Je me propose de parler de la croissance sans précédent de l'aéroport Pearson de Toronto pour camper le contexte de mon exposé, les défis actuels et ce qui se dessine pour le transport terrestre, du fait de cette croissance, et les nouvelles solutions que nous envisageons d'appliquer. J'aborderai aussi les questions du transport et les défis techniques qui en découlent dans la mesure où la mise en oeuvre de règlements et de nouveaux systèmes est concernée.
L'aéroport Pearson de Toronto connaît une période de croissance sans précédent. En 2016, il a accueilli plus de 44 millions de passagers. On estime que, en 2035, il pourra en accueillir 80 millions. Ce chiffre en fera une plaque tournante mondiale et l'introduirait dans un groupe d'aéroports assurant une connectivité mondiale, plus ou moins comme l'aéroport Kennedy de New York ou Heathrow.
Les plaques tournantes mondiales amènent la prospérité dans leur région, grâce à la croissance de l'emploi, aux investissements étrangers directs et au tourisme. Comme il est difficile d'imposer à nos installations matérielles ce rythme de croissance, la clé réside dans le trafic voyageurs attendu. Les voyageurs ont le choix de leur lieu de destination ou de l'aéroport de correspondance. Nos concurrents directs sont l'aéroport Kennedy, Detroit, l'aéroport O'Hare de Chicago et d'autres aéroports qui assurent la connectivité, comme Atlanta. Le choix de l'aéroport relève des passagers. Nous voulons qu'ils choisissent le nôtre.
Un moyen déterminant pour obtenir ce résultat est d'assurer la connectivité au passager utilisant divers mécanismes de transport, pour lui permettre de se déplacer librement et rapidement dans l'aérogare, d'une porte d'embarquement à l'autre, de l'enregistrement à la porte d'embarquement ou de la porte d'embarquement au transport de surface.
De plus en plus, nous comptons sur la technologie pour déplacer rapidement et efficacement nos passagers et leurs bagages. À cette fin, nous avons examiné l'emploi de trottoirs roulants à haute vitesse, de véhicules de transport en commun personnalisé, les TCP, ainsi que de navettes automatisées.
Par exemple, j'ai rencontré une passagère partie de Francfort sur Air Canada, qui devait se rendre à Calgary sur WestJet. La distance entre les deux portes d'embarquement était peut-être de trois kilomètres. Grâce à divers trottoirs roulants, à des escaliers mobiles, à des systèmes de transport vertical, à la navette automatisée ou au trottoir roulant à haute vitesse, elle l'a franchie en moins de 30 minutes, ce qui aurait été impossible sans ces technologies.
Je tiens notamment à souligner que les trottoirs roulants à haute vitesse de l'aéroport Pearson sont les seuls du genre dans le monde, et les deux sont chez nous. Ils couronnent un projet de recherche-développement que nous avons entrepris avec ThyssenKrupp, en Espagne, pour mettre au point ces dispositifs, qui se déplacent trois fois plus vite qu'un trottoir roulant ordinaire.
Pourtant, le déplacement des personnes et des marchandises à l'extérieur de l'aéroport, qui pourrait être considéré comme plus difficile, échappe encore plus à notre volonté. L'aéroport Pearson est situé à l'intérieur de la deuxième zone de concentration d'emplois, la zone d'emploi de l'aéroport, et on y dénombre un million de déplacements par jour. De ce nombre, moins de 10 % utilisent le transport en commun. Avec la croissance de la région et du trafic passant par l'aéroport, le transport en commun gagne beaucoup en importance pour empêcher la congestion de nos routes d'atteindre les niveaux critiques, ce qui aurait des conséquences sur les déplacements des employés de l'aéroport, du fret et des passagers.
Pour que l'aéroport Pearson de Toronto continue de desservir efficacement notre communauté, nous avons récemment annoncé des plans pour le doter d'un centre régional de transport en commun, stratégiquement situé pour servir de trait d'union à un certain nombre de lignes existantes et prévues de transport en commun proches de l'aéroport, mais qui n'y sont pas vraiment reliées. Nous demandons aux pouvoirs publics la liaison de ces lignes avec l'aéroport pour assurer la libre circulation régionale des voyageurs et des marchandises.
Nous examinons aussi des technologies pour contribuer à la résolution des problèmes. Le centre de transport en commun pourrait fournir d'importances connections dans tous les sens, y compris vers des zones économiques importantes comme le corridor de Kitchener-Waterloo. Cependant, nous cherchons des solutions innovantes au transport en commun, à l'intention des passagers du « dernier kilomètre » entre ce centre et les aérogares.
