HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 9 mai 2002
Á | 1110 |
M. André Duhaime (témoignage à titre personnel) |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Le présidente |
M. André Duhaime |
La présidente |
Mme Olga Prin (témoignage à titre personnel) |
Á | 1125 |
La présidente |
Mme Christina Caron (témoignage à titre personnel) |
Á | 1130 |
Á | 1135 |
La présidente |
Mme Andrea Lockwood (représentante, Municipalité de Chelsea) |
Á | 1140 |
Á | 1145 |
La présidente |
Mme Helen Jones (membre du conseil d'administration, Real Alternatives to Toxins in the Environment) |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
La présidente |
Mme Helen Jones |
La présidente |
Mme Helen Jones |
La présidente |
Mme Helen Jones |
La présidente |
M. Ken Hough (Directeur de la recherche et du développement du marché, Association des producteurs de maïs de l'Ontario) |
 | 1200 |
 | 1205 |
 | 1210 |
La présidente |
M. Andrew Michrowski (président, Planetary Association for Clean Energy Inc.) |
 | 1215 |
La présidente |
Dre Margaret Sandborn, MD, CCFP (professeure agrégée de médecine familiale, Faculté des sciences de la santé, Université McMaster) |
 | 1220 |
 | 1225 |
Le vice-président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)) |
Dre Margaret Sandborn |
Le vice-président (Mr. Reg Alcock) |
Dre Margaret Sandborn |
Le vice-président (M. Reg Alcock) |
Mme Dawna J. Ring (témoignage à titre personnel) |
 | 1230 |
 | 1235 |
La présidente |
La présidente |
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.) |
La présidente |
Mme Dawna J. Ring |
La présidente |
Mme Carol Skelton |
M. Andrew Michrowski |
Mme Carol Skelton |
M. Andrew Michrowski |
 | 1240 |
Mme Carol Skelton |
M. Andrew Michrowski |
Mme Carol Skelton |
M. Andrew Michrowski |
Mme Carol Skelton |
M. Andrew Michrowski |
Mme Carol Skelton |
M. Andrew Michrowski |
La présidente |
M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ) |
 | 1245 |
La présidente |
M. Bernard Bigras |
La présidente |
M. Bernard Bigras |
La présidente |
Mme Dawna J. Ring |
M. Bernard Bigras |
Mme Dawna J. Ring |
La présidente |
Mme Andrea Lockwood |
La présidente |
M. André Duhaime |
 | 1250 |
M. Bernard Bigras |
M. André Duhaime |
La présidente |
Mme Judy Sgro |
Mme Dawna J. Ring |
La présidente |
Mme Judy Sgro |
La présidente |
Le greffier du comité |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 9 mai 2002
[Enregistrement électronique]
Á (1110)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. J'ai le plaisir d'ouvrir cette séance du comité de la santé alors que nous continuons notre étude du projet de loi C-53. Comme nous entendrons de nombreux témoins ce matin, je les présenterai lorsqu'ils prendront la parole.
Nous entendrons en premier le témoignage de M. André Duhaime.
M. André Duhaime (témoignage à titre personnel): Merci.
J'aimerais vous décrire certaines des démarches auxquelles j'ai pris part relativement aux pesticides, surtout au niveau municipal. En fait, je veux dénoncer de nombreuses inexactitudes dans le nouveau projet de loi C-53. Il comporte diverses anomalies que j'aimerais signaler au comité.
Comme je participe à beaucoup d'activités politiques, surtout au niveau municipal, j'ai contribué soit directement soit indirectement à l'interdiction des pesticides dans ma région. J'habite Saint-Lazarre, municipalité voisine de Hudson, qui est bien connue par les gens qui s'intéressent au dossier des produits antiparasitaires.
Je veux dénoncer les carences et les actes irresponsables du gouvernement fédéral en ce qui concerne la sécurité de nos enfants, alors que cette sécurité est au coeur de la publicité entourant ce projet de loi. Le gouvernement se montre incapable de garantir la sécurité non seulement de tous les enfants, mais également des citoyens canadiens.
La gestion des pesticides laisse à désirer: on ne décrit pas correctement ce qu'ils sont, ni où et comment ils doivent être utilisés. J'insiste sur cette lacune parce qu'elle est très grave. Même dans l'ancienne Loi sur les produits antiparasitaires, on présentait les pesticides comme des produits à utiliser en dernier recours, quand tous les autres moyens ont échoué. Vous reconnaîtrez avec moi que l'optique du projet de loi C-53 est fort différente.
On a fait tout un battage publicitaire autour de ce projet de loi conçu pour améliorer les règles déjà en vigueur, alors qu'en réalité on veut remplacer la loi actuelle par un projet de loi qui ne protège ni la santé, ni les enfants, ni l'environnement, mais bien les intérêts de l'industrie et des fabricants de pesticides. Les dispositions actuelles de la Loi sur les produits antiparasitaires et de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, sont bien suffisantes. J'ai devant moi une des 147 pages des documents produits, où l'on définit le rôle du gouvernement qui s'engagerait «à privilégier, à l'échelle nationale, la prévention de la pollution dans le cadre de la protection de l'environnement». Ce rôle est bien défini. Il y a des centaines de pages faisant état de telles déclarations; si elles étaient respectées, tout comme la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, le Canada disposerait d'un projet de loi assez rigoureux. Malheureusement, ni les lois ni les belles paroles ne peuvent aboutir à des actions valables lorsque la volonté, la détermination et l'initiative font défaut.
Le projet de loi C-53 ne renferme aucune disposition qui restreigne de quelque façon que ce soit, l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques, et encore moins qui interdisent de telles utilisations. Cette lacune est non seulement inacceptable mais aussi totalement irresponsable. Le gouvernement déclare ne pas avoir les pouvoirs ou la responsabilité d'interdire la vente de produits antiparasitaires. Ce faisant, il admet qu'il y a deux poids, deux mesures. Le rôle du gouvernement est de gouverner tout en prenant les mesures nécessaires pour protéger ses citoyens et préserver l'environnement, plutôt que la prospérité financière des multinationales. Nous ne devons pas nous fier au retrait volontaire de produits de la part des fabricants; nous devons prévenir au lieu de simplement réagir.
Je me demande qui a participé à la rédaction de ce projet de loi. Je soupçonne que ce sont surtout des représentants de l'industrie, des fonctionnaires de l'ARLA et d'autres secteurs de l'administration publique, mais il est impossible de le savoir. Cela suscite beaucoup d'autres questions.
On recommande également que tous les pesticides soient immédiatement retirés du marché en attendant que des études appropriées et impartiales aient établi leur innocuité. Ces pesticides devraient être remplacés par des produits moins nocifs qui existent déjà. Si le gouvernement n'agit pas dans ce sens, il devrait être tenu responsable de tous les torts passés, présents et futurs causés à la population canadienne et à l'environnement.
