Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
La séance est ouverte. Le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités tient sa 72e séance de la 1re session de la 42e législature. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 20 septembre 2017, nous procéderons à l'étude du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et une autre loi en conséquence.
Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Marc Garneau, ministre des Transports. Il est accompagné de collaborateurs du ministère des Transports, Donald Roussel, sous-ministre adjoint associé, et Kim Benjamin, directrice générale.
Je vous souhaite la bienvenue. J'aimerais également souhaiter officiellement la bienvenue à notre nouveau membre, Ben Lobb, ainsi qu'à Michael Chong, bien entendu. Nous sommes heureux de retrouver Kelly Block dans notre équipe, de même que M. Aubin. Les députés de ce côté-ci de la table se passent de présentation.
Ce projet de loi est au coeur des thèmes de l'initiative Transports 2030 en matière de sécurité des transports. Il permet au gouvernement de tenir l'engagement qu'il a pris de modifier la Loi sur la sécurité automobile, d'assouplir son cadre de réglementation, de favoriser l'innovation et d'appuyer la mise en marche de nouvelles technologies tout en protégeant la sécurité des Canadiens.
La pierre angulaire de ce projet de loi est le renforcement des pouvoirs d'ordonner des rappels. En 2014, la loi a été modifiée pour conférer le pouvoir d'ordonner à une entreprise d'émettre un avis de défaut. Depuis 2014, ce pouvoir a été exercé à trois reprises pour protéger les Canadiens. Cependant, il y a une lacune dans l'application de ce pouvoir.
[Traduction]
Bien que le gouvernement puisse ordonner à une entreprise d'émettre un avis de défaut, si l'entreprise refuse d'émettre un rappel et de payer pour la correction des défauts, il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire pour protéger les Canadiens aujourd'hui. Cela peut vouloir dire que les réparations ne seront pas effectuées et que les véhicules défectueux continueront de circuler sur nos routes. Les nouveaux pouvoirs d'ordonner aux constructeurs d'émettre un rappel et de réparer les défauts ou non-conformités des véhicules à leurs frais combleront cette lacune.
J'admets que les pouvoirs d'ordonner des rappels sont de puissants outils, ce qui explique que le projet de loi comprend un mécanisme de recours pour les entreprises afin d'assurer la transparence et la responsabilisation. Notre but est d'avoir des routes sécuritaires et de protéger les consommateurs canadiens.
De plus, la proposition visant à introduire un nouveau pouvoir d'ordonner à une entreprise de procéder à l'essai de ses produits, qui n'est pas sans rappeler un pouvoir conféré par la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, facilitera les enquêtes sur les défauts, en particulier lorsque nous avons affaire à des technologies exclusives. Tout cela a pour but d'aider Transports Canada à s'acquitter de ses responsabilités.
[Français]
À propos des nouvelles technologies, la révolution des véhicules automatisés et connectés est à nos portes, et les dispositions proposées dans ce projet de loi sont des mesures clés qui aideront l'industrie à mettre en marché ces technologies novatrices. Elles nous permettront de maintenir la sécurité des véhicules sur les routes là où de nouvelles technologies seront développées et mises à l'essai tout en protégeant les Canadiens. Un processus d'exemption plus efficace, la prolongation de la durée des arrêtés à effet provisoire et le nouveau pouvoir d'ordonner la suspension, la modification ou l'adaptation d'un règlement nous aideront à atteindre nos objectifs qui consistent à promouvoir l'innovation.
L'amélioration de nos instruments d'enquête et d'application de la loi est également essentielle à la protection des Canadiens, d'où le projet d'un régime de sanctions administratives pécuniaires, sans oublier le nouveau projet de consentement. Par ailleurs, les pouvoirs des inspecteurs ont été modifiés par rapport à ce que prévoyait la version préalable du projet de loi, et ce, afin de préciser l'objet de l'entrée sur les lieux d'une entreprise à des fins d'inspection.
(1535)
[Traduction]
Enfin, l'autre chambre du Parlement a proposé d'apporter un amendement au projet de loi pour traiter des préoccupations soulevées par les concessionnaires d'automobiles au Canada. J'ai le plaisir d'annoncer que nous avons collaboré de près avec la Corporation des associations de détaillants d'automobiles pour mieux comprendre ses points de vue et éclaircir la façon dont ce projet de loi pourrait protéger ses membres. À la suite de ces conversations, nous proposons d'apporter un autre amendement au projet de loi actuel, qui traite de leurs préoccupations.
Madame la présidente, les Canadiens attendent depuis trop longtemps les améliorations proposées par ce projet de loi. Cela fait maintenant près de deux ans et demi que la majeure partie de ces dispositions ont été proposées par le gouvernement précédent. J'espère que votre comité adoptera rapidement ce projet de loi afin que tous les Canadiens puissent profiter d'une sécurité accrue, alors que nous continuons à nous pencher sur d'autres façons d'améliorer leur sécurité.
Merci, monsieur le ministre, d'être venu à notre rencontre malgré votre rhume. Vous avez toute ma reconnaissance.
Dans votre exposé, vous avez évoqué la possibilité de prolonger la durée des arrêtés à effet provisoire visant les nouvelles technologies. Des discussions ont-elles eu lieu concernant la durée éventuelle de ces arrêtés provisoires? De combien de temps parle-t-on?
Je dirais aussi longtemps que nécessaire, mais pas plus. Comme le titre le suggère, le but est de nous garantir une certaine latitude pendant un moment, particulièrement si nous avons affaire à de nouvelles technologies. D'un autre côté, nous ne devons jamais perdre de vue que la sécurité prime lorsque de nouveaux véhicules sont mis en marché. Cependant, nous estimons nécessaire de prévoir une certaine marge de manoeuvre, d'où les arrêtés à effet provisoire, qui dureront aussi longtemps qu'il le faut pour faire les essais voulus sur les véhicules.
Nous connaissons bien les constructeurs qui travaillent sur des véhicules hautement automatisés comme Tesla, Volkswagen et les autres. Est-ce que Transports Canada a une idée du nombre de véhicules de ce type qui empruntent nos routes chaque jour?
Mes collaborateurs du ministère sont mieux placés que moi pour vous donner des chiffres exacts, mais je sais que nous parlons encore d'une poignée de véhicules. Certains véhicules offrent un certain degré d'autonomie. Comme vous le savez, il existe cinq niveaux d'autonomie, le niveau cinq correspondant aux véhicules entièrement autonomes, qui n'ont pas besoin de conducteur. Des modèles comportent des caractéristiques assez évoluées qui permettent par exemple de rester dans la voie ou d'adapter la vitesse, et les avancées sont incessantes. Vous l'avez dit vous-même, plusieurs constructeurs proposent de nouveaux modèles.
Je ne connais pas les chiffres exacts, et je ne sais pas non plus si nous avons cette information. Je vais m'en remettre à mes collaborateurs. Je peux dire par contre que pour le moment, nous parlons encore d'un petit nombre. Pour que des véhicules entièrement autonomes puissent circuler sur nos routes, il faudra beaucoup de nouvelles infrastructures. Il faudra aussi qu'un nombre plus élevé de véhicules puissent communiquer entre eux.
C'est un aspect que nous devrons sans doute étudier dans le cadre de nos travaux, car je crois savoir que nos voisins américains ont rencontré des problèmes sérieux avec les essais et les ratés de ces essais, ainsi qu'avec la question des dispenses.
Le rappel le plus important de tous les temps, je pense, et le plus sérieux hors du régime de la Loi sur la sécurité automobile a été celui des automobiles Volkswagen à moteur diesel, à cause des résultats d'essais trompeurs entre autres. Ce rappel a-t-il fait l'objet de discussions? Actuellement, c'est le ministère de l'Environnement qui interviendrait dans pareil cas, mais je ne crois pas que sa ministre, ni vous d'ailleurs, ait le pouvoir d'ordonner des rappels et d'obliger le constructeur à prendre des mesures au Canada.
Vous avez raison, ce dossier relève du ministère de l'Environnement. Cette décision a été prise en 1999, je pense, pour établir une distinction entre les questions touchant l'environnement et celles touchant la sécurité. Nous avons tous suivi de près la saga, très triste, des moteurs diesels de Volkswagen, mais la sécurité n'a jamais été en cause. Il s'agit plutôt d'une grave question environnementale, et c'est actuellement le ministère de l'Environnement et du Changement climatique qui s'occupe de ces dossiers.
Je m'interroge au sujet de ce projet de loi présenté à la Chambre des communes par l'entremise du Sénat, dont un pan important se rapporte à la théorie ou au concept des rappels. C'est probablement le plus important enjeu des 10 dernières années. Vous n'avez pas collaboré avec l'autre ministère pour vous assurer que la question… Même si la sécurité n'est pas en cause, il reste que la question environnementale est une priorité pour tous. Rien n'a été fait pour les Canadiens.
Vous avez raison, mais comme je l'ai déjà dit, la Loi sur la sécurité automobile, comme son nom l'indique, porte sur la sécurité. Notre rôle est de vérifier que tout nouveau véhicule introduit dans le marché est sûr pour les gens qui y prennent place. Les aspects qui ne touchent pas la sécurité peuvent relever d'autres ministères.
Je tiens à rappeler que d'importants enjeux de sécurité… Je pense aux coussins gonflables Takata, qui ont énormément fait parler, et à d'autres problèmes moins graves concernant des modèles particuliers.
J'aimerais conclure avec la défaillance des freins à vide du modèle Ford F-150. Vous avez traité ce dossier au début de l'année ou en 2016. Vous parlez de transparence des décisions, des constats de Transports Canada et des données produites par Ford pour les contester. Je sais qu'une entente a été prise entre les deux parties.
En réalité, si les modifications proposées sont adoptées, dans quelle mesure les consommateurs auront-ils accès à ces décisions et au processus suivi pour y arriver?
Voilà un cas où nous avons décidé, par suite du refus du constructeur de rappeler un véhicule qui à notre avis présentait des problèmes de sécurité et parce que nous n'avions pas d'outils pour l'obliger — c'est-à-dire les outils proposés dans le projet de loi S-2 —, d'engager des discussions pour l'amener à entendre raison. Ce dossier a aussi fait l'objet d'une couverture médiatique assez intense. Au bout du compte, Ford a jugé bon de procéder au rappel.
Le projet de loi S-2 nous confère les pouvoirs voulus pour régler ce genre de problèmes. Je m'empresse d'ajouter que l'intention est de les utiliser le moins souvent possible. Dans la majorité des cas, les constructeurs annoncent eux-mêmes les défauts et prennent les mesures requises. J'espère sincèrement que la plupart du temps, nous n'aurons pas à exercer les pouvoirs prévus au projet de loi S-2.
Merci, monsieur le ministre, d'être venu à notre rencontre. J'apprécie énormément que vous preniez le temps de discuter avec nous de cette mesure législative primordiale en matière de sécurité.
