Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je déclare ouverte la 53e réunion de la 42e législature, du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, afin d'étudier la sécurité aérienne.
Bienvenue à nos témoins que je remercie de s'être déplacés.
Bonjour. Je m’appelle John McKenna et je suis président de l’Association du transport aérien du Canada, l’ATAC.
L’ATAC représente l’industrie canadienne du transport aérien commercial depuis 1934. Nous regroupons environ 190 membres oeuvrant dans l'industrie de l'aviation commerciale. Nous nous réjouissons de l'occasion qui nous est donnée de vous faire part de nos commentaires sur la sécurité aérienne.
Je limiterai mes commentaires à quatre enjeux clés, à savoir: la gestion des risques liés à la fatigue; les systèmes de gestion de la sécurité; l’aptitude à voler des pilotes, et l’offre de service de Transports Canada. D'entrée de jeu, je tiens toutefois à souligner qu'en matière de sécurité aérienne, le Canada affiche des résultats qui sont parmi les meilleurs au monde et que nous sommes considérés comme un pays novateur en matière de systèmes de gestion de la sécurité.
En tant que signataire de l'OACI, le Canada s'efforce de respecter les normes et les pratiques recommandées établies par cette organisation. Cependant, les pays développés utilisent ces normes en tant que lignes directrices pour élaborer ce qui leur est applicable. Au Canada, la grande majorité des transporteurs aériens n'offrent pas de vols internationaux très long-courriers ciblés par les normes de l’OACI sur lesquelles se fondent les règlements proposés de Transports Canada. Nous demandons depuis longtemps que Transports Canada examine la taille et la complexité des nombreux types de transporteurs opérant au Canada.
Même si nous convenons de l’importance de gérer la fatigue, nous demandons au ministre de marquer un temps d’arrêt, de consulter et d'écouter sérieusement les intervenants du milieu et, plutôt que de dicter ses vues à l’industrie, d'élaborer de nouveaux règlements qui, tout en respectant l'esprit des normes de l'OACI, tiendront compte de l’énorme impact socioéconomique et financier qui les accompagne.
L'ATAC maintient que la nouvelle réglementation proposée ne permettra pas d'améliorer la sécurité, et qu'elle risque même d'y porter tort à cause des nombreuses conséquences indésirables auxquelles elle pourrait donner lieu, y compris sous la forme d'un gaspillage de précieuses ressources limitées, comme le sont des membres expérimentés du personnel navigant technique, le PNT. À cause des règlements proposés, les grandes compagnies aériennes n'auront d'autre choix que de débaucher les ressources des petits transporteurs, créant du même coup une énorme pénurie de pilotes expérimentés.
[Français]
L'ATAC soutient depuis longtemps les systèmes de gestion de la sécurité, ou SGS, et a exhorté Transports Canada à imposer un SGS à tous les segments de notre industrie. Nous ne pouvons appuyer la décision récente de Transports Canada d'interdire indéfiniment la mise en oeuvre du SGS pour les plus petits exploitants, faute de ressources pour surveiller son application.
[Traduction]
La culture de sécurité présente chez les transporteurs canadiens ainsi que les avantages économiques associés au SGS, le système de gestion de la sécurité, ont motivé bon nombre d'entre eux à mettre un tel SGS en œuvre pour leurs opérations, indépendamment de la décision du régulateur. Ce sont les petits opérateurs qui profiteraient le plus du SGS, mais Transports Canada préfère se concentrer sur l’imposition de règles mal planifiées en matière de gestion des risques de fatigue, et cela en l’absence de toute analyse des coûts et de l'avis de l'industrie qui n'est pas consultée.
[Français]
L'ATAC s'intéresse à l'aptitude des équipages depuis bien avant l'incident mettant en cause Germanwings. Nous souhaitons que s'établisse un meilleur dialogue entre Transports Canada et les employeurs concernant la perte de privilèges.
[Traduction]
Où se fixe la limite entre la protection de la vie privée et la sécurité du public? Même si la demande pour des services aériens au Canada a régulièrement augmenté de près de 5 % par année, le budget de Transports Canada en matière de sécurité aérienne a été constamment réduit ces dernières années. Ce budget pour 2017-2018 est estimé à 185,5 millions de dollars, en baisse par rapport aux 248,5 millions en 2011-2012. Cette réduction de 63 millions de dollars, ou de 25 % en six ans, complique grandement les choses pour Transports Canada, qui peine à s’acquitter de son mandat.
Face à de telles coupures, Transports Canada doit procéder à un examen approfondi de ses activités en matière de sécurité aérienne et le ministère doit concentrer principalement ses ressources sur les activités qui ont une incidence directe sur la sécurité. Nous implorons la Chambre des communes d'appuyer Transports Canada en augmentant le financement de ce mandat d'importance cruciale.
Pour clore, je dois dire qu'il existe de nombreux autres enjeux d'intérêt majeur pour notre industrie et nous espérons que ce comité les étudiera. La privatisation des aéroports, la taxe sur le carbone, les agressions au laser, la propriété étrangère, la législation sur la protection des passagers ne sont que quelques exemples des problèmes qui nous tiennent à cœur. Nous avons hâte de faire part de nos commentaires aux membres du Comité, s’ils le désirent
Merci beaucoup, madame la présidente et merci aux membres du Comité. Je suis honoré d'avoir l'occasion de vous parler de sécurité aérienne, puisque je représente plus de 400 membres de l'ACVA et 200 exploitants qui constituent une industrie pesant 10,7 milliards de dollars.
L'aviation d'affaires a pour vocation de répondre à tout un éventail de besoins aériens commerciaux et communautaires qui ne sont pas comblés par les services commerciaux réguliers. L'aviation d'affaires est une composante essentielle de l'infrastructure canadienne des transports. Dans l'univers des transporteurs aériens réguliers à but lucratif, les routes et les fréquences doivent être examinées sous l'angle de leur rentabilité. L'aviation d'affaires, quant à elle, mise sur la notion d'investissement. Le nombre de passagers n'est pas important. Même s'il n'y a qu'un seul passager à bord, celui-ci pourrait être en mesure de conclure une transaction synonyme de millions de dollars et de créer des milliers d'emplois, mais il peut aussi s'agir d'un passager devant recevoir un traitement médical urgent.
Comme nos aéronefs sont utilisés à la demande, leur exploitation diffère radicalement de celle des services réguliers. Par le passé, Transports Canada reconnaissait qu'il fallait différents règlements pour les différents secteurs de l'aviation. L'aviation d'affaires est réglementée en vertu du système de gestion de la sécurité depuis 2002. La réglementation tient compte de l'importance variable des opérations des compagnies aériennes, mais notre actuel niveau de sécurité qui est très élevé, est menacé par la nouvelle approche qu'a adoptée Transports Canada en matière de réglementation. Plutôt que de réglementer en fonction des besoins particuliers de chaque secteur de l'aviation, comme cela a été fait avec succès par le passé, Transports Canada a opté pour une approche universelle qui l'a amené à appliquer des règles pensées à l'origine pour des services aériens réguliers qui sont totalement inappropriées pour l'aviation commerciale, surtout pour les petits exploitants.
L'ACVA fait ce qu'elle peut pour aider les exploitants à évoluer dans le cadre du système réglementaire canadien. En 2014, l'association a lancé le programme des partenaires en matière de sécurité qui procure à nos membres, surtout aux petits exploitants, une série d'outils et de gabarits leur permettant de respecter le cadre réglementaire. Il est, par ailleurs, urgent que Transports Canada renoue avec son approche originelle qui consistait à administrer des règlements adaptés aux différentes tailles d'exploitants, et que le ministère dispose des ressources et des compétences voulues pour cela.
À titre d'exemple de la façon dont le manque d'expérience et l'application d'un système réglementaire universel par Transports Canada risquent de porter atteinte à toute l'aviation est l'imposition de la sous-partie 705 du RAC traitant du temps de vol et du temps de service en vol, disposition qui s'adresse en fait aux vols réguliers long-courriers internationaux, dans d'autres composantes de l'aviation. Je suis sûr que certains de mes collègues vous en auront parlé en détail. Ce changement de cap par Transports Canada les inquiète tout autant que moi. Ce règlement risque de mettre en faillite certains exploitants dans le domaine de l'aviation d'affaires, surtout dans le cas des services dans le Nord ou des services d'urgence comme l'évacuation sanitaire.
Quand nous avons appris que votre comité étudiait la sécurité aérienne, nous avons demandé au ministre de vous donner la possibilité d'examiner cette question avant que le ministère n'adopte ces mesures. Malheureusement, il a décidé de publier le projet de règlement dans la partie I de la Gazette du Canada en juin prochain, sans avoir eu l'occasion de s'appuyer sur votre étude ou sur celle du BST. Nous vous invitons, respectueusement, à inciter le ministre à faire un temps d'arrêt ô combien nécessaire, et à retarder sa publication. Il est beaucoup plus important de miser juste, avec ce règlement, que de l'adopter rapidement. Le problème lié à la réglementation du temps de vol et du temps de service en vol découle en grande partie des difficultés systémiques liées au manque de ressources de Transports Canada, un manque de ressources qui a eu des effets négatifs multiples: premièrement, sur l'application de dispositions réglementaires et législatives à l'échelon régional et, deuxièmement, sur le rôle important d'un effectif d'inspecteurs et d'auditeurs expérimentés qui comprennent la complexité des systèmes de gestion du risque et de gestion de la sécurité et qui soient en mesure de travailler en collaboration, sur le terrain, avec les exploitants du secteur de l'aviation d'affaires, dans toutes les régions. Notre secteur et le gouvernement doivent travailler ensemble pour retourner cette situation et faire en sorte que Transports Canada puisse compter sur le personnel et sur les compétences nécessaires. Tant que nous n'aurons pas réglé ce problème, nous serons confrontés à des difficultés découlant de règlements mal conçus et mal appliqués, ainsi qu'au spectre d'une sécurité compromise.
Le Comité est investi d'un mandat vaste et considérable et nous lui demandons de nous aider à ramener Transports Canada dans l'axe de vol et à faire en sorte que le ministère obtienne les ressources dont il a besoin pour pouvoir offrir un service intelligent et adapté aux besoins de notre secteur. Nous sommes prêts à collaborer avec vous et nous allons continuer à le faire avec les hauts fonctionnaires de Transports Canada pour parvenir à cet objectif.
Merci beaucoup pour votre attention, je suis prêt à répondre à vos questions.
Je vous remercie de m’avoir accordé le privilège de comparaître devant vous.
Certains d'entre vous me connaissent déjà comme commissaire, nommé par le Gouvernement du Canada, de l’enquête sur l’accident d’un avion à réaction d’Air Ontario, survenu à Dryden, Ontario, le 10 mars 1989, lors duquel 24 personnes sont mortes. Dans mon rapport final en quatre volumes, j'ai formulé 191 recommandations, y compris la refonte des règlements aéronautiques du Canada qui sont désuets. Dans la foulée de la publication de mon rapport, on a constaté que la sécurité aérienne s'était améliorée. Transports Canada avait lancé tout un ensemble de mesures de supervision et d'inspection et imposé des exigences renforcées en matière de sécurité, mais tel n'est plus le cas aujourd'hui.
Depuis 15 ans, Transports Canada fait dans la complaisance. Son financement a été fortement diminué et le nombre d'inspections a réduit en peau de chagrin pour atteindre des niveaux inégalés depuis la période ayant précédé l'écrasement de Dryden. À l'occasion de votre mini-étude, vous entendrez beaucoup parler des systèmes de gestion de la sécurité. Je tiens essentiellement à vous dire que, sans une fonction de surveillance opérationnelle directe, dûment financée, confiée à des inspecteurs qualifiés et formés, les SGS ne permettront jamais de remplacer la surveillance opérationnelle directe, puisqu'ils n'ont pas été conçus pour cela, bien que ce soit la position adoptée par Transports Canada. La surveillance opérationnelle directe, par le truchement d'audits et d'inspections impromptues, est l'exception et non la règle.
Depuis 15 ans, Transports Canada élimine peu à peu son programme de surveillance et il est en train de faire la même chose dans le cas de la surveillance de la sécurité dans tous les secteurs de l'industrie. Après l'écrasement du jet privé qui transportait Jim Prentice, non loin de Kelowna, l'été dernier, Transports Canada a reconnu avoir cessé de superviser la sécurité dans ce secteur de l'aviation, quatre ans plus tôt, en 2012.
Le 17 août 2016, le ministère retranchait les héliports urbains, comme celui de l'hôpital Foothills de Calgary, de son programme de surveillance. Les aéronefs qui effectuent un travail aérien dangereux pour permettre l'entretien d'installations hydroélectriques, la lutte contre les incendies et autres, ne seront plus sujets à des vérifications de sécurité programmées.
