HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 6 mai 2002
¼ | 1810 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
M. Terry Fenge (Conférence circompolaire inuite du Canada) |
La présidente |
M. Terry Fenge |
La présidente |
M. Terry Fenge |
¼ | 1815 |
¼ | 1820 |
La présidente |
Mme Mary McGrath (représentante, Protection environnementale du Canada) |
¼ | 1825 |
La présidente |
Mme Shauneen Mackay (bénévole, New Tecumseth Environment Watch) |
¼ | 1830 |
La présidente |
Mme Marie Archambault (Groupe d'action pour les alternatives aux pesticides) |
¼ | 1835 |
¼ | 1840 |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
Mme Marie Archambault |
M. Rob Merrifield |
Mme Marie Archambault |
M. Rob Merrifield |
¼ | 1845 |
Mme Marie Archambault |
M. Rob Merrifield |
Mme Shauneen Mackay |
M. Rob Merrifield |
Mme Shauneen Mackay |
¼ | 1850 |
M. Rob Merrifield |
Mme Mary McGrath |
M. Rob Merrifield |
Mme Mary McGrath |
M. Rob Merrifield |
Mme Mary McGrath |
M. Rob Merrifield |
Mme Mary McGrath |
M. Rob Merrifield |
Mme Mary McGrath |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.) |
M. Terry Fenge |
M. Reg Alcock |
M. Terry Fenge |
M. Reg Alcock |
Mme Mary McGrath |
M. Reg Alcock |
¼ | 1855 |
La présidente |
M. Reg Alcock |
La présidente |
M. Odina Desrochers (Lotbinière--L'Érable, BQ) |
Mme Marie Archambault |
M. Odina Desrochers |
Mme Marie Archambault |
M. Odina Desrochers |
Mme Marie Archambault |
M. Odina Desrochers |
Mme Marie Archambault |
M. Odina Desrochers |
Mme Marie Archambault |
½ | 1900 |
M. Odina Desrochers |
Mme Mary McGrath |
M. Odina Desrochers |
Mme Shauneen Mackay |
M. Odina Desrochers |
Mme Shauneen Mackay |
M. Odina Desrochers |
La présidente |
M. Jeannot Castonguay (Madawaska--Restigouche, Lib.) |
Mme Marie Archambault |
½ | 1905 |
M. Jeannot Castonguay |
Mme Marie Archambault |
M. Jeannot Castonguay |
Mme Mary McGrath |
M. Jeannot Castonguay |
La présidente |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD) |
La présidente |
Mme Stephanie Meakin |
½ | 1910 |
La présidente |
M. Reg Alcock |
Mme Stephanie Meakin |
½ | 1915 |
M. Reg Alcock |
Mme Stephanie Meakin |
La présidente |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Mary McGrath |
La présidente |
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.) |
½ | 1920 |
Mme Marie Archambault |
Mme Yolande Thibeault |
Mme Shauneen Mackay |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
Mme Marie Archambault |
M. Rob Merrifield |
Mme Marie Archambault |
M. Rob Merrifield |
½ | 1925 |
Mme Marie Archambault |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Terry Fenge |
La présidente |
½ | 1950 |
La présidente |
Mme Dorothy Goldin Rosenberg (coordonnatrice, Womens' Healthy Environments Network) |
½ | 1955 |
La présidente |
Mme Dorothy Goldin Rosenberg |
¾ | 2000 |
La présidente |
Mme Peggy Land (physiothérapeute, Sierra Club—Chinook Group) |
La présidente |
Mme Peggy Land |
¾ | 2005 |
¾ | 2010 |
La présidente |
Mme Peggy Land |
La présidente |
Mme Janet May (Pesticide Free Ontario) |
¾ | 2015 |
¾ | 2020 |
La présidente |
Mme Colette Boileau (coordonnatrice, Organic Landscape Alliance) |
¾ | 2025 |
La présidente |
Mme Colette Boileau |
La présidente |
M. Av Singh (coordonnateur des services de prolongement, Organic Agriculture Centre of Canada) |
¾ | 2030 |
¾ | 2035 |
La présidente |
M. Jean-Dominique Lévesque-René (témoignage à titre personnel) |
¾ | 2040 |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
¾ | 2045 |
M. Av Singh |
M. Rob Merrifield |
M. Av Singh |
M. Rob Merrifield |
M. Av Singh |
M. Rob Merrifield |
M. Av Singh |
M. Rob Merrifield |
M. Av Singh |
M. Rob Merrifield |
M. Av Singh |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
Mme Kraft Sloan |
Mme Janet May |
¾ | 2050 |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Av Singh |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Av Singh |
¾ | 2055 |
Mme Karen Kraft Sloan |
Mme Janet May |
La présidente |
Mme Colette Boileau |
Mme Janet May |
Mme Peggy Land |
¿ | 2100 |
Mme Karen Kraft Sloan |
Mme Dorothy Goldin Rosenberg |
La présidente |
¿ | 2105 |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
Mme Dorothy Goldin Rosenberg |
Mme Peggy Land |
Mme Dorothy Goldin Rosenberg |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
¿ | 2110 |
Mme Colette Boileau |
La présidente |
Mme Brenda Chamberlain |
Mme Colette Boileau |
Mme Brenda Chamberlain |
Mme Colette Boileau |
Mme Brenda Chamberlain |
Mme Colette Boileau |
La présidente |
Mme Brenda Chamberlain |
La présidente |
Mme Colette Boileau |
Mme Brenda Chamberlain |
M. Av Singh |
Mme Brenda Chamberlain |
M. Av Singh |
¿ | 2115 |
Mme Brenda Chamberlain |
M. Av Singh |
Mme Brenda Chamberlain |
M. Av Singh |
Mme Dorothy Goldin Rosenberg |
M. Av Singh |
Mme Brenda Chamberlain |
M. Av Singh |
Mme Brenda Chamberlain |
Mme Janet May |
Mme Brenda Chamberlain |
Mme Janet May |
Mme Brenda Chamberlain |
Mme Janet May |
Mme Brenda Chamberlain |
Mme Janet May |
La présidente |
Mme Brenda Chamberlain |
La présidente |
Mme Brenda Chamberlain |
La présidente |
¿ | 2120 |
Mme Brenda Chamberlain |
La présidente |
Mme Brenda Chamberlain |
La présidente |
Mme Brenda Chamberlain |
La présidente |
Mme Janet May |
Mme Dorothy Goldin Rosenberg |
Mme Brenda Chamberlain |
La présidente |
Mme Dorothy Goldin Rosenberg |
Mme Brenda Chamberlain |
Mme Dorothy Goldin Rosenberg |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 6 mai 2002
[Enregistrement électronique]
¼ (1810)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonsoir, mesdames et messieurs. J'ai le plaisir de vous accueillir au Comité permanent de la santé et à notre examen des pesticides, en vue d'une éventuelle modification ou non au projet de loi C-53.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants des organismes suivants: la Conférence circumpolaire inuite du Canada; Inuit Tapiriit Kanatami of Canada; Protection environnementale du Canada; New Tecumseth Environment Watch; le Groupe d'action pour les alternatives aux pesticides. Notre dernier groupe s'est retiré, donc nous n'avons que ces cinq groupes ici ce soir.
Selon notre façon habituelle de procéder, chaque témoin fait un exposé après quoi les membres du comité posent des questions.
Je vous prie de nous excuser d'avoir commencé la séance avec du retard mais j'espérais que d'autres arriveraient. Ils vont peut-être arriver peu à peu au cours de la soirée.
Nous allons commencer ce soir par M. Terry Fenge de la Conférence circumpolaire inuite.
M. Terry Fenge (Conférence circompolaire inuite du Canada): Merci beaucoup.
Je crois que beaucoup de gens ont hâte de se rendre au match de hockey ce soir. Voilà qui peut expliquer certaines des difficultés.
La présidente: Effectivement, vous avez beaucoup de concurrence.
M. Terry Fenge: Je m'appelle Terry Fenge. Je suis accompagné de Stephanie Meakin. Stephanie et moi travaillons pour la Conférence circumpolaire inuite, l'organisme qui représente les Inuits et qui défend leurs droits sur la scène internationale.
Les Inuits habitent la région Chukotka de la Russie, l'Alaska, le Nord canadien et le Groenland. À peu près 155 000 Inuits habitent le monde circumpolaire.
Non seulement sommes-nous venus ici pour représenter la CCI, comme vous l'avez dit, mais nous représentons également l'ITK, l'organisme inuit national.
J'ai remis aux membres un mémoire, et je serai bref. Je vous ai également remis de la correspondance importante échangée entre la CCI et le ministre Rock. J'espère que vous l'aurez sous la main parce que je m'y référerai au cours de mon exposé.
La présidente: Malheureusement, nous n'avons pas encore votre mémoire, puisqu'il n'a pas encore été traduit. Nous ne pouvons distribuer que les documents qui sont disponibles en français et en anglais.
M. Terry Fenge: Je vois. Dans ce cas, je vais le lire.
Au cours des dix dernières années, les Inuits ont beaucoup appris au sujet des polluants organiques persistants, notamment au sujet de nombreux pesticides et de produits chimiques industriels tels que le DDT, le toxaphène, le lindane, les dioxines, les furons et bien d'autres encore. Lorsqu'ils sont libérés dans des pays qui ont un climat tropical et tempéré, ces produits chimiques aboutissent dans le puits arctique et s'accumulent dans la chaîne alimentaire, particulièrement dans la chaîne alimentaire marine.
Il s'ensuit qu'en consommant les graisses des mammifères marins comme les baleines, les phoques, les morses et autres animaux, les Inuits sont nombreux à avoir des concentrations de certains POP dans leur organisme qui dépassent de loin les niveaux que l'on trouve chez les habitants du Sud et de loin le seuil de risque défini par Santé Canada.
Nous avons des préoccupations aiguës au sujet des contaminants transfrontaliers dans l'Arctique, puisque ce dossier soulève des questions de survie culturelle de même que de protection environnementale. Je passe beaucoup de temps dans l'Arctique, et les minuscules localités que je visite sont de plus en plus informées des effets que peuvent avoir les contaminants transfrontaliers sur leur population.
Dieu merci, le Canada est au premier plan de la recherche sur les POP. Le programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, lancé en 1990, auquel prennent part les Inuits et d'autres peuples autochtones du Nord, a confirmé la gravité du problème et la nécessité d'opter pour des solutions d'ordre législatif. En 1997, le Rapport d'évaluation des contaminants dans l'Arctique canadien de près de 1 000 pages, préparé par le programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, a incité les représentants aux négociations internationales à tarir les sources des POP.
Après des années de négociations, le protocole de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance de la Commission économique de 1998 des Nations Unies pour l'Europe ainsi que la Convention mondiale de 2001 sur les POP du programme environnemental des Nations Unies ciblait l'Arctique ainsi que ses peuples autochtones parce que le programme de lutte contre les contaminants dans le Nord avait à ce point bien documenté le dossier.
Le programme de lutte contre les contaminants du Nord publiera plus tard cette année une deuxième évaluation qui aura un rôle important à jouer, puisqu'elle pourrait persuader les signataires des conventions internationales de les ratifier et de les mettre en oeuvre. En gros, l'Arctique est devenue depuis quelques années la région indice qui permet de mesurer la santé environnementale du monde entier en ce qui concerne les POP.
Les Inuits estiment que le gouvernement du Canada doit défendre leur santé et leur bien-être sur les tribunes internationales. En effet, rien ne détruit mieux la crédibilité du Canada sur les tribunes internationales que l'hypocrisie. Voilà pourquoi les lois, politiques et recherches canadiennes doivent être de la plus haute qualité et voilà pourquoi les principes mondiaux auxquels a souscrit le Canada, tel que le principe de prudence, devraient orienter les grandes lois en matière de protection de l'environnement et de santé publique.
Le projet de loi C-53 est important. Il est évident qu'il marque une amélioration notable par rapport à son prédécesseur. Ainsi, il est des plus utiles que le préambule entérine comme principe fondamental la protection de la santé humaine et de l'environnement. Mais, comme vous l'auront sans doute signalé d'autres témoins, l'omission du principe de prudence dans le préambule du projet de loi représente une occasion en or que le Canada aurait dû saisir.
Puisque ce projet de loi vise à protéger la santé, il importe particulièrement que les Inuits aient toute confiance dans le système de réglementation qu'il implique. Laissez-moi vous donner en exemple certaines des préoccupations qu'ont les Inuits en matière de réglementation.
Si j'ai bien compris, madame la présidente, vous n'avez pas distribué la correspondance que j'avais apportée, et c'est bien dommage.
En 1997, le Rapport d'évaluation des contaminants dans l'Arctique canadien concluait que de 15 à 20 p. 100 des femmes inuites vivant dans le sud de l'île de Baffin absorbaient quotidiennement un taux de lindane dépassant le taux quotidien d'absorption tolérable, alors qu'il s'agit d'un pesticide qui a des répercussions inquiétantes sur la santé, même si elles sont pour l'instant inconnues. Le lindane a été homologué pour la première fois au Canada en 1938. Même si nous continuons à l'utiliser au Canada, ce produit a été ciblé au cours des négociations internationales que j'ai brièvement mentionnées.
Stephanie et moi avons assisté à ces négociations à l'arrière-scène, et avons observé la délégation canadienne officielle représentée notamment par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et par le ministère des Affaires indiennes et du Nord; ces deux organismes faisaient partie de l'équipe de négociations du Canada à Genève. C'est là que le ministère des Affaires indiennes a demandé à l'ARLA une évaluation du lindane pour la santé de la population, puisqu'il s'agissait d'une information de la plus haute importance dont avait besoin le Canada pour justifier sa prise de position d'origine dans le cadre des négociations internationales selon laquelle le lindane ne devrait pas figurer dans la convention internationale. La demande a été refusée.
Comprenez ceci. Vous avez deux organismes fédéraux, au sens large du terme, qui font partie de la même équipe de négociation du gouvernement canadien et qui ont été incapables d'échanger de l'information lorsqu'on a négocié au sujet de ces substances. C'était une situation absurde.
Nous nous sommes adressés à M. Rock, qui était alors le ministre de la Santé, mais il a refusé de nous laisser avoir accès à cette information. Il s'agit, bien sûr, de la correspondance que je vous ai fait parvenir.
À l'époque, en 1998, le ministre de la Santé s'est trouvé dans une position ingrate. Il a refusé de communiquer aux Inuits des renseignements de base sur les risques pour leur santé, en faisant valoir que ces renseignements appartenaient à l'industrie. Les choses n'ont pas progressé. Nous sommes toujours incapables d'obtenir l'évaluation des risques que cette substance présente pour la santé publique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous comparaissons devant vous aujourd'hui.
Les Inuits ne cherchent absolument pas à obtenir des secrets commerciaux ou des renseignements commerciaux importants. Nous ne saurions qu'en faire. Mais nous ne voyons aucune raison pour qu'on refuse de communiquer des renseignements sur les risques que ces substances représentent pour les Inuits et tous les Canadiens.
Nous voudrions poser quelques questions ou peut-être vous demander de répondre à certaines d'entre elles. Le projet de loi C-53 empêchera-t-il que le problème du Lindane se reproduise? L'article 4 et les paragraphes 42(1)et 42(2) nous garantissent que la situation que nous avons constatée à propos du Lindane ne se répétera jamais?
Bien entendu, nous avons examiné le projet de loi qui est une loi longue et complexe, mais nous ne sommes pas certains de la réponse à la question que nous vous posons. La réponse semble se trouver dans la définition des «renseignements confidentiels commerciaux» qui figurent dans le projet de loi et la capacité du demandeur de déterminer quelles sont les données qui sont confidentielles à des fins commerciales et si le public doit avoir accès aux renseignements figurant sur le registre proposé et comment.
Par exemple, un demandeur et l'ARLA peuvent très bien considérer que les données sur les ventes et les applications sont confidentielles, mais c'est un renseignement important pour nous car cela nous donnerait une idée de la quantité de substances qui se retrouvera à long terme dans l'Arctique.
Comment remédier à ce problème, compte tenu des principes tout à fait louables énoncés dans le préambule du projet de loi qui parlent de protéger la santé publique et l'environnement? Nous suggérons d'ajouter un autre préambule ou un autre article qui reconnaîtrait un principe fondamental à savoir que le ministre doit permettre au public d'avoir facilement accès aux renseignements sur les risques sanitaires reliés aux pesticides que le demandeur a fournis au gouvernement.
Je ne pense que nous voulions nous fier uniquement aux formalités bureaucratiques définies et énoncées dans le projet de loi. Nous aimerions que tout ce processus repose sur un principe fondamental, celui que je viens d'énoncer.
N'importe quel rédacteur juridique vous dira sans doute que la meilleure façon de rédiger une loi est d'établir un principe fondamental quitte à prévoir ensuite des exceptions s'il le faut. Mais j'aimerais que le principe fondamental selon lequel le public doit avoir accès aux renseignements sur les risques sanitaires soit inclus au début du projet de loi.
Nous nous réjouissons de l'inclusion des populations vulnérables à l'article 11, mais l'article représente un cas particulier car ce ne sont pas seulement les personnes âgées, les enfants en bas âge et les femmes enceintes qui sont vulnérables, même si, comme partout ailleurs, les risques sont encore plus élevés pour eux. Étant donné que les POP se retrouvent dans l'Arctique et s'accumulent dans la chaîne alimentaire, en raison de la chasse et de la consommation de mammifères marins, pratiquement toute la population inuite est exposée.
Nous voudrions que cette réalité alarmante soit reconnue et mentionnée dans le projet de loi. Les recherches réalisées au Canada dans le cadre du programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, depuis 1990, le confirmeraient.
Enfin, comme j'ai promis d'être bref, je parlerai de la poursuite des recherches. Je n'ai pas le temps de décrire certains des bons programmes de recherches que le gouvernement canadien a mis en place.
¼ (1815)
J'ai déjà mentionné le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. Il s'agit d'un programme interministériel qui réunit quatre organismes fédéraux, trois gouvernements territoriaux et quatre organisations autochtones, et c'est en substance une grande réussite.
On va demander cette année aux ministres de renouveler le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. Nous croyons qu'il est impératif de renouveler ce programme étant donné les renseignements qu'il fournit et continuera de fournir, lesquels seront nécessaires pour ratifier et mettre en oeuvre les conventions internationales.
Nous savons bien sûr que le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord ne fait pas partie comme tel de l'objet de votre étude. Votre comité a pour mandat d'étudier un projet de loi précis. Quoi qu'il en soit, lorsque votre comité présentera son rapport sur le projet de loi, il serait des plus utiles qu'il donne son appui à ce programme et en fasse l'éloge,dans l'intérêt de l'amélioration de la santé publique dans le Nord.
Merci beaucoup.
¼ (1820)
La présidente: Merci, monsieur Fenge.
Madame Meakin, avez-vous un mémoire à nous soumettre?
Mme Stephanie Meakin (Inuit Tapiriit Kanatami du Canada): Non, je vais répondre aux questions.
La présidente: Merci.
Nous allons maintenant entendre Environmental Defence Canada, dont la représentante est Mme Mary McGrath. Madame McGrath.
Mme Mary McGrath (représentante, Protection environnementale du Canada): Merci.
Je m'appelle Mary McGrath et je représente l'organisme Protection environnementale du Canada, naguère connu sous le nom de Fonds canadien de la protection environnementale. Il s'agit d'une organisation nationale sans but lucratif, et nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-53.
Notre organisation représente un certain nombre de citoyens du Canada qui mènent des luttes juridico-environnementales dans leurs collectivités. Nous avons aussi ce que nous appelons notre programme droit de savoir, grâce auquel nous cherchons à donner aux Canadiens les renseignements et les outils dont ils ont besoin pour faire des choix informés en matière d'environnement et de santé.
Le projet de loi C-53, Loi sur les produits antiparasitaires, est une mesure législative importante qui constitue une amélioration considérable du texte de loi qui l'a précédée. Protection environmentale du Canada félicite le gouvernement d'avoir présenté ce projet de loi. Nous encourageons le gouvernement à l'adopter afin de protéger la santé humaine et l'environnement au Canada.
Comparativement au texte de loi qui l'a précédé, le projet de loi C-53 renferme des améliorations importantes en ce qui concerne le droit qu'a le public de savoir. Cependant, Protection environnementale du Canada croit que l'on peut faire mieux si l'on veut accroître la transparence et l'obligation d'informer le public.
Étant donné notre expertise dans ce domaine, nos suggestions visant à améliorer le projet de loi porteront essentiellement sur les mesures de transparence et sur l'obligation d'informer le public dans les limites de la loi et sur l'agence chargée de réglementer les produits antiparasitaires au Canada. Je vais donc en fait répéter certaines choses que M. Fenge a dites.
Les Canadiens doivent être informés en ce qui concerne les produits antiparasitaires et ils doivent prendre part au processus décisionnel relatif à la réglementation antiparasitaire. A titre de parents, nous avons le devoir de protéger la santé et la sécurité de nos enfants, étant donné qu'ils sont plus vulnérables que nous. A titre de citoyens, nous devons être en mesure de faire des choix informés afin de protéger notre santé, de connaître les autres solutions qui s'offrent à nous et de démocratiser le débat sur les produits antiparasitaires et la santé.
Les professionnels de la santé doivent pouvoir établir des diagnostics exacts et prescrire les traitements voulus dans le cas des maladies liées aux produits antiparasitaires ou causés par ceux-ci. Les agriculteurs doivent être en mesure de faire des choix éclairés en ce qui concerne les risques et les avantages de divers produits antiparasitaires, de protéger l'intégrité de l'écosystème et de comprendre les autres options offertes en matière de la gestion des produits antiparasitaires qui sont peut-être plus économiques, plus sûres, moins polluantes et moins toxiques.
Un public mieux éclairé mènera à la promotion de stratégies de réduction des produits antiparasitaires dont nous avons besoin pour prévenir la pollution et réaliser la transition vers un système de production alimentaire plus viable.
L'accès du public à l'information encouragera l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire à être plus responsable, à accorder une priorité absolue à la protection de la santé humaine et de l'environnement, ce qui renforcera la confiance du public dans les activités de l'ARLA.