Alors que je participais à une étude précédente du projet de loi S-2 — quand il a été présenté à la Chambre des communes la dernière fois —, je suis tombé sur un article qui affirmait qu'au moins une automobile sur six circulant sur les routes canadiennes pouvait être visée par une instance de rappel. Honnêtement, j'ai été renversé. Je ne pense pas que les Canadiens sont au courant du nombre de véhicules qui font l'objet de rappels volontaires actuellement.
Pour l'instant, aucun pouvoir ne vous permet, ni à vous ni à aucun ministre qui vous suivra, d'ordonner un rappel ou d'interdire qu'un véhicule sorte de chez le concessionnaire et circule sur les routes. Quand on sait à quel point le nombre réel de rappels est méconnu, si jamais vous exercez ce pouvoir — j'espère que ce ne sera pas nécessaire, mais si jamais —, comment ferons-nous pour assurer la conformité? Pouvez-vous nous donner une idée de la manière dont les sanctions administratives pécuniaires garantiront un taux de réparations assez élevé pour améliorer la sécurité des Canadiens?
En fait, ce sont deux termes différents de l'équation. Nous voulons nous assurer que les constructeurs feront ces rappels, comme c'est le cas actuellement, mais également… En fait, ils peuvent aussi émettre un avis de défaut. Nous voulons nous assurer qu'ils procèdent ensuite au rappel et font les réparations. C'est l'un des objectifs du projet de loi S-2. S'ils ne le font pas, d'autres outils seront mis à notre disposition. À l'heure actuelle, notre seul recours est de les amener devant un tribunal. Nous voulons faire appliquer la loi de manière progressive grâce à un régime de sanctions administratives pécuniaires ou à des ententes de consentement qui éviteront les poursuites interminables devant les tribunaux. C'est l'une des nouveautés du projet de loi.
L'autre terme de l'équation concerne les conducteurs, dont un trop grand nombre décident de ne rien faire, même après avoir été notifiés d'un défaut par le constructeur, simplement parce que leur véhicule est vieux. La Loi sur la sécurité automobile ne comporte aucune composante éducative, mais l'éducation est essentielle. Nous espérons que cette nouvelle mesure législative sensibilisera la population au fait que même s'il est vieux, un véhicule qui présente un défaut, d'autant plus s'il est lié à la sécurité… Bref, les propriétaires de véhicules devront aussi y mettre du leur.
Peut-être ma question dépasse-t-elle le cadre du projet de loi S-2, mais vous avez vous-même soulevé le thème de la sensibilisation du public. Outre la couverture médiatique qui entoure inévitablement tout processus législatif, avez-vous contemplé l'idée, à l'intérieur de la stratégie Transports 2030, d'un volet axé sur l'éducation et la sensibilisation du public? Étant donné qu'un mécanisme d'application est prévu, êtes-vous certain qu'il ne faudra pas sensibiliser le public au fait que le gouvernement, les concessionnaires et les constructeurs ne sont pas les seuls en cause?
Je crois que le projet de loi est un très bon début, mais je n'écarte pas du tout la possibilité d'adopter d'autres mesures pour inciter les conducteurs à se responsabiliser à l'égard de la nécessité de faire corriger les défauts liés à la sécurité de leurs véhicules. C'est d'autant plus important lorsqu'ils projettent de les vendre. Ils ne veulent pas vendre un véhicule qui a de multiples défauts.
Pour revenir aux véhicules automatisés, nous avons entendu dans le cadre lors d'une étude précédente sur les villes intelligentes qu'ils étaient à nos portes. Apparemment, dans un horizon de 10 ou 15 ans, ils seront omniprésents. J'avoue avoir été saisi par cette révélation, moi qui viens d'une région rurale de la Nouvelle-Écosse. Il est difficile pour la plupart d'entre nous de visualiser des routes où les véhicules seront sans conducteur. En sachant que l'arrivée de cette nouvelle technologie est imminente sur nos routes, comment utiliserons-nous le pouvoir d'exemption pour permettre à notre pays de rester à l'avant-garde et de profiter des retombées économiques, sans toutefois compromettre la sécurité des Canadiens?
C'est une excellente question. La ligne est mince parce que nous voulons — soit dit en passant, cela se fera progressivement. Le parc automobile ne sera pas entièrement automatisé du jour au lendemain. Les constructeurs mettent au point des modèles de plus en plus autonomes, mais ils doivent encore être manoeuvrés par des personnes.
Entretemps — nous encourageons des initiatives comme celles qui sont en cours en Ontario —, des essais sont réalisés à des endroits précis. Plus particulièrement, la ville de Stratford en Ontario autorise le développement et la mise à l'essai de technologies pour véhicules autonomes dans un périmètre réservé. Des projets semblables ont lieu ailleurs dans le monde, aux États-Unis et en Europe entre autres. Nous espérons que d'autres provinces s'y mettront aussi.
Nous sommes emballés par les programmes Active et Aurora de l'Université de l'Alberta et de l'Université de la Colombie-Britannique. Lorsque les véhicules circuleront sur de vraies routes, ils devront être sûrs, absolument sans danger, mais nous devrons d'ici là apporter des modifications à la réglementation parce qu'il s'agit de nouvelles technologies. Nous devrons nous y mettre très bientôt, mais nous avons besoin de la marge de manoeuvre prévue au projet de loi S-2 pour bien faire les choses et être en mesure de stimuler l'innovation et le développement.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre.
Deux visites en trois semaines depuis la reprise des travaux, voilà une cadence que je vous invite à maintenir. J'avoue que nous sommes toujours très heureux de pouvoir poser les questions directement au ministre.
Ma première question est très simple. On a parlé très souvent d'un projet de loi proposant une harmonisation avec la législation américaine. J'ai quant à moi l'impression — à tort ou à raison, vous me le direz — que l'harmonisation, dans le fond, consiste plutôt en des mesures de rattrapage par rapport à la législation américaine.
Dans le projet de loi S-2, y a-t-il un élément sur lequel nous sommes en avance et grâce auquel nous pourrions servir, à notre tour, de fer de lance à une modification américaine?
L'autre jour, j'ai dit que nous travaillions très fort pour nous rattraper en ce qui concerne cette technologie qui se développe rapidement. Je n'ai pas dit que c'était par rapport à celle des Américains. Elle est partout.
Nous devons bien sûr travailler avec nos partenaires américains et nous le faisons dans tous les domaines du transport, qu'il s'agisse de voiture, de train ou d'avion. Le Conseil de coopération en matière de réglementation, le CCR, Canada-États-Unis rassemble nos deux pays depuis très longtemps. Son but est d'harmoniser nos règlements pour que ceux-ci ne changent pas quand on traverse la frontière en voiture.
Sommes-nous en avance par rapport aux Américains? Je suis obligé de me tourner vers mes collègues; ils pourront répondre à cette question. Toutefois, je peux vous dire que nous sommes certainement conscients de l'importance d'agir le plus rapidement possible.
L'alinéa 9(1)b) proposé dans le projet de loi vous donne le pouvoir d'exempter certains véhicules de l'application des normes de sécurité si cela favorise le développement de la technologie. Comme le commun des mortels, j'en ai conclu que l'exemption serait appliquée si l'innovation technologique permettait un niveau de sécurité plus élevé que celui prévu auparavant. J'imagine que c'est ce qu'exprime la loi.
Pouvez-vous illustrer cela par un exemple concret?
Comment justifiez-vous ce nouveau pouvoir d'exemption alors que les lacunes en matière de vérification soulevées dans le rapport du vérificateur général n'ont pas été corrigées?
La note du vérificateur général à ce sujet était très claire. Je sais bien que le projet de loi S-2 n'est pas nécessairement une réponse directe à l'audit du vérificateur général, mais j'imagine que vous en profitez tout de même pour rétablir un certain nombre de faits.
Je ne peux pas vous donner d'exemples étant donné que nous ne sommes pas habilités à appliquer des exemptions. En effet, le projet de loi S-2 n'a pas encore été adopté. Aussitôt qu'il le sera, il y aura sans doute des exemples. Notre but est effectivement que les véhicules autonomes soient plus sécuritaires. Or pour qu'ils soient autorisés à circuler sur nos routes, il faut que ces technologies soient validées, ce qui demande dans certains cas des ajustements à la réglementation. C'est le pouvoir qu'on se donne dans ce projet de loi dans l'espoir, bien sûr, que ces véhicules seront plus sécuritaires que les véhicules actuels.
Quant au rapport du vérificateur général, nous l'avons reçu. Il est passé par le Comité permanent des comptes publics, qui nous a fait des recommandations. C'est présentement la période où nous pouvons décider de notre réponse à ce comité. Bien sûr, nous serons bientôt en mesure de présenter cela à la Chambre des communes. Nous prenons toujours très au sérieux les recommandations des divers comités, incluant le vôtre. Je ne vais rien dévoiler en vous disant que nous prenons tout cela à coeur. Ce n'est pas identique au projet de loi S-2. Il s'agit en effet de deux choses parallèles. Cela dit, si nous pouvons prendre des mesures pour améliorer le rendement de Transports Canada, particulièrement en matière de sécurité, nous allons le faire.
Dans les articles 12 à 14 du projet de loi, on renforce les pouvoirs des inspecteurs de Transports Canada, notamment celui de vérifier la conformité des véhicules et celui de recueillir des documents concernant des collisions. On ajoute, semble-t-il, des ressources humaines, mais au cours des dernières années, on a diminué la capacité de générer des données probantes, notamment en réduisant de 59 % les tests de collision.
Comment peut-on concilier le fait que plus de ressources sont consenties, mais que le ministère ne dispose pas des moyens financiers nécessaires pour réaliser des tests?
Nous avons adopté une philosophie de gestion des risques. Je pense qu'il s'agit d'une approche intelligente. Dans le passé, nous faisions des inspections chaque année ou plusieurs fois par année sans vraiment questionner la logique de cette façon de faire, simplement parce que nous avions toujours procédé de cette façon. Cela nécessitait beaucoup de temps et de ressources et ceux-ci n'étaient pas nécessairement bien utilisés. L'approche de la gestion des risques est principalement ce sur quoi nous nous fondons pour décider, en matière d'inspections, où nous allons investir nos ressources. Je crois qu'il s'agit là d'une meilleure approche.
Dans ce projet de loi, nous donnons effectivement des pouvoirs additionnels d'inspection à nos employés lorsque, dans le cadre d'une enquête liée à la sécurité, la possibilité d'un défaut existe. Cette interaction avec les manufacturiers est nécessaire. Il serait important de garder la porte ouverte pour permettre des échanges d'information entre les deux parties. Dans certains cas, s'il s'agit d'information commerciale privilégiée, il faudra que nous ayons le pouvoir de demander aux manufacturiers de nous fournir eux-mêmes des résultats de tests que nous préciserons.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Le projet de loi S-2 est analogue à l'ancien projet de loi C-62, mort au Feuilleton en 2015; il n'a donc jamais été adopté.
Pouvez-vous nous expliquer les différences principales entre le projet de loi S-2 et l'ancien projet de loi C-62, nous dire quelles sont les améliorations qui se trouvent dans le projet de loi que nous étudions aujourd'hui?
