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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités


NUMÉRO 059 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 mai 2017

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Français]

    Bonjour à tous et à toutes.
    J'aimerais savoir s'il y a consentement unanime pour que nous puissions entendre au moins un des témoins. Cela nous ferait gagner du temps par la suite. Si vous préférez que nous suspendions la séance, le temps d'aller voter et de revenir, c'est possible aussi.
    Je suis prêt à entendre vos propositions.
    Pour ma part, je suggère que nous entendions au moins un des témoins, avant de partir.
    J'interprète votre silence comme une absence d'objection. Alors, allons-y.
    En premier, je donne la parole à M. Marchi.

[Traduction]

    Bonjour, monsieur le président et chers membres du Comité.
    Je m'appelle Sergio Marchi et je suis président et PDG de l'ACE, Association canadienne de l'électricité, la voix nationale de l'électricité depuis 1891. Notre mémoire, rédigé au nom de nos membres, contient 10 recommandations qui, nous l'espérons, vous aideront dans vos délibérations.
    Un approvisionnement fiable en électricité est désormais indispensable dans une économie nationale se voulant concurrentielle et offrant une bonne qualité de la vie. Cependant, nombre de nos infrastructures arrivent au terme de leur cycle de vie utile, ce qui revient à dire que le Canada doit sérieusement réinvestir dans ses réseaux d'électricité. Plus précisément, le Conference Board a estimé que, jusqu'en 2030, nous devrons investir quelque 350 milliards de dollars. C'est pour cela que nos membres ont investi massivement à raison de près de 20 milliards de dollars par an dans leurs réseaux. Effectivement, au moins trois des cinq plus importants projets d'infrastructure des 10 dernières années ont été réalisés par notre secteur, selon le magazine ReNew Canada. Cette année, 7 des 10 plus importants projets de construction canadiens seront réalisés dans un domaine lié à l'électricité. Toutefois, ce rythme est insuffisant, et nous allons devoir nous adapter à de nouvelles technologies, à des sources de production différentes et à une demande changeante du côté de la consommation.
    Mon association est favorable à la création de la BIC, la Banque de l'infrastructure du Canada. À condition qu'elle soit bien pensée et correctement mise en place, cette banque pourrait énormément favoriser les investissements dans le secteur de l'électricité, de même que dans des industries clés qui sont essentielles au maintien de la prospérité économique et à notre avenir. À cet égard, l'ACE formule les recommandations suivantes.
    Premièrement, il conviendrait que la BIC accorde la priorité à des projets qui cadrent avec l'avenir énergétique vert du Canada afin de contribuer à des projets porteurs de changements, comme la modernisation du réseau d'approvisionnement, l'énergie distribuée, l'électrification des transports et la production d'énergie sans émissions. Il pourrait aussi être question de projets d'infrastructures vertes permettant de réduire l'empreinte au carbone du Canada et de faire en sorte que nous soyons plus résilients face aux changements climatiques.
    Deuxièmement, il y a lieu de tenir pleinement compte de chaque structure organisationnelle des participants de notre secteur, qu'elle soit publique, privée ou hybride.
    Troisièmement, il faut réserver un siège au conseil d'administration à une personne ayant de l'expérience dans le secteur de l'électricité, étant donné la très grande importance de celui-ci sur le plan économique.
    Quatrièmement, il faudra examiner toutes les stratégies de financement, tous les flux de revenus et tous les mécanismes d'atténuation des risques en vue d'optimiser le rendement, moyennant la plus petite contribution possible par les contribuables. Cela voudra dire un financement par actions, par investissements directs et par garanties de prêt.
    Cinquièmement, il est essentiel de tenir des consultations précoces avec les intervenants et de les maintenir. Cela supposera notamment la mise sur pied d'un comité consultatif composé de représentants de l'industrie, la réalisation d'un premier examen avant la limite de cinq ans et la codification d'un processus de demandes qui soit transparent et efficace.
    Sixièmement, la BIC devrait faire office d'organisme centralisateur pour le gouvernement fédéral en vue d'améliorer les processus d'approbation.
    Septièmement, il est essentiel de solliciter des projets dans toutes les parties du Canada pour garantir un équilibre régional et tenir compte, par exemple, du caractère unique sur le plan économique du Nord du Canada ainsi que de la participation des peuples autochtones.
    Huitièmement, il va falloir également tenir compte des technologies novatrices parce qu'il est important de faciliter des projets novateurs, même si cela est synonyme de rendements inférieurs à court terme. Après tout, la véritable innovation prend du temps pour donner des résultats, mais la bonne innovation paye à terme.
    Neuvièmement, les projets d'infrastructure transfrontaliers, comme les lignes de transmission vers les États-Unis, devront être admissibles au financement de la Banque, puisqu'ils stimulent nos revenus d'exportation et permettent de réduire les GES à l'échelle du continent.
    Dixièmement, nous devrions nous inspirer des meilleures banques semblables à la nôtre et reproduire leurs modèles.
    Je conclurai en disant que, par leur histoire, les Canadiens ont montré qu'ils comprennent tout à fait l'importance d'envisager l'avenir. Rappelons-nous les grands chantiers ferroviaires du XIXe siècle, l'autoroute, la voie maritime et les systèmes de radiotélédiffusion du XXe siècle ou encore le bras canadien qui a permis à l'homme de travailler dans l'espace. Tout cela relève de la construction de notre infrastructure nationale, autrement appelée édification de la nation. Chaque fois que nous avons oeuvré ainsi, nous avons transformé le pays, nous l'avons uni et nous avons jeté les bases de la prospérité économique pour les générations à venir.
    Comme ce travail d'édification d'une nation ne prend jamais fin, l'ACE se réjouit de songer que la Banque de l'infrastructure du Canada sera un autre instrument national qui contribuera à créer un avenir meilleur pour tous les Canadiens, un avenir où l'environnement sera mieux protégé.
(1110)
    Merci, monsieur le président. Voilà qui résume les 10 recommandations qui sont beaucoup plus étayées dans notre mémoire.

[Français]

    C'est à moi de vous remercier. On reconnaît l'expérience. Vous avez encore le chronomètre en tête. Bravo!
    Quant aux deux autres témoins, je leur demanderais d'être patients, malheureusement. Le devoir nous appelle à la Chambre. Nous serons de retour tout de suite après le vote, pour poursuivre cet échange avec l'ensemble de l'équipe.

[Traduction]

    Je veux déposer une motion de suspension des travaux du Comité, monsieur le président.

[Français]

    Nous suspendons la séance.
(1110)

(1155)

[Traduction]

    Merci, monsieur Aubin. Je crois savoir que vous avez ouvert la séance tout à l'heure et que vous l'avez pilotée, mais n'oubliez pas que notre comité avait décidé de ne pas siéger quand la sonnerie retentirait. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas revenue pour ouvrir la séance. Quoi qu'il en soit, monsieur Aubin, vous aviez l'accord unanime des membres du Comité, ce qui est très bien. M. Marchi a donc eu la possibilité de faire son exposé.
    Nous sommes limités par le temps et nous devons entendre trois témoins. M. Marchi s'est déjà exprimé, mais il serait intéressant d'entendre aussi les deux autres.
    Monsieur Khan, nous allons commencer par vous et nous enchaînerons par Mme Ryan. Après cela, nous passerons aux fonctionnaires.
    Vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente et messieurs les vice-présidents, et merci aussi aux membres du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes. Je suis honoré d'être ici, devant vous.

[Français]

    Je ferai de brefs commentaires sur le projet de loi C-44, notamment en ce qui concerne les infrastructures essentielles du Canada.

[Traduction]

    L'Institut des finances publiques et de la démocratie, dont je suis directeur de la performance, a récemment publié un article qui évalue les risques et les possibilités associés à la Banque de l'infrastructure du Canada. Cette étude a pour hypothèse fondamentale qu'il faut se doter d'un plan national en matière d'infrastructure assorti d'une stratégie, le tout s'appuyant sur des données factuelles. Voilà donc quelle devrait être la première priorité.

[Français]

    Notre travail à cet égard nous a permis de cerner trois éléments clés qui forment la base des étapes nécessaires pour façonner un plan de travail et une stratégie nationale pour les infrastructures essentielles.

[Traduction]

    Premièrement, il faudrait évaluer notre parc d'infrastructures actuel. Il faut plus particulièrement se demander si ces infrastructures donnent ou sont en voie de donner les résultats escomptés, tels qu'on les avait envisagés à l'étape de leur approbation.
    Un rapport produit par le National Audit Office du Royaume-Uni souligne les coûts et les difficultés associés à la réalisation de grands projets d'État, ainsi qu'un certain nombre de problèmes récurrents qui plombent la performance. Des 149 grands projets recensés au Royaume-Uni en date de juin 2015, pour un coût total sur tout le cycle de vie de 511 milliards de livres, les chercheurs ont estimé peu probable, voire impossible de mener à terme 34 % de ces projets à moins que des mesures ne soient prises. Les investissements dans les infrastructures ne sont pas, à eux seuls, garants de résultats.

[Français]

    La deuxième étape est de mener une analyse stratégique des besoins futurs du Canada en ce qui a trait aux infrastructures.

[Traduction]

    Cette analyse devrait permettre de recenser les retombées économiques, sociales et environnementales que devraient donner les investissements dans les infrastructures. Elle tiendrait compte de facteurs comme les tendances démographiques, l'augmentation de la population, les activités économiques actuelles et projetées, les corridors commerciaux et les futurs déterminants de la croissance économique, l'environnement ainsi que les besoins et les écarts importants d'une région à l'autre.
    Enfin, après avoir dressé un constat de l'état de nos infrastructures actuelles et de nos futurs besoins en la matière, nous pourrons déterminer jusqu'à quel point nous sommes loin de combler nos futurs besoins. Voilà les données probantes minimales dont nous avons besoin afin d'élaborer un plan national en matière d'infrastructures ainsi qu'une stratégie connexe.
    On évalue actuellement que l'écart sur le plan des infrastructures nationales au Canada va de 0 à 1 billion de dollars. Bien que toute projection soit synonyme d'incertitude, cet écart est énorme et on ne s'y fiera pas pour bâtir une stratégie nationale en matière d'infrastructure.
(1200)

[Français]

    Il est impératif de comprendre où nous en sommes et où nous nous en allons. Ce n'est qu'à ce moment qu'une feuille de route peut être tracée afin de nous rendre à destination.

