:
Merci beaucoup, madame la présidente.
[Français]
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au comité aujourd'hui relativement à l'importance de moderniser la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et, plus particulièrement, à la position d'Air Canada sur le projet de loi .
Je suis accompagné de Kevin Howlette, notre premier vice-président, Marchés régionaux et affaires gouvernementales.
Je tiens à souligner au départ que nous appuyons ce projet de loi surtout parce qu'il vise à rendre Air Canada plus concurrentielle à l'échelle internationale. Le projet de loi tient compte du fait que l'industrie du transport aérien s'est grandement transformée depuis la privatisation d'Air Canada il y a près de trois décennies. Il reconnaît qu'Air Canada est une entreprise entièrement du secteur privé, qu'elle appartient à des intérêts du secteur privé et qu'elle exerce ses activités dans une industrie mondiale hautement compétitive.
Air Canada apporte une importante contribution à l'économie canadienne et se classe parmi ses plus importants employeurs. L'an dernier, nous avons transporté près de 42 millions de passagers vers plus de 200 destinations au Canada, aux États-Unis et dans le reste du monde. Nous employons près de 28 000 personnes, 33 000 en comptant nos partenaires commerciaux régionaux, et nous soutenons environ 30 000 retraités. Les salaires et les avantages sociaux des employés d'Air Canada au pays dépassent 2,1 milliards de dollars et ses charges d'exploitation totales au pays s'élèvent à près de 10 milliards de dollars.
[Traduction]
D'entrée de jeu, je dirai quelques mots sur la privatisation d'Air Canada qui a eu lieu en 1988-1989.
La société a été vendue à des investisseurs privés au moyen de deux appels publics à l'épargne sur une période de deux ans. Le gouvernement du Canada a reçu le produit brut de près de 500 millions de dollars tiré de la vente de ses actions, ce qui correspond aujourd'hui à environ 2 milliards de dollars. Air Canada n'a bénéficié d'aucun avantage permanent de son statut antérieur de société d'État qui lui aurait conféré une position privilégiée vis-à-vis de ses concurrents ou pour lesquels les contribuables canadiens n'auraient pas été convenablement payés — aucun. Nous ne recevons aucune subvention, aucune de nos lignes n'est protégée par un monopole, nous ne profitons d'aucun allégement fiscal, nous n'avons aucun accès privilégié aux aéroports ou à d'autres installations, et ainsi de suite.
Quelques mots cette fois sur l'évolution de l' industrie et l'environnement concurrentiel. Dans la première moitié des années 1990, le secteur de l'aviation a été éprouvé par une récession mondiale, la guerre du Golfe, le 11 septembre, la volatilité extrême des prix du carburant et d'autres événements géopolitiques et économiques défavorables. Un certain nombre de transporteurs ont fait faillite, cessé leurs activités, fusionné ou se sont restructurés. Air Canada a procédé à sa propre restructuration sous contrôle judiciaire en 2003-2004, qui a entre autres conduit à la vente de ses activités d'entretien lourd.
Les transporteurs à faibles coûts — qui impartissent pratiquement tous la maintenance de leurs appareils — sont apparus au cours des 20 dernières années. Le canadien WestJet a été créé en 1996 et exploite aujourd'hui près de 40 % de part du marché national, sans aucune restriction ou obligation dans ses documents constitutifs concernant l'endroit où sa maintenance doit être effectuée ou combien d'emplois doivent être directement ou indirectement protégés.
L'environnement concurrentiel s'est intensifié d'autres façons. À l'heure actuelle, nous avons des accords « ciel ouvert » avec près de 50 pays, dont les États-Unis et les 28 pays de l'Union européenne. Plus de 70 transporteurs étrangers desservent le Canada, nous disputant les clients.
Partout, les transporteurs classiques ont été forcés de se métamorphoser pour survivre et prospérer et malgré tout ce changement, les marges de profit sont très minces, allant de moins 5 % à 4 ou 5 %, pour une bonne année depuis 2008. Les sociétés aériennes ont dû maîtriser radicalement leurs coûts et leurs dépenses en immobilisations, notamment dans les actifs de maintenance, réparation et révision, ou MRR.