Je doute fort qu'aucun de ces 7 000 produits sera réévalué dans un avenir prochain, étant donné que seulement 70 d'entre eux ont été réévalués au cours des dix dernières années. J'aimerais souligner que j'ai puisé ce renseignement dans un rapport du Commissaire à l'environnement et au développement durable. Je l'avais en main lorsque j'ai rencontré la vérificatrice générale et d'autres personnes l'automne dernier. Le rapport décrit beaucoup de lacunes qui tiennent à l'incapacité des différents ministères d'harmoniser leurs activités. On y signale beaucoup d'anomalies indiquant que le gouvernement ne remplit pas son mandat, qui est de veiller à la protection de ses citoyens. Il faut appliquer le principe de prudence partout où c'est possible dans le projet de loi, plutôt que de se contenter de le mentionner au passage sans exiger son application.
Selon la vérificatrice générale, il est pratiquement impossible d'obtenir des preuves scientifiques des effets nocifs de certains produits. Il suffit de penser à l'industrie du tabac. Combien d'années a-t-il fallu pour prouver les dangers du tabac? Cela n'a été établi que récemment. Devrons-nous attendre 40 ou 50 ans pour obtenir les preuves des effets nocifs des pesticides?
Partout où l'on utilise des pesticides, il faut apposer des affiches de mise en garde et indiquer les produits utilisés. Cela devrait être obligatoire sur les terrains de golf, dans les lieux publics et sur les fermes accessibles au public. Il ne faut pas laisser aux municipalités le soin d'exiger cet affichage. C'est pour cette raison qu'on n'a même pas interdit l'usage de pesticides dans la région de Hudson: cette question était du ressort des provinces et non des municipalités.
Á (1115)
Je pense qu'il faudrait aussi souligner que les pesticides ont d'autres effets. Ils se retrouvent dans l'air des ansimmeubles à bureau. De tels produits sont souvent utilisés dans les immeubles et les restaurants, sans qu'on le sache. Or, beaucoup de femmes enceintes et d'enfants se rendent dans ces endroits.
Il faut subventionner et encourager l'agriculture biologique existante et encourager d'autres agriculteurs à s'y convertir, comme cela s'est fait dans le passé. L'agriculture biologique n'est pas une invention récente. Les cultivateurs s'y sont adonnés pendant des centaines d'années, jusqu'à il y a environ 30 ou 40 ans. Quand on sait que l'agriculture biologique croît au rythme de 25 p. 100 par an, on comprend qu'il y a là un message que les citoyens essaient d'envoyer.
Il faut adopter un code national de déontologie, qui ne peut pas être laissé entièrement à la discrétion des provinces. Il doit reposer sur la gestion de l'environnement, plutôt que sur la lutte antiparasitaire intégrée, qui n'est rien de plus qu'un joli terme pondu par les spécialistes du marketing des compagnies d'entretien de pelouse. Il faut mettre la barre plus haute. Tous les ingrédients inertes doivent être connus, identifiés et systématiquement remplacés par des composés organiques, non pas dans une proportion de 15 p. 100 mais de 100 p. 100.
Il importe d'accélérer l'homologation des pesticides biologiques. Le rapport du Commissaire à l'environnement et au développement durables paru en mai 2000 résumait 20 ans de rapports, documents, études et témoignages relatifs au niveau de toxicité des pesticides utilisés à l'heure actuelle. Le ministre Allan Rock a donné suite au rapport sur le développement durable en instituant au cours du printemps dernier la stratégie «Pelouses saines», à laquelle j'ai participé. La gestion des risques, et non le souci de la santé humaine, en était le thème. Et je vous signale encore une fois que la lutte antiparasitaire intégrée n'est pas une réalité nouvelle; elle existe depuis une vingtaine d'années au moins. La gestion des risques n'a pas été maintenue, et ce depuis un certain temps, d'après le rapport de la vérificatrice générale.
J'aimerais aborder la question de l'homologation, parce que tout le monde semble penser qu'on applique une marge de sécurité au moment d'homologuer un produit. En réalité, l'homologation n'est rien de plus que le fait pour un fabricant d'indiquer au gouvernement qu'un produit donné tue les mauvaises herbes. Le produit en question tue effectivement les mauvaises herbes, mais on ne se soucie pas de savoir s'il cause d'autres dommages. Cela importe peu. S'il tue les mauvaises herbes, le produit est homologué, tout simplement.
Il a été question d'étiquetage et de classification, et évidemment de lutte intégrée. L'atelier organisé par l'ARLA ne pouvait rien changer. On a invité les gens, mais l'ordre du jour était fixé d'avance. On a proposé un moratoire, et si je ne m'abuse, le projet de loi présenté deux fois l'an dernier n'a pas été adopté. Certains ont proposé une enquête pancanadienne, mais ils n'ont reçu d'autre réponse que de s'en tenir à l'ordre du jour établi.
Le mandat de l'ARLA est clair. Protéger tous les Canadiens ainsi que l'environnement. De quelle façon? Les pesticides ne doivent être utilisés qu'en dernier recours. Comment se fait-il qu'ils soient devenus la première ligne de défense? Les pissenlits mettaient-ils en danger la vie humaine? On dirait qu'ils sont bien plus dangereux que le virus West Nile.
La première entreprise d'entretien de pelouse a reçu sa charte en 1978. La Loi sur les produits antiparasitaires est en vigueur depuis 1969. L'intoxication par les produits chimiques doit cesser, car elle vient grossir les coûts déjà astronomiques des soins de santé. On sait que les pesticides sont toxiques; du reste, ils sont conçus pour l'être. Par exemple, le 2,4-D est considéré comme toxique. Pourquoi alors n'est-il pas interdit?
Il y a une absence totale d'études, parce qu'il n'y a pas de scientifiques pour les mener à l'ARLA. Il y a bien des laboratoires, mais il n'y a pas de scientifiques. Nous nous fions entièrement aux recommandations des États-Unis. Nous sommes devenus le dépotoir des autres pays. Il y avait sur le marché 600 produits homologués avant 1981, et 150 remontent aux années 60.
Le Canada n'a jamais, de sa propre initiative, révoqué l'homologation d'un produit ou interdit un produit. Il s'est toujours conformé à ce qui se fait dans d'autres pays, particulièrement aux États-Unis. Combien de temps nous a-t-il fallu pour réagir dans le cas du DDT? Même après son interdiction aux États-Unis, ce produit est resté sur le marché plusieurs années au Canada. Depuis une vingtaine d'années, on présente le Dursban comme l'un des produits les plus sûrs qui existent, mais tout à coup on apprend que les États-Unis ont décidé de l'interdire. Ici, nous allons attendre quelques années pour que les stocks soient épuisés, ce qui confirme que le Canada est bien un dépotoir. À la lumière de ces faits, je recommande le démantèlement de l'ARLA et son remplacement par deux organismes indépendants qui pourraient fournir des données scientifiques solides et des recommandations pertinentes.
L'industrie et les fabricants de pesticides nous prédisent la famine et les pires malheurs si nous cessons d'utiliser leurs produits. Malheureusement, la famine a toujours existé et elle existera probablement toujours, mais bientôt nous serons aux prises avec le problème de l'eau contaminée. À ce sujet, j'aimerais vous signaler quelque chose qui s'est passé cette semaine. On a trouvé du benzène dans l'eau à Hudson, municipalité qui a interdit les pesticides. On sait que le benzène est une substance toxique et un pesticide extrêmement contaminant. L'eau commence à être contaminée à cause de toutes les substances toxiques qu'on a épandues.