[Traduction]

    Reconnaissons cependant que le budget de 2017 fait état d'une ambitieuse initiative de collecte de données dans le cas des infrastructures canadiennes, cela pour guider les investissements directs à réaliser dans les infrastructures. De plus, dans la Loi de mise en oeuvre du budget, il est précisé que la Banque de l'infrastructure du Canada sera notamment chargée de recueillir et de diffuser les données de surveillance et d'évaluation de l'état des infrastructures au Canada.
    Selon nous, cette initiative dont il est question dans le budget de 2017 et le rôle de la Banque correspondent précisément à ce qu'il faut, d'abord et avant tout, pour disposer d'un plan national en matière d'infrastructure fondé sur des données et d'une stratégie connexe. Les détails relatifs à cette initiative devront être annoncés dans les prochains mois et nous attendons avec impatience de savoir ce dont il sera question et quel sera l'échéancier fixé.
    Commençons par l'élaboration du plan, puis enchaînons par la mise en place des stratégies et des instruments appropriés, comme la Banque, qui permettront au mieux de réaliser ce que prévoira le plan.

[Français]

    Ces initiatives sont malheureusement dans le mauvais ordre: nous mettons la charrue devant les boeufs.

[Traduction]

    Merci pour le temps que vous m'avez accordé pour cette occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis maintenant prêt à répondre à vos éventuelles questions.
    Merci beaucoup.
    Allez-y, madame Ryan.
    Bonjour, je m'appelle Sarah Ryan et je suis recherchiste supérieure au SCFP. Merci beaucoup d'avoir invité le SCFP à vous faire part de ses préoccupations au sujet de la Banque de l'infrastructure du Canada.
    Le Syndicat canadien de la fonction publique, le SCFP, est le plus important syndicat au Canada, puisqu'il représente 643 000 travailleurs à l'échelle du pays. Les membres du SCFP sont employés dans différents domaines et secteurs: dans les soins de santé, dans l'éducation, dans les municipalités, dans les bibliothèques, dans les universités, dans les services sociaux, dans les services publics, dans les services d'urgence, dans les transports et dans les compagnies aériennes.
    En prenant connaissance des nouvelles précisions communiquées au sujet de la Banque de l'infrastructure du Canada, les membres du SCFP ont exprimé de sérieuses craintes que la Banque ne soit en fait qu'un outil de privatisation. Ils craignent beaucoup que la Banque ne conduise à la privatisation des aéroports, des ports, des transports en commun, des routes, des autoroutes, des ponts, des réseaux d'eau potable et d'égout, des services publics d'hydroélectricité et des réseaux de transmission. Ce sont autant de services clés dont la population canadienne dépend quotidiennement.
    Le projet de loi C-44 précise que les projets d'infrastructure financés par la Banque doivent rapporter des revenus et promouvoir l'intérêt public. Or, il n'est possible de générer des revenus que de deux façons: par l'imposition de taux d'intérêt élevés sur les prêts et par l'application de droits de péage ou de frais d'usager dans le cas des nouveaux projets d'infrastructure ou même des infrastructures existantes.
    Le mandat de la Banque est foncièrement contradictoire. Les investisseurs privés seront de toute évidence les grands gagnants de cette opération, puisque les recettes des projets financés par la Banque tomberont dans leur poche. En revanche, les grands perdants seront les Canadiens qui dépendent quotidiennement des infrastructures pour leur chauffage et pour leurs déplacements, ainsi que pour avoir accès à de l'eau potable. Le public devra assumer les coûts des taux d'intérêt élevés qu'imposera la Banque et il sera durement touché par une augmentation du coût de la vie qui découlera des nouveaux frais d'usager et des droits de péage.
    Le projet de loi C-44 permettra également la présentation de projets d'infrastructure hors sollicitation. Ce faisant, les investisseurs se retrouveront en position de contrôle et pourront eux-mêmes fixer les priorités quant à ce qu'il conviendra de construire.
    La Banque confiera aux investisseurs un contrôle sans précédent sur la façon de construire, d'exploiter et de structurer les infrastructures. Les projets d'infrastructure élaborés par les investisseurs privés seront pensés en fonction des profits que pourront en tirer les bailleurs de fonds et des risques qu'ils seront appelés à prendre, cela sans aucun rapport avec les besoins ni les intérêts du public. Cette formule prive les gouvernements et les citoyens de la capacité de décider du genre d'infrastructures dont ils ont besoin dans les collectivités, et de la manière de les construire et de les financer. On se trouve à limiter très sérieusement la capacité du public à influencer les décisions relatives aux investissements dans les infrastructures.
    Le ministre Morneau a indiqué que le Cabinet aura le dernier mot sur ce qu'il convient de construire, mais puisque la Banque pourra travailler avec des investissements privés, les membres du SCFP ne sont pas certains que le Cabinet sera disposé ou en mesure de rejeter une quelconque proposition émanant des investisseurs. Qui plus est, le secteur privé continuera de jouer un rôle clé dans la structuration des projets, justement pour en tirer un profit maximum.
    Quand ce sont les gouvernements qui proposent, conçoivent, financent et bâtissent les projets d'infrastructure, le public peut exiger qu'il lui rende des comptes. Cependant, le projet de loi C-44 n'exige pas grand-chose de la Banque sur les plans de la transparence et de la reddition de comptes publics. Il permet de garder secrètes les données sur les projets et les accords conclus avec les investisseurs. Autrement dit, les données de financement des infrastructures communautaires, les noms des participants aux projets et les bénéfices devant être dégagés par les investisseurs ne seront pas rendus publics. Voilà de mauvaises nouvelles pour les Canadiens qui ont le droit de savoir comment les fonds publics, qui serviront à financer en partie la Banque, seront dépensés et comment les infrastructures publiques seront bâties.
    En guise de conclusion, le SCFP vous adresse les recommandations suivantes.
    Premièrement, le gouvernement devrait établir une banque de l'infrastructure publique qui soit apte à consentir des financements à faible coût, c'est-à-dire des financements publics pour de nouveaux projets d'infrastructure. À l'heure actuelle, le gouvernement n'est pas à court de sources d'emprunt à de faibles taux d'intérêt. Pour peu que la Banque passe par une banque publique et par une institution prêteuse, comme la Banque de développement du Canada, la SCHL ou EDC, ses investissements réalisés par des emprunts ne contribueraient pas à augmenter le déficit ou la dette nette, pas plus que ne le fera la proposition actuelle.
    Deuxièmement, le gouvernement devrait exiger davantage sur les plans de la reddition de comptes, de la transparence et de la tenue d'examens par le vérificateur général relativement à la Banque et à ses projets. La Banque devrait être tenue de dévoiler publiquement l'ensemble des transactions commerciales, des évaluations du rapport qualité/prix et des contrats. Le conseil d'administration de la Banque devrait aussi compter des fonctionnaires chargés de veiller à ce qu'elle agisse dans le sens de l'intérêt public. Les projets d'infrastructure publics doivent demeurer publics et ne pas être transformés en accords secrets avec des sociétés privées.
(1205)
    Enfin, le gouvernement ne devrait pas permettre à des entreprises privées de fixer les priorités en matière d'infrastructure, notamment par le biais de soumissions spontanées. Il devrait plutôt mettre en place un processus public et transparent fondé sur des analyses factuelles susceptibles de donner lieu à une planification vraiment objective des projets d'infrastructure.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Ryan. Comme je suis consciente qu'il va y avoir beaucoup de questions, je ne veux pas voler de votre temps.
    J'ai une suggestion à faire étant donné que nous manquons de temps. Préférez-vous commencer par une série de questions par parti, avec ces témoins-là, et de faire venir les fonctionnaires après? Est-ce que cela vous irait?
    Monsieur Poilievre.
    Serait-il possible d'entendre les fonctionnaires maintenant, après quoi nous pourrions nous adresser à un groupe plus important? Ainsi, les députés pourront décider des gens à qui ils veulent poser leurs questions.
    Le Comité est-il d'accord avec cela? Vous conviendrait-il que nous fassions venir les fonctionnaires?
    Monsieur Aubin.
    C'est parfait.
    Très bien. Pouvons-nous inviter les fonctionnaires à s'avancer à la table?
    Avez-vous également un exposé ou vous allez simplement répondre aux questions?
    Parfait, les membres du Comité souhaitent que les fonctionnaires fassent un bref exposé.
    Monsieur Campbell, vous avez la parole. Veuillez vous présenter.
    Bonjour, je m'appelle Glenn Campbell et je suis sous-ministre adjoint à Infrastructure Canada. Je suis accompagné de Niko Fleming, chef à Finances Canada.
    La section 18 de la partie IV constituerait la Banque de l'infrastructure du Canada, d'abord annoncée dans l'énoncé économique de l'automne 2016, puis dans le budget de 2017. Les amendements proposés visent les articles 403 à 406 qui se trouvent aux pages 236 à 248 du projet de loi C-44.
    Si vous me le permettez, je vais vous présenter à grands traits le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de banque. Après cela, je me livrerai à un survol du projet de loi, puis je me ferai un plaisir de répondre à vos éventuelles questions.
    La Banque de l'infrastructure du Canada a pour mission de consentir un financement novateur à des nouveaux projets d'infrastructure et à contribuer à la réalisation de ces projets, notamment des projets qui sont porteurs de changements et qui, sinon, n'auraient pas été construits au Canada. La Banque doit aussi attirer des investissements privés et institutionnels. La banque envisagée s'inscrit dans le cadre du « Plan investir dans le Canada » d'Infrastructure Canada, de plus de 180 milliards de dollars. Le gouvernement fédéral continuerait d'apporter son appui principalement par le biais de modèles d'infrastructure traditionnels. Le budget de la Banque de l'infrastructure du Canada représente moins de 10 % du budget total que l'État consacrerait aux infrastructures.
    La Banque serait une option offerte aux gouvernements partenaires, surtout aux municipalités, aux provinces et aux territoires, pour bâtir davantage de projets d'infrastructure. La Banque est un nouveau modèle de partenariat destiné à transformer la façon dont les infrastructures seront planifiées, financées et mises en service au Canada. Comme elle fera fond sur l'expertise et le capital du secteur privé, elle permettra d'étirer les deniers publics et de les employer de façon plus stratégique, l'accent étant mis sur les grands projets porteurs de changements, comme les plans de transports en commun régionaux, les réseaux de transports et le branchement au réseau d'électricité.
    Voilà un survol du projet de loi qui permet d'édicter la Loi sur la Banque de l'infrastructure du Canada et qui touche à six grands domaines: la constitution de la Banque, son mandat, ses fonctions et ses pouvoirs, sa gouvernance, le financement et la reddition de comptes. Je vais vous parler de chacun de ces aspects tour à tour.
    J'avais préparé une réponse plutôt longue pour parler de tout le contenu du projet de loi, mais je m'en remets à vous si vous souhaitez...
(1210)
    Vous pourriez peut-être nous parler des points clés pour que les membres du Comité aient la possibilité de vous poser des questions.
    Je comprends.
    Premièrement, la Banque serait constituée en société de la Couronne à compter de la date de sanction du projet de loi.
    Deuxièmement, la loi de la Banque établirait son mandat et sa raison d'être qui seraient de réaliser des investissements dans des projets générateurs de revenus qui vont dans l'intérêt public, et de chercher à attirer les investissements du secteur privé et des investissements institutionnels pour financer ces projets.
    Troisièmement, pour ce qui est des fonctions et des pouvoirs de la Banque, et pour lui permettre de parvenir à ses fins, celle-ci pourrait réaliser des investissements dans toute une diversité d'instruments financiers, y compris dans des placements sous la forme d'actions ou dans des titres de créance. La Banque pourrait effectuer ces investissements directement dans les projets d'infrastructure, mais elle pourrait aussi le faire en collaboration avec des investisseurs privés et des investisseurs institutionnels ainsi qu'aux côtés d'investisseurs gouvernementaux. La Banque appliquerait un modèle d'investissement et de prêt conjoints. Elle pourrait aussi accorder des garanties de prêt moyennant une autorisation spéciale du ministre des Finances, selon un mode opératoire conforme aux obligations généralement faites aux sociétés d'État.
    La Banque aurait aussi pour fonctions, en marge des investissements, d'être un centre d'expertise pour conseiller tous les gouvernements au sujet des projets générateurs de recettes et elle devra travailler avec tous les paliers de gouvernement pour recueillir les données relatives aux futurs investissements et pour diffuser ces données.
    Quatrièmement, le projet de loi en énonce les paramètres généraux de la gouvernance de la Banque. Comme elle sera assimilée à une société d'État, elle sera essentiellement visée par les dispositions de la Loi sur l'administration financière. Le projet de loi actuel prévoit que le conseil d'administration, les membres du conseil et le premier dirigeant seront nommés par le gouverneur en conseil, sur recommandation du gouvernement, et il est prévu que le conseil jouera un rôle dans la sélection du premier dirigeant.
    Le 8 mai, le gouvernement a pris de l'avance en lançant un processus de nomination à la fois ouvert, transparent et fondé sur le mérite, cela pour les membres de la haute direction de la Banque. À la faveur de ce processus, le gouvernement va d'abord choisir le président du conseil, puis les autres administrateurs et, enfin, le premier dirigeant. Toutes les nominations ne prendront effet que si la loi établissant la Banque est adoptée par le Parlement et qu'elle reçoit la sanction royale.
    Le cinquième élément — et j'ai presque terminé, madame la présidente — vise à permettre au ministre des Finances de verser jusqu'à 35 milliards de dollars à la Banque. Il est prévu que l'actif et le passif de la Banque, de même que ses revenus et ses dépenses soient regroupés dans les livres du gouvernement du Canada. Il est prévu que le capital ne soit transféré à la Banque qu'afin de limiter l'intervention du Trésor qui ne recevrait une partie des bénéfices dégagés que de façon échelonnée dans le temps. Bien qu'on prévoie que les liquidités s'élèveront à 35 milliards de dollars, le gouvernement a annoncé que la Banque serait autorisée à se prévaloir d'une déduction fiscale, selon les règles de la comptabilité d'exercice, jusqu'à concurrence de 15 milliards de dollars sur 11 ans.
    Je vais faire vite, madame la présidente. La société de la Couronne devra rendre des comptes au Parlement par le biais d'un certain nombre de mécanismes importants exigeant qu'elle soumette un résumé de son plan d'affaires annuel, de même qu'un rapport annuel. Elle sera sujette à la Loi sur la protection des renseignements et à la Loi sur l'accès à l'information. Les seules exceptions concerneront les renseignements commerciaux de nature délicate appartenant à des tiers qui, eux, demeureraient confidentiels, en ce qui concerne le partenaire commercial, mais pas la transaction. La Banque sera soumise à une norme de discipline extrêmement élevée consistant à faire vérifier ses livres par le vérificateur général du Canada et par un auditeur du secteur privé. Le Parlement aura le pouvoir d'examiner la loi sur la Banque tous les cinq ans.
    En conclusion, la Banque est donc l'un des outils à la disposition de différents partenaires, en plus des programmes traditionnels de financement des infrastructures. Le gouvernement est favorable à un système de prise de décisions locale, notamment par les municipalités, les provinces et les territoires parrains de projets à l'étape de l'établissement de leurs priorités en matière d'infrastructure, de sorte à répondre au mieux à leurs besoins.
    Les projets appuyés par la Banque feront l'objet de dispositions juridiques conventionnelles rigoureuses entre partenaires, cela afin de protéger les intérêts des Canadiens. Le gouvernement et les fonctionnaires ont collaboré avec les ministères responsables des infrastructures et des finances et ils ont mené de vastes consultations.
    Merci beaucoup, monsieur Campbell.
    J'étais arrivé à la fin.
    Bon sens du chronométrage.
    Monsieur Rayes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Juste avant de poser mes questions, j'aimerais demander quelque chose à tous mes collègues.
    C'est la seule occasion que nous avons d'approfondir ce sujet très important qu'est la Banque de l'infrastructure du Canada. Étant donné que nous avons dû nous rendre à la Chambre pour un vote, est-il possible de prolonger de 15 à 20 minutes la séance, qui devait normalement se terminer à 13 heures? Cela laisserait suffisamment de temps à tout le monde pour se déplacer jusqu'à la Chambre et arriver à temps pour la période des déclarations de députés et des questions orales.
    Je ne sais pas si nous pouvons faire cela de façon amicale, sans entreprendre de grosses procédures ni passer par l'entremise d'une motion.
(1215)