C'est difficile à mesurer exactement, mais je dirais qu'environ 75 % du projet de loi S-2 reprend ce qui était prévu dans le projet de loi du gouvernement conservateur. Il y a eu une élection en 2015 et ce projet de loi est mort au Feuilleton.
Les principaux nouveaux éléments sont le pouvoir de négocier des accords consensuels avec les manufacturiers et celui de conclure des ententes administratives. Nous aurons le pouvoir d'imposer des sanctions aux manufacturiers sans devoir aller jusqu'à lancer des poursuites judiciaires, qui prennent beaucoup de temps et qui coûtent très cher. Cela donne aussi une plus grande flexibilité quant aux mesures que nous pouvons prendre si nous ne sommes pas satisfaits de ce que le secteur manufacturier a fait pour corriger un défaut.
De plus, nous allons prolonger la durée d'un arrêté à effet provisoire et en élargir la portée. Nous allons également élargir la portée d'un décret de dispense et permettre l'approbation ministérielle, ce qui est lié à la souplesse nécessaire au développement de nouvelles technologies. Nous voulons que la réglementation soit souple afin de favoriser l'innovation, tout en sachant qu'il faudra apporter des ajustements, et ce, sans minimiser l'importance de la sécurité.
Il y a quelques autres très petites modifications, mais beaucoup d'éléments du projet de loi C-62 ont été repris tels quels.
L'élément principal est le pouvoir que peut utiliser le ministre des Transports d'ordonner qu'un manufacturer corrige un défaut observé à ses frais. On ne fera pas qu'indiquer l'existence d'un défaut, il faudra faire un suivi pour qu'il soit réparé. Cela s'applique tant aux nouvelles automobiles chez le concessionnaire qu'aux automobiles déjà sur la route. Je pense que c'est une bonne nouvelle.
Cela dit, on ne sera pas nécessairement obligé d'exercer ce pouvoir puisque, dans la majorité des cas, les manufacturiers reconnaissent les défauts observés et font les réparations qui s'imposent.
Dans mon discours, j'ai mentionné qu'il y avait trois cas où le manufacturier n'avait pas reconnu un défaut. Je vais demander à Mme Kim Benjamin de vous en parler davantage.
Vous soulevez un autre point important. Nous voulons minimiser le temps d'attente pour qu'un problème soit réglé. Lorsqu'un défaut est observé, il arrive parfois qu'il n'y ait pas de solution immédiate, par exemple lorsque le manufacturier doit produire en grande quantité le nombre de pièces requises pour corriger un défaut. Cela peut prendre du temps, mais nous ne voulons pas que les choses traînent quand plusieurs véhicules sur les routes ont le même défaut.
[Traduction]
Madame Benjamin, pouvez-vous donner des exemples de situations qui ont nécessité une intervention?
Il est arrivé à trois reprises que des constructeurs contestent notre décision depuis que nous avons obtenu le pouvoir d'ordonner l'émission d'un avis de défaut. Dans chaque cas, nous avons débuté par une décision préliminaire, annoncée publiquement. L'information est annoncée au public en même temps qu'au constructeur. Dans chaque cas, le constructeur s'est résolu à émettre un avis de défaut — ou, dans un cas, à faire une campagne auprès des consommateurs afin de les inviter à faire réparer leur véhicule — avant que nous ayons à prendre un décret final d'émission d'avis de défaut. Les trois cas figurent sur notre site Web. Comme je l'ai dit, une fois que le public a été mis au courant, il a exercé des pressions et nous a transmis de l'information, et nous n'avons pas eu à prendre de décret final visant l'émission d'un avis de défaut. Les constructeurs l'ont fait d'eux-mêmes.
Madame la présidente, je vais partager mon temps de parole avec l'honorable Hunter Tootoo.
Merci de votre visite, monsieur le ministre.
J'aimerais aborder la question des sanctions administratives pécuniaires. Si j'ai bien compris, dans certaines circonstances, une peine d'emprisonnement pourrait être infligée pour non-conformité. Pouvez-vous nous donner des détails? Est-ce que c'est exact?
La sanction administrative pécuniaire n'est pas une sanction pénale. L'objectif est d'instaurer un régime administratif de sanctions, assorti d'une charge moins lourde pour ce qui est de la preuve de non-conformité. Ces sanctions nous aideront à convaincre les gens de se conformer. Il ne s'agit pas d'une mesure aussi punitive qu'une poursuite criminelle.
Lors d'une réunion, des représentants de l'association des constructeurs se sont montrés assez inquiets devant la perspective de faire face à des accusations criminelles pour des gestes commis par un concessionnaire. Le constructeur est un grossiste qui vend des véhicules aux concessionnaires, et ce sont eux qui peuvent camoufler de l'information au public, certainement pas le constructeur. Pouvez-vous répondre à leurs inquiétudes?
Ce n'est certes pas notre intention de pénaliser ceux qui n'ont rien à se reprocher et, dans tous les cas, nous ferions une analyse exhaustive. Les poursuites criminelles sont très sérieuses et seraient engagées dans des circonstances très précises où le caractère délibéré d'une action est manifeste. Le fardeau de la preuve est assez lourd dans ces cas, qui resteront exceptionnels selon moi. Il existe beaucoup d'autres types de sanctions administratives à Transports Canada, pour punir toutes sortes d'infractions, notamment dans les secteurs ferroviaire et maritime. Nous avons déjà cet outil à notre disposition, mais pas pour ces situations. Il fera partie intégrante de notre capacité d'intervention progressive.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre.
J'ai une seule question, qui se rapporte à un problème soulevé à quelques reprises au cours de l'été à Iqaluit.
Comme vous le savez, le Nunavut est assez différent du reste du pays. Nous n'avons pas de concessionnaires. J'ai eu connaissance d'un cas où un rappel a été ordonné pour un véhicule, et d'un autre où une garantie prévoyait que le concessionnaire faisait les réparations d'office. Toutefois, comme il n'y a pas de concessionnaire au Nunavut, et que la garantie indique que les réparations doivent être effectuées par un concessionnaire autorisé, les propriétaires se font dire qu'ils doivent expédier le véhicule par bateau pour que les travaux soient effectués au Sud, et attendre l'année suivante pour le récupérer.
Pensez-vous qu'il serait possible de trouver un moyen pour que nous ne soyons pas obligés de faire appel à des concessionnaires? Nous avons des garages dans nos communautés, mais ils ne sont pas des concessionnaires autorisés. Ils emploient des mécaniciens agréés. Ce qu'il nous faut, c'est une mesure qui nous permettrait de faire réparer nos véhicules chez nous. Certaines personnes ne peuvent pas se passer d'un véhicule, et on leur demande de payer pour expédier leur véhicule au Sud pour que les défauts soient réparés, et pour qu'il leur soit retourné. Elles continuent donc d'utiliser leur véhicule même s'il a un défaut. Pour l'instant, il n'est pas possible de contourner ce problème, mais j'aimerais savoir si une mesure pourrait régler ce problème dans le projet de loi.
Vous me rappelez que les choses sont très différentes dans le Nord, et que les habitants sont confrontés à des difficultés qui sont à mille lieues de notre réalité, à cause du contexte différent et de l'absence d'infrastructures en général.
Le projet de loi S-2 a pour objet premier d'assurer que si un véhicule a un défaut, peu importe que le propriétaire le conduise à Iqaluit ou n'importe où ailleurs, et qu'il n'est pas réparé par le constructeur même, si selon nous il pose un risque pour la sécurité, nous pouvons l'obliger à le faire à ses propres frais.
Cependant, vous soulevez la situation très particulière des personnes qui doivent expédier leur véhicule au Sud par bateau depuis Iqaluit ou un autre endroit. Il existe d'autres solutions. Le constructeur pourrait être obligé d'envoyer dans le Nord un nouveau véhicule exempt de défaut et de ramener l'autre, par exemple. Toutefois, je vais devoir vous revenir pour ce qui est des conditions particulières à vos régions, où l'on ne trouve pas tout ce que nous tenons pour normal ici.
Et je souhaite la bienvenue également à vos collaborateurs.
Je vais citer un extrait d'un rapport produit à l'automne 2016 par le vérificateur général:
Dans l'ensemble, nous avons constaté que Transports Canada n'avait pas élaboré en temps opportun des normes de sécurité automobile pour faire face aux risques et aux problèmes émergents.
Il se poursuit comme suit:
Nous n'avons pas toujours pu déterminer comment le ministère avait utilisé les éléments probants et les données de recherches pour élaborer ou modifier des normes de sécurité.
Le projet de loi S-2 donnerait au ministre et à son ministère de nouveaux pouvoirs très importants. Pouvez-vous nous dire si des efforts ont été déployés pour résoudre certaines des lacunes relevées par le vérificateur général?
Oui. Je ne me souviens plus exactement des périodes visées par le rapport du vérificateur général. Bien sûr, nous en avons pris connaissance avec le plus grand sérieux. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, nous répondrons devant le comité des comptes publics aux recommandations formulées par le vérificateur général pour régler les problèmes relevés. Nous reconnaissons que nous avons des choses à améliorer, et nous nous y attacherons avec le plus grand sérieux.
Apparemment, le vérificateur général a remarqué certains domaines où tout va bien, ce qui est une bonne nouvelle. Par exemple, il a souligné que nous étions capables de repérer les défauts liés à la sécurité, ce qui est assez fondamental pour assurer... vu que les constructeurs ne nous les signalent pas toujours. Nous faisons un suivi serré de tous les défauts cernés.
Je ne peux pas vous donner la teneur exacte du document qui sera déposé au Parlement sous peu, mais il contiendra notre réponse à l'étude du rapport du vérificateur général par le comité des comptes publics. Si à ce moment vous avez d'autres questions à me poser, j'y répondrai volontiers.
J'aimerais maintenant parler d'une autre mesure du projet de loi S-2. Celui-ci accroît le pouvoir des inspecteurs de Transports Canada de visiter des lieux, d'exiger la production de documents et d'interroger des employés aux fins du contrôle de la conformité. Dans quelles circonstances Transports Canada jugerait-il nécessaire de visiter les installations d'une entreprise pour vérifier la conformité? La procédure ne repose pas sur des plaintes; les inspecteurs peuvent entrer et demander l'information. Qu'est-ce qui pourrait justifier une telle visite?
Pour donner une réponse courte, je dirais des circonstances exceptionnelles. Idéalement, ces pouvoirs ne seront pas exercés. Comme je l'ai déjà dit, le but de Transports Canada est d'assurer que le processus d'assurance de la sécurité des automobiles — bien entendu, nous parlons de tous les véhicules, des motocyclettes aux camions… Si nous n'obtenons pas les renseignements que nous jugeons nécessaires pour comprendre tout ce qui concerne un défaut, nous aurons le pouvoir d'exiger qu'ils nous soient transmis. Mais je le répète, nous exercerons ce pouvoir dans des circonstances exceptionnelles.
Je suis convaincu qu'il y aura très peu d'occasions où ce type de pouvoir du ministre ou d'un inspecteur sera invoqué, parce que j'ai confiance dans la collaboration du secteur de la construction automobile. Nous nous donnons une marge de manoeuvre, au cas où.