En outre, plus aucun aéroport au Canada ne sera désormais assujetti à des évaluations complètes. Les inspections ne porteront que sur une petite partie du plan de sécurité des aéroports et elles ne se feront plus que tous les cinq ans. À titre de comparaison, la FAA, l'administration fédérale de l'aviation aux États-Unis, exige des inspections annuelles complètes de tous les aéroports.
Transports Canada n'a pas publié ces décisions dans la Gazette du Canada. Le ministère n'en a informé ni le Parlement, ni les députés, ni la population. Ces décisions n'ont fait l'objet que de notes de service internes. Elles ont été rendues publiques uniquement parce qu'une partie intéressée les a publiées. Je dépose auprès de votre comité le bulletin des procédures internes 2016-09, dans les deux langues officielles, qui fait état de ces décisions.
Cette dépendance absolue aux SGS et ce retrait de la surveillance opérationnelle directe ont fait que la sécurité des vols est aujourd'hui moins assurée qu'il y a 15 ans. Je vous exhorte à recommander au gouvernement de débloquer les fonds nécessaires pour réinstaurer la surveillance de la sécurité ou de recourir à des frais prélevés sur les billets des passagers pour financer cette mesure.
Enfin, je recommande la constitution d'une commission d'enquête chargée de faire le point sur la sécurité aérienne au Canada. Permettez-moi de vous recommander de traiter de cette question en urgence et de ne vous arrêter qu'après avoir constaté que de véritables mesures destinées à revenir à la surveillance opérationnelle directe ont été adoptées. Votre vie pourrait être au nombre de celles que vous sauveriez ainsi.
Merci beaucoup à nos trois témoins de leurs courtes présentations. Nous avons toutefois eu l'occasion de lire leurs documents précédemment.
Merci beaucoup, monsieur l'honorable juge, de votre présence aujourd'hui.
Nous comprenons que, depuis la publication du rapport sur l'accident tragique survenu à Dryden, vous avez continué à vous intéresser à la sécurité aérienne au pays. Or, selon les statistiques qui nous ont été fournies par le Bureau de la sécurité des transports du Canada, il y a une diminution du nombre d'incidents dans l'industrie aérienne. Pourtant, vous nous recommandez aujourd'hui la tenue d'une commission d'enquête sur la sécurité aérienne. Il y a toute une marge entre ce que nous constatons sur le plan des statistiques et la recommandation que vous faites.
Monsieur Moshansky, votre opinion m'importe puisque vous avez eu la possibilité d'étudier pendant très longtemps la question de la sécurité aérienne. Pouvez-vous nous expliquer davantage la raison pour laquelle il serait nécessaire et urgent, selon vous, de tenir une commission d'enquête?
Je vais reprendre une partie ce que j'ai dit en anglais.
Je voudrais savoir pourquoi, depuis l'accident de Dryden, vous pensez qu'il est urgent de tenir une commission royale d'enquête sur la question de la sécurité aérienne? D'après toutes les statistiques et toutes les données dont nous disposons, le nombre d'incidents dans le secteur des transports aériens est en recul.
Ces statistiques concernent le nombre d'accidents, mais avez-vous vu celles qui portent sur le nombre d'incidents, de quasi-accidents et ainsi de suite? Il y en a beaucoup qui ne sont pas signalés.
D'après les documents provenant du Bureau de la sécurité des transports du Canada que nous avons ici, les incidents connaissent également une diminution.
À partir de votre propre expérience, et à la lumière de la commission d'enquête que vous avez présidée relativement à l'accident de Dryden — votre intérêt pour la sécurité aérienne est d'ailleurs évident depuis cette enquête —, j'aimerais savoir ce qui peut convaincre des parlementaires comme nous d'adhérer à votre demande en faveur d'une enquête.
L'un des plus éminents experts de l'aviation dans le monde a recommandé qu'une enquête soit effectuée tous les dix ans. Nous en sommes maintenant à la 28e année après l'accident de Dryden, et je pense que nous aurions dû tenir une telle enquête depuis très longtemps déjà. C'est la seule façon, en fait, d'aller au fond du problème.
J'ai passé trois années à enquêter sur l'accident de Dryden. À terme, nous avons formulé 191 recommandations dont la plupart ont été mises en œuvre par Transports Canada. Ce n'est que grâce à une enquête que nous avons pu y parvenir, grâce aux pouvoirs étendus que nous avions. Une commission d'enquête a les mêmes pouvoirs qu'une cour supérieure. On peut citer des témoins à comparaître et les assermenter, et on peut aussi les soumettre à des contre-interrogatoires. C'est en fait la seule vraie façon documentée de parvenir à la vérité.
Selon moi, l'enquête est la seule manière de faire le point sur la situation de la sécurité aérienne dans un pays.
Monsieur Moshansky et messieurs les autres témoins, ce que je détecte relativement à la recommandation de mener une enquête est peut-être une crise de confiance. Nous parlons des SGS, les systèmes de gestion de la sécurité. En demandant davantage d'inspections des SGS, davantage d'inspecteurs et d'argent, nous signifions notre manque de confiance envers les méthodes actuelles des compagnies aériennes.
Je devrais peut-être poser la question à M. McKenna. Qu'est-ce qui amène les gens, qu'il s'agisse du public ou des syndicats, à dire qu'il faut absolument embaucher plus d'inspecteurs de SGS? Est-ce parce que les compagnies aériennes ne respectent pas leur obligations?
Tout d'abord, le changement de culture, provoqué par l'établissement des systèmes de gestion de la sécurité, entraîne beaucoup de changements dans la façon de faire de beaucoup de gens. Beaucoup d'individus ont mal réagi à ces changements, et ne partagent pas cette philosophie de la façon de procéder. L'imposition des SGS au Canada a été très bénéfique même si, en effet, des ajustements sont nécessaires. Les SGS ont favorisé, au sein des compagnies, une culture de sécurité qui existait déjà, mais qui est plus omniprésente à présent.
En ce qui concerne les inspecteurs, ils ont dû changer leur façon de faire, ils ont dû étudier la procédure de sécurité plutôt que d'aller sur « le plancher des vaches », comme on dit, et de faire eux-mêmes ces inspections. Il y a des gens qui ne partagent pas cette philosophie de la façon de faire.
Par ailleurs, tous ceux engagés dans le programme des systèmes de gestion de la sécurité considèrent qu'il rapporte un énorme bénéfice, à la fois sur les plans financier et sécuritaire.
Je remercie nos trois invités de venir nous faire part de leur expertise ce matin.
Ma question s'adresse à M. l'honorable juge.
Vous dites que les réductions budgétaires ont compromis la sécurité aérienne. Le montant des réductions effectuées depuis 2011 s'élève à un peu plus de 76 millions de dollars. Ce montant a été retiré du Programme de sécurité aérienne entre les années 2011 et 2015. Depuis notre arrivée au pouvoir, en 2015, nous avons augmenté les budgets consacrés à la sécurité aérienne, d'abord de 9 millions de dollars, et ensuite de 6 millions de dollars.
Cependant, selon ce que j'entends aujourd'hui, il faudrait prendre des mesures plus importantes que simplement augmenter le financement. Selon vous, sur quel aspect du Programme de sécurité aérienne le gouvernement devrait-il concentrer ses efforts en premier? Serait-ce les SGS, le nombre d'inspections et l'embauche d'inspecteurs?
C'est exactement l'aspect, selon moi, auquel il convient de s'intéresser. Le trop faible budget de la direction de la surveillance réglementaire de Transports Canada, dans les années 1980, a été à l'origine de l'écrasement de Dryden en 1989. J'ai l'impression qu'une épée de Damoclès continue d'être suspendue au-dessus de la tête des voyageurs aériens au Canada.
Comme je l'ai souligné dans mon mémoire, la compression massive des coûts que le gouvernement fédéral avait imposée à Transports Canada au début des années 2000 a débouché sur le renoncement progressif, à compter de 2007, puis total, de la surveillance réglementaire directe des transporteurs aériens. En soi, le programme des SGS est merveilleux. Je l'ai recommandé. C'est une des recommandations contenues dans mon rapport sur l'accident de Dryden. Toutefois, j'avais recommandé qu'on subordonne le recours aux SGS à la prestation d'une surveillance appropriée des compagnies aériennes par un groupe d'inspecteurs dûment formés faisant partie d'un service bien financé.
Depuis lors, d'importantes réductions budgétaires ont entraîné un sous-financement du régime de surveillance de Transports Canada. On trouve maintenant des inspecteurs qui n'ont pas piloté d'un an, voire plus. Ils sont censés superviser la formation et l'efficacité opérationnelle du PNT, mais ils ne peuvent eux-mêmes pas piloter à cause d'un manque de moyens pour assumer les coûts que cela représenterait en heures de vol. Je reçois régulièrement des appels de commandants de bord de grandes compagnies qui se plaignent de ce genre de situation.
Votre comité devrait notamment envisager de recommander au gouvernement d'accroître les ressources de la direction de la surveillance et de l'inspection de l'aviation. Si cela n'est pas possible, comme je l'ai recommandé dans mon mémoire, que vous lirez j'espère, je souhaiterais que l'on impose des frais — et pas des taxes, parce que j'ai horreur de ce mot — sur chaque billet et pour chaque vol originaire du Canada. Cela permettrait de combler le déficit constaté afin que, premièrement, ces inspecteurs puissent retrouver le niveau de compétence qu'ils avaient précédemment — et qui a considérablement diminué — et, deuxièmement, que des fonds suffisants soient débloqués pour faciliter un tel régime d'inspection.
Avez-vous en tête des exemples de pays qui ont un cadre réglementaire et un mode de surveillance de l'aviation civile exemplaires dont nous pourrions nous s'inspirer?
L'Australie est un exemple. Je m'y suis rendu à l'invitation du ministère des transports australien, il y a quelques années. Les Australiens ont effectivement adopté le SGS.
De nombreux pays ont fait de même, mais aucun autre dans le monde, à part le Canada, n'a appliqué le SGS sans imposer de surveillance réglementaire.
Certains de mes confrères étrangers, avec qui j'ai collaboré en matière de sécurité aérienne au fil des ans, sont surpris que nous ayons complètement renoncé à la surveillance réglementaire pour imposer le SGS. Le concept est bon, mais pas sans surveillance.
Merci, madame la présidente. Je remercie les témoins d'être avec nous ce matin.
Mes premières questions vont s'adresser à l'honorable juge Moshansky.
En fait, au moment de demander à mes collègues de faire cette étude, j'étais déjà sensibilisé au problème de la sécurité aérienne. En lisant votre rapport, j'ai été plutôt alarmé. La critique qu'on ne pourrait pas vous faire, c'est d'utiliser la langue de bois.
Ma première question repose en bonne partie sur un paragraphe, à la page 4 de votre document de présentation. Vous dites que Transports Canada a abandonné totalement la surveillance réglementaire traditionnelle sur place, les inspecteurs en vol et la vérification réglementaire de tous les systèmes de l'aviation, et a ainsi éliminé les inspecteurs coûteux. Vous ajoutez: « Il s'agit d'une approche de bienheureux envers la sécurité aérienne, laquelle est complètement contraire aux exigences établies par l'OACI. »
Est-ce qu'il y a d'autres pays qui s'éloignent de façon aussi substantielle des règles qui sont proposées par l'OACI?
Nous sommes le seul pays qui, à ma connaissance, ait renoncé à cette disposition.
J'ai mené des enquêtes avec des confrères dans bien d'autres pays industrialisés. Ils se sont dits choqués par le fait que nous ayons renoncé à la surveillance.
J'aimerais aussi traiter d'un autre passage de votre texte où vous dites que, pour soulager la pression financière, Transports Canada a choisi d'abolir des secteurs entiers de son programme de surveillance SGS, sans aucun égard à la sécurité, sans aucun avis au Parlement, aux députés ou encore au public en général. Vous ajoutez que notre comité devrait jeter un coup d'oeil à cette accusation.
Ma question est très claire. Vous avez fait mention de l'accident malheureux qui a coûté la vie à Jim Prentice et à l'équipe de pilotage. Je n'ai pas vérifié le type d'appareil, mais je pense qu'il pourrait s'agir d'une situation identique à celle entourant l'accident mortel survenu à Jean Lapierre. Je parle de ces deux-là parce que ce sont des personnalités connues, mais une perte de vie, c'est toujours une perte de vie.
Selon vous, est-ce que ces accidents auraient pu être évités si le programme des SGS s'appliquait à l'ensemble des avions et non seulement à certaines catégories?
L'avion à bord duquel M. Prentice est décédé était un avion à réaction privé. Je n'en suis pas certain, mais il est possible qu'il ait été du même modèle ou de la même marque que celui à bord duquel M. Lapierre a été tué.