[Traduction]

    A-t-on le consentement unanime pour poursuivre?
    Oui.
    Allez-y.

[Français]

    Merci, madame la présidente, et merci à tous.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous. Nous nous excusons du retard.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Ali Khan.
    Dans un document que vous avez coécrit, je crois, avec M. Kevin Page et d'autres personnes de votre organisation, vous avez mentionné que la raison d'être de la Banque de l'infrastructure du Canada était faible, à vos yeux, et que le gouvernement n'avait aucune réelle idée si la Banque allait atteindre ses objectifs ou non, puisqu'il ne semble pas y avoir de modèle semblable ailleurs dans le monde. Il semble que la structure de la Banque sera telle qu'il s'agira d'un simple transfert d'actifs du public vers le privé.
    Compte tenu des nouvelles informations dont vous disposez, croyez-vous toujours ce que vous avez écrit dans ce document?

[Traduction]

    Quand nous disons que la proposition de valeur laisse à désirer, nous pensons surtout à la façon dont les choses s'enchaînent, car nous craignons qu'on ne mette la charrue avant les boeufs.
    Nous sommes d'avis que le gouvernement devrait avoir pour grande priorité d'élaborer ce fameux plan national à long terme en matière d'infrastructures, plan assorti de priorités claires, d'objectifs concrets et de mesures précises du rendement. Je dirais qu'après cela, la proposition de valeur de la Banque sera très claire et évidente, mais pour le moment, elle est faible.

[Français]

    Autrement dit, la création de la Banque est prématurée.

[Traduction]

    Voici ce que nous recommandons: recueillons les données probantes et faisons le point sur les infrastructures existantes, sur ce que pourraient être nos besoins futurs et sur le genre d'investissements qui conviendraient. Voilà ce qui doit nous intéresser, d'abord et avant tout.
    Je crois que l'occasion réside dans les initiatives que le gouvernement a chiffrées dans le budget, et qui constituent aussi une des fonctions de la Banque. Voilà selon nous ce que devrait être la grande priorité.

[Français]

    C'est parfait.
    Madame Ryan, lorsque nous avons reçu le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités et certains de ses hauts fonctionnaires, nous leur avons demandé ce qui dicterait le choix des projets. Un des hauts fonctionnaires nous a répondu que ce serait le rendement ou l'intérêt des investisseurs dans les projets. Naturellement, ils recherchent plus que les taux de 2 % à 3 % que tout gouvernement, fédéral, provincial ou municipal, peut aller chercher dans le financement. On semble faire croire à tout le monde qu'il manque de possibilités d'obtenir du financement en ce moment, ce qui est totalement faux, d'après moi.
    J'ajouterais ceci. Cette semaine, le ministre des Finances a déclaré que ce serait le Cabinet qui déciderait des projets. On ne sait plus trop. Je pense que vos inquiétudes sont tout à fait légitimes.
    Ce sont donc les investisseurs, à la recherche de bons investissements, qui vont investir la plus grosse partie des sommes dans cette banque.
    D'après vous, à qui la Banque de l'infrastructure du Canada va-t-elle vraiment profiter?

[Traduction]

    Nous estimons que ce sont les investisseurs qui profiteront vraiment des projets d'infrastructure sélectionnés, mais également que ce sont eux qui réaliseront des rentrées d'argent en imposant aux consommateurs des droits d'usager et de péage, si bien que les coûts de financement seront plus élevés, d'autant que les investisseurs veulent obtenir des rendements de 7 % à 12 % sur leurs investissements, selon le type de projet.
    Prenez les coûts à long terme associés au financement de ces projets, qui ne font qu'augmenter dans la durée. Prenez ensuite la génération de revenus par le biais des droits d'usager et de péage et vous constaterez que la population va être soumise à une forme d'imposition régressive dont les Canadiens à faible revenu seront les plus touchés, et de loin.

[Français]

    Il est donc clair selon vous que, avec ce projet, les citoyens et les citoyennes vont payer plus cher pour ces infrastructures, au bout du compte.

[Traduction]

    Les infrastructures ne sont pas gratuites. Il va falloir payer d'une façon ou d'une autre.
    Nous pensons que la Banque de l'infrastructure sera plus coûteuse à long terme parce que vous prévoyez tout un cadre favorisant la réalisation de profits. Si vous visez des rendements de 7 % à 10 % exigés par les investisseurs du secteur privé, il est évident que les coûts seront plus élevés à longue échéance. Quant à la génération de revenus, il faut se dire que ce ne sont pas tous les types d'infrastructures qui rapportent de l'argent. Dans le cas des transports en commun, on ne voit pas exactement ce que la Banque de l'infrastructure pourrait financer, étant donné que la majorité des projets de transports en commun sont déjà subventionnés par le public, d'une façon ou d'une autre.
(1220)

[Français]

    Monsieur...

[Traduction]

    Une toute petite question alors, monsieur Rayes...

[Français]

    Monsieur Campbell, pouvez-vous nommer un projet que cette banque va pouvoir financer et pour lequel le gouvernement ne pourrait pas obtenir de financement ailleurs, au moyen d'obligations, ou en puisant dans ses propres revenus s'il gérait bien ses finances? Nommez-moi un seul projet qui aurait nécessairement besoin d'une nouvelle structure de financement autre que ce qui existe déjà.

[Traduction]

    Je peux vous donner un exemple pour illustrer la chose, mais je ne saurais vous citer de cas précis. Cela étant, voici ce dont il pourrait être question...