On pourrait employer, à cette fin, des technologies numériques, des véhicules automatisés ou d'autres technologies naissantes. Pour les technologies nouvelles comme les véhicules électriques et les véhicules autonomes, il faudra modifier la conception des routes et des infrastructures des services d'électricité. On s'attend à ce que ces technologies de différents types, en devenant établies, fassent naître la nécessité d'intégrer les normes réglementaires et la conception.
Par exemple, l'express reliant l'aéroport Pearson et la gare Union et le système de navettes reliant les aérogares à d'autres éléments de l'aéroport emploient le même système de plateformes. À ma connaissance, ça n'existe nulle part ailleurs dans le monde.
L'intégration du cadre réglementaire qui régit la sécurité des travailleurs et des passagers dans le système de trains lourds dans un cadre réglementaire arrivé à maturité et régissant les navettes automatiques a été un exercice intéressant. Nulle part ailleurs cette intégration n'existe sur la même plateforme, dans le même espace et dans le même gabarit dynamique. Il faut s'attendre à la voir de plus en plus à mesure que différentes technologies apparaissent, alors qu'on exige que ces technologies coexistent dans le même espace ou dans un espace relativement semblable.
Certains aéroports ont commencé à intégrer les nouvelles technologies et les nouveaux processus de transport. Par exemple, l'aéroport Hartsfield-Jackson d'Atlanta et le fournisseur de transport régional MARTA ont établi un partenariat avec Uber pour assurer entre eux la connectivité indispensable.
Exploitant de l'aéroport, nous investissons dans les outils dont nous avons besoin pour assurer le déplacement ininterrompu des passagers et des marchandises dans notre aéroport et dans notre région qui évolue sans cesse. Nous demandons aux pouvoirs publics de nous appuyer et de s'associer à nous pour faire de l'aéroport Pearson de Toronto l'un des fleurons commerciaux les plus importants du Canada, qui continuera d'être efficace et de prospérer.
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Merci, monsieur le président. Je remercie le Comité de me recevoir.
Ma présentation vise deux objectifs: situer le concept de ville intelligente et présenter la démarche de la Ville de Québec. Ce sont les deux points que je souhaite aborder.
La ville de Québec compte 532 000 citoyens et son territoire s'étend sur 454 kilomètres carrés. Plus de 40 % de sa population a un diplôme de niveau postsecondaire. La population est plus francophone et âgée par rapport à la moyenne provinciale. Le taux d'utilisation d'Internet est de plus de 80 % et le taux de chômage est inférieur à 5 %. Ce sont là les grandes caractéristiques de la ville de Québec.
Dans un premier temps, qu'est-ce que la ville intelligente? L'utilisation des technologies intelligentes rend les infrastructures et les services d'une ville plus efficaces et davantage interreliés. Vous pourrez trouver plusieurs définitions dans la littérature, mais c'est celle qui a retenu notre attention. Nous croyons que la ville intelligente est d'abord une ville mieux gérée et plus performante grâce au soutien qu'apportent les technologies de l'information, ou TI. Toutefois, ce n'est pas l'utilisation des TI en soi qui crée une ville intelligente, mais bien le contexte dans lequel on oeuvre.
Vous pourrez trouver plusieurs modèles et références au concept de ville intelligente. Plusieurs entreprises privées ont façonné des concepts, notamment IBM. D'ailleurs, il y a de plus en plus de normes ISO sur cette question, soit les normes 37000 et suivantes.
Le concept de ville intelligente a beaucoup évolué. À la Ville de Québec, cela fait huit ou neuf ans que nous nous y intéressons. Nous avons commencé par nous questionner sur ce qu'est la ville intelligente en menant des recherches avec des chercheurs de l'Université Laval et d'ailleurs dans le monde. Il y a des conclusions intéressantes à cet égard.
Il importe de savoir pourquoi on veut une ville intelligente; c'est un constat de base. Les enjeux de Québec ne sont assurément pas ceux de Mexico, par exemple, où la qualité de l'air était l'élément marquant au moment de la réalisation de l'étude. Ce n'est pas nécessairement le cas à Québec.
Il ne suffit pas de mettre de la technologie partout et encore faut-il faire de bons choix quant à son utilisation. La ville intelligente se construit autour des besoins des citoyens et des partenaires, qui sont des parties prenantes dans le développement de la ville. C'est dans cette logique que nous nous inscrivons.