Á (1120)
Qu'est-ce qui a changé à ce point?
Excusez-moi, je devrais revenir un peu en arrière.
Le présidente: Monsieur Duhaime, vous avez largement dépassé le temps qui vous était alloué.
M. André Duhaime: Un peu de patience s'il vous plaît car je voudrais faire un dernier commentaire.
Monsieur Tout-le-monde invoque les arguments suivants pour justifier l'emploi des pesticides: on n'aura plus de gazon si on arrête de les utiliser ou encore, on aura des réactions allergiques. Ces arguments sont absurdes et sans fondement.
Nos enfants ont joué pendant très longtemps le rôle des canaris dans les mines de charbon. Les statistiques sur l'asthme, les allergies, l'hyperactivité, l'hypersensibilité et le cancer chez des jeunes enfants augmentent depuis 25 ans et ont atteint des proportions alarmantes. Je sais que vous avez sûrement entendu des propos de ce genre depuis deux semaines, mais c'est un sujet important—pas seulement ce que je vous dis mais ce que d'autres vous diront également.
Comment expliquer ce phénomène? Qu'est-ce qui a changé si radicalement dans notre environnement, si ce n'est la prolifération de produits chimiques dans notre société? Avez-vous perdu tout esprit logique? Cela a de quoi faire réfléchir.
Pour conclure, je vous dirai qu'il serait irresponsable de ne pas intervenir, compte tenu de ce que nous savons depuis 15 ans. Il serait criminel de continuer à négliger cette question. Ainsi ces audiences ne se tiennent que pour la galerie, tout comme les ateliers de l'ARLA auxquels j'ai assisté l'année dernière, mais même si tout est joué d'avance, je tiens à faire valoir mon point de vue. Le combat se poursuit. Un nouveau projet de loi ne changera rien. Les gens devront continuer à lutter pour ce qui leur semble essentiel. Il ne s'agit pas de chercher à avoir raison, mais de faire ce qui doit être fait.
Merci.
La présidente: Merci, monsieur Duhaime.
Nous entendrons maintenant le témoignage de Mme Olga Prin.
Mme Olga Prin (témoignage à titre personnel): Bonjour. J'aimerais aborder la question sous un autre angle. Vous avez sans doute entendu parler des enfants ces jours-ci.
Quand j'ai appris qu'il y avait des audiences, j'ai d'abord voulu rester chez moi. En effet, il ne semblait pas qu'il y ait place pour quelqu'un comme moi ici pour contredire les scientifiques fortunés qui vous disent qu'il n'y a aucun danger. Mais j'ai décidé de venir vous dire ce qui arrive aux enfants canadiens et québécois en particulier puisque c'est au Québec que j'habite.
J'ai trois enfants en bas âge et je m'occupe beaucoup d'écoles et de garderies. Je vois beaucoup de gens et je remarque quand les enfants ne sont pas dans leur assiette. Je ne sais pas si vous voyez beaucoup d'enfants en bas âge, mais je peux vous dire qu'ils ont de la difficulté à l'école. Ils sont troublés. Ils ont des éruptions cutanées. À l'épicerie, on voit quantité de bébés couverts de rougeurs. Lorsqu'on les voit chez le médecin, ils sont bourrés de médicaments. Ils sont au rhitalin. On donne des pompes aux petits bébés. Ça ne se faisait pas quand j'étais jeune et je ne suis pas si vieille que ça. Il n'y avait pas d'allergies aux arachides et aujourd'hui c'est fréquent.
Mon fils est allergique aux arachides et à d'autres noix, aux oeufs, au blé, aux produits laitiers et au soja. Je voudrais savoir ce qui se passe. Je n'ai jamais vu ce genre d'affections et il n'est pas le seul dans son cas. Mon fils a 7 ans. Quand ils ont découvert ses problèmes, ils ne savaient pas ce qu'il pouvait manger; on a donc créé un menu. Nous avons joint l'association d'une soixantaine de parents comme moi. Le cas de mon fils était l'un des plus graves. Il y a maintenant à peu près un millier de parents dans l'association et d'autres s'y ajoutent.
Chaque année, les médecins réunissent les parents. Ils nous disent qu'ils ne savent pas ce qui se passe mais qu'ils vont faire des études et voir combien sont encore malades dans tant d'années. Je peux vous assurer que lorsque l'association a été créée il y a 10 ans, il n'y avait à peu près pas d'allergies aux arachides au Canada mais ceux qui en souffraient à l'époque en souffrent toujours aujourd'hui.
Tout le monde en souffre, mais l'état de mon fils s'est amélioré parce que je me suis renseigné, j'ai posé des questions et je suis allé voir tous les médecins. J'ai fait des études aux États-Unis. J'ai examiné le sang. J'ai demandé si la cause pouvait être glandulaire ou cérébrale. Une maladie, il faut la comprendre et ne pas la combattre en abusant de médicaments. Mais c'est ce qu'on fait. On les bourre de produits chimiques et on s'attend à ce qu'ils grandissent normalement.
Il y a bien des scientifiques qui font des travaux en laboratoire mais ils ne vont pas dans les cours d'école et ne posent pas de questions aux instituteurs ou aux puériculteurs. Je n'en reviens pas. Dans ma garderie, cinq petits sur 28 souffrent d'une allergie mortelle. Ça signifie que chaque fois qu'ils sortent, leurs parents ne savent pas s'ils seront toujours vivants pour leur prochain anniversaire. Ce n'est pas rien.
Et ces produits chimiques... J'ai rencontré la Dre Elizabeth Guillette. J'ai entendu dire qu'on ne faisait pas de cas de ses travaux. Je lui ai écrit et elle m'a renvoyé une liste de produits chimiques en usage au Mexique. Ce sont les mêmes qu'ici. On parle toujours de gazon mais ces pesticides sont dans notre nourriture, dans notre eau, dans notre corps. Partout au Canada, le lait maternel est contaminé et nous donnons le sein à nos enfants. Je ne peux pas croire que l'on va autoriser ces produits en disant que tout dépend de la dose parce que la dose, nous la consommons déjà. Il n'y a pas moyen de réparer le mal qui a été causé.
Je sais que cela a l'air un peu radical, mais dans d'autres pays, on a financé des travaux de recherche indépendants. On y a fait les choses comme il faut. Je pense que nous manquons de connaissance sur ce point; nous n'avons pas l'expertise qu'il faut au Canada. Quand nous voulons des données scientifiques, nous les demandons aux scientifiques qui vendent les produits. C'est absurde. Je trouve que nous sommes très mal protégés.
Les enfants, eux, ne savent pas ce qui se passe. Ils ne savent pas qu'ils sont malades et ce n'est pas de leur faute, mais ils sont exclus. Quand on n'apprend pas, on n'apporte rien et on n'est pas un élément utile de la société. Je ne comprends pas qu'on puisse autoriser d'autres pesticides. Depuis 40 ans qu'on les utilise, il est temps de voir les choses en face.