Vous dites que le SGS est un bon système, que vous l'avez vous même recommandé, mais qu'il doit s'accompagner d'un suivi d'inspection. Or, dans votre document, vous indiquez que les inspections effectuées par Transports Canada sont de plus en plus des vérifications de paperasse et non des inspections sur le terrain. Est-ce qu'il faut, à la fois, multiplier le nombre d'inspections, mais aussi rétablir les inspections sur le terrain?
Pour commencer, je dirais qu'il faut augmenter le nombre d'inspecteurs, s'assurer qu'ils sont bien formés et qu'ils renouent avec les techniques traditionnelles d'inspection, c'est-à-dire la surveillance.
En soi, un SGS n'est pas un programme de sécurité, c'est simplement une façon de faire les choses. Voilà le problème que pose le SGS. Dans l'ensemble, c'est un bon programme, mais sans la surveillance réglementaire, on risque d'avoir des problèmes, comme on le voit actuellement. Je dirais que le problème fondamental découle du faible financement consenti à ce secteur particulier de Transports Canada.
J'aimerais savoir si, en plus de multiplier le nombre d'inspecteurs de Transports Canada, si tant est que ce soit possible, il faudra revoir leur mandat d'inspection.
Pour le moment, à cause du mandat qui leur est confié, ces gens-là sont essentiellement devenus des pousse-papier. Ils se rendent sur place pour n'inspecter que les documents des compagnies aériennes. Ils n'inspectent pas le côté opérationnel et c'est précisément là où le bât blesse, parce que les compagnies aériennes font rapport sur elles-mêmes.
Ma question est très simple. Une de vos recommandations porte sur le financement, notamment. Vous recommandez également qu'il y ait une commission d'enquête. J'aimerais que vous nous disiez, si possible, quels aspects précis de la sécurité aérienne devraient faire l'object de cette commission d'enquête, selon vous.
Je dirais qu'il devrait s'agir d'une enquête générale, comme celle que j'ai réalisée en 1989, pour examiner tous les aspects de la sécurité aérienne au Canada et de façon générale.
Je vais commencer par M. Moshansky. Dans vos remarques liminaires, vous avez indiqué qu'il est nécessaire de faire exercer une surveillance par un groupe d'inspecteurs dûment formés. La qualité de la formation me préoccupe un peu parce que j'ai cru comprendre qu'une grande partie de cette formation se déroule sur simulateur, plutôt qu'à l'occasion de vols réels où l'on peut soumettre les pilotes à un stress émotionnel associé à des risques réels.
Pourriez-vous nous dire s'il s'agit là d'un problème et dans quelle mesure les choses seraient différentes si l'on dispensait une véritable formation en vol?
Le fait qu'on ne dépende maintenant plus que des simulateurs constitue un problème. Si une telle forme d'entraînement convient, elle ne donne pas lieu au genre de résultat souhaité. Hier, un inspecteur qui est très préoccupé par le nombre d'inspecteurs actuellement disponibles, m'a donné un coup de téléphone. Tout semble indiquer que les effectifs d'inspecteurs sont en diminution et qu'ils l'ont été considérablement après l'accident de Dryden et depuis le milieu des années 2000. L'effectif d'inspecteurs a reçu pour consigne de ne plus effectuer de surveillance. On demande à ces gens-là d'examiner la documentation que produisent les compagnies aériennes conformément aux exigences du SGS.
Je vais donner la possibilité aux autres témoins de réagir à ce sujet également, à M. Toering ou à M. McKenna, selon celui des deux qui estime être le plus en mesure de faire un commentaire.
J'ai passé l'essentiel de ma carrière chez Flight Safety International et à la CAE et je connais très bien tout ce qui concerne la formation sur simulateur. Je dirais qu'on ne peut réaliser, aux commandes d'un avion, en vol réel, que 20 % des situations auxquelles il convient de s'entraîner pour devenir parfaitement compétent. Pour les 80 % restants, il serait insensé de se mettre aux commandes d'un avion, car les risques seraient trop grands. Voilà pourquoi l'entraînement sur simulateur en est venu à occuper une place aussi importante dans l'industrie. Le niveau de réalisme des simulations C et D est phénoménal. Comme vous l'avez dit, il y a toujours l'aspect émotif qui se rattache au fait qu'on a des passagers derrière. Il est désormais possible de reproduire ce genre de sensation par la répétition des exercices, dans un entraînement d'acquisition des compétences, et par le fait que les simulateurs sont très fidèles à la réalité.
Dans le milieu de l'aviation des affaires, nous devons former nos équipages aux simulations C et D. La formation est donnée en fonction des normes de compétence établies et nous avons différentes façons de la dispenser au sein de notre groupe. Jusqu'à ce jour, nous sommes encore le secteur de l'aviation commerciale le plus sûr dans le monde. Il y a deux choses que nous faisons différemment des autres secteurs. Premièrement, nous appliquons un programme de SGS entièrement proactif et, deuxièmement, nous essayons d'instiller une culture de la sécurité à nos équipages. L'autre dimension de cette culture de la sécurité tient à ce que nous dispensons un entraînement axé sur la compétence, nous ne faisons pas de contrôles en vol. Cette méthode s'est avérée extrêmement fiable pour faire ressortir la véritable compétence des pilotes plutôt que d'examiner simplement ce qu'ils font au cours d'un vol.
Vous dites que vous pourriez trouver intéressant que 20 % des contrôles soient effectués lors de vols réels. Comme je ne suis pas spécialiste du domaine de l'aéronautique, contrairement à mes collègues, j'ai tout de même l'impression qu'il serait possible de miser sur un entraînement en deux temps, soit sur simulateur et en vol.
On tente actuellement de reproduire ce genre de réalité, comme une récupération après perte de maîtrise en vol. Il y a des événements qu'on ne peut pas reproduire sur tous les simulateurs, parce qu'on ne peut pas simuler un vol inversé ni les manœuvres associées à la récupération après perte de maîtrise. L'entraînement à la récupération en cas de perte de maîtrise fait donc partie d'un élément distinct offert sur d'autres simulateurs.
Je vais revenir à M. Moshansky. Je vous invite à réagir à ce que vous venez tout juste d'entendre, mais j'aimerais également que vous nous parliez de la méthode que vous avez recommandée, pour accroître le financement de Transports Canada par le biais d'une redevance ajoutée aux billets d'avion des voyageurs. Pourquoi estimez-vous que c'est la meilleure façon de faire en sorte que Transports Canada puisse assurer le niveau de surveillance qui s'impose?
J'ai l'impression que c'est effectivement le cap à adopter. Dans mon mémoire, je précise que si vous prélevez 5 $ par billet, vous récupérerez beaucoup d'argent à terme. Avec un montant de 10 $, vous allez évidemment doubler. Je ne pense pas qu'un seul passager, d'où qu'il soit, s'objecterait à l'idée de payer 5 $ ou 10 $ de plus pour assurer la sécurité aérienne. Personnellement, je ne m'y opposerais pas.
Bon, alors très rapidement, revenons en arrière. Je ne me rappelle plus lequel des deux autres témoins a dit qu'il n'était pas nécessaire d'envisager les choses sous l'angle de la rentabilité. Voulez-vous réagir à cette notion de redevance supplémentaire au titre de la sécurité?
Dans notre industrie, il y a une pléthore de droits d'usagers et de redevances. Le gouvernement nous prélève environ 1 milliard de dollars par an sous différentes formes et une très faible partie de tout cet argent revient à Transports Canada. Nous n'avons certainement pas besoin qu'on nous prélève une nouvelle redevance et il n'est pas garanti que cet argent bénéficierait aux transports.
Ma question s'adresse à M. McKenna. Parlez-moi davantage de la question de la gestion de la fatigue. Quand j'ai rencontré les associations représentant les pilotes, celles-ci m'ont dit qu'elles tenaient absolument à ce que le règlement du Canada destiné à encadrer la fatigue soit fondé sur des études scientifiques récentes. Vous avez dit que l'approche universelle ne convient pas. Pourriez-vous nous indiquer ce qui, selon vous, serait la meilleure approche à retenir?
Il est certain que personne ne s'oppose à l'idée qu'il faille gérer la fatigue. Les transporteurs le font grâce au SGS. Il est un fait que les données scientifiques qui viennent appuyer ou plutôt contredire la position du gouvernement, abondent.
En revanche, nous affirmons qu'on ne peut appliquer à des transporteurs intérieurs un règlement en matière de fatigue, destiné à l'origine à des transporteurs effectuant des vols intercontinentaux, parce que ce n'est pas la même chose. On ne peut appliquer les mêmes règles en matière de SGS aux deux types de transporteurs. Il n'y a pas de comparaison dans le genre de fatigue que ressent un pilote effectuant un certain type de vol avec ce qu'éprouve un autre pilote, comme un pilote d'hélicoptère, d'hydravion ou d'avion de fret.
Il faut que le gouvernement consulte davantage l'industrie. Nous ne disons pas qu'il ne faut pas de règlement, mais plutôt que les règlements doivent être élaborés et rédigés par le personnel de la Tour C de Transports Canada, moyennant une petite participation de l'industrie.
Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins de s'être déplacés aujourd'hui, surtout l'honorable Moshansky.
Je prends connaissance de tout ce que vous avez fait et j'estime que c'est très appréciable. Toutes vos contributions, tout ce que vous avez fait dans le cadre de vos enquêtes est tout simplement sans égal. Je tenais à vous faire part de toute ma gratitude pour vos contributions.
Cela étant, je vais vous poser une question qui s'appuie sur notre travail des dernières semaines, lors de quelques rencontres. Même si le député d'en face estime que tel n'est pas le cas, les effets de la radiation cosmique sur la santé humaine sont préoccupants, mais nous n'avons encore accueilli aucun témoin ni eu aucune demande de comparution de témoins en lien avec cette préoccupation.
Cela étant posé, je vais vous inviter à répondre à certaines des questions auxquelles vous n'avez certainement pas eu l'occasion de répondre avant aujourd'hui. Et puis, pour rebondir sur la question posée par M. Aubin, j'aimerais aller un peu plus loin et essayer de mieux déterminer l'orientation que nous devrions prendre à partir d'ici. Nous avons effectivement hérité de toute une série d'engagements pris par le gouvernement précédent, et nous voulons nous assurer que l'avenir sera meilleur sous le gouvernement actuel.
Nous avons eu vent de préoccupations au sujet de la sélection du personnel de sécurité dans les aéroports. On nous a parlé du modèle de prestation de service de CATSA, du programme de surveillance de l'aviation civile. Et puis, dernièrement, il a bien sûr été question des conditions de travail du personnel d'entretien des appareils et des inspecteurs, de leur formation, des enquêtes de sécurité sur les employés travaillant dans les zones sécurisées des aéroports, de même, comme M. McKenna en a parlé, du problème de la fatigue qui touche d'autres catégories de personnel.
Je vais donc vous poser une première question. Après tout, vous êtes ici pour nous faire part de vos réflexions. Donc, je vous invite à nous expliquer plus en détail ce qu'il en est à ce titre pour que nous sachions où vous vous situez par rapport aux préoccupations que vous constatez au quotidien.
Permettez-moi d'exprimer mon désaccord avec le juge Virgil Moshansky en ce qui concerne l'absence de surveillance réglementaire. Notre industrie est soumise à une surveillance réglementaire, et vous pourrez le confirmer auprès de n'importe quel transporteur. Cependant, les ressources sont mal réparties au sein du ministère. Nous recommandons, depuis des années, que le ministère délègue certaines responsabilités, surtout d'ordre administratif, et qu'il concentre ses ressources sur les activités touchant directement à l'inspection ou sur d'autres types d'activités. Cela constitue pour nous une source de préoccupation depuis bien des années. Nous estimons qu'il existe une réponse à cet égard.
Certes, ce ministère — et bien d'autres, soit dit en passant — a subi des réductions budgétaires auxquelles nous sommes aux prises depuis longtemps. Dans le domaine de l'aviation, tout a été réduit, à l'exception des redevances et des droits. Nous sommes d'avis que, si le ministère était disposé à revoir la façon dont il emploie ses ressources, nous ne nous en porterions que mieux, y compris pour ce qui est des enquêtes.
Je suis tout à fait d'accord avec ce que John vient de dire. Selon nous, d'après tous les entretiens que nous avons eus, tandis que nous avons perfectionné notre documentation et la documentation d'appui pour nos membres afin d'instaurer des SGS proactifs, nous avons abouti à une culture de la sécurité. Nous avons une culture de la sécurité. Il a été question de surveillance, mais pour quelle raison faudrait-il plus de surveillance encore? N'avez-vous pas confiance dans ce qui se fait? Nous, nous avons pleinement confiance dans ce que nous faisons parce que nous avons constaté les résultats au sein de notre organisation, dans notre secteur auquel appartiennent John et d'autres.
