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Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons Bernadette Conant, directrice générale du Réseau canadien de l'eau.
Nous recevons également Michèle Grenier, directrice exécutive de l'Ontario Water Works Association.
Nous avons également deux témoins du Centre for Water Resources Studies, à la faculté de génie de l'Université Dalhousie, qui comparaissent à titre personnel: le professeur Graham Gagnon et l'étudiant de doctorat Benjamin Trueman.
Je vous remercie tous.
Veuillez s'il vous plaît vous en tenir à cinq minutes, sans quoi je devrai vous interrompre pour donner aux membres du Comité la chance de poser leurs questions.
Madame Conant, souhaitez-vous commencer?
Bonjour. Tout d'abord, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui sur ce sujet des plus important.
Je m'appelle Bernadette Conant, et je suis la directrice générale du Réseau canadien de l'eau, ou RCE.
Le RCE est un organisme national sans but lucratif qui agit à titre de fournisseur fiable de connaissances dans le secteur de l'eau. Nous nous intéressons d'abord à la prise de décisions fondées sur des données probantes à propos de l'eau. Un fait qui mérite l'attention aujourd'hui, c'est qu'une partie des recherches sans précédent soutenues par le RCE portait sur la présence de plomb dans l'eau potable. Ces travaux ont été dirigés principalement par Michèle Prévost, de l'École Polytechnique de Montréal, ainsi que par le professeur Graham Gagnon, de l'Université Dalhousie, qui est avec nous aujourd'hui. Ces deux chercheurs ont acquis une renommée internationale, et ils ont remporté des prix prestigieux pour leur travail dans ce domaine précis.
À l'heure actuelle, le programme du RCE est centré sur le Consortium sur les eaux urbaines du Canada. Il s'agit d'une collaboration nationale entre des dirigeants progressistes du secteur de l'eau qui font avancer la gestion de l'eau dans les villes et les municipalités du pays. Le Consortium réunit des professionnels et des représentants du gouvernement, de l'industrie, du milieu universitaire et d'organisations non gouvernementales dans le but de prévoir les défis relatifs à l'eau qui touchent nos villes et nos municipalités, de les relever et de s'y adapter. Les sujets sont vastes, mais l'accent est mis sur les problèmes de gestion de l'eau au sein des collectivités.
Le groupe à la tête du Consortium comprend actuellement des hauts dirigeants des services d'approvisionnement en eau de 19 municipalités d'un bout à l'autre du pays — de Victoria à Halifax —, qui desservent collectivement plus de 50 % de la population canadienne.
Pour que le Consortium comprenne bien les principaux défis que doivent relever ces professionnels du milieu de l'eau, nous lançons constamment des discussions parmi ses dirigeants à propos des priorités actuelles et émergentes, nous évaluons en quoi les connaissances actuelles peuvent répondre aux besoins ou, à l'inverse, nous déterminons ce qu'il faudrait pour mieux soutenir les décisions ou les actions.
Puisque nous sommes profondément ancrés dans la gestion municipale de l'eau et dans le milieu de la recherche, je souhaite vous présenter trois principales observations qui, je l'espère, serviront de base aux discussions d'aujourd'hui, et qui permettront aux autres témoins de vous fournir des détails utiles. Une partie de ce qui suit reprend des éléments dont votre comité a déjà parlé.
Tout d'abord, il y a un problème généralisé de santé publique lié à la présence de plomb dans l'eau potable, ainsi qu'une relation avec le plomb des conduites enfouies et des installations domestiques. D'après notre expérience, il est important de porter la question à l'attention de votre comité. C'est un enjeu national reconnu dont l'importance a été signalée par les services d'approvisionnement en eau et les villes d'un bout à l'autre du pays. Le problème se retrouve même à l'échelle internationale.
Deuxièmement, la question de la présence de plomb dans l'eau potable n'a rien à voir avec les préoccupations classiques sur la salubrité de l'eau, comme les pathogènes. Ce problème est particulier, car il ne dépend pas tellement de la qualité de l'eau produite par les usines de traitement de l'eau potable ou des sources d'approvisionnement, mais plutôt de la chimie de l'eau, qui évolue lorsque le liquide traverse le réseau de distribution, notamment dans les foyers et les immeubles, comme vous l'avez dit.
En troisième lieu, les recherches ont démontré de manière assez convaincante que l'ingestion de plomb pose problème même en concentration très faible, en particulier chez les enfants. À la lumière des recherches, on s'attend à ce qu'il faille au bout du compte retirer les conduites en plomb afin de remédier au problème à long terme. À vrai dire, le remplacement partiel de ces tuyaux dont vous avez discuté — qui touche la partie appartenant aux intérêts publics, mais pas aux intérêts privés — peut même empirer le problème, du moins à court terme.
Il s'agit d'un problème de taille qui est loin d'être isolé. Les solutions sont complexes puisqu'il est question de propriétés à la fois publiques et privées, dont la réglementation et les responsabilités diffèrent. Pour y remédier de façon efficace, il faut donc que des mesures soient prises tant par les services publics que par la population. Si nous voulons régler la situation, des efforts concertés s'imposent.
Aux yeux du RCE, le plomb est un enjeu qui montre indéniablement l'importance d'outrepasser les limites de compétence des services d'approvisionnement en eau, ou celles qui séparent le fédéral et les provinces. Je trouve toutefois qu'il n'est jamais simple d'avoir ce genre de discussion au sein d'un comité. Nous devons toutefois aller au-delà de ces limites si l'objectif ultime est vraiment de protéger la santé de la population.
Pourquoi cette question est-elle pertinente et importante pour votre comité? À mon avis, c'est parce que la solution à ce problème national de santé publique met à contribution de nombreux intervenants, mais qu'elle passe au bout du compte par l'infrastructure. Il faut s'attaquer à la présence de plomb dans les réseaux d'approvisionnement en eau. Pour y arriver, il faut bel et bien s'attarder à l'infrastructure de l'eau potable, et ce, jusqu'au robinet. Une action concertée sera donc nécessaire pour y arriver.
Parmi les principaux besoins dont vous avez parlé plus tôt, il y a la nécessité de déterminer l'ampleur et la nature du problème. Dans une certaine mesure, nous savons qu'il y a un problème, et différentes administrations ont beaucoup de renseignements détaillés. Certaines n'en ont pas du tout. Nous pouvons donc nous interroger sur l'ampleur du problème. Nous ne connaissons vraiment pas l'ampleur du problème ni les chiffres au Canada du...