En ce qui a trait aux activités de maintenance, jusqu'aux années 1980, les transporteurs qui exploitaient un réseau tel qu'Air Canada faisaient généralement la maintenance de tout leur parc aérien en interne. Le secteur de la MRR n'était pas encore l'industrie indépendante et compétitive qu'il est devenu.
La maintenance des avions représente en général de 10 à 15 % des coûts d'un transporteur. C'est d'ailleurs l'une des dépenses principales. L'impartition de certaines activités à des fournisseurs de services de MRR qualifiés du monde entier, qui compétitionnent activement pour obtenir les contrats, constitue désormais un développement normal, sain et essentiel dans un secteur commercial hautement capitalistique et concurrentiel à faible marge.
Un rapport rédigé par l'Association du transport aérien international, l'IATA, indique que l'impartition des activités de MRR à l'échelle mondiale est passée d'environ 30 % en 1990 à 65 % en 2013. La tendance devrait se maintenir, et, selon certaines estimations, atteindre une proportion de 80 %.
[Français]
Quand Aveos a été créée dans le processus de restructuration d'Air Canada en 2003-2004, des institutions indépendantes ont investi 975 millions de dollars pour acquérir Aveos avec l'objectif d'assurer à cette dernière une plateforme afin d'attirer d'autres transporteurs en plus d'Air Canada. Cependant, Aveos a échoué à plusieurs reprises dans ses efforts de se diversifier avec d'autres compagnies aériennes. Dans les documents qu'elle a déposés devant les tribunaux en 2012, elle admettait n'être jamais parvenue à la productivité de ses rivales mondiales.
Après la faillite d'Aveos, Air Canada s'est tournée vers d'autres fournisseurs de services de maintenance qualifiés au Canada et ailleurs dans le monde pour ses travaux d'entretien lourd. Depuis, le temps d'utilisation de nos appareils — ce qu'on appelle en anglais le « turn-around time » — a grandement progressé et nos coûts de maintenance ont diminué.
[Traduction]
Aujourd'hui, les fournisseurs de services de MRR rivalisent à l'échelle mondiale pour les travaux d'entretien lourd d'un transporteur aérien en s'appuyant sur des centres d'excellence et non sur le rayonnement régional. Pour demeurer pertinentes à l'échelle mondiale, ces entreprises doivent faire d'importantes dépenses en immobilisations dans des domaines secondaires pour un transporteur, notamment le matériel, l'outillage et les licences de même que la recherche et le développement. Le développement de nouvelles activités de MRR sans importants contrats comme tiers fournisseur serait irréaliste. De fait, les effectifs d'Air Canada affectés à la maintenance en ligne ont plus que doublé ces 10 dernières années. En ce moment, nous employons environ 2 400 employés à la maintenance au Canada, et il y en a plus de 1 000 autres chez nos partenaires commerciaux régionaux Jazz, Air Georgian et Sky Regional. C'est bien plus que tout autre transporteur au Canada, et nous exécutons régulièrement nous-mêmes de nombreuses tâches de maintenance spécialisées qui auraient été auparavant effectuées en maintenance lourde.
Nous avons effectivement confié une partie de nos travaux d'entretien lourd à l'étranger depuis la fermeture d'Aveos, mais nous avons aussi fortement augmenté les volumes de travaux impartis à des entreprises canadiennes. Premier Aviation à Trois-Rivières s'occupe de la maintenance des cellules de nos Embraer. Avianor à Mirabel est responsable de la conversion d'appareils et de travaux de maintenance sur plusieurs types d'appareils. Airbase à Montréal fait entre autres la maintenance du matériel des cabines. Hope Aero à Toronto réalise la révision des roues, des freins et des batteries. Ces deux derniers fournisseurs amorceront bientôt des activités à Winnipeg également. La maintenance de nos appareils régionaux Jazz est effectuée à Halifax, à Calgary et à l'Île-du-Prince-Édouard. Tous ces travaux procurent des emplois à des milliers de Canadiens. Or, dans une économie ouverte, pour un employeur du secteur privé, c'est la concurrence plutôt que les obligations statutaires qui crée et maintient l'emploi.
