demeure disponible. Pulse Canada a indiqué que les frais de transport ont diminué d'environ 20 % dans les endroits où l'interconnexion à plus longue distance est accessible.
Merci beaucoup pour le temps que vous m'avez consacré ce matin. Comme on me fait signe, je vais vous faire grâce des dernières pages de mon exposé.
J'espère bien avoir fait le bon choix en m'éloignant ainsi de ma moissonneuse-batteuse.
Des voix: Ah, ah!
:
Merci, monsieur le président et membres du comité.
Je m'appelle Jean-Marc Ruest et je suis vice-président du conseil d'administration de Céréales Canada.
[Traduction]
Cereals Canada est un organisme qui forme une chaîne de valeur et qui compte parmi ses membres des agriculteurs et des entreprises de développement de semences et de cultures, de transport, d'exportation et de transformation. Le mémoire qui a été remis aux membres du Comité inclut d'autres renseignements sur l'organisme.
Au nom de Cereals Canada, je tiens à remercier le Comité permanent de nous avoir invités à comparaître devant lui aujourd'hui. La réforme de la loi régissant le transport ferroviaire du grain est essentielle en vue de permettre au Canada de répondre à l’augmentation de la demande et de conserver sa réputation de fournisseur fiable. Si notre cadre de réglementation ne fait pas l’objet d’une réforme, l’ensemble de la chaîne de valeur subira des répercussions négatives, y compris les agriculteurs, les manutentionnaires de grains et les exportateurs.
En vue de discuter efficacement des dispositions de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, j'aimerais tout d'abord dire quelques mots au sujet de l'examen de la Loi sur les transports au Canada. L’examen de la Loi a été accéléré en raison de la crise qui a secoué le transport du grain en 2013-2014. La crise a entraîné des répercussions sur l’ensemble de la chaîne de valeur et a nui à la marque et à la réputation du Canada à titre de fournisseur fiable de produits agricoles. Elle a causé préjudice aux agriculteurs, aux manutentionnaires de grains, aux exportateurs, aux transformateurs canadiens à valeur ajoutée et finalement à l’économie canadienne dans son ensemble. L'agriculture et l'économie canadiennes n'ont pas les moyens qu'une telle chose se reproduise.
Le rapport de l'examen de la Loi sur les transports au Canada, aussi appelé le rapport Emerson, n'a pas examiné en profondeur le problème fondamental du pouvoir de marché des compagnies de chemin de fer ni les répercussions de ce pouvoir sur l’offre de services ferroviaires visant à répondre aux besoins des expéditeurs de grain canadiens. Le rapport s’appuie sur une hypothèse selon laquelle le milieu des transports au Canada est concurrentiel. Cette hypothèse ne s’applique pas aux secteurs du grain de l’Ouest canadien. Presque tous les expéditeurs ont recours aux services du même transporteur, doivent payer des prix monopolistiques et sont aux prises avec des stratégies de service caractérisant les monopoles. Par conséquent, le gouvernement doit jouer un rôle essentiel et établir une structure de réglementation permettant d’atteindre un juste équilibre.
Cereals Canada recommande des interventions immédiates ainsi que des exigences à long terme qui contribueront à l’atteinte de nos objectifs communs visant à assurer le succès du système de transport du grain au Canada. Premièrement, pour ce qui est des dispositions de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain et en particulier des dispositions relatives à la prolongation de l'interconnexion, il est recommandé de prolonger pour une durée indéterminée les limites actuelles de 160 kilomètres de l'interconnexion. Cette disposition s’avère un outil efficace pour accroître la concurrence entre les deux compagnies de chemin de fer de catégorie I et au moins un autre transporteur nord-américain. Par sa seule existence, cette disposition offre aux expéditeurs de grain admissibles un outil concurrentiel extrêmement utile leur permettant de négocier avec des fournisseurs de services ferroviaires. Cette disposition concurrentielle procure des avantages, est utilisée et doit être conservée.