Pour la Ville de Québec, cela nécessite la collaboration et l'implication de plusieurs secteurs d'affaires. Nous parlons bien ici d'une démarche. Cette réflexion s'articule autour de certains éléments, par exemple la cueillette d'informations, l'interconnexion des données et les analyses. Cela nous amène à comprendre ce qu'est la ville intelligente et à la rendre concrète.
La démarche de la Ville de Québec vise à se demander pourquoi elle veut être une ville intelligente. Nous avons deux orientations stratégiques. D'une part, nous souhaitons que la ville soit attrayante pour accueillir les touristes et les immigrants venant de partout dans le monde. D'autre part, du point de vue interne, nous voulons que notre organisation soit plus performante, principalement pour améliorer la qualité de vie des citoyens et des gens d'affaires qui vivent à Québec et des touristes.
De façon tangible, un des axes de la stratégie de développement économique de la Ville produite en 2012 est l'innovation et la créativité. Un des objectifs fondamentaux est de se développer en tant que ville intelligente.
À Québec, l'industrie des technologies compte 540 entreprises et emploie près de 20 000 personnes, dont 2 000 en recherche. Elle a un chiffre d'affaires de 1,7 milliard de dollars, et 65 centres, chaires, groupes et instituts gravitent autour de cette industrie. Le développement économique est évidemment important, si l'on veut attirer des gens.
De façon plus spécifique, la Ville a ciblé six axes d'intervention. Il y a les services aux citoyens. Dans l'offre de services de la Ville, il y a d'abord et avant tout les services de base comme l'approvisionnement en eau, la sécurité qu'on assure aux citoyens et l'interaction avec ces derniers.
Il y a les services aux citoyens, notamment la collecte des ordures. Il y a l'eau, le transport, la sécurité, le développement économique ainsi que les infrastructures et immeubles.
Comment les technologies peuvent-elles concrétiser le concept de ville intelligente?
C'est autour de ces éléments que notre démarche s'articule. Contrairement à d'autres organisations, la Ville n'a pas créé d'entité administrative, de bureau ou de service pour la ville intelligente. Nous avons surtout choisi de synchroniser les initiatives et de voir comment évoluait notre démarche.
Bien entendu, le concept de ville intelligente nous a surtout permis de mieux comprendre le phénomène et de collaborer avec d'autres entités. Nous avons été reconnus par des organismes tels que l'Intelligent Community Forum, qui est basé à New York. Cela nous a permis de participer à des défis philanthropiques, notamment avec IBM. Nous nous sommes interrogés sur la question de l'inclusion numérique. Ce n'était pas très technologique, mais l'idée était de déterminer où, sur notre territoire, se trouvaient les gens ayant moins accès à Internet, notamment.
Notre objectif était entre autres de voir comment nous pouvions intégrer notre offre de services aux bibliothèques. Bien entendu, nous avons tenu plusieurs discussions et lu de nombreux articles sur le sujet. Cette démarche, que nous avons adoptée, s'articule autour de six grands axes.
Je vais maintenant vous parler, de façon plus tangible, des projets qui ont émergé.
Comme nous souhaitions notamment mieux planifier notre réseau cyclable, nous avons interpellé les citoyens en développant une application intitulée « Mon trajet vélo ». Celle-ci nous permettait de suivre à la trace les cyclistes dans la ville et, par le fait même, de mieux comprendre leurs déplacements. Il s'agit là d'une forme de participation citoyenne. Bien que moins traditionnel, ce partage d'informations sur les déplacements nous permet de faire une meilleure planification.
En outre, une série de vitrines technologiques permet aux entreprises d'utiliser les données de la Ville ou de collaborer avec elle pour expérimenter un projet d'affaires qu'elles souhaitent lancer. On parle aussi d'une collection de livres numériques. À l'heure actuelle, les citoyens de la ville peuvent avoir accès à plus de 7 700 titres, ce qui représente près de 100 000 prêts.
En ce qui a trait aux transports, le Réseau de transport de la Capitale, ou RTC, a développé une application qui facilite les déplacements. La Ville est, si je peux dire, l'un des principaux actionnaires du RTC. En collaboration avec ces gens, nous tentons de rendre les trajets plus fluides au moyen de feux de préemption. Ces derniers, qui sont davantage utilisés dans le contexte des incendies, permettent une meilleure synchronisation des feux de circulation.
Pour ce qui est des données ouvertes, la Ville de Québec, de concert avec certaines grandes villes du Québec, a participé à la mise sur pied d'un portail de données commun. Bien entendu, ces données sont la propriété des citoyens. Nous avons libéré certains jeux de données, qui peuvent être utilisés pour développer des applications de toutes sortes.