Je m'appelle Michèle Grenier. Je suis directrice exécutive de l'Ontario Water Works Association, une section de l'American Water Works Association, l'AWWA, la première organisation de professionnels de l'approvisionnement en eau au monde. La section canadienne a été fondée en 1916 et représente actuellement d'un bout à l'autre du Canada plus de 200 services qui approvisionnent en eau potable plus de 50 % des Canadiens.
Notre réponse aux lignes directrices proposées par Santé Canada a été soumise dans le cadre du comité des affaires canadiennes de l'AWWA. Nous reconnaissons que l'exposition au plomb à partir d'autres sources a considérablement diminué depuis les années 1970, et que les conséquences attribuables à la consommation d'eau sont donc maintenant beaucoup plus importantes. En général, les observations du comité soutiennent la démarche axée sur la santé pour établir le nouvel objectif, mais nous voulons également mettre l'accent sur l'importance de la lutte contre la corrosion dans le cadre de la stratégie, parallèlement au remplacement des conduites en plomb.
Les quatre principales recommandations décrites dans les observations du comité des affaires canadiennes portent sur l'interprétation de la concentration maximale acceptable, la CMA, de plomb qui est proposée, et sur la nécessité de tenir compte de la quantité d'eau consommée par les gens. Il est nécessaire d'éclaircir l'application de la CMA en ce qui a trait aux échantillons laissés au repos par rapport aux échantillons prélevés après une purge ainsi qu'à la durée de la période de stagnation nécessaire. Il faut également reconnaître l'augmentation du coût de l'analyse des échantillons et du temps de traitement.
Deuxièmement, le caractère applicable de la CMA pose également problème. En Ontario, la norme d'ingestion cadre avec les lignes directrices actuelles de Santé Canada, et plus de 30 services ont déjà reçu l'ordre de lutter contre la corrosion. Compte tenu de la diminution de la concentration qui est proposée, 20 entreprises s'ajouteront aux 30 entreprises visées. Cela représente des coûts importants dont les contribuables feront directement les frais.
De plus, nous avons jusqu'à maintenant des données limitées pour déterminer si la mise en oeuvre de programmes de lutte contre la corrosion permettrait aux municipalités de réduire efficacement la concentration de plomb en la faisant passer de 10 parties par milliard à 5 parties par milliard.
En ce qui concerne le remplacement des conduites en plomb, nous estimons que c'est le principal domaine dans lequel le gouvernement fédéral peut jouer un rôle. Comme l'a mentionné Bernadette, le financement est un gros problème, car le remplacement des conduites privées en plomb est aussi important que le remplacement des conduites publiques. Jusqu'à maintenant, la participation au remplacement des conduites privées a été limitée, surtout parce qu'il est difficile d'expliquer la nécessité de la mesure aux propriétaires de maison. De plus, les municipalités ont à leur disposition des outils de financement limités pour s'assurer de la réalisation de cette partie du travail.
Nous aimerions également attirer l'attention sur le moment choisi pour mettre en oeuvre la nouvelle norme. Dans beaucoup de provinces, la nouvelle ligne directrice entrera immédiatement en vigueur par renvoi aux permis d'exploitation ou aux règlements existants, alors que les études sur la lutte contre la corrosion nécessitent parfois des mois de planification et de mise à l'essai avant que des mesures puissent être pleinement mises en oeuvre. Nous demandons plus de temps et de plus amples directives pour passer au nouveau cadre.
De plus, une exigence de la Loi sur la salubrité de l'eau potable en Ontario rend les élus personnellement responsables du fonctionnement du système d'aqueduc. La nouvelle norme proposée dans les lignes directrices de Santé Canada pour parvenir à une concentration de plomb aussi faible que possible devient essentiellement indéfendable pour un conseiller municipal à moins que d'autres directives soient fournies pour documenter la question et pour déterminer quelles mesures il est raisonnablement possible de mettre en oeuvre.
En général, la position de l'OWWA a été décrite comme une approche à trois volets, selon laquelle nous préconisons le remplacement des conduites en plomb publiques et privées, la surveillance et l'échantillonnage de la qualité de l'eau ainsi que la mise en oeuvre d'une protection efficace contre la corrosion. La lutte contre la corrosion est souvent négligée, mais elle est vraiment essentielle, surtout dans les grands immeubles comme les écoles, où il y a beaucoup de conduites ainsi que l'apport d'éléments en plomb dans le système, comme des soudures en laiton ou en plomb, dans les immeubles construits avant 1980. C'est un élément important qui ne doit pas être négligé.
Enfin, nous attirons l'attention sur d'autres programmes fédéraux similaires, comme les programmes de remboursement Energy Star, qui encouragent les propriétaires de maison à mettre à niveau leurs appareils, entre autres choses, afin d'accroître leur efficacité énergétique. Un programme similaire permettrait aux propriétaires de maison de financer le remplacement de leurs conduites en plomb sans qu'il y ait à cette fin de perception municipale de taxes ou de financement offert par les municipalités.
Merci beaucoup.
[Français]
Madame la présidente, je serai heureuse de répondre aux questions en français également.
Je m'appelle Graham Gagnon. Je suis professeur à l'Université Dalhousie et directeur du Centre for Water Resources Studies. Je suis également titulaire de la chaire de recherche industrielle du CRSNG et de la Halifax Regional Water Commission sur la qualité et le traitement de l'eau, à l'Université Dalhousie.
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Ben Trueman, un étudiant en doctorat de notre laboratoire. Depuis cinq ans, Ben collabore avec moi dans de nombreux projets sur le plomb, en travaillant directement avec Halifax Water et d'autres services d'eau de notre région et du reste du Canada.
Notre équipe de recherche étudie la corrosion depuis 1998, l'année de mon arrivée à Dalhousie. Nous étudions plus particulièrement la présence de plomb dans l'eau potable depuis environ 2008, l'année où nous avons commencé à examiner la soudure au plomb pour les conduites en cuivre. Au fil des ans, nous avons compris la complexité du problème du plomb dans l'eau potable.
En 2011, notre groupe de recherche à Dalhousie a notamment commencé une importante étude du remplacement des conduites en plomb, en collaboration avec Halifax Water. Pendant la première étape du travail, Halifax Water a demandé s'il était possible de fournir de l'eau salubre en remplaçant partiellement les conduites de raccordement en plomb.
Comme on l'a mentionné, le remplacement partiel d'une conduite de raccordement fait allusion au fait que dans de nombreuses régions, le service d'eau est responsable de l'infrastructure d'approvisionnement en eau jusqu'à un certain point se trouvant à la limite de la propriété. Le propriétaire est donc responsable du reste de la conduite de raccordement.