Et puis, qui dit surveillance, dit également collaboration. Il faut pouvoir compter sur quelqu'un qui soit extérieur à la compagnie, qui soit objectif. La question n'est pas de ne pas avoir confiance dans les SGS, mais plutôt de faire en sorte qu'un inspecteur, dûment formé, connaissant les complexités du système de gestion des risques, soit en mesure de venir nous parler dans un esprit de collaboration.
Comme l'honorable juge l'a dit, je ne veux pas minimiser l'importance de chaque incident, mais j'aimerais savoir si le pourcentage du nombre d'incidents a augmenté avec le temps. Le fait qu'il y ait plus de vols a-t-il pour conséquence directe d'augmenter les risques d'incident? Ce n'est peut-être pas notre système qui est complètement à l'envers. Que je sache, le Canada fait partie des endroits où c'est le plus sécuritaire à ce chapitre.
Mon raisonnement est-il complètement erroné? Quelqu'un veut-il se risquer à répondre? J'aimerais que les deux autres témoins répondent en premier puisque nous ne les avons pas beaucoup entendu parler jusqu'ici. L'honorable juge pourra répondre ensuite.
Notre industrie a connu une croissance, mais le taux d'incidents et d'accidents n'a pas suivi ce rythme. Bien sûr, ce taux peut varier puisqu'un seul incident peut changer totalement les données, mais de façon générale, notre performance s'améliore et le nombre d'incidents diminue.
Vous confirmez que le pourcentage d'incidents ou d'accidents est en diminution, mais c'est un pourcentage et non un nombre absolu. Je ne veux pas minimiser l'importance de travailler à ce dossier pour continuer d'améliorer les choses. En pourcentage, diriez-vous que le nombre d'incidents ou d'accidents a diminué?
L'accident de Kelowna, qui a malheureusement été mortel, est sans doute un bon exemple à évoquer. Dans notre secteur, nous avons passé 10 années de suite sans accident et sans mortalité, jusqu'à celui-ci.
À un moment donné, il va nous être impossible de faire mieux que... En viendra-t-on, à un moment donné, à ne plus avoir d'accident du tout? C'est effectivement l'objectif que tout le monde vise. Nous voulons, autant que faire se peut, réduire au maximum le nombre de décès. Cependant, quand il se produit un accident en plus de 10 ans, on peut dire que notre secteur demeure le plus sûr au monde.
J'aimerais faire un commentaire sur la question des frais, qui a été abordée par M. le juge Moshansky.
Je suis tout à fait d'accord qu'on ne doit pas augmenter les frais; cela coûte déjà assez cher. Si le gouvernement veut trouver de l'argent, il y a moyen d'en trouver dans le système. Croyez-moi, il y en a, de l'argent, dans les coffres des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. Ce qui importe, c'est de savoir établir et gérer les priorités. S'il en fait une priorité, le gouvernement prendra la décision d'investir aux bons endroits avant d'augmenter encore les frais des utilisateurs canadiens.
Je ne sais pas si ma question est en lien direct avec cela, mais je la pose quand même.
Le gouvernement libéral a clairement indiqué son intention d'évaluer la possibilité de privatiser les aéroports, dans son objectif de financer sa banque de l'infrastructure. Cela n'a pas de lien avec vous, mais je veux juste faire une mise en contexte. D'après vous, la privatisation des aéroports pourrait-elle avoir une incidence sur la sécurité aérienne? On se questionne beaucoup à ce sujet. Les gens disent qu'il y a un grand danger à cela. C'est géré par Transports Canada. Les aéroports sont nationaux et institutionnalisés. Selon vous, leur privatisation pourrait-elle avoir des conséquences?
Notre préoccupation ne concerne pas tant la sécurité que l'aspect financier. Une telle privatisation pourrait mener à des conséquences sur le plan financier. Quoi qu'il en soit, j'espère qu'une privatisation serait dûment encadrée par des règlements énonçant que les normes doivent être maintenues. Notre préoccupation sur la privatisation est plutôt associée au fait que cela rendrait notre secteur encore moins compétitif par rapport à d'autres modes de transport et, surtout, moins compétitifs que nos voisins du Sud.
Nous devons sans cesse nous battre pour conserver nos espaces dans les grands aéroports, quand on adopte le point de vue de l'aviation d'affaires. Nous n'avons pas accès aux terminaux, ni à d'autres services. Nous avons des terminaux privés, situés sur les terrains de l'aéroport et qui contribuent à l'infrastructure aéroportuaire. Au fil des ans, cela a... on l'a vu, ça s'est passé à Heathrow.
Cela est arrivé un peu partout où la quête du dollar et des revenus a toujours été le principal moteur des aéroports. Comme les gros porteurs rapportent plus en taxes à l'atterrissage, les autres secteurs de l'aviation, l'aviation générale et l'aviation d'affaires, ont toujours risqué de perdre leur accès aux aéroports. C'est certainement un risque dans notre cas. Si la privatisation va dans ce sens, si elle n'est pas correctement structurée, nous aurons un problème.
Nav Canada est un exemple de groupe idéalement structuré. Regardez le chemin parcouru par Nav Canada au cours des 20 dernières années et ce que cette organisation a réalisé en tant qu'organisme sans but lucratif. Tout cela parce que la gouvernance envisagée pour protéger Nav Canada et les usagers a été inscrite dans les lois.
Je dois préciser ici que rien, jusqu'ici, n'indique que nos aéroports seront privatisés, qu'on ne nous a rien dit dans ce sens et que nous n'avons rien demandé.
Permettez-moi de vous parler un peu de réglementation. Vous êtes préoccupés par une réglementation qui serait universelle. Vous avez des réserves quant au fait qu'un règlement conçu pour des vols long-courriers puisse être appliqué à des vols intérieurs?
Oui, c'est précisément ce que nous disons, entre autres. Les conditions de travail des uns et des autres ne sont pas les mêmes et on ne peut donc pas appliquer les mêmes règlements. Il faut pouvoir moduler les règlements en fonction du milieu de travail. C'est l'objectif visé et c'est ce à quoi servent les normes de l'OACI.
Très bien. À cet égard, je pense qu'on pourrait avancer un argument. À cause de la complexité relativement importante de nos opérations au Canada — où nous effectuons davantage de décollages et d'atterrissages et où nous devons, dans certains cas, rallonger les journées de travail, surtout quand on dessert le Nord —, il faudrait, pour le moins, que les règlements canadiens soient beaucoup plus exigeants dans le cas des transporteurs intérieurs que ceux d'autres pays où les avions ne font qu'un décollage et un atterrissage par jour et franchissent de longues distances.
Si tel était le cas, vous n'auriez sans doute plus de service aérien dans le Nord. Pour commencer, l'industrie n'est pas rentable à cause de la vaste superficie à couvrir et de la faible densité de population. Si l'on devait ajouter des coûts d'exploitation à ces services, on sonnerait sûrement le glas des compagnies.
En ce qui nous concerne, quand on songe à cette formule universelle, il faut dire que nos vols peuvent être longs, parfois, mais que les périodes de repos pour les équipages entre chaque vol peuvent être également très longues. Par exemple, dans l'aviation commerciale, nos pilotes font 350 à 400 heures de vol par an, comparativement à un pilote de ligne qui dépasse sans doute allègrement les 1 200 ou 1 400...
Tout ce que je dis, c'est que nous avons la possibilité d'effectuer des vols avec des périodes de repos acceptables et que nous ne sommes pas touchés par la notion d'effets cumulatifs des vols long-courriers.
Je vais adresser une dernière question à MM. Toering et McKenna.
Monsieur McKenna, vous avez parlé de la question de la propriété étrangère et je voulais vous donner la possibilité de nous en dire davantage dans le contexte qui nous intéresse.
La propriété étrangère n'est pas nécessairement un problème de sécurité des vols, du moins selon nous. Certaines personnes estiment que nous pourrions attirer davantage de capitaux au Canada. Personnellement, je crois qu'on se trompe quand on se dit que cela pourrait permettre de mettre sur pied des transporteurs à faible coût au Canada. À cause des droits et des charges qu'on nous impose au Canada, nous n'aurons jamais de transporteurs à faible coût. Il pourra toujours y avoir des transporteurs bon marché, mais certainement pas à faible coût.
Les investisseurs étrangers exigeraient un certain rendement pour leurs investissements, peu importe l'origine des fonds, et j'ai l'impression que cela ne contribuerait absolument pas à améliorer la sécurité au Canada.
Merci à vous trois de vous être déplacés. Nous accueillons le commandant Matthew Hogan, président de la division de la sécurité des vols à l'Association des pilotes d'Air Canada; Jerry Dias, président d'Unifor, et Jordan Bray-Stone, président, santé et sécurité, à l'élément Air Canada du Syndicat canadien des employés de la fonction publique.
Bonjour, madame la présidente et messieurs les membres du Comité. Au nom de l'Association des pilotes d'Air Canada et des 3 400 membres que nous représentons, des pilotes qui transportent des passagers et du fret sur les ailes d'Air Canada et d'Air Canada Rouge, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous faire part de notre savoir en matière de sécurité aérienne.
Je suis commandant à Air Canada et j'ai volé sur des lignes intérieures et partout dans le monde. La mission première de tout pilote, jour après jour, consiste à assurer la sécurité des passagers, des membres d'équipage, de l'avion et du public. Cela est vrai que l'on soit aux commandes d'un avion transportant du fret ou que l'on traverse l'Atlantique avec 250 personnes endormies à bord. Au Canada, il y a lieu de s'attaquer à un grand nombre d'importants problèmes de sécurité aérienne: la sécurité des pistes, l'entraînement des pilotes et les systèmes d'éclairage et de navigation. Cela étant, je vais me limiter à un seul de ces problèmes aujourd'hui, qui affecte tous les pilotes: la fatigue.
La réglementation de l'aviation au Canada n'est pas conforme aux données scientifiques reconnues au sujet de la fatigue. Nous traînons de l'arrière par rapport à d'autres pays, comme les États-Unis, dans ce domaine pourtant vital de la sécurité aérienne. Au Canada, nos règlements désuets permettent à des pilotes d'enchaîner jusqu'à 14 heures de travail par jour. Dans certaines situations, comme en cas de problèmes mécaniques, de dégivrage, de problèmes météo ou de retard des passagers, les règles actuelles permettent aux pilotes canadiens de travailler jusqu'à 17 heures d'affilée.
C'est insensé. L'aviation est un domaine où l'erreur ne pardonne pas. On peut apparenter la fatigue à un handicap. Elle provoque une baisse du niveau de vigilance ainsi que de la performance physique et mentale, et il est impossible de s'autodiagnostiquer. Voilà pourquoi il faut que le Canada adopte des règles en matière de fatigue.
Nous avons tous fait l'expérience de longs trajets en automobile durant lesquels nos yeux se ferment et où l'on est obligé de s'arrêter pour se dégourdir les jambes ou encore d'abaisser la fenêtre, sans que ces stratégies soient efficaces pour véritablement combattre la fatigue, outre qu'elles sont inapplicables quand on survole l'Atlantique à 3 heures du matin. Le seul remède à la fatigue est le sommeil.
Je ne parle pas uniquement d'expérience parce que les données scientifiques sont claires. Après huit heures et demie de temps de vol, de nuit, la fatigue dégrade les performances, comme le confirme une recherche de la NASA qui a mesuré l'activité des ondes cérébrales ainsi que les périodes de micro-sommeil lors de véritables vols effectués de nuit. Cependant, ces constats de la NASA n'ont pas été repris dans le projet de règlement publié par Transports Canada le 25 mars.
La bonne nouvelle, c'est que ce projet de règlement comprend enfin la notion de sensibilité à l'heure de la journée. La mauvaise nouvelle, c'est que ce projet ne va pas suffisamment loin pour s'attaquer au problème de la fatigue lors des vols long-courriers, de nuit. L'ébauche de règlement propose 10,5 heures de temps de vol pour les départs survenant après 17 heures. Bien que ce soit là une amélioration, c'est tout de même deux heures de plus que ce qu'ont établi les études scientifiques. Pour nous pilotes, qui sommes responsables d'assurer la sécurité des vols, nous jugeons cela insuffisant sur la foi de notre propre expérience très poussée.