J'ai une question concernant le fait que le projet de loi a été présenté au Sénat, et cette question a été posée assez souvent durant le débat à la Chambre des communes par les députés qui attendent toujours une réponse. Comme nous avons la chance de vous avoir devant nous, j'ose vous demander si vous voulez ou si vous souhaitez nous expliquer pourquoi cette mesure législative a transité par le Sénat avant de parvenir à la Chambre des communes?
Je vais le faire avec grand plaisir, en commençant par dire que ce n'est pas sorcier. Nous voulions que le processus législatif commence le plus vite possible, dès les premiers jours. Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'au début d'une nouvelle législature, les deux chambres ont carte blanche relativement au type de projets de loi qui seront présentés. Le Sénat, comme vous le savez, peut décider de se saisir d'un projet de loi du gouvernement. Le processus ne commence pas forcément à la Chambre. Le Sénat était disposé à amorcer l'étude du projet de loi S-2, dont notre gouvernement avait déjà présenté une version. C'est ce qui s'est passé. Il n'y a pas de grand mystère. Le processus a pris un autre cheminement, c'est tout. Les nouveaux gouvernements présentent toujours plusieurs projets de loi et, dans le cas précis qui nous occupe, le Sénat disposait des ressources nécessaires pour en faire l'étude.
J'aimerais poursuivre sur le thème abordé par ma collègue, mais je vais remonter un peu en arrière. J'ai été très surpris d'apprendre que votre bureau et que vous-même, monsieur le ministre, n'aviez pas déjà ces pouvoirs. Je suis donc heureux d'entendre que le projet de loi S-2 suit son cours. J'aimerais savoir comment vous envisagez l'exercice de ces pouvoirs. Par exemple, si une situation dégénère au point que vous n'avez pas le choix d'intervenir, est-ce que les rappels seront ordonnés de concert avec les constructeurs? Comment ces pouvoirs seront-ils appliqués?
Beaucoup de Canadiens semblent penser qu'à l'heure actuelle, le gouvernement canadien a le pouvoir d'ordonner des rappels. Ils ignorent que le cadre législatif en vigueur l'autorise à ordonner l'émission d'un avis de défaut par le constructeur, c'est tout. Cette fausse conception est entretenue parce que les constructeurs font souvent ce qu'il faut et font les rappels et les corrections nécessaires, ce qui est tout à leur honneur.
Comme vous l'a expliqué ma collaboratrice, Kim Benjamin, il est arrivé à quelques reprises qu'il y ait eu des divergences d'opinions. Dans les trois cas en question, selon une opinion fondée sur l'expertise de Transports Canada, après avoir mené des inspections et tout le tralala, et reçu des commentaires du public, il a été conclu qu'un véhicule comportait un défaut, mais nous n'avons pas entendu parler de défaut de la part des constructeurs. En fait, ils contestaient nos conclusions. Dans de telles situations, le ministre pourrait exercer son pouvoir d'ordonner un rappel. Nous espérons que ces situations seront rares, mais elles ne sont pas impossibles. Il existe tellement de modèles et de technologies sur le marché qu'il est important que le gouvernement puisse agir quand il est convaincu qu'un défaut doit être corrigé.
Vous avez dit qu'il arrivait que vous n'entendiez pas parler des constructeurs. Comme la sécurité des Canadiens prime toujours, je crois qu'il faut éviter qu'une société étrangère dont les véhicules sont vendus au Canada et qui est constituée en société ici puisse être à l'abri d'une poursuite judiciaire. J'aimerais savoir comment le projet de loi S-2 s'appliquera aux sociétés étrangères qui ont des activités en sol canadien.
Le projet de loi vise autant les constructeurs que les importateurs de véhicules automobiles, pour nous assurer que toutes les voitures, ou tous les véhicules sur nos routes sont sûrs, y compris ceux qui sont importés.
Pour ce qui est du processus, monsieur le ministre, je suis très enthousiaste, parce qu'il propose une mise à jour attendue depuis longtemps.
Ce processus reflète notre perspective de la sécurité en 2017. Cependant, l'aspect qui m'intéresse le plus est celui des possibilités qu'il nous offre. Il nous donne la possibilité de jeter un regard sur l'avenir et ne tenir compte non seulement de la perspective de 2017, mais aussi celle de 2030 et à plus long terme encore. Nous en avons beaucoup parlé dans le débat sur la place à accorder à la sécurité à notre époque de progrès technologiques effrénés.
N'empêche, si nous voulions être davantage proactifs, ou moins réactifs — et permettre que des défauts surviennent avant de les corriger —, quelles sont les possibilités? Pouvons-nous tirer profit de ce processus pour inciter les constructeurs à développer plus rapidement les technologies qui optimiseront les rendements de nos investissements en matière environnementale, sociale et économique, et donc nous montrer plus proactifs à l'égard de ces nouvelles technologies qui, par ricochet, pourraient aussi contribuer à améliorer la sécurité?
Si nous pouvions voir dans une boule de cristal l'état de nos routes en 2030, soit dans 13 ans d'ici seulement, nous serions certainement surpris des progrès de l'implantation de ces technologies si dérangeantes aujourd'hui, pour le mieux j'espère. Quand j'observe les progrès dans le domaine des véhicules autonomes, j'ai l'impression que les forces du marché sont déjà à l'oeuvre pour faire avancer les choses dans cette direction.
Nous avons tous entendu parler de Tesla, mais c'est loin d'être le seul joueur. Audi est aussi de la partie, et d'autres sociétés comme Google, Apple, les trois grands constructeurs américains et plusieurs sociétés européennes, dont BMW, se démènent pour conquérir la plus grande part de marché possible. Toutes ces sociétés semblent très motivées, mais il est difficile de dire jusqu'à quel point.
Nous pouvons discuter de la disponibilité de véhicules à émission zéro, mais c'est un tout autre débat. Pour ce qui concerne les véhicules autonomes, je crois que toutes ces sociétés sont très motivées et qu'elles font des progrès. Inutile de dire qu'elles savent très bien que les modèles les plus populaires seront les meilleurs sur le plan de la sécurité, des émissions et de l'accessibilité, entre autres avantages. À mon avis, les facteurs de motivation sont assez nombreux, il n'est pas vraiment nécessaire d'en rajouter.
Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être déplacé. Vous avez dit dans votre déclaration liminaire que vous proposerez des amendements au projet de loi. Je suppose que vous ne le ferez pas devant la Chambre, mais par l'intermédiaire des représentants libéraux du Comité. Est-ce exact?
Je suppose donc que vous n'appuyez pas l'amendement apporté au projet de loi par le Sénat, concernant l'article 10.52 du projet. Est-ce que c'est exact également?
Non, pas avec la formulation, et je vais vous expliquer pourquoi. Nous nous intéressons à la Loi sur la sécurité automobile, qui ne s'applique pas à la relation entre les concessionnaires et les constructeurs. Cette relation déborde le champ d'application de la Loi, mais nous avons cherché une solution qui, je crois, convient à toutes les parties et…
Dans une autre partie du projet de loi, l'article 11 modifie la Loi sur la sécurité automobile par adjonction de l'article 13.1, qui vous autoriserait, à titre de ministre, à suspendre pour une période d'au plus trois ans un règlement découlant de la Loi. Cette suspension vise-t-elle à favoriser la circulation sur nos routes de véhicules autonomes ou équipés d'autres dispositifs novateurs du genre?
Je suis heureux de l'entendre parce que la technologie progresse rapidement, et je crois que notre pays accuse de sérieux retards à l'égard de la législation et de la réglementation des véhicules autonomes. Le fait est que l'on trouve déjà des voitures entièrement autonomes sur nos routes, et que beaucoup de voitures pourraient être entièrement autonomes si la fonction logicielle était activée. Il est important de le réaliser parce que l'Ontario est un important constructeur, et nous ne voulons pas nous faire dépasser par la concurrence américaine.
Si le projet de loi est adopté, avez-vous l'intention de revoir l'ensemble du règlement d'application de la Loi sur la sécurité automobile pour y relever les dispositions incompatibles avec les véhicules automatisés sans conducteur ou les systèmes de conduite autonome?
Il faudra en venir à une réglementation uniforme pour tous les véhicules autonomes, et quand les constructeurs proposeront de nouveaux modèles, nous aurons la latitude nécessaire. Cet appui à l'innovation viendra en grande partie de cette composante du projet de loi.
Avez-vous fixé des délais? Je vous le demande parce qu'en septembre dernier, la National Highway Traffic Safety Administration des États-Unis a publié des lignes directrices et un règlement sur les véhicules autonomes qui, essentiellement, autorisent la circulation de voitures sans conducteur. Le modèle de Google est aujourd'hui jugé acceptable aux États-Unis. À vrai dire, la voiture autonome de Google est considérée comme un conducteur aux fins de la législation et de la réglementation américaines, ce qui a permis à des entreprises de se lancer en affaires, de trouver des fonds et de travailler à la mise au point de systèmes et de voitures entièrement autonomes.
Actuellement, c'est interdit au Canada. Un véhicule entièrement autonome, sans conducteur, ne peut pas rouler sur nos routes. C'est clair que le Canada est désavantagé dans ce domaine.
L'industrie attend avec impatience une réforme de la réglementation qui corrigera tout ce qui est incompatible avec ces technologies et qui nous procurera un cadre réglementaire aussi novateur que celui de nos voisins et des pays européens.
La réglementation actuelle s'applique aux véhicules traditionnels en circulation, et il est important de la maintenir. Quand des véhicules autonomes entreront sur le marché — et notre objectif est d'encourager leur arrivée sans perdre de vue la sécurité —, nous examinerons les dispositions réglementaires visées pour nous assurer…
Des lignes directrices ont été publiées aux États-Unis, mais c'est bien différent d'un règlement.
Nous voulons encourager le progrès au Canada. Le secteur de l'automobile occupe une place particulièrement importante en Ontario, et il s'y passe beaucoup de choses.
Par ailleurs, l'Université de l'Alberta a lancé le programme Active, et un autre programme, appelé Aurora, est en cours à l'Université de la Colombie-Britannique. Nous voulons augmenter le nombre de ces véhicules sur nos routes, et nous ferons en sorte que la réglementation soit assez souple pour rendre possible tout ce que vous avez décrit.
Monsieur le ministre, si vous me le permettez, j'aimerais revenir sur une réponse que vous m'avez faite lors du premier tour. Vous avez dit que la gestion avait changé et qu'on pratiquait maintenant une gestion du risque.
J'imagine que, pour faire une gestion du risque efficace, il faut s'appuyer sur des données probantes. Or qu'advient-il des six équipes régionales qui avaient justement pour mandat de consulter les autorités locales et les corps de police, de faire des inspections et de fournir des données probantes? Peut-on espérer le retour de ces six équipes régionales pour en arriver à une gestion du risque?
Nous ajustons cela continuellement, mais en réalité, comme je le mentionnais, cela va évoluer tout en étant basé sur le risque. Par le passé, pour des raisons assez logiques, nous avons décidé d'inspecter deux fois par année les avions ou n'importe quel véhicule. Pendant des années, rien n'a changé parce que ce que nous évaluions comportait un niveau de risque très bas.