Après quatre années de collecte de données, nous avons publié deux études, dont une qui a reçu le prix de la meilleure étude qui est décerné par le Journal – American Water Works Association. Une autre étude a été publiée l'année dernière dans la revue Environmental Science & Technology. Cette étude menée sur quatre ans a révélé que le remplacement partiel d'une conduite en plomb était une solution inadéquate. En effet, pour de nombreuses maisons, la situation avait empiré après le remplacement partiel de la conduite de raccordement.
En revanche, nos données ont indiqué que le remplacement complet de la conduite de raccordement en plomb était le meilleur moyen de réduire la concentration en plomb de l'eau du robinet dans un foyer et que le remplacement partiel n'était pas recommandé. Depuis la parution de cette importante étude, Halifax Water ne procède plus au remplacement partiel des conduites de raccordement en plomb.
Une de mes collègues, Mme Michèle Prévost, a publié une étude similaire en 2017. En étudiant le remplacement des conduites de raccordement à Montréal, Mme Prévost a constaté que les concentrations les plus faibles de plomb étaient observées lorsque l'ensemble d'une conduite était remplacé. Cette constatation concorde avec les conclusions de notre travail et les recommandations du United States National Drinking Water Advisory Council, ou NDWAC, pour réduire l'exposition au plomb dans les foyers.
En plus de l'étude du remplacement des conduites de raccordement en plomb, notre équipe s'est penchée sur la protection contre la corrosion. La protection contre la corrosion est un processus selon lequel les entreprises de distribution peuvent modifier chimiquement l'eau pour minimiser les rejets de plomb. Même après le remplacement des conduites de raccordement, la protection contre la corrosion est encore nécessaire, puisqu'il y a du plomb dans les soudures, le cuivre, les fontaines et de nombreux appareils ménagers et commerciaux. Ainsi, le remplacement complet des conduites élimine la principale source de plomb, mais la protection contre la corrosion est encore nécessaire pour gérer les risques attribuables aux autres sources.
Nos travaux de recherche effectués avec Halifax Water ont montré que les orthophosphates sont hautement efficaces pour gérer le plomb. Après deux années de collecte de données, nous avons déterminé qu'une augmentation du phosphate de 0,5 à 1 milligramme par litre réduit la concentration de plomb au robinet dans une proportion supérieure à 30 %. Bien entendu, les services d'eau ont d'autres moyens à leur disposition pour lutter contre la corrosion, mais ce qu'il est important de savoir, c'est qu'il est possible qu'un service doive attendre de 12 à 18 mois pour qu'un changement de ce genre révèle son efficacité.
Je travaille actuellement avec la Ville de Regina pour minimiser davantage la concentration de plomb au robinet, même si Regina a très peu de conduites en plomb. Nous ne faisons que commencer le travail, mais il devient de plus en plus évident pour nous et pour la Ville que la situation sera complexe.
Notre équipe a également étudié la présence de plomb dans les collectivités des Premières Nations du Canada atlantique. Même si la conformité est supérieure à 90 % pour les échantillons prélevés après une purge, nous avons prélevé des échantillons non conformes dans 85 % des collectivités autochtones du Canada atlantique. Nous avons également publié une étude similaire sur les concentrations de plomb que nous avons observées dans des collectivités du Nunavut. Autrement dit, le plomb est également omniprésent dans les collectivités des Premières Nations.
Les services d'eau et les collectivités autochtones reconnaissent que la minimisation de la quantité de plomb est importante pour assurer la santé de la population. Santé Canada a maintenant proposé une concentration maximale acceptable de plomb plus faible, comme l'ont expliqué mes collègues. Cette ligne directrice s'ajoute à une stratégie d'échantillonnage qui changera le paradigme en matière de surveillance du plomb d'un bout à l'autre du Canada.
Je soutiens l'objectif de réduction de la concentration de plomb au robinet, après des années consacrées à l'étude de la question, mais je peux affirmer que beaucoup de temps sera nécessaire avant que les services d'eau parviennent à une solution.
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Si je peux me permettre, je vais d'abord parler de la question des fontaines. Je vais ensuite répondre à la question concernant les routes.
Vous avez mentionné le rôle du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux fontaines. Nous avons réalisé un projet qui portait sur les fontaines de l'Université Dalhousie, et nous en avons trouvé qui contenaient du plomb. Elles avaient des refroidisseurs, dont l'intérieur était revêtu de plomb. Nous avons échantillonné les 250 premiers millilitres, conformément à ligne directrice de Santé Canada, et nous avons relevé des concentrations excessives de plomb atteignant parfois 80 ou 100 microgrammes par litre.
En quoi est-ce un dossier fédéral? Le Canada a conclu un accord commercial avec les États-Unis. Au début des années 1990, lorsque la règle sur le plomb et le cuivre a été adoptée par les États-Unis, les fontaines ayant un revêtement en plomb ont fait l'objet d'un rappel au sud de la frontière. Le Canada, par l'entremise du comité des normes, n'avait pas de mécanisme de rappel ou de norme visant les fontaines. Compte tenu de l'accord commercial, ces fontaines ont ensuite été vendues et installées au Canada. Nous avons la preuve qu'un certain nombre de fontaines visées d'une interdiction totale aux États-Unis ont été vendues au Canada. Vous auriez du mal à trouver en Ontario une école qui, dans le cadre d'un processus d'approvisionnement, est au courant des accords commerciaux et de ce qui a fait l'objet d'un rappel aux États-Unis. Le gouvernement du Canada, par l'entremise de son comité des normes, a accès à cette information.
La question d'accorder la priorité aux conduites en plomb dans les rues est évidemment importante. Il ne faut pas oublier que les conduites principales diffèrent des conduites de raccordement. Les conduites principales sont enterrées sous la route et sont gérées par le service d'eau au moyen de pratiques normales de gestion des biens. Les conduites de raccordement en plomb représentent l'aspect délicat de la question, car elles sont gérées conjointement par la municipalité et le propriétaire de la maison.
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Les conduites de la plupart des édifices gouvernementaux ne sont pas en plomb. Les immeubles comme celui dans lequel on se trouve, qui est de grande taille, n'ont pas de conduites de plomb, puisque ces conduites sont petites. Les conduites en plomb sont surtout utilisées pour les maisons et les petits édifices gouvernementaux qui ne sont pas beaucoup plus grands qu'une maison.
Ce qui est bien avec le programme d'infrastructure, comme l'a fait valoir Michèle au sujet du programme d'économie d'énergie, c'est qu'il donne lieu à des occasions de construction très localisées pour les propriétaires de maison, les rues ou les quartiers qui ont des conduites en plomb. Bien sûr, dans de nombreuses municipalités, ces zones ou ces quartiers sont bien connus ou bien définis, du moins. Le document de Santé Canada désigne explicitement ces quartiers et demande aux services publics de prendre des mesures connexes. Les municipalités connaissent bien ces secteurs.