En ce moment, le droit qu'ont les Canadiens de connaître les risques que posent les produits antiparasitaires n'est pas bien établi. L'accès du public à l'information au sujet de l'innocuité des produits antiparasitaires dans le processus de réglementation de ceux-ci est limité. Le public n'est pas informé lorsqu'on procède à une homologation, à une réévaluation ou à tout autre processus réglementaire. Le public n'a pas accès à l'information sur la composition des produits antiparasitaires, notamment la présence en quantités relatives de composés, de contaminants, ou de produits, sous-produits, ou les risques qu'ils posent.
L'accès à l'information relative au danger, qui se fonde sur les renseignements fournis par le fabricant de produits antiparasitaires ou le déposant, est limité. Or, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire se sert justement de ces renseignements sur la toxicité, la persistance, le potentiel de bioaccumulation, les voies d'exposition et l'évolution dans l'environnement de ces produits, pour prendre ses décisions en matière de réglementation.
Le processus d'évaluation des risques de l'ARLA lui-même n'est pas bien connu. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire n'a jamais produit de documents complets concernant ses méthodes d'évaluation des risques. Il est difficile d'obtenir et de comprendre ces formules d'évaluation qui souvent semblent contradictoires. Cette absence de clarté est très préoccupante étant donné les problèmes bien connus que pose le caractère subjectif de l'évaluation des risques.
Cependant, il convient de féliciter le gouvernement pour les améliorations qu'il a apportés à la Loi sur les produits antiparasitaires visant à accroître la participation du public au processus réglementaire. Mais si le public veut vraiment participer à ce processus, il doit être suffisamment informé. Même si le projet de loi C-53 facilite énormément la divulgation de renseignements et encourage vivement la participation du public, il continue de poser des obstacles à l'accès aux informations nécessaires.
La nouvelle LPA devrait contenir des mesures donnant au public le plus grand accès qui soit aux informations. Je vais brièvement vous proposer quatre suggestions importantes au projet de loi C-53.
La première a trait à la définition des renseignements confidentiels commerciaux. À notre avis, le plus grand obstacle que présente le projet de loi C-53 tient au fait qu'on donne une définition beaucoup trop vague des renseignements confidentiels commerciaux, vu surtout que c'est le déposant lui-même qui peut juger ce qui constitue des renseignements confidentiels commerciaux.
Protection Environmentale du Canada a éprouvé des difficultés à obtenir des informations sur les produits antiparasitaires dans le cadre du régime actuel. En novembre 2001, nous avons invoqué la Loi sur l'accès à l'information pour avoir accès à des documents relatifs à l'évaluation des risques pour certains produits antiparasitaires—seulement quatre en fait—, et il nous a fallu pour cela faire neuf démarches, dont sept lettres. Plusieurs modifications ont été apportées à notre demande, qui n'a pas encore produit la moindre information.
¼ (1825)
L'expression «renseignements confidentiels commerciaux» devrait être définie avec précision et ne viser que les informations qui seraient véritablement préjudiciables aux intérêts financiers ou à l'avantage concurrentiel de la personne à qui elles appartiennent.
Notre deuxième suggestion a trait au registre public. Le registre public sous forme électronique que propose ce texte de loi représente un progrès important. Mais il faut élargir le contenu et la fonction du registre public sous forme électronique afin qu'il contienne les informations suivantes: une base de données sur les effets nocifs, les solutions de rechange aux produits antiparasitaires, les ventes de tels produits et des renseignements sur leur utilisation. Tout particulièrement, le projet de loi C-53 devrait exiger le retraçage de l'utilisation de produits antiparasitaires désignés, en commençant avec ceux qui suscitent les plus grandes inquiétudes, et cette information devrait être communiquée au public dans le cadre du registre électronique.
Notre troisième suggestion a trait aux données relatives aux ventes. À titre de condition d'homologation, les déposants de produits antiparasitaires devraient communiquer régulièrement à l'ARLA leurs données sur les ventes, données qui devraient à tout le moins identifier le produit, la quantité vendue ainsi que le lieu et la date de la vente. Le répertoire des ventes de produits antiparasitaires devrait être accessible dans le cadre du registre public sous forme électronique.
Notre dernière suggestion concerne l'étiquetage des produits antiparasitaires. La nouvelle loi devrait exiger impérativement que l'étiquetage des produits antiparasitaires soit clair et instructif. Le ministre devrait exiger que tout produit antiparasitaire porte une étiquette donnant en termes simples, avec une police de caractères et couleur spéciales pour les malvoyants, le plus d'information possible sur le contenu, les effets sur la santé et l'environnement, les premiers soins, les instructions relatives à l'utilisation et à la mise au rebut, et on devrait aussi dire sur l'étiquette où se procurer d'autres renseignements.
Nous avons annexé à notre mémoire, que vous n'avez pas encore obtenu, si j'ai bien compris, une annexe faisant état, article par article, des améliorations que nous proposons qu'on apporte au projet de loi C-53.
Merci.
La présidente: Merci, madame McGrath.
Nous allons maintenant entendre Shauneen Mackay du New Tecumseth Environment Watch. Madame Mackay.
Mme Shauneen Mackay (bénévole, New Tecumseth Environment Watch): Je me présente ici comme bénévole représentant les habitants de la ville de New Tecumseth.
Il y a déjà 30 ans, on nous avertissait des effets néfastes du tabac sur la santé mais le gouvernement voulait attendre d'avoir des preuves. Nous possédons aujourd'hui les preuves irrévocables que le tabac est dangereux pour la santé. Ma mère en est un exemple typique. Elle fumait deux paquets de cigarettes par jour. Sa mort d'un cancer du poumon fut longue et pénible car la maladie s'est aussi propagée à son cerveau. La peur l'envahissait, car sa gorge se refermait et elle craignait de mourir étouffée.
Aujourd'hui, on nous dit que les pesticides présentent un danger pour la santé. Beaucoup de parents canadiens se retrouvent impuissants. Leurs enfants et animaux domestiques peuvent être exposés inutilement à ces dangers. Au lieu d'anticiper le printemps où l'on peut faire des promenades en plein air, beaucoup d'entre eux se retrouvent enveloppés dans des nuages de pesticides.
Je tiens à le dire clairement, ce n'est pas l'agriculture qui fait problème. Les cultivateurs sont très conscients des dangers. Ils ont reçu une formation et une autorisation. Ils comprennent les dangers associés à l'utilisation des pesticides. De plus, je crois que les cultivateurs aiment les enfants; ils ne laisseraient jamais ceux-ci se promener dans les champs fraîchement pulvérisés. Je crois que les cultivateurs appuieront la fin de l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques.
Il ne s'agit pas ici de faire perdre des emplois. Les aliments et les produits biologiques pour l'entretien des gazons sont des secteurs en pleine croissance qui permettent la création d'emplois et des milliards de dollars de profits. Loblaws a déjà mis en place—je suis sure que vous le savez—son programme visant l'élimination des pesticides d'ici à 2003. L'offre de produits biologiques croît déjà rapidement dans ses magasins, même si, malheureusement, beaucoup de ces produits sont importés des États-Unis. Il s'agit plutôt ici, à mon avis—et c'est aussi l'avis de ma collectivité—de la responsabilité et du devoir moral du gouvernement fédéral de protéger ses citoyens.
Avec la technologie dont nous disposons aujourd'hui, nous estimons qu'il ne faudra pas 30 ans pour prouver irrévocablement que les pesticides sont effectivement dangereux pour notre santé. Le fait est que les pesticides, en termes simples, tuent les cellules et que nous sommes tous composés de cellules. Il semble maintenant qu'il ne faudra que 5 ou 6 ans pour en avoir la preuve. Nous comprendrions la difficulté de résoudre le problème s'il n'y avait pas de solutions de rechange pour nous assurer une belle pelouse, mais il y en a.
Nous les habitants de la ville de New Tecumseth demandons donc au gouvernement fédéral de prendre les mesures suivantes.
Premièrement, nous lui demandons de jouer un rôle de chef de file pour mettre fin à l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques en milieu urbain. Les fabricants de produits chimiques ont une arme des plus puissantes dans leur arsenal: le fait que le gouvernement fédéral ait homologué leurs produits. Ils s'en servent pour empêcher les municipalités de faire adopter des règlements interdisant l'utilisation des pesticides. Le plus ironique, c'est que nous avons constaté en faisant du porte à porte auprès de nos voisins pour leur expliquer les dangers liés à l'utilisation des pesticides qu'ils nous servent le même argument: les produits ne doivent pas présenter de dangers puisque le gouvernement en autorise l'utilisation. En interdisant l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques, le gouvernement fera en sorte que nos bébés, nos enfants et nos animaux domestiques ne seront pas exposés à ces toxines dangereuses. C'est là votre devoir et votre responsabilité.
Deuxièmement, nous aimerions obtenir la divulgation des ingrédients inertes pour que nous sachions vraiment à quoi on nous expose.
Troisièmement, nous l'invitons à mettre davantage l'accent sur les solutions de rechange et à accorder un soutien accru aux entreprises d'entretien écologique des pelouses et des jardins.
Nous souhaiterions que la Loi sur les produits antiparasitaires soit examinée tous les cinq ans.
Enfin, nous aimerions que le gouvernement fédéral demande des garanties aux fabricants de produits chimiques. Nous sommes d'avis que, si les Canadiens avaient toutes les informations voulues et savaient à quel point les pesticides nuisent à leur santé, on pourrait intenter des recours collectifs pour tenter de récupérer les milliards de dollars de frais que les pesticides ont occasionnés à notre système de soins de santé.
¼ (1830)
Si les fabricants de produits chimiques, pour qui tout ce qui compte c'est d'assurer un rendement acceptable à leurs actionnaires, continuent à dire que leurs produits ne présentent aucun risque, il faut que vous insistiez pour qu'ils obtiennent d'un assureur indépendant une évaluation du tort que ces produits chimiques pourraient causer à la santé des Canadiens. Toutes les entreprises qui vendent des produits doivent obtenir une assurance-responsabilité civile.
Il arrive par ailleurs que les fabricants de produits chimiques qui sont trouvés coupables de négligence ayant causé la mort ou des blessures optent simplement pour la faillite. Il faut trouver un moyen de les faire payer même s'ils font faillite.
Comme vous pouvez le constater, nous ne vous demandons pas de priver des travailleurs de leur emploi. Nous ne vous demandons pas d'empêcher les agriculteurs de gagner leur vie. Nous disons simplement qu'il y a des entreprises qui vendent et qui appliquent des produits nocifs pour la santé, notamment pour la santé des plus vulnérables, de nos enfants. Il faut que cela cesse.
Merci.
La présidente: Merci, madame Mackay.
Le témoin suivant est Marie Archambault.
[Français]
Mme Marie Archambault (Groupe d'action pour les alternatives aux pesticides): Bonsoir. Je tiens à remercier la Chambre des communes, qui a bien voulu m'accorder le privilège de m'exprimer sur le contenu du projet de loi C-53.
Le Groupe d'action pour les alternatives aux pesticides a été fondé par des mères de jeunes enfants préoccupées par les risques associés à l'utilisation des pesticides de façon abusive et routinière pour des fins esthétiques, particulièrement dans les banlieues.
Notre travail de sensibilisation a couvert un territoire assez vaste, qui regroupe sept municipalités, pour une population d'environ 135 000 personnes. À la suite de notre intervention, les maires adopteront un règlement restrictif commun aux sept villes.
Nous avons également rédigé un mémoire lors de la consultation du Groupe de réflexion sur les pesticides en milieu urbain, groupe chargé d'émettre des recommandations au ministre de l'Environnement du Québec pour aider à l'élaboration d'un nouveau code de gestion.
Le projet de loi C-53 ne fait malheureusement pas la distinction entre les pesticides utilisés pour des fins esthétiques et les autres. En effet, un risque acceptable pour la santé et l'environnement est inacceptable dans le contexte d'une activité qui ne relève d'aucun besoin essentiel, se faisant la plupart du temps de façon préventive et ce, dans un but purement esthétique. La loi devrait prévoir des normes plus exigeantes pour ces produits, qui devraient donc, par conséquent, comporter un risque nul. L'utilisation des herbicides en milieu urbain devrait être restreinte par la nature même de leur vocation.
Il est louable que soit incluse dans la loi la précaution particulière de protéger les groupes plus à risque. Par contre, il n'y a rien qui prouve que les nouvelles mesures énoncées, c'est-à-dire le seuil augmenté d'un facteur de 10, seront plus sécuritaires.
Pour les substances possiblement cancérigènes ou soupçonnées de l'être, il n'existe pas de dose sécuritaire; il est donc impossible d'établir un niveau d'exposition acceptable. De plus, les doses dites sécuritaires ne tiennent aucunement compte des effets synergiques des pesticides en présence d'autres produits.
Les solvants présents dans la formulation ne sont pas non plus évalués dans les études de toxicité et représentent en eux-mêmes une source de toxicité intrinsèque sous-évaluée. Les effets nocifs des pesticides ne sont donc pas nécessairement dépendants de la dose. C'est pourquoi je dois conclure que les mesures spéciales adoptées pour augmenter la marge de sécurité du groupe sensible sont nettement inadéquates.
De plus, les études effectuées sont extrapolées de l'animal à l'être humain et ne tiennent pas compte de la complexité de la nature humaine et de toutes les autres substances auxquelles l'être humain peut être exposé dans le quotidien.
Les études de toxicité sont donc menées avec des paramètres très limités. Il faut également prendre en considération les effets d'une exposition à long terme et le moment de l'exposition du foetus et de l'enfant, qui sont particulièrement vulnérables.
Il existe des preuves de plus en plus convaincantes qui démontrent que les produits chimiques comme les herbicides, qui sont des modulateurs d'hormones, peuvent avoir des effets dévastateurs et ce, à des doses très faibles.
Il existe maintenant suffisamment d'études incriminantes pour que l'on se doive d'appliquer le principe de précaution, par ailleurs invoqué par la Cour suprême du Canada, pour les produits dont l'utilisation n'est pas essentielle.
Je crois que l'industrie a créé un besoin dans un but purement lucratif en changeant la vocation première de ces produits, qui se voulaient à l'origine destinés à éradiquer des infestations réelles. Par la loi, nous voulons que soit redonnée aux pesticides leur vocation première et que leur emploi soit réservé uniquement à des infestations pour lesquelles il n'existe aucune méthode naturelle et écologique et pour lesquelles on a atteint un seuil critique.
Les pesticides devraient donc être traités de la même façon qu'un médicament d'ordonnance, et on devrait suivre le même processus pour les obtenir. Une personne qualifiée, indépendante de l'industrie, pourrait émettre ladite ordonnance après avoir évalué le problème.
Les pesticides utilisés pour des fins esthétiques ne devraient donc pas être disponibles et accessibles pour les citoyens. En effet, il s'avérerait trop ardu de vérifier et de contrôler les méthodes d'application et cela représenterait un risque potentiel de contamination, tant pour le citoyen qui épand que pour le voisinage.
Il existe de plus en plus de groupes de pression partout au Canada qui demandent une loi restreignant l'utilisation des pesticides en milieu urbain. L'exposition involontaire devient une préoccupation grandissante au sein de la population, et le gouvernement se doit d'agir à ce niveau.
¼ (1835)
Le rapport remis par le Comité permanent de l'environnement et du développement durable démontre la nécessité de bannir l'utilisation des pesticides en milieu urbain. Nous sommes extrêmement déçus que le gouvernement canadien ne l'ait pas mis en oeuvre et nous ne comprenons pas pourquoi le projet de loi C-53 ne contient pas de mesures plus adaptées face aux nombreuses incertitudes reliées à ces produits. Nous considérons que le projet de loi ne va pas assez loin et ne reflète pas les inquiétudes des Canadiens et Canadiennes.
Il nous apparaît également très important que la loi permette de divulguer les ingrédients inertes et que ces derniers ne constituent plus un secret de fabrication. En effet, la population a le droit fondamental de savoir à quels produits elle peut être exposée. Rien ne peut justifier que les ingrédients soient inconnus lorsqu'il s'agit de protéger la collectivité.
Il existe aujourd'hui suffisamment d'études scientifiques incriminantes pour que le législateur se doive d'agir avec prudence. Les preuves s'accumulent et nous amènent à conclure qu'il faut contrôler de façon nettement plus marquée l'utilisation des pesticides en milieu urbain. Des restrictions sévères deviennent donc nécessaires.
Nous demandons au gouvernement du Canada de protéger la population et tout particulièrement les enfants dans leur droit à un environnement sain et dans leur liberté de profiter pleinement de leurs étés, sans qu'ils aient à s'inquiéter où mettre les pieds ou quel air respirer. Nous croyons que le législateur devrait agir dans le meilleur intérêt des enfants, et non seulement pour des intérêts purement économiques ou politiques. Nous ne pouvons que constater l'absurdité de la situation où nous devons restreindre nos enfants dans leurs activités à l'extérieur tout en sachant que nous ne pouvons pas toujours leur éviter des expositions accidentelles, malgré notre vigilance.
En tant que société, nous ne pouvons pas privilégier l'esthétisme au détriment de la santé et de l'environnement. Une exposition accidentelle, contre notre gré, touche directement notre intégrité biologique et notre droit fondamental à la liberté de choix.
Léguons à nos enfants le respect de la nature, de la biodiversité et de l'environnement, et souhaitons que le gouvernement canadien contribue fièrement à cet héritage.
¼ (1840)
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Archambault.
Les témoins ayant tous terminer leurs exposés, nous allons maintenant passer aux questions. Nous commencerons par monsieur Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Je tiens à vous remercier d'être venus témoigner devant nous ce soir.
Je vais commencer en fait par Marie, qui vient de terminer son exposé. Vous avez dit que ce n'était pas suffisant d'augmenter le seuil d'un facteur de dix. Le problème fondamental tient-il au manque de confiance du public dans l'ARLA ou dans le ministère de la Santé ou dans les fabricants de pesticides, ou avez-vous des preuves scientifiques à nous présenter pour nous montrer que nous ne sommes pas du tout sur la bonne voie?
[Français]
Mme Marie Archambault: La nouvelle classification des herbicides, entre autres celle du Centre international de recherche sur le cancer, a classé les herbicides dans la catégorie 2B, ce qui en fait donc des produits possiblement cancérigènes pour l'être humain, et on sait qu'il n'y a pas de dose jugée sécuritaire pour les produits cancérigènes. Donc, même en augmentant le facteur de 10, cela n'assure pas la sécurité. On est arrivé à un chiffre arbitraire de 100 au départ, mais c'est un chiffre arbitraire. Qu'est-ce qui nous dit que ce chiffre de 100 était bon au départ? Ce n'est pas en augmentant le chiffre de 10 qu'on va rendre les choses plus sécuritaires, surtout quand il s'agit de produits cancérigènes. Le fait qu'un produit est cancérigène n'a pas rapport à la dose mais à l'exposition.
[Traduction]
M. Rob Merrifield: Vous venez vous-même de parler de l'effet cancérigène, mais nous n'en sommes pas sûrs et nous ne sommes pas sûrs non plus de ce qui est acceptable. Voilà ce qui fait problème à mes yeux de profane. Avez-vous une étude que vous pouvez nous présenter qui prouve que les doses approuvées au Canada sont trop élevées et qu'elles causent le cancer? Combien y a-t-il eu de cas de cancer? On nous présente beaucoup d'allégations, mais j'essaye pour ma part de m'en tenir à des faits vérifiables.
Mme Marie Archambault: J'ai dit que c'est possible.
[Français]
J'ai dit que ça pourrait possiblement être cancérigène; mais on ne peut prendre aucun risque, quel qu'il soit. Même s'il est acceptable, c'est un risque quand même. On utilise le mot «risque» dans le projet de loi C-53. Si on utilise ce mot, c'est qu'il existe un risque quelconque, et je trouve inadmissible qu'on prenne un risque pour des raisons seulement esthétiques. En plus, c'est un risque qu'on impose à d'autres personnes qui ne veulent pas prendre ce risque.
Je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre plus tôt quand j'ai dit que, s'il s'agissait d'une substance possiblement cancérigène, il n'y avait pas de dose permise acceptable. Alors, qu'on multiplie par un facteur de 10 ou de 100, il va quand même rester une dose quelconque pour que l'herbicide puisse être efficace.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
[Traduction]
M. Rob Merrifield: Oui, vous avez répondu d'une certaine façon. Vous n'avez pas d'étude à nous présenter. Vous dites qu'il pourrait y avoir un risque. Nous le savons tous.
Mme Marie Archambault: Oui.
M. Rob Merrifield: C'est pareil quand on monte dans une voiture: il est toujours possible qu'on puisse avoir un accident. Il s'agit d'un risque possible que, dans certains cas, nous sommes prêts à courir en tant que société.
¼ (1845)
[Français]
Mme Marie Archambault: Changer l'automobile, dans notre société, implique des choses beaucoup plus graves, beaucoup plus difficiles à régler que de retirer des produits qui tuent les pissenlits. Il faut aussi regarder la signification des choses. C'est quelque chose qu'on peut faire quand même assez facilement, sans bousiller la société au complet. C'est une question de société; c'est une valeur. Quand une société met l'esthétisme au-dessus de tout et prend des risques pour arriver à l'esthétisme, elle est, d'après moi, décadente.
En tant que mère de famille, je ne peux pas élever mes enfants en leur disant qu'ils ne peuvent pas marcher sur le gazon parce qu'il est couvert de produits chimiques. Un gazon est devenu quelque chose de dangereux. C'est complètement absurde. Je pense que les compagnies devraient faire la preuve que leur produit est 100 p. 100 sécuritaire et ne comporte pas d'élément de risque.
[Traduction]
M. Rob Merrifield: Je comprends ce que vous dites. Ne vous méprenez pas. Ce n'est pas que je suis un fanatique des pesticides. Je les déteste.
Mme Marie Archambault: Non, excusez-moi...
M. Rob Merrifield: Je dis simplement que nos décisions doivent se fonder sur des études scientifiques solides, si nous voulons...