Nous nous sommes rendu compte que cela n'avait pas de sens d'utiliser ainsi toutes nos ressources et qu'il fallait les utiliser de façon plus intelligente, et c'est ce que nous faisons. Cela dit, nous évoluons avec le temps. Nous devons surveiller la situation. Si nous découvrons qu'il faudrait ajuster quelque chose ou augmenter les ressources, nous serons prêts à le faire. Je crois que c'est une façon pragmatique d'utiliser des ressources qui ne sont pas inépuisables.
À votre avis, serait-il possible que le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités puisse recevoir la liste des organismes et des groupes qui ont été consultés au moment de la confection du projet de loi S-2?
Ma demande est liée à un autre élément de l'audit du vérificateur général. Ce dernier semblait émettre l'opinion que, lors des consultations antérieures, l'industrie automobile avait été beaucoup consultée, mais que les groupes intéressés l'avaient moins été. Les groupes de consommateurs et de policiers, par exemple, ou encore la CAA, qui sont aussi pertinemment touchés par cette question, avaient été moins consultés et cela soulevait l'idée d'un possible parti pris.
Dans le fond, nous voudrions pouvoir vérifier si, dans l'ensemble des consultations qui ont été menées lors de la préparation du projet de loi S-2, l'éventail des organismes consultés est plus large.
Certainement. Nous avons l'information à savoir qui a participé à la consultation et nous pouvons vous la transmettre. Vous avez mentionné la CAA. Je crois que l'association a même réagi à notre projet de loi, en disant que c'était une bonne chose.
Toutefois, nous pouvons fournir au Comité la liste des organismes que nous avons consultés dans le cadre de la préparation du projet de loi S-2.
Monsieur le ministre, nous vous remercions infiniment d'être venu à notre rencontre. J'espère que vous n'aurez pas contaminé tous les membres du Comité et toutes les autres personnes présentes, parce que nous aurons beaucoup de pain sur la planche avec l'étude de ce projet de loi.
Permettez-moi d'accueillir des représentants du Bureau du vérificateur général, soit le vérificateur général lui-même, Michael Ferguson, et ses collaborateurs, Richard Domingue et Dawn Campbell.
Je tiens en particulier à souligner la présence parmi nous de M. Ferguson. Nous sommes ravis de vous revoir.
Madame la présidente, je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter les résultats de notre audit sur la surveillance de la sécurité des véhicules automobiles exercée par Transports Canada.
Je suis accompagné de Richard Domingue et Dawn Campbell, tous deux chargés de cet audit.
La technologie automobile liée à la sécurité évolue plus rapidement que les normes et les règlements. Transports Canada a plus d'un défi à relever pour s'acquitter de son important rôle qui consiste à assurer la sécurité des véhicules automobiles. Un cadre de réglementation à jour et une surveillance adéquate de la sécurité des véhicules automobiles contribuent à garantir que les Canadiens conduisent des véhicules les plus sécuritaires possible. Nous avons vérifié si le cadre de réglementation de Transports Canada et la surveillance exercée sur les défauts liés à la sécurité des véhicules et sur les rappels étaient adéquats pour répondre en temps opportun aux risques et problèmes émergents en matière de sécurité. Nous avons observé que le cadre de réglementation comportait un certain nombre de déficiences importantes, notamment le manque de rapidité, l'absence d'une consultation élargie auprès des parties prenantes et des règlements désuets.
[Français]
Nous avons constaté que Transports Canada n'avait pas élaboré en temps opportun des normes de sécurité automobile pour faire face aux risques et aux problèmes émergents. Par exemple, les règlements de Transports Canada ne permettaient pas que les véhicules soient équipés de phares novateurs réglés à l'aide d'un logiciel. Par contre, des véhicules en partie contrôlés par des logiciels non réglementés sont déjà sur les routes canadiennes.
Nous avons constaté qu'en général le ministère avait attendu que la National Highway Traffic Safety Administration des États-Unis élabore de nouvelles normes ou modifie celles qui sont en vigueur avant de proposer des mesures réglementaires au Canada. Cette approche réactive a occasionné des retards importants dans la mise en oeuvre de nouvelles normes, ce qui signifie que certains véhicules automobiles n'étaient pas équipés des dispositifs de sécurité les plus récents disponibles dans d'autres pays, comme les dispositifs d'éclairage novateurs que j'ai déjà mentionnés. Il y a eu de longs délais, parfois de plus de 10 ans, entre le commencement des travaux sur une question et la mise en oeuvre par le ministère de nouvelles normes ou de modifications aux normes en vigueur.
Avant de publier un projet de règlement dans la Gazette du Canada, Transports Canada avait consulté les fabricants automobiles, mais il n'avait pas consulté de façon élargie des parties prenantes comme les associations de consommateurs, les associations médicales et les forces policières. Par conséquent, les fabricants automobiles ont peut-être exercé une influence disproportionnée sur les décisions prises concernant la réglementation.
Nous avons constaté que certaines normes importantes ne donnaient pas les résultats escomptés ou étaient désuètes. Par exemple, Transports Canada savait que les ancrages de sièges pour enfant pouvaient faire défaut dans certaines conditions, mais il n'avait toujours pas proposé de nouveau règlement ni publié d'avis avant la fin de notre audit. Le ministère nous a informés que l'adoption d'une exigence propre au Canada relativement à la résistance des ancrages dans les véhicules automobiles nuiraient au commerce.
[Traduction]
Nous avons aussi constaté que Transports Canada n'avait pas planifié ni financé ses activités de recherche et de réglementation à long terme. Le ministère n'a donc pas pu décider de l'utilisation de ses ressources et de ses dépenses suivant un ordre de priorité établi.
Enfin, nous avons examiné la surveillance et l'analyse par Transports Canada des plaintes présentées par la population et le suivi des rappels. Dans l'ensemble, nous avons constaté que Transports Canada avait adéquatement évalué les plaintes du public pour cerner les défauts liés à la sécurité des automobiles. Toutefois, le ministère n'avait pas demandé de renseignements au sujet des problèmes de sécurité critiques sur lesquels les constructeurs enquêtaient. De plus, de 2010 à 2015, les constructeurs ont diffusé 318 avis de rappel pour des problèmes de sécurité qui n'avaient pas été portés à l'attention du ministère. De surcroît, le ministère n'était pas habilité à évaluer si les constructeurs avaient mis en oeuvre des processus efficaces pour cerner et signaler les défauts liés à la sécurité. Sa capacité d'enquêter sur les défauts et de mieux protéger les Canadiens s'en trouvait donc limitée.
Nous avons constaté que Transports Canada avait adéquatement évalué les efforts déployés par les constructeurs automobiles pour exécuter des rappels de sécurité. Cependant, les constructeurs avaient parfois de la difficulté à identifier et à contacter les propriétaires des voitures visées par un rappel, en particulier les propriétaires de véhicules plus anciens.
Transports Canada a accepté nos sept recommandations et préparé un plan d'action détaillé.
(1640)
[Français]
Madame la présidente, je termine ainsi ma présentation.
Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
Ma première question portera sur le sixième paragraphe de votre présentation, dans lequel vous comparez la National Highway Traffic Safety Administration des États-Unis et Transports Canada. Comment qualifierez la relation entre ces deux instances?
Madame la présidente, l'audit signale l'approche plutôt réactive du ministère pour ce qui concerne l'adoption de règlements dans plusieurs domaines. Par exemple, il attend de voir la position réglementaire adoptée par les États-Unis avant de déterminer celle du Canada. Nous avons été particulièrement inquiets de constater que dans différentes situations, Transports Canada avait accès à des résultats de recherche ou avait mené ses propres recherches sur un sujet précis. Nous comprenons bien la nécessité de savoir ce qui se passe aux États-Unis en matière de réglementation. Toutefois, je crois que Transports Canada doit établir très clairement quelle partie de sa réglementation doit dépendre de ce qui se fait aux États-Unis et laquelle doit être propre au Canada.
Selon vous, est-ce que Transports Canada est au courant de la tangente que prendra la nouvelle réglementation de la Safety Administration des États-Unis en matière de sécurité automobile, ou le ministère sera-t-il maintenu dans l'ignorance jusqu'à ce que les décisions soient arrêtées?
Cette question, comme M. Garneau l'a expliqué tout à l'heure, relève du Conseil de coopération Canada-États-Unis en matière de réglementation, ou CCR, qui se penche sur les initiatives réglementaires des deux pays.
Dans le cadre de notre audit, nous avons constaté que le plan de travail du CCR est plutôt normatif pour ce qui a trait aux nouvelles dispositions réglementaires autorisées. Par exemple, il est question dans notre rapport d'un système d'ancrage de siège pour enfant susceptible de faire défaut dans certaines conditions. Le ministère des Transports aurait pu prendre une mesure réglementaire propre au Canada mais, pour toutes sortes de raisons — le rapport mentionne notamment l'effet nuisible sur le commerce —, il a décidé de ne pas intervenir.
Les deux pays coopèrent, certes, mais il reste à savoir dans quelle mesure cette coopération nuit à la capacité du Canada d'adopter ses propres dispositions quand il le juge nécessaire.
Les délais… Disons que le ministère n'est pas très rapide. Il existe un Conseil de coopération en matière de réglementation. Supposons qu'une décision est prise aux États-Unis. Ils collaborent avec les constructeurs et une ligne de conduite est décidée. En moyenne, combien de temps faut-il à Transports Canada pour mettre en oeuvre une décision, ou est-ce que le processus est totalement intégré?
L'audit a révélé que dans certaines situations, il peut s'écouler une dizaine d'années avant que Transports Canada modifie une disposition réglementaire après que la décision a été prise d'examiner un sujet donné. Il faut autant d'années pour effectuer les recherches, mener des consultations — essentiellement, auprès de l'industrie — et mener le processus à terme. Nous avons donné au moins trois exemples de processus de modification réglementaire qui se sont étendus sur 10 ans ou plus.
Je le répète, les progrès technologiques sont beaucoup plus rapides dans le secteur automobile, et c'est ce qui nous inquiète. Un régime réglementaire qui prend 10 ans à intégrer des modifications sera forcément décalé par rapport aux innovations.
Au paragraphe 10 de votre présentation, vous indiquez que 318 rappels ont eu lieu de 2010 à 2015. Avez-vous été en mesure de déterminer si, en supposant que le projet de loi S-2 avait été en vigueur, le ministre aurait pu ou dû intervenir, et s'il aurait été justifié d'ordonner un rappel?
Madame la présidente, nous n'avons pas fait ce genre d'analyse par rapport aux propositions du projet de loi. Nous sommes des vérificateurs, et nous nous sommes penchés sur un domaine particulier. Nous avons relevé plusieurs éléments à améliorer, et nous avons formulé des recommandations.
Le ministère peut déterminer que certaines de nos recommandations exigent des modifications législatives. À titre de vérificateurs, nous jugeons préférable d'attendre de voir ce qui se passe et, à un certain moment, de faire un suivi pour savoir si le ministère, pour donner un exemple, réussit mieux à être informé de ce que les constructeurs ont découvert et de ce qui fait l'objet d'enquêtes.