J'ai rencontré le Dr Nicholas Ashford, de l'ONU. C'est un conseiller qui a écrit un ouvrage sur les maladies d'aujourd'hui. Les maladies modernes sont la conséquence des pesticides et des produits chimiques qui détruisent les enzymes de l'organisme. Le problème est au niveau cellulaire. Il faut se pencher sur l'empoisonnement chimique. Les médecins n'ont pas de formation en toxicologie et ne savent donc pas ce qui se passe. Je ne pense pas que l'État le sache non plus et c'est pourquoi j'estime qu'il est de mon devoir de dire que les scientifiques ne communiquent pas entre eux. Chacun parle de cerveau, de sang ou de foie. Il faudrait les réunir tous et leur confier la rédaction de la loi, à eux non pas aux bureaucrates et aux scientifiques qui l'ont faite, et vous qui essayez de l'approuver en vitesse.
Á (1125)
Les médias ne s'y intéressent pas. Leur indifférence tient à leur ignorance. Mais ma mission dans la vie sera de faire connaître tout ce que j'ai découvert, parce que j'ai des centaines, voire des milliers d'études.
Je vous ai envoyé des bandes vidéo à regarder; personne n'a demandé à les voir mais je vous les recommande vivement. Il y a une édition de l'émission The Nature of Things qui discute des études de la Dre Guillette. Demain à 21 heures, à l'émission NOW with Bill Moyers sur PBS, il y aura une émission spéciale sur les produits chimiques et les enfants intitulée «Rendons-nous nos enfants malades?» Je pense que vous devriez songer à vérifier les torts réels causés avant d'adopter quoi que ce soit.
La présidente: Merci beaucoup, madame Prin.
Nous allons maintenant passer à Mme Christina Caron.
Mme Christina Caron (témoignage à titre personnel): Bonjour.
Je suis la porte-parole d'une association du quartier Manor Park à Ottawa qui réclame l'interdiction des pesticides sur les pelouses et dans les jardins. Chacun de son côté, nous sommes arrivés à la conclusion que la pulvérisation aveugle et généralisée autour de nos maisons de produits chimiques mortels est une menace injustifiée et importante pour la santé de nos familles et de l'environnement.
Nos conclusions proviennent de travaux réalisés par des chercheurs et des organisations scientifiques de renom. Je pense notamment à la Société canadienne du cancer. Le 9 avril de cette année, Julie White, directrice de la Société canadienne du cancer et de l'Institut national du cancer du Canada a publié le communiqué suivant:
Nous acceptons les preuves convaincantes que des pesticides d'usage courant causent le cancer. Nous avons demandé l'interdiction des produits chimiques à des fins esthétiques identifiés par le Centre international de recherche sur le cancer comme étant des carcinogènes connus, probables ou possibles. |
En 1997, la Dre Kelly Martin a passé en revue l'information sur les pesticides et leurs effets sur la santé humaine pour le compte de l'Ontario College of Family Physicians. Voici sa conclusion:
Il y a un grave problème concernant la quantité de pesticides à laquelle la population est exposée, surtout dans la population pédiatrique... Bon nombre de pesticides d'usage courant posent des risques graves pour la santé humaine. |
À l'appui de sa conclusion, la Dre Martin a cité des études qui établissent un lien entre l'exposition aux pesticides et des risques élevés de lymphome non hodgkinien, de leucémie infantile, de cancer du cerveau et de sarcome des tissus mous, de pathologies neurologiques semblables au saturnisme, ainsi qu'à une réduction du fonctionnement du système immunitaire.
Les travaux de la Dre Elizabeth Guillette de l'université Tulane dans la vallée de Yaqui au Mexique—dont on vous a déjà parlé—ont fait état de déficits neurologiques graves chez les enfants exposés à un assortiment de pesticides agricoles.
Enfin, des travaux récents à l'Université de Waterloo montrent que les grenouilles exposées à des quantités minimes de pesticides d'usage courant, dont le malathion, subissent un effondrement quasi total de leur système immunitaire.
Le temps nous manque pour citer les nombreux autres travaux mais l'accumulation des éléments de preuve donne à penser de façon convaincante que les pesticides actuellement en usage sont une menace pour la santé humaine et animale. La gravité de la menace n'a pas encore été déterminée.
L'exposition répandue de la population aux pesticides dans l'environnement, ajoutée au fait qu'il est impossible de réaliser des études contrôlées auprès de sujets humains font qu'il faudra peut-être attendre longtemps pour établir de façon concluante que tel ou tel pesticide est nocif pour la santé humaine. Déterminer les effets cumulatifs et synergiques de ces toxines est une tâche encore plus compliquée qui demandera encore plus de temps. Toutefois, le principe de prudence commande en pareille situation de réduire au minimum les méfaits potentiels au lieu d'attendre une preuve scientifique définitive.
On ne saurait justifier davantage la pulvérisation de produits chimiques qu'une preuve de plus en plus lourde révèle comme probablement dangereuse, uniquement à des fins esthétiques, sans aucune autre justification compensatrice. A titre de gardiens de l'environnement de nos enfants, nous devons agir pour limiter ce risque patent.
A titre de citoyens, nous avons pris des mesures à l'échelle locale. Dans une bonne mesure, nous avons réussi à persuader nos voisins de pratiquer un jardinage biologique, l'objectif étant de faire de Manor Park un quartier exempt de pesticides. Nous avons milité en faveur d'un règlement municipal qui interdirait les pesticides à des fins esthétiques à Ottawa. Nous ne sommes pas seuls dans ce combat.
À la suite de l'arrêt de la Cour suprême de l'an dernier dans l'affaire Hudson, qui confirme le droit des municipalités de prendre des règles dans ce domaine, de nombreuses villes et villages du pays ont emboîté le pas aux chefs de file. Ces municipalités se retrouvent partout au pays, qu'il s'agisse de Toronto, Vancouver, Ottawa, Halifax, Victoria et Guelph. Le Québec a aussi annoncé son intention d'interdire l'usage non essentiel des pesticides sur les terrains publics et municipaux, peut-être même dès cet été.
Des sondages montrent que ces initiatives reçoivent un appui généralisé de la population. Par exemple, une enquête réalisée l'automne dernier par Oracle Poll Research en Ontario a révélé que 82 p. 100 des répondants appuient les règlements municipaux qui limitent l'usage à des fins esthétiques des pesticides sur les terrains résidentiels privés. Des milliers de pancartes «pesticides interdits» pour les pelouses ont été achetées à des organisations comme le Sierra Club du Canada. Lorsque Loblaws a annoncé son intention de ne plus vendre de pesticides dans ses jardineries l'an prochain, le magasin a donné comme raison l'insistance de sa clientèle.
Il est clair que le moment est venu d'agir. Par leurs actes, des milliers de Canadiens font savoir ce qu'ils pensent de l'usage des pesticides à des fins esthétiques. L'action au niveau local est loin de suffire toutefois. Chaque municipalité se trouve dans l'obligation de réinventer la roue. Elle doit investir énormément en recherche, consultations, rédactions et négociations pour quantité de règlements de portée et d'efficacité diverses et assortis d'exemptions. Cela ne fera qu'aboutir à un amalgame compliqué et déroutant de règlements, à des règles et critères différents selon les municipalités et les provinces.