Vous dites qu'il pourrait y avoir un effet cancérigène. Je veux bien, mais à partir de quelle dose et de quel taux d'épandage? Voilà certaines des questions avec lesquelles nous devons nous colleter en tant que membres de ce comité pour nous prononcer sur le projet de loi. Le seuil est-il sûr ou pas?
Je voudrais aborder un autre aspect. Peut-être que Shauneen...
Mme Marie Archambault: Pourrais-je ajouter brièvement quelque chose?
M. Rob Merrifield: Non, malheureusement, puisqu'elle va m'interrompre dans un moment.
Mme Marie Archambault: D'accord.
M. Rob Merrifield: Elle est vraiment très toxique.
Mme Shauneen Mackay: Elle va vous faire payer.
M. Rob Merrifield: Oui, je le sais. Je n'ai qu'une question, alors je ne veux pas rater mon coup.
Madame Mackay, vous en avez contre l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques. Si ces produits ne sont pas nécessaires, pourquoi s'en servir? Jusque là, nous vous suivons. Mais vous avez également affirmé que le problème n'a rien à voir à l'agriculture, qu'il ne s'agit pas de nuire à la communauté agricole qui est formée et qui utilise les pesticides de façon bien plus sécuritaire. Ensuite, vous dites que les entreprises devraient garantir l'innocuité de leurs produits chimiques. Je me demande si vous avez poussé ce raisonnement jusqu'à sa conclusion logique, à savoir ce qu'il en coûterait à la communauté agricole si les pesticides qu'elle utilise devaient être accompagnés d'une garantie.
Mme Shauneen Mackay: Je dis que la responsabilité incombe au gouvernement. C'est lui qui, au bout du compte, sera tenu responsable du tort qui pourra être causé parce qu'il existe suffisamment d'information sur le danger que présentent les pesticides.
Je voulais aussi ajouter ceci: il est impossible aux scientifiques de prouver l'innocuité des pesticides parce qu'ils ne savent pas ce que contiennent ces produits.
Pour ce qui est de la responsabilité civile, je dis que le gouvernement fédéral devrait agir de façon très circonspecte étant donné ce qui est arrivé à l'industrie du tabac. Il est après tout le dépositaire de l'argent des contribuables.
La situation est très semblable dans ce cas-ci. On l'a vu, les fabricants d'implants mammaires ont fait faillite et sont disparus en moins de deux quand les femmes qui avaient reçu ces implants ont voulu les poursuivre. Le gouvernement fédéral doit vraiment penser à ce à quoi il pourrait être confronté plus tard, car je suis persuadée qu'il y aura des conséquences énormes.
M. Rob Merrifield: Nous voulons tous vivre en sécurité. Mais ce qui m'inquiète finalement, c'est que nous avons un organisme d'homologation qui atteste l'innocuité des produits en question et que les garanties que vous demandez pourraient avoir des répercussions pour la communauté agricole.
Mme Shauneen Mackay: Voici donc la question qu'il convient de se poser, car je ne sais pas quel est le type d'assurance responsabilité civile que vous avez. Quand on veut mettre un luminaire sur le marché, il faut passer par UL ou par CSA. Il faut leur dire tout ce qui se trouve dans le produit en question pour qu'il soit approuvé. Il faut soumettre le produit à un organisme indépendant.
La question est donc la suivante: le gouvernement a-t-il une assurance responsabilité civile suffisante pour le cas ou certaines personnes diraient: «Vous saviez le danger que présentaient les pesticides; on vous l'avait dit. Il y avait suffisamment de preuves de ce danger pour que vous appliquiez le principe de prudence et que vous interdisiez l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques. Il y avait suffisamment d'information disponible et vous êtes donc responsable»? Le gouvernement a-t-il une assurance responsabilité civile suffisante pour couvrir le coût des poursuites qui pourraient être intentées, ou les coûts imposés au système des soins de santé?
¼ (1850)
M. Rob Merrifield: Cela relève de la compétence de l'ARLA. Avons-nous confiance que l'ARLA a les informations voulues pour homologuer un produit au Canada? Le produit est-il vraiment sûr? Cela nous ramène à la question de tout à l'heure au sujet de la confiance.
Je crois que c'est Mary qui a dit aussi que les agriculteurs sont informés. Pensez-vous qu'ils sont suffisamment bien informés?
Mme Mary McGrath: Ai-je dit que les agriculteurs sont informés? J'ai dit: «les agriculteurs doivent être...».
M. Rob Merrifield: Doivent être mieux informés?
Mme Mary McGrath: Ils doivent être en mesure de faire des choix éclairés sur les risques et les avantages de divers pesticides et comprendre l'utilité des solutions de rechange en matière de lutte anti-parasitaire et les dangers possibles pour leur santé.
M. Rob Merrifield: Et vous croyez qu'ils ne le sont pas?
Mme Mary McGrath: Il faudrait que j'aille poser la question à un agriculteur, mais je dirais que les agriculteurs doivent être en mesure de faire des choix éclairés. Il me semble que tout le monde serait d'accord avec moi là-dessus.
M. Rob Merrifield: D'accord, mais vous semblez dire qu'ils ne sont pas informés?
Mme Mary McGrath: Non, je n'ai pas du tout dit qu'ils ne sont pas informés.
M. Rob Merrifield: Ce doit être moi qui suis arrivé à cette conclusion.
Mme Mary McGrath: J'ai dit: «Les agriculteurs doivent être en mesure de faire des choix éclairés.» Avec la loi que nous avons à l'heure actuelle, il y a des problèmes à cet égard. Vous demandez: «Avons-nous confiance que l'ARLA a les informations voulues pour déterminer l'innocuité d'un produit?» Nous pourrions faire confiance à l'ARLA, mais nous n'avons aucun moyen de savoir de quelles informations elle dispose. Nous savons qu'elle obtient ces informations de l'industrie, mais l'ARLA refuse de nous les communiquer. Pour ce qui de savoir si nous devrions faire confiance à l'ARLA, si les agriculteurs devraient lui faire confiance, si les citoyens devraient lui faire confiance, nous aimerions bien pouvoir lui faire confiance, mais nous voudrions qu'elle nous communique les informations pour que nous puissions en juger.
M. Rob Merrifield: La nouvelle transparence que prévoit le projet de loi va-t-elle atténuer les craintes relatives à la divulgation d'information?
Mme Mary McGrath: La transparence accrue?
M. Rob Merrifield: Oui, celle que prévoit le projet de loi.
Mme Mary McGrath: Tout dépend de ce qui ressortira des informations qui seront divulguées. Si l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire nous remettait les évaluations de risque que nous lui demandons aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, nous serions en mesure de décider si les informations en question permettraient d'atténuer nos craintes. Pour l'instant, il existe une culture de crainte, parce que les gens ne savent ce qu'il en est. Selon certaines études, il faudrait un facteur de 100 pour assurer l'innocuité, alors que selon d'autres études, il faudrait un facteur de 10. Les scientifiques ont accès à certaines informations, mais pas à d'autres...
M. Rob Merrifield: Il me semble que vous avez frappé en plein dans le mille: il existe une culture de crainte. Et je pense que vous avez tous les trois tenu les mêmes propos. Il me semble que c'est ce que nous voulons éviter.
La présidente: Monsieur Merrifield, vous avez eu droit à plus de temps que vous n'auriez dû. Je ne suis pas vindicative.
Monsieur Alcock.
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Je voudrais pousser l'interrogatoire un petit peu plus loin, même au risque de révéler mon ignorance.
Monsieur Fenge, vous avez parlé de la difficulté—je crois que Mme McGrath disait à peu près la même chose—d'avoir accès aux informations relatives à la santé, non pas aux renseignements exclusifs concernant le procédé, mais aux informations relatives à la santé.
M. Terry Fenge: Oui, tout à fait.
Je peux peut-être profiter de l'occasion pour lire aux fins du compte rendu une phrase seulement de la lettre que le ministre Rock a adressée à la CCI. C'est manifestement de cela qu'il s'agit. Il s'agit d'une lettre que M. Rock nous a écrite en 1998, quand il était bien sûr ministre de la Santé, et dans laquelle il nous refuse les informations que nous avions demandées. Il dit:
«Les données provisoires qui ont été soumises à l'ARLA au moment de l'homologation pour montrer l'innocuité, le mérite et la valeur du produit, demeurent la propriété du demandeur.»
Ces informations concernent l'innocuité du produit. Voilà ce contre quoi nous en avons. Nous comptons sur vous, puisque vous êtes là pour nous représenter, pour corriger la situation à l'avenir.
M. Reg Alcock: S'agit-il de Lindane en particulier?
M. Terry Fenge: Il s'agit des informations que nous avions demandées au sujet de l'évaluation des risques pour la santé publique du pesticide Lindane.
M. Reg Alcock: Madame McGrath, est-ce aussi de ce problème que vous nous avez parlé ce matin?
Mme Mary McGrath: Nous avons en fait demander les évaluations des risques pour la santé publique de quatre pesticides différents. L'un d'entre eux est Lindane. Nous avons présenté une demande en vertu de la Loi fédérale sur l'accès à l'information car nous n'avions pas réussi à obtenir les informations des représentants de l'ARLA. Quand on appelle l'ARLA, on ne peut pas en fait parler à une personne en chair et en os. C'était en novembre 2001. Nous n'avons rien reçu encore. Nous avons été obligés de modifier notre demande à plusieurs reprises, mais nous n'avons toujours rien reçu.
M. Reg Alcock: Pourriez-vous nous communiquer le libellé de vos demandes?
Mme Mary McGrath: Bien sûr.
M. Reg Alcock: Madame la présidente, nous pourrions peut-être nous aussi présenter la même demande.
¼ (1855)
La présidente: Madame McGrath, avez-vous une demande pour chacun des quatre pesticides différents, ou s'agit-il d'une seule demande?
Mme Mary McGrath: Il s'agit d'une seule demande.
La présidente: Pourriez-vous nous faire tenir copie de la correspondance?
Monsieur Fenge, nous serions heureux de recevoir les lettres auxquelles vous avez fait allusion.
Je le répète, cependant, il faudra que les documents soient traduits avant que nous ne puissions les remettre aux membres du comité. M. Alcock propose que nous présentions ensuite la demande à l'ARLA afin d'obtenir les informations en question.
M. Reg Alcock: Je ne comprends pas pourquoi il est impossible d'obtenir les informations relatives à la santé.
La présidente: Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière--L'Érable, BQ): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remarque que les gens qui se sont déplacés aujourd'hui pour parler de cette importante question partagent en grande partie des inquiétudes quant au projet de loi C-53 qui, à leur avis et peu importe leur point de vue, ne va pas assez loin au niveau de la protection, de l'information et de la transparence.
J'aimerais d'abord poser des questions à Mme Archambault du Groupe d'action pour les alternatives aux pesticides. Vous dites que le projet de loi C-53 ne fait malheureusement pas la distinction entre les pesticides utilisés à des fins esthétiques et les autres, et qu'il y a un risque inacceptable pour la santé et l'environnement dans le contexte d'une activité qui ne relève d'aucun besoin essentiel et qui se fait la plupart du temps de façon préventive et dans un but purement esthétique. Vous poursuivez en disant que les herbicides devraient être carrément bannis en milieu urbain.
Venez-vous d'un milieu urbain?
Mme Marie Archambault: Oui.
M. Odina Desrochers: Pouvez-vous nous expliquer les conséquences de ce que vous avancez aujourd'hui au moyen d'exemples concrets de produits que l'on connaît?
Mme Marie Archambault: Voulez-vous dire les noms chimiques des herbicides?
M. Odina Desrochers: Oui.
Mme Marie Archambault: Il s'agit de tous les produits qui contiennent du 2,4-D, entre autres. Je pense au Killex qui contient du 2,4-D, au dicamba et au mecoprop. Ce sont les noms chimiques. Il n'y a pas beaucoup d'herbicides sur le marché: il y en a trois. Il y en a un autre dont le nom m'échappe. Il porte le nom d'une compagnie. Il s'agit d'herbicides.
M. Odina Desrochers: Lorsque les consommateurs se rendent dans les établissements qui s'occupent des plantes et des pelouses, les préposés leur offrent ces produits sans leur fournir d'information. Les gens partent avec ces produits sans connaître le risque dont vous parlez.
Mme Marie Archambault: Ces produits sont vendus dans les magasins Zellers, Canadian Tire, partout. Il n'y a pas de préposés qui peuvent expliquer qu'il y a des dangers associés à ces produits.
Dans le mémoire que j'ai préparé, je voulais vraiment faire la distinction entre la valeur d'un produit... Je suis pharmacienne. Quand un médicament d'ordonnance est accepté, il est toujours question des bienfaits du médicament par rapport aux risques encourus. Il y a une tierce personne, le médecin, qui doit d'abord juger si le médicament comporte plus de risques ou plus de bienfaits et décider s'il le prescrit ou pas.
Dans le cas d'un herbicide, il faut aussi regarder s'il y a des risques. On reconnaît qu'il y a des risques puisque l'on parle de risques acceptables dans le projet de loi C-53, mais est-ce que sa valeur est acceptable? L'esthétisme est-il une valeur acceptable? D'après moi, il ne l'est pas. Il y a donc plus de risques que de bienfaits.
M. Odina Desrochers: Qui pourrait agir comme arbitre entre ceux qui préconisent les herbicides et ceux qui n'en veulent pas? Parlez-vous d'un ombudsman, de quelqu'un qui serait neutre et qui pourrait prendre une décision?
Mme Marie Archambault: Les herbicides devraient être carrément bannis parce qu'ils ne servent qu'à des fins esthétiques. Quant aux insecticides, si le végétal est mis en péril et qu'il n'y a pas de solution écologique, une tierce personne pourrait évaluer le problème, comme le médecin évalue le problème de santé et décide de prescrire ou pas. Une tierce personne émettrait donc une «ordonnance» pour le produit en question.
M. Odina Desrochers: On a maintenant coutume d'utiliser les herbicides à des fins esthétiques. On les utilise couramment. Ça fait partie des us et coutumes des consommateurs, et tout le risque est là. Quand avez-vous constaté qu'il y avait un risque pour la santé?
Mme Marie Archambault: Depuis que je vis en banlieue, dans un secteur où neuf propriétaires de maison sur dix arrosent en moyenne trois fois par été. On est continuellement exposés aux pesticides du mois de mai au mois de septembre. Les activités des enfants sont réellement restreintes et leur liberté est vraiment atteinte.
½ (1900)
M. Odina Desrochers: Merci beaucoup.
J'aimerais poser une question aux autres panélistes. Seriez-vous d'accord pour que des mesures soient prises par le gouvernement pour encourager les organisations, les propriétaires ou qui que ce soit à ne pas utiliser les herbicides et les pesticides? Cela se voit dans certains pays où on tend à développer une agriculture beaucoup plus écologique et axée sur l'environnement. On encourage, par des subventions ou du financement, les gens qui font des efforts pour effectuer un certain virage. Est-ce que vous seriez favorables à une telle mesure ici, dans notre pays? N'importe qui peut répondre.
[Traduction]
Mme Mary McGrath: Vous songez à certains programmes en particulier?
[Français]
M. Odina Desrochers: Oui, le gouvernement canadien pourrait, par exemple, encourager par une subvention les gens qui voudraient adopter une culture plus écologique qui irait dans le sens du développement durable, comme ça se fait dans certains pays européens. Arrêtons de copier le fameux modèle américain, qui est vraiment en train de tout détruire de ce côté-ci de la frontière.
[Traduction]
Mme Shauneen Mackay: Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est ce que j'ai dit dans mon exposé. C'est une excellente idée. Il existe des moyens très efficaces d'avoir une magnifique pelouse biologique.
Le problème tient en partie au fait que la pelouse est obtenue à partir d'une monoculture, les graminées que l'on utilise étant toutes du même type. Il suffit d'utiliser des mélanges comprenant de la fétuque et du ray-grass vivace et de garder l'herbe assez longue—trois pouces—et épaisse. On empêche ainsi beaucoup des graines de mauvaises herbes de prendre racine. Nous apprenons en fait aux gens de notre région comment s'y prendre pour avoir une pelouse riche et luxuriante sans avoir recours à des pesticides. Nous faisons aussi la promotion du paysagement pour la faune là où les propriétés le permettent.
J'ai un ami qui fait du paysagement. Il habite dans un lotissement. Il peut manger avec sa famille dans la partie du jardin qui donne sur la rue sans que personne ne les voit, parce qu'il a créé un minuscule îlot paysager d'arbres et d'arbustes et sillonné par une magnifique promenade où il a installé une table. Il y a donc bien des façons de s'y prendre. Je trouve votre idée excellente.
[Français]
M. Odina Desrochers: On pourrait peut-être faire payer davantage ceux qui polluent.
[Traduction]
Mme Shauneen Mackay: Je ne veux pas de pesticides.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Desrochers.
Nous entendrons maintenant monsieur Castonguay.
[Français]
M. Jeannot Castonguay (Madawaska--Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente.
Madame Archambault, l'usage des pesticides à des fins esthétiques est un sujet dont on a beaucoup entendu parler. Beaucoup de gens nous en ont parlé. Il y en a quand même certains qui ont des opinions différentes et qui disent qu'ils voudraient les employer. Mais une fois que le gouvernement canadien a évalué les risques pour la santé et l'environnement et qu'il a déclaré le niveau de risque tout à fait raisonnable, ne croyez-vous pas que la question de savoir si ces pesticides devraient être bannis devrait se régler au niveau des municipalités, qui sont beaucoup plus près de leurs communautés? Les gens ont des opinions partagées; il y a des gens qui sont favorables à l'emploi des pesticides à des fins esthétiques et il y en a d'autres qui ne le sont pas. Ne croyez-vous pas que c'est à ce niveau-là que la décision devrait se prendre?
On a entendu tout le spectre d'opinions. Il y a des gens qui disent non et il y a des gens qui disent oui. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
Mme Marie Archambault: Ayant personnellement travaillé auprès des municipalités, je peux vous dire que la tâche est très ardue et a exige énormément d'efforts. Bien sûr, ça dépend beaucoup du maire en place. Si ce dernier est conscient des problèmes écologiques, on peut faire adopter un règlement. Dans le cas contraire, nos chances de réussir sont nulles. D'autres groupes dans d'autres municipalités, avec lesquels nous sommes en contact, se cognent carrément à un mur. La réponse est un non formel. Il n'y a même pas une porte qui peut s'entrouvir pour faire passer une certaine réglementation, sans nécessairement bannir ces produits. Dans plusieurs municipalités, il n'y a absolument aucune réglementation en vigueur. Les compagnies peuvent vendre et épandre par vents forts; il n'y a rien, aucune balise.
Vous demandez pourquoi certains estiment que ces produits ne sont pas dangereux. Les opinions étant partagées, le débat est toujours en cours. D'après mon expérience, je me suis rendu compte en parlant avec les gens que la plupart d'entre eux ne sont pas au courant des dangers possibles des pesticides et ne savent pas qu'un herbicide est un pesticide. Quand on leur demande s'ils utilisent des pesticides chez eux, ils répondent non. Si on dit à quelqu'un que la pancarte qui est sur son terrain indique qu'il est interdit de passer, il répond qu'il ignorait que c'était un pesticide. Lorsqu'on les informe des risques potentiels, les gens ne veulent plus en mettre. Je crois que les gens sont beaucoup bernés par le fait que ces produits sont homologués et que la publicité faite par les compagnies est souvent trompeuse. Quand les compagnies disent qu'il n'y a pas de danger parce que c'est homologué par le gouvernement, cela donne aux gens un faux sentiment de sécurité.
Je demande formellement un bannissement et c'est la raison de ma présence ici. Sinon, il faudrait faire beaucoup de sensibilisation et dire exactement aux gens ce qu'il en est pour que leur choix soit éclairé et qu'ils ne soient pas dupés. Donc, la publicité trompeuse ne devrait pas être permise, d'une part, et, d'autre part, il faudrait parler davantage des risques possibles.
½ (1905)
M. Jeannot Castonguay: En d'autres mots, vous croyez qu'il y a place pour beaucoup d'éducation?
Mme Marie Archambault: Énormément.
M. Jeannot Castonguay: Madame McGrath, vous avez parlé, à un moment donné, de confidential business information. Vous dites que cela devrait être mieux défini. Quelle serait votre définition?
[Traduction]
Mme Mary McGrath: Excusez-moi...
M. Jeannot Castonguay: Vous avez dit à un moment donné que les renseignements commerciaux confidentiels devraient être définis dans la loi. Quelle définition proposez-vous?
Mme Mary McGrath: Vous voulez dire pour les renseignements commerciaux confidentiels?
M. Jeannot Castonguay: Oui.
Mme Mary McGrath: Je dirais--et je ne fais qu'improviser ici--qu'il faudrait entendre par renseignements commerciaux confidentiels tout renseignement qui pourrait nuire à l'intérêt financier ou concurrentiel de son propriétaire. Les informations concernant la santé ne seraient donc pas incluses. L'intérêt public devrait l'emporter sur les renseignements commerciaux confidentiels. Il faudrait bien sûr établir un processus à cette fin. Si toutefois il existe un intérêt considérable au chapitre de la santé publique, cet intérêt devrait l'emporter sur le tort qui pourrait être causé à l'intérêt financier ou concurrentiel du propriétaire de l'information en question.
M. Jeannot Castonguay: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Castonguay.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, madame la présidente.
Permettez-moi tout d'abord de vous faire mes excuses pour avoir raté la majeure partie de votre exposé. Je vais me hasarder à poser une question à laquelle vous avez peut-être déjà répondu. Ma question est directement liée à l'argument de M. Merrifield selon lequel il faut sans cesse refaire la démonstration du lien qui existe entre un pesticide et les cas documentés d'effets nuisibles pour la santé et même de décès.