[Français]

    Des exemples illustratifs, on nous en a donné tout plein. Nous cherchons un cas précis. Le ministre a comparu devant le Comité en compagnie de ses hauts fonctionnaires. Nous leur avons demandé de nommer un seul cas précis, mais ils n'ont jamais été capables de le faire.
    Malheureusement, je n'ai pas précisé que je parlais des petites et moyennes municipalités. En effet, les 15 milliards de dollars que le gouvernement a décidé d'investir dans la Banque proviennent de montants d'argent qui avaient été réservés pour l'ensemble des municipalités canadiennes. On a transféré ces fonds vers la Banque de l'infrastructure du Canada.
    Tout ce qu'on nous dit, c'est que cela servira à des lignes électriques, par exemple. Ce sont des projets qui...

[Traduction]

    Excusez-moi, monsieur Rayes, votre temps est écoulé.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Campbell, vous devriez essayer de parler avec M. Rayes de côté pour lui communiquer l'information dont il a besoin.
    Monsieur Fraser.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à nos témoins de s'être déplacés.
    Je commencerai par M. Campbell. J'ai cru comprendre que la Banque de l'infrastructure permettra la construction de nouveaux projets d'infrastructures porteurs de changement qui, autrement, ne seraient pas entrepris. C'est ce que l'on peut dire?
    Oui.
    Une précision cependant. Il ne s'agit pas de privatiser des infrastructures publiques, n'est-ce pas?
    Personne n'envisage ou n'a parlé de la possibilité que la Banque de l'infrastructure serve à autre chose qu'à soutenir de nouveaux projets et des projets verts. La Banque n'aura rien à faire avec tout ce qui concerne le recyclage des actifs et le reste.
    La Banque de l'infrastructure permettra-t-elle la réalisation de projets que des provinces et des municipalités ne peuvent pas nécessairement se permettre à l'heure actuelle? Ces entités pourraient, par exemple, avoir atteint leur limite d'endettement autorisé et ne pas disposer du capital nécessaire pour investir. La Banque ne se veut-elle pas une solution pour associer un partenaire à ces provinces ou municipalités qui n'ont pas forcément la même capacité d'emprunt que le gouvernement fédéral?
    Oui. Beaucoup de nos partenaires municipaux, provinciaux et territoriaux ont réclamé urbi et orbi une autre façon de financer les projets d'infrastructures publiques, surtout ceux financés par le biais de subventions normales. Par exemple, nombre de nos partenaires appliquent déjà des modèles de génération de revenus et envisagent de nouvelles façons de financer les infrastructures.
    Qui serait propriétaire des projets d'infrastructures réalisés grâce à la Banque de l'infrastructure?
    Cela dépendrait essentiellement des ententes conclues et de la structure des projets. Il est prévu d'alimenter en partie la Banque par des fonds privés. Les partenaires appartiendraient aux paliers municipal, provincial ou fédéral et il y aurait d'autres parties, dans la mesure où la Banque détiendrait une participation dans un projet et qu'elle serait alors partie prenante à ce même projet. Dans la plupart des cas, l'administrateur ultime pourrait être le détenteur de l'actif. Dans un modèle de partenariat, la propriété peut être remise à d'autres membres du consortium, en totalité ou en partie, plus vraisemblablement en partie d'ailleurs, et tout cela est déterminé par la structure des ententes de partenariat.
    Passons à autre chose. Je m'adresse au représentant de l'Association canadienne de l'électricité pour qu'il me parle de la possibilité qu'auront les petites et moyennes collectivités d'entreprendre des projets. On aurait tort, je pense, de croire que les projets porteurs de changement sont l'apanage des grandes villes au Canada et vous avez vous-même parlé des besoins des régions. Je constate la présence de mon collègue, M. Tootoo. Je viens du Canada atlantique. Pensez-vous que cette banque aurait la possibilité d'administrer des projets dans les petites collectivités?
    Après cela, j'aurai une autre question pour M. Campbell.
    Oui. C'est en fait l'une de nos recommandations, soit que la Banque se montre ouverte aux besoins régionaux et qu'elle travaille dans le sens d'un équilibre régional, qu'elle adopte un point de vue pancanadien.
    Il serait également possible que les collectivités se rassemblent. Dans notre rapport, nous avons parlé du nord du Canada. Voilà un lieu tout à fait unique parce qu'il est peu peuplé et qu'il dispose donc d'une petite assiette tarifaire. C'est une région isolée. Elle n'est pas reliée au réseau nord-américain. Les transports là-bas ne sont pas aussi bons qu'ils devraient l'être et le potentiel de développement économique du Nord est limité, d'abord parce qu'il n'est pas très diversifié. Le gouvernement fédéral a toujours été appelé à jouer un rôle énorme dans cette région et la Banque sera donc l'occasion de briser l'isolement de ce coin de pays, on peut l'espérer, et de passer du diesel à d'autres formes d'énergie.
    Je vous réponds donc par l'affirmative.
(1225)
    Merci.
    Monsieur Campbell, si nous investissions par le truchement de la Banque de l'infrastructure du Canada dans de nouvelles infrastructures qui, autrement, ne verraient pas le jour, qui absorberait la plus grande partie du financement des infrastructures traditionnelles? Ne sommes-nous pas en train de créer la possibilité de tirer beaucoup plus des actuelles enveloppes de financement destinées aux petites et moyennes collectivités?
    Le concept envisagé est le suivant. Pour chaque projet d'infrastructure financé par le public — auquel la Banque de l'infrastructure participerait —, chaque dollar que vous iriez chercher auprès du secteur privé sous la forme d'un nouvel investissement permettrait de libérer des fonds publics et de faire plus avec l'argent du contribuable. Le gouvernement pourrait alors investir les fonds dégagés dans des infrastructures sociales ou dans d'autres infrastructures, surtout celles que les Canadiens pourraient utiliser et qui ne présenteraient aucun potentiel de revenu.
    Très certainement.
    Une dernière question, si j'en ai le temps, madame la présidente. On nous a un peu parlé, au cours de ce débat, de ceux qui vont assumer le risque. Je suppose qu'on pourra recourir aux protections commerciales habituelles, par exemple, sous la forme de garanties, afin de se protéger contre d'éventuels défauts de paiement.
    Oui. J'ai suivi une partie de ce débat. Soyons clairs. Nous nous attendons à ce que la Banque applique des dispositions juridiques conventionnelles rigoureuses qui traiteraient de tous les scénarios envisageables où les parties pourraient se retrouver en difficulté ou prendre des garanties. Tout cela est caractéristique de toutes les formes de projets d'infrastructures et il faut s'attendre à ce que la Banque applique les normes les plus élevées à cet égard.
    Merci. Je crois que mon temps est écoulé.
    Merci beaucoup.
    C'est à vous, monsieur Aubin.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Avoir aussi peu de temps pour traiter d'un enjeu aussi important, cela se passe de qualificatifs.
    Je vais donc tenter de gagner du temps en présentant la motion suivante et en espérant qu'elle sera adoptée. Il s'agit de la motion dont j'ai donné avis vendredi dernier. Je vous la lis:
Que le Comité demande aux administrateurs de la société de gestion d'actifs BlackRock et aux membres du Conseil consultatif en matière de croissance économique de venir témoigner dans le cadre d'une réunion supplémentaire réservée à l'étude sur la Banque de l'infrastructure du Canada.
    Je ne prendrai pas beaucoup de mon temps pour justifier une motion qui, à mon avis, parle d'elle-même. S'il plaisait à l'ensemble de mes collègues de l'adopter, nous disposerions de temps additionnel pour débattre de cette importante question.

[Traduction]

    Monsieur Aubin, vous avez donné votre avis de motion comme il se devait.
    Y a-t-il débat sur la motion dont nous sommes saisis?
    Oui, monsieur Fraser.
    Madame la présidente, sommes-nous obligés de remettre quelque chose au comité des finances d'ici vendredi?
    Oui.
    Parfait.
    Je ne sais pas si les avantages de cette réunion supplémentaire sont bien connus.
    Vous recommandez la tenue d'une réunion supplémentaire, mais voulez-vous que cela soit fait avant vendredi, monsieur Aubin?

[Français]

    Je crois que jeudi est la seule journée qu'il nous reste. Cela dit, vous avez fait des miracles dans le passé, madame la présidente.

[Traduction]

    Nous essayons de vous arranger, c'est indéniable, mais reste à voir si vous pourrez obtenir la présence de représentants de la société de gestion d'actifs BlackRock, entre autres...
    Si le Comité est d'accord, tout ce que nous pouvons faire est...

[Français]

    Cela pourrait se faire par vidéoconférence.

[Traduction]

    ... d'essayer d'y parvenir. Si les gens de BlackRock ne sont pas disponibles ou si les membres du Conseil consultatif en matière de croissance économique ne le sont pas, nous ne pourrons pas exécuter votre motion.
    Nous sommes donc saisis d'une motion. Y a-t-il d'autres discussions ou commentaires?
    (La motion est rejetée.)
    La présidente: Monsieur Aubin, poursuivez.

[Français]

    Merci.
    Je remercie nos invités d'être avec nous ce matin.
    Ma première question s'adresse à M. Ali Khan.
    Vous avez conclu votre discours préliminaire par ce qui était ma première question: mettons-nous la charrue devant les boeufs? Vous nous avez clairement dit que oui.
    Selon vous, combien de temps est nécessaire pour atteindre les deux premiers objectifs que vous avez mentionnés, c'est-à-dire faire l'évaluation du plan et l'analyse stratégique de nos besoins? Devrions-nous retarder le projet de la Banque d'un an, de deux ans, de six mois?
(1230)

[Traduction]

    Merci pour la question, madame la présidente.
    Nous pourrions prendre l'exemple du Royaume-Uni. Si je ne m'abuse, les Britanniques ont lancé leur programme national d'évaluation des infrastructures à l'automne dernier, en novembre, je crois. Celui-ci s'articule en deux temps. La première phase va consister à effectuer une analyse des besoins stratégiques à l'horizon de 2050 et le rapport à cet égard devrait être déposé durant l'été.
    Pour ce qui est de la seconde phase, soit la plus importante, celle de l'évaluation des infrastructures actuelles, les Britanniques envisagent de déposer un rapport l'année prochaine. Voilà à quoi ressemble l'échéancier au Royaume-Uni, compte tenu des vastes consultations publiques que les Britanniques veulent mener, ce qui exigera sans doute 18 à 24 mois.

[Français]

    Merci.
    Ma deuxième question s'adresse à M. Campbell.
    Pendant la campagne, il me semble que nous, les citoyens, entendions parler d'une banque qui allait financer des projets d'infrastructure à faible coût. Dans ma tête, cela voulait dire une banque publique. Cependant, nous avons devant nous un projet de banque privée.
    Un projet de banque publique a-t-il déjà été étudié par le ministère?