Le projet de loi reconnaît les changements dans l'industrie et accorde la souplesse accrue et la certitude quant à l'interprétation dont notre société aérienne a besoin pour être compétitive à l'échelle mondiale. Air Canada pourra déterminer, à sa discrétion et selon ses impératifs commerciaux, le volume et le type de maintenance des avions faite à l'étranger et au Canada, notamment au Manitoba, au Québec et en Ontario, et à qui elle confie l'exécution en fonction d'offres concurrentielles de fournisseurs.
Aucune autre société aérienne au Canada ou, à notre connaissance, ailleurs dans le monde, n'est assujettie à des restrictions portant sur la maintenance comme celles imposées à Air Canada dans la LPPCAC: ni WestJet, Porter, Air Transat, Sunwing, British Airways, Air France, American Airlines, United, Cathay Pacific, Singapore Airlines, etc. Ces transporteurs fondent leurs décisions sur la compétitivité basée sur la qualité et le prix pratiqué par les fournisseurs de services à forfait ainsi que sur les délais d'exécution. Nous espérons obtenir la même souplesse décisionnelle dont bénéficient nos concurrents, parce qu'au final, nous rivalisons dans les mêmes marchés pour attirer les mêmes clients.
Nous avons conclu des accords de règlement avec les gouvernements du Québec et du Manitoba, accords qui devraient créer plus d'emplois dans la maintenance aéronautique au Canada. Nous avons accepté de collaborer à l'établissement de centres d'excellence dans ces deux provinces, qui ont le potentiel d'attirer d'autres sociétés aériennes clientes s'ils se montrent compétitifs. GE a connu le succès dans la création de tels centres d'excellence de par le monde. Elle y rassemble des personnes aux compétences particulières pour qu'elles se concentrent sur certains produits ou procédés et les améliorent par la recherche et le partage des meilleures pratiques.
[Français]
La lettre d'intention que nous avons signée avec Bombardier pour l'acquisition d'appareils C Series est un autre résultat concret de notre compétitivité accrue à l'échelle internationale. Nous sommes fiers d'être le premier grand transporteur nord-américain à commander l'appareil C Series. Nous estimons avoir envoyé ainsi un puissant message qui a donné à d'autres transporteurs, dont Delta Airlines la semaine dernière, la confiance nécessaire pour acheter cet appareil de nouvelle génération.
Au prix courant, notre commande est évaluée à 3,8 milliards de dollars américains pour la commande ferme seulement. Voilà un engagement substantiel à l'égard du programme C Series et de l'aéronautique canadienne. Des commandes telles que la nôtre contribuent à fournir du travail à des milliers d'employés de ce secteur.
La Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada a été adoptée il y a plus d'un quart de siècle alors que l'industrie du transport aérien était entièrement différente. En rétrospective, les choses sont toujours plus claires, mais avec respect pour ceux qui l'ont rédigée, cette loi aurait dû prévoir la possibilité que l'industrie évolue, même s'il n'était pas possible d'anticiper toutes les éventualités.
Madame la présidente, je vous remercie de votre attention. Air Canada est fière d'appuyer l'industrie aéronautique canadienne. En créant des conditions plus équitables, le projet de loi nous permettra de rester compétitifs et de contribuer à la création d'emplois dans l'aviation, le tourisme et l'aéronautique au Canada pour bon nombre d'années.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Je vous remercie de votre attention.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je partagerai mon temps de parole avec mon collègue, M. Berthold.
Je profite également de l'occasion pour remercier les témoins d'être parmi nous.
Tout d'abord, j'aimerais présenter une motion, que j'ai transmise au greffier lundi soir et qui a été distribuée aux membres du Comité hier après-midi. Si vous le permettez, je vais en faire lecture pour que tout le monde en connaisse la teneur, car elle s'inscrit dans le cadre de la présente étude.