Passons maintenant à la quantité minimum de grain. La Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain permet au gouvernement de préciser la quantité minimum de grain que les compagnies de chemin de fer doivent transporter. Cereals Canada recommande de conserver ces dispositions de la Loi au-delà de 2017. Ces dispositions devraient être prolongées jusqu’à l’édiction de dispositions qui assureront véritablement la responsabilité commerciale de tous les participants du système. Les récoltes de 2016 ressembleront à celles de 2013 qui ont précédé la crise du transport. Ces niveaux ne sont pas anormaux; c'est la « nouvelle norme ».
Notre production est diversifiée et est destinée à des pays partout dans le monde, dont le nombre se situe entre 100 et 200. Si nous ne respectons pas nos engagements commerciaux dans chacun de ces marchés, notre réputation à titre de fournisseur fiable subira un préjudice irréparable. Le maintien des dispositions relatives à la quantité minimum permettra au Canada d’agir rapidement et fermement si le système de transport connaît les mêmes ratés que par le passé.
En ce qui concerne les exigences à long terme, Cereals Canada considère qu'il faut nous pencher sur la question de la responsabilité commerciale. Une marque distinctive des relations commerciales modernes est que les parties sont tenues mutuellement responsables au chapitre de leur rendement respectif. Les expéditeurs de grain sont liés depuis longtemps par des normes en matière de rendement assorties de sanctions pécuniaires imposées par l’entremise de tarifs établis unilatéralement par les compagnies de chemin de fer. Toutefois, il n’existe aucun mécanisme auquel peuvent recourir les expéditeurs pour tenir les compagnies de chemin de fer responsables sur le plan commercial de leur niveau de service.
Dans la pratique, en raison du déséquilibre du pouvoir de négociation entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs « captifs », les sanctions infligées par les compagnies de chemin de fer dans les cas de non-exécution ne peuvent pas être fixées au moyen de négociations commerciales. La responsabilisation des compagnies de chemin de fer nécessite l’instauration d’une disposition législative. Sans cela, il y a peu que nous pouvons faire pour régler systématiquement les lacunes dans la prestation des services, et les expéditeurs ne disposeront de pratiquement aucun moyen de tenir les compagnies de chemin de fer responsables lorsqu’elles fournissent un service inadéquat. La responsabilisation à l’égard des engagements en matière de services est une condition préalable de la prévention d’une autre crise dans le domaine du transport du grain.
Nous devons également mieux définir ce qui constitue des services ferroviaires convenables en vertu de la Loi sur les transports au Canada. Les obligations en matière de services des compagnies de chemin de fer sont définies dans la Loi sur les transports au Canada comme la « fourniture d’installations convenables » pour le transport. Ce terme n’est pas bien défini et constitue le point central des débats entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs depuis de nombreuses années.
Le rapport de l’examen de la Loi, ou le rapport Emerson, recommande des modifications à la définition qui, à notre avis, dilueront la définition actuelle des obligations et auront une incidence négative sur la capacité des expéditeurs du secteur du grain et des gens d’autres secteurs de se prévaloir des dispositions concurrentielles figurant dans la Loi sur les transports au Canada. Cereals Canada recommande plutôt que le gouvernement inscrive dans la Loi le principe voulant que la prestation du service ferroviaire repose sur la demande et non sur l’offre. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que l’économie d’un pays puisse tirer pleinement parti des possibilités commerciales internationales lorsque la capacité de fournir des marchandises aux clients internationaux est régie par le fournisseur de services ferroviaires du pays.
Enfin, nous devons examiner les pouvoirs de l'Office des transports du Canada. Le rapport Emerson recommande que l’Office se voie conférer le pouvoir d’enquêter de sa propre initiative sur les problèmes en matière de services des compagnies de chemin de fer de même que de délivrer des ordonnances ex parte dans des situations d’urgence. L’attribution de ce pouvoir ferait en sorte que les expéditeurs ne seraient plus les seuls à pouvoir remettre en question les actions des compagnies de chemin de fer lorsque le service est inadéquat, car l’Office serait habilité à enquêter sur les problèmes systémiques et à prendre les mesures qui s’imposent, au besoin. Cereals Canada appuie pleinement cette recommandation du rapport Emerson.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je remercie les membres du Comité de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant eux et de commenter certaines dispositions du projet de loi , Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain.