Cela dit, il faut comprendre que l'objectif, lorsqu'on se transforme en ville intelligente, est avant tout d'offrir une meilleure qualité de vie aux citoyens et de soutenir les activités très tangibles qui leur sont offertes.
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Merci, madame la présidente. Je remercie aussi nos invités.
Mes questions iront dans trois directions. L'une d'elle concerne les infrastructures de base, celles qu'il faut, au départ, pour vraiment apporter les améliorations possibles grâce aux infrastructures d'une ville intelligente. J'aimerais particulièrement entendre vos conseils sur la manière dont le gouvernement fédéral peut contribuer à cette base sur laquelle s'édifie le reste du réseau.
Ensuite, et ce sera le sujet de ma première question, les technologies sans issue. Quand j'étais jeune, je me suis procuré un Betamax de Sony et un système à disquette, qui, maintenant, accumulent la poussière. Mes enfants ont dépensé une fortune dans des systèmes de jeux vidéo pour, au bout de seulement un an et demi, devoir les remplacer par un système assez puissant pour les nouveaux jeux.
Nous pouvons consacrer beaucoup d'argent à des technologies sans issue. Comment nous en prémunir? Entrevoyez-vous une technologie qui permet cette croissance répétée à partir d'une version de base, qu'on peut améliorer au lieu de tout jeter et de recommencer à zéro?
Monsieur Riseborough, vous d'abord.
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Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de prendre la parole devant le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités sur le sujet des villes intelligentes.
J'étudie ce sujet du point de vue du droit et des politiques. Je me concentre sur des questions liées à la propriété et au contrôle des données ainsi qu'à la transparence, à la reddition de comptes et à la vie privée.
Le mot « intelligentes » dans « villes intelligentes » est une façon abrégée de parler de production et d'analyse de données provenant de villes où il y a des capteurs. Les données et les analyses qui s'y rattachent sont censées améliorer la prise de décision sur la planification et l'allocation des ressources, mais le concept de ville intelligente n'apparaît pas dans un vide en matière de politique publique. Presque parallèlement à la création de ce qu'on appelle les villes intelligentes, il y a le mouvement de transparence gouvernementale en pleine croissance, lequel prône des données ouvertes et de l'information accessible en tant qu'éléments essentiels à l'amélioration de la transparence, de la participation citoyenne et de l'innovation. Mes observations portent sur l'importance de s'assurer que la création de villes intelligentes s'inscrit dans les objectifs de transparence gouvernementale.
Dans le contexte des mégadonnées, les données constituent une ressource. Si les contribuables payent pour la collecte ou la production de données, on parle assurément d'une ressource publique. Mes recherches tiennent compte des droits de propriété et de contrôle des données dans toutes sortes de contextes différents de villes intelligentes. Cela suscite des préoccupations quant à la possible perte de contrôle concernant de telles données, surtout les droits de réutiliser les données, que ce soit pour des raisons liées à l'innovation, à la participation citoyenne ou à la transparence.
L'innovation liée aux villes intelligentes se traduira par la collecte d'énormes quantités de données, qui seront analysées pour générer des prédictions, des représentations visuelles et d'autres analyses. Pour les besoins de ce très bref exposé, je vais définir ces données en fonction de trois sources potentielles. Premièrement, il y a les technologies de capteurs intégrés qui entrent dans l'infrastructure des villes intelligentes. Deuxièmement, il y a des systèmes actuels au moyen desquels les villes recueillent et traitent les données. Troisièmement, il y a les données produites par les citoyens — données produites par leurs activités quotidiennes et saisies par une forme de technologie transportable. Permettez-moi de vous donner brièvement des exemples de ces trois situations.
Le premier scénario concerne les capteurs intégrés qui entrent dans l'infrastructure des villes intelligentes. Partez du principe qu'une commission de transport municipal conclut des contrats avec une entreprise privée pour des services liés à l'équipement et aux logiciels pour la collecte et le traitement de données GPS en temps réel à partir de véhicules de transport en commun. À qui appartiendront les données générées par ces services? Est-ce que c'est la municipalité qui possède et exploite le parc de véhicules, ou est-ce l'entreprise qui possède les capteurs et les algorithmes commerciaux qui traitent les données? La réponse, qui sera guidée par les modalités du contrat entre les parties, déterminera si la commission de transport est en mesure de transmettre les données à la population en tant que données ouvertes.