Que le Comité demande à Transports Canada et au Bureau du Conseil privé de lui remettre toutes les notes d'information préparées pour le ministre des Transports, Marc Garneau, en vue de ses réunions avec les représentants d'Air Canada les 15 février 2016 et 15 décembre 2015, et pour Mathieu Bouchard (conseiller principal, Cabinet du premier ministre) en vue de ses réunions avec les représentants d'Air Canada les 3 février 2016, 27 et 8 janvier 2016, et 15 décembre 2015, et que le Comité demande aussi toutes les notes d'information a l'intention du ministre des Transports qui ont servi à guider la rédaction du projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et comportant d'autres mesures.
Madame la présidente, je m'explique: lundi, j'ai demandé à trois reprises au ministre des Transports s'il accepterait de fournir du matériel d'information de son ministère à l'appui de sa décision. La première fois, je n'ai pas eu de réponse. Les deux autres fois, nous avons reçu les réponses suivantes.
Voici la première: « Je crois que les recommandations du ministère ont été intégrées dans les mesures que votre Comité est en train d'étudier ».
Voici la seconde: « Pourriez-vous nous soumettre officiellement les dates que vous avez mentionnées? ».
Si je me fie au témoignage que le ministre a fait lundi, il appert que lui ou un membre de son personnel aurait remarqué qu'Air Canada négociait un règlement avec le gouvernement du Québec et avec celui du Manitoba et aurait trouvé le moment opportun pour présenter un projet de loi visant à mettre Air Canada à l'abri de futures poursuites. Ce serait un euphémisme de dire que la présentation de cette mesure législative a été une surprise pour l'ensemble des travailleurs de la maintenance ici présents.
Je présente une motion pour savoir si le ministre a reçu des fonctionnaires de son ministère une note d'information lui recommandant cette option. J'aimerais également savoir si Transports Canada a effectué une analyse financière de l'incidence de cette mesure, avant qu'elle ne soit présentée au Parlement. Lundi, le député libéral de Nova-Centre a demandé au ministre de quantifier les avantages que ce projet de loi offrirait à Air Canada, ce à quoi le ministre a répondu: « C'est une bonne question. Je vais devoir vous revenir là-dessus. C'est une grande question qui mérite certainement une réponse sérieuse, mais je ne l'ai pas à portée de la main. Nous allons toutefois le vérifier pour vous ».
Comme le ministre n'a pu répondre à une question si élémentaire, force est de se demander si le ministère lui a donné des conseils ou des recommandations dans ce dossier. La motion que j'ai présentée vise à faire en sorte que le Parlement obtienne les renseignements nécessaires dans le cadre de la présente étude. J'ose espérer que tous les membres du Comité voteront en faveur de cette motion.
Merci.
:
Encore une fois, je vous saurais gré de fournir une réponse officielle par correspondance ou de toute autre manière. Si je peux obtenir une confirmation par écrit, ce serait très utile.
Le deuxième point, madame la présidente, concerne les appels d'offres. Je vais approfondir un peu plus les questions qui ont été posées au sujet du maintien des emplois au Canada. Je vous remercie de vos explications concernant les différents types d'avions, etc., mais examinons l'aspect commercial. Vous avez évidemment un plan de gestion des biens, qui définit le cycle de vie de vos biens. Votre plan de maintenance y est rattaché et, bien entendu, au bout du compte, les appareils doivent être remplacés après un certain temps.
Au final, l'information que nous cherchons à obtenir, messieurs, se trouve dans les processus d'appel d'offres que vous avez lancés il y a un an ou deux. Il s'agit de savoir si votre plan de gestion des biens révèle en fait une différence nette entre les coûts attribués aux travaux effectués au Canada et ceux liés à l'impartition. Il n'est pas nécessaire que ces coûts soient ventilés selon les types d'appareils ou les pièces. On parle tout simplement de votre plan général pour la gestion des biens qui composent votre flotte.
Je le répète, les coûts n'ont pas besoin d'être ventilés. C'est juste un total en regard des appels d'offres que vous avez lancés et qui ont débouché sur une impartition à l'étranger, comme vous l'avez dit tout à l'heure.