Nos amis américains ont appris leurs leçons à la dure. La FAA a amélioré les règles concernant la fatigue après l'écrasement d'un avion à Buffalo, à New York, en 2009, qui a fait 50 morts. L'enquête a conclu que la fatigue avait été un facteur déterminant dans ce tragique accident. Aujourd'hui, les règles relatives à la fatigue aux États-Unis limitent à huit heures le temps de vol des pilotes de nuit, si bien que ces règles sont encore plus exigeantes que ce que recommandaient les études scientifiques.
Nous ne devrions pas avoir besoin d'un accident pour améliorer les règles relatives à la fatigue. La fatigue affecte tous les pilotes. Les règles concernant la fatigue devraient reposer sur des preuves scientifiques et être inspirées de l'expérience et de la connaissance des pilotes qui volent de nuit. L'ACPA estime que tous les passagers et tous les pilotes canadiens ont le droit d'être protégés par un même niveau de sécurité.
J'espère que, dans son rapport, le Comité reconnaîtra la nécessité d'adopter un règlement solide, prescriptif et fondé sur les données scientifiques afin de protéger tout le monde contre les dangers que constitue la fatigue. Moi qui suis pilote, je peux vous dire, au nom de mes passagers et au nom de mes équipages, que la sécurité n'est pas simplement une bonne façon parmi d'autres de s'y prendre, car c'est la seule.
Je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé, et pour m'avoir écouté, et je suis prêt à répondre à vos questions.
Merci, madame la présidente et merci aux membres du Comité.
Je m'appelle Jordan Bray-Stone et je suis président du comité sur la réglementation et la sécurité au Syndicat canadien de la fonction publique. Le SCFP représente environ 9 000 agents de bord travaillant pour huit compagnies aériennes au Canada.
Je vais vous entretenir aujourd'hui du changement récent du rapport entre le nombre d'agents de bord et le nombre de passagers, à bord des lignes aériennes canadiennes. Le 1er août 2015, Transports Canada a en effet modifié le règlement pour ne plus exiger qu'un seul agent de bord pour 50 passagers, tandis que le rapport était, avant, de un pour 40 passagers. Dans bien des cas, cela a signifié la disparition d'un agent de bord dans les avions.
Nous avons fait remettre deux documents au Comité, un premier qui est un résumé de nos préoccupations et un autre qui est une explication complète de tous les problèmes que nous entrevoyons, avec documentation d'appui y compris des références qui viennent abondamment étayer nos dires, comme l'ont demandé certains membres du Comité.
Vous n'ignorez pas que le gouvernement précédent a modifié le règlement en 2015 après presque 20 ans d'insistance de la part de l'industrie. Les changements ont été faits en catimini et expédiés à la fin du mandat du gouvernement précédent, sans consultation publique. D'ailleurs, ce règlement n'a même jamais été publié dans la partie I de la Gazette du Canada.
Désormais, moins de membres d'équipage en cabine peuvent s'occuper des procédures régulières de sécurité et répondre aux événements imprévus en cours de vol. D'un autre côté, les conséquences éventuelles de cette mesure font l'objet de moins de surveillance réglementaire.
Comme vous pouvez le constater à la lecture de notre mémoire, nombre d'enquêtes et d'examens des faits sont parvenus à la même conclusion, soit que le rapport de 1 pour 50 n'est plus aussi sûr que le rapport antérieur de 1 pour 40, lequel avait lui-même soulevé des préoccupations en matière de sécurité.
Dans ses propres rapports, y compris ceux qui ont disparu de la circulation pendant une décennie et qui n'ont été récupérés que récemment par le SCFP par le biais d'une demande d'accès à l'information, Transports Canada est également très clair à ce sujet. Voici ce que nous avons appris:
Les arguments et les problèmes soulevés par ceux qui s'opposent à cette mesure convainquent que toute nouvelle diminution du nombre d'agents de bord pourrait avoir un effet négatif sur la sécurité et ne pas, évidemment, permettre d'amélioration de la sécurité.
D'ailleurs, le chef, normes relatives à la sécurité des cabines, à Transports Canada, avait notamment tiré la conclusion suivante en 2001:
On ne cesse de me répéter que ce n'est pas une décision sécuritaire, mais je ne suis pas d'accord et il est un fait que si le rapport a été modifié [...] il y aura bien évidemment des répercussions sur la sécurité et l'on se trouvera alors à abaisser les normes de sécurité, ce changement étant encore plus lourd de conséquences pour des avions plus gros.
Comme je suis le spécialiste de la sécurité dans ce domaine, non seulement je ne suis pas d'accord avec l'harmonisation de nos règles [avec celles des États-Unis], mais en plus, je m'y oppose.
On nous a dit que ce changement avait été réclamé par les compagnies aériennes pour leur permettre de faire face à leurs concurrents du Sud. Nous ne pensons pas que cela soit vrai. D'après les chiffres de Transports Canada, nous estimons que cela pourrait permettre une simple économie de 50 cents à un dollar par passager et par vol. Pour avoir permis ces soi-disant économies, nous voilà maintenant confrontés à de nouveaux dangers pour la sécurité et à une très nette dégradation du service offert aux Canadiens sur bien des itinéraires.
Transports Canada a reconnu que ce rapport ne peut pas donner lieu à un niveau de sécurité équivalant à celui d'un rapport de 1:40 et s'est borné à dire que le rapport de 1:50 correspond à une norme « acceptable ». Une norme « acceptable » n'est pas une norme équivalente. « Acceptable » n'a rien de sécuritaire.
De plus le SCFP maintient que l'évaluation du risque effectuée par Transports Canada en 2003 était défaillante parce que trop favorable à l'industrie, et qu'elle est maintenant complètement dépassée et déphasée étant donné le nombre de changements intervenus dans l'industrie depuis cette époque, surtout avec le renoncement à la surveillance réglementaire directe.
Votre comité est les yeux et les oreilles du public voyageur. Nous vous demandons d'exhorter le ministre à renverser la décision du gouvernement précédent et à en revenir au rapport de 1:40. Pour le moins, nous réclamons un examen indépendant du rapport 1:50, assorti d'une nouvelle évaluation complète du risque, avec la participation entière des intervenants et l'adoption de mesures correctives pour tout défaut constaté. Nous sommes convaincus qu'un examen impartial débouchera sur la même conclusion que celle à laquelle Transports Canada était parvenu en 2001, c'est-à-dire qu'un rapport de 1:50 n'est tout simplement pas sécuritaire.
Par ailleurs, nous exhortons le ministre et ses hauts fonctionnaires à collaborer avec nous pour envisager de véritables formes de consultation permanente tenant compte de la connaissance tout à fait particulière que nous avons de l'industrie, et à confier aux groupes de travailleurs un rôle plus utile dans la prise de décisions relatives à la réglementation.
Enfin, nous demandons à ce comité de surveiller davantage les fonctions de réglementation qui incombent à Transports Canada.
Je vous remercie beaucoup pour le temps que vous m'avez accordé.
Bonjour, je m'appelle Jerry Dias et je suis président national d'Unifor.
Unifor, qui compte 310 000 membres, est le plus important syndicat du secteur privé au Canada. Nous représentons 12 000 membres dans l'industrie de l'aviation réglementée par l'échelon fédéral. Je suis heureux de me retrouver devant ce comité pour parler de sécurité aérienne.
Dans notre mémoire, nous donnons des conseils sur trois grands ensembles de problèmes: les problèmes de personnel, l'application et le suivi de la loi et le fonctionnement des infrastructures. Comme nous sommes limités par le temps, je me concentrerai sur la question du fonctionnement des infrastructures aéroportuaires ainsi que sur celles de la surveillance et du suivi de la loi.
Nos membres qui travaillent dans des aéroports sont de moins en moins bien payés et sont de plus en plus nombreux à occuper un emploi précaire. Il s'agit là d'un phénomène très bien documenté qui retient de plus en plus l'attention de la presse.
En revanche, ce qui est sans doute moins bien documenté ou moins bien compris, c'est le lien qui existe entre les emplois précaires, la sécurité au travail et la sécurité aéroportuaire. En 2003, des chercheurs de l'institut des relations industrielles de l'université Berkeley, en Californie, ont conclu que l'amélioration de la qualité des emplois offerts aux travailleurs les moins payés et occupant les postes les moins stables à l'aéroport international de San Francisco, avait considérablement diminué le taux de roulement et amélioré le rendement au travail. Cette amélioration a même conduit à une diminution du nombre d'infractions à la sécurité et à une augmentation du bilan à cet égard. Plutôt que d'être constamment stressés et de se sentir obligés de faire plus d'heures de travail pour boucler leurs fins de mois, les travailleurs de l'aéroport ont pu bénéficier de plus de formation, d'un salaire plus élevé et, ce faisant, ils sont parvenus plus facilement à se concentrer sur leurs tâches qu'ils réalisaient mieux.
De nos jours, la qualité des emplois dans les aéroports canadiens ne cesse de se dégrader et notre réseau de transport risque de plus en plus de subir les conséquences d'infractions à la sécurité et d'accidents au travail. À l'instar de ce qui s'est passé à l'aéroport de San Francisco avant les changements, la diminution de la qualité des emplois a donné lieu à une augmentation du taux de roulement. Dans certains cas, ce taux de roulement est si important que les nouveaux employés sont formés par des collègues ayant moins d'un an d'ancienneté. L'expérience et la compétence ont été perdues. La majorité des travailleurs qui restent occupent plusieurs emplois et font des quarts de travail prolongés pour boucler les fins de mois.
L'une des principales pratiques qui a conduit à cette situation tient au fait que les autorités aéroportuaires misent beaucoup trop sur les processus d'appel d'offres ou de transfert des contrats. Cette pratique est utilisée comme tactique pour intensifier la concurrence et maintenir les prix à la baisse. Cette situation de forte contrainte oblige les entrepreneurs à se faire concurrence uniquement sur la base des prix les moins bas qu'ils vont pouvoir offrir à leurs employés plutôt que sur la qualité avec laquelle ils peuvent réaliser leur travail. L'industrie de l'aviation est d'autant plus vulnérable aux accidents et aux infractions à la sécurité.
Unifor recommande quatre mesures précises que le gouvernement pourrait immédiatement mettre en oeuvre. Premièrement, il pourrait limiter le nombre d'entreprises autorisées à offrir les services de manutention au sol; deuxièmement, il serait possible d'améliorer la qualité des emplois dans les aéroports en adoptant sans tarder un salaire minimum de 15 $ de l'heure, des congés de maladie payés, des emplois à temps plein et des emplois permanents ainsi que des horaires de travail acceptables; troisièmement, il devrait consentir des droits de succession aux travailleurs à l'étape des sous-contrats et des appels d'offres dans les aéroports.
Le second aspect sur lequel je m'attarderai aujourd'hui est celui des inspecteurs du contrôle de la circulation aérienne ou ATC. Ces personnes supervisent les contrôleurs aériens et leur accordent leur licence. Elles supervisent en outre l'application des normes et des procédures en matière de contrôle de la circulation aérienne au Canada. Ce travail a bien évidemment une incidence directe sur la sécurité de l'aviation. Actuellement, le nombre d'inspecteurs ATC est dangereusement faible. Leur taux de roulement est élevé et leur maintien en poste est devenu problématique. L'augmentation de la charge de travail et du niveau de stress ne sont qu'une indication parmi d'autres que les inspecteurs de l'ATC sont surchargés et en sous-effectif.
Unifor recommande le déblocage de ressources additionnelles pour assurer la formation et le perfectionnement professionnel, ainsi que favoriser l'embauche de nouveaux inspecteurs possédant les qualifications appropriées. Le Canada doit pouvoir compter sur un système réglementaire solide prolongé par de véritables inspections et par un régime d'application du règlement qui soit robuste afin de garantir la sécurité et la sûreté des travailleurs en aéronautique...
Je sais. Je suis certaine qu'on va ensuite vous poser beaucoup de questions. Les interprètes n'arrivent pas à vous suivre. Il vous reste encore une minute.
J'ai donc le temps de revenir sur mes recommandations. Il est donc question de mobiliser d'autres ressources pour la formation et le perfectionnement professionnel et d'engager d'autres inspecteurs possédant les qualifications appropriées. Le Canada a besoin d'un système réglementaire prolongé par des inspections véritables et par un système d'application du règlement qui soit robuste afin de garantir la sécurité et la sûreté des travailleurs de l'aviation, des voyageurs et du public. Toutes ces recommandations vont dans le sens d'un maintien et de l'amélioration de la sécurité aérienne au pays.
Je vous remercie et je suis prêt à répondre à vos questions, mais si j'ai été trop vite, je pourrai toujours vous parler maintenant de mes autres recommandations.
Je crois que vous aurez l'occasion d'y revenir, monsieur Dias. En général, notre comité pose toujours beaucoup de questions et vous êtes tous porteurs d'une masse de connaissances dans laquelle nous voulons puiser.