Nous sommes assis de l'autre côté de la table, mais je crois que nous partageons la même vision et que nous voulons tous aller dans le même sens, surtout si j'en juge par l'échange précédent entre M. Chong et le ministre sur la nécessité de nous projeter dans l'avenir et de tirer profit du processus pour agir de manière plus proactive. C'est ce dont je veux parler.
Pensez-vous que votre travail — très exhaustif, dois-je préciser — peut servir de fer de lance à la croissance de notre secteur de l'automobile par la voie de mesures d'encouragement et d'une meilleure anticipation des avancées technologiques?
J'en ai déjà parlé avec le ministre Garneau. Selon vous, est-ce que ce projet de loi nous offre l'occasion d'encourager le progrès technologique en soutenant des innovations qui, premièrement, nous permettront d'optimiser de manière proactive — et non réactive, à la remorque des défauts — les rendements de nos investissements environnementaux, économiques et sociaux? Deuxièmement, pensez-vous que le projet de loi peut stimuler la fabrication de produits nouveaux et améliorés ici au Canada, et contribuer ainsi à renforcer la croissance du PIB en général mais, surtout, à nous rapprocher un peu plus de notre objectif d'envisager de manière plus proactive les éventuels défauts, y compris les aspects environnemental et social et, bien entendu, à stimuler la croissance économique?
Madame la présidente, tout au long de l'audit, l'un des thèmes les plus récurrents a été celui du décalage entre la réglementation et la technologie. Par exemple, en Europe, des véhicules sont équipés de dispositifs d'éclairage novateurs qui sont interdits par la réglementation canadienne… En fait, notre réglementation encadre très strictement des éléments comme les phares, mais aucunement les systèmes intelligents des véhicules semi-autonomes ou autonomes. C'est ce décalage entre la réglementation et le rythme des progrès technologiques qui nous inquiète.
Pour ce qui est de l'activité économique, il est clair qu'elle est ralentie par une réglementation qui ne suit pas les progrès et qui interdit des technologies dont les avantages en matière de sécurité ont été démontrés ailleurs dans le monde. D'un point de vue économique, nous devons nous assurer que le régime réglementaire suive la cadence de l'industrie. C'est important pour permettre l'arrivée des bonnes technologies, mais aussi pour créer les conditions nécessaires à l'innovation. Le régime réglementaire ne doit pas nuire à l'activité économique.
Excellent. Quelle bonne nouvelle! Nous ne voulons pas que le projet de loi et tout le processus soient abandonnés. Il faut lui redonner un souffle. Il faut viser loin dans l'avenir. J'espère vraiment que notre processus réglementaire en viendra à suivre le rythme des progrès technologiques. Je vous remercie pour votre réponse.
Vous avez affirmé que Transports Canada avait accepté vos sept recommandations et rédigé un plan d'action détaillé. Pour ce qui concerne l'audit lui-même, présenté dans les Rapports du vérificateur général du Canada de l'automne 2016, pouvez-vous nous indiquer quelle période est touchée par les préoccupations énoncées? Jusqu'où êtes-vous remontés?
Nous pouvons vérifier et vous indiquer certaines des échéances fixées dans le plan d'action.
Concernant notre première recommandation, « Transports Canada devrait publier régulièrement des comptes rendus sur l'état d'avancement de ses plans en matière de réglementation », la date prévue d'achèvement est avril 2017. Pour ce qui est de notre deuxième recommandation, l'échéance prévue est septembre 2017. Une autre tombe en janvier 2017, et il est indiqué que ce travail est terminé. Une autre échéance a été fixée en octobre 2017. Certaines de ces échéances sont dépassées, d'autres approchent. Par conséquent, à ce stade-ci, nous n'attendons pas que Transports Canada nous annonce ses projets, mais si ce qui était prévu au plan d'action a été réalisé, puisque plusieurs échéances sont derrière nous.
Je suppose qu'il sera possible, ou qu'il devrait être possible d'établir des liens entre ce qui a été dit précédemment au sujet des nouvelles technologies et la synchronisation de l'environnement réglementaire avec les progrès technologiques.
Durant le processus d'audit, nous faisons des constatations. Nous relevons les éléments à améliorer et nous faisons des recommandations. Le ministère accepte nos recommandations, y réagit et élabore un plan d'action. Prises individuellement, chacune de ces étapes compte, mais je crois que le plus important est le tableau d'ensemble, qui consiste à opérer les changements requis pour aligner le régime réglementaire sur les progrès de l'industrie, et pour trouver le bon équilibre entre les considérations de sécurité et celles qui concernent l'économie et d'autres domaines. Je le répète, dans cette situation précise, il faut vérifier si le ministère a réalisé chaque mesure annoncée, mais encore plus s'il peut faire la démonstration qu'il est en meilleure position pour instaurer un régime réglementaire plus efficient et mieux adapté.
Je vous remercie, monsieur Ferguson, d'être avec nous. Je remercie également les membres de votre équipe. Votre témoignage est fort éclairant. Plus tôt, alors que nous recevions le ministre, je me demandais si l'ensemble des mesures mises en avant constituait davantage du rattrapage qu'une véritable démarche proactive. Je crois que nous commençons à avoir une réponse assez claire à cette question.
J'aimerais vous entendre au sujet d'un aspect de votre dernier audit. Vous dites que « Transports Canada n'avait pas élaboré en temps opportun des normes de sécurité automobile pour faire face aux risques et problèmes émergents. »
Nous savons maintenant que le projet de loi S-2 va donner au ministre des pouvoirs d'exemption à certains règlements.
J'aimerais bien comprendre. Nous retrouvons-nous parfois dans une situation où nous pourrions avoir une technologie supérieure qui ne nous est pas accessible, comme celle des phares dont vous parliez plus tôt? Faisons-nous plutôt véritablement face à un problème de sécurité routière auquel nous ne nous attaquons pas parce que les tests ne sont pas faits par Transports Canada?
Selon votre audit, nous privons-nous simplement d'une technologie supérieure, ou avons-nous un véritable problème de sécurité?
Sur ma voiture, il n'y a certainement pas les phares dont vous parliez, mais il y a des phares.
En général, nous avons dit qu'il y a quelques situations où la technologie existe, mais les règlements qui permettraient d'approuver ces technologies ne sont pas en place. Cela peut aussi être une question de sécurité pour la population.
Peut-être M. Domingue peut-il ajouter des commentaires.
L'exemple des phares en est un qui illustre bien la situation. Cette technologie existe en Europe mais elle est interdite en Amérique du Nord, et au Canada et aux États-Unis. Il y a plusieurs raisons à cela, mais, essentiellement, il y a cette résistance du Conseil de coopération Canada-États-Unis en matière de réglementation. Ce n'est pas sur la liste des projets qui ont été approuvés en ce qui concerne la réglementation.
Dans le projet de loi S-2, il y a, comme nous en avons a discuté plus tôt avec le ministre, la possibilité pour lui de faire des exemptions et de permettre l'introduction de véhicules sur le marché canadien qui ne répondent pas aux normes. En effet, ces phares ne répondent pas aux normes canadiennes.
Pour paraphraser l'expression anglaise, « le diable est dans les détails », et le projet de loi S-2 va peut-être faciliter l'introduction sur le marché canadien de technologies auxquelles nous n'avons pas accès pour l'instant. Nous nous privons en quelque sorte de cette technologie pour des raisons réglementaires.
Est-ce que je trahirais votre pensée en disant que, si les Américains acceptaient cette technologie, nous aurions une clause de parité, mais que le Canada ne prend jamais les devant pour modifier avec les Américains une telle norme?
Je peux vous dire que Transports Canada examine la question des phares depuis plus de 10 ans. L'argument technologique ou technique qui est donné, c'est qu'il est préoccupé par l'éblouissement que ces phares pourraient occasionner. Les mêmes phares existent pourtant en Europe, mais le ministère vous dira que les conditions routières sont différentes, que les routes sont plus rapides là-bas, moins larges ou plus larges, et que plusieurs critères font en sorte que ce qui semble fonctionner là-bas pourrait ne pas fonctionner ici. En plus de tout cela, il y a la question de la réglementation américaine qui, pour l'instant, interdit l'entrée en vigueur de cette technologie.
J'aimerais vous entendre l'un ou l'autre sur une question. Ce sera à vous de choisir qui répondra.
Plusieurs choix pris par le ministère des Transports depuis quelques années méritent d'être remis en question. Vous vous interrogez sur l'un d'eux, entre autres, qui concerne l'investissement de 5,4 millions de dollars dans le centre d'essai d'une nouvelle glissière de sécurité extérieure. Vous semblez dire que ce n'était pas nécessairement la meilleure appropriation des ressources dans un contexte où celles-ci sont raréfiées.
Selon vous, qu'est-ce qui ne fonctionne pas relativement à cet investissement?
Le problème est qu'on a décidé de construire cette glissière, au coût de 5,4 millions de dollars comme vous l'avez indiqué, alors qu'au même moment, on coupait le budget de recherche. Ces fonds auraient été utilisés pour faire des tests sur cette glissière. Comme nous l'indiquons dans le rapport, le budget était passé de 1,2 million de dollars à 492 000 $. Nous remettions en question le fait de construire une infrastructure de 5,4 millions de dollars sans avoir les fonds nécessaires pour financer la recherche qui doit être faite sur cette glissière.
On nous dit que la nouvelle approche de Transports Canada est de gérer selon le risque. Vous venez de dire qu'on a réduit le budget de 50 %. Devrait-on rétablir, en priorité, les tests de laboratoire, même s'ils sont faits à l'extérieur, ainsi que les équipes régionales sur le terrain qui sont capables de rapporter des données probantes en vue d'évaluer le risque?
Notre travail n'est pas de déterminer si un programme donné est financé adéquatement. C'est le ministère qui doit décider si la somme de 492 000 $ ou de 1,2 million de dollars était suffisante ou pas.
Cette glissière est utile. À Blainville, elle était considérée comme étant une structure importante et nécessaire. Nous avons soulevé ce point parce qu'il y a une contradiction entre le fait d'investir 5,4 millions de dollars et ne pas avoir d'argent pour faire les tests qui s'ensuivent.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
Dans votre rapport de l'automne 2016, dans le chapitre sur la sécurité des véhicules automobiles, vous soulignez, entre autres choses, la lenteur du Canada à adopter de nouveaux règlements sur la sécurité automobile.
Qu'est-ce qui explique cette lenteur de Transports Canada?
Madame la présidente, comme je l'ai déjà dit, l'un des constats importants de l'audit est le fait que le ministère semble toujours à la remorque des États-Unis. Cette attitude attentiste explique en grande partie la lenteur. Un autre facteur tient à la manière d'aborder les consultations et de travailler avec l'industrie à cet égard. Selon nous, le programme de recherche met beaucoup de temps à donner des résultats. Les facteurs sont multiples, mais je crois que le fait d'avoir commencé par attendre de voir ce que feraient les Américains vient en premier.