Cet exemple soulève la question de savoir dans quelle mesure la souveraineté des données devrait faire partie de tout projet de villes intelligentes. Autrement dit, est-ce que des politiques devaient être adoptées pour faire en sorte que les villes possèdent ou contrôlent les données qu'elles recueillent relativement à leurs activités? Pour aller un peu plus loin, le financement fédéral pour l'infrastructure intelligente devrait-il être lié à des obligations de rendre des données non personnelles disponibles en tant que données ouvertes?
Le deuxième scénario en est un dans lequel les villes prennent leurs données existantes et font appel au secteur privé pour leur analyse. Par exemple, des services de police municipaux fournissent leurs données sur des crimes à une entreprise privée qui offre des services d'analyse, comme des cartes de la criminalité accessibles publiquement. Décider d'utiliser la plateforme conçue par le secteur privé peut avoir des répercussions sur l'accessibilité des mêmes données en tant que données ouvertes, ce qui, en retour, a des répercussions sur la transparence, la participation citoyenne et l'innovation. Cela peut également mener à l'utilisation de services d'analyse des données qui ne sont pas bien adaptés aux contextes locaux, régionaux et nationaux du Canada.
Dans le troisième scénario, une municipalité conclut un contrat pour des données qui sont recueillies par des capteurs qui appartiennent à des entreprises privées. Les données peuvent provenir de systèmes GPS installés dans des voitures, de téléphones intelligents ou des applications qui s'y rattachent, d'appareils de mise en forme, etc. Selon la durée du contrat, la municipalité peut ne pas être autorisée à communiquer les données dont elle se sert pour prendre des décisions en matière de planification. Cela aura d'importantes répercussions sur la transparence du processus de planification.
D'autres questions se posent également. Appartient-il à la ville d'évaluer les politiques de protection de la vie privée et les pratiques à cet égard des entreprises d'applications dont elle achètera les données? Y a-t-il une norme minimale en matière de protection de la vie privée sur laquelle les administrations devraient insister lorsqu'elles concluent des contrats pour des données que des entreprises privées recueillent auprès d'individus? Comment pouvons-nous concilier les lois en matière de protection des données concernant les secteurs privé et public si le secteur public compte de plus en plus sur le secteur privé pour la collecte et le traitement de ses données de villes intelligentes? Quel régime normatif devrait prévaloir, et dans quelles circonstances?
Enfin, j'aimerais parler d'une question différente qui est toutefois liée à cela. Il s'agit de la situation où une ville qui recueille une grande quantité de données, dont des renseignements personnels, dans le cadre de ses activités de services intelligents se fait approcher par le secteur privé pour communiquer ou vendre ces données en échange d'argent ou de services. Cela pourrait être très tentant pour des municipalités à court d'argent. Par exemple, une grande quantité de données sur les déplacements et les habitudes de voyage de résidants est recueillie par des systèmes de paiement par carte intelligente. Dans quelles situations est-il convenable que les administrations attribuent une valeur pécuniaire à ce type de données?
Mes observations n'ont porté que sur une partie des questions liées aux lois et aux politiques concernant les données dans le contexte des villes intelligentes. Je serai ravie de parler de ces questions, et d'autres questions.
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Je suis ravie d'être ici et je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler.
Je suis la directrice du Cambridge Centre for Smart Infrastructure and Construction, qui est basé au Département de génie de l'Université de Cambridge.
Notre centre est quelque peu intéressant pour un organisme de recherche en ce sens que nous sommes financés conjointement, non seulement par le conseil de recherche, mais aussi par Innovate UK, l'organe de financement pour l'innovation du gouvernement. Les fonds sont normalement donnés à l'industrie, mais dans le cas de centres comme le mien, ils sont donnés aux universités pour les aider à combler l'écart en innovation entre les travaux de recherche de l'université et leur mise en oeuvre dans l'industrie.
S'ils ont choisi de financer un centre d'innovation et de connaissances pour l'infrastructure et la construction intelligentes, c'est qu'ils ont estimé que le marché ne fonctionnait pas à ce moment-là. Il y a une occasion réelle offerte par la quatrième révolution industrielle, en quelque sorte, et cet essor incroyable de la capacité de capter des choses avec les nouveaux capteurs et de recueillir des données pour mieux comprendre la situation de notre infrastructure, savoir si nos conceptions fonctionnent bien et tirer une plus grande valeur de notre infrastructure au nom des citoyens.