Afin de donner à tous la possibilité de poser leurs questions, nous allons tout de suite commencer par M. Berthold.
Je vous félicite, monsieur Dias, de votre prestation.
J'aimerais poser un bon nombre de questions à chacun d'entre vous. Cet avant-midi, plusieurs témoins nous ont parlé de lacunes en matière de sécurité aérienne. Un ancien juge ayant présidé une commission d'enquête à la suite de l'accident de Dryden a livré un témoignage. Les commissions d'enquête sont souvent créées après des incidents, quand il est trop tard, malheureusement.
Quelle est votre avis sur la tenue d'une commission d'enquête concernant la sécurité aérienne au Canada?
Ne reste-t-il que des ajustements à faire ou doit-on aller plus en profondeur?
J'aimerais entendre les commentaires de chacun d'entre vous.
Je félicite le juge Moshansky parce qu'il a véritablement changé le visage de l'aviation canadienne et qu'il a amélioré la sécurité aérienne. J'apprécie beaucoup son opinion qui a énormément de poids. Il a suggéré une approche radicalement différente en matière de sécurité aérienne, en ce sens qu'il a considéré que l'accident était attribuable à tout le système, que ce n'était pas simplement un événement isolé et qu'il fallait donc se pencher sur les risques latents de nature systémique. Il faut donc aborder cette question de façon très constructive, réfléchie, et il faut pour cela tenir compte de l'avis des experts dans la façon d'examiner la structure et de voir dans quelle mesure les morceaux s'emboîtent.
Nous savons à présent qu'un des problèmes importants qui n'est pas encore réglé, et qui dure depuis longtemps, est celui de la fatigue des équipages. Voilà pourquoi l'Association des pilotes d'Air Canada juge important d'instaurer un niveau de sécurité au Canada pour tous les Canadiens et d'éviter que les différents secteurs de l'aviation se fassent concurrence entre eux.
Nous serions bien évidemment d'accord avec la tenue d'une enquête, parce qu'il reste encore beaucoup de choses non réglées, comme les intervenants précédents l'ont fait remarquer.
Comme elle est un élément déterminant de la sécurité, la fatigue sera mentionnée par tout le monde aujourd'hui. Unifor ne fait pas de différence entre l'équipage d'un avion transportant des passagers et celui d'un avion transportant du fret. La fatigue, c'est la fatigue. On ne peut contester les constats scientifiques auxquels on est parvenu après une analyse du secteur. Le vol de nuit est plus délicat que le vol de jour, parce que l'organisme humain réagit différemment. D'aucuns affirment qu'on peut arriver à entraîner l'organisme, mais je ne suis pas d'accord.
Monsieur Dias, je suis intéressé par le sujet de la fatigue et nous le traiterons sûrement plus tard. Je voulais vraiment avoir votre opinion sur la commission d'enquête. Vous me l'avez donnée et je vous en remercie.
Je veux être certain d'avoir le temps d'entendre M. Bray-Stone répondre à cette question, également.
Nous serions très certainement d'accord avec la tenue d'une enquête et je suis surtout d'accord avec ce qu'a dit M. le juge, soit qu'une enquête officielle est l'une des seules façons de parvenir à la vérité. On sait ce qui se passe véritablement quand on s'entretient avec les employés de première ligne. Nous vivons cela au quotidien, au plein sens du terme. Les employés de première ligne ont souvent l'impression qu'ils ne devraient pas parler, par crainte de représailles. Une enquête officielle donne la possibilité à tout le monde de s'exprimer sans crainte et en complète honnêteté.
Nous sommes aussi d'accord avec ce que le juge a dit quant au fait que notre industrie a subi de profonds changements et qu'il est grand temps d'analyser ce qui s'y passe de façon détaillée, puisqu'un tel examen n'a pas été effectué depuis longtemps.
Monsieur Hogan, je comprends qu'une partie de l'enquête porte sur la fatigue. Tout en considérant l'industrie, quelle est, en général, votre opinion sur une commission d'enquête portant sur la sécurité aérienne?
L'aviation ne pardonne absolument aucune erreur et le juge Moshansky a souligné qu'on n'a pas tenu d'enquête de sécurité depuis très longtemps. Je pense que la dernière remonte à 28 ans. Il est peut-être grand temps que nous examinions le système aéronautique dans son ensemble et que nous le soumettions à une évaluation complète. Le fait que nous nous retrouvions tous autour de cette table montre que cela soulève des inquiétudes, parce que sans l'organisme de réglementation, nous n'aurions pas ce genre de discussion.
Nous estimons effectivement qu'il est grand temps d'améliorer la sécurité aérienne sur tous les fronts. Certes, il y a bien sûr la question de la fatigue qui nous intéresse au premier chef.
Maintenant que nous connaissons votre intérêt pour une commission d'enquête qui nous permettrait d'aller plus loin, ce serait bien si chacun de vos groupes étoffaient ce genre de demande. Par exemple, qu'est-ce qu'une commission d'enquête pourrait apporter et quels sont les risques? Je pense que ce serait important. Comme le mentionnait mon collègue, les statistiques nous démontrent que les incidents diminuent malgré les problèmes liés à la fatigue et aux agents de bord. En ce qui concerne le personnel dans les aéroports, c'est un nouveau dossier sur lequel il va falloir se pencher.
On sent que la préoccupation de la sécurité est plus forte dans toutes les industries et les syndicats. En même temps, nous voudrions aller encore plus loin. Ce serait donc bien si vous pouviez étoffer davantage cette demande.
Il y a une autre chose que je tenais absolument à dire. Certaines personnes font la distinction entre le transport de marchandises et le transport de passagers. Je suis député de la région de Lac-Mégantic, où un train sans passager a tué 47 personnes. Vous comprendrez qu'il s'agit là, à mon avis, d'un enjeu où on ne doit prendre aucun élément à la légère. Selon moi, lorsqu'il y a des lacune en matière de sécurité, le risque potentiel est le même, qu'on transporte des marchandises ou des passagers. Je pense qu'il est absolument nécessaire que nous nous penchions sur cet aspect. Il ne devrait pas y avoir deux niveaux de sécurité, ni dans le transport ferroviaire ni dans le transport aérien.
Merci, monsieur Berthold. Je suis désolée que personne n'ait le temps de vous répondre. Je vais vous accorder un dépassement pour que vous puissiez poser votre question.
Un peu plus tôt, des témoins à distance nous ont dit qu'il faudrait bloquer une fenêtre entre 4 heures et 6 heures durant laquelle les commandants de bord ne devraient pas voler. Comme l'a laissé entendre M. Dias, l'organisme humain est ce qu'il est. Je comprends que certains types de vols peuvent être plus épuisants que d'autres, mais au bout du compte, toutes les heures de vol se ressemblent. Ça, c'est scientifique.
Ma question est simple. La gestion du risque associé à la fatigue ne devrait-elle pas reposer sur les données scientifiques? Je crois que vous avez parlé du fait que vous êtes un peu en désaccord par rapport à la science dans votre mode d'exploitation.
Certainement. Voilà une bonne remarque. Tout d'abord, la fatigue ne fait pas de discrimination. Nous avons tous la même physiologie. La science a établi que, peu importe que l'on soit manutentionnaire au sol, mécanicien ou agent de bord, on subit les mêmes effets de la fatigue sur le rendement au nadir, soit le point le plus bas du rythme circadien, entre 2 heures et 6 heures.
C'est un aspect déterminant quand il s'agit de gérer globalement les risques associés à la fatigue... Je ne suis pas en train de dire que le simple fait de ne pas avoir eu d'accident ou d'incident dans le passé signifie que tout va bien. Tout cela se ramène à une question d'exposition au risque et d'anticipation des risques afin de les réduire. On ne peut envisager la sécurité a posteriori. Les performances du passé ne sont pas garantes des performances dans l'avenir. Il va nous falloir, dans le secteur de l'aviation, adopter des règles prescriptives s'appliquant à tous les aspects, qu'il s'agisse de la partie 703, de la 704 ou de la 705, dans le cas par exemple des compagnies de transport de fret, parce que tous les pilotes, absolument tous ceux qui travaillent dans ces secteurs, ressentent les mêmes effets physiologiques.
Si nous voulons véritablement réduire ces risques pour toute la population canadienne, nous devrons appliquer ces règles à tous les domaines de la sécurité aérienne.
S'agissant de systèmes de gestion du risque associé à la fatigue, nous estimons que ce système doit être fondé sur des données scientifiques, mais le plus important, en matière de système de gestion du risque associé à la fatigue, c'est qu'il faut justement pouvoir compter sur des règles prescriptives, fondées sur la science, et surimposées à des données obtenues d'ActiGraph ou de FitBit pour en assurer l'objectivité. Vous voyez de quoi je parle. Cela ne ment pas. Puis, à partir de là, au cas par cas, on peut alors adapter le système de gestion du risque lié à la fatigue, mais en arriver à un tel système sans d'abord disposer d'une réglementation prescriptive fondée sur des données scientifiques revient à donner un blanc-seing pour exploiter davantage le système. Il faut ensuite considérer la sécurité et les coûts. Dans ces cas de figure, on n'accorderait alors pas la priorité à la sécurité.
Parfait. Un exemple de la vie réelle. Je crois vous avoir entendu dire que vous pilotez pour un transporteur en particulier. Est-ce que la compagnie pour laquelle vous travaillez assure des liaisons sur le Pérou?
Il se trouve que j'ai pris un de ces vols qui a décollé bien après minuit et qui a été très long. Pourriez-vous nous donner une idée de ce qui se passe pour les pilotes dans ce genre de situation?
Bien sûr. Tout d'abord, les gens ignorent peut-être que, dans l'industrie canadienne de l'aviation, les pilotes évoluent en fonction de conditions de travail très différentes d'une compagnie à l'autre. Le règlement de l'aviation canadien établit une norme minimale à respecter et je peux vous garantir que les acteurs de l'industrie se font concurrence sur le plan de la sécurité et que, dans bien des cas, ils ne respectent pas les normes... De très rares exploitants appliquent les niveaux minimums de sécurité établis par Transports Canada. Par exemple, Rouge, la filiale à 100 % d'Air Canada, et cependant entièrement indépendante dans son fonctionnement, n'applique pas les mêmes normes que la compagnie mère pour demeurer concurrentielle. Elle mise essentiellement sur la gestion de la sécurité. Elle applique la norme minimale et pas la norme la plus élevée. À l'Association des pilotes d'Air Canada, nous estimons qu'il ne devrait y avoir qu'une seule norme au Canada pour tout le monde.
J'ai rencontré des responsables d'associations qui représentent des pilotes. Or la gestion de la fatigue est un enjeu qui les préoccupe. J'aimerais que vous me disiez en quoi, selon vous, la fatigue ou le degré de fatigue varie selon qu'ils s'agisse d'un vol de longue durée ou d'une série de vols plus courts impliquant nécessairement plus d'atterrissages et de décollages.
Tout à fait. Il y a plusieurs choses à considérer ici.
Quand on pense à la fatigue, il faut penser au déficit de sommeil, à la durée d'une affectation et au rythme circadien. Dans le cas d'un vol long-courrier, il y a énormément de tâches à accomplir et des changements de fuseau horaire qui influent sur le rythme circadien et induisent éventuellement un manque de sommeil de même qu'une perturbation des habitudes de sommeil, surtout quand il n'y a pas suffisamment de périodes de repos de prévues à l'arrivée. Cela étant posé, il y a la situation des petits transporteurs que j'ai moi-même vécue. J'ai déjà fait ça. J'ai volé dans l'Arctique. J'ai piloté de petits avions. C'est très fatigant quand vous franchissez différents secteurs et que vous effectuez de multiples décollages et atterrissages qui constituent les segments les plus dangereux d'un vol. La majorité des incidents et des accidents se produisent en effet au décollage ou à l'atterrissage. Ainsi, à la suite de l'enquête sur le vol 3407 de Colgan Air, le NTSB a indiqué que les risques d'accident ou d'incident sont huit fois plus élevés pour des atterrissages entre minuit et 5 heures et que, pour les décollages entre minuit et 5 heures, le risque d'incident ou d'accident est alors 10 fois plus élevé.
Il est extrêmement épuisant de devoir effectuer des décollages et des atterrissages multiples en une journée, si bien que le pilote et les personnes qu'il transporte sont exposés à plus de risques.
L'agent de bord que je suis et qui dépend des pilotes pour sa sécurité appuie tout à fait les propos de M. Hogan. Pour nous, les long-courriers sont synonymes de franchissement de fuseaux horaires et de perturbations des rythmes de sommeil et, pour les court-courriers, ce sont les tâches répétitives et la précipitation à bord qui nous fatiguent. Après plusieurs segments, on se rend compte qu'on est vanné et c'est là que l'on risque de passer à côté de quelque chose.