En ce qui a trait à la façon dont le gouvernement fédéral pourrait offrir le programme aux propriétaires de maison, on pourrait avoir recours à plusieurs mécanismes de financement: par l'entremise du système bancaire, d'un remboursement de taxe ou de tout autre programme.
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Ce sont les conduites de plomb. On peut penser à un tuyau. Les services publics sont responsables d'un bout du tuyau et le propriétaire d'une maison est responsable de l'autre bout. Si les services publics coupent leur partie du tuyau — et comme il s'agit d'un tuyau continu, ils devront le couper physiquement —, on peut s'attendre à ce que des particules et des débris soient relâchés.
Il est aussi possible qu'on utilise des métaux dissemblables. Si les services publics choisissent d'utiliser le cuivre, alors le plomb et le cuivre pourront se toucher et ainsi agir comme une cellule de batterie. Ainsi, une plus grande quantité de plomb s'échappera de votre tuyau.
Enfin, il y a les perturbations. Le tuyau de plomb est très souple; c'est pourquoi il était utilisé par les Romains, il y a très longtemps. En le coupant, on perturbe l'autre bout du tuyau. On crée des vibrations, et toutes sortes d'autres débris vont tomber du tuyau. Nous avons effectué des tests dans les maisons jusqu'à 12 mois après les travaux et elles présentaient encore des taux de plomb plus élevés qu'au début du projet.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les invités d'être ici aujourd'hui. Je les remercie également de leurs témoignages bien que, après les avoir entendus, je ne sais plus vraiment comment je dois regarder le pichet d'eau. Je ne sais plus si je dois y voir un élément de santé ou un élément de crainte.
Ma première question est la suivante. Y a-t-il un très large consensus au sein de la communauté scientifique, ou y a-t-il encore des études à faire dans un domaine ou dans un autre, études qui pourraient ultimement être soutenues par le gouvernement du Canada et nous permettre de brosser le portrait complet de la situation?
M. Gagnon ou Mme Grenier pourraient peut-être répondre à ma question.
Si je comprends bien les propos de Mme Conant, qu'il s'agisse de 10 ou de 5 parties par million, cela ne fait pas une immense différence. J'en déduis que l'on vise à atteindre la norme la plus près de zéro.
Selon une étude mentionnée dans un article de Radio-Canada, le premier échantillon recueilli dans une école était nettement au-dessus de la norme. Toutefois, si on laissait l'eau couler pendant cinq, dix ou quinze minutes, cela se rétablissait. Quand on laisse l'eau couler, c'est comme si on laissait s'écouler les centaines de millions de dollars que l'on a investis pour la purifier.
À mon avis, il faut revoir l'ensemble de l'oeuvre. On a beaucoup à gagner en s'assurant que le plan qui sera mis en place permettra de se rendre jusqu'au citoyen de façon quasi-obligatoire ou avec un incitatif tellement évident que cela deviendra incontournable. Sinon, on rate la cible.
Ma lecture est-elle la bonne?
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Ma prochaine question porte sur Energy Star. Je pense que ce programme a probablement été rendu obligatoire par les services publics, puis repris et payé par les consommateurs. Je veux dire que la consommation de l'eau est surveillée et mesurée dans la plupart des municipalités, et que c'est le consommateur qui paie, comme pour l'électricité.
Je pense que beaucoup de distributeurs d'électricité ont été contraints de mettre en place des programmes Energy Star, mais que les coûts en sont finalement refilés aux clients des services publics sur leur facture. Quand on propose un système du type Energy Star, pourquoi ne pas opter pour un système dont les coûts seraient intégrés à la taxe d'eau et révisés au besoin?
Vous êtes là à nous dire que c'est le gouvernement fédéral qui devrait payer pour cela. Je crois qu'il était inscrit dans les notes d'information que cela représente entre 5 000 $ et 6 000 $ par maison, ce qui ne constitue pas une fortune à long terme. Dans le secteur de l'énergie, si le coffret électrique d'une maison ne fonctionne pas comme il faut, on coupe le courant et on oblige la personne à le réparer, mais s'il y a des conduites en plomb qui intoxiquent nos enfants dans une maison, nous ne semblons pas avoir l'autorité morale d'intervenir.
Y a-t-il des propositions en Ontario, au Canada ou au sein de vos organisations, afin de dire aux municipalités, particulièrement à celles où il y a toujours des conduites en plomb dans le réseau, qu'elles ne pourront peut-être pas émettre de permis de construction, par exemple... Un peu comme ce que les villes font pour les usines de traitement des eaux usées?
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L'information que j'ai trouvée sur le programme Energy Star se trouve sur le site Web de Ressources Naturelles Canada. Je ne sais pas si les coûts qui y sont associés ont fini par être refilés aux consommateurs.
Sur le principe de l'utilisateur-payeur, oui, je pense que les taxes sont une façon de financer le remplacement des conduites. Certaines municipalités envisagent d'accorder un amortissement de 10 ans sans intérêt de ces coûts sur la facture fiscale des propriétaires fonciers. Comme Bernadette l'a mentionné, une autre option serait de conclure une entente avec les associations de courtage immobilier provinciales pour qu'il soit obligatoire de déclarer la présence de conduites en plomb au moment de la transaction quand on vend une maison.
Dans l'ensemble, ce ne sont pas tellement les mères ou les parents de jeunes enfants qui font preuve de résistance. La plus grande résistance au changement s'observe chez les consommateurs plus âgés, qui ont l'impression d'être à l'abri du risque de subir les effets négatifs du plomb sur leur santé, si bien qu'ils n'ont pas d'incitatif personnel à changer leurs conduites d'eau, sur le plan de la santé ou des finances.
La Bibliothèque du Parlement nous a remis un document qui comprend une citation de livre, si je ne me trompe pas, où il est écrit qu'il y aurait 200 000 maisons au Canada toujours reliées au réseau d'alimentation en eau municipal par des conduites en plomb à partir de la limite de propriété. Ce nombre semble élevé. Je suis pourtant sûr qu'il est parfaitement légitime: il y en a au moins 200 000, mais je pense que la ville de Flint a établi qu'il y avait 15 000 conduites d'eau en plomb reliées au réseau municipal, alors que la ville compte moins de 100 000 habitations.
Bref, cette estimation me semble extrêmement basse. Est-ce possible? À quel point ce chiffre est-il crédible? Il pourrait y en avoir 2 millions; je ne sais pas. S'il y en a 15 000 dans une ville de moins de 100 000 habitations, il semble tout à fait possible qu'il y a un demi-million de maisons dotées de conduites d'eau de plomb. À quel point sommes-nous certains de cette estimation de 200 000? Quelle est la situation, exactement?