Cependant, le secteur de l'infrastructure et de la construction ne relève que très lentement les défis posés par la quatrième révolution industrielle. Par exemple, le secteur manufacturier, surtout en Allemagne, encourage ce qu'il appelle industrie 4.0. Il saisit vraiment l'occasion que lui donnent les données provenant des capteurs pour comprendre leurs avantages, obtenir de meilleurs modèles et, par conséquent, offrir différents types de modèles de services à leurs clients. Dans l'infrastructure et la construction, certainement au Royaume-Uni — et en fait, je crois qu'il est juste de dire que c'est le cas à l'échelle mondiale —, nous sommes très en retard à cet égard. Or, il y a d'énormes possibilités d'offrir une grande valeur au public grâce à une meilleure utilisation de notre infrastructure.
L'un des problèmes qui se posent au Royaume-Uni — et j'imagine que des problèmes similaires se posent au Canada —, c'est qu'une bonne partie de notre infrastructure est très vieille. Elle a été construite en bonne partie à l'époque victorienne, et nous avons très peu de renseignements à cet égard. Si nous sommes vraiment chanceux, nous pourrions avoir le dessin d'un pont qui remonte à 120 ans, mais nous ne savons pas si le dessin correspond à ce qui a été construit. Nous ne savons pas trop ce qui se cache derrière les murs de culée, etc.
Lorsqu'il est question d'essayer d'entretenir ces infrastructures, nous travaillons vraiment à l'aveuglette, et en tant qu'industrie, nous ne faisons pas du très bon travail pour ce qui est de recueillir nos données de façon cohérente de sorte que nous puissions les utiliser pour comprendre ces infrastructures et comprendre même les nouvelles infrastructures et avoir de meilleurs modèles pour leur conception, leur construction efficace et leur gestion.
Voici le problème à cet égard. La personne qui a témoigné avant moi a dit que les données étaient une ressource, Il s'agit également d'un bien. Ce qui a tendance à se produire dans l'industrie de l'infrastructure et de la construction, c'est que des gens inspecteront des choses, par exemple un pont, mais les données ne sont pas bien recueillies. Les choses n'ont pas été bien conservées et ne sont pas récupérables plus tard. Si alors ce bien pose des problèmes un peu plus tard, il est très difficile de revenir en arrière, d'en retirer de la valeur, d'avoir de bons modèles de détérioration, de bien comprendre comment l'état d'un bien a des répercussions sur son état de fonctionnement, etc.
Toutefois, des progrès intéressants ont été réalisés au Royaume-Uni, en partie grâce à la création de notre centre. Nous collaborons avec 40 partenaires de l'industrie et du gouvernement pour montrer des solutions possibles. Nous avons tout fait, qu'il s'agisse d'envoyer nos gens sur des lieux de construction, vêtus de jolies vestes de couleur orange, pour installer des capteurs et comprendre comment interpréter les données pour comprendre mieux les biens ou de travailler au sein d'une organisation avec des équipes de gestion des biens pour voir comment les gens structurent leurs données, les communiquent et arrivent à les utiliser d'une meilleure manière. Or, notre industrie est vraiment dans les contreforts, je crois.
Le gouvernement du Royaume-Uni a pris des mesures intéressantes à cet égard. Il y a quatre ans, il a décidé qu'à partir de 2016, tout projet de construction financé par l'État devrait satisfaire aux exigences de ce qu'on appelle la MDB de niveau 2 — soit la modélisation des données du bâtiment de niveau 2 — qui est essentiellement une façon d'utiliser des données générées par CAO 3D et d'autres types de données pour collaborer non seulement à la conception d'une chose, mais également à sa construction. On peut utiliser le protocole de la MDB pour la gestion de tous les volets, de la conception à la construction et potentiellement pour le transfert du bien.
Cela a vraiment amené l'industrie à appuyer cela. Notre industrie est généralement très conservatrice parce qu'elle opère avec de très faibles marges. Elle est fortement réglementée sur le plan de la fiabilité, de la sécurité, etc. Or, si le gouvernement, comme le dit un client, s'attend à ce que l'industrie mette cela en oeuvre, alors les gens n'auront pas le choix de le faire. Cela a permis au Royaume-Uni de faire un grand pas en avant.
L'industrie est encore un peu inquiète et a un peu de mal à déchiffrer les données. La vaste base de données à laquelle l'intervenant précédent a fait référence constitue une excellente possibilité, mais elle peut également être terrifiante, surtout si vous faites partie d'une organisation d'un entrepreneur et que vous vous demandez comment diable vous pouvez traiter toutes ces données.