Il me semble qu'il faut trouver un moyen de faire taire ceux qui invoquent ce genre d'argument, affirmant que nous sommes trop émotifs ou que nous ne nous fondons que sur des conjectures. J'invite tous les témoins à nous dire s'ils ont des témoignages personnels, des preuves ou des documents pour montrer que nous avons la preuve et l'expérience personnelle nécessaire pour pouvoir dire qu'il existe effectivement un risque et que le gouvernement a un rôle à jouer. Peut-être que Stephanie et Terry pourraient commencer en nous parlant de l'accumulation des pesticides chez les Inuits.
La présidente: Permettez-moi d'intervenir ici, madame Wasylycia-Leis. Vous n'avez pas parlé de l'accumulation des effets de Lindane bien au-dessus des niveaux acceptables ou des niveaux jugés comme étant normaux. J'aimerais bien qu'on revienne là-dessus. À propos de ce pesticide, avez-vous aussi des preuves des effets nuisibles pour la santé de la population qui a été examinée et chez qui les niveaux étaient élevés?
Mme Stephanie Meakin: Merci de me permettre de répondre à votre question. J'espère pouvoir vous donner des renseignements qui sauront intéresser M. Merrifield aussi.
Des efforts considérables ont été déployés depuis dix ans dans le cadre du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord qui débouche sur une perspective encore plus large. L'information sert à alimenter un programme appelé Programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique sous l'égide du Conseil de l'Arctique, qui vise huit pays au total.
L'Arctique offre un exemple très intéressant parce qu'on y trouve des charges corporelles d'exposition à divers produits chimiques qui dépassent de loin celles que l'on trouve dans le Sud. Je ne parle pas uniquement de pesticides, mais également de sous-produits industriels tels que les BPC, les dioxines et les furans. La plupart des produits chimiques que l'on trouve dans le lait maternel et le sang des Inuits et des autres peuples autochtones—principalement les Inuits en raison de la consommation d'aliments marins—atteignent souvent des niveaux de 15 à 20 fois supérieur à ceux du niveau d'absorption quotidien établi par Santé Canada et jugé tolérable pour les Canadiens. Cela soulève des inquiétudes. Bien sûr, lorsque ces renseignements sont publiés et communiqués aux collectivités, cela cause des inquiétudes. La première question que l'on pose est «qu'est-ce que cela signifie pour moi, est-ce que je vais mourir du cancer?»
Bien sûr, lors de négociations internationales, c'est également ce que nous demandent les industriels: donnez-nous des informations qualitatives et quantitatives exactes qui lient tel type d'exposition à tel effet. Nous ne pouvons pas le faire, parce que nous vivons dans un monde où il y a divers degrés d'exposition et diverses variables confusionnelles. Nous sommes exposés à tellement de choses différentes. Le problème que pose les pesticides et les produits chimiques, c'est qu'habituellement nous sommes exposées à un cocktail, un mélange. Lorsque nous effectuons l'analyse d'un échantillon du sang d'un Inuit, nous trouvons non seulement du toxafène, du Lindane, du DDT et des BPC, mais aussi des tas d'autres choses. Lorsqu'on essaye de dégager ou d'extirper une information à partir de certains faits... Je peux obtenir des données épidémiologiques qui proviennent d'études de tâches auprès des travailleurs affectés, par exemple, par un déversement accidentel survenu dans une usine. Il s'agit là d'une exposition à un produit chimique. Je peux en extraire certains renseignements. Lorsqu'on examine les données concernant les animaux, il s'agit d'exposition à un seul produit chimique.
Le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord a, en fait, investi beaucoup de temps, d'énergie et d'argent pour obtenir précisément des renseignements sur les effets. Nous disposons d'un ensemble très solide d'études scientifiques et, si vous voulez constater l'importance des preuves accumulées, je suis prête à remettre au comité, s'il le souhaite, aussi bien le rapport de surveillance et d'évaluation de l'Arctique que le rapport d'évaluation des contaminants dans l'Arctique canadien. Ils ont, tous deux, été publiés en 1998. Les nouveaux rapports doivent, en fait, paraître en 2002, et on y constatera qu'au cours des cinq dernières années on s'est surtout préoccupé des effets sur la santé, en se fondant sur les données très sérieuses fournies par des scientifiques tels que Jacobson et Jacobson. Ils ont effectué des études par cohortes des populations autochtones autour du lac Michigan et ont trouvé, dans le corps de ces derniers, des liens irréfutables à des troubles cognitifs chez les enfants. Le comité a également entendu parler des études mexicaines.
Nous avons également des études qui proviennent des îles Féroé et des Seychelles. Notre collaborateur, Eric Dewailly, de l'Université Laval, est, à l'échelle mondiale, un des chefs de file de l'utilisation des études épidémiologiques. Le problème tient au fait que nous ne pouvons pas délibérément exposer une personne à ces produits chimiques pour voir ce qui se produit. Nous pouvons toutefois examiner les registres des données oncologiques. Nous pouvons examiner le rapport agricole de l'Ontario et y étudier l'incidence des cancers sur les familles agricoles. Nous pouvons également étudier l'incidence accrue de la leucémie infantile par rapport aux données d'il y a 25 ans.
Voici donc la question que je vous pose: y a-t-il suffisamment d'information? Pour certaines personnes, je crois qu'il n'y en aura jamais assez. Il n'y en avait pas assez pour le plomb. Il n'y en avait pas assez pour beaucoup des choses sur lesquelles nous avons travaillé depuis 20 ou 25 ans. L'Arctique est un bon exemple. Au moyen de ce programme, nous commençons précisément à cerner certaines de ces questions. Nous avons bel et bien démontré l'existence de liens significatifs et incontournables entre l'exposition aux BPC et l'incidence d'infections. Nous montrons même que les immunisations ne sont plus aussi efficaces, et que le système immunitaire est donc affecté.
J'en reviens toujours à une question des niveaux d'exposition, des limites et la multiplication par 10 ou 100. Du point de vue pharmaceutique, lorsque l'on vous donne un médicament, on vous donne en fait quelques parties par milliard, et c'est là l'ingrédient actif qui a des effets bien précis sur votre organisme. C'est extrêmement précis. C'est tant de parties par milliard, par billion. Quels sont donc les niveaux d'exposition sûrs? Nous parlons ordinairement de parties par million, de parties par millier. Pour les médicaments, par contre, nous parlons de parties par billion. Pourquoi donc les pesticides devraient-ils être traités différemment en ce qui concerne les taux d'exposition? Si l'on parle de taux sûrs, examinons vraiment la question de très près.
Je pourrais poursuivre.
½ (1910)
La présidente: M. Alcock voulait aussi poser une question dans la même veine.
M. Reg Alcock: Je voulais y revenir, parce que l'étude mexicaine, vous avez raison, a été mentionnée à diverses reprises. J'ai entendu parler des données provenant de la région Arctique et je comprends le problème que pose la concentration dans, ce qu'on appelle je pense, la chaîne alimentaire. A-t-on fait des études sur les enfants du centre-ville de Toronto? Nous parlons ici d'interdire l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques. Est-ce que ces produits chimiques s'accumulent dans les tissus des enfants de Hamilton? Pourquoi chercher si loin des preuves de contamination?
Mme Stephanie Meakin: Je vais tâcher de répondre. Quelqu'un d'autre voudra peut-être m'aider.
Si les niveaux sont supérieurs dans la région arctique à ce que l'on relève à Toronto ou dans la région des Grands Lacs, c'est en raison de la bioaccumulation attribuable à la consommation par les Inuits de graisse provenant de mammifères marins. On a beau amener son enfant chez le pédiatre, bon nombre de pédiatres n'ont pas reçu de formation sur les effets potentiels de l'exposition aux produits chimiques. Deuxièmement, nous n'amenons pas nos enfants chez le médecin pour faire vérifier les taux de toxicité de leur sang. Nous ne pouvons pas le faire, et je ne connais du reste personne qui le fasse. Je suis agricultrice. J'aimerais beaucoup soumettre mes enfants à ce genre d'analyse, mais je ne sais pas où m'adresser.
½ (1915)
M. Reg Alcock: Pourtant quelqu'un l'a bel et bien fait dans le cas de l'étude de la région arctique. Quelqu'un l'a fait aussi dans l'étude mexicaine pour obtenir les données qui y sont citées. N'a-t-on jamais fait d'étude sur les enfants d'un centre urbain?
Mme Stephanie Meakin: Eh bien, l'étude de Jacobson et Jacobson portait sur une cohorte très spécifique au Michigan. Au Seychelles et dans les îles Féréo on dispose d'études à long terme d'individus dont on a surveillés l'état de santé sur une longue période. Il existe aussi une étude néo-zélandaise. Encore là, ce sont des études sur les risques d'exposition en milieu de travail dans le cas d'accidents d'envergure comme l'empoisonnement à l'adoxin dans l'huile végétale au Japon, où l'on a surveillé l'état de santé des enfants et relevé chez eux l'incidence de taux de cancer ou de maladies directement liés à cette exposition.
Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que le moment de l'exposition est critique. Vous pouvez subir une exposition pendant toute votre vie en tant qu'agriculteur de l'âge de 18 ans à 79 ans, mais l'effet peut être attribuable au fait que votre mère avait été exposée à ce produit quand elle était enceinte de vous. C'est ce que nous commençons à constater d'après des études scientifiques et techniques approfondies, soit que le moment de l'exposition est critique eu égard à certains de ces résultats. C'est très difficile à prouver sur le plan épidémiologique, mais j'ai des données à l'appui qui proviennent d'études sur des animaux. Nous le savons.
La présidente: Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: En plus de toutes ces études, nous disposons dans les cas par exemple du Lindane et du Dursban de suffisamment de données de provenance internationale pour amener de nombreux pays à prendre des mesures—sauf dans le cas du Canada. Je demanderais même à Mary... Je pense que vous avez dit avoir présenté des demandes d'information sur l'évaluation des risques en ce qui concerne le Lindane. J'aimerais demander aux trois autres, depuis combien de temps avez-vous présenté ces demandes, et que vous a-t-on dit. C'est une question qui a déjà surgi au comité, et nous n'avons jamais obtenu de réponses satisfaisantes de la part de l'ARLA.
Mme Mary McGrath: Je peux vous donner les noms. Je vais présenter le document que nous avons envoyé à l'ARLA qui contient les noms. Je ne peux pas vous les citer de mémoire, mais je peux vous relater tout le processus que nous avons suivi avec l'ARLA.
Essentiellement, ce que nous faisons c'est présenter une demande concernant un pesticide précis, et alors ils nous disent que nous devons leur dire quels sont tous les produits qui nous intéressent et où ce pesticide constitue l'ingrédient actif. Ils nous posent des questions très précises. Puis nous soumettons à nouveau la réponse à leurs questions. Il semble que si un mot ne répond pas parfaitement à la question, ils reviennent et disent que la question doit être différente—il faut être plus précis. Alors nous leur demandons, comment pouvons-nous être précis quand nous ne savons pas ce que nous demandons? Alors nous soumettrons une autre demande, et ils reviendront et diront: «Vous devez nous dire quels sont exactement les noms des produits qui vous intéressent».
Comme je vous l'ai dit, nous avons rédigé sept lettres, dont j'ai les copies, et nous avons eu deux entretiens au téléphone, mais selon la dernière réponse que nous avons obtenue, il leur fallait 60 jours environ pour pouvoir nous obtenir l'information. C'était au début d'avril, et nous sommes toujours sans nouvelles. On se renvoie constamment la balle.
Quand on appelle l'Agence de lutte antiparasitaire, on ne parvient pas à parler à qui que ce soit. Les agents de première ligne ne vous laissent pas parler avec qui que ce soit. J'ai même exigé de parler à quelqu'un, mais on ne m'a pas laissé parler à qui que ce soit. Voilà le genre de réponse évasive qu'on vous sert. C'est ainsi qu'on nous a traités.
La présidente: Merci, madame Wasylycia-Leis.
C'est au tour de Mme Thibeault.
[Français]
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Bonjour, messieurs et mesdames.
Madame Mackay et madame Archambault, je partage vos préoccupations au sujet de l'usage esthétique de tous ces produits très toxiques.
Depuis le début de notre étude, on a entendu dire à quelques reprises que ces pesticides étaient extrêmement difficiles à manipuler. Par exemple, M. votre voisin va chez Canadian Tire, comme vous l'avez mentionné plus tôt, et achète un produit. Ce n'est pas certain qu'il va bien lire les indications. Il se pourrait qu'il fasse un épandage de ces produits qui pourraient être plus toxiques que prévu. On nous a dit que seules certaines compagnies spécialisées devraient avoir le droit d'acheter et d'épandre ces produits. Dans de telles circonstances, est-ce qu'il devient plus intéressant pour vous qu'on garde ces produits sur le marché? Je ne pense pas que vous allez nous dire cela, mais j'aimerais avoir votre avis, surtout que Mme Archambault a parlé de gens qui pourraient faire le contrôle. Pensez-vous que de telles compagnies seraient aptes à rendre ce service?
½ (1920)
Mme Marie Archambault: Oui, mais encore là, il faudrait qu'elles soient encadrées par un code de gestion qui serait très bien détaillé. De plus, il faudrait que ce cadre soit respecté et qu'il y ait des méthodes de contrôle afin que ces gens fassent les choses de la bonne façon. On peut bien avoir un code de gestion, mais il faut que cela soit supervisé. Il s'agirait de compagnies qui pourraient épandre seulement quand il serait absolument nécessaire de le faire. Je dis bien dans des cas où c'est absolument nécessaire et non pas à des fins esthétiques. Par exemple, les herbicides n'ont vraiment pas leur place. Ce n'est vraiment pas nécessaire de les utiliser où que ce soit. S'il y a une infestation et qu'il faut utiliser des pesticides parce que la survie d'un végétal est en danger, je suis d'accord pour qu'on les utilise, mais il faut le faire dans des conditions strictes et en suivant des règles strictes.
Mme Yolande Thibeault: D'accord.
Madame Mackay, voulez-vous faire un commentaire?
[Traduction]
Mme Shauneen Mackay: Je ne suis pas du tout d'accord. Je pense qu'il faut y renoncer tout à fait. Quand on commence à prendre des règlements on doit se concentrer sur des aspects réglementaires comme cela, et je trouve que cela devient prohibitif. Comment peut-on assurer un contrôle? Vous ne pouvez pas voir ce que font les gens le soir. Les gens en font des réserves. Vous ne savez pas où cela se retrouve dans les ordures quand ils en ont acheté plus qu'il ne leur en fallait. La situation actuelle est vraiment déplorable.
Si je suis ici aussi, c'est en partie pour dire qu'à la suite d'une exposition à des pesticides les gens ont des symptômes qui ressemblent à ceux de la grippe. Bien souvent, quand on consulte un vétérinaire, la première question qu'il vous pose au sujet de la santé de votre animal favori, c'est pour savoir si quelqu'un dans les alentours a traité sa pelouse aux pesticides. Mais quand vous conduisez votre enfant chez le médecin, et qu'il a des symptômes semblables à ceux de la grippe, le médecin le soigne pour la grippe. Il ne vous demande pas si l'enfant a été exposé à des pesticides.
Nous pensons que la solution c'est le biologique. Vous pouvez avoir une magnifique pelouse. Vous pouvez avoir un magnifique jardin exempt de tout poison.
L'été dernier, dans notre voisinage... Je ne sais pas si vous vivez tous dans des quartiers où des ouvriers se présentent un beau jour et commencent à vaporiser à outrance. Il y a de jeunes enfants et des bébés qui jouent dehors et les employés de ces entreprises d'aménagement paysager arrivent et comme ils ont tout intérêt à traiter les pelouses de six à huit maisons, ils ne vont pas se donner la peine de traiter chacune très minutieusement. Ils ont un horaire à respecter, ils arrivent et ils vaporisent. Ces enfants devienent très malades. Il y en a six ou huit d'entre eux dans notre voisinage qui sont tombés malades, pas le jour même mais deux jours plus tard environ. Ils avaient des manifestations similaires aux bras. C'était tout à fait consternant, et c'est pourquoi je suis ici.
Merci.
La présidente: Merci, madame Thibeault.
Monsieur Merrifield.
M. Rob Merrifield: Oui, j'aimerais poser une courte question et faire aussi une observation.
Mme Archambault a laissé entendre... Vous êtes pharmacienne, je crois, de profession. Ce qui m'a frappé dans votre témoignage, c'était que vous avez laissé entendre que l'innocuité des médicaments ne posait pas de problème, qu'en tant que pharmacienne vous en manipulez constamment et que vous en prescrivez en toute confiance.
Mme Marie Archambault: Je n'ai pas dit que l'innocuité des médicaments n'était pas importante. J'ai dit qu'il fallait déterminer la valeur d'un médicament en fonction des avantages qu'il présente par rapport aux risques qu'il pose.
M. Rob Merrifield: Très bien.
Mme Marie Archambault: C'est tout à fait différent.
M. Rob Merrifield: Oui, et je suis d'accord avec vous. C'est semblable dans le cas des pesticides.
J'ai pu faire des rapprochements entre votre témoignage et des renseignements que j'ai reçus à mon bureau sur l'innocuité des médicaments. Nous savons que les seuls médicaments à base de benzène causent plus de 10 000 morts par année au Canada.
½ (1925)
Mme Marie Archambault: Quel médicament?
M. Rob Merrifield: Les médicaments à base de benzène. Ils sont très réglementés; ils doivent respecter les normes de Santé Canada. Le mauvais usage des médicaments occasionne un nombre effarant de décès.
J'établis donc un lien entre votre témoignage et l'utilisation des pesticides puisque l'on sait que ceux-ci sont nocifs—nous le savons tout à fait—c'est la raison pour laquelle ils sont réglementés; c'est la raison pour laquelle on y appose des étiquettes de mise en garde; c'est aussi la raison pour laquelle nous devons nous prémunir contre eux. Nous tentons d'évaluer leurs avantages par rapport à leurs risques et d'éliminer tous les risques lorsque c'est possible.
Je suis d'accord avec cela. Ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est qu'il faut prendre bien soin de se servir d'un modèle très large qui s'applique à tous les médicaments et qui évalue tous les risques et tous les avantages. Je dirais même que nous avons beaucoup plus de travail à accomplir du côté de l'innocuité des médicaments que du côté des pesticides.
La présidente: Merci monsieur Merrifield.
Je crois que M. Fenge veut répondre à une des questions de Mme Wasylycia-Leis.
Vous rappellez-vous de quelle question il s'agissait, monsieur Fenge?
M. Terry Fenge: Oui. Vous soulevez la question et vous avez raté une partie du témoignage un peu plus tôt. Je ne veux pas m'attarder à cela trop longtemps.
Nous ne nous étions jamais rencontrés avant de venir ici, soit dit en passant, bien que nos opinions convergent. Nous pouvons vous raconter des histoires à vous faire dresser les cheveux sur la tête, et d'ailleurs, je crois que nous l'avons fait, au sujet de l'accès ou du manque d'accès à l'information. Nous le faisons pour une raison.
À mon avis, la question principale à laquelle vous devez vous attaquer n'est pas relative aux expériences passées, mais bien aux dispositions du projet de loi que vous étudiez pour veiller à ce que ces histoires horribles ne se reproduisent plus. Je crois donc que la question principale que les députés doivent se poser est la suivante: les articles de la disposition contenue à l'alinéa 4(2(c) et les autres dispositions qui établissent le registre et les modalités contenues dans le projet de loi garantissent-elles que ces mauvaises expériences ne se reproduiront plus?
J'ai déclaré dans notre mémoire que la CCI n'est pas certaine de pouvoir répondre à cette question, mais nous espérons que d'ici la fin du débat, lorsque vous aurez entendu tous les témoins, vous comprendrez que les méthodes inappropriées comme celles employées dans le cas du Lindane, par exemple, ainsi que les quatre demandes d'accès à l'information que vous avez citées ne se répèteront pas. Je crois que nous essayons tous d'éviter cela.
La présidente: Je crois que l'hésitation des fonctionnaires de l'ARLA s'explique en partie parce qu'on ne leur a pas dit clairement où se situe la ligne de démarcation, en matière de protection de la santé, entre l'intérêt public et la protection des renseignements commerciaux. Je crois que Mme McGrath a mis le doigt sur le problème dans son exposé quand elle a dit que la définition de renseignements commerciaux est beaucoup trop vaste. Il devient difficile pour les fonctionnaires de déterminer ce qui peut être communiqué et ce qui ne doit pas l'être.
Il me semble que la décision nous revient. Vous avez soulevé ce problème et vous comptez l'illustrer davantage en nous envoyant la correspondance que vous avez échangée quand vous ne pouviez pas obtenir les réponses dont vous aviez besoin en matière de santé. Munis de cette documentation, nous étudierons cet aspect du projet de loi parce qu'il est entendu qu'on ne peut pas s'attendre que les fonctionnaires défendent l'intérêt public si les parlementaires n'ont pas pris la difficile décision politique qui consiste à déterminer où l'on doit tracer la ligne entre la protection des renseignements commerciaux et la protection de la santé et des gens.
Je vous remercie beaucoup de vous être déplacés. Je vous remercie aussi de vous être si bien préparés et d'avoir comparu. Nous vous rappellerons peut-être pour préciser certains éléments. J'espère que vous donnerez au greffier ce que vous nous avez proposé. Merci.
Nous ferons une petite pause parce qu'une autre table ronde commencera par la suite. Nous ferons une pause de 20 minutes.
½ (1929)
½ (1949)
½ (1950)
La présidente: Bonsoir, mesdames et messieurs. Nous allons entamer la deuxième partie de notre séance sur le projet de loi C-53.
Au cours de l'heure et demie à venir, nous recevrons des représentants des organisations suivantes: Organic Agriculture Centre of Canada, Organic Landscape Alliance, Pesticide Free Ontario, Sierra Club-Chinook Group et Women's Healthy Environments Network. Nous recevons aussi M. Lévesque-René qui témoignera à titre personnel.
Contrairement à notre habitude, nous commencerons avec les derniers, c'est-à-dire le Women's Healthy Environments Network avec Mme Rosenberg, la coordonnatrice. Madame Rosenberg.