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Comme je l'ai déjà dit, j'ai fortement l'impression que c'est probablement une estimation trop faible. Nous ne sommes pas certains de ce chiffre.
Le problème tient en partie à ce que vous avez mentionné: les municipalités elles-mêmes connaissent-elles l'état des conduites d'eau? Même si elles sont solides, il n'y avait pas de registre des matériaux utilisés à l'époque dans la plupart des municipalités. Parfois, quand les propriétaires rénovent leur maison, ils changent les conduites. À certains endroits, il y a plus de contrôle qu'ailleurs; les gens de Halifax pourraient vous en parler.
Selon les estimations des municipalités qui se concentrent sur le problème seulement, il y en aurait environ 200 000. C'est le chiffre que j'ai vu, mais je m'attends à ce que le nombre réel soit plus élevé. Je ne sais pas à quel point il y a de données sur lesquelles nous fonder. Graham est peut-être plus au courant que moi.
Pour la deuxième heure, nous recevons Carl Yates, directeur général de Halifax Water, ainsi que Reid Campbell, directeur des Services d'eau.
Nous accueillons également par vidéoconférence Marc Edwards, professeur à la Virginia Polytechnic Institute and State University, qui se trouve à Blacksburg, en Virginie. C'est l'Action de grâce chez vous, donc nous vous remercions tout particulièrement de prendre le temps de vous joindre à nous pour discuter de cette question importante aujourd'hui.
Enfin, nous accueillons Bruce Lanphear, professeur à la Faculté des sciences de la santé à l'Université Simon Fraser.
Je vous remercie tous quatre d'être ici.
Monsieur Edwards, comme c'est l'Action de grâce chez vous, je suis certaine que vous avez hâte de retrouver votre famille, donc que pensez-vous de commencer?
Je vous donne cinq minutes pour ouvrir le bal. Au besoin, je vous interromprai si les membres du Comité ont des questions à vous poser.
Monsieur Edwards, la parole est à vous.
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Je vous remercie de m'accueillir.
Aux États-Unis, nous vivons actuellement tout un changement de paradigme dans la façon de concevoir notre infrastructure d'eau. Il y a trois principales raisons à cela.
Premièrement, nous essayons de composer avec les anciennes conduites de plomb. Si vous lisez un jour le livre intitulé The Great Lead Water Pipe Disaster, vous vous rendrez compte que ces conduites ont été installées après que le gouvernement ait adopté des lois afin de relier les résidences au réseau d'eau potable, au point où c'est devenu presque la seule source de plomb appartenant au gouvernement en contact avec un produit destiné à la consommation humaine. Tout cela a créé un conflit d'intérêts, qui a placé nos services d'approvisionnement en eau en porte-à-faux avec les intérêts des consommateurs.
Nous avons vu le problème se manifester de diverses façons aux États-Unis, notamment par des éclosions horribles de maladies d'origine hydrique attribuables à une plombémie élevée. C'est arrivé à Washington, D.C., ainsi qu'à Flint et dans d'autres régions du pays. Les gens ont alors cessé de faire confiance à l'eau potable aux États-Unis et ce, dans des proportions presque sans précédent. L'an dernier, par exemple, les ventes d'eau embouteillée ont dépassé les ventes de boissons gazeuses. En parcourant le pays, j'ai vu que bien des gens avaient décidé de ne plus boire l'eau du robinet en conséquence des événements de Flint et de la méfiance qu'ils ont suscitée.
Notre deuxième problème, c'est le vieillissement de l'infrastructure. Bien sûr, ces conduites sont hors de notre vue, hors de notre esprit, et c'est un problème d'un mille milliards de dollars. On a longtemps pensé que ces veilles conduites fuiraient, un point c'est tout, qu'on pourrait les réparer au besoin, qu'elles rouilleraient peut-être et qu'elles pourraient causer une décoloration ou d'autres désagréments esthétiques à notre eau.
Cependant, plus nous nous sommes attardés à la question, plus nous avons appris de choses. Nous commençons à faire des liens avec les maladies d'origine hydrique. Ce n'est qu'au cours des dernières décennies que nous avons découvert cette nouvelle catégorie de bactéries qui vit dans notre plomberie et qui cause diverses maladies. Nous nous sommes rendu compte que ces vieilles conduites d'eau favorisaient la croissance de bactéries dangereuses. C'est ce qu'on appelle des « agents pathogènes opportunistes présents dans les canalisations en place », et l'exemple le plus connu est celui de la Legionella.
Troisièmement, il y a un changement de paradigme aux États-Unis parce que nos exigences sont plus élevées qu'avant à l'égard de notre infrastructure hydraulique. De par nos efforts afin d'améliorer la conservation de l'eau et de l'énergie, nous utilisons de moins en moins d'eau. Malheureusement, cela signifie pour le plomb et la Legionella que ces problèmes et bien d'autres ne feront qu'empirer. Contrairement aux routes, qui se dégradent plus lentement si on les utilise moins, les conduites d'eau se dégradent principalement par corrosion anaérobie. Autrement dit, moins on utilise des tuyaux, plus ils se dégraderont rapidement. Ainsi, plus on met de mesures de conservation de l'eau en place au pays, plus on diminue la quantité d'eau qui nettoie nos tuyaux, en prolonge la longévité et réduit la quantité de bactéries et de plomb dans l'eau. Du coup, beaucoup de villes des États-Unis — et selon certaines données anecdotiques, du Canada — observent aussi des concentrations accrues de plomb et de bactéries dangereuses dans les résidences qui utilisent moins d'eau.
Tous ces éléments nous forcent à réévaluer la situation, et je suis heureux que le Canada se penche sur la question.
Je vous remercie de m'accueillir ici aujourd'hui.
Premièrement, je souhaite vous féliciter de vos efforts, comme des efforts de Santé Canada, afin de revoir le cadre régissant le plomb et de moderniser les conduites d'eau du Canada pour protéger les Canadiens. La protection de la santé des Canadiens passe dans une très grande mesure par la qualité de l'eau que nous buvons, de l'air que nous respirons et des aliments que nous mangeons.
Mes recherches des 25 dernières années visent particulièrement la protection des enfants contre l'intoxication par le plomb, et j'aborderai principalement la question de la toxicité du plomb dans mon exposé aujourd'hui.
Dans mes premières études, j'ai quantifié le plomb de diverses sources contribuant à l'intoxication des enfants par le plomb, dont la peinture, la poussière domestique, les sols et l'eau. Nous nous sommes rendu compte que l'eau était l'une des plus importantes sources de plomb chez les enfants, les femmes enceintes et nous tous.