La solution la plus efficace du problème est d'imposer une interdiction nationale à l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques. Nous invitons donc le gouvernement fédéral à répondre aux voeux clairement exprimés des Canadiens et à faire preuve de leadership en matière de santé et de protection de l'environnement en incorporant cette interdiction dans le projet de loi C-53. Il y va de la santé de nos enfants.
Á (1130)
J'aimerais ajouter une dernière chose à propos des questions de compétence. Nous savons que des réserves ont été exprimées au sujet de la compétence du gouvernement fédéral dans ce domaine. On se demande en effet si la menace pour la santé et l'environnement est suffisamment grave pour justifier des sanctions pénales. J'insiste sur le fait que le risque acceptable ne peut pas être défini isolément mais uniquement par rapport aux avantages possibles. Par exemple, quelqu'un pourra juger que la chirurgie à des fins esthétiques représente un risque inacceptable alors qu'une intervention semblable comportant des effets avantageux pour la santé pourra constituer un risque acceptable. C'est là une distinction importante lorsqu'il s'agit de l'usage à des fins esthétiques des pesticides. Nous estimons que les avantages de l'emploi de pesticides à des fins esthétiques sont négligeables et justifient que l'on n'accepte aucun risque supplémentaire pour la santé et l'environnement.
Merci.
Á (1135)
La présidente: Merci, madame Caron.
Nous allons maintenant entendre Mme Andrea Lockwood.
[Français]
Mme Andrea Lockwood (représentante, Municipalité de Chelsea): Bonjour. Je suis ici aujourd'hui comme représentante de la Municipalité de Chelsea. J'aimerais tout d'abord remercier le comité de la Santé d'avoir invité la municipalité à venir présenter ses commentaires sur le projet de loi C-53.
La municipalité a été invitée, je crois, parce qu'elle a adopté un règlement concernant les pesticides en décembre 1998. J'aimerais vous donner des détails sur la municipalité et sur ses expériences avec ce règlement. Je comprends que je n'ai qu'une période de 5 minutes pour faire ma présentation, mais la municipalité a préparé un rapport plus détaillé que j'ai laissé au greffier.
Comme vous le savez sans doute, la municipalité de Chelsea est une communauté d'à peu près 6 000 personnes située à 15 minutes d'ici, de l'autre côté de la ville de Gatineau, anciennement la ville de Hull. Toutes les maisons de Chelsea ont un puits pour leur approvisionnement en eau. Les résidents de la municipalité ont commencé à demander un règlement au début des années 1990. Conscients du fait que la légalité d'un règlement semblable dans la municipalité d'Hudson avait été attaquée, le conseil municipal a attendu la décision de la Cour d'appel du Québec avant d'adopter son propre règlement.
Au même moment, plusieurs résidents de la ville demandaient l'adoption d'un règlement pour des raisons basées sur la santé humaine, l'environnement et le principe de prudence. Le règlement a été adopté de façon unanime en décembre 1998.
[Traduction]
Le règlement municipal de Chelsea limite rigoureusement mais n'interdit pas complètement l'application de pesticides à des fins esthétiques. Celui de la municipalité d'Hudson non plus. Notre règlement permet l'application de pesticides, moyennant permis, dans certains cas précis—pour lutter par exemple contre une infestation d'insectes, et sans permis pour combattre l'herbe à puce et les guêpes.
Il y a deux terrains de golf à Chelsea. Il se sont vu accorder une dispense de cinq ans pour se conformer au règlement. Nous en sommes à la quatrième année et nous collaborons avec eux pour assurer la mise en oeuvre intégrale du règlement.
La municipalité administre le règlement en faisant largement appel à l'information et à la sensibilisation de la population. Les résidents sont maintenant très informés et demandent régulièrement des renseignements à la municipalité. Celle-ci répond de diverses façons, en faisant notamment des recherches sur Internet et en bibliothèque.
Lorsqu'un résident veut régler un problème de pelouse ou de jardin, la municipalité le consulte et l'informe des solutions de rechange aux produits chimiques. Un représentant de la municipalité va sur place pour trouver une autre solution.
En cas d'infestations par des insectes, un permis peut être délivré. La municipalité n'en accorde pas pour la destruction des pissenlits. Le règlement existe depuis trois ans et 22 permis ont été accordés; chaque année, le nombre de demandes et de permis accordés baisse.
Le personnel nous dit qu'il n'a pas à convaincre les gens. Ce sont les résidents qui l'ont voulu; ils continuent de s'y intéresser ainsi qu'aux autres initiatives environnementales de la municipalité comme le compostage, le recyclage, la conservation des terres humides et l'aménagement du territoire.
Le règlement a eu l'effet de braquer l'attention sur l'environnement et les questions de santé. Ces dix dernières années, la mentalité et les attentes des résidents ont beaucoup évolué. À l'époque, le service de l'environnement de la municipalité n'était qu'une toute petite partie du service de plans. Les deux sont maintenant sur un pied d'égalité et ont autant d'importance. La municipalité s'aperçoit que les résidents de Chelsea s'attendent à ce que leur administration assortisse l'acte à la parole.
Le règlement a été accepté par la plupart des résidents de la municipalité. Même s'il y a quelques îlots de résistance, ils disparaissent d'année en année. Un effort de sensibilisation du gouvernement fédéral nous aiderait beaucoup à atteindre nos objectifs de protection de la santé.
Le leadership et les changements viennent d'ailleurs que du gouvernement fédéral. Comme on vous l'a déjà dit, la chaîne d'alimentation Loblaws a annoncé il y a deux mois qu'elle allait retirer les produits chimiques pour pelouses et jardins de ses étagères à partir de l'an prochain. Loblaws a indiqué que sa décision était motivée par ce qui s'était produit à Chelsea, en particulier le travail d'un de nos anciens médecins de famille qui a été pour beaucoup dans l'adoption du règlement.
Les adversaires du règlement avaient prédit quantité de conséquences financières négatives, comme la dévaluation du marché foncier. Rien de tout cela est arrivé. De fait, l'immobilier est en plein essor à Chelsea. Le conseil municipal, le personnel et la majorité des résidents estiment que le règlement a été salutaire.
Á (1140)
Chelsea n'est pas seule. Comme on l'a déjà dit au comité, la Cour suprême du Canada a confirmé la validité du règlement de la municipalité d'Hudson. La ville de Halifax a témoigné devant le comité. Plus de 40 municipalités du Québec ont maintenant un règlement du même genre. Chelsea reçoit environ une fois par semaine des coûts de téléphone venant d'organisations ou de municipalités du pays pour obtenir de l'information et des conseils sur l'adoption et la mise en oeuvre du règlement. La municipalité de Chelsea est fière de ce qu'elle a accompli et continue de faire pour protéger la santé et l'environnement de ses résidents. Il existe des substituts efficaces aux produits chimiques synthétiques et la réglementation municipale a des effets.
La municipalité de Chelsea estime également que la réglementation fédérale doit être renforcée pour mieux protéger la population à l'échelle nationale. Nous avons des recommandations précises à propos du projet de loi C-53 qui se trouvent dans le document que j'ai remis au greffier. J'aimerais toutefois apporter quelques précisions.