Qu'en est-il vraiment, messieurs? Dans le cadre de votre plan de gestion des biens, quelle proportion des travaux ont été impartis à des fournisseurs étrangers? Qu'est-ce qui a réellement été maintenu au Canada, qu'est-ce qui a été externalisé et quelle en était la différence sur le plan des coûts?
:
Madame la présidente et membres du comité, je vous remercie de cette invitation, et ce, au nom des 2 600 travailleurs canadiens et leurs familles ayant vécu la fermeture illégale des centres de révision d'Air Canada en mars 2012.
Je suis Jean Poirier, porte-parole officiel de l'Association. Je suis ici aujourd'hui pour vous convaincre de ne pas donner suite au projet de loi , qui rend légal ce qui est illégal et, surtout, pour vous sensibiliser à l'importance de ne pas se débarrasser d'un secteur de pointe qui fait l'envie de bien des pays étrangers, soit celui de la révision générale des aéronefs.
Depuis quatre ans, 355 aéronefs d'Air Canada sont réparés illégalement à l'extérieur du pays. Les centres de révision d'Air Canada étaient générateurs de profits avant la vente de cette compagnie à Aveos en 2007 et avant que d'anciens gestionnaires de la Corporation Nortel Networks Limitée et des investisseurs des fonds de placement américains KKR et Sageview Capital en prennent possession.
Ces travailleurs, mis à la rue depuis 2012, sont les mêmes travailleurs qui généraient des profits en 2007. La seule chose qui a changé lors des années d'Aveos aura été le changement de direction et d'actionnaires qui ne connaissent rien à cette industrie, ainsi que la volonté d'Air Canada de transférer ce travail à l'étranger. Ces gens ont détruit ce secteur de pointe au pays. Les travailleurs, quant à eux, sont restés les mêmes. Ce sont des travailleurs ayant une expertise reconnue, du bon vouloir et, surtout, la passion de travailler dans le domaine de l’aviation. Sachez-le, pour ceux qui choisissent de devenir des techniciens aéronautiques, ce n’est pas seulement un travail qu’ils recherchent, mais surtout la chance de travailler dans un domaine qui les passionne. Allez interroger les étudiants et ils vous diront que la raison pour laquelle ils ont choisi ce métier, c'est pour la passion des avions. Demandez-leur pourquoi ils l’abandonneront, ils vous répondront sans doute que c’est en raison de la volonté gouvernementale de transférer ces emplois. Vous lancez tout un message à nos jeunes!
Après la fermeture d’Aveos en 2012, deux compagnies sont venues s’établir dans la région de Montréal et ont repris certaines divisions d’Aveos. Ces deux compagnies sont rentables et emploient d'anciens travailleurs d’Aveos sans même avoir de contrats avec Air Canada. Ces sociétés ont su se servir de l’expertise de nos travailleurs afin de créer une entreprise rentable et profitable avec des contrats de l’extérieur.
Aujourd’hui, 2 600 travailleurs ont payé de leur vie, de leur bien-être familial et de leur situation financière cette illégalité. Les gouvernements fédéral et provincial ont également été privés des taxes et d'impôts de ces travailleurs. Si le maintien d’emplois spécialisés au pays était important pour le gouvernement fédéral en 1988, en quoi ce maintien ne l’est-il plus aujourd’hui, alors que la croissance économique du Canada et du Québec va en diminuant jour après jour? C’est l’argent des contribuables qui a bâti Air Canada. Ce sont les impôts de travailleurs comme eux qui contribuent à notre richesse collective et, aujourd’hui, le projet de loi C-10 envoie promener tous ces contribuables. Pour le bien de qui? Pour le bien des actionnaires d’Air Canada qui s’en sont mis plein les poches lors du démantèlement de cette compagnie et qui aujourd’hui, malgré deux jugements clairs de la cour, seront absous de leurs fautes.