[Traduction]

    Les deux ministères concernés, celui de l'Infrastructure et celui des Finances, ont collaboré à d'intenses consultations et analyses, sur une période assez longue, à l'échelle internationale et à l'échelle nationale. J'ai souvent été observateur et j'ai même participé, comme mon collègue l'a dit, à l'échelle internationale et au Royaume-Uni, pour examiner différents modèles.
    À l'évidence, partant de cela, le gouvernement a décidé d'appliquer ce modèle particulier de banque de l'infrastructure qui n'est rien d'autre qu'une société d'État tout à fait normale, avec une comptabilité regroupée de façon très transparente au niveau du Trésor public et ayant pour mission d'évoluer dans le temps, au rythme des projets d'infrastructure qui, eux, évoluent lentement.

[Français]

    J'ai beau déployer des trésors d'imagination, je n'arrive à trouver que trois moyens par lesquels le ministre des Finances pourrait trouver les 15 à 35 milliards de dollars qu'on veut injecter dans cette banque. Le premier, c'est d'accroître le déficit, qui est déjà galopant. Le deuxième, c'est de prendre des sommes qui étaient initialement prévues pour les municipalités et les transférer dans cette banque. Le troisième, c'est de vendre des actifs qu'on a déjà financés.
    Y a-t-il un autre moyen, que je ne vois pas, par lequel on pourrait donner à cette banque d'investissement ces 35 milliards de dollars?

[Traduction]

    On peut aborder la question de la Banque de l'infrastructure du Canada par différents angles. Je ne suis pas forcément d'accord avec la description que vous venez d'en faire. Le gouvernement a établi un cadre fiscal sur 11 ans pour réaliser de nombreuses priorités en ce qui a trait à l'écologie, au commerce, au transport, au monde rural et au développement des collectivités éloignées. Moins de 10 % de ces projets iront à la Banque de l'infrastructure et le gouvernement a pris des décisions pour rééquilibrer le tout.
    Ce qu'il convient de retenir, c'est que ces fonds iront...

[Français]

    Ma question porte uniquement sur le financement.

[Traduction]

    Toutes ces sommes — et même plus quand on compte le financement provenant du secteur privé — permettront de construire davantage d'infrastructures publiques dans les domaines que vous avez mentionnés.

[Français]

    Merci.
    Madame Ryan, vous apparaît-il possible de trouver ce financement ailleurs? Y a-t-il une autre hypothèse que les trois que j'ai mentionnées?

[Traduction]