Tout d'abord, la définition de parasite dans le projet de loi est légèrement différente de celle qui se trouve dans la loi actuelle mais il y est toujours mention d'un «animal, plante ou autre organisme qui est nuisible, nocif ou gênant». Le mot «gênant» fait problème parce qu'il n'est pas défini. Il est directement tiré d'une loi vieille de 33 ans que tous s'accordent à juger déficiente. La municipalité de Chelsea a constaté que l'idée de «gênant» n'est pas une raison suffisante pour recourir à ces produits chimiques. La plupart des administrés nous disent que le pissenlit n'est pas suffisamment «gênant» pour justifier le recours à ces produits chimiques. Beaucoup d'autres termes du projet de loi ne sont pas définis, comme «valeur» et «risque inacceptable», ce qui n'arrange pas les choses.
Comme je l'ai dit, les mentalités ont beaucoup changé. Les résidents veulent aujourd'hui que la municipalité examine ses actes et leurs conséquences sur l'environnement dans leur globalité. La municipalité estime que cela n'a pas été le cas dans le projet de loi C-53. Il y a beaucoup d'interrogations autour du sens à donner au principe de prudence. Quoi qu'il en soit, nos résidents disent qu'il s'agit de quelque chose d'important et que ce que nous faisons à l'environnement et les conséquences qui en découlent pour nous justifient que nous fassions preuve de prudence.
Il y a deux façons de concevoir la protection de la santé et de l'environnement. On peut d'abord réduire le risque—on en a beaucoup discuté—et on peut aussi simplement réduire l'usage de ces produits. C'est ce que l'on a fait à Chelsea. De cette façon, on sait et on comprend que l'on a aussi réduit le risque.
J'aimerais enfin parler du rôle que l'État peut jouer en matière d'information et de sensibilisation. Beaucoup peut être accompli au moyen de l'étiquetage obligatoire de ces produits à l'aide d'une police qui attire l'attention du consommateur. Celui-ci peut alors décider deux choses: s'il veut oui ou non utiliser le produit et ensuite comment.
J'aurais d'autres choses à dire, mais il y a beaucoup de gens assis à la table.
Á (1145)
[Français]
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, madame Lockwood.
Nous allons maintenant entendre Mme Helen Jones, membre du conseil d'administration d'une organisation qui s'appelle Real Alternatives to Toxins in the Environment.
Mme Helen Jones (membre du conseil d'administration, Real Alternatives to Toxins in the Environment): Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de venir m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis très heureuse de pouvoir comparaître. Je représente Real Alternatives to Toxins in the Environment, connu aussi sous la forme abrégée de RATE.
Je viens de la région de Halifax, et notre organisme de citoyens a appuyé notre municipalité de nombreuses façons, notamment la demande présentée par la municipalité à l'assemblée législative provinciale d'avoir compétence pour réglementer l'emploi des pesticides. Nous avons appuyé toutes les étapes du processus qui a suivi en vue d'élaborer un règlement. Nous sommes très fiers de notre municipalité, des membres du personnel qui travaillent pour la ville, du conseil municipal, mais ils doivent travailler dans un climat de réglementation inefficace et handicapant en vertu duquel les Canadiens sont exposés à des pesticides alors que cela pourrait être totalement évité.
J'aimerais tout simplement exposer mes arguments sous forme de plusieurs conditions préalables tout en vous présentant un certain nombre de recommandations choisies le plus efficacement possible.
La première condition préalable concerne l'ALENA. Il est probable que la réglementation en ce qui a trait aux pesticides sera harmonisée entre le Canada et les États-Unis. En fait, une proposition a déjà été présentée et on a demandé au public de faire des observations, mais presque personne n'était au courant. Cela s'est produit quelques semaines après le 11 septembre, le mot «pesticides» ne figurait pas dans le titre de cette proposition invitant le public à faire des observations. En fait, on a demandé à l'ARLA de présenter à nouveau cette proposition mais en incluant le mot «pesticides» dans le titre, de façon à ce que les gens qui surveillent la question des pesticides et même la population en général, sachent qu'il est possible de présenter des observations et d'examiner certaines propositions. L'ARLA n'a pas répondu aux demandes à cet effet même si certaines de ces demandes provenaient de membres de l'assemblée législative de la Nouvelle-Écosse.
Essentiellement, je voudrais dire que si les accords d'harmonisation futurs dans le cadre de l'ALENA ont tendance à affaiblir la Loi sur les produits antiparasitaires, cette dernière devrait primer dans de tels cas. Un élément qui se trouve à l'heure actuelle dans la proposition et que je considère comme affaiblissant la loi, c'est le fait que l'on puisse utiliser les données recueillies sur le terrain aux États-Unis pour décrire la situation au Canada. Naturellement, ça ne tiendra pas compte de la distillation secondaire des pesticides dans le Nord et d'un grand nombre d'autres problèmes spécifiques à notre pays.
D'autres conditions préliminaires mèneraient à une bien meilleure réforme législative, à l'accès à l'information, à une réglementation sur les pesticides au Canada, et elles concernent l'ARLA. La première serait de dissoudre le Comité consultatif de gestion économique comme le recommande le rapport fédéral sur les pesticides.
La deuxième serait de ne pas permettre la participation de l'industrie des pesticides, de ses groupes de lobbying, ses filiales ou ses sociétés mères ou ses organisations corporatives à tous les autres comités de l'ARLA. Ceux-ci peuvent exprimer leurs intérêts et leurs préoccupations en tant que lobbyistes et lors des consultations, tout comme les autres industries le font. En fait, récemment sur CPAC, le 4 mai, les organismes de réglementation nucléaire disaient justement la même chose, à savoir qu'aucun représentant de l'industrie ne siège à leurs comités, et pour la première fois, ils vont se réunir en Europe.
D'un autre côté, en ce qui concerne l'ARLA, ces organisations sont toutes représentées au sein de ces organismes en grand nombre. Non seulement ils ne devraient pas y être représentés, mais il faudrait prévoir une longue période de réflexion avant que quelqu'un puisse accepter un poste à traitement annuel ou tout avantage d'une industrie après avoir siégé à ces comités, un peu comme ce qui s'est passé en vertu de la U.S. Securities and Exchange Commission après le scandale Enron.
La troisième chose en ce qui concerne l'ARLA c'est qu'il faudrait éliminer la moindre apparence de parti pris, et leur donner un budget fixe qui n'augmente pas lorsque le nombre de pesticides chimiques enregistrés augmente.
Á (1150)
La troisième condition préalable serait d'exiger un examen quinquennal de la loi afin que nous ne nous retrouvions pas avec ce problème 33 ans plus tard comme c'est le cas actuellement.
Quatrièmement, dans toutes les recommandations sur la dose admissible, il faudrait inclure des mises en garde explicites. La première mise en garde serait que l'EPA américain a déclaré qu'il n'existe aucune méthode pour évaluer l'impact des mélanges de produits chimiques sur la santé. Il s'agit là d'une question très importante, car chaque fois qu'on prétend que des pesticides sont bien réglementés au Canada et que les risques ont été évalués—par exemple les campagnes postales éclair du groupe de travail 2,4-D de bon nombre de conseils municipaux et assemblées législatives—on dit essentiellement que l'on a pleinement tenu compte du fait que les enfants étaient exposés aux pesticides. En fait, c'est l'une des choses qu'a dite le groupe de travail 2,4-D. Mais là où la déclaration de l'EPA est importante, c'est qu'à leur avis, cela a été impossible, car il n'y a aucun moyen d'évaluer des mélanges de produits chimiques, qui sont en fait des mélanges.