Vous avez également dit que Transports Canada ne disposait pas de suffisamment de données sur les collisions et les blessures, en partie parce qu'il ne pouvait pas obliger les provinces et les territoires à lui transmettre des données complètes dans un délai convenable.
Que pourrait faire le gouvernement pour corriger cette situation?
Le projet de loi S-2 renforce les pouvoirs des inspecteurs de Transports Canada, entre autres en leur permettant de recueillir des renseignements sur les collisions.
Selon vous, est-ce que cette disposition permettra de corriger, du moins en partie, le problème que vous avez dénoncé au sujet des collisions?
Dans le cadre de l'audit, nous n'avons pas examiné spécifiquement le travail des enquêteurs de Transports Canada sur les collisions. Nous abordons un peu le sujet lorsque nous parlons des six bureaux régionaux qui ont le mandat d'aller sur le site d'un accident, de recueillir des données et de parler au bureau du coroner, aux forces policières et aux médecins. Dans notre rapport, nous disons justement que la réduction du financement de ces bureaux régionaux, qui ne sont pas en fait des bureaux régionaux mais des centres de recherche généralement universitaires, comme l’École polytechnique, à Montréal, ou l'Université de Waterloo, pourrait mettre en péril la qualité des données qui sont recueillies sur le terrain.
Cela dit, nous ne nous sommes pas penchés sur le travail que font les enquêteurs de Transports Canada.
Selon vous, le projet de loi S-2, qui obligera les entreprises à fournir plus de renseignements sur la sécurité des véhicules, permettra-t-il d'améliorer la sécurité des véhicules automobiles?
Dans un audit, notre rôle est d'examiner les activités passées. Nous n'avons pas pour mandat de dire s'il y aura des changements découlant de certains aspects d'un projet de loi.
Dans cet audit, nous avons fait des recommandations sur le pouvoir du ministère d'obtenir plus d'information de la part des fabricants.
Nous devrons effectuer un audit plus tard en vue de déterminer si ces changements ont eu une incidence.
Transports Canada a déjà répondu à certaines de vos recommandations, et notamment concernant le retard pris dans l'élaboration d'une nouvelle réglementation. Dans le cadre de votre audit, vous avez observé que le ministère semble toujours chercher à se coordonner avec la National Highway Traffic Safety Administration des États-Unis. Est-ce ce qui vous a été dit ou est-ce une observation que vous avez faite?
À mesure que l'audit progressait, il est devenu de plus en plus clair que le CCR jouait un rôle de premier plan, que l'harmonisation des cadres réglementaires était l'objectif premier et que les considérations commerciales étaient prioritaires. Des bureaucrates de Transports Canada s'interrogeaient à ce sujet parce que, à leur avis, leur rôle est d'assurer la sécurité et non de favoriser le commerce. Il est devenu évident pour nous que l'alignement sur les États-Unis constituait l'objectif premier.
Avez-vous décelé des complications possibles si jamais le Canada devançait trop les États-Unis dans certains domaines réglementaires, surtout quand on sait que les véhicules construits en Amérique du Nord font plusieurs allers-retours de part et d'autre de la frontière avant leur mise en marché? De toute évidence, l'enjeu de l'harmonisation doit être considéré comme prioritaire.
Avec raison, puisque nous sommes des partenaires commerciaux. Il serait inconcevable de produire des voitures pour le marché américain et d'autres pour le marché canadien à Oshawa.
N'empêche, la seule différence entre les régimes réglementaires canadien et américain est liée aux feux de jour. C'est la seule exception actuellement.
Nous avons soulevé le problème des ancrages de sièges pour enfant. Transports Canada a décidé de ne pas intervenir pour des motifs commerciaux. Nous ne remettons pas en question la justesse de la décision. Nous pointons simplement qu'il se peut que l'intérêt des Canadiens soit incompatible avec les impératifs commerciaux.
Vous vous êtes penchés sur le groupe canado-américain chargé d'étudier la réglementation, entre autres. Selon ce que vous avez observé, les Américains ont-ils aussi l'impression que l'homologue de Transports Canada aux États-Unis a du mal à suivre le rythme des nouvelles technologies comme ces nouveaux phares utilisés en Europe dont vous avez parlé?
Je vous répondrais que non. Même si le Canada a une approche de coopération avec les États-Unis et même s'il y a des discussions entre les deux parties, selon ce que nous avons pu voir, les Américains ne se plaignent pas du CCR.
D'accord, mais est-ce que les constructeurs américains se plaignent de la lenteur de la National Highway Traffic Safety Administration à moderniser la réglementation? Bien entendu, cela concerne aussi toute la question de l'harmonisation.
Comme nous n'avons pas fait d'audit aux États-Unis, nous ne pouvons pas savoir ce qui se passe exactement là-bas, mais nous savons que des pressions énormes sont exercées pour bloquer l'entrée de certaines technologies dans le marché américain pour des raisons de concurrence.
Je vois. Nous revenons à ce que vous avez dit au sujet du commerce comme étant l'un des facteurs pouvant expliquer les retards pris par Transports Canada.
Avez-vous cherché à déterminer s'il existait des liens entre les enjeux liés à la protection des consommateurs et ceux liés à la sécurité? Je pense par exemple à un constructeur qui serait mis sur la sellette à cause de problèmes de transmission qui requièrent de multiples visites chez le concessionnaire avant que la solution soit trouvée. Avez-vous rencontré des situations où la ligne entre la protection des consommateurs et la sécurité est très mince? En avez-vous tenu compte d'une quelconque façon dans votre audit pour ce qui concerne la relation entre Transports Canada et les autres ministères chargés de surveiller le secteur de la construction d'automobiles?
Madame la présidente, l'un des constats de l'audit est que Transports Canada fait un bon travail de surveillance des défauts et des rappels. Je dirais donc que le ministère gère bien le volet de la protection des consommateurs et du suivi des cas de non-conformité des véhicules aux normes.
Nous avons remarqué que le ministère n'a pas toujours accès aux renseignements des constructeurs qui lui sont nécessaires, mais il se débrouille bien du côté des rappels et des défauts.
Pour revenir sur la situation aux États-Unis et à la réglementation, il est évident que nous avons tout intérêt à rapprocher le plus possible les deux régimes, mais je pense que les définitions et les concepts doivent être très clairs dans le cadre réglementaire canadien. J'entends par là qu'il faut être au clair quant à l'influence aux États-Unis.
Le type de problèmes que nous avons soulevés, le fait que le Canada attend de voir ce qui se passera aux États-Unis sont à mon avis des symptômes d'un problème qui a dégénéré au point où il faut parfois 10 ans au Canada pour adopter un règlement. Si le système permet des délais de 10 ans pour l'adoption d'un règlement, le ministère doit s'intéresser à cet indicateur. Il doit se poser la question suivante: « Comment faire pour réagir plus rapidement sans sacrifier notre capacité de nous aligner sur les États-Unis? »
La question n'est pas de savoir si le ministère doit continuer de s'aligner sur les États-Unis, mais de déterminer quelle place cela tiendra dans l'ensemble du régime réglementaire. Est-ce que c'est l'objectif premier? Si oui, il faut le dire et déterminer comment la réglementation canadienne sera établie à partir de là.
À mon avis, le plus important est d'être clair sur cette question, pas de chercher à savoir ce que le ministère doit faire ou non.
Je me joins à mes collègues pour vous souhaiter la bienvenue. Je siégeais au comité des comptes publics quand vous y êtes venu pour discuter des recommandations de l'audit.
J'aimerais revenir un peu en arrière afin d'examiner les processus d'audit et d'élaboration du projet de loi, pour tenter de comprendre le rôle de votre travail dans le processus législatif auquel nous prenons part à titre de parlementaires.
Il a été souligné que la mesure à l'étude a été présentée dans le cadre de la législature précédente, sous l'intitulé projet de loi C-62, en juin 2015 plus précisément. Le projet de loi S-2 a été déposé au Sénat en mai 2016, et il a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications en mai 2016.
Corrigez-moi si je me trompe, mais vous avez commencé cet audit à l'automne 2015. Est-ce exact?
M. Richard Domingue: Oui.
Mme Kelly Block: Donc, vous avez commencé l'audit à l'automne 2015. La mesure législative a été déposée au Sénat sous l'intitulé projet de loi S-2 au printemps 2016. Vous étiez alors à mi-parcours de l'audit. Après avoir franchi l'étape de la troisième lecture au Sénat en février 2017, le projet de loi S-2 a été présenté.
Je me demande si nous avons manqué le coche. Vous avez lancé un audit, mais le projet de loi a été présenté avant que vous ayez fini votre travail.
Vous est-il demandé de donner des conseils aux législateurs, par exemple si vous estimez qu'ils devraient attendre la fin d'un audit avant d'engager un processus de présentation d'un projet de loi parce que vous pensez qu'il pourrait prendre une autre tournure une fois connue la teneur du rapport d'audit?
Dans le cadre d'un audit, nous voyons toutes sortes de cas de figure. Il peut arriver qu'un ministère nous informe qu'il est en plein milieu d'un processus et nous demande d'attendre qu'il soit terminé et que la mise en oeuvre ait été faite pour lancer notre audit. Il nous arrive de recevoir ce genre de demande.
Dans d'autres situations, il est vrai que les résultats de notre audit peuvent avoir une incidence sur une réforme projetée par un ministère.
Parfois, nos audits peuvent faire bouger les choses. Un ministère peut avoir entamé un processus et l'avoir mis en veilleuse, et notre audit sur un sujet précis peut l'inciter à le mener à terme.
Nous rencontrons donc toutes sortes de cas de figure. Toutefois, notre rôle principal n'est pas d'établir des politiques ni de suggérer des modifications aux politiques, une loi ou quoi que ce soit d'autre. Nous déterminons l'objet de nos audits et le calendrier d'exécution, et nous faisons le travail.
À l'occasion, nous pouvons modifier notre calendrier d'audit si nous pensons que le programme d'un ministère subit une transformation importante et qu'il serait plus logique pour nous d'attendre qu'elle soit terminée pour faire notre analyse. Cela peut arriver mais, d'habitude, nous nous en tenons à notre calendrier, indépendamment des circonstances. Il peut correspondre au calendrier législatif, mais pas toujours et, de toute façon, nous n'essayons pas d'en tenir compte ni de l'influencer.
Habituellement, nous planifions qu'une période d'audit commence quand la décision officielle a été prise et finit quand le rapport est déposé au Parlement. Cette période dure normalement 18 mois.
Si nous réduisons la portée d'un audit à un seul élément et si le domaine n'est pas trop complexe, il peut se faire plus rapidement. Cependant, pour les audits de performance comme celui dont il est question ici, nous devons tout d'abord nous assurer que nous comprenons son objet. Nous devons consacrer le temps voulu à la compréhension des activités du secteur visé. Nous nous assurons ensuite de disposer de suffisamment de temps pour parler à toutes les personnes importantes, obtenir les avis nécessaires et revoir avec le ministère les ébauches successives de notre rapport pour nous assurer que les faits sont exacts. Il nous faut d'ordinaire 18 mois environ pour mener ce travail à terme.