Je m'appelle Fiona Cook, et je suis directrice exécutive des Producteurs de grains du Canada. Notre organisme se veut le porte-parole national de plus de 50 000 agriculteurs de partout au Canada qui produisent avec soin diverses cultures, y compris du blé, du blé dur, de l'orge, du canola, de l'avoine, du maïs, du soya, des pois et des lentilles.
Nous appuyons la décision prise par le gouvernement plus tôt cette année de prolonger d'une autre année certaines dispositions du projet de loi , soit jusqu'à la fin juillet 2017. J'aimerais mettre l'accent aujourd'hui sur l'augmentation à 160 kilomètres de la limite d'interconnexion pour les provinces des Prairies. Je suis ici pour vous expliquer pourquoi cette mesure est importante pour les agriculteurs et pourquoi nous croyons que le gouvernement devrait la rendre permanente.
Annuellement, nous exportons environ 50 % de nos grains. Dans 94 % des cas, c'est transporté par train. Pas moins de 77 % de ces exportations sont transportées par rail à destination d'installations portuaires; 17 % empruntent une liaison ferroviaire directe vers les États-Unis et le Mexique, par exemple; et environ 5 % sont transportées par camion. Près de 70 % de notre blé est exporté, et certains produits de base dépendent encore plus des exportations. Plus de 90 % du canola canadien, y compris les semences, le tourteau et l'huile, est exporté annuellement. Plus de 90 % de l'avoine canadienne est exportée aux États-Unis. Les légumineuses canadiennes connaissent un grand succès. Nous les exportons dans plus de 150 pays. En fait, nous sommes le plus important exportateur de lentilles et de pois dans le monde.
Il n'est pas seulement question des exportations. Nous avons des transformateurs canadiens à valeur ajoutée qui ont également besoin d'avoir accès à des services ferroviaires fiables et constants: les minotiers de blé, les usines de trituration du canola, les minotiers d'avoine et les malteries dépendent énormément du réseau ferroviaire pour le transport en sol canadien de matières premières. Dans bien des cas, ils dépendent aussi des chemins de fer pour expédier des produits finis dans les marchés canadiens et extérieurs. Bon nombre de ces installations ont des chaînes de production très modestes et adoptent le concept de la livraison juste à temps, c'est-à-dire qu'elles reçoivent de petites quantités de matières premières qui sont transformées en produits finis qu'elles expédient en temps opportun. La majorité de ces installations, comme les élévateurs à grains, sont captives d'une compagnie de chemin de fer. Elles se trouvent donc en gros dans un milieu qui s'apparente à un monopole.
L'interconnexion est un outil réglementaire efficace qui peut s'avérer une solution pour les entreprises captives et qui encourage les acteurs du milieu ferroviaire à adopter certains comportements, comme le feraient normalement les forces du marché dans un environnement concurrentiel. En août 2014, la limite d'interconnexion est passée à un rayon de 160 kilomètres. Cela fait en sorte qu'une compagnie de chemin de fer doit transporter des wagons d'un expéditeur jusqu'à une jonction avec un autre chemin de fer. Un accès accru aux chemins de fer des compagnies concurrentes est une bonne chose pour les agriculteurs. Cela donne de nouvelles options de transport pour les manutentionnaires et les transformateurs de grains, ainsi qu'un nouvel outil dans les négociations avec les compagnies de chemin de fer pour obtenir de meilleurs services, de meilleurs prix et de meilleures modalités.