Malgré notre lutte pour nous faire entendre, nous avons quand même tendu l’oreille et écouté vos propos. Vous avez déclaré que le secteur de l’aéronautique était un élément clé de notre croissance économique au pays, que nous devions absolument trouver le moyen d’offrir un service de révision générale compétitif à Air Canada et que cette compagnie ne désirait point redevenir un fournisseur de services d’entretien. Vous avez présentement entre les mains un mémoire indiquant un plan créateur d’emplois qui répond à ces trois critères. La solution, vous l’avez entre les mains.
Aujourd’hui, chers parlementaires, nous nous adressons à vous en tant qu’êtres humains désirant plus que tout au monde rétablir une relation gagnante pour tous. Nous désirons retrouver nos emplois, nous désirons qu’Air Canada soit compétitive, nous désirons que l’économie du Canada et du Québec reprenne de sa vigueur dans un milieu où nous sommes les meilleurs, soit l’aéronautique. J’aimerais que vous reveniez à la base de votre engagement politique, soit celui qui consiste à servir l’État et la population du Canada, et non à servir les intérêts d’actionnaires pour qui le développement économique de notre pays passe en second lieu. Leur principal intérêt est l’argent, alors que le vôtre se doit d’être le bien-être et la croissance de votre collectivité.
Imaginez qu’une entreprise publique payée par les contribuables, devenue par la suite privée afin de croître et de prendre de l’expansion, se débarrasse de 2 600 emplois illégalement, et ce, avec votre aide. Imaginez que cette entreprise soit dans votre comté et que vos propres concitoyens perdent leurs emplois. Ce sont vos amis, vos parents, vos bénévoles, vos voisins. Imaginez maintenant que ceci est un mauvais rêve et qu’une solution est à notre portée et que cette solution ne se réalisera que si nous travaillons tous ensemble à sa réussite.
Pour conclure, je terminerai avec quelques mots de Franklin D. Roosevelt, qui a déclaré que la démocratie n'est pas en sécurité lorsque les gens tolèrent la croissance du pouvoir des entreprises privées jusqu'au point où ce pouvoir devient plus fort que l'État démocratique.
Madame la présidente et membres de ce comité, je vous remercie.
:
Merci, madame la présidente.
Je suis Serge Cadieux, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
La FTQ est une centrale syndicale qui compte 600 000 membres au Québec, dont plus 20 000 travailleurs et travailleuses du secteur de l'aérospatiale. Ils travaillent tant dans la fabrication et l’entretien des aéronefs que dans leurs composantes. Ils agissent comme agents de bord, pilotes ou travaillent dans les aéroports.
La FTQ est récemment intervenue dans ce dossier auprès de la Cour supérieure du Québec contre Air Canada au sujet de l'entretien et de la révision de ses avions. Notre demande en injonction était le seul recours possible pour forcer Air Canada à se conformer à ses obligations légales et à respecter le jugement unanime rendu par la Cour d'appel du Québec.
Et voilà que, de façon imprévue, le gouvernement fédéral dépose le projet de loi . C'est pourquoi nous sommes aujourd'hui devant vous pour vous demander de choisir les emplois et la bonne santé de l'ensemble de l'industrie aérospatiale plutôt que de choisir ce mauvais projet de loi C-10.
Le Québec tout entier comprend aujourd'hui pour quelle raison la compagnie Boeing est soutenue par le gouvernement fédéral américain et qu'Airbus l'est par les gouvernements européens. Les gens comprennent que Bombardier ne peut être un joueur international sans de solides soutiens étatiques. Ils comprennent que l'aérospatiale n'est pas une industrie ordinaire. Elle est stratégique. Une filière industrielle peut être stratégique pour beaucoup de raisons valables, comme la sécurité nationale, l'impact sur l'économie ou l'emploi. Le Canada a bien compris cela en soutenant son industrie automobile.