Vous avez affirmé qu'il ne vous appartient pas d'élaborer des politiques. Pensez-vous que votre travail pourrait éclairer les politiques déjà établies?
Comme parlementaire, si nous vivions dans un monde idéal, je pense qu'il aurait fallu attendre que vous ayez achevé votre audit pour voir si des éléments de votre rapport auraient pu être intégrés au projet de loi. Je suppose que nous pourrons modifier le projet de loi maintenant que nous avons pris connaissance de vos recommandations. C'est une simple observation.
Monsieur Ferguson, je suis désolée, mais nous avons largement dépassé le temps alloué. Peut-être pourriez-vous répondre à cette observation à une autre occasion? Cependant, si vous estimez important d'y réagir maintenant, nous trouverons un moment.
L'une des grandes leçons que je retiens de vos propos a trait à la lenteur du processus réglementaire, qui s'explique en partie par la place prépondérante accordée aux impératifs commerciaux et à l'harmonisation avec les États-Unis. Vous avez brillamment exposé ce problème.
Cependant, je continue de chercher des façons de surmonter cet obstacle. Est-ce que le ministre de Transports Canada pourrait simplement dire un jour: « Oubliez ce qui se passe au CCR et aux États-Unis. Vous avez l'information voulue pour améliorer la sécurité par l'intermédiaire d'un règlement, alors faites-le. »?
Quels obstacles nous empêchent d'accélérer le processus?
Les obstacles m'apparaissent assez énormes. Le ministère doit trouver un équilibre entre des intérêts très opposés. Si, entre le point de départ, qui consiste à cerner les problèmes, et l'adoption d'un règlement, il s'écoule une dizaine d'années, je m'interroge sur la performance du système. Dans un secteur où l'évolution technologique est aussi rapide, il y a lieu de nous interroger sur la rigueur et l'exhaustivité d'un cadre réglementaire qui prescrit le type de phares qui peuvent être installés sur un véhicule, mais qui ne prévoit rien concernant les systèmes logiciels qui permettent à une voiture de rouler de manière semi-autonome ou autonome avec moins d'intervention du conducteur.
Si j'examine le produit final, j'en viens à la conclusion que le ministère devrait réfléchir à l'objectif du régime réglementaire. Les éléments à prendre en considération, je l'ai déjà dit, sont très nombreux. Que se passe-t-il aux États-Unis? Devons-nous nous aligner sur les États-Unis? Quelle sera l'incidence sur le commerce? Quelle sera l'incidence sur le coût des véhicules? Quelle sera l'incidence sur l'environnement d'un règlement versus l'absence de règlement? Jusqu'où faut-il pousser la recherche avant d'adopter un règlement?
Il reste beaucoup d'inconnues à tirer au clair dans ce cadre réglementaire. Pour l'instant, tout ce dont je suis certain, c'est que dans sa forme actuelle, le régime ne peut pas suivre le rythme du changement. La question fondamentale est de savoir si la manière dont le régime réglementaire fonctionne actuellement permet d'atteindre ses objectifs.
De façon très large, j'estime que ce cadre devrait suivre l'évolution technologique et améliorer la sécurité. Quand l'information existe ou s'il est possible de l'obtenir, il faut aller la chercher et élaborer la réglementation aussi vite que possible pour qu'elle provoque les changements voulus. J'essaie encore de comprendre comment y arriver. Est-ce que Transports Canada devrait mener une enquête pour déterminer dans quels secteurs nous tirons de la patte? Devons-nous donner la priorité à la recherche pour atteindre cet objectif, ou est-ce une affaire de politiques, lesquelles dépassent le rôle du vérificateur?
Pour ce qui est de la manière exacte de procéder, je pense qu'il appartient à Transports Canada de faire cette réflexion. Le ministère doit déterminer ce qui constituerait un régime réglementaire efficient, et quels sont ses objectifs. Ce genre d'analyse pointue dépasse le champ de mes connaissances et de mes compétences. Plus fondamentalement toutefois, si vous examinez les résultats de l'audit, ils soulèvent la question de savoir si le régime réglementaire remplit vraiment ses objectifs.
Une grande partie du rapport n'a pas vraiment de lien avec le projet de loi S-2, mais vous avez soulevé un point qui y figure qui pourrait s'appliquer et qui est de bon augure pour la sécurité des Canadiens. Vous avez constaté que nous faisons un assez bon travail pour cerner les défauts et concocter des plans avec les constructeurs. Il semble que les choses vont bien pour cette partie du système. Si le ministre reçoit les nouveaux pouvoirs d'ordonner des rappels qui sont prévus au projet de loi S-2, et vu que nous faisons un travail à peu près correct à cet égard, pensez-vous qu'il sera en position d'obtenir tous les renseignements requis pour ordonner des rappels en cas de problèmes qui mettent en danger la sécurité des Canadiens?
Je reste toujours très prudent, à titre de vérificateur, de me prononcer seulement sur ce qui peut être vérifié, et de ne pas faire de spéculations sur la question de savoir si une modification réglera un problème ou non.
Permettez-moi de reformuler ma question. Votre audit a-t-il révélé quoi que ce soit qui pourrait laisser croire que le ministre pourrait ne pas avoir accès à tous les renseignements requis pour détecter les défauts liés à la sécurité et prendre un arrêté?
Nous avons relevé des situations où les constructeurs menaient des enquêtes sur des défauts potentiels à l'insu du ministère. Nous avons aussi trouvé des cas où une filiale canadienne ne savait pas que la société mère américaine menait une enquête sur des défauts potentiels de ses véhicules. Par ailleurs, nous avons vu des situations où Transports Canada n'avait pas accès à tous les renseignements requis et aurait dû, selon nous, être mieux en mesure d'y avoir accès, mais…
Merci, monsieur Ferguson, de comparaître devant nous.
Mes questions seront axées sur l'émergence des technologies de conduite et des véhicules autonomes. Je m'inquiète beaucoup à l'idée que le pays ne saisisse pas les occasions offertes par ce secteur en plein essor. Le secteur de la construction d'automobiles est un employeur important dans le sud-ouest de l'Ontario. C'est une industrie clé. J'ai lu dans des rapports que l'industrie nord-américaine des véhicules autonomes, ou sans conducteur, représenterait 100 milliards de dollars dans une dizaine d'années. J'ai peur que l'inertie de notre régime réglementaire, entre autres risques, nous empêche de devenir un joueur majeur sur le marché.
Des véhicules autonomes circulent déjà sur les routes. Une Mercedes de classe S peut rouler sans aide sur l'autoroute 401, s'immobiliser dans les bouchons de circulation ou accélérer jusqu'à 200 kilomètres à l'heure sans que le conducteur appuie sur les pédales de frein ou d'accélérateur. La voiture peut se diriger elle-même sur la route. Elle pourrait avancer indéfiniment… Cette fonction n'est pas encore activée, mais elle pourrait rouler pendant un certain temps avant que des alarmes se déclenchent.
La technologie existe, elle est ici, mais notre cadre réglementaire ne nous indique pas clairement comment procéder. Le rapport que vous avez publié il y a un an mentionnait déjà qu'il s'agit d'une grave lacune dans l'approche réglementaire du ministère. Vous avez souligné à d'innombrables reprises que l'adoption de règlements et de normes avance à pas de tortue, et qu'elle peut parfois prendre plus de 10 ans. Dans votre rapport de l'année dernière, vous parliez de l'arrivée des véhicules semi-autonomes sur nos routes. Vous reproduisez dans votre rapport la réponse du ministère à la recommandation 4.35, qui indique que Transports Canada devrait publier régulièrement des comptes rendus sur l'état d'avancement de ses plans en matière de réglementation. Le ministère s'est engagé à donner suite à la recommandation en avril dernier.
Nous venons de nous entretenir avec le ministre, mais nous avons été incapables d'obtenir une réponse précise sur le moment où Transports Canada publiera un nouveau cadre réglementaire visant les véhicules autonomes. J'ai l'impression que le ministère ne remplit même pas ses engagements par rapport aux lacunes relevées dans votre rapport.
C'est une simple remarque. Le temps file. Dix années, ce n'est pas si loin, et cette industrie est d'une importance capitale pour les travailleurs et les entreprises de l'Ontario.
Je faisais une observation. Si le vérificateur général veut y réagir, ce serait fort apprécié. Il y a urgence d'agir, mais je n'ai pas le sentiment que le ministère et son ministre en ont conscience.
Madame la présidente, le message important qui se dégage de l'audit relativement au régime réglementaire est que ce régime, du moins dans la version que nous avons analysée, ne progresse pas à la même vitesse que l'industrie.
À mon avis, si le gouvernement veut s'assurer que le régime réglementaire reste pertinent, il doit faire en sorte qu'il suive le rythme de l'industrie et de ses innovations. Nous avons décelé différentes lacunes et différents aspects du processus réglementaire qui sont trop lents. C'est un véritable défi pour le ministère. Il doit trouver un moyen pour que le régime suive les progrès de l'industrie et adopter le plus rapidement possible un nouveau cadre réglementaire.
Recommandation — Transports Canada devrait élaborer un plan opérationnel à long terme pour la Direction générale de la sécurité des véhicules automobiles. Ce plan devrait définir les activités prévues, le budget et le niveau d’effort nécessaire pour remplir son mandat.
À mon avis, ce qui est pertinent, ici, c'est que le ministère ait un plan, un budget et des activités, et que tous ces aspects du plan soient précisés afin que le ministère puisse, à long terme, diriger toutes ces activités de façon rigoureuse. Il faudrait que tous ces aspects soient inclus dans le plan.
Vous dites « de façon rigoureuse », mais on pourrait aussi ajouter les mots « et plus cohérente », j'imagine. J'ai l'impression qu'on fait de la gestion à la petite semaine.
Au paragraphe 8 de vos observations préliminaires, on dit « Le Ministère nous a informés [...] » Je veux revenir sur la question des ancrages. Visiblement, on a donné la priorité au commerce plutôt qu'à la sécurité dans ce cas.
Y a-t-il un lien à faire entre cet exemple et l'influence disproportionnée des consultations tenues avec les grands manufacturiers dont vous parliez dans une autre partie de l'audit?
Nous ne savons pas clairement en quoi les manufacturiers et le Conseil canadien du commerce de détail, le CCCD, ont pu contribuer à la résistance que démontrait le ministère, au moment de l'audit, à l'idée de réglementer les ancrages. Ils proposaient comme solution un étiquetage sur le siège d'auto. Soit dit en passant, nous n'avons pas examiné les accessoires, notamment les sièges d'auto et les pneus, dans le cadre de l'audit. En revanche, comme l'ancrage est une composante de la voiture, il faisait partie de notre audit.
Leur solution n'est pas de réglementer le véhicule automobile en modifiant la force de l'ancrage, mais de modifier la réglementation relative aux sièges pour enfant. L'idée est d'aviser les parents que, à partir d'un certain poids, il faut utiliser aussi bien l'ancrage que le baudrier.