L'un des autres défis, certainement au Royaume-Uni, est que notre chaîne d'approvisionnement est très segmentée, si bien qu'il y a toutes sortes d'incitatifs divisés. Si vous avez un organisme qui est responsable de construire un bien, il lui est très difficile de justifier, dans sa propre analyse de rentabilisation, des investissements dans quelque chose qui procurera des avantages 20 ans plus tard. Parallèlement, en tant que client, vous voudrez sans doute bénéficier de ces avantages 20 ans plus tard, car vous aurez votre bien, votre pont, votre tunnel ou peu importe, et vous voudrez en retirer les avantages. Il y a donc tout un défi à relever en ce moment dans la façon dont l'industrie est structurée et la façon dont nous exécutons les contrats. Je ne sais rien à propos de la façon dont les contrats sont exécutés au Canada, mais ils sont attribués de manière controversée et, par conséquent, nous avons du mal à bénéficier des avantages durant toute la durée d'un projet.
Il y a ensuite le défi d'obtenir des protocoles de données. Ces protocoles permettront aux gens de communiquer des données plus facilement, entre organismes qui reçoivent des points durant le cycle de vie du bien, que ce soit à la phase de la conception, de la construction ou de la gestion, ainsi que durant le cycle de vie du bien. Pour la majorité des biens, plusieurs organismes en seront responsables durant leur cycle de vie de 100 à 120 ans, et nous devons trouver des moyens de faire en sorte que ces données puissent être transférées d'un organisme à un autre.
L'autre aspect intéressant sur lequel nous commençons à nous pencher au Royaume-Uni — et je travaille avec quelques organisations de normalisation à cet égard — est la cybersécurité. Je vais aborder le sujet très brièvement, mais si les gens veulent avoir plus de renseignements, je pourrai en parler plus longuement un peu plus tard. Le Centre for the Protection of National Infrastructure au Royaume-Uni s'est très vite aperçu lorsque nous avons commencé à utiliser ces modèles de modélisation des données du bâtiment — ces merveilleux modèles 3D ou biens que nous présentions partout — que nous révélions involontairement beaucoup de renseignements à propos de biens très essentiels.
Il y a une gare importante à Londres, la gare Victoria, où plusieurs lignes souterraines et hors terre passent. Elle est située très près du Parlement, si bien qu'il y a beaucoup d'édifices parlementaires près de cette station. En tant qu'ingénieurs, nous invoquons ces modèles de modélisation des données assez naïvement en disant, « Regardez à quel point ces modèles sont brillants; nous pouvons les utiliser de ces façons pour gérer la construction et nous assurer de ne pas interférer avec les opérations, notamment ». Ce type du CPNI a assisté à l'un de ces exposés et a dit qu'il verrait trois ou quatre aspects des biens nationaux essentiels que nous ne devrions pas dévoiler à quiconque pourrait mettre la main sur ces données. Cela a lancé un processus pour essayer de mettre en place des protocoles en matière de cybersécurité et des pratiques exemplaires relatives à la sécurité le plus tôt possible dans les protocoles numériques que nous utilisons.
Pour nous assurer de cesser d'être naïfs — c'était au début, et nous avons arrêté d'être naïfs assez rapidement —, pour utiliser de façon optimale ces cartes...
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Merci, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion de témoigner devant vous cet après-midi. Je vais essayer d'être bref.
Je suis Sriram Narasimhan. Je suis un professeur agrégé au département de génie civil et environnemental à l'Université de Waterloo. J'ai également été nommé conjointement au département de génie mécanique et de mécatronique de l'Université de Waterloo, où je suis également chaire de recherche du Canada en infrastructure intelligente.
J'ai obtenu mon doctorat en 2005 de l'Université Rice à Houston, au Texas. Je me suis joint à l'Université de Waterloo peu de temps après, en 2006. Avant de devenir membre du corps professoral de l'Université de Waterloo, je travaillais à l'American Bureau of Shipping dans la division de consultation en matière de risques à Houston, au Texas. Je suis un ingénieur agréé dans la province de l'Ontario.
Dans le cadre des recherches que mes étudiants et moi effectuons, mon objectif premier en tant que chaire de recherche à Waterloo est de comprendre les enjeux entourant l'infrastructure et de permettre la tenue d'évaluations de l'état des infrastructures essentielles, dont les ponts, les systèmes aéroportuaires et les réseaux de distribution d'eau, principalement par l'entremise de capteurs, de systèmes de collecte intelligente de données et de matériel. C'est pour que nous puissions élaborer des stratégies pour réduire les défaillances imprévues dans les infrastructures vulnérables et vieillissantes et assurer une gestion rentable et la planification des projets d'immobilisations.