Mme Dorothy Goldin Rosenberg (coordonnatrice, Womens' Healthy Environments Network): Je m'appelle Dorothy Goldin Rosenberg. J'ai deux enfants et trois petits-enfants. J'ai aussi la chance d'être la fille d'une femme de 90 ans. Je sais ce qu'il y a dans le corps de mes trois superbes petites-filles. Je sais aussi ce qu'il y a dans celui de ma mère, en raison de son âge et de l'année de sa naissance. Je sais aussi ce qu'il y a dans mon propre corps. Je ne vous dévoilerai pas mon âge, mais cette année, j'aurai droit à la pension de vieillesse.
Je m'intéresse à ces questions depuis bien longtemps. Je suis éducatrice. Je travaille au sein du Women's Healthy Environments Network. On nous a demandé de représenter le Réseau pancanadien sur la santé des femmes et le milieu, les Centres d'excellence pour la santé des femmes de l'Université York, dont notre organisation est partenaire.
Je tiens à dire que notre organisation a participé à la production du film Exposure: Environmental Links to Breast Cancer. Certains d'entre vous ont peut-être vu le film. Il traite des pesticides, des insecticides organochlorés et de certains autres contaminants qui sont associés au cancer du sein. Nous travaillons à l'heure actuelle sur un nouveau projet de film sur la santé des enfants et le milieu. Jean-Dominique et sa famille joueront dans ce film.
Nous travaillons principalement en éducation. Nous donnons des cours. Nous faisons de la formation et offrons des ateliers aux moniteurs. Nous tentons d'informer le public de sorte qu'il comprenne non seulement les enjeux, mais qu'il puisse modifier son comportement en conséquence.
Le film Exposure: Environmental Links to Breast Cancer est maintenant largement utilisé. Il est sorti en 1997 et a été présenté pour la première fois en anglais à la toute première conférence mondiale sur le cancer du sein tenue à Kingston, en Ontario. Par la suite, il a été présenté en français lors de la deuxième édition de cette conférence tenue à Ottawa, en 1999. Depuis, il a été traduit en espagnol, en indonésien, en cantonais, en mandarin, en hébreu, en serbo-croate et, sans doute bientôt, en japonais. Il a servi de par le monde pour aider les gens à comprendre quels sont les problèmes et les gestes concrets qu'ils peuvent poser à titre individuel.
Je voudrais vous parler des xénoestrogènes. Bon nombre de pesticides et d'organochlorés sont des xénoestrogènes ou oestrogènes étrangers. Devra Lee Davis explique leur incidence sur le corps de la femme dans le film Exposure.
Xéno est un mot grec qui signifie étranger. Ce sont des pseudo-hormones qui se retrouvent dans les pesticides, les solvants industriels, les PBC et d'autres produits chimiques. Ils ont tendance à se dissoudre dans les graisses, surtout les graisses animales. Ces xénoestrogènes se comportent généralement comme des hormones à action directe qui augmentent la production d'oestrogène dans le corps, ou encore ils endommagent directement l'ADN. En d'autres termes, ils dérèglent les hormones et les gènes. Le mauvais oestrogène, ou oestradiol, se retrouve dans les organochlorés, les pesticides, les plastiques, les carburants et certains médicaments.
Je voulais tout simplement vous exposer la définition. Je suis certaine que vous avez beaucoup entendu parler de pesticides lors de vos audiences. Je ne peux sans doute pas rajouter grand-chose là-dessus. Je suis convaincue que vous avez reçu un représentant de la Société canadienne du cancer qui vous a sans doute expliqué ce qu'était le principe de prudence. Ai-je raison?
La présidente: Nous avons beaucoup entendu parler du principe de prudence, mais nous n'avons pas reçu de témoin de la Société canadienne du cancer.
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: D'accord. J'ai avec moi certaines de ses publications que je me ferai un plaisir de vous communiquer.
Je crois que c'est très positif. Ceux d'entre nous qui travaillent depuis des années à la prévention primaire du cancer attendaient une déclaration de l'establishment du cancer sur le principe de prudence au regard des contaminants. C'est maintenant chose faite concernant les pesticides et je me ferai un plaisir de vous faire part de cette déclaration.
Je sais que nous ne disposons que de cinq minutes. Pourriez-vous me faire signe lorsqu'il ne me restera plus que deux minutes? J'ai beaucoup de notes.
½ (1955)
La présidente: Vous avez la parole depuis quatre minutes. Nous voulons savoir ce que vous voulez que nous fassions de ce projet de loi. Quelles modifications souhaitez-vous que l'on y apporte?
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: Très bien. J'ai passé le mandat en revue. J'ai lu l'objectif premier que je trouve d'ailleurs admirable. J'ai certaines réserves lorsqu'il est question de «promouvoir le développement durable, soit un développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs.» Que se produit-il réellement... Je tiens à en parler aussi.
Il est dit à l'alinéa 4(2)b) «tenter de réduire au minimum les risques sanitaires et environnementaux.» J'aurais préféré que l'on dise «tenter d'éviter ou de prévenir.» Nous devons employer un langage plus ferme.
Il est dit à l'alinéa 4(2)d) «veiller à ce que seuls les produits antiparasitaires dont la valeur a été déterminée comme acceptable soient approuvés pour utilisation au Canada.» Acceptables à qui? Qui les trouve acceptables? Je crois que peu de gens trouvent que leur utilisation est acceptable.
Puis, à l'alinéa 7(7)a), on dit «adopte une approche qui s'appuie sur une base scientifique» à l'égard des risques sanitaires. On parle de «femmes enceintes, nourrissons, enfants, femmes et personnes âgées,» puis un peu plus bas, on parle d'un effet de seuil. Je ne comprends pas comment il peut être question d'un effet de seuil lorsqu'il est question de l'incidence sur les ovules, le sperme, les foetus, les enfants et des cellules qui se multiplient et croissent rapidement.
Dans le cas du cancer du sein, par exemple, l'incidence peut être sur les ovules et le sperme directement et elle peut l'être directement sur le foetus. Elle peut s'exercer au moment du développenent de la poitrine d'une jeune fille prépubère. La même chose se produit chez les hommes. Nous retrouvons les mêmes taux de cancer des testicules, de cancer du sein et de cancer de la prostate. Cela frappe 8 p. 100 de la population. Il faut se pencher sur les incidences à toutes les étapes de la multiplication des cellules.
L'évaluation des risques, de la façon qu'elle est conçue, est problématique. En matière de vulnérabilité, on ne se préoccupe pas seulement des doses d'empoisonnement, mais du moment où cela se produit. Il s'agit du moment lors des étapes du développement, des exquises périodes du développement d'un bébé, garçon ou fille.
Lorsqu'un foetus de fille croît, tous ses ovules croissent au même moment, soit au cours du premier trimestre de la grossesse. Tous les ovules qu'il aura un jour se développent à ce moment. Si ces ovules sont endommagés, toute sa progéniture le sera aussi. La cause de ce problème demeurera inconnue puisque rien ne peut démontrer que ce problème est directement lié à un contaminant quelconque.
Je voudrais parler rapidement de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Elle déclare que les pesticides sont toxiques, mais elle prétend aussi qu'en respectant les procédures d'application et de manutention, ceux-ci peuvent être employés sans grand risque pour la santé ou l'environnement. Étant donné ce que nous savons sur la vulnérabilité, il existera toujours des moments de vulnérabilité lors de la croissance des enfants. L'été dernier, à Montréal, il y a eu une conférence sur le sperme et les torts causés au sperme par différents agents. Il existe beaucoup de publications à ce sujet.
La Société canadienne du cancer déclare que les enfants sont plus particulièrement à risque pour la leucémie, le cancer du cerveau, le lymphome non hodgkinien, le sacorme des tissus mous et la maladie de Hodgkin. On peut être exposé par inhalation, ingestion ou exposition de la peau. Exposition professionnelle ou non—agriculteurs, lymphome non hodgkinien, leucémie, myélome multiple et autres. Vous savez ce qu'est le principe de prudence. Je ne vous réexpliquerai pas de quoi il est question.
Dans le cadre décisionnel de la Société canadienne du cancer, on s'interroge sur les preuves de préjudice. Il y a effectivement préjudice. La preuve est-elle solide? Suffisamment. Y a-t-il de véritables avantages sanitaires? Non, ni individuels ni collectifs. Existe-t-il des solutions de rechange? Oui. Y a-t-il des avantages économiques importants? Non. Existe-t-il des mécanismes d'évitement efficaces? Probablement pas.
La Société canadienne du cancer croit que la population ne devrait pas être exposée à des agents cancérigènes sans une raison valable. Lorsque l'objectif est louable, des solutions de rechange doivent être mises au point. Des pelouses et des parcs exempts de pissenlits constituent-ils, à votre avis, une raison valable d'exposition à des agents cancérigènes?
C'est fort étonnant. Lors d'un symposium sur les pesticides en février dernier tenu à Caledon, le Dr Barbara Whylie a déclaré ce qui suit:
La Société canadienne du cancer n'appuie pas l'utilisation de pesticides chimiques cancérigènes à des fins esthétiques. La Société canadienne du cancer accepte les preuves qui démontrent que certains pesticides causent le cancer. Nous demandons l'interdiction de l'utilisation des produits chimiques à des fins esthétiques s'ils ont été identifiés par le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé comme cancérigènes connus ou probables.
¾ (2000)
Une dizaine d'agents cancérigènes connus ou probables sont identifiés, mais reste à savoir combien ont fait l'objet de tests? Sur les milliers de produits chimiques connus, combien ont fait l'objet de tests? Une dizaine ont été identifiés, alors certaines questions se posent.
Le cadre décisionnel était fondé sur les preuves de préjudice; quelle est la validité de ces preuves; y a-t-il des avantages sanitaires évidents pour l'individu et la population; existe-t-il des avantages économiques importants; y a-t-il des solutions de rechange; et quels sont les mécanismes d'évitement en place?
Je crois qu'étant donné que la Société canadienne du cancer a fait ce genre de déclaration, je crois aussi que le principe de prudence doit s'appliquer.
Certains d'entre nous croient que les notions d'évaluation du risque et de gestion du risque sont paradoxaux parce qu'ils sont fondés sur l'incidence qu'ont ces pesticides sur un homme de 35 ans en bonne santé qui travaille dans une usine et chacun sait que ces normes ne peuvent pas s'appliquer dans le cas de cellules en croissance rapide lors de ces périodes de vulnérabilité dont j'ai parlé plus tôt.
Je terminerai en disant que je suis heureuse d'avoir reçu votre invitation. Je n'ai pas entendu ce que les autres témoins avaient à dire, mais j'imagine que vous entendrez des témoignages qui vous permettront de prendre des décisions non seulement fondées sur une méthode scientifique et une analyse purement scientifique, mais aussi en vous penchant sur l'application du principe de prudence lorsque c'est possible.
Merci.
La présidente: Merci, madame Rosenberg.
La parole est au Sierra Club. Il est représenté par Peggy Land.
Mme Peggy Land (physiothérapeute, Sierra Club—Chinook Group): Merci beaucoup.
Je suis ici en remplacement de Jennifer Wright. Une tempête de neige à Calgary la retient chez elle et elle m'a demandé de prendre sa place. Ironie du sort, nous sommes toutes les deux physiothérapeutes, tout comme Dorothy d'ailleurs.
Les physiothérapeutes s'acharnent à améliorer la santé des gens et parfois c'est un travail frustrant. Lorsqu'on arrive à identifier un agent préjudiciable pour la santé et qu'on arrive à le prévenir, c'est formidable. C'est pourquoi nous nous intéressons tant à cette question.
Si vous me le permettez, je voudrais citer le document que Jennifer a préparé puisqu'il est très bien fait. Elle représente en fait deux groupes, le Chinook Group...
La présidente: Ce qui se produit ce soir, il me semble, c'est que les gens nous parlent de leurs groupes et de leurs clubs, ce genre de choses, et qu'ils laissent ainsi filer leur temps de parole. Pourriez-vous en venir tout de suite à l'essentiel de ces remarques sur le projet de loi lui-même? Merci.
Mme Peggy Land: Oui, bien sûr.
Ses deux principales recommandations, et ce n'est pas surprenant, sont que l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques doit être interdite au Canada et que le principe de prudence doit être considéré dans tous les aspects de ce projet de loi .
Maintenant, j'aimerais vous dire une chose à propos de Jennifer, elle attend son premier enfant. Alors imaginez-moi il y a 20 ans, si vous le voulez bien. Jennifer était prête à prendre l'avion pour faire cet exposé, mais je vous demanderais de me donner quelques minutes pour le présenter à sa place.
Sa première question: Le gouvernement fédéral a-t-il le droit de dire aux gens que quelque chose est inoffensif quand c'est utilisé selon les instructions alors que, premièrement, les pesticides sont rarement, voire jamais, utilisés en prenant les précautions indiquées et que, deuxièmement, nous n'avons aucune idée des effets à long terme sur la santé des pesticides actuellement sur le marché.
Elle affirme que la santé des enfants devrait être la priorité et que le projet de loi C-53 doit insister sur le principe de prudence.
Évidemment, Jennifer vient de Calgary où, ce qui est ahurissant pour nous à Ottawa, on considère que le pissenlit est une mauvaise herbe nocive. Elle dit:
«Nous avons en fait un arrêté municipal qui interdit les pissenlits. Savez-vous tous que beaucoup de Canadiens et la majorité des Européens considèrent que le pissenlit est une source alimentaire nutritive? Le fait que cette petite herbe colorée soit sur la liste des mauvaises herbes nocives est la raison principale pour laquelle notre ville est arrosée chaque année d'herbicides. On en pulvérise même dans les cours d'école et les aires naturelles.»
«Des années de démarches avec des milliers d'autres Calgariens en vue de réduire l'utilisation de pesticides n'ont donné que des résultats minimes. La ville continue d'utiliser des herbicides dans les parcs, les espaces verts et les cours d'école. Tous les efforts déployés pour faire retirer le pissenlit de la liste des herbes nocives ont échoué. On continue donc à pulvériser. Nos groupes continuent à informer les Calgariens. Le processus est toutefois très lent et nous ne recevons plus d'aide du gouvernement.»
«La bataille entre les gouvernements municipaux et fédéraux qui se renvoient la responsabilité de l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques devrait être arrêtée. Il faut que le ministre fasse preuve de leadership et ne dise pas simplement: «Si vos municipalités veulent interdire les pesticides, qu'elles le fassent». On devrait en interdire l'utilisation à des fins esthétiques, un point c'est tout.»
«Il y a 16 semaines, j'ai constaté que j'attendais un enfant. Cette découverte m'a rendue à la fois extrêmement heureuse et malgré tout un peu soucieuse. Comment puis-je protéger mon enfant d'un monde où l'air, les aliments, l'eau et mon être même sont contaminés par les produits chimiques synthétiques?»
«J'ai l'impression de ne pouvoir jouir pleinement de mon droit à la vie et à la sécurité de la personne quand je suis obligée de respirer des pesticides qui n'ont jamais été testés pour ce qui est de l'effet à long terme qu'ils peuvent avoir sur moi et à court terme sur mon enfant à naître.»
«J'étais récemment à une conférence où un chercheur de Santé Canada, le Dr Tye Arbuckle, décrivait comment elle avait trouvé des résidus de 2,4-D dans le sperme d'agriculteurs ontariens! Cette étude a été publiée en 1999. On continue de dire aux Calgariens que le 2,4-D est sans danger. Comment peut-on se sentir en sécurité face à un pesticide qui pénètre jusque dans le sperme humain?»
«Les recherches récentes du Dr Arbuckle sur les agriculteurs ontariens indiquent que si le père est exposé à de l'atrazine, du glyphosate, du 2,4-D et des organophosphates, il y a un risque accru de naissance prématurée. Les avortements spontanés à moins de 20 semaines sont de 20 à 40 p. 100 supérieurs lorsque la mère a été exposée au glyphosate, à l'atrazine, au carbaryl et au 2,4-D avant la conception.»
«À Calgary, les entreprises d'entretien de pelouses et la ville informent régulièrement la population que le glyphosate et le 2,4-D sont parfaitement inoffensifs. Le 2,4-D est l'un des herbicides les plus communément utilisés au pays. En Alberta, on l'a mesuré en même temps que le mécoprop et le dicamba dans l'eau de pluie! Le Dr Bernie Hills, scientifique de Lethbridge en Alberta, examine les pesticides dans l'eau de pluie à différents endroits en Alberta. En 2000, il a trouvé les herbicides ci-dessus dans 18 endroits différents.»
«Ces pesticides que l'on retrouve dans le sperme, dans le lait maternel, dans l'eau de pluie et dans beaucoup de lacs et rivières sont tous homologués par Santé Canada. Est-ce que c'est censé me rassurer quant à leurs effets éventuels sur la santé de l'enfant que je porte?»
¾ (2005)
Le 2,4-D ne présente-t-il pas de danger lorsqu'il est utilisé conformément aux indications? S'il est inoffensif quand on l'utilise ainsi, pourquoi le Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail, qui a compilé toutes les données possibles sur le 2,4-D, recommande-t-il que «selon les indications» signifie que celui qui le pulvérise devrait porter—je vais vous le montrer pour que vous compreniez bien—la combinaison imperméable aux produits chimiques, les lunettes, gants de caoutchouc, bottes de caoutchouc et appareil respiratoire? Tout cela doit être porté pour pulvériser un pissenlit. Où en est-on arrivé quand il faut se protéger à ce point, pour tuer un pissenlit qui ne fait de mal à personne?
On sait également que les dioxines sont des contaminants inévitables dans la fabrication du 2,4-D, bien que l'on nous ait dit que ce n'était plus le cas. Comme ça l'a été, y a-t-il quelqu'un qui peut nous affirmer que chaque livraison de 2,4-D a été vérifiée et ne contient pas de dioxines? Nous savons qu'il suffit de quantités minuscules de dioxines dans l'utérus pour qu'il y ait un effet modulateur endocrinien.
Jennifer dit:
«L'enfant dont je parle flotte actuellement dans un sac rempli de liquide amniotique. Ce liquide est censé protéger cette nouvelle vie contre tout danger. En 1999, des chercheurs qui recherchaient des pesticides dans le liquide amniotique en ont trouvé dans 30 p. 100 des Californiennes testées. Nous savons donc que les pesticides synthétiques peuvent traverser le placenta humain et entrer dans les liquides amniotiques et il est clair que le 2,4-D peut pénétrer dans le sperme humain. Comment savons-nous que le 2,4-D n'entre pas aussi dans le liquide amniotique?»
Elle poursuit:
«Franchement, je trouve absurde que le projet de loi C-53 stipule que l'on va augmenter les marges de sécurité pour les femmes enceintes et les enfants tout en laissant les municipalités, les terrains de golf et les particuliers utiliser autant de pesticides qu'ils veulent à des fins esthétiques alors que nous avons des raisons irréfutables de croire que cela présente un danger pour la santé.»
«En tant que femme enceinte en Alberta, je suis victime des pesticides qui me tombent dessus quand il pleut. J'assiste à l'accumulation biologique de pesticides dans notre chaîne alimentaire et je sais malheureusement que mon lait maternel risque d'être l'aliment le plus toxique que consommera jamais mon enfant! C'est assez déconcertant quand on sait que pour que l'enfant bénéficie des effets immunitaires du lait maternel, il faut lui faire absorber tous les pesticides qui se sont également accumulés dans ce lait.»
¾ (2010)
La présidente: Madame Land, vous avez déjà eu neuf minutes.
Mme Peggy Land: D'accord, j'ai presque terminé. Je crois que nous devons cela à Jennifer.
Elle dit encore:
«Une étude a été faite sur le lait d'une mère américaine qui a nourri des jumeaux pendant trois ans. Lorsqu'elle les a sevrés, elle avait libéré son propre corps du poids de 69 p. 100 des dioxines qu'il contenait, ce qui revient à dire qu'en allaitant ses enfants, elle leur avait transmis à chacun un tiers de toutes les dioxines qu'elle avait accumulées durant sa vie.»
Une autre étude à laquelle il est fait allusion dans l'exposé de l'Association canadienne de santé publique a démontré que, comme par hasard, l'allaitement réduit les risques de cancer du sein chez les femmes parce que ces femmes se déchargent de leurs toxines en allaitant leurs bébés.
Vous qui êtes ici avez la possibilité de faire quelque chose de positif pour les Canadiens pour toutes les générations à venir. Combien de temps va-t-il falloir attendre pour que l'on informe convenablement les Canadiens des dangers des pesticides?
Merci.
La présidente: Merci, madame Land.
Nous allons passer à la représentante de Pesticide Free Ontario, Mme Janet May.
Madame May, voulez-vous prendre la parole?
Mme Janet May (Pesticide Free Ontario): Merci beaucoup de bien vouloir m'entendre.
Pesticide Free Ontario est un réseau de groupes de tout l'Ontario qui lutte pour faire éliminer l'utilisation des produits antiparasitaires à des fins esthétiques.
Nous sommes très heureux d'avoir enfin un nouveau projet de loi. Il a fallu très longtemps. Je me suis d'abord intéressée à la question, comme militante, il y a 12 ans. Un examen national de la Loi sur les produits antiparasitaires a eu lieu cette même année. Nous avons dû attendre ce projet de loi si longtemps qu'il est vraiment important de bien faire les choses.
Pesticide Free Ontario a trois principales recommandations qui portent sur l'utilisation des produits antiparasitaires à des fins esthétiques. Tout d'abord, nous aimerions que l'on inclue dans le projet de loi C-53 le principe de prudence et celui de la prévention de la pollution. Nous partageons l'opinion émise dans le rapport du Comité permanent sur l'environnement et le développement durable du mois de mai 2000, Un choix judicieux s'impose où il est recommandé qu'une nouvelle loi sur les produits antiparasitaires inclue ces deux principes.
Nous estimons que la responsabilité en matière de produits antiparasitaires relève de Santé Canada pour s'assurer que la protection de la santé humaine et de l'environnement supplante les intérêts économiques de l'industrie chimique.
Il est question dans le projet de loi C-53 du principe de prudence, mais dans le contexte de la révocation ou de la modification de l'homologation d'un produit plutôt que dans l'optique d'interdire la vente de tels produits au départ.