    Non. Ce qu'il faut surtout retenir ici, c'est qu'on nous proposait une autre solution publique, une banque publique, mise à la disposition du gouvernement et il semble que c'était la solution retenue à l'origine dans les lettres de mandat pour assurer un financement à faible coût. À un moment donné, tout cela a basculé et on se retrouve avec un financement à coût élevé. Tout cela va coûter beaucoup plus cher dans la durée à tous les Canadiens, que ce soit à cause des coûts d'emprunt plus élevés...
    Vous avez mis sur pied une banque publique, une banque qui pourrait emprunter à des taux d'intérêt très faibles. Vous pourriez, au départ, la doter en capital, puis elle pourrait emprunter à des coûts faibles. Je ne sais pas exactement d'où vient toute cette idée de financement privé, si ce n'est que j'y vois une façon de canaliser des fonds des projets d'infrastructure publique vers le secteur privé.
(1235)
    Merci beaucoup, madame Ryan.
    Monsieur Badawey, allez-y.
    Merci, madame la présidente.
    Avant de poser mes questions, je dois dire que nous sommes tous conscients d'être dans le secteur des services. C'est ce que nous faisons. Les gens s'attendent à ce que nous assurions un certain niveau de service et — ce qui est sans doute le plus important de tout — à un coût abordable pour le contribuable.
    J'ai déjà vécu cela, dans mon incarnation précédente d'élu municipal, quand j'essayais d'aller chercher le plus d'argent possible auprès de différents intervenants, comme le secteur privé ou les fonds de pension ou simplement par le biais de partenariats que nous organisions.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Campbell. Envisagez-vous que cette Banque de l'infrastructure soit très semblable à celle de la province de l'Ontario, en lien avec Infrastructure Ontario?
    Je pense qu'elle est foncièrement différente de celle de l'Ontario. L'Ontario avait adopté un plan axé sur Infrastructure Ontario et cet organisme s'occupe des questions d'approvisionnement en aval ainsi que du type de financement qui permet de mener à bien les projets de construction et de les gérer ce qui, selon moi, a prouvé — mais je ne veux pas m'exprimer au nom des Ontariens — qu'il était possible d'économiser de l'argent et d'être efficace.
    Je m'inscris officiellement en faux contre ce qu'ont dit mes collègues, soit qu'il s'agit d'un modèle qui, à longue échéance, va forcément faire grimper les coûts. Dans tous les cas, les coûts moyens d'ensemble pourraient être inférieurs quand on songe à toutes les infrastructures qui pourront être bâties, y compris — pour reprendre votre exemple — en Ontario, ce qui est fondamental. Tout dépend en fait du rendement en fonction du risque et du genre d'efficacités qu'il sera possible d'obtenir dans le cadre de ces projets qui peuvent être finement gérés et calibrés.
    Estimez-vous que, si l'on met en oeuvre une telle banque — dans le cadre de ce que j'appelle un partenariat, parce que très honnêtement, c'est bien ce dont il s'agit —, nous allons discipliner le système en comptabilité publique pour ce qui est de la gestion des actifs et de l'établissement du coût sur le cycle de vie, dont M. Marchi a parlé tout à l'heure? Ne croyez-vous pas que nous pourrons ainsi éviter aux futures générations de crouler sous les coûts établis sur le cycle de vie et sous les coûts de remplacement? Pensez-vous que cela permettra d'éliminer ou d'alléger les pressions exercées sur ceux qui paient les impôts fonciers.
    Je dirais que la Banque a été imaginée pour alléger le fardeau qui pèse sur les comptes publics. Dans les scénarios proposés par mes collègues, qui consistent principalement à faire levier aux deniers publics — même si l'on devait comparer des pommes et des oranges, comme à propos de la capacité d'emprunt et de placement —, on ne tient pas compte du fait que, sans cette formule, le secteur public absorberait tous les risques.
    Donc, quand on demande au secteur privé de financer une partie des infrastructures, on dispose alors d'un autre moyen de financement, mais si on demande au secteur privé d'intervenir assez tôt, il devient alors possible de mieux choisir les projets, de réaliser des gains d'efficacité d'entrée de jeu et de mieux gérer les coûts sur le cycle de vie au final.
    On peut dire foncièrement que la Banque joue davantage le rôle de catalyseur. Elle favorise la réalisation d'un grand nombre de projets qui, sans cela, resteraient sur les tablettes pendant des années en attente d'un quatrième partenaire, parce que les trois premiers partenaires sont généralement les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral. Vous en avez maintenant un quatrième — et c'est l'élément essentiel — qui participe à des actifs publics et à des projets publics en plus des trois paliers de gouvernement qui, avant, étaient seuls.
    Quoi qu'il en soit, comme vous l'avez dit, le risque est alors partagé non plus par trois partenaires — les municipalités, les provinces et le fédéral — mais par le secteur privé qui contribue également. Êtes-vous d'accord avec cela?
    C'est exact. En fait, le modèle répond à ce que nous ont dit nos homologues des paliers municipal, provincial et territorial, soit qu'il ne serait plus simplement question de leur prêter l'argent quand ils doivent assumer le risque ou de les aider à emprunter de l'argent. Il serait question de trouver une solution consistant à parvenir à des résultats modulés en fonction des risques. Il est dans l'intérêt public de mobiliser davantage de financement privé pour réaliser des infrastructures publiques. En fin de compte, il en va de l'intérêt public. C'est là une meilleure façon de financer davantage de projets, plus diversifiés, qu'il n'aurait été possible de faire autrement.
    Nous accélérons la réalisation des projets qui, autrement, resteraient sur les tablettes, cela afin de créer plus de services que les gens attendent de nous, que ce soit sous la forme de nouveaux hôpitaux, de nouvelles routes, de nouveaux centres de santé et ainsi de suite.
    Deuxièmement, cette formule permet d'alléger le fardeau des contribuables fonciers qui, autrement, n'auraient pas d'autre choix que de payer pour ces projets.
    Troisièmement, le risque est désormais partagé, non plus entre trois paliers de gouvernement seulement, mais entre quatre partenaires, soit les trois paliers de gouvernement et le secteur privé.
    Enfin, on peut, je crois, parler d'un triple résultat. Je pense, monsieur Khan, que vous avez parlé au début des résultats sur trois niveaux: sur le plan social, sur le plan économique et sur le plan environnemental.
    On n'obtient pas tout le temps des rendements financiers, mais nous pourrions obtenir des rendements sur les plans social et environnemental dans le cas de certains projets comme ceux touchant à l'énergie, à l'énergie verte, aux infrastructures pour ce qui est de l'eau, aux eaux usées et aux routes, ainsi qu'à l'environnement à cause des changements climatiques. Seriez-vous d'accord pour dire que l'on enregistrerait ces résultats dans le temps grâce à certains de ces investissements?
(1240)
    Je suis d'accord avec cette notion des trois résultats visés découlant d'investissements accumulés. Permettez-moi de vous expliquer, à ma façon, que pour n'importe quelle partie d'un projet — surtout d'un projet public qui, sans fonds privés, n'aurait pas été construit ou l'aurait été avec moins de fonds publics —, le financement par apport d'avoirs propres peut justifier des taux de rendement supérieurs grâce au gain d'efficacité ou à d'autres bénéfices accumulés correspondant au montant investi.
    Il est évident que tout sera calibré de façon à justifier le but de l'exercice. Si le rendement est supérieur au taux d'emprunt, cela veut dire qu'on en retire quelque chose. Si elles devaient uniquement s'en remettre à leur base fiscale, les municipalités devraient assumer tout le risque, le tout étant intégré à long terme, mais les choses ne sont pas forcément comparables quand on part de ces deux données appliquées de la mauvaise façon.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Morrissey.
    Merci, madame la présidente.
    D'après ce que je crois comprendre, je vais poser ma question à M. Campbell. Je constate une certaine réticence face à cette idée novatrice en matière de financement des infrastructures. Les gouvernements, passés et présents, ont investi beaucoup d'argent dans les infrastructures au Canada. A-t-on répondu à tous les besoins d'infrastructure du pays par les méthodes traditionnelles de financement?
    Je trouve que votre question est subjective. Cependant, à l'analyse, nous avons constaté qu'il semble y avoir un important écart entre, d'une part, les besoins et les attentes et, d'autre part, notre capacité à financer les infrastructures au Canada, et cela aux trois paliers de gouvernement.
    Contrairement à des pays unitaires, nous devons nous doter d'un modèle qui soit adapté à ces paliers de gouvernement qui réclament des formules de financement différentes, notamment pour les infrastructures.
    Il s'agit donc d'une approche novatrice pour combler un manque sur le plan des infrastructures, manque qui existe au Canada depuis un certain temps et qui perdure.
    C'est l'intention.
    Deuxièmement, les projets approuvés par la Banque de l'infrastructure ne seraient pas soumis au même examen que les programmes d'infrastructure traditionnels financés par le gouvernement. Soyons bien clairs à ce sujet. La Banque ne peut pas, elle-même soumettre de projet. Les projets devront être classés par ordre de préférence et soumis par l'un de nos partenaires qui ne pourra être qu'un des trois paliers de gouvernement.
    Le plus couramment, la Banque sera saisie de projets parrainés par un gouvernement municipal, territorial ou provincial. La Banque pourrait être sollicitée en vertu d'une autre option, celle des propositions non sollicitées qui, comme l'un de mes collègues l'a dit tout à l'heure, devrait tout de même être conforme aux critères des actifs mobilisés et à l'existence d'un partenaire public. S'il devait s'agir du réseau de transmission de l'électricité ou de quelque chose d'autre...
    Mais la Banque devrait avoir un partenaire public.
    Oui et ce partenaire public devrait répondre au critère de l'intérêt public.
    Tout à fait. Tout projet d'intérêt public serait soumis à des débats et à des discussions au palier municipal, fédéral ou provincial.
    C'est exact.
    Pouvez-vous nous parler un peu plus de la méthodologie qui servirait à déterminer le taux de rendement visé pour les projets financés par la Banque?
    Le rendement serait fonction de la part de risque transférée à un investisseur. Que cet investisseur soit en partie la Banque de l'infrastructure du Canada ou un privé, le rendement correspondrait à l'importance de sa position et au risque assumé dans le cadre du projet en question. Il s'agit de transférer le risque du secteur public — sous la forme, par exemple, d'un revenu ou d'un volume de risque — à un investisseur du secteur privé, ce qui déterminerait le taux de rendement de son investissement. La proposition de valeur sera définie par le taux fixé, quel qu'il soit.
    Quels paramètres pourraient jouer contre la réalisation d'un projet? On peut, par exemple, penser au rendement qui pourrait être extravagant, tandis qu'il devrait s'inscrire dans une gamme susceptible de résister à un examen à terme ou à toute analyse du projet faite a posteriori. C'est exact?
(1245)
    On pourrait illustrer cela en disant que, collectivement, nous essayons de nous occuper des projets qui ne sont pas tout à fait économiquement viables, mais pour lesquels il ne manque pas grand-chose, comme un intervenant sur le marché, du genre banque d'investissement, qui contribuerait à gérer le risque et à le répartir entre les deux parties. Ce pourrait être le cas d'une municipalité qui envisagerait un modèle de génération de revenus, mais qui ne saurait pas exactement à quoi ressemblerait la source du revenu: il pourrait s'agir de la tarification de l'eau potable ou de la distribution d'énergie ou de quelque chose d'autre, sans nécessairement qu'on parle de péage. La municipalité s'interrogerait donc au sujet de cette composante revenu. Le secteur privé pourrait entretenir des inquiétudes relativement à la phase initiale des travaux de construction et, à longue échéance, pourrait affirmer que, si le projet avait été de nature commerciale et réalisé avec l'aide d'une banque, le rendement exigé aurait été supérieur.
    L'objectif visé est donc de faire intervenir le gouvernement par le truchement de la Banque de l'infrastructure, de gérer le risque afin de le réduire pour les deux parties et de le transférer, comme il se doit, aux investisseurs. C'est ainsi que les accords seront conçus. À terme, le coût de la dette ou de l'apport de capitaux propres sera directement en rapport avec le risque assumé par les parties. Il y a donc un avantage en contrepartie étant donné que vous disposeriez d'un actif bâti sans nécessairement que le contribuable ait eu à le financer. Les choses s'équilibrent donc.
    Pourrait-on en conclure que, sans cette banque, telle qu'elle est proposée, les petites collectivités, rurales et éloignées, ne pourraient pas entreprendre certaines activités économiques dans le domaine des infrastructures?
    Je dirais que cela est tout aussi valable pour n'importe quelle taille de collectivité au Canada.
    Mais cela comprend également les collectivités petites et rurales?
    Vous pouvez mener des projets ambitieux dans les petites collectivités, tout comme vous pouvez mener de grands projets dans de grandes collectivités. De toute évidence, il s'agirait d'activités que vous ne pourriez pas mener en l'absence d'un tel véhicule.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Allez-y, madame Watts.
    Je vais passer au travers de quelques aspects très rapidement.
    Monsieur Khan, je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'on est en train de mettre la charrue devant les boeufs. Nous avons pris connaissance des rapports du Sénat, du directeur parlementaire du budget et des instituts C.D. Howe et Fraser, ainsi que d'autres, au sujet de la transparence et de la nécessité de disposer d'abord et avant tout d'un solide plan d'infrastructures en vue de jeter les bases de toute action future.
    Parlons donc de la Banque de l'infrastructure à propos de laquelle j'entends dire qu'elle n'offre réellement rien de nouveau ni de novateur et qu'aucun projet n'est entrepris. Je vous rappelle — et je vous adresse cette question à vous, monsieur Campbell — qu'en 2009, PPP Canada, qui est une société d'État, a été précisément mise sur pied pour aller chercher des fonds dans le secteur privé; PPP Canada a même mené à bien un certain nombre de projets. Pour un investissement initial de 1,3 milliard de dollars, celle-ci est allée chercher plus de 6 milliards de dollars.
    Dans le rapport de KPMG, que j'ai ici, je constate d'après les parties ayant échappé au caviardage qu'on parle de se servir de PPP Canada qui est un mécanisme existant. On y dit qu'il faut recourir à cette organisation, qui existe déjà, et donc utiliser cette société de la Couronne. S'il avait fallu lui conférer d'autres fonctions ou lui donner un mandat élargi, on aurait pu y songer. Cette organisation aurait pu être rentable, efficace et efficiente.
    Je me demande donc pourquoi vous n'avez pas envisagé de vous appuyer sur un mécanisme existant ayant un bon bilan à son actif, d'autant que, si cela avait été nécessaire, vous auriez pu lui confier un mandat élargi.
    Le rapport de KPMG, qui a été commandé au printemps dernier, nous a fourni beaucoup de contexte sans que nous sachions quelles politiques le gouvernement voulait entreprendre. Nous avons bien sûr tenu un grand nombre de consultations à l'interne sur toutes les variantes de l'art du possible.
    Le gouvernement a annoncé qu'il envisageait de se doter d'un nouveau véhicule, tout à fait unique, qui interviendrait en aval et qui s'occuperait du financement des infrastructures, surtout pour garantir la dette et attirer des avoirs propres. Cela impliquerait un niveau d'expertise radicalement différent de ce qu'on trouvait dans les organismes PPP, de même, disons-le, des compétences radicalement différentes, une capacité différente et des outils différents. Il demeure possible à la Banque de lancer des projets et de les financer en collaboration avec les organismes PPP, étant donné que ce modèle d'approvisionnement existe. En Ontario, il serait possible de recourir aux PPP...