De la même manière, il faut comprendre que la lente disparition de l'expertise canadienne en entretien lourd d'aéronefs représente un recul pour une industrie stratégique, un recul qui se fera tragiquement sur le dos de milliers de travailleurs et de travailleuses dont les emplois seront exportés ou rendus précaires. En effet, c'est ce dont il est réellement question avec le projet de loi C-10. En proposant de modifier l'article 1 et l'article 6 de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada afin de lever l'obligation qui est faite à la compagnie d'effectuer l'entretien et la révision de sa flotte d'avions sur le territoire de Montréal, de Winnipeg et de Mississauga, le gouvernement donne raison à Air Canada, qui a déjà délocalisé 2 600 emplois d'entretien lourd de la compagnie Aveos.
Mais il y a plus encore. Cela met en péril les 2 500 emplois restants au pays dans le domaine de l'entretien des aéronefs. Pour faire leur travail, les députés devraient demander à Air Canada où sont passés les 2 600 emplois d'Aveos. Pour quelle raison ces emplois ont-ils été exportés? L'expertise nécessaire à l'entretien de sa flotte est-elle présente sur notre territoire? Les réponses à ces questions permettraient au public d'apprendre que ces emplois ne sont pas partis en Chine ou au Honduras, mais plutôt aux États-Unis et en Israël. Il apprendrait aussi qu'ils ont été exportés pour générer de la plus-value pour les actionnaires d’Air Canada et que toute l’expertise nécessaire existe ici même au Canada. Ce Parlement, qui est investi de la mission de défendre l’intérêt du public et l’intérêt national du Canada, peut choisir de favoriser l’emploi pour des milliers de travailleurs, de travailleuses, leurs familles et leurs communautés ou bien, au contraire, choisir d’entériner les plans des actionnaires d’Air Canada et leurs intérêts. Le public doit également savoir que l'entretien et la révision des avions contribue à maintenir un bassin d'expertises important pour le développement de cette industrie.
La construction des avions et leur entretien sont des domaines liés. Personne n'imagine qu'on construise des automobiles sans avoir des garages pour les réparer. Or, l'aérospatiale est un secteur aussi important pour le Québec que l'est l'automobile pour l'Ontario. Montréal est la troisième capitale mondiale de l'aérospatiale après Toulouse et Seattle. C'est plus de 41 000 emplois répartis dans 235 entreprises qui fournissent 2 % du PIB au Québec. La concentration de l'expertise, la multiplicité de capitaux et d'entreprises complémentaires permettent l'existence d'une grappe industrielle exceptionnelle qui doit être protégée par les pouvoirs publics. Le projet de loi C-10, en permettant l'exportation des emplois en maintenance, vient affaiblir l'un des maillons de ce joyau industriel. C'est une négligence gouvernementale que nous avons du mal à nous expliquer.
En conclusion, nous plaidons aujourd'hui devant vous pour que vous donniez une chance à l'emploi. Nous croyons qu'il est possible que l'entretien lourd des avions revienne au Canada. Nous avons l'expertise nécessaire. L'industrie aérospatiale a besoin de conserver cette expertise et nous sommes capables d'être aussi compétitifs qu'ailleurs.
Par conséquent, il n'y a pas lieu de changer le cadre légal actuel. Cette filière industrielle offre un rempart contre l'exportation des emplois de qualité. C'est également un choix qu'ont les législateurs canadiens de favoriser les emplois plutôt que les actionnaires. On ne peut reprocher aux dirigeants d'Air Canada de faire les efforts nécessaires pour donner le rendement réclamé par leurs actionnaires, mais on peut certainement reprocher à notre gouvernement et à notre Parlement de ne pas veiller adéquatement aux intérêts de la majorité.
La volonté de préserver des centres d'entretien et de révision de la flotte d'Air Canada dans certaines villes désignées répond à des impératifs de géopolitique nationale et à une volonté d'assurer le caractère canadien de la compagnie en l'ancrant physiquement dans certaines régions du pays.
En adoptant le projet de loi C-10, le Parlement enverrait le message que tout ce qui importe est de créer de la croissance et de la richesse, même si cela se fait au détriment des emplois, des impératifs de géopolitique nationale et du caractère canadien mentionné dans le texte original de la loi.
La FTQ remercie le comité de lui avoir permis de comparaître aujourd'hui.
Je m'appelle David Chartrand, coordonnateur pour le Québec à l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale au Canada.