Plutôt que de mettre l'accent sur la prévention de la pollution, c'est-à-dire d'éviter d'utiliser des polluants, le projet de loi C-53 met l'accent sur la gestion du risque. Or la gestion du risque entraîne la confusion dans l'esprit du public et des environnementalistes. L'industrie se cache derrière cette expression pour défendre l'utilisation de produits toxiques tels que les produits antiparasitaires.
Notre deuxième recommandation, toujours dans le contexte de Un choix judicieux s'impose c'est que l'on prévoie dans le projet de loi C-53 l'élimination progressive sur cinq ans de l'utilisation à des fins esthétiques des produits antiparasitaires. Nous pensons qu'il existe suffisamment de données scientifiques sur les effets nocifs des produits antiparasitaires d'entretien des pelouses pour justifier une approche qui met l'accent sur la prudence.
Encore le mois dernier, le Dr Sheela Basrur, médecin hygiéniste de la ville de Toronto, a fait un exposé à la Commission d'hygiène de Toronto. Elle a affirmé au cours de cet exposé: «Les preuves sont suffisamment probantes pour avertir la population des risques que représente pour la santé l'exposition sur une longue période aux produits antiparasitaires. Le moment est venu d'opter pour autre chose.» Elle a également souligné qu'il est à toutes fins utiles impossible d'éviter tout contact avec les produits antiparasitaires à cause de leur utilisation répandue et de leur mobilité.
Vous avez entendu dire que dans certains quartiers urbains, il y a des périodes où l'on vaporise des produits antiparasitaires à tous les jours. Les segments vulnérables de la population sont exposés à de faibles niveaux de produits antiparasitaires d'entretien des pelouses à long terme. L'an dernier, la Cour suprême du Canada a invoqué le principe de prudence et a maintenu le droit d'une municipalité québécoise d'adopter un arrêté limitant l'utilisation des produits antiparasitaires afin de protéger la santé de ses citoyens.
Le fait que le gouvernement fédéral tente de se décharger de cette responsabilité sur les municipalités nous préoccupe beaucoup. Les municipalités se voient confier de nombreuses responsabilités supplémentaires, pas uniquement dans le domaine environnemental.
À mon avis, le fait que l'on refuse de réglementer les produits antiparasitaires utilisés à des fins esthétiques permet à l'industrie et aux politiciens, qui ne veulent pas voir ces produits être réglementés, d'invoquer le fait que Santé Canada autorise l'utilisation de ces produits pour l'entretien des pelouses pour justifier leur utilisation en milieu urbain. Pour les organisations populaires telles que nos groupes membres, cela constitue un obstacle énorme quand on tente d'obtenir des changements au niveau municipal. Si Santé Canada convenait qu'il faut éliminer, de façon progressive, l'utilisation des produits antiparasitaires à des fins esthétiques, cela aiderait beaucoup les organisations communautaires, lesquelles, soyons francs, n'obtiennent pas beaucoup de financement et ne sont pas aussi riches que l'industrie chimique, pour vraiment faire avancer ce dossier. Si le gouvernement fédéral mettait fin à son silence sur l'utilisation de ces produits à des fins esthétiques, cela nous aiderait vraiment beaucoup.
L'autre chose qui nous préoccupe beaucoup, c'est le fait que l'on n'accorde pas beaucoup d'attention dans le projet C-53 aux autres options. Nous croyons qu'il faut prévoir dans le projet de loi l'évaluation de ces options, pas uniquement l'évaluation du risque. On n'accorde vraiment pas d'attention aux solutions de rechange et aux produits à faible risque. Et s'il y a une solution non toxique efficace pour lutter contre un problème de parasites, on ne devrait pas pouvoir faire homologuer de nouveaux produits antiparasitaires pour lutter contre ces parasites ou faire réhomologuer des produits plus anciens.
¾ (2015)
Il existe des options efficaces pour l'entretien des pelouses et des jardins. Le problème vient du fait qu'un secteur bruyant de l'industrie de l'entretien des pelouses refuse de modifier sa façon de faire les choses.
J'examine cette question depuis 12 ans. Ces autres produits existent depuis 12 ans. Je ne sais vraiment pas pourquoi l'industrie insiste pour continuer à utiliser des façons désuètes d'entretenir les pelouses. C'est le nouveau millénaire. Nous devrions examiner les autres options qui existent et qui sont efficaces.
Enfin, les parasites de pelouses et de jardins ne menacent ni la santé humaine ni l'environnement. Personne non plus ne contractera le cancer des larves dans les pelouses, mais d'après ce qu'on entend, les produits antiparasitaires que nous utilisons sur nos pelouses soulèvent des inquiétudes.
C'est une belle occasion pour le Canada d'éliminer, par le truchement du projet C-53, l'utilisation, à des fins esthétiques, des produits antiparasitaires. Je pense que l'élimination progressive constituerait un projet pilote extrêmement valable. L'incidence économique ne serait pas énorme car selon l'industrie, les produits antiparasitaires utilisés sur les parterres et dans les jardins ne représentent pas un pourcentage élevé de leurs bénéfices.
Il y a des produits de rechange efficaces. L'ARLA pourrait accélérer le lancement de produits tels que la farine de gluten de maïs, un produit non toxique homologué comme herbicide aux États-Unis.
Je pense qu'en incluant l'élimination de l'utilisation à des fins esthétiques des produits antiparasitaires dans le projet de loi C-53, ce serait un bon message et vous pourriez vraiment lancer de bons projets pilotes qui auraient des applications dans le secteur agricole et aussi le secteur forestier.
L'opinion publique appuie certainement la réglementation des produits antiparasitaires à des fins esthétiques. J'ai apporté des données avec moi sur deux sondages.
En janvier 2001, la ville de Toronto, avant la décision de la Cour suprême, avait fait un sondage auprès de ses résidents sur les produits antiparasitaires. On s'est adressé à des participants qui avaient une pelouse ou qui étaient responsables de l'entretien d'une pelouse. Dans le cadre de ce sondage, on a constaté que plus de 80 p. 100 des répondants estimaient que la santé humaine, la protection de la faune, la qualité de l'eau souffraient de l'utilisation des produits antiparasitaires dans l'entretien des pelouses. Plus de 67 p. 100 estimaient qu'il fallait limiter l'utilisation extérieure de ces produits sur les pelouses résidentielles. Dix-huit pour cent seulement des répondants considéraient que les gens ont le droit d'utiliser des produits chimiques sur leur propre terrain.
En septembre 2001, un des membres de notre groupe—le Toronto Environmental Alliance—a mené un sondage auprès des résidents de l'Ontario. On a également inclus dans ce sondage les locataires. Or, 82 p. 100 des répondants étaient en faveur de limiter l'utilisation des produits antiparasitaires à des fins esthétiques.
Je pense que le gouvernement fédéral peut donner un bon exemple à tous les Canadiens en adoptant une politique qui viserait à mettre fin, immédiatement, à l'utilisation des produits antiparasitaires à des fins esthétiques sur tous les terrains qui lui appartiennent. Ce serait vraiment une mesure qu'on pourrait prendre immédiatement et qui ferait vraiment avancer les choses.
J'exhorte tous les membres de ce comité à faire un choix judicieux et à considérer des mesures interdisant l'utilisation des produits antiparasitaires à des fins esthétiques en incluant quelque chose à cet effet dans le projet de loi C-53.
Merci.
¾ (2020)
La présidente: Merci, madame May.
Nous entendrons maintenant la coordonnatrice de Organic Landscape Alliance, Mme Colette Boileau. Je vous en prie.
Mme Colette Boileau (coordonnatrice, Organic Landscape Alliance): Madame la présidente, mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier d'avoir invité quelqu'un de la «Organic Landscape Allianc» à comparaître dans le cadre de l'examen du projet de loi C-53. Comme porte-parole au Canada des professionnels de l'aménagement paysager qui utilisent des méthodes biologiques, nous vous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de vous faire part de notre point de vue sur l'utilisation des produits antiparasitaires dans notre industrie. Nous aimerions également proposer un amendement essentiel au projet de loi C-53 si nous voulons appuyer l'utilisation de méthodes biologiques dans l'industrie de l'aménagement paysager.
La «Organic Landscape Alliance» a été constituée il y a quatre ans et a été officiellement enregistrée au mois de mars 2000. Nous sommes une association professionnelle qui regroupe des paysagers, des spécialistes de l'entretien des pelouses et des fournisseurs d'engrais biologiques, d'équipement et de produits à l'intention du professionnel de l'aménagement paysager qui utilise des méthodes biologiques.
Tous les membres de l'Alliance créent et entretiennent de magnifiques pelouses et jardins sans utiliser de produits antiparasitaires chimiques ni d'engrais synthétiques. Nos méthodes n'entraînent aucun coût secondaire sous forme d'eau polluée par le ruissellement des produits antiparasitaires ni de maladies provoquées par des produits chimiques toxiques.
Notre mandat comprend la diffusion de renseignements sur l'entretien biologique des pelouses et des jardins et la promotion de notre industrie. Nous organisons des ateliers éducatifs à l'intention des paysagers professionnels et nous maintenons un service d'information pour les clients afin de les aider à trouver les services et les produits de nos membres dans leur localité.
À l'heure actuelle, la demande pour ces services et produits dépasse largement l'offre. Depuis la décision Hudson de la Cour suprême du Canada en juin dernier, les municipalités partout au pays prennent les choses en main et prennent les mesures pour limiter l'utilisation des produits antiparasitaires à des fins esthétiques. Notre industrie est en plein essor car de plus en plus de consommateurs cherchent des façons de ne plus être exposés aux produits chimiques sur leurs pelouses et dans leurs jardins. Les demandes d'information ont augmenté jusqu'à présent d'environ 40 p. 100 cette année.
Afin de répondre à la demande, l'OLA a mis au point un programme de formation et d'accréditation pour les fournisseurs de services biologiques. Nous espérons lancer ce programme à l'automne 2002 de façon à ce que les nouveaux fournisseurs soient prêts pour la saison prochaine. Nous venons tout juste de finir de préparer une brochure sur l'entretien biologique des pelouses et des jardins commandée par Loblaws. Celle-ci sera disponible dans les centres de jardinage Loblaws partout au pays plus tard ce mois-ci.
Nous sommes ici aujourd'hui pour nous réjouir du fait que le Canada abandonne rapidement les produits chimiques dans l'aménagement paysager et l'entretien des pelouses et pour demander au Parlement de ne pas empêcher les professionnels de l'aménagement et les consommateurs qui souhaitent utiliser les produits les meilleurs et les plus sûrs d'avoir accès à des pelouses et à des jardins en bonne santé.
Le projet de loi C-53, dans sa formulation actuelle, tolère non seulement mais encourage l'utilisation de produits toxiques dans l'entretien des pelouses et des jardins en empêchant l'accès à des produits inoffensifs et efficaces qui ne comportent pas de risque et leur mise au point. Le projet de loi cherche également à empêcher l'industrie de devenir une industrie canadienne locale en forçant les petits entrepreneurs innovateurs à se conformer au même régime réglementaire que les grandes sociétés multinationales. Nous aimerions proposer un amendement qui corrige ce problème et qui fasse la promotion d'emplois sécuritaires et satisfaisants pour les Canadiens dans l'industrie de l'aménagement biologique.
L'entretien des pelouses et l'aménagement biologiques portent essentiellement sur les pratiques de culture—c'est-à-dire qu'on crée des conditions en enrichissant le sol et en utilisant les systèmes naturels qui rendent inutile l'utilisation de produits antiparasitaires chimiques. L'utilisation de produits qui contrôlent les parasites devient secondaire et n'est utilisée que «lorsque nécessaire» pour contrôler des infestations précises plutôt que de façon systématique. Néanmoins, il est essentiel pour notre industrie d'avoir accès à des produits efficaces à risque minime.
Nous sommes inquiets de constater que le projet de loi C-53 ne fait aucune distinction entre les produits antiparasitaires chimiques et les produits à risque minime qui sont conçus et utilisés aux États-Unis et dans les pays de l'Union européenne. Sans une distinction claire entre ces produits, les produits à risque minime sont assujettis au même processus d'homologation que les produits chimiques. Nous aimerions faire valoir que cela gêne notre industrie en pleine croissance en limitant les outils disponibles aux professionnels de l'aménagement biologique.
¾ (2025)
Les produits tels que le lait qui comportent des propriétés fongicides et la farine de gluten de maïs qui affiche des qualités d'herbicides de prélevée ne peuvent être utilisés actuellement ni annoncés comme tels par les membres de l'OLA ni quiconque pratique l'aménagement paysager biologique. Pourtant, ces produits sont entièrement inoffensifs et sans danger.
Parce que ces produits bénins comportent des propriétés antiparasitaires, ils tombent automatiquement sous le coup de la Loi sur les produits antiparasitaires et sont assujettis à la même procédure d'homologation que les produits chimiques qui pourraient être toxiques. Le processus est long et coûteux et parfaitement nécessaire dans le cas de produits chimiques qui risquent d'être toxiques. C'est inutile et un fardeau financier dans le cas de produits comme le lait, la farine de gluten de maïs, l'ail et le vinaigre.
Nous aimerions faire remarquer que si l'on pouvait obtenir un brevet pour le lait, une grande multinationale irait de l'avant et paierait pour l'homologation. Or comme il n'y a pas la moindre possibilité qu'une société puisse devenir propriétaire et monopoliser le lait, le lait ne sera jamais un pesticide légal aux termes de la loi actuelle. En fait, le projet de loi C-53 permet aux monopoles qui peuvent se payer le processus d'homologation de décider quels produits seront homologués au Canada.
En outre, le modèle d'efficacité présenté dans le projet de loi C-53 favorise des solutions rapides. Ce n'est pas ainsi que fonctionne la nature. Les systèmes naturels s'auto-corrigent en général lorsque l'équilibre est rétabli. Les produits tels que le lait et la farine de gluten de maïs aident à maintenir l'équilibre naturel d'un paysage en bonne santé au lieu de fonctionner comme la plupart des pesticides chimiques, en cherchant et en détruisant.
En exigeant l'homologation de tous les produits, même de ceux qui présentent un risque minime, le projet de loi C-53 défavorise d'une autre façon encore les professionnels qui utilisent des produits biologiques. Si un produit est homologué comme pesticide aux termes de la Loi sur les produits antiparasitaires, l'opérateur doit détenir un permis provincial pour utiliser le produit. Or c'est là une procédure coûteuse et inutile dans le cas d'un professionnel qui utilise des produits biologiques, qui n'a aucune intention d'utiliser des produits chimiques toxiques pour lesquels on a conçu le système de permis.
Il ne serait pas difficile de régler ces problèmes dans le projet de loi C-53. En effet, la loi américaine permet d'exempter d'un examen certains produits ou certaines classes de produits qui sont généralement considérées sécuritaires. Nous proposons que l'on prévoie une disposition semblable d'exemption visant certains produits et que l'on inclue dans la Loi sur les produits antiparasitaires des politiques visant ce genre de produits. Il s'agirait de produits tels que le lait, l'ail, le vinaigre et la farine de gluten de maïs.
La «Organic Landscape Alliance» remercie les membres du comité de lui avoir permis de vous présenter ses préoccupations au sujet du projet de loi C-53 et ses propositions d'amendement.
La présidente: Madame Boileau, avez-vous dit que vous aviez déjà préparé un amendement? Où faudrait-il l'inclure?
Mme Colette Boileau: Nous suggérons de suivre le modèle de l'EPA aux États-Unis, mais nous n'avons pas de libellé. Je pourrais préparer quelque chose.
La présidente: Oui, je vous demanderais de le faire puisque votre exposé portait là-dessus. Nous aimerions voir ce qu'ont fait les Américains et voir où ils ont inséré cette disposition dans leur propre loi sur les produits antiparasitaires ou une alternative raisonnable.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre le coordonnateur de la vulgarisation du «Organic Agriculture Centre of Canada», M. Av Singh. Monsieur Singh.
M. Av Singh (coordonnateur des services de prolongement, Organic Agriculture Centre of Canada): Je vous remercie.
Vous vous demandez peut-être pourquoi un représentant du «Organic Agriculture Centre» est ici pour vous entretenir de la question des pesticides. Je dois admettre en toute honnêteté que je ne sais pas grand-chose au sujet des pesticides. Voilà en fait pourquoi il convient que je sois ici.
Les agriculteurs canadiens parviennent avec beaucoup de succès à produire de la nourriture sans l'aide de pesticides. Les agriculteurs biologiques ont recours à des méthodes qui imitent la nature et créent des milieux stables et sains dans lesquels la lutte antiparasitaire n'est pas utile. Parmi les pratiques agricoles saines qui ne sont pas nuisibles aux écosystèmes, mentionnons les techniques d'enrichissement des sols par l'épandage de compost et notamment de fumiers de compost, c'est-à-dire des fumiers verts, les rotations de cultures intensives et les cultures de couverture. Ces méthodes agricoles ont pour effet combiné de réduire considérablement la lutte dirigée nécessaire.
Les techniques culturales utilisées par les agriculteurs biologiques non seulement réduisent la quantité d'intrants extérieurs nécessaires, mais permettent aussi d'atteindre d'excellents rendements qui équivalent à 5 p. 100 près aux rendements obtenus grâce à des méthodes classiques. Le mythe voulant que l'agriculture biologique ne puisse pas nourrir le monde est donc absolument faux. Le message le plus important que je peux laisser à votre comité est que l'agriculture biologique est tout à fait en mesure de nourrir le monde.
Ce qui contribuerait encore davantage à améliorer la santé des êtres humains et à protéger l'environnement serait que le projet de loi C-53 préconise activement des mesures qui amèneraient les agriculteurs à se passer de pesticides. La façon la plus simple de réduire les risques que posent les pesticides, c'est de réduire notre dépendance à l'égard de ces produits. Par ailleurs, il importe également de soutenir les efforts des organismes de recherche qui s'efforcent de répondre aux besoins des agriculteurs en matière d'information.
Pour revenir au projet de loi C-53 comme tel, un bon point de départ—et je pense que ce principe n'y est pas assez clairement énoncé—, serait de simplement réduire notre dépendance à l'égard des pesticides. Certains programmes comme le Pesticide Free Production Canada mis sur pied par l'Université du Manitoba, ont permis aux agriculteurs de réduire leur dépendance à l'égard des pesticides de 25 à 50 p. 100. La lutte dirigée constitue une autre technique permettant d'atteindre ce but.
L'un des avantages additionnels de cette stratégie est d'amener les agriculteurs à passer d'un système axé sur la technologie à des systèmes axés sur le savoir. Il faut des connaissances étendues pour utiliser des techniques comme la rotation des cultures et les cultures de couverture. Lorsqu'on donne aux agriculteurs le moyen d'acquérir ces connaissances, ils peuvent utiliser judicieusement les nouvelles technologies issues des progrès scientifiques.
Il est question dans le préambule du projet de loi et dans ses objectifs de la promotion de systèmes favorables à l'agriculture durable. J'estime important de promouvoir auprès des agriculteurs les avantages des solutions culturales de rechange. On peut bien vanter aux agriculteurs les mérites des rotations de culture et des cultures de couverture, mais il faut pouvoir leur prouver de façon concrète que ces méthodes donnent de bons résultats. Voilà pourquoi j'insiste encore sur la nécessité de soutenir la recherche et l'éducation.
¾ (2030)
J'aimerais en terminant appuyer les observations qu'ont faites Janet et Colette au sujet de l'ARLA. Comme elles, je pense qu'il importe que le projet de loi donne des exemples de produits présentant des risques moins élevés ou des risques minimaux pour l'environnement.
Comme Colette le faisait remarquer, des pulvérisations à l'ail sont utilisées couramment pour lutter contre les parasites en agriculture. Les composts de thé et le kaolinton sont d'autres produits non toxiques efficaces. On pourrait aussi réduire les risques que posent les pesticides en facilitant l'homologation des produits de rechange et notre centre offre son aide à cet égard.
Enfin, j'aimerais vous remercier d'avoir invité le «Organic Agriculture Centre of Canada» à comparaître devant vous et je vous encourage à ne pas hésiter et à aller de l'avant. Les agriculteurs survivront sans les pesticides, et on peut espérer que cela signifiera que plus d'entre nous survivront également.
¾ (2035)
La présidente: Je vous remercie, monsieur Singh.
Notre dernier témoin comparaît à titre personnel. Il s'agit de M. Jean-Dominique Lévesque-René.
[Français]
M. Jean-Dominique Lévesque-René (témoignage à titre personnel): Merci.
Chers membres du comité, après la question posée à Mme Marie Archambault, il me fait plaisir de vous donner les noms de deux rapports qui répondront à votre question. Ce sont le guide clinique pour les médecins du laboratoire Accu-Chem, au Texas, ainsi qu'un document sur les risques non acceptables du taux de pesticides chez les humains et les résultats significatifs chez des patients dans leurs tissus et dans leur sang.
Ce rapport indique qu'il n'y a pas de risques acceptables quant au taux de contamination chez les patients examinés dans le cadre de cette étude. En espérant que ces rapports sauront vous éclairer, je vais vous les remettre à la fin de la séance.
Ma présentation s'adresse à l'honorable ministre de la Santé, Anne McLellan, et aux membres du Comité permanent de la santé. Bonsoir. Je suis ici ce soir pour demander un amendement au nouveau projet de loi C-53 sur les produits utilisés pour la lutte antiparasitaire. Cet amendement consiste à interdire immédiatement et totalement l'utilisation des pesticides, dont les herbicides, insecticides, fongicides et rodenticides, à des fins esthétiques en milieu urbain partout au Canada.
Santé Canada doit légiférer afin qu'il y ait une loi sévère pour protéger la santé et la vie des personnes les plus vulnérables au Canada: les enfants. Je vis à l'Île Bizard, dans la banlieue ouest de Montréal. La moitié de mon île est constituée de trois terrains de golf qui utilisent des pesticides pour l'entretien de leurs «verts» et d'une zone résidentielle. Il n'y a pas d'industries lourdes et de lignes à haute tension.