La deuxième mise en garde serait que l'exposition à ce produit pourrait poser des dommages embryologiques irréversibles qui n'ont rien à voir avec la dose, et que les marges de sécurité n'en tiennent pas compte, ce qui fait que les lignes directrices sur la dose ne veulent rien dire.
La troisième mise en garde serait que bon nombre de pesticides homologués—en d'autres termes, les insecticides chimiques, les herbicides et les fongicides—peuvent perturber les fonctions hormonales ou la croissance et le développement—ou en d'autres termes, stimulent la multiplication des cellules ou des tumeurs. Je signalerais d'ailleurs que les niveaux de dose recommandés sur l'étiquette n'en tiennent pas compte. Ils devraient figurer sur toutes les lignes directrices ou doses recommandées.
En ce qui concerne les recommandations spécifiques, j'appuie sans réserve le moratoire fédéral immédiat sur les pesticides à des fins esthétiques. Non seulement le moratoire protégerait les Canadiens, mais cela montrerait que le parti libéral respecte sa résolution prioritaire 113 de son programme politique. Nous avons apporté une affiche que nous avons préparée pour appuyer ce moratoire. Elle donne un bon aperçu visuel, et les données scientifiques qui ont été publiées pour appuyer ce moratoire. Cette affiche est suffisamment explicite, et je vous la laisse ici.
Nous devons établir le principe de prudence comme ligne directrice fondamentale obligatoire et pas seulement pour la réévaluation des pesticides. Sur le plan juridique, nous devons prévoir des méthodes sûres, écologiques et non toxiques et ne pas exiger la permission du ministre ou toute autre permission spéciale afin d'y recourir. Il semble que ce soit ce que dit le projet de loi à l'étude.
Comme on l'a déjà mentionné, nous devons par ailleurs accélérer le rythme de déshomologation de pesticides synthétiques au Canada. Un bon modèle se trouve dans l'organisme de réglementation suédoise, KemI. J'ai imprimé certains documents que je laisserai au comité. Certains sont en anglais, et on y indique les sites Web. D'autres sont en suédois, et ce sont ceux que j'ai trouvés en premier. Je vous donne 26 pages de documents imprimés sur les pesticides qui ont perdu leur homologation en Suède.
Je crois que nous pourrions avoir des collectivités plus sûres, plus saines. Si des représentants de l'industrie ne siégeaient pas à l'ARLA, cet organisme pourrait prendre de bonnes décisions en matière de réglementation comme la Suède l'a fait. En effet, les organismes de réglementation là-bas ont décidé que même si certains pesticides comportaient des avantages, étant donné les risques qu'ils posaient pour la santé, il ne valait pas la peine de les regarder sur le marché et d'en approuver la vente. En tant qu'organisme de réglementation, il faut que vous examiniez cette question sérieusement en vue de prendre le même genre de décision, car physiologiquement nous sommes tous pareils.
J'ai mentionné l'exemple du clopyralide qui est très toxique pour le sol et le compost. Cette toxine est extrêmement persistante dans le sol. Elle y reste pendant des années en très petite quantité en parties par milliard. Une indemnisation est déjà versée par les fournisseurs de compost des municipalités et des universités, et ce produit doit être interdit au Canada.
Á (1155)
Nous devons protéger davantage les enfants. Comme je l'ai mentionné, les marges de sécurité sont inadéquates. Nous devons reconnaître que ce risque est un concept social. En d'autres termes, seuls les gens qui sont exposés aux pesticides peuvent décider quels risques ils sont prêts à accepter. Ni l'ARLA, ni la Loi sur les produits antiparasitaires ne devraient décider pour nous quel risque nous sommes prêts à accepter.
Par ailleurs, nous devrions avoir un droit de refus résidentiel semblable au droit de refus en milieu de travail, mais avec un changement, c'est-à-dire que les pesticides ne soient pas exclus. Le règlement du SIMDUT exclut les pesticides. Ce droit de refus résidentiel inclut la protection de la nappe d'eau souterraine et de l'eau potable. Après ce qui s'est passé à Walkerton, nous sommes conscients des lacunes des contrôles, mais à ma connaissance, aucun contrôle ne se fait régulièrement pour les pesticides.
Voici une affiche qui montre comment le 2,4-D se déplace à partir des endroits où il a été appliqué dans les régions urbaines et agricoles. C'est le centre de recherche de Lethbridge qui a préparé cette affiche, et je la laisserai au comité.
Lorsqu'on considère les normes européennes pour l'eau potable, elles sont très différentes des normes canadiennes. Les normes européennes...
La présidente: Madame Jones, pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?
Mme Helen Jones: Je vais conclure.
La présidente: Vous avez eu en fait le double du temps alloué.
Mme Helen Jones: Merci.
La norme européenne est de 0,1 partie par milliard, et la norme canadienne est de 100 parties par milliard. À Lethbridge, les dépôts de 2,4-D dépassent de loin la norme admissible pour l'eau potable.
En conclusion, j'aimerais mettre l'accent sur la divulgation totale des ingrédients qui ne figurent pas sur la liste, et je vous laisserai une liste de ces ingrédients qui sont reconnus comme étant dangereux par les organismes officiels d'Amérique du Nord.
Enfin, je voudrais attirer votre attention plus particulièrement sur les ingrédients qui ne figurent pas sur la liste et qui semblent parfois y figurer. En d'autres termes, il est possible de dissimuler légalement des pesticides dans les ingrédients qui ne figurent pas sur la liste—et les pesticides qui se retrouvent aux deux endroits sont énumérés ici en détail. Cela surprend bien des gens. Ils ne se rendent pas compte que des pesticides peuvent être présents même s'ils ne sont pas étiquetés ni identifiés. C'est donc un point important si on veut protéger la population et donner aux gens le choix lorsqu'ils achètent un produit.
La présidente: Merci, madame Jones.
Mme Helen Jones: Merci? La seule chose c'est...
La présidente: Excusez-moi. Je viens de mettre fin à votre témoignage.
Nous allons maintenant entendre M. Ken Hough, directeur de la recherche et du développement du marché de l'Association des producteurs de maïs en Ontario.
M. Ken Hough (Directeur de la recherche et du développement du marché, Association des producteurs de maïs de l'Ontario): Merci. Je tenterai d'être concis.
L'Association des producteurs de maïs en Ontario représente plus de 20 000 maïsiculteurs en Ontario. On trouve des centaines et sans doute des milliers de nos produits sur les étagères de vos magasins d'alimentation, de sorte que nous sommes des producteurs d'aliments.
L'association a pris part activement au processus de réforme des règlements s'appliquant aux pesticides qui a débuté dans les années 80. Des réformes ont été entreprises et il y a eu des améliorations, même si le processus a été très lent dans bien des cas. En effet, il est proposé que bon nombre des réformes soient intégrées à la nouvelle Loi sur les produits antiparasitaires, et elles ont en fait déjà été intégrées aux opérations quotidiennes de l'ARLA. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire.