Comme mon collègue l'a mentionné plus tôt, le dépôt du projet de loi C-10 nous préoccupe au plus haut point. C'est le cas, en particulier, au sujet de l'article 2 de ce projet de loi, qui autorise expressément Air Canada à modifier le type ou le volume d'une ou plusieurs de ses activités dans chacune des provinces, ainsi que le niveau d'emplois rattaché à ses activités. Le fait que le gouvernement libéral ait déposé ce projet de loi en l'absence de consultations publiques dans une évidente tentative de rendre sans objet les décisions judiciaires rendues récemment au Québec est particulièrement troublant.
Les libéraux tentent maintenant de faire adopter le projet de loi C-10 à toute vapeur. Simplement dit, le projet de loi C-10 permettrait à Air Canada de déménager la totalité de ses activités d'entretien et de révision générale à l'étranger. Cela minerait l'ensemble du secteur canadien de l'entretien des avions et de l'aérospatiale et éliminerait des milliers de bons emplois hautement qualifiés dans un secteur technologique de pointe ici au Canada, et ce, pendant des décennies à venir.
À l'heure actuelle, le libellé du projet de loi est trop vague. Il élimine tout pouvoir d'influence qu'aurait un gouvernement pour tenter de maintenir les emplois de cette industrie ici au Canada. En vertu de la loi actuellement en vigueur, Air Canada a dégagé des profits de 53 millions de dollars en 2012, 350 millions de dollars en 2013, 531 millions de dollars en 2014, de 1,22 milliard de dollars en 2015 et de 101 millions de dollars au terme du premier quart de 2016.
Ce projet de loi permet à Air Canada d'axer tous ses efforts sur une course vers le bas, sans égard à la protection des emplois d'une industrie pour de futures générations de Canadiens.
:
Il est important de savoir qu'au cours des dix dernières années, Air Canada a déjà demandé à deux reprises à ses employés de faire des sacrifices. Elle s'est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Les travailleurs ont fait des sacrifices lorsque les régimes de retraite ont été rouverts. Les filiales d'Air Canada ont négocié des doubles échelles de salaire. Les salaires payés actuellement aux nouveaux employés d'Air Canada, d'Air Canada rouge et de Jazz Air sont de beaucoup inférieurs à ceux des anciens salariés.
Ce qui est en jeu présentement et ce que vous devez savoir, c'est qu'on a perdu 2 600 emplois au Canada parce qu'Air Canada a décidé, comme je le disais plus tôt, de délocaliser des emplois, et ce, non pas vers la Chine, mais vers les États-Unis. Or les travailleurs américains ne sont pas payés moins cher que les travailleurs canadiens. La main-d'oeuvre n'y est pas moins coûteuse.
Plus tôt, le représentant d'Air Canada a refusé de répondre à des questions que vous lui aviez posées, entre autres celle visant à savoir si la compagnie était prête à garantir que les 2 400 emplois d'entretien qui sont localisés ici vont continuer de l'être. On ne vous répond pas de façon affirmative, parce que si le projet de loi est adopté, il n'y aura plus d'empois d'entretien à Air Canada d'ici deux ans. Il faudra simplement qu'un employé d'Air Canada vérifie les pneus des avions pour que les exigences du projet de loi C-10 soient considérées comme étant respectées.
Vous devez être conscients de cela. Vous êtes élus par les Canadiens et les Canadiennes pour qu'ils puissent faire vivre leur famille, mais vous acceptez d'exporter à l'étranger des emplois bien rémunérés. En fait, ils ne sont pas si bien rémunérés que cela. Il faut se remettre dans le contexte.
Pourquoi, en 1988, quand Air Canada a été privatisée, les parlementaires ont-ils demandé des garanties quant au maintien des emplois au Canada? Les choses n'ont pas changé. Les autres transporteurs mondiaux subventionnent leur industrie aérospatiale. Ils sont des partenaires, parce qu'ils veulent que les bons emplois demeurent sur leur territoire.
Pourquoi le Canada ne fait-il pas la même chose?