J'ai le souvenir, étant petit, d'avoir été transporté d'urgence par ambulance à l'hôpital pour un saignement de nez très grave. Une journée auparavant, mes parents avaient fait traiter la pelouse de ma résidence avec un mélange d'engrais herbicide weed and feed. Par la suite, j'ai eu d'importantes éruptions cutanées accompagnées de nausées, de vomissements et de saignements de nez, toujours après avoir joué sur la pelouse qui avait été traitée avec un mélange contenant un engrais herbicide weed and feed.
Un médecin a établi que mes symptômes étaient causés par mon exposition aux produits répandus sur ma pelouse. Mes parents ont immédiatement cessé l'utilisation de ces produits sur notre pelouse. Mes symptômes ont disparu. Cependant, ils réapparaissaient lorsque mes voisins traitaient leur pelouse avec les mêmes produits.
En janvier 1994, alors que je n'étais âgé que de 10 ans, j'ai senti une bosse du côté droit de mon cou. Je l'ai montrée à mes parents, qui se sont empressés de me conduire à l'hôpital Sainte-Justine à Montréal. Après deux semaines d'examens médicaux et une biopsie, un médecin est venu m'annoncer que je souffrais d'un cancer des ganglions, le lymphome hodgkinien.
Pour traiter mon cancer, j'ai dû subir 51 semaines de traitements intensifs de chimiothérapie qui m'ont rendu très malade. Durant mon séjour à l'hôpital Sainte-Justine, j'ai demandé qu'on trouve la cause de mon cancer. Des références m'ont été présentées, dont une que j'ai remarquée davantage malgré mon jeune âge à l'époque. C'était un feuillet coloré de l'American Cancer Society montrant un enfant jouant dans l'herbe avec son petit chien. Il y était écrit simplement qu'on avait clairement démontré qu'il y avait un lien entre la forme de cancer dont je souffrais, un lymphome hodgkinien, et l'utilisation de pesticides pour les pelouses contenant du 2,4-D.
Les produits utilisés pour traiter la pelouse chez moi contenaient du 2,4-D. J'ai très vite compris que mon exposition aux pesticides pendant mon enfance était la cause de mon cancer. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de prendre des mesures pour protéger ma santé et celle des autres enfants de ma communauté.
Dans le département où j'étais hospitalisé, j'ai installé une carte du Québec. Chaque fois qu'un enfant atteint d'un cancer arrivait, je lui demandais où il demeurait. C'est ainsi que j'ai découvert que nous étions 22 enfants malades du cancer venant de l'Île Bizard. Tous ces enfants avaient été exposés à des produits pour les pelouses. Ça fait beaucoup d'enfants malades du cancer pour une petite île de 13 500 habitants.
¾ (2040)
Des amis m'ont permis de trouver et de recevoir des références et des rapports scientifiques encore plus pertinents établissant des liens sérieux entre le cancer de l'enfance et l'exposition aux pesticides chimiques pour l'entretien des pelouses et jardins en milieu urbain.
Un rapport récent publié en février 2000 par le Centre hospitalier mère-enfant et l'hôpital Sainte-Justine, intitulé L'Atlas de l'incidence du cancer chez l'enfant au Québec, vient confirmer que l'incidence du cancer de l'enfance est proportionnellement plus élevée en milieu rural et en banlieue, milieux où on utilise beaucoup de pesticides, principalement l'incidence des leucémies, des lymphomes et du cancer du cerveau. Le rapport établit un lien direct entre certains cancers de l'enfance, comme les leucémies, les lymphomes, le cancer des os et le cancer du rein, et l'utilisation des pesticides chimiques dans l'environnement.
Un enfant sur 400 est atteint de cancer au Québec. Sur l'Île Bizard, c'est un enfant sur 200 qui en est atteint. C'est pour ces raisons que je me sens très concerné par le nouveau projet de loi C-53 sur les produits utilisés pour la lutte antiparasitaire.
En terminant, les enfants et les adolescents ont droit à ce que leur santé et leur vie soient protégées. Il y a des lois qui punissent sévèrement les personnes qui abusent des enfants et des adolescents, et qui les maltraitent.
Pourquoi Santé Canada a-t-il toujours permis aux compagnies qui vendent des produits et des services pour l'entretien des pelouses en milieu urbain d'utiliser des photos d'enfants jouant sur le gazon pour leur publicité? Pourquoi Santé Canada a-t-il permis à nos parents d'utiliser ces produits et services pour l'entretien des pelouses, sachant que ces produits peuvent entraîner, surtout chez les enfants, des effets secondaires dus à leur toxicité, des maladies et même la mort?
Merci.
[Traduction]
La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Lévesque-René.
J'ouvre maintenant la période de questions. C'est M. Merrifield, porte-parole de l'opposition en matière d'agriculture, qui posera la première question.
M. Rob Merrifield: Je n'ai pas beaucoup de questions à poser parce que nous avons déjà entendu une bonne part de ce qui nous a été dit aujourd'hui.
Monsieur Singh, il y a eu d'énormes progrès technologiques attribuables aux aliments génétiquement modifiés. Le dépôt de ce projet de loi a interrompu notre étude sur ce dossier. Pensez-vous que les gains de productivité attribuables aux aliments génétiquement modifiés qui exigent moins de pesticides vont dans le sens de produits de consommation plus sûrs?
¾ (2045)
M. Av Singh: Les avis à ce sujet continuent malheureusement d'être partagés. La plupart des études que j'ai consultées font état de rendements considérablement inférieurs. Ainsi, les rendements du canola Roundup Ready sont inférieurs au canola classique et les rendements des fèves de soya Roundup Ready sont de 5 à 10 p. 100 inférieurs aux rendements de fèves de soya classiques.
M. Rob Merrifield: Ce n'est pas ce que conclut l'étude que j'ai lue.
M. Av Singh: Charles Bembrook a fait une étude portant sur 8 200 sites de recherche sur des terres appartenant aux universités et il a montré que les rendements de fèves de soya Roundup Ready étaient inférieurs de 5 à 10 p. 100 aux rendements classiques. Cette étude révèle que le Roundup est vaporisé de cinq à dix fois plus sur ces champs que sur les champs classiques.
M. Rob Merrifield: Utilisons-nous plus d'herbicides ou moins?
M. Av Singh: On utilise évidemment plus d'herbicide avec le Roundup Ready parce que le canola y résiste. Les agriculteurs doivent donc le vaporiser pour obtenir un effet prophylactique.
Doug Derkson d'Agriculture Canada et Rene Van Acker de l'Université du Manitoba ont fait des études auprès des consommateurs qui révèlent que les marges bénéficiaires sont moins élevées pour les cultures résistant aux herbicides parce que les frais des agriculteurs sont plus élevés. Je ne pense donc pas qu'il s'agisse d'un pas dans la bonne direction.
M. Rob Merrifield: Les marges bénéficiaires sont-elles beaucoup plus élevées dans l'agriculture biologique?
M. Av Singh: Une étude analogue menée par Rene Van Acker, qui n'a pas encore été publiée, révèle qu'abstraction faite du prix supérieur obtenu pour les produits biologiques, les marges bénéficiaires pour ces cultures sont plus élevées. Dans l'agriculture biologique, tous les frais sont internes et les intrants extérieurs sont moins nombreux.
M. Rob Merrifield: De quelle étude s'agit-il?
M. Av Singh: Il s'agit d'une étude que mène actuellement l'Université du Manitoba et à laquelle participent Rene Van Acker et Martin Entz.
M. Rob Merrifield: Est-ce la seule étude de ce genre que vous pouvez citer?
M. Av Singh: C'est la seule étude de ce genre que je connais qui a été menée au Canada. Des études analogues sont actuellement menées sur les systèmes biologiques.
M. Rob Merrifield: Je vous remercie.
La présidente: Madame Kraft Sloan.
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.
Il est intéressant que M. Merrifield ait soulevé la question des OGM. Je ne voulais pas l'aborder, mais ce qui sous-tend toute cette question c'est celle de la propriété des produits génétiquement modifiés. Ils appartiennent aux mêmes entreprises qui fabriquent les pesticides. On est donc en droit de se demander... Comme la raison d'être principale des entreprises privées est de faire des profits, il se peut que leurs profits augmentent d'une part, mais qu'ils diminuent d'autre part. Comme vous l'avez dit, les avis sont toujours partagés sur la question.
Je voulais demander à Mme May si elle peut nous donner des précisions au sujet de l'évaluation de rechange. Je trouve cette idée très intéressante. Pourriez-vous nous donner plus de précisions à cet égard et faire quelques suggestions en ce qui touche le projet de loi?
Mme Janet May: Santé Canada devrait étudier à fond les problèmes occasionnés par chaque espèce de parasites ou de mauvaises herbes. Prenons un exemple que tout le monde connaît: les pissenlits. On peut les éviter par la méthode du sursemis: on épand une quantité suffisante d'engrais—mais non excessive—pour maintenir un système radiculaire vigoureux, puis on ensemence le gazon. Si l'on ensemence le gazon de cette façon quelques fois par année, cela élimine complètement les mauvaises herbes comme les pissenlits, le gazon étant trop touffu pour qu'ils puissent s'y implanter. Voilà un exemple où il existe une solution de rechange non toxique à l'utilisation du 2,4-D, produit que les compagnies d'entretien des pelouses utilisent pour éliminer les pissenlits.
Dans un cas comme celui-là, où il existe manifestement une solution de rechange non toxique à l'utilisation du 2,4-D, pourquoi a-t-on même homologué cet herbicide conçu pour éliminer les pissenlits? À mon avis, il faudrait évaluer chaque pesticide en fonction de ces critères, et je crois que cela pourrait s'appliquer à l'agriculture également.
Je sais que la Suède a adopté un règlement sur la substitution des produits qui permet ce genre de démarche.
Cela me rappelle la vieille histoire d'une femme debout au bord d'une rivière. Un médecin arrive et lui dit que l'eau de la rivière n'est pas vraiment froide: «Vous pouvez traverser à la nage sans craindre d'avoir une crise cardiaque». Arrive ensuite un expert en hydrologie, qui lui explique qu'il n'y a pas beaucoup de courant à cet endroit, et qu'elle ne risque pas d'être emportée par le courant et de se noyer. Malgré les conseils et toutes ces explications, la femme refuse de traverser la rivière. Intrigués, les experts lui disent: «Pourquoi ne voulez-vous pas traverser la rivière? Selon toutes les données scientifiques, il n'y a pas de danger à le faire». La femme pointe du doigt vers la rivière et dit: «Mais il y a un pont».
Cette histoire illustre la façon dont les produits antiparasitaires devraient être homologués dans ce pays.
Il existe sans aucun doute des solutions de rechange permettant de régler chaque problème d'entretien de pelouse qui existe. Les membres de l'association de Collette en font actuellement la preuve. Dans ces conditions, pourquoi le Canada accepte-t-il d'homologuer des pesticides destinés à l'entretien des pelouses? Il y a d'autres moyens d'obtenir les mêmes résultats.
¾ (2050)
Mme Karen Kraft Sloan: Je vous remercie.
J'ai quelques questions sur l'agriculture biologique. N'importe quel des témoins peut y répondre s'il le souhaite.
Si un fermier décide de cultiver des produits biologiques, que va-t-il faire pour que ses produits soient certifiés biologiques? Je crois comprendre qu'il faut garantir qu'aucun pesticide chimique n'a été épandu sur les terres cultivées pendant un certain temps. Pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet?
Pour que les témoins soient au courant de mes antécédents, je signale que je suis la vice-présidente du Comité de l'environnement. Nous avons rédigé un rapport sur l'utilisation des produits antiparasitaires au Canada. Nous nous sommes entre autres penchés sur la mise en place d'incitatifs qui aideraient les agriculteurs à faire la transition, parce qu'il faut prévoir une période de transition, de même que l'apprentissage d'un nouveau domaine. Vous avez fait mention de certaines questions liées à cet apprentissage.
Que doit faire un agriculteur pour que ses produits soient certifiés biologiques? Combien de temps cela prend-il? Quelles mesures incitatives ou quels mécanismes d'aide pourraient être nécessaires?
M. Av Singh: À l'heure actuelle, la période de transition de l'agriculture courante à l'agriculture biologique certifiée est de trois ans. Mais il existe à l'heure actuelle plus de 45 organismes d'accréditation au Canada, ce qui nous pose un problème majeur. Si vous présentiez une demande à l'un de ces organismes et que vous pouviez montrer, dossiers à l'appui, que vous n'avez pas utilisé certains produits, ce délai pourrait être réduit. Mais dans la plupart des cas, il faut trois ans pour passer de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture biologique.
Vous aviez une autre question sur...
Mme Karen Kraft Sloan: L'aide financière ou les mesures incitatives susceptibles de faciliter la transition.
M. Av Singh: Cela existe en Europe. Les agriculteurs qui passent de la culture conventionnelle à la culture biologique reçoivent des subventions de transition qui leur permettent de maintenir leurs revenus pendant la période de transition.
D'après les entretiens que j'ai eus avec eux, la plupart des producteurs biologiques ne sont pas en faveur de l'octroi de subventions. Ils n'en voient pas la nécessité. Beaucoup d'entre eux estiment que la transition doit se faire plus lentement; ils n'essaient pas de convertir immédiatement toute leur ferme à l'agriculture biologique. Comme la transition prend un certain temps, les fermiers tâchent de diversifier leurs cultures de façon à ce que la conversion s'opère graduellement. On ne peut pas décider du jour au lendemain de se lancer dans l'agriculture biologique simplement parce qu'il y a une demande pour de tels produits. Nous encourageons donc les fermiers à faire la transition assez lentement de manière à pouvoir faire face aux difficultés qui pourraient survenir en cours de route.
Les rendements peuvent demeurer assez stables au cours de ces trois premières années, et cela arrive souvent. C'est généralement après la troisième année que l'on constate une diminution du rendement parce que le système ne fonctionne pas encore à plein régime. C'est à ce moment-là que les fermiers auraient besoin d'aide et il faut trouver les moyens de leur faciliter cette partie de la transition.
¾ (2055)
Mme Karen Kraft Sloan: Madame May, vous avez également proposé l'idée de deux amendements, dont le premier porterait sur le principe de prudence et le deuxième sur la prévention de la pollution. Est-ce que d'autres témoins souhaitent exprimer leur opinion à ce sujet?
J'aimerais que vous reveniez aux dispositions relatives à la prévention de la pollution qui devraient figurer dans la loi. J'aimerais également savoir si d'autres témoins partagent les mêmes préoccupations. À bien des égards, cette idée semble s'inspirer du principe de prudence.
Comme Mme Land l'a signalé dans sa déclaration très éloquente—et même si l'idée est de quelqu'un d'autre, c'est vous qui l'avez exprimée ici—bien des gens s'inquiètent de l'utilisation généralisée de pesticides qui finissent par contaminer différentes choses avec lesquelles nous sommes en contact tous les jours: les aliments que nous mangeons, l'eau de pluie qui tombe sur nous, et ainsi de suite. Vous avez certaines craintes au sujet des modes d'application de ces produits. Des témoins ont-ils des commentaires à faire au sujet de la prévention de la pollution et des moyens de la favoriser dans ce projet de loi? Cela nous serait utile.
Madame May, vous êtes la première.
Mme Janet May: L'idée de prévention s'imbrique dans le principe selon lequel s'il y a des solutions de rechange aux pesticides, nous devrions les utiliser. Naturellement, il est de loin préférable de prévenir la pollution que d'essayer d'y remédier après coup. Cela nous ramène à l'eau de pluie en Alberta. Comment pouvons-nous dépolluer l'eau de pluie qui est contaminée par le 2,4-D? Il va de soi que si on n'avait pas utilisé ce produit toxique, on ne serait pas aux prises avec ce problème.
Si nous insérons immédiatement dans le projet de loi C-53 une disposition interdisant l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques, nous préviendrons par le fait même beaucoup de pollution. Nous aurons encore à remédier aux substances polluantes répandues par le passé, mais si nous cessons dès maintenant de polluer, nous réduirons naturellement les risques pour les générations futures.
La présidente: Les propos théoriques ne nous aident pas; nous voulons savoir quels changements vous apporteriez au projet de loi.
Mme Janet May: Les dispositions qu'il faudrait changer?
La présidente: Comment procéderiez-vous concrètement pour apporter les changements que vous souhaitez?
Mme Colette Boileau: Ce que l'«Organic Landscape Alliance» proposait. Il faut inclure un article qui exempte certains produits qui sont, pour utiliser les termes de l'EPA des États-Unis, «généralement considérés comme sans danger». On pourrait alors utiliser n'importe quel produit qui est généralement considéré comme sans danger; c'est le cas du lait que nous buvons. C'est également le cas de la farine de gluten de maïs qui ressemble essentiellement aux céréales de maïs que l'on mange au petit déjeuner. Il serait bon que le projet de loi comprenne un article exemptant de l'obligation d'être homologué les produits généralement considérés comme sans danger. Il existe des pesticides biologiques utilisés par les jardiniers paysagistes et qui sont toxiques. L'exemption ne devrait pas s'appliquer à ces produits. Nous demandons seulement que les produits qui sont généralement considérés comme sûrs, par exemple le lait ou les solutions à base d'ail appliquées par vaporisation, soient exemptés.
Mme Janet May: Cela peut en partie être fait grâce à l'étiquetage, qui permet de décider—cela peut être l'ARLA qui prescrit un étiquetage—de l'usage exact du pesticide. Si ensuite celui-ci n'est pas utilisé selon la prescription, c'est une infraction à la loi fédérale. On peut dire que l'étiquetage est certainement une façon de faire une certaine place au Canada aux grands principes de la prévention de la pollution.
Mme Peggy Land: Mais il y a toute une question qui se pose à propos de l'étiquetage. La plupart du temps, c'est rédigé dans des termes extrêmement vagues, où on dit simplement d'éviter le contact avec la peau, d'éviter de respirer des vapeurs, etc. Ce que cela signifie en réalité, c'est qu'il faut s'habiller en conséquence, pour se protéger, et on a l'impression... C'est-à-dire qu'on n'entre pas suffisamment dans les détails; et ça, c'est une tout autre question. Mais si les gens ont l'impression qu'il est sans danger d'utiliser le produit tel qu'indiqué, mais qu'en même temps on ne leur dit pas exactement ce que signifie ce qui est inscrit, je pense qu'alors on se retrouve dans une situation intolérable.
Dans certains cas, on n'exige pas que les opérateurs aient toute l'information. Voilà pourquoi ils ne s'habillent pas avec toutes ces combinaisons et masques de protection, car la législation n'exige pas que toute l'information soit communiquée à ceux qui sont le plus en situation de risque. Je pense que l'information sur cette question est très confuse, et on s'en tire en disant que le nouveau projet de loi prévoit une disposition du type SIMDUT, en indiquant que l'on fournira des fiches du type santé-sécurité, qui sont vagues, incomplètes et non standardisées. Si on avait toute l'information, il faudrait également que les opérateurs sachent ce que sont ces produits dit inertes. Personne de toute façon ne s'en apercevra, les entreprises de production cherchent trop à protéger ce genre d'information.
Au nom du principe d'éducation et de sensibilisation du public, et du droit de savoir, toute l'information doit être donnée sur toutes les étiquettes, avec une explication de ce que cela signifie. Évidemment on n'en arrivera jamais là, car si les utilisateurs sont protégés comme il convient, ça va faire peur aux populations. On va comprendre à la ronde que ce sont vraiment des produits dangereux, qu'ils sont utilisés comme agents de guerre biologique. C'est exactement ce que sont ces produits. C'est d'ailleurs ce qui explique leur efficacité.
Je pense que je me suis un petit peu écartée de ce que vous vouliez dire, mais tout cela revient au même problème. Dire que des dispositions du type SIMDUT vont protéger les plus exposés ne marche pas. Pour ce qui est de la protection des procédés de fabrication etc., on en a parlé, je dirais que la formule des produits n'est pas tellement une information sensible. Peut-être que la recette de fabrication l'est. Pourquoi ne pas nous dire ce qui est mélangé avec le 2,4-D? Pourquoi ne pas simplement appeler les choses par leur nom?
¿ (2100)
Mme Karen Kraft Sloan: Parce qu'il y a toutes ces questions de micro-contaminants et autres additifs. Lorsque nous faisions notre étude, nous avons constaté que certains de ces micro-contaminants que l'on retrouve dans certains pesticides sont contraires à la politique du gouvernement en matière de gestion des substances toxiques. Alors, d'un côté on accepte de les retrouver dans certains pesticides, alors que par ailleurs ils doivent en priorité avoir virtuellement disparu.
Je pense que Mme Goldin Rosenberg a quelque chose à ajouter.
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: Oui.
Je remonte quelques années en arrière, et je vais parler de la Commission mixte internationale des Grands Lacs. Je me souviens que la Commission avait exigé une tolérance zéro de déversement de produits chimiques toxiques résistants, ce qui incluait les nucléides du radium, en inversant par ailleurs la charge de la preuve, à savoir que la société qui voulait utiliser ces produits devait elle-même fournir la preuve qu'ils étaient sans danger, pour ne pas que l'on se retrouve dans la situation difficile d'avoir à prouver a posteriori qu'il y avait un danger. Je pense que c'est un principe très sain. Je pense que l'on devrait faire la même chose pour tous ces contaminants, en matière de charge de la preuve.
La question se pose alors de savoir comment l'on peut prouver qu'une substance toxique est sans danger. Comment pouvons-nous en effet faire les expériences et analyses voulues qui permettent de tenir compte des synergies qui se produiront dans notre corps avec tous ces autres produits chimiques auxquels nous sommes exposés, et je pense également aux enfants, aux embryons et aux foetus, et même au sperme, comme on en parlait tout à l'heure?
Pour ce qui est du principe de prudence, je pense que nous pouvons faire confiance à la Commission mixte; elle est composée de scientifiques du Canada et des États-Unis. Cela fait déjà plusieurs dizaines d'années qu'elle existe. Un certain nombre d'études scientifiques d'excellent niveau en sont sorties. C'est une commission qui n'est pas rémunérée par les grandes sociétés; ce sont les gouvernements qui la financent et non pas, comme je le disais, les sociétés qui pourraient profiter de ces études.