Nous avons constaté que l'exposition à des concentrations élevées de plomb endommage le cortex préfrontal, soit la partie du cerveau qui nous rend le plus humain, et augmente le risque que les enfants développent des comportements antisociaux comme la délinquance et même des comportements criminels. Nous avons également constaté que les enfants exposés à des concentrations élevées de plomb affichaient un risque accru de souffrir d'autres problèmes comportementaux, comme le TDAH. En fait, nous nous sommes rendu compte qu'environ un cas de TDAH sur cinq aux États-Unis, soit 600 000 cas, était attribuable à une exposition au plomb.
L'exposition à des concentrations élevées de plomb chez la femme enceinte est également associée à la prématurité et à la naissance de bébés de petite taille.
Enfin, nous avons observé que le plomb est toxique, même à des seuils d'exposition très bas. L'Organisation mondiale de la santé a conclu qu'il n'y avait pas de concentration sûre de plomb dans le sang des enfants.
Bien que nous ciblions principalement la santé des enfants dans nos recherches, le plomb est également un facteur de risque établi pour l'hypertension, la néphropathie chronique et les tremblements essentiels chez l'adulte. On soupçonne également, bien que ce ne soit pas prouvé, que le plomb augmente le risque de décès par cardiopathie ischémique (qui survient quand le coeur suffoque après des années à manquer d'oxygène) et de démence.
Bien que nous ayons déjà réussi à réduire considérablement la quantité de plomb dans notre environnement, nos conduites d'eau et nos fontaines demeurent une source importante de plomb pour beaucoup de Canadiens, particulièrement dans les petits villages et les communautés autochtones.
À l'heure actuelle, Santé Canada applique la directive de 10 parties par milliard de plomb dans l'eau. Cela équivaut à peu près à 10 cuillères à table dans une piscine olympique. Je suis d'accord avec la conclusion de Santé Canada, selon laquelle la norme de 10 parties par milliard ne nous protège plus. Les enfants qui vivent dans des maisons où la concentration de plomb dans l'eau dépasse les cinq parties par milliard ont, en moyenne, un microgramme de plomb par décilitre de plus dans le sang, ce qui réduirait leurs aptitudes intellectuelles d'un à un et demi point de QI. Les femmes qui vivent dans des maisons où la concentration de plomb dans l'eau dépasse les cinq parties par milliard affichent une plombémie 30 % plus élevée que les autres.
Comme Santé Canada l'a déclaré, la concentration maximale acceptable de plomb dans l'eau devrait être réduite à cinq parties par milliard, et au cours des 10 à 20 prochaines années, d'autres mesures devront être prises pour la réduire encore plus.
Je m'arrêterai là, mais je me mets à votre disposition si vous souhaitez me poser des questions plus tard.
Merci.
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Merci, madame la présidente, et merci aussi aux membres du Comité. Je m’appelle Carl Yates et je suis le directeur général de Halifax Water.
Halifax Water est le service de traitement de l’eau, des eaux usées et des eaux pluviales qui dessert 360 000 personnes dans la région du Grand Halifax. Je suis accompagné de Reid Campbell, notre directeur des Services d’eau, qui a dirigé une bonne partie de nos travaux sur le plomb dans l’eau potable ces dernières années.
Nous voulons remercier le Comité de nous avoir invités à témoigner devant lui et de prendre le temps d’étudier cette question qui, selon nous, mérite une attention accrue de la part des services d’eau et des organismes provinciaux qui les réglementent à la grandeur du Canada. La question du plomb dans l’eau potable est gérable, mais il faut un cadre réglementaire pour permettre aux services publics d’élaborer des approches afin de répondre aux circonstances uniques de leur collectivité.
Nous croyons que le plomb dans l’eau potable est un problème plus grave que bien des services publics et leurs organismes provinciaux de réglementation ne le comprennent. La réglementation en vigueur ne prévoit pas de protection adéquate de la santé publique et n’exige pas des services publics qu’ils examinent et comprennent vraiment l’incidence de plomb dans leurs réseaux.
Halifax Water est doté de programmes pour éliminer les conduites en plomb depuis les années 1970. À un moment donné, il est possible que nous en ayons eu jusqu’à 15 000, tandis qu’aujourd’hui, il en reste aussi peu que 2 000 dans le réseau public. Nous offrons des traitements contre la corrosion depuis 2002 et avons toujours offert des échantillonnages gratuits à la maison aux clients préoccupés par la présence de plomb dans leur eau. À la demande des clients, nous remplacions les conduites publiques en plomb une fois qu’ils avaient remplacé leur tronçon privé.
Comme vous le savez déjà, vers 2010, par l’intermédiaire de notre partenariat de recherche et de la chaire de recherche industrielle à l’Université Dalhousie, nous avons encouragé Graham Gagnon à étudier l’incidence du plomb dans notre réseau. Les travaux de M. Gagnon nous ont donné une nouvelle perspective sur la présence de plomb dans notre réseau et nous a amenés à rehausser notre approche à l’égard de la gestion du plomb. Nous avons découvert que pour bien traiter ce métal, nous devions enlever complètement les conduites en plomb et cesser de faire des remplacements partiels. Nous avions aussi besoin d’accroître notre niveau de protection contre la corrosion et de traiter chaque client avec des conduites en plomb comme quelqu’un qui avait besoin d’aide.
Cette situation a été assez problématique étant donné que le client est propriétaire d’un tronçon de la conduite, que la participation des services publics aux questions de propriété privée n’était pas sans contraintes et qu’il y avait des obstacles au renouvellement des conduites en plomb pour les clients, y compris sur le plan des coûts.
En janvier 2017, l’American Water Works Association, l’AWWA, a adopté une nouvelle politique sur la gestion des conduites en plomb. Bien que l’AWWA se trouve aux États-Unis, la plupart des services publics canadiens en sont membres, et cette association est perçue comme l’autorité technique à laquelle tous les services publics s’en remettent en Amérique du Nord. La nouvelle politique appelle les services publics à éliminer complètement les conduites en plomb sur une période raisonnable et à offrir des traitements contre la corrosion. Par-dessus tout, elle appelle les services publics à travailler en partenariat avec leurs clients pour arriver à éliminer le plomb du système d’alimentation en eau en trouvant des solutions qui conviennent à l’échelle locale. Nous croyons que la meilleure façon pour les services publics d’assurer la protection de leurs consommateurs contre le plomb est de suivre les conseils de la politique de l’AWWA, qui comprennent des initiatives comme celles de créer un inventaire des conduites en plomb, de communiquer avec les clients et de leur fournir l’échantillonnage dont ils ont besoin.