Mes recherches portent sur la dynamique des structures, l'évaluation de l'état des infrastructures vulnérables et le contrôle des structures. La majorité de mes travaux de recherche visent à trouver le meilleur moyen de recueillir des données pertinentes concernant la santé des infrastructures par l'entremise des mesures enregistrées par des capteurs installés sur des structures et des systèmes. Par exemple, je travaille avec mon équipe d'étudiants et des boursiers de recherches postdoctorales à l'élaboration de capteurs montés sur des bornes-fontaines qui peuvent efficacement déceler les fuites et d'autres perturbations dans divers réseaux de distribution d'eau. Par ailleurs, nous travaillons à mieux comprendre ce que les mesures nous révèlent pour mieux surveiller les ponts vieillissants.
Je travaille avec plusieurs organismes publics et privés en vue d'atteindre nos objectifs de recherche. Nous constatons actuellement une transformation dans l'univers numérique, où notre capacité de mesurer le rendement des infrastructures en opération à l'aide de capteurs et de processeurs a largement dépassé ce que nous pouvions imaginer il y a de cela quelques décennies seulement.
Les collectivités intelligentes de l'avenir sont celles qui utiliseront efficacement ces technologies pour améliorer la vie de leurs citoyens. Par exemple, notre capacité de mesurer les demandes en énergie dans une collectivité intelligente nous aidera à mieux équilibrer la production et le stockage de l'énergie. Notre capacité d'évaluer la santé des ponts vieillissants à l'aide de capteurs aidera les urbanistes à élaborer des plans en matière d'entretien et de remise à neuf, en tenant compte des contraintes au chapitre des finances et des ressources humaines. Ces technologies nous aideront également à détecter et à réparer les fuites dans les conduites maîtresses avant que nos rues et nos hôpitaux soient inondés.
Pour que nous puissions atteindre l'objectif des collectivités intelligentes, nous devrions combler les lacunes sur les plans techniques et technologiques, et plus particulièrement en acquérant des connaissances par l'entremise de données et d'investissements qui permettent l'adoption de ces technologies dans les collectivités.
Au Canada, nous sommes confrontés à des défis uniques en raison de la géographie et des conditions météorologiques. Par conséquent, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que des inspections manuelles soient effectuées dans des régions éloignées pour assurer l'intégrité structurelle. En tant que témoin dans le cadre de cette étude importante qu'effectue votre comité, je peux vous faire part de mon point de vue sur la façon dont les capteurs peuvent transformer nos vies et équilibrer les contraintes budgétaires et les besoins liés aux infrastructures vieillissantes.
Merci.
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Simplement pour aider les autres participants, je dirais qu'il y a là une synergie par rapport aux travaux entrepris par le Comité au cours de la dernière année.
Pensons aux actifs que nous avons dans notre région du monde. Nous avons les Grands Lacs, le fleuve Saint-Laurent et une multitude d'actifs naturels. Nous avons d'autres actifs, comme les aéroports, le réseau de la Voie maritime du Saint-Laurent, qui comprend le transport maritime, le transport par rail — avec ses chemins de fer d'intérêt local, ses voies principales et secondaires —, et le réseau routier, évidemment. Nous avons les activités d'innovation et de recherche-développement, et les technologies. Ensuite, nous avons le secteur privé et les partenariats que nous essayons d'établir. Lorsqu'on regarde tout cela, on voit que ce sont tous des piliers.
Maintenant, allez plus loin, allez au prochain niveau. Nous travaillons à l'élaboration d'une stratégie nationale en matière de transport et à une stratégie nationale sur les infrastructures intelligentes. À cela s'ajoutent de nombreuses autres stratégies connexes auxquelles le gouvernement et nos partenaires de la Chambre des communes travaillent, en vue de la création d'une stratégie générale, qui découle aussi des piliers que j'ai mentionnés.
Poussez la réflexion encore plus loin; voyez comment cela s'intègre à la création de stratégies sur les villes intelligentes, sur l'amélioration et la croissance des collectivités, aux investissements adéquats en infrastructures — un aspect essentiel —, puis aux plans de gestion des biens immobiliers et aux plans de financement liés à ces investissements. Voilà où je veux en venir avec cette question. Je veux savoir quels sont les éléments clés pour faire tout ce que j'ai mentionné.
J'aimerais aussi avoir les commentaires des deux autres participants. Je vous en serais reconnaissant.