Je ne vois rien de semblable dans cette loi, où l'on parlerait de tolérance zéro en matière de déversement... Cela ne devrait pas être permis à moins que l'on ait déjà prouvé qu'il n'y a pas de danger, et ensuite se poser toute la question de savoir comment prouver l'innocuité.
J'ai participé à des tas de conférences sur la santé et l'environnement, où j'ai demandé aux scientifiques s'ils faisaient des études sur toute une palette de produits chimiques et composés. Pensez à tous ces pesticides, ces produits chloréorganiques, ces métaux lourds, ces radiations, tous ces produits auxquels nous sommes exposés quotidiennement... toute la question de la qualité de l'air se pose, ainsi que ces mélanges spontanés. Est-ce que quelqu'un va pouvoir évaluer la palette de ces réactions? Les scientifiques me disent que non, c'est impossible. Certains essayent de rassembler dans une même expérience quelques produits chloréorganiques. Il y a effectivement quelquefois des études qui sont faites où on essaye de rassembler le plus grand nombre de facteurs possible.
Dans notre film, le Dr Anna Soto dit que tout le monde sait que dix dix sous font un dollar. Même si l'on part sur une base infime, il finit par y avoir un phénomène d'accumulation. Voilà pourquoi la tolérance zéro en matière de déversement est quelque chose d'important.
La présidente: Excusez-moi, madame Rosenberg. Mme Kraft Sloan a eu 17 minutes. C'est au tour de Mme Wasylycia-Leis.
Madame Chamberlain, est-ce que vous voulez aussi la parole?
Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Oui, et je n'aurai pas besoin de beaucoup de temps.
¿ (2105)
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je vais d'abord poser à Dorothy une question de portée générale qui lui permettra de faire enregistrer ce qu'elle pense au compte rendu de séance. Je voudrais savoir quelle preuve on a d'un rapport qui pourrait exister entre le cancer du sein et l'utilisation des pesticides. On a beaucoup parlé au comité de la santé des enfants, du problème des travailleurs et des agriculteurs qui sont exposés, mais j'aimerais que l'on parle maintenant du cancer du sein. Que nous indiquent les recherches?
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: Plus une femme est exposée à ces perturbateurs des fonctions endocriniennes, plus le risque de cancer du sein est élevé. J'ai parlé tout à l'heure des xénoestrogènes; ils peuvent avoir une action directe de mutation ou peuvent favoriser une croissance accélérée, car ils agissent au niveau hormonal. Dans le cas d'une formation maligne, ou d'un tissu qui est sensible aux hormones de croissance, la croissance sera effectivement plus rapide, le tissu prendra de l'importance et vous pourrez vous retrouver avec un cancer du sein.
Évidemment, ce cancer ne vous indique pas lui-même son origine. Mais 5 à 10 p. 100 seulement des cancers du sein sont attribuables à une mutation génétique héréditaire, si bien que nous nous posons la question des 90 à 95 p. 100 des femmes qui naissent avec un bagage génétique normal, et pour lesquelles nous nous demandons ce qui pourrait être à l'origine d'un cancer du sein. Seulement 5 à 10 p. 100 sont génétiques. Il y a donc tous ces autres facteurs en jeu, les pesticides, les produits chimiques... Beaucoup d'études ont été faites: le Dr Anna Soto et Carlos Sonnenschein ont fait des recherches ainsi que Devra Lee Davis. Sur ce sujet on est très informé.
Avez-vous eu une copie de notre film, Exposure? Regardez-le. Chaque député en a reçu un exemplaire il y a environ quatre ans. Un des généreux donateurs a décidé qu'il s'agissait d'un film si important—il y a de cela cinq ans—qu'il en a fait faire une copie pour chaque député. On a organisé des projections sur la Colline parlementaire, pour notamment le club des époux de parlementaires et une séance pour les députés.
On a donc tout un ensemble d'information scientifique. Personne ne peut dire quelle est la cause précise d'un dérèglement, on n'a jamais une preuve aussi nette. Mais il y a un ensemble d'éléments qui concourent à prouver un certain nombre de relations de cause à effet.
Plus on est exposé à ces perturbateurs endocriniens, dans nos corps... Ainsi les facteurs de risque sont plus élevés lorsque les femmes sont en début de cycle ou qu'elles passent à la ménopause. Plus les règles durent, plus ces femmes sont exposées à l'action des perturbateurs.
Mme Peggy Land: Puis-je ajouter quelque chose?
La recherche en laboratoire a indiqué la croissance de tumeurs mammaires chez les rongeurs. C'est ce qui se rapproche le plus de l'expérimentation sur les humains, mais on a démontré qu'au moins six pesticides causent le cancer du sein chez les animaux.
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: Et les rats mâles développent des mamelons, ce qui est tout à fait inhabituel, comme l'indique Devra dans le film.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai une autre question simplement pour savoir quelles seraient les recommandations des témoins en ce qui concerne l'ARLA.
Nous avons tenu beaucoup de discussions ici sur la façon de modifier le projet de loi afin que la définition du rôle et de la responsabilité de l'ARLA soit inscrite dans la loi. Nous nous débattons entre autres avec le double mandat de cet organisme, que certains considèrent comme une série contradictoire de responsabilités qui prive cet organisme de la possibilité d'être un véritable organisme de réglementation chargé de surveiller les questions concernant la sécurité humaine.
Avez-vous une idée des dispositions que devrait prévoir ce projet de loi en ce qui concerne l'ARLA, ou avez-vous vous-mêmes eu l'occasion de traiter avec l'Agence?
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Mme Colette Boileau: Certains de nos membres ont eu une certaine expérience en ce sens qu'ils ont utilisé les produits qui sont généralement considérés sans danger—le lait—et ont indiqué à leurs clients qu'ils l'utilisaient parce qu'il avait des propriétés fongicides. On leur a envoyé une lettre leur indiquant qu'ils n'étaient pas autorisés à agir ainsi, à utiliser des produits qui ne sont pas enregistrés par l'Agence.
Comme je l'ai mentionné, cela nuit à un grand nombre de nos membres parce qu'ils utilisent des produits comme le lait, le vinaigre, de l'ail en vaporisateur et d'autres produits alimentaires qui sont généralement considérés sans danger, et dans certains cas on les poursuit sans relâche et ils doivent justifier leurs méthodes.
La présidente: Je vous remercie, madame Boileau.
Madame Chamberlain.
Mme Brenda Chamberlain: J'aimerais simplement en savoir plus sur cette histoire de lait. Qu'est-ce que vous en faites exactement?
Mme Colette Boileau: Des études ont indiqué qu'on peut simplement l'utiliser sur l'herbe, mélangé à de l'eau. Il a des propriétés fongicides qui permettent de contrôler les champignons.
Mme Brenda Chamberlain: Et vous dites qu'une personne moyenne ne peut pas utiliser ce produit, que quelqu'un vous poursuivrait? J'utilise du vinaigre constamment pour nettoyer. Personne ne s'en prend à moi.
Mme Colette Boileau: Les particuliers peuvent utiliser ce qu'ils veulent, mais un fournisseur de services ne le peut pas. Donc si l'un de nos membres vous dit qu'il utilise du vinaigre pour contrôler vos pissenlits, il pourrait être condamné parce que ce produit n'est pas enregistré en tant que produit de lutte antiparasitaire pour l'instant, et que l'on vous dit qu'il agit comme un pesticide.
La farine de gluten de maïs en est un bon exemple. Les études ont indiqué qu'elle possède des qualités préventives—essentiellement, qu'elle empêche les mauvaises herbes de germer. L'un de nos membres est un important fournisseur de ce produit, qui est actuellement mis en marché comme engrais. S'ils ont le malheur de dire à leurs clients ou aux personnes à qui il distribue ce produit qu'il possède des propriétés herbicides... Il a en fait reçu une amende pour avoir agi ainsi.
Mme Brenda Chamberlain: Donc, vous pourriez l'utiliser, mais vous ne pouvez tout simplement pas parler de ses propriétés. Mais si une organisation voulait l'utiliser...
Mme Colette Boileau: Mais c'est un grave handicap, parce que les gens veulent savoir ce qu'on utilise sur leur pelouse, et si nos membres ne peuvent pas leur dire qu'ils utilisent du gluten de maïs pour contrôler les pissenlits ou quoi que ce soit, cela leur nuit beaucoup. C'est une façon pour eux de commercialiser leurs services.
La présidente: Ceux qui utilisent des pesticides ne peuvent pas dire à leurs clients ce qu'ils utilisent parce qu'ils ne savent même pas les produits qu'ils contiennent.
Mme Brenda Chamberlain: Non, et il me semble que pour un produit comme le lait, les gens seraient...
La présidente: Désolée de vous interrompre, Brenda, mais je crois que ce qui intéresse la plupart des consommateurs, c'est de se débarrasser simplement des mauvaises herbes. Ils ne demandent même pas aux préposés quel est le produit qu'ils pulvérisent. Ils pourraient pulvériser du lait, du vinaigre, ou du 2,4-D. Ils ne veulent pas le savoir. Ils veulent simplement se débarrasser d'un autre des fardeaux de leur vie. Donc je ne crois pas que vous ayez à leur dire comment agissent ces produits.
Mme Colette Boileau: Ce qui se passe habituellement, c'est que les gens qui consultent nos membres—et la situation a changé, parce que l'industrie est en train de changer de façon radicale—mais les gens qui consultaient nos membres par le passé étaient des gens qui se préoccupaient déjà de la question. Et dans certains cas, ils avaient été échaudés, parce que certains des fournisseurs traditionnels offraient aussi un service «biologique».
Ce service biologique est souvent une façon d'appâter les gens. Ils utilisent cet engrais pendant un certain temps, puis les mauvaises herbes reviennent et les gens disent: «Regardez, j'ai des mauvaises herbes.» Ils leur proposent alors d'opter pour la méthode traditionnelle. Donc les personnes qui font appel à nos fournisseurs de service sont désespérées parce qu'elles ne veulent pas de produits chimiques.
Il y a beaucoup de désinformation—par exemple on dit aux gens que le produit Merit est biologique. Ce n'est pas un produit biologique. Et de toute évidence cela stresse beaucoup de gens. En fait, nous avons certains membres qui n'utilisent pas de produits du tout, pour cette raison précise. Ils mettent l'accent sur les méthodes culturales. Dans le mémoire que j'ai distribué, il y a un sommaire qui décrit en quoi consistent ces méthodes culturales.
Mme Brenda Chamberlain: Je voulais simplement demander à M. Singh, si je vous ai bien compris, vous avez dit que les méthodes biologiques sont toutes aussi rentables que les autres. Est-ce exact?
M. Av Singh: Dans bien des cas, évidemment, ces méthodes seront plus rentables parce que l'on internalise tous les intrants. Les intrants sont internes.
Mme Brenda Chamberlain: La question que je veux vous poser est la suivante: pourquoi, lorsque je vais au supermarché pour acheter des carottes biologiques, elles me coûtent 3,99 $, mais si j'achète des carottes qui sont prétendument contaminées—si on veut utiliser cette expression, au comité—elles coûtent 99¢?
M. Av Singh: À l'heure actuelle, c'est surtout une question d'offre et de demande. Au Canada, nous importons 85 p. 100 des produits biologiques que nous consommons. Donc si nous commencions à produire ces carottes ici et qu'on en produisait beaucoup plus pour répondre à la demande, le prix diminuerait. À titre d'exemple, il y a les produits biologiques de Loblaws. Loblaws est en train de commencer à répondre à la demande des consommateurs. Tout le secteur des aliments biologiques a pris son essor sous l'impulsion du consommateur. Cela n'est pas le résultat des pressions exercées par des universitaires mais bien par les consommateurs. C'est pourquoi les prix de ces produits sont encore de 25 à 50 p. 100 plus élevés, mais ils diminueront au fur et à mesure que l'offre...
¿ (2115)
Mme Brenda Chamberlain: C'est très important pour le consommateur. Le fait est que quelqu'un qui n'a pas les moyens de se payer un petit sac de carottes économisera 3 $ s'il achète... N'est-ce pas?
M. Av Singh: C'est vrai.
Mme Brenda Chamberlain: Oui, parce que le coût a une influence...
M. Av Singh: Il faut sensibiliser le public au coût véritable de production...
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: Les coûts pour la santé.
M. Av Singh: ...et à propos du fait que la plupart des produits organiques ne sont pas subventionnés autant que les produits cultivés de la façon traditionnelle.
Mme Brenda Chamberlain: D'après ce que vous dites, donc, nous n'en sommes pas vraiment encore là.
M. Av Singh: Non, je crois que dans l'ensemble les prix que vous constatez sont attribuables à l'offre.
Mme Brenda Chamberlain: Très bien.
Madame May, vous aviez cité quelque chose. Vous avez fait une enquête, ou une enquête a été faite qui a indiqué que 82 p. 100 des Ontariens appuient... Je ne suis pas sûre de ce que vous avez dit. Est-ce l'utilisation restreinte de pesticides? Quelle est l'expression que vous avez utilisée?
Mme Janet May: Ils appuient les restrictions visant l'utilisation de pesticides sur les pelouses.
Mme Brenda Chamberlain: Très bien, donc qu'est-ce que vous entendez par «restrictions»?
Mme Janet May: C'est difficile à dire. Il est toujours très difficile quand on fait des sondages d'utiliser le mot «interdiction» parce que nous avons constaté que cela provoque des réactions assez négatives.
Mme Brenda Chamberlain: Oui.
Mme Janet May: Donc, par «restrictions», nous entendons plutôt une approche progressive. Il s'agirait d'éliminer l'utilisation courante de pesticides sur les pelouses telle qu'elle existe à l'heure actuelle, lorsqu'une entreprise vient pulvériser cinq fois la pelouse.
Mme Brenda Chamberlain: Ou peut-être utiliser des pesticides de façon équilibrée. Est-ce ce que vous voulez dire?
Les Ontariens n'appuient pas une interdiction à 82 p. 100. C'est la précision que je veux obtenir. Lorsque vous parlez de «restrictions», il ne s'agit pas d'une interdiction.
Mme Janet May: Non, il ne s'agit pas d'une interdiction.
Mme Brenda Chamberlain: Non.
C'est donc un pourcentage élevé.
Mme Janet May: Oui, c'est un pourcentage élevé.
La présidente: Le mot «interdiction» provoque une réaction négative. Je crois que c'est psychologique...
Mme Janet May: Oui.
La présidente: ...en ce sens qu'interdire quoi que ce soit laisse entendre que l'on va limiter la liberté du citoyen moyen de choisir comment il agira.
Mme Brenda Chamberlain: Mais 82 p. 100 appuient les restrictions. Je ne comprends pas ce que cela signifie.
La présidente: À mon avis, cela indique leur ambivalence. Mon interprétation serait de dire «Oui, nous savons effectivement que les pesticides sont dangereux, mais j'aime avoir une pelouse verte et je ne suis pas sûre que cette autre méthode...». Je crois que c'est là où en sont les Ontariens pour l'instant. Ils ne sont pas sûrs de quel côté pencher. Donc, le mot «interdiction» les rebuterait. Mais ils se sentent aussi coupables, parce qu'ils savent que les pesticides sont mauvais pour leur santé et pour la santé de leurs enfants. Ils sont bombardés d'annonces des entreprises d'entretien des pelouses qui utilisent des pesticides et qui leur montrent de magnifiques photos couleur de ce à quoi leur maison ressemblerait s'ils engageaient ChemLawn ou quelqu'un d'autre pour qu'ils viennent pulvériser leur pelouse régulièrement. Et de l'autre côté, ils ne sont pas autant sensibilisés aux arguments des partisans des produits biologiques ou de ceux qui luttent contre la prolifération des pesticides. C'est la raison pour laquelle ils sont ambivalents.
Ils peuvent lire un article dans le journal à propos des conséquences pour la santé puis recevoir trois brochures de trois grandes entreprises d'entretien des pelouses. Ils sont donc déchirés parce que personne n'a lancé de vastes campagnes de sensibilisation pour leur présenter réellement les enjeux.
Même si nous interdisions les pesticides, il y aura toujours des gens qui seront obsédés par leur pelouse. C'est leur fierté. Ils veulent que chaque brin d'herbe soit parfait. Le problème, c'est jusqu'où sommes-nous prêts à aller maintenant et comment pouvons-nous les sensibiliser suffisamment pour qu'ils appuient sans réserve une interdiction?
Mme Brenda Chamberlain: Je ferais le rapprochement avec le tabagisme. Si le gouvernement tient sérieusement à interdire les pesticides, il devrait aussi interdire le tabac, en toute honnêteté.
La présidente: Précisément.
¿ (2120)
Mme Brenda Chamberlain: Il faut donc avoir le courage d'interdire toutes ces substances.
La présidente: Il y a des municipalités qui ont interdit le tabac dans les lieux publics. Donc, les municipalités ont en fait montré la voie à cet égard.
Mme Brenda Chamberlain: C'est exact. C'est ce qu'a fait la nôtre.
La présidente: La nôtre aussi, et il y a à l'heure actuelle des municipalités qui débattent de l'interdiction de l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques. Donc, elles sont en train d'amorcer le mouvement. Mais ce que ces gens sont en train de nous dire, c'est qu'il nous incombe jusqu'à un certain point de montrer la voie.
Bon, je n'arrête pas de parler alors que je ne devrais pas.
Mme Brenda Chamberlain: Oui, je voulais qu'on m'explique les restrictions, mais je vous remercie, madame la présidente.
La présidente: C'est simplement la façon dont j'interpréterais la chose. Il est possible que le témoin ait une interprétation différente.
Mme Janet May: Je crois qu'un autre grave problème, c'est le télémarketing qui se fait autour des pesticides. Il y a des gens qui vous appellent et je les prends au piège chaque fois. Chaque fois qu'ils m'appellent je leur demande: «Vos produits sont-ils inoffensifs?» et on me répond: «Oui, ils sont inoffensifs».
La présidente: Ah oui, oui.
Mme Janet May: Et cela va clairement à l'encontre des règlements de l'ARLA. Mais en fait, personne n'assure l'application de ce genre de règlement.
Des entreprises m'ont dit qu'il n'existe aucune loi qui les oblige à mettre des affiches d'avertissement sur la pelouse. Pourtant, cela est prévu par la loi en Ontario. Ces entreprises me disent—en ignorant que je milite contre l'utilisation des pesticides—: «Oh, nous le faisons uniquement parce que nous sommes une bonne entreprise et que nous voulons mettre les gens à l'aise en installant ces affiches».
Il y a toutes sortes de cas où les entreprises trompent les gens à propos de ces produits. C'est pourquoi l'utilisation des pesticides se poursuit, malgré, comme vous le dites, cette impression selon laquelle les pesticides sont dangereux. Il y a beaucoup de dissonance cognitive.
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: De mensonges.
Dans notre film, je me souviens de la mère de Jean-Dominique, Monique, qui expliquait que les vendeurs lui avaient dit que les produits pouvaient même être ingérés sans danger. N'est-ce pas, Monique?
Si c'est ce qui se passe, et que les gens posent des questions et qu'on leur répond que ces produits sont complètement inoffensifs, et qu'ils ne demandent à le vérifier, ils vont tout simplement croire ce qu'on leur dit. Ils permettront qu'on utilise ces produits. Il y a bien des gens qui ne lisent pas la liste des composés chimiques.
Mme Brenda Chamberlain: Mais je crois vraiment que les gens s'informent beaucoup plus maintenant.
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: Certains.
Mme Brenda Chamberlain: J'en suis convaincue.
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: De plus en plus...
Mme Brenda Chamberlain: Pour ce qui est de la pelouse parfaite, je crois que beaucoup plus de gens étaient obsédés par la perfection de leur pelouse il y a 15 ans qu'aujourd'hui.
Je crois que les gens sont beaucoup plus conscientisés; les gens sont beaucoup plus soucieux de leur santé. Les femmes sont beaucoup plus conscientes de ce qu'elles doivent faire pour éviter la perte osseuse, et ainsi de suite. Nous nous occupons beaucoup plus de notre santé. Je crois que l'on peut commercialiser tout produit qui sera plus favorable à la santé. Les gens l'adopteront. Nous faisons partie de cette génération-là.
La présidente: Cela se fera. Mais le fait est que d'énormes entreprises bombardent le public pour conserver... Je ne devrais pas vous dire ce que j'en pense.
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: Nous devrions encourager les gens à faire leurs emplettes chez Loblaws lorsqu'on commencera à offrir des produits plus sûrs...
La présidente: Oui.
Mme Brenda Chamberlain: C'est exact.
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: ...parce que cela permettra vraiment de déterminer s'il existe un marché pour ces produits.
Ils ont pris une initiative très audacieuse. Je ne suis pas sûre de la raison pour laquelle ils ont agi ainsi. Je sais que le chef des relations publiques a écrit un article à propos de la regrettée Dr Nicole Bruinsma et a été très touché, apparemment au point de prendre la décision d'inciter Loblaws à changer de marque.
Mais il y a aussi des gens qui manifestent chaque semaine contre Loblaws parce que Loblaws refuse d'étiqueter les aliments génétiquement modifiés. Donc, on se demande quels sont leurs motifs ou si le type a vraiment été incité à le faire d'une façon qui...
Mme Brenda Chamberlain: C'est peut-être que Dave Thomas a décidé de s'en mêler.
Mme Dorothy Goldin Rosenberg: Je crois que nous devons encourager les gens à les appuyer, à faire leurs courses là-bas. Je n'ai pas de jardin ni de pelouse, mais nous devons aider le marché à fonctionner. Cela établira un précédent pour les autres entreprises, que ce soit les grandes pépinières ou les grandes entreprises d'entretien de gazon, qui les incitera à prendre elles aussi cette orientation. C'est très positif.
Mme Brenda Chamberlain: Oui, tout à fait.
La présidente: Je vous remercie, madame Chamberlain.
Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus ici pour nous communiquer leurs réflexions et pour s'être forcés de se conformer à toutes mes règles. J'ai essayé de m'assurer que tout le monde ait l'occasion de parler.
La séance est levée.