Nous croyons que le rôle du gouvernement dans ce dossier est d’offrir un cadre pour appuyer les services publics dans cette démarche. La présence de plomb dans tout réseau est beaucoup plus complexe et variable à l’échelon local que le sont les paramètres traditionnels concernant l’eau potable, comme les bactéries et l’arsenic. Le simple fait de fixer un niveau de conformité et d’exiger des services publics qu’ils le respectent n’améliorera pas les résultats en matière de santé publique. Notre expérience nous a appris que, en cas de teneur élevée de plomb dans l’approvisionnement en eau d’une résidence, il faut que les services publics et le client travaillent ensemble à régler le problème de la conduite en plomb dont ils sont copropriétaires.
Le gouvernement est chargé d’aider les propriétaires et les services publics à surmonter les nombreux obstacles pour remplacer les conduites en plomb privées, comme les questions de coût, d’assurance et de responsabilité relatives aux travaux sur une propriété privée. Le gouvernement fédéral a l’occasion de faire preuve de leadership en consacrant des programmes de financement nationaux à l’infrastructure de traitement des eaux et des eaux usées à cette question. Cette démarche aurait une incidence à l’échelle nationale et donnerait du travail à nombre de petits entrepreneurs qui font normalement des travaux d’entretien.
On pourrait aussi aider les propriétaires à assumer la partie privée de l’entretien par le truchement de crédits d’impôt et de programmes d’aide aux propriétaires.
Le gouvernement a aussi un rôle à jouer pour faire en sorte que la présence de conduites en plomb soit cernée au moment de vendre une propriété, alors qu’il est possible de traiter la question dans le cadre de la transaction immobilière.
En janvier de cette année, Santé Canada a proposé de nouvelles lignes directrices en ce qui concerne la teneur en plomb dans l’eau potable. Nous croyons qu’elles arrivent à point nommé, qu’elles sont pertinentes et qu’elles encourageront les services publics à examiner de plus près la question du plomb dans leur réseau.
Nous avons vivement conseillé à Santé Canada d’examiner les points qui suivent.
Si un organisme de réglementation provincial détermine que des services publics ne respectent pas les normes en matière de plomb, la principale façon d’obtenir la conformité dans la plupart des réseaux est d’éliminer l’ensemble des conduites en plomb, dont une partie se trouve sur des propriétés privées. Aujourd’hui, nombre de services publics ne disposent pas de mécanismes pour travailler sur ces types de propriétés.
Le fait de modifier les lignes directrices en une seule étape, comme on le propose, fera en sorte que de nombreux services publics ne soient pas en mesure de respecter les niveaux recommandés et donnera l’impression aux membres du public qu’il existe une crise sanitaire, alors que ce n’est pas le cas.
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Nous préférerions que l’on adopte une de ces deux approches.
La première serait de ne pas publier immédiatement de lignes directrices sur la santé, mais de travailler avec les provinces afin d’assurer que les services publics prennent des mesures au cours des prochaines années pour définir leur situation en ce qui concerne le plomb.
La seconde approche serait de reconnaître que les services publics ne peuvent agir seuls pour régler un problème de dépassement de la teneur en plomb. En conséquence, on pourrait encourager les provinces à adopter une approche visant la prise de mesures par les propriétaires. Au lieu de déterminer que les services publics sont non conformes aux normes, cette approche les guidera pour qu’ils prennent des mesures afin d’avertir les clients, les informer et collaborer avec eux à régler leur problème de plomb.
Nous vous remercions encore une fois de nous avoir invités. Nous serions ravis de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis ravi d’être des vôtres.
J’ai la chance d’être originaire d’une municipalité dotée d’un programme et qui, au cours des dernières années, a commencé à remplacer certaines des conduites en plomb. C’est intéressant d’écouter vos témoignages juxtaposés. Une personne disait que nous étions pratiquement en situation de crise en raison de la façon dont le plomb touche les jeunes en particulier, car il influe sur le développement du cerveau. Bien sûr, comme vous l’avez mentionné, abaisser la teneur permise ne ferait qu’amplifier la crise et l’inquiétude du public; tout cela est troublant.
J’aimerais vous demander s’il existe, à l’heure actuelle, une technologie qui permette de filtrer le plomb qui se trouve dans l’eau potable. Dans la négative, est-on en train de mettre au point une technologie qui nous permettrait d’avoir un système de filtration qui servirait de solution temporaire en attendant que nous éliminions tout ce plomb?
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Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous nos témoins d’être venus aujourd’hui.
J’ai entendu dire plus tôt qu’un comité fédéral-provincial-territorial étudie actuellement la question de savoir s’il y a lieu d’abaisser la norme relative au plomb dans l’eau potable à cinq parties par milliard, soit la moitié de la norme actuelle.
Lorsque je me penche sur le rôle de ce comité en tant que tel, je vois qu’il s’agit d’un comité national bien établi et actif depuis plus de 20 ans. Honnêtement, il fait rapport au Comité fédéral-provincial-territorial sur la santé et l’environnement, et ses membres sont habituellement des fonctionnaires du ministère de la Santé ou de l’Environnement. Je le mentionne simplement pour nous donner une idée de certaines recommandations que nous pourrions vouloir formuler à l’issue de la présente étude, car il est clair que la gestion du traitement et de la distribution de l’eau potable, ainsi que du traitement des eaux usées, est une question de compétence provinciale.
De plus, la FCM a déterminé que nombre de municipalités sont au courant des questions associées aux anciennes infrastructures de l’eau et qu’elles ont pris des mesures proactives à cet égard. Moi aussi, j’ai la chance de vivre dans une des collectivités — Saskatoon, en Saskatchewan — qui a été retenue par la FCM.
Ils ont aussi signalé qu’ils ignoraient s’il y avait une estimation nationale fiable du nombre de conduites en plomb qu’on utilise toujours au Canada, alors je crois qu’il reste fort à faire. Nous menons cette étude pour déterminer les mesures que nous pouvons prendre afin d’encourager les provinces à instaurer des programmes ou même à fournir du financement.
En terminant, en plus de toutes les observations que j’ai formulées, je dirais que j’ai vraiment apprécié les très bons témoignages que nous avons entendus aujourd’hui. Je pense que nous comprenons bien la question. Je suggérerais, madame la présidente, qu’une fois que nous en aurons terminé avec cette étude, nous écrivions une lettre au comité de la santé ou au comité de l’environnement pour proposer à leurs membres d’éventuellement mener une étude parallèle à celle que nous avons menée pour voir ce qui pourrait se produire aux échelons qui semblent être responsables d’étudier la question d'une politique efficace en matière de santé pour les Canadiens et de formuler des recommandations à cet égard.