    Je parle plus particulièrement de PPP Canada, à l'échelon fédéral. Si des compétences particulières sont nécessaires, vous pourriez très bien les transférer à la Banque, puisque traditionnellement, on les retrouve dans les municipalités et dans le secteur public. Sinon, on n'aurait jamais rien construit.
    Dans ma région, par exemple, je peux vous dire a priori qu'il existe une installation de traitement de biocarburants, dans ma ville, à la réalisation de laquelle ont participé les paliers municipal, provincial et fédéral, de même que le secteur privé. Elle va ouvrir en juin. Une ligne de transports en commun rapides, la Canada Line, a également été financée en partie par le secteur privé et par les paliers fédéral, provincial et régional. Même chose pour le pont Port Mann et pour le pont Golden Ears. Ces projets ont été réalisés dans les mêmes conditions, à la seule différence, qu'avec ce mécanisme, comme vous l'avez dit, il y a des garanties de prêt.
    Face à un tel bilan, je ne comprends pas pourquoi, pour autant que le gouvernement veuille prendre cette orientation... Je sais que le gouvernement veut une formule toute nouvelle, tape-à-l'oeil, inédite, mais il m'aurait semblé raisonnable et rationnel, puisque vous disposez déjà d'un mécanisme, de la doter de l'expertise additionnelle nécessaire et d'en élargir le mandat.
    PPP Canada existe encore. Cette organisation continue d'aller chercher des fonds ailleurs, même si elle vient d'être transférée dans le portefeuille du ministre qui peut éliminer les actifs et s'en débarrasser, ce que je devine être l'objectif ultime, pour y substituer la Banque. Un investissement de 35 milliards de dollars en vertu du modèle PPP Canada pourrait générer 170 milliards de fonds d'infrastructure sans aucun risque pour le public. Je continue à ne pas comprendre pourquoi vous n'avez pas simplement étendu le mécanisme existant.
(1250)
    Merci. Vous avez parlé de bien des choses et je vais devoir démêler tout cela...
    C'est que nous n'avons pas beaucoup la chance d'en parler, alors...
    Il y a une raison pour laquelle le fonctionnaire que je suis a été chargé de diriger ce projet. J'ai été responsable du secteur bancaire à Finances Canada. Il s'agit ici d'une banque d'investissement appelée à remplir un rôle très précis sur le plan des crédits et de l'avoir propre, pour se porter garante de projets de pointe, très complexes, d'une manière qui va bien au-delà de ce qui se fait dans un PPP.
    La compétence nécessaire dans un PPP est différente, puisqu'on fait davantage appel à une collaboration entre gouvernements et entre gouvernements et fournisseurs privés. Nous, nous créons...
    Le secteur privé a toujours été présent.
    Le secteur privé est certes présent. Il est présent dans la mesure où la partie de propriété qui lui revient dans un PPP est minime. Je suis personnellement tout à fait en faveur des PPP. Cela étant, à l'occasion de nos consultations en Colombie-Britannique et en Ontario, les gens ont tout de suite constaté que nous occupons une niche inédite et que nous allons pouvoir travailler ensemble, en toute homogénéité. La Banque de l'infrastructure attirerait donc les investissements complexes, elle se chargerait de gérer l'ensemble des projets et de coordonner l'octroi des marchés avec l'un des organismes PPP provinciaux. Qu'il s'agisse d'un PPP ou d'un autre modèle...
    Excusez-moi, monsieur Campbell, je dois vous interrompre, mais le temps est écoulé.
    Monsieur Badawey
    Merci, madame la présidente.
    Revenons sur certaines remarques qui ont été faites tout à l'heure et j'ai d'ailleurs demandé une précision à propos des inquiétudes soulevées par les péages.
    Les péages sont-ils une source d'inquiétude?
    Toute décision relative à l'application d'un modèle de droits d'utilisation, que ce soit au titre du financement d'un actif ou de la gestion de la demande, relèvera des autorités locales, peu importe qui sera responsable de l'infrastructure. Beaucoup de nos interlocuteurs nous disent qu'ils envisagent différentes formes de droits d'usager ou qu'ils ont déjà adopté une formule. Ces droits sont déjà en place, que ce soit pour l'adduction d'eau, pour l'électricité, pour des ponts ou autres. Ce genre de décision ne sera pas prise par la Banque de l'infrastructure, mais par le parrain du projet.
    Qui serait un palier de gouvernement.
    Effectivement, qui serait un palier de gouvernement et qui, par l'application de ses propres procédures, déciderait au départ de se doter ou non de cet actif et qui déterminerait quel modèle de revenu appliquer dans ce cas.
    En lien avec cette décision, on se trouverait donc à ajouter une strate de reddition de comptes et de transparence.
    C'est exact.
    À terme, c'est le palier de gouvernement concerné par un projet de la Banque de l'infrastructure qui serait le responsable ultime et c'est lui qui, à terme, rendrait des comptes pour ce projet aux citoyens qu'il représente. Comme vous pouvez le voir, le gouvernement du Canada dispose ainsi d'un véhicule facultatif pour soutenir ce genre de projet allant dans l'intérêt public, véhicule lui permettant de parvenir à des résultats autrement impossibles.
    Très bien. Merci.
    Madame la présidente, je vais partager mon temps avec M. Tootoo.
(1255)
    Allez-y.
    Merci, madame la présidente, et merci à vous, monsieur Badawey.
    J'aime votre analogie entre la Banque de l'infrastructure et un véhicule. Tout le monde sait bien que le Nunavut est la région du pays qui manque sans doute le plus d'infrastructures. Alors, espérons que votre véhicule soit un buggy adapté à la toundra, pour qu'il ne risque pas de s'embourber dans les vastes étendues nordiques.
    Pour parler de projets en particulier, il y en a trois auxquels je pense a priori et qui ne décolleraient pas sans l'aide de la Banque de l'infrastructure. Je songe au projet de la route et du port de la baie Grays, à la route éventuelle, à la ligne d'électricité et à la liaison par fibre optique entre le Manitoba et la région de Kivalliq, ce qui est un projet d'hydroélectricité à Iqaluit, une ville qui brûle actuellement tout juste la moitié du diesel consommé sur tout le territoire pour son électricité.
    L'une des craintes dont les gens du Nord me font part est qu'il s'agit de projets nouveaux, porteurs de changements, de projets structurants comme doit l'être tout projet dans le Nord. Quand le chemin de fer a été construit, on ne se préoccupait pas alors d'évaluation environnementale et on ne se sentait pas obligé de se plier à un régime réglementaire comme c'est le cas aujourd'hui. Le problème est qu'il est peut-être possible de financer ces projets, mais que rien n'existe actuellement pour permettre à un gouvernement territorial, à des organisations inuites ou encore à des municipalités, qui sont à court d'argent en partant, de porter un projet jusqu'au stade où il sera examiné. Quand tel est le cas, les fonds attendent et ne servent à rien.
    Je me demande s'il ne serait pas possible d'aller chercher de l'argent de cette façon pour les grands projets dont la réalisation nécessitera deux ou trois ans. C'est ce qu'on m'a dit à propos de la baie Grays, parce que ne serait-ce qu'à l'étape d'avant-projet, quelques années avant la réalisation, les promoteurs en étaient déjà à plus de 15 millions de dollars.
    Pourrait-on financer ce genre d'initiatives afin de les amener sur un tremplin d'où il sera possible de les faire décoller?
    Qui veut répondre?
    Allez-y, monsieur Campbell.
    Merci pour cette description. Dans le cadre de nos consultations, nous nous sommes entretenus tout particulièrement avec les gens du Nunavut et on est en train de me renseigner sur le projet de la baie Grays.
    Vous avez parlé de plusieurs années et c'est là une autre raison pour laquelle il est important que la Banque entre en service le plus tôt possible, car il faut justement canaliser les efforts des promoteurs de projets dont la réalisation peut nécessiter plusieurs années. Par ailleurs, par le truchement de la Banque de l'infrastructure, nous nous doterons des moyens nécessaires pour travailler avec les provinces et les territoires afin de les aider à réfléchir aux genres de projets qui correspondraient à cette structure et qui dont la réalisation prend normalement du temps. D'où la nécessité d'investir très tôt dans la Banque de l'infrastructure qui, dans des années d'ici, on peut l'espérer, donnera naissance à des projets pouvant être financés de la sorte.
    Je dirais que le problème tient actuellement à ce que les promoteurs en sont au stade des études de faisabilité, des évaluations environnementales et que tout cela coûte de l'argent. Je me demande si l'on ne pourrait pas trouver une forme de soutien financier par le truchement de ce véhicule afin d'aider le gouvernement territorial, les organisations inuites et l'industrie à faire passer leurs projets dans le moulin. Le gouvernement territorial n'a tout simplement pas les ressources nécessaires pour s'en charger.
    Je comprends. Je crois savoir qu'une partie des fonds bilatéraux du gouvernement fédéral sera transférée aux provinces et aux territoires pour financer le développement de certains projets.
    Permettez-moi d'insister sur une chose: ce n'est pas parce qu'un projet sera pris en compte par la Banque de l'infrastructure qu'il bénéficiera d'un traitement spécial l'affranchissant du respect des dispositions réglementaires ou environnementales normales. Peu importe le processus en place à l'échelon de la municipalité, de la province ou du territoire, nous veillerons à ce que les dispositions soient scrupuleusement respectées. Il pourrait arriver que cela impose des délais, une certaine lourdeur administrative et des coûts, mais il n'est pas prévu d'accélérer quoi que ce soit.
    Merci, monsieur Campbell.
    Allez-y, monsieur Poilievre.
    Monsieur Marchi, dans vos remarques liminaires, vous avez dit voir dans cette Banque de l'infrastructure une occasion d'éliminer les risques pour votre industrie. Quels sont les risques que vous souhaitez éliminer?
    Le plus important est celui du déficit d'infrastructure, parce que non seulement notre pays est confronté...
    Excusez-moi, je vous demande pardon. Il nous reste peu de temps et je veux savoir quel risque votre industrie voudrait écarter dans le cas d'un projet.
(1300)
    J'avais commencé à vous dire que, dans le contexte du déficit d'infrastructures qui s'applique aussi à notre industrie de l'électricité, on estime qu'il faudra remplacer pour 350 milliards de dollars d'infrastructures jusqu'en 2030 et que la facture sera impressionnante. Voilà pour une chose.
    Par ailleurs, toutes nos demandes d'augmentation de tarif doivent passer par les organismes de réglementation, ce qui veut dire que nous risquons de ne pas pouvoir récupérer cet investissement de 350 milliards de dollars par le biais de la tarification, à cause de la réglementation.
    Troisièmement, les projets d'innovation que nous soumettons à l'organisme de réglementation sont généralement refusés parce que, de façon générale, le régulateur essaie de limiter les coûts, ce qui est tout à fait légitime. Cependant, quand notre industrie se tourne vers les gouvernements fédéral et provinciaux, elle se fait dire qu'elle n'est pas assez innovante.
    Nous y voyons donc un instrument parmi d'autres, mais pas le...
    Si vous me permettez, je ne veux pas que vous me parliez des instruments. Je vous demande de quel risque vous voulez vous protéger, parce que, dans votre mémoire, la notion d'élimination du risque revient une bonne dizaine de fois. Je ne sais pas exactement le genre de risque que vous essayez d'éviter. Pourriez-vous nous en donner un exemple, nous dire s'il s'agit de dépassement de coûts pour ces projets?
    Non, mais je vais vous donner un exemple. Dans notre mémoire, nous disons qu'il faudrait d'abord utiliser les moyens de financement disponibles. Par exemple, un de nos membres, la Nova Scotia Power, sous l'ombrelle d'Emera et grâce à une garantie de prêt du gouvernement fédéral, a pu faire installer une liaison maritime de Churchill Falls à Terre-Neuve. C'était une première nord-américaine; un projet de 1,3 milliard de dollars. Sans les garanties de prêt du gouvernement fédéral, qui sont des déclencheurs, de tels projets ne pourraient pas être normalement réalisés...
    Pourquoi une garantie est-elle nécessaire?
    ... et dans ce cas, les contribuables néo-écossais ont pu économiser quelque 350 millions de dollars sur la durée de vie utile du projet.
    Pourquoi ne pas emprunter au secteur privé?
    Nous le faisons tout le temps, mais nous disons simplement que, dans le cas particulier des petites collectivités, il n'est pas toujours possible d'entreprendre des projets porteurs de changement en s'appuyant uniquement sur la tarification des services. Donc, le gouvernement disposerait, avec la Banque, d'une boîte à outils variée pour utiliser également son assiette fiscale afin de passer outre les limites imposées par une faible tarification.
    Très bien. D'après ce que vous nous dites, c'est le contribuable qui devra payer plutôt que l'entreprise qui tire les lignes de transmission et qui va chercher des revenus à ce titre. C'est précisément ce que vous nous dites.
    Vous avez des garanties de prêt qui ne servent vraiment qu'en cas de défaut de paiement. S'il n'y a pas de défaut de paiement, la garantie est inutile, elle n'est bonne à rien, elle est dénuée de sens et elle est superflue.
    La part du lion...
    La garantie de prêt n'a de valeur que si quelqu'un ne rembourse pas son prêt.
    Et cela est important parce que, tout à l'heure, Mme Watts a voulu déterminer si la Banque allait servir à quelque chose qui n'existe pas déjà. M. Campbell a été très honnête. Il a dit que la Banque est un outil visant à offrir des garanties au marché. On parle de garanties quand quelqu'un se porte garant et assume donc la responsabilité des risques. Dans ce cas, le garant serait le contribuable, et cela à hauteur de 35 milliards de dollars, ce qui veut dire qu'en fin de compte, le contribuable serait responsable en cas de dépassement de coûts ou de manque à gagner. La seule différence, la seule chose qui est nouvelle dans ce modèle, c'est qu'on se trouve à nationaliser. Plutôt que de privatiser, on nationalise une activité qui appartient actuellement au secteur privé.
    S'il advenait que les clients de M. Marchi, ceux qu'il représente, dépassaient leur budget sans pouvoir se rabattre sur une garantie de prêt, le prêteur perdrait cet argent. Cependant, en vertu de cette proposition, ce sont les contribuables qui perdront de l'argent parce qu'ils se seront portés garants, d'après ce qu'a dit M. Campbell. C'est ce que nous avons sous les yeux, c'est nouveau, c'est une vaste opération de nationalisation du risque financier associé aux projets d'infrastructure.
    Actuellement, les municipalités peuvent signer des contrats à prix fixe avec les constructeurs. Si les constructeurs dépassent le budget, ils doivent eux-mêmes absorber l'excédent, à moins qu'ils n'aient contracté une garantie de prêt du gouvernement, auquel cas c'est le contribuable qui ramasse la facture. Dans ma circonscription, nous avons eu un constructeur qui a fait faillite pendant qu'il construisait un pont. Heureusement qu'un garant privé a assumé les coûts et a terminé le projet, sans qu'il en coûte rien de plus aux contribuables. Si le prêt avait été garanti par les contribuables, le risque aurait été de nouveau transféré au gouvernement.
    J'ai une question directe à poser à M. Campbell. Si une entreprise prend un prêt pour bâtir une infrastructure, qu'elle bénéficie d'une garantie de prêt, mais qu'elle ne rembourse pas sa dette, créant ainsi une mauvaise créance — autrement dit, après la liquidation d'éventuelles garanties, il resterait une perte à absorber...
(1305)
    Excusez-moi, monsieur Poilievre, mais votre temps est écoulé.
    ... qui paierait alors la mauvaise créance?
    Excusez-moi, mais il n'y a plus de temps pour la réponse.
    Évidemment que non.
    Les députés savent que le temps qui leur est alloué englobe...
    Madame la présidente, j'ai l'impression que vous ne voulez pas entendre la réponse.
    Nous sommes toujours ravis d'entendre les réponses, parce qu'elles nous renseignent. Vous n'avez qu'à poser des questions plus courtes.
    Monsieur Aubin, c'est à vous.