Je vous remercie notamment pour ce que vous avez dit en réponse à la question de mon collègue M. Berthold. Vous démontrez assez clairement, comme l'a fait l'ancien juge avant vous, que la présente étude nous donne un aperçu du problème, qui est en réalité plus large et qui mériterait davantage que les six heures que nous pouvons y consacrer pour le moment.
Je tenterai de revenir à la question de la fatigue, mais comme on en parle beaucoup, je veux m'assurer de couvrir aussi d'autres enjeux, entre autres le ratio des agents de bord. J'ai toujours un sourire en coin quand, lors d'un vol, j'ai la chance d'occuper les deux sièges situés près du hublot central — ce qui me permet de disposer de plus d'espace pour mes jambes — et qu'un agent de bord vient m'expliquer en deux minutes quelles seront les mesures d'urgence à appliquer si un problème survient.
Dans de tels cas, comme on se sent en sécurité, on se dit qu'on n'aura pas à appliquer ces mesures. Or je voudrais comprendre quel est le risque réel associé au fait que le ratio soit passé de 1/40 à 1/50.
L'un de nos principaux soucis est l'augmentation de la charge due à un sous-effectif à bord. Il n'a finalement pas été mentionné dans la réglementation qu'il faudrait avoir suffisamment de personnel pour surveiller toutes les issues. De nombreuses études réalisées par des organismes d'enquête et par des commissions gouvernementales au fil des années ont établi que les passagers ne sont tout simplement pas mentalement prêts, et qu'ils n'ont certainement pas non plus la formation voulue, pour s'occuper d'une issue de secours en cas d'urgence et que leur manque de conscience de la situation ou leur incapacité à agir comme il se doit et à prendre des décisions instantanées susceptibles de leur être fatales peuvent être lourdes de conséquences.
Le NTSB a publié une étude portant sur une quarantaine d'écrasements d'avion. Cette étude a conclu qu'il n'est jamais arrivé une seule fois qu'un agent de bord ouvre une issue de secours de manière inopinée ou qu'il ne l'ait pas ouverte tandis qu'il l'aurait dû, tandis qu'il a été établi que des passagers ont ouvert ces issues pendant qu'un feu faisait rage à l'extérieur et qu'il y avait de la fumée, ce qui avait gêné l'évacuation.
C'est là une des choses qui nous inquiète le plus dans le cas du rapport du nombre d'agents de bord au nombre de passagers. Il est toujours possible que le passager, assis à une des places jadis occupées par un agent de bord, à qui l'on demande d'ouvrir une issue — par exemple la sortie R3 sur l'Airbus A330 — ne soit pas en mesure de le faire au moment voulu ou qu'il l'ouvre alors qu'il ne le devrait pas. Si les flammes à l'extérieur se répandent dans la cabine, il ne faut que quelques secondes pour que tout s'embrase. C'est à cause de cela que les gens meurent, ils meurent à cause des gaz produits au moment de l'embrasement. Voilà pourquoi la norme appliquée à l'ensemble de l'industrie fixe le temps d'évacuation à 90 secondes.
Monsieur Dias, vous indiquez dans votre rapport, que j'ai lu à l'avance, que la direction responsable de la sécurité aérienne au ministère des Transports est surchargée et manque de ressources.
Pourriez-vous illustrer par un exemple concret l'impact que ce manque de ressources a sur le travail des contrôleurs aériens et les risques auxquels le public est exposé?
Nous avons passé beaucoup de temps à parler des horaires de travail. En matière de fatigue, il est évident que les mêmes constats s'appliquent à un pilote, à un agent de bord ou à un contrôleur de la circulation aérienne. Où se situe la limite de ce qu'on peut endurer en une journée?
J'aimerais placer votre question sous un jour différent, si ça ne vous dérange pas.
Vous savez de quoi nous parlons. Nous parlons d'argent. Tout se ramène à l'argent, que ce soient les horaires de travail d'un pilote, d'un inspecteur du contrôle de la circulation aérienne ou de la réduction du nombre d'agents de bord ou encore du problème de transfert de contrat, tout se ramène à une question d'argent. La question de la sécurité des vols, la sécurité dans l'industrie de l'aviation... tout n'est qu'argent.
Il faut donc tenir compte de ce point de vue. Le défi auquel sont confrontés les différents groupes que nous représentons découle d'un état d'esprit voulant qu'il faille faire plus avec moins. Si vous voulez que nous parlions de la sécurité de la circulation aérienne, de la sécurité aérienne, nous devons nous rendre à l'évidence et l'évidence, c'est que tout le monde veut économiser.
Je ne vais poser qu'une dernière question, étant donné qu'il me reste environ une minute.
Monsieur Hogan, depuis le début de nos discussions, les mots « accident » et « incident » ont parfois été utilisés comme des synonymes. S'il est vrai que les statistiques démontrent clairement une diminution du nombre d'accidents, malgré l'augmentation du nombre de vols, il semblerait que la quantité d'incidents se soit accrue.
Dans certains rapports, on parle d'aspects d'atterrissages difficilement contrôlés qui sont liés à des turbulences plutôt qu'à la fatigue.
Ma vision des choses est-elle exacte, monsieur Hogan?
Le milieu de l'aviation est très certainement dynamique. Il existe toutes sortes de menaces qui pèsent sur la sécurité aérienne à cause des changements climatiques, des drones, des lasers, des pressions économiques et ainsi de suite... il y a tout ça. Répétons cette vérité: en la matière, le passé n'est pas garant de l'avenir. Ce n'est pas parce qu'on a eu un accident ou un incident dans le passé qu'on est une compagnie dangereuse; ce n'est pas parce qu'on n'a pas eu d'accident ou d'incident qu'on est une compagnie sûre. Tout cela nous ramène à la question de la réduction des risques et de l'évaluation de ces risques. La clé du SGS n'est pas la réactivité, mais la proactivité.
Nos voisins du Sud ont donc connu un incident catastrophique. J'espère que nous n'allons pas nous en remettre à un texte de loi général pour faire avancer la réglementation de la fatigue à partir de données scientifiques. Je ne pourrais affirmer s'il y a un lien causal, mais le dernier accident mortel qui soit arrivé à une compagnie aérienne relevant de la partie 121, aux États-Unis, a été celui du vol 3407 de Colgan Air, le 12 février 2009. Depuis, il n'y a plus eu un seul mort associé à un accident ou à un incident aux États-Unis.
Chose intéressante, les Américains avaient créé une exception pour les équipages d'avions cargo et les règles sont très différentes de celles régissant la fatigue. C'est à cause de cela qu'il y a eu l'accident de Birmingham, en Alabama, le 14 août 2013.
Excusez-moi, monsieur Hogan. Ce que vous disiez était tellement intéressant que j'ai permis au député de bénéficier de toute une minute supplémentaire, mais je vous invite à revenir là-dessus en réponse à une question que vous posera quelqu'un d'autre.
Vous avez parlé de journées qui pouvaient atteindre 17 heures. Je suppose que cela doit se produire dans des situations exceptionnelles, mais il serait bon de savoir deux choses: premièrement, où se situe généralement la moyenne — à quoi ressemble l'écart — dans le cas de la compagnie mère, par rapport à Rouge. À qui faut-il s'adresser pour obtenir ces données?
C'est sans doute très possible de les obtenir et si vous me le permettez, je vais essayer de le faire pour vous.
Cela étant posé, vous venez de faire une remarque très intéressante, parce que l'horaire de travail des pilotes de la compagnie mère, Air Canada, tient compte du moment de la journée. À Rouge, seul le minimum réglementaire est appliqué dans l'absolu et, encore une fois, ce n'est qu'un minimum. Cela ne représente pas la pratique exemplaire de l'industrie. Il ne s'agit pas d'un règlement fondé sur des données scientifiques. C'est l'un des pires règlements au monde en matière de temps de vol et de temps de service.
Un des témoins qui vous a précédé — et je crois que c'était à propos de statistiques qu'on nous avait remises — a laissé entendre que les risques sont à la hausse. Il y a de plus en plus de vols, de plus en plus d'avions dans les airs et ainsi de suite. Cependant, d'un autre côté, comme les incidents sont maintenant déclarés, on sait que le nombre d'incidents par 100 000 heures de service, par exemple, est à la baisse. Ce témoin a parlé de « complaisance ». A-t-on évité des accidents par chance ou parce que les mécanismes en place sont adéquats?
Après avoir visité la ville de M. Berthold et avoir constaté les dégâts occasionnés par l'accident ferroviaire qui s'y est produit, après avoir également entendu répéter les mêmes choses à ce comité que celles que nous avons entendues lors de l'étude sur les chemins de fer, particulièrement à propos de l'efficacité du modèle de système de gestion de la sécurité, j'aimerais vous entendre chacun répondre à une question.
Il est dit que le système de gestion de la sécurité doit reposer sur une véritable collaboration entre l'organisme de réglementation, les exploitants et le personnel. Tout le monde participe et l'on obtient de bons résultats à terme. Tout cela dépend de la confiance mutuelle et de l'objectivité, surtout pour la surveillance, de sorte que l'organisme de réglementation ne soit pas confiné à un rôle d'exécuteur des basses œuvres, mais qu'il puisse véritablement participer à l'amélioration du système. Cependant, on nous parle d'un déficit de bonne volonté ou du niveau de confiance envers le système.
Je m'adresse à vous trois. Doit-on faire fond sur le système de gestion de la sécurité ou doit-on envisager quelque chose d'autre?
L'enquête sur l'accident ferroviaire de Lac-Mégantic a mis en exergue la diminution du nombre d'inspecteurs à Transports Canada. On a en effet constaté une diminution considérable du nombre d'employés chargés de faire appliquer le règlement.
Finalement, une grande partie du contrôle de la réglementation se fait à l'interne, au sein des compagnies. Autrement dit, ce sont les employeurs qui s'autodisciplinent, raison pour laquelle nous avons toujours insisté sur le rôle que doit assumer Transports Canada et sur la nécessité d'augmenter le nombre d'inspecteurs. Pour qu'un tel système fonctionne, c'est-à-dire les SGS, vous avez raison en disant qu'il faut pouvoir compter sur une véritable collaboration entre tous les acteurs, y compris les syndicats et la direction des entreprises, mais bien sûr aussi, le gouvernement.
Et c'est là, selon moi, que plus rien ne va, parce qu'on compte davantage sur l'autonomie d'action des exploitants que sur l'application de la réglementation, sous la surveillance de tiers.
Le plus gros problème avec le SGS, c'est qu'au départ c'était censé être une des couches d'un sandwich. Si c'est effectivement une couche dans un sandwich, c'est une couche délicieuse. Cependant, si vous vous retrouvez avec une seule tranche de tomate, le sandwich n'est plus aussi bon. J'ai lu un rapport de l'AFPC, le syndicat qui représente la plupart des inspecteurs de Transports Canada, qui était très révélateur au sujet des changements survenus et de cette tendance à essentiellement valider les évaluations internes dont M. Dias parlait. Celles-ci sont tout simplement contrôlées par une personne formée pour faire des audits et pas en tant qu'inspecteur de plein titre.
Je vais donner le dernier mot au commandant Hogan.
Dans vos fonctions, dans le genre de travail que vous faites, dans quelle mesure êtes-vous au courant du système de gestion de sécurité? Êtes-vous concerné et y participez-vous?
Je suis bien sûr au courant de ce système de gestion de la sécurité. Je me suis entretenu avec les gens de Transports Canada à ce sujet, lors de la conférence sur les facteurs humains liés à la maintenance des aéronefs coordonnée par Jacqueline Booth. Il se trouve que, lorsque le SGS a été mis en place au Canada, du moins dans le milieu de l'aviation, l'information n'a pas été protégée au départ.
Une dimension importante du SGS est l'anonymat pour supprimer tout risque de représailles à la suite d'un compte rendu, mais il existe deux parties différentes pour le SGS. Il s'agit d'abord d'une approche proactive en matière d'atténuation du risque et aussi d'une approche réactive. Selon moi, au Canada, nous avons plutôt tendance à réagir. L'anticipation est coûteuse, mais il n'y a qu'une seule chose qui soit importante: la sécurité.
Aux États-Unis, il a été prouvé à maintes reprises que si l'on s'intéresse avant tout à la sécurité et si l'on ne dit pas simplement que la sécurité est la première priorité... Regardez ce qui se passe chez nos voisins: ils ont enregistré des bénéfices record depuis l'application de la FAR 117 aux compagnies aériennes, en 2014. Vous vous souviendrez de l'accident de Birmingham, en Alabama, à l'époque où les Américains avaient prévu une exception pour les compagnies de transport de fret. Le NTSB a directement attribué cet accident à la fatigue. Les Américains venaient de perdre un Airbus A300 qui s'approchait de Birmingham.