Merci.
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Il y en a certainement plusieurs. Je vais en parler brièvement et je demanderai ensuite au directeur des Services d’eau de Halifax Water d’ajouter quelque chose.
Notre but est d’éliminer autant d’obstacles que possible. Le coût en est un, dès le départ. Les gens n’ont pas nécessairement envie de faire cet investissement de taille. Il y a aussi les inconvénients et les connaissances: les inconvénients liés à l’obligation de devoir creuser dans son parterre, et les connaissances nécessaires pour faire venir un entrepreneur chez vous et passer un marché avec lui sans savoir si vous faites une bonne affaire ou pas.
En tant que services publics, nous avons préapprouvé certains de nos entrepreneurs pour que nos clients puissent faire appel à leurs services. Nous avons maintenant dressé une liste d’entrepreneurs avec lesquels prendre contact et, comme vous l’avez dit, nous encouragerons les gens à le faire une fois.
Nous avons aussi offert un incitatif. C’est un autre obstacle. Nous avons simplement réussi, par l’intermédiaire de notre organisme de réglementation — la Commission des services publics et d’examen de la Nouvelle-Écosse —, à couvrir 25 % des coûts du côté privé. Nous sommes conscients du fait que la question financière est toujours un facteur important et nous essayons d’éliminer ces obstacles.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie également nos invités d'être parmi nous.
Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Yates.
Vous avez dit qu'il était important que le fédéral mette en vigueur un cadre de réglementation. Or j'ai constaté, lors des discussions d'aujourd'hui et de celles d'une réunion précédente, que l'ensemble des témoins considérait ne pas pouvoir s'appuyer sur des statistiques fiables. Le gouvernement fédéral pourrait toujours dire aux municipalités de recourir au fonds des infrastructures pour offrir un programme, mais s'il fallait vraiment s'attaquer à cette question particulière et créer un programme en vue de la régler, aucun gouvernement responsable ne s'attaquerait à quelque chose d'aussi important sans avoir une idée de son ampleur.
S'il y avait un inventaire à faire au Canada, de quoi s'agirait-il? S'agirait-il de recueillir des données provenant des municipalités, des provinces et des territoires, même si ces entités ne disposaient pas de données probantes et qu'il fallait réaliser un inventaire à partir de zéro?
Ma question s'adresse aussi à M. Edwards puisque, aux États-Unis, avant de s'attaquer au problème, on effectue cet inventaire pour connaître l'ampleur du problème auquel on fait face.
M. Yates pourrait peut-être répondre d'abord, suivi de M. Edwards.
Depuis le début, nous avons bien compris l'importance de considérer les conduites d'eau dans leur totalité, c'est-à-dire jusqu'au robinet du propriétaire. Or un propriétaire pourrait refuser de couvrir sa portion et vouloir assumer les risques personnellement, que ce soit parce qu'il ne fait pas partie de la clientèle à risque en matière de santé, qu'il est trop vieux, qu'il n'a pas les moyens d'assumer cette dépense ou pour d'autres raisons. Or nous savons tous qu'au Canada, il n'y a qu'une seule conduite d'eau. Il n'y en a pas une pour l'eau potable et une autre pour l'eau usée.
L'eau qui ressortira de cette résidence et qui aura été contaminée par le plomb de la tuyauterie de ce propriétaire sera-t-elle traitée de nouveau avant de retourner au fleuve ou à la rivière d'où elle provient?
Si c'est le cas, on traitera sans cesse le même problème du fait que certains propriétaires auront refusé d'assumer leur portion.
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Comme vous le savez, au Canada, c'est Santé Canada qui fixe les concentrations maximales acceptables par l'intermédiaire des recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada. L'adoption de ces recommandations est laissée à la discrétion des provinces en fonction de ce que chacune jugera approprié.
L'un des problèmes c'est justement que l'adoption des recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada varie d'une province à l'autre. Certaines provinces, comme la Nouvelle-Écosse, les ont adoptées toutes. D'autres se sont donné leurs propres lignes directrices, lesquelles sont toutefois similaires aux recommandations de Santé Canada. Certaines provinces n'adoptent que les recommandations qu'elles jugent importantes pour elles, et le plomb ne serait pas, disons, laissé à la discrétion de chacune. Je dirais plutôt que les recommandations à cet égard sont suivies par certaines provinces et pas par d'autres.
Puis, à l'intérieur d'une province donnée, toutes les municipalités sont réglementées différemment. Certains services d'eau sont plus gros que d'autres et ils disposent de ressources importantes pour faire face au problème; d'autres, plus modestes, n'ont tout simplement pas les ressources nécessaires.
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L'apport de la sphère politique est limité, c'est vrai. Je vais expliquer de quoi il retourne.
Nous fonctionnons bien avec ce modèle. Nous sommes encadrés par deux organismes de réglementation. Il y a la surveillance de la qualité de l'eau et des effluents, et la surveillance des activités commerciales, qu'assure la Commission des services publics et d’examen de la Nouvelle-Écosse. Ces deux organismes opèrent donc une surveillance en matière de bonne gouvernance, mais disons que nous nous soucions aussi énormément de nos clients.
Je présume que cette direction est celle que nous nous sommes donnée. Nous accordons énormément d'importance au service à la clientèle. On nous connaît pour avoir remis à neuf des systèmes qui accusaient leur âge. Lorsque nous voyons un problème, nous n'attendons pas avant d'intervenir.
C'est aussi pour cette raison que, très tôt, nous nous sommes adjoint les services de M. Gagnon. En fait, M. Gagnon a dit qu'il faisait de la recherche depuis 1998. Nous l'avons cueilli alors qu'il venait tout juste de terminer ses études supérieures et nous l'avons tout de suite mis au travail, et c'est ce que nous faisons depuis. Cette année 2017 marque le 10e anniversaire de la présence de M. Gagnon à la chaire de recherche industrielle, et nous nous estimons très chanceux de l'avoir eu là pendant tout ce temps. Disons que c'est en grande partie à cause de cela que nous nous sommes attaqués au problème du plomb et que nous avons cherché à le comprendre. Sa présence a été déterminante.
Permettez-moi de revenir là-dessus. Il est très important que chaque service d'eau et que chaque municipalité comprenne en quoi consiste son propre problème de plomb. Ils ne trouveront pas toutes les réponses du jour au lendemain, et c'est pour cela que nous nous estimons chanceux de pouvoir « aller sur le terrain », comme on dit. Il faut commencer tôt, reconnaître rapidement la présence du problème, puis faire ce qu'il faut pour vraiment comprendre la nature du problème avant de sauter aux conclusions.