[Français]

    Merci.
    Je suis prêt à donner 20 secondes à M. Campbell pour qu'il réponde à la question. Cela m'intéresse aussi.

[Traduction]

    Malheureusement, il n'y a pas de réponse rapide à cela.

[Français]

    Faites un effort.

[Traduction]

    Je dois vous dire que cette question a été plutôt complexe et emmêlée.
    Les projets d'infrastructure sont tous risqués et il faut gérer le risque, que le gouvernement responsable s'en occupe ou que ce soit un entrepreneur ou le secteur privé en général. Le modèle PPP est conçu pour gérer un certain type de risque, dans une certaine structure.
    Par définition, la Banque de l'infrastructure du Canada a été conçue pour assumer et gérer le risque que se partagent la partie publique et la partie privée. L'objectif est d'obtenir davantage de financement pour les investissements. Les renvois à...

[Français]

    Merci.
    Je suis désolé, monsieur Campbell, mais je ne veux pas vous laisser l'entièreté des trois minutes dont je dispose.
    Je suis désolé.
    Je lance une question, et la personne qui le voudra bien pourra saisir la balle au bond.
    Je cherche toujours à savoir si la Banque de l'infrastructure du Canada est une bonne idée ou une fausse bonne idée. J'ai l'impression que la transparence qu'on nous propose se résume à ceci: le gouvernement nous dit de lui faire confiance et que c'est une bonne idée.
    Pour étudier la privatisation des aéroports, on fait affaire avec Credit Suisse. Pour la Banque de l'infrastructure du Canada, on fait affaire avec BlackRock. Par ailleurs, cette nouvelle banque serait créée en société d'État. Elle serait donc totalement à l'abri d'une vérification ou de questions de la part du directeur parlementaire du budget.
    Quelle possibilité avons-nous, citoyens ou élus, de suivre cette banque et de voir si elle tiendra réellement les promesses qui nous auront été faites?
    Qu'en dites-vous, madame Ryan?

[Traduction]

    Je crois que c'est une véritable préoccupation, parce que la loi actuelle prévoit des exceptions énormes quant à ce qui serait accessible publiquement pour les projets financés. On voit que c'est également le cas avec les PPP, parce qu'ils sont considérés comme des contrats commerciaux. Il n'est actuellement pas possible d'accéder à l'information. Il est même très difficile de déterminer si on en a pour son argent. Le plus souvent, il faut attendre les vérificateurs généraux pour obtenir ce genre d'information, car eux ont accès à tous les contrats, contrairement au public.
    Le vérificateur général de l'Ontario a, je crois, analysé 84 projets réalisés en PPP en 2014 et il a fait un audit de suivi en 2016 qui lui a permis de constater que les budgets avaient été dépassés de 6,5 milliards de dollars à cause des coûts de financement par le secteur privé qui avaient été plus élevés. Par ailleurs, une somme de 1,5 milliard de dollars a été attribuée à l'absence de risque, celui-ci ayant été transféré au secteur privé. Je dirais que la Banque de l'infrastructure prend naissance dans le même genre de vortex associé au transfert du risque.
    Merci beaucoup, madame Ryan.
    Excusez-moi, monsieur Aubin.
    Il nous reste cinq minutes et je vais revenir à ma liste d'origine.
    Monsieur Rayes.

[Français]

    Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue M. Pierre Poilievre.

[Traduction]

    Si la Banque de l'infrastructure accorde un prêt à un constructeur qui fait faillite pendant la réalisation du projet, qui va rembourser les contribuables?
    La Banque de l'infrastructure ne serait pas en mesure de consentir un prêt à une quelconque partie. La Banque de l'infrastructure accorderait soit un prêt, soit des fonds propres à un projet, à une société de portefeuille pouvant notamment regrouper un constructeur et d'autres intervenants. Les dispositions juridiques conventionnelles rigoureuses d'un accord de partenariat visant à encadrer la création d'un actif comprendront tous les types de scénarios prévoyant la vente d'une position par une des parties prenantes. Certains pourraient être soumis à des contraintes. Quelqu'un d'autre pourrait...
(1310)
    C'est simplement que, dans le budget de 2017, il est dit que la Banque consentira des prêts.
    Elle consentira des prêts à des projets. Vous avez parlé de constructeurs.
    En cas de dépassement du budget, de manque à gagner et de perte à terme, qui va rembourser le contribuable?
    La grande différence est qu'il s'agit d'un projet qui, en partant, dépend moins des fonds publics que dans un autre cas de figure. L'idée est que le partenaire du secteur privé absorbe le...
    Je répète: qui rembourserait le prêt? C'est la question que je vous pose.
    Permettez-lui de répondre.
    Qui rembourserait?
    Tout cela se limiterait à la façon dont la Banque de l'infrastructure sera structurée. Le risque serait limité à l'accord de partenariat et l'exposition serait limitée à ce que définit cette structure. En théorie, peu importe la position financière de la Banque de l'infrastructure, qu'elle perde ou qu'elle gagne, son exposition au risque se limiterait à la part du partenaire défaillant. Si un acteur du secteur privé assumait un risque dans la réalisation d'un projet et que ce projet n'aboutisse pas, c'est lui qui assumerait le risque. Son rendement s'en trouverait réduit et il pourrait même perdre toute sa mise de fonds.
    La position de la Banque de l'infrastructure du Canada ne peut être affectée que dans la limite de la somme investie dans un projet, puisque l'infrastructure est tout de même réalisée et que le secteur public en aura malgré tout l'usufruit. La voilà la réalité.

[Français]

    Monsieur Campbell, le Cabinet, le premier ministre ou le ministre des Finances vont-ils devoir autoriser la nomination des gestionnaires et des membres de la Banque de l’infrastructure, oui ou non? Auront-ils un mot à dire dans la sélection finale des membres?

[Traduction]

    Le projet de loi C-44 précise très clairement quelle devrait être la structure de gouvernance et qui devrait être nommé en premier...

[Français]

    Oui ou non?

[Traduction]

    ... madame la présidente. C'est le gouvernement, le gouverneur en conseil qui va nommer le premier président et qui nommera ensuite, régulièrement, le président et les membres du conseil d'administration. C'est aussi le gouvernement qui va nommer le premier dirigeant; les suivants devant être nommés par le conseil d'administration. Le ministre consultera le conseil pour les remplacements ultérieurs.

[Français]

    Ultimement, le gouvernement va donc avoir son mot à dire dans la nomination des gestionnaires, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Merci, c'est tout ce que je voulais savoir.
    Pas plus tard que ce matin, dans la presse, Radio-Canada et CBC parlaient d'un ancien cadre de la firme KPMG qui est aujourd'hui trésorier du Parti libéral. C'est cette même firme qui a fait le rapport sur la Banque de l’infrastructure du Canada auquel vous vous fiez pour mettre en place cette structure.
    Corroborez-vous ces informations qui ont été rendues publiques?

[Traduction]

    Pouvez-vous répéter la question? KPMG avait publié un rapport. Cela fait longtemps. Ça remonte à l'année dernière. Y a-t-il quelque chose de nouveau? Excusez-moi.

[Français]

    KPMG a remis un rapport. Ce matin, CBC et Radio-Canada ont souligné que le trésorier du Parti libéral du Canada était un ancien cadre de KPMG.
    Cette information est-elle exacte?

[Traduction]

    Cela échappe à mon champ de compétences et je doute que ce soit pertinent.
    Je ne suis pas certaine que cela soit pertinent, mais l'utilisation de votre créneau vous appartient.
    La firme JP Morgan a calculé le genre de rendement auquel il faudrait s'attendre. C'est tout à fait atypique sur le marché. En règle générale, dans le cas des centrales électriques commerciales, le rendement attendu est de 14 % à 20 %. Dans le cas des télécommunications, il est de 12 % à 18 %. Dans le cas du transport de fret par rail, il est de 12 % à 16 %. Le rendement varie donc de 5 % à 20 %.
    Quand vous êtes saisis d'un projet, comment déterminez-vous le rendement, et comment savez-vous que vous y parviendrez? En cas d'écart négatif à terme, qui comble la différence?
    Je vais vous répondre de façon générale, parce que je n'ai pas vu ces chiffres, mais je les comprends. Je dirais qu'ils s'appliqueraient à une transaction commerciale typique pleinement financée par le secteur privé. Donc, dans un tel cas, c'est le partenaire privé qui assumerait la totalité du risque et le rendement serait comparable à ce qu'on peut attendre pour un projet commercial comparable.
    S'il s'agissait d'un projet public ou d'un projet passant par la Banque de l'infrastructure du Canada, ce rendement serait nettement trop élevé. La Banque aurait pour objectif de se positionner en tant qu'acteur en mesure de limiter les risques, de sorte que de tels rendements ne seraient pas justifiés. Ils ne seraient pas justifiés sur une base commerciale.
    Merci beaucoup, monsieur Campbell. Nous sommes arrivés à court de temps.
    Merci à nos témoins.
    Merci au Comité. J'espère que tout cela vous en a appris beaucoup.
    La séance est levée.
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