Je vais commencer par la question que vous avez soulevée, monsieur Dias, et qui, je crois, n'a effectivement pas été abordée dans les autres questions. Elle concerne le perfectionnement professionnel. J'estime que le milieu de l'aérospatial est l'un des plus novateurs au monde. C'est vrai. Je pense que, dans 10 ans d'ici, cette industrie n'aura rien à voir avec celle que nous connaissons aujourd'hui, qu'il s'agisse de la manutention des bagages ou du rôle des agents de bord et des pilotes qui exploiteront un matériel différent. L'idée d'investir dans la formation professionnelle pour composer avec la nature changeante de n'importe quelle industrie m'intéresse beaucoup. Dans le secteur de l'aviation, dans quelle situation devrait-on avoir recours à la formation professionnelle pour obtenir le genre de résultat dont vous avez parlé, c'est-à-dire pour faire en sorte que ceux qui occupent des emplois temporaires se sentent davantage valorisés et qu'ils améliorent leur performance, cela pour éventuellement permettre aux employeurs d'économiser à terme?
C'est que la technologie change si rapidement. Je travaille au contact de différentes industries, comme celle des véhicules autonomes, dans l'industrie automobile. Nous pourrions commencer par transposer ce qui s'y fait au secteur de l'aviation.
Je suis chaudronnier aéronautique chez Bombardier, mais cela ne fait pas de moi un expert en aéronautique. Si vous voulez vous pencher sur la question de la formation professionnelle, vous devrez examiner l'ensemble du spectre professionnel. Personnellement, je commencerais par les emplois les plus sensibles sur le plan de la sécurité, comme les inspecteurs de la circulation aérienne. Je commencerais par former les gens pour Transports Canada, par insister davantage sur les emplois les plus sensibles en matière de sécurité au sein de l'industrie et je commencerais par réaliser des investissements à ce niveau.
C'est excellent. J'invite les autres témoins à répondre également. Y a-t-il d'autres secteurs auxquels vous pourriez penser dans votre industrie où la formation en cours d'emploi permettrait d'améliorer la sécurité?
Je sais que dans d'autres pays, les agents de bord font leur formation périodique plus fréquemment. Avec tous les changements qui se produisent, qu'on soit d'accord ou pas, nous devons nous y faire et nous gagnerions sans aucun doute à suivre des formations plus d'une fois par an. On s'étonne toujours, lors de nos formations, de constater tout ce qu'on a pu oublier.
Le meilleur système de sécurité à bord d'un avion est un pilote bien entraîné. On s'est surtout attardé aux coûts. Au Canada, nous avons adopté un système appelé PAQ, pour Programme avancé de qualification. Pour un néophyte, on pourrait simplement parler de « patente à réduire les coûts ». Avant, nous effectuions un contrôle en vol tous les six mois, mais nous sommes passés à un tous les huit mois. Donc, sur une période de 24 mois, cela fait un contrôle de moins et la responsabilité repose ensuite sur les épaules de chaque pilote. Quand on ne s'entraîne plus aussi souvent, la pression est grande. Vous vous entraînez quand vous volez et la fréquence des vols devient alors très importante.
Par ailleurs, toujours sur le même sujet, tant qu'à être contrôlé par un inspecteur de Transports Canada, je veux être sûr que celui-ci a été correctement formé et qu'il est courant des systèmes très complexes utilisés, de la réglementation et du reste. Tout cela est très technique.
Le groupe de témoins qui vous a précédé a parlé des inspecteurs de Transports Canada qui devraient bénéficier d'un entraînement en vol et pas simplement sur simulateur. Jugez-vous cela important?
Merci, commandant Hogan, de nous avoir parlé des fuseaux horaires. Comment tenez-vous compte de ces fuseaux horaires dans le nombre d'heures de vol que vous pouvez effectuer? Comment calculez-vous cela?
Je parle des vols long-courriers, ceux qui vous amènent à franchir différents fuseaux horaires. Comment, à partir de là, calculez-vous le nombre d'heures de vol maximum?
Pour le moment, il n'y a pas de différence dans le règlement de l'aviation canadien. Vous pouvez voler 14 heures avec deux pilotes à bord et même pousser jusqu'à 17 heures. On est en totale contradiction avec les données scientifiques.
Il y a cependant un espoir pour l'avenir. Dans le projet de règlement, il est question de tenir compte du moment de la journée. Nous estimons simplement que la nouvelle disposition ne va pas assez loin. En fait, nous ne demandons rien de plus que ce qu'ont recommandé les scientifiques de la NASA. La science est claire: le temps de vol pour les liaisons transocéaniques de nuit ne doit pas dépasser huit heures trente, un point c'est tout. Aux États-Unis, c'est huit heures et, en Europe, c'est neuf heures et demie. Nous voulons que soient respectés les constats scientifiques...
Tout à l'heure, j'ai posé une question au sujet de la fatigue et des types différents de fatigues, comme celle associée au long-courrier et la fatigue due à des atterrissages et à des décollages répétés. Vous m'avez, à grands traits, expliqué le moment où intervient la fatigue. Comme il ne peut y avoir de formule universelle, pouvez-vous me dire quel type de fatigue on retrouve dans ces trois genres d'activités que sont les vols de longue durée, les décollages et les atterrissages? Pourriez-vous tous trois me donner une brève réponse pour que le Comité dispose de ce renseignement?
J'ai déjà parlé de la fréquence des décollages et des atterrissages qui constituent les deux segments les plus épuisants d'un vol. Il faut aussi tenir compte de la durée du vol: plus le vol est long et plus le temps d'activité est long.
Il y a aussi la question du rythme circadien. Et puis, nous nous intéressons beaucoup à la période entre 17 heures et minuit parce que, si l'on décolle sans un équipage de relève à bord, c'est le même équipage qui doit poser l'avion au nadir de son rythme circadien. Pour les vols de moins de huit heures et demie, il n'y a pas de problème, mais pour les vols plus longs, la science est très claire: les études scientifiques de la NASA fixent la barre à huit heures et demie.
En matière de sécurité, on parle beaucoup du sommeil chez les pilotes.
Cela dit, s'il y avait une enquête sur la sécurité aérienne, quels autres éléments associés directement au travail des pilotes et comportant des risques pour la sécurité aérienne devraient-on étudier en priorité?
Tout d'abord, je tiens à féliciter le ministre qui a pris les devants dans la réglementation des drones. C'était, de sa part, une action sécuritaire et responsable.
Je tiens également à le féliciter pour l'atelier sur l'aptitude à voler qui aura lieu en juin. Nous y serons. Là aussi, il est très important de s'intéresser à la santé des pilotes.
De plus, il est selon moi très important de tenir compte de toutes les composantes de l'industrie et pas seulement du personnel navigant technique, le PNT. Je veux m'assurer que le personnel d'entretien, le personnel qui travaille à proximité des appareils et les agents de bord... Les agents de bord eux aussi effectuent avec nous des vols long-courriers et, au fur et à mesure de l'évolution technologique, ils seront exposés à de graves risques pour la santé.
D'accord, mais j'aimerais profiter de votre expertise pour savoir, selon le point de vue des pilotes, sur quels éléments nous devrions nous pencher pour améliorer la sécurité aérienne. Je ne minimise pas les autres aspects. Plusieurs questions ont été posées et, pour ma part, j'ai appris bien des choses, notamment sur les ratios 1/40 et 1/50, dont je ne comprenais pas vraiment l'impact. La réponse de M. Bray-Stone, qui était excellente, a réussi à nous sensibiliser à cette situation.
Cela dit, j'aimerais savoir, selon le point de vue des pilotes, quels éléments nous devrions aborder en priorité.
Comme vous venez de soulever le lièvre, je vais vous parler de cette règle du 1 pour 50 qui soulève de très sérieux problèmes de sécurité et de sûreté dans la cabine. À bord de petits avions, avec un rapport 1:50, il n'y a plus qu'un seul agent de bord en cabine; si celui-ci entre dans le poste de pilotage, il faut obligatoirement qu'un des deux pilotes le remplace derrière et laisse donc son collègue seul dans le poste. Même à bord d'un avion de 100 passagers, il faut qu'un agent de bord vienne s'installer dans le poste de pilotage pour permettre à l'un des deux pilotes d'aller aux toilettes. Dès lors, il n'y a plus qu'une seule personne en cabine pour s'occuper de 100 passagers. Voilà qui est préoccupant.
Il y a aussi les lasers qui nous préoccupent. Nous sommes très préoccupés par la question des drones, par la météorologie et par la sécurité des pistes. Cela fait 20 ans que le BST surveille de près tout ce qui concerne les aires de sécurité d'extrémité de piste. En parlant avec des inspecteurs de Transports Canada, nous avons appris que des centaines de mesures ont été annoncées dans des propositions de modification du règlement de l'aviation canadien, mais qu'aucune n'a été suivie d'effet.
Nous pourrions parler des pistes, nous pourrions parler des systèmes de navigation et des balisages lumineux de piste et d'approche. Dans les années 1990, nous sommes passés à un système où chaque aéroport a dû s'occuper de ces aspects. Nous avons Nav Canada, qui est à part, nous avons les aéroports, qui sont aussi à part, et nous avons un organisme de réglementation qui est peut-être absent, dans certains cas, mais il faudrait que quelqu'un assume une véritable surveillance de tous ces systèmes pour parvenir à une certaine cohérence.
Dans le cas des pilotes, on parle du sommeil. Ce dernier affecte directement les individus qui contrôlent les appareils. Je répète que je ne tiens nullement à minimiser les autres aspects de la sécurité. Il y a eu des cas où le pilote était sous l'effet de l'alcool. Cela s'est produit récemment et l'affaire a été largement médiatisée. Il va bientôt y avoir l'enjeu de la légalisation de la marijuana. Or, comme cette substance peut rester dans l'organisme assez longtemps, le fait qu'une personne en ait consommé au préalable peut causer un problème.
Je me demandais, étant donné que personne n'est parfait, si le système de sécurité dans les aéroports pouvait faire en sorte que des situations malheureuses de ce genre ne se reproduisent pas. Vous me direz sans doute que l'analogie n'est pas évidente, mais un représentant d'une compagnie de camionnage se questionnait sur la sécurité de son entreprise et se demandait quel contrôle il pouvait exercer pour que le transport s'effectue de façon sécuritaire, compte tenu de toutes les répercussions que peuvent avoir les incidents.
Dans le cadre du système actuel, s'assure-t-on que les pilotes qui prennent en charge l'appareil, les passagers et le matériel le font selon les règles?
Certainement. Vous venez de parler d'un incident qui a fait la une, d'un incident isolé où les risques étaient très élevés. Mais ici, nous parlons... Bien sûr, personne n'est d'accord avec l'idée qu'un pilote puisse prendre les commandes en ayant des facultés affaiblies, mais son état renvoie à tout un éventail d'autres problèmes, et pas seulement à ceux que vous venez de mentionner. Vous pouvez évidemment parler d'alcool, vous pouvez parler de drogue et vous pouvez parler de distraction, de même que de fatigue. Pour le NTSB, tout cela constitue des formes de facultés affaiblies.
Je le répète, nous sommes très encouragés par la réaction du ministre qui a tenu à organiser l'atelier « apte à voler ». Nous y voyons une approche particulièrement proactive. À Air Canada, mais c'est également le cas d'autres transporteurs, nous administrons un programme d'aide aux employés qui est très poussé et qui permet —encore une fois — de réduire les risques a priori pour que nous ne nous retrouvions pas dans le genre de situation que vous avez décrite.
De plus, et si voulez parler de facultés affaiblies, nous allons devoir parler de l'éléphant dans la pièce, c'est-à-dire de la fatigue. C'est un risque omniprésent qui menace toute l'industrie et auquel personne ne s'intéresse.
Je remercie beaucoup nos témoins pour les renseignements qu'ils nous ont fournis et il est possible que nous les invitions une autre fois.
Je m'adresse maintenant aux députés. Je vous invite à communiquer à la greffière le nom de tout témoin que vous aimeriez entendre lors d'une des deux réunions que nous avons ajoutées à notre étude.
Il y a aussi une question qui concerne la réunion de jeudi. Comme nous appliquerons alors l'horaire des vendredis, afin de pouvoir reporter la séance de 12 heures à 14 heures, plutôt que de la tenir de 11 heures à 13 heures, j'ai besoin du consentement unanime du Comité. Ai-je l'unanimité pour modifier notre horaire afin d'étudier le budget principal des dépenses en compagnie des deux ministres, jeudi prochain, de 12 heures à 14 heures?