L'élargissement du rayon à 160 kilomètres reflète mieux le vaste territoire des Prairies et la nature du transport du grain dans l'Ouest canadien. Le rayon de 30 kilomètres qui était prévu au départ était pensé en fonction des centres urbains et du transport des produits aux installations portuaires. Cela englobait un très faible nombre d'installations pour le chargement de grains: 6 % des installations y avaient accès lorsque le rayon était de 30 kilomètres. Maintenant que le rayon est de 160 kilomètres, 92 % y ont accès.
Lorsque les manutentionnaires et les transformateurs de grains ont des problèmes quant aux services ferroviaires, cela affecte directement la capacité des agriculteurs de vendre leurs grains et de générer des rentrées de fonds pour financer leurs activités. Cette situation a également des répercussions sur le prix que les manutentionnaires de grains paient pour les grains, les oléagineux et les cultures spéciales du Canada.
Chaque commande de wagon-trémie compte. Dans une chaîne d'approvisionnement complexe qui s'étend en moyenne sur 1 520 kilomètres, la capacité des compagnies de chemin de fer de transporter des produits agricoles vers un point d'exportation est essentielle pour tous les acteurs de cette chaîne d'approvisionnement, en particulier les agriculteurs. Si les manutentionnaires ou les transformateurs de grains ne peuvent pas transporter les produits, les commandes et les prix diminuent pour les agriculteurs. Cela agit comme un signal pour réduire la quantité de grains qu'ils offrent. Cela occasionne des pertes de revenus pour les agriculteurs, parce qu'ils doivent vendre des grains en dehors des périodes de pointe. Cette situation peut également nuire aux ventes futures si les autres ont perdu confiance dans les expéditeurs canadiens et leur capacité de livrer à temps des produits.
L'interconnexion du trafic ferroviaire donne aux producteurs de grains canadiens des solutions de rechange pour ce qui est des services ferroviaires. Le règlement a déjà permis d'établir des tarifs de fret et des services plus concurrentiels, et les agriculteurs en ont directement profité. Ils ont constaté une diminution des coûts et ont plus de latitude en vue d'obtenir des services ferroviaires là où ils en ont besoin.
À vrai dire, la plus importante utilisation de l'interconnexion est en fait passive. Certains élévateurs profitent du droit d'interconnexion pour demander un prix d'interconnexion, tandis que d'autres s'en servent comme levier dans leurs négociations avec les compagnies de chemin de fer. La simple existence de l'option peut donner aux expéditeurs ce dont ils avaient besoin pour obtenir de meilleures modalités. Les expéditeurs rapportent qu'après avoir eu recours à l'interconnexion et à l'autre chemin de fer pour transporter des cargaisons la première compagnie de chemin de fer a souvent offert de meilleurs prix et de meilleures modalités.
Selon le programme de surveillance du grain, pour la campagne agricole en date du 20 mai 2016, l'interconnexion a permis de réaliser des économies de près de 4 millions de dollars et d'ajouter près de 1 300 wagons de plus sur les réseaux.
La production canadienne de grains a connu une croissance stable d'environ 3 % par année durant plus d'une décennie, et nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive. Mes collègues l'ont confirmé ce matin. La production future ne dépend pas seulement de la capacité des agriculteurs d'avoir accès à de nouvelles technologies et de les mettre en pratique; elle dépend également de notre capacité de tirer profit des débouchés croissants et des marchés d'exportation actuels et émergents, et nous pouvons compter dans bien des cas sur le programme commercial dynamique du Canada. Nous nous attendons à ce que la campagne agricole de 2015-2016 soit également très bonne; les prévisions varient de 70 à 75 millions de tonnes. La campagne agricole de 2013-2014 au Canada a été une année record. Les récoltes excédaient 90 millions de tonnes. Nous nous attendons à ce que ces tendances se poursuivent.
En conclusion, la nouvelle disposition sur l'interconnexion s'est révélée un outil efficace, et voilà pourquoi nous croyons que le gouvernement devrait la rendre permanente.
Merci beaucoup.