Pendant tout ce processus, l'objectif de l'APMO a été d'obtenir l'égalité d'accès aux produits antiparasitaires qui sont offerts aux producteurs d'autres pays—à nos concurrents. Je pense que tout le monde reconnaît qu'il est nécessaire de s'occuper des parasites, et que les produits de lutte antiparasitaires sont un moyen de le faire. Depuis 10 à 15 ans, les producteurs ontariens ont fait des progrès importants pour ce qui est de réduire l'usage des pesticides dans le cadre de la lutte antiparasitaire intégrée. En effet, entre 1983 et 1998, ils ont réussi à réduire de 41 p. 100 l'usage des pesticides.
Dans le cadre de légalité d'accès, nous sommes cependant d'avis que plusieurs aspects du projet de loi comportent des lacunes, même si nous appuyons bon nombre des dispositions qui y sont proposées. Tout d'abord, certaines mesures sans précédent concernant la transparence y sont proposées. On propose entre autres d'établir un registre public afin de permettre l'accès à des rapports d'évaluation détaillés sur les pesticides homologués. L'APMO n'a pas de problème avec cela. Nous sommes d'avis que ce genre de transparence est une bonne chose. Cependant, on propose également que le public soit autorisé à accéder aux données d'essai sur lesquelles sont fondées les évaluations des pesticides. L'ARLA embauche des scientifiques très compétents et très bien formés pour faire ce genre d'analyse. Il y a très peu de gens dans la population en général qui auraient l'expertise et la formation requises pour interpréter adéquatement les données d'essai. Nous sommes donc préoccupés par la possibilité que ces données d'essai puissent être accessibles au public.
Un autre aspect de cette disposition c'est qu'il est possible que des données exclusives d'une entreprise puissent être divulguées dans ce processus, ce qui risque de dissuader les entreprises de proposer des produits nouveaux, plus sûrs et qui posent moins de risques. Cela pourrait priver les consommateurs canadiens de produits alimentaires produits au Canada au moyen de techniques antiparasitaires plus récentes et plus sécuritaires et désavantager encore plus les producteurs agricoles canadiens.
Un autre aspect de la disposition concernant la transparence est que quiconque peut demander au ministre de procéder à un examen spécial d'un produit antiparasitaire. Nous ne sommes pas contre le fait qu'on puisse demander un examen spécial, mais ces mesures ouvrent la porte à un nombre substantiel de demandes injustifiées qui ne sont peut-être pas appuyées par des preuves ou des documents irrécusables sur le plan scientifique. Nous ne demandons pas que cette disposition soit éliminée. Nous voulons tout simplement que les mesures de transparence contenues dans la Loi sur les produits antiparasitaires au Canada soient comparables à celles qui existent dans la réglementation des pesticides américains et des autres pays de l'OCDE car c'est dans ces pays que nos concurrents exploitent leurs fermes. Par ailleurs, les demandes provenant des particuliers devraient être appuyées de la même façon que celles provenant d'autres organismes gouvernementaux au niveau de la documentation.
La deuxième question qui nous préoccupe principalement est celle de l'harmonisation ou du manque d'harmonisation à certains égards. Dans le projet de loi, il est proposé que lorsqu'un pays membre de l'OCDE interdit l'utilisation d'un produit antiparasitaire, le ministre canadien doit procéder à un examen spécial de ce produit antiparasitaire homologué ici au Canada. Souvent, un tel examen est justifié. Je dirais cependant que l'on trouve souvent des raisons fort différentes qui expliquent la nécessité d'un examen dans un pays comme la Suède, la Norvège ou l'Australie. L'environnement est différent, il y a d'autres ensembles de ravageurs; ou une dynamique différente des populations de ravageurs; et les méthodes d'utilisation sont différentes. Je propose donc que cette disposition soit modifiée pour que l'on ne procède à un tel examen que s'il existe clairement un risque dans le contexte canadien.
 (1200)
Si la même logique sur laquelle repose cette disposition s'appliquait à tous les aspects de notre réglementation sur les pesticides, le Canada serait contraint d'envisager l'homologation de tout nouveau principe actif lorsque ce produit est homologué dans l'un des pays de l'OCDE, particulièrement lorsque l'environnement, les méthodes d'utilisation et tout autre aspect important sont semblables. Il est peu probable que cela se produise, mais ce serait certainement une bonne chose.
Ma troisième préoccupation est la suivante: l'écart technologique va-t-il continuer de s'agrandir encore davantage? Le projet de loi renvoie brièvement au besoin de résoudre le dilemme de l'usage mineur, à savoir le problème d'un accès limité à de nouveaux produits plus sûrs pour une utilisation réduite, donnant lieu à un écart technologique toujours croissant pour le secteur utilisant des produits à usage mineur ou le secteur des cultures sur des surfaces réduites. Les horticulteurs canadiens en particulier sont particulièrement touchés par ce problème.
Pourquoi est-ce donc un enjeu pour les maïsiculteurs? Beaucoup d'agriculteurs qui cultivent du mais utilisent également une faible superficie et des cultures horticoles à valeur supérieure pour que leur exploitation soit plus rentable. En outre, même dans le cas du mais, l'utilisation de très faibles quantités de pesticides procure d'énormes avantages sur le plan de la qualité de l'environnement, de la salubrité des aliments et de la santé publique.
Quels sont les usages mineurs du mais? Par exemple, les maïsiculteurs font face à l'élimination graduelle du lindane, un insecticide utilisé pour le traitement de la semence permettant de lutter contre les insectes qui s'attaquent au mais dès qu'il est planté. Étant donné la nature de ce produit, peu d'agriculteurs déploreront la suppression du lindane qui, dans la gamme des pesticides, est relativement toxique. Cependant, il présente d'énormes avantages parce qu'une récolte de mais peut être décimée si ces parasites sont présents et que l'on n'utilise pas ce pesticide. Je le répète, peu d'agriculteurs déploreront la suppression du lindane s'ils avaient des produits pour le remplacer, ce qui n'est pas le cas. En raison de la nature de ce produit en particulier, peu d'agriculteurs déploreront la suppression graduelle du lindane, un pesticide qui est assez toxique. Cependant, ce produit présente des avantages importants, car une récolte de maïs peut pratiquement être décimée si ces insectes en particulier sont présents et que le produit n'est pas utilisé. Comme je l'ai dit, peu d'agriculteurs déploreront la suppression du lindane s'ils ont accès à de nouveaux produits, mais ce n'est pas le cas, alors que plusieurs sont disponibles au sud de la frontière. Cela montre encore une fois la nécessité d'une harmonisation avec d'autres pays qui sont nos concurrents. Comme l'utilisation de ces produits est limitée à de très petites quantités, les entreprises sont peu portées ou incitées à faire face aux coûts et aux tracas associés au processus d'homologation.
Les maïsiculteurs sont d'avis qu'un système efficace d'homologation pour l'usage mineur est essentiel. Il est très important d'avoir toute une gamme de produits de remplacement afin de respecter les principes de lutte antiparasitaire intégrée, dont les pesticides, tout comme une large gamme de pratiques de culture font partie.
Enfin, j'aimerais parler de l'efficacité de la bureaucratie. En dépit de cet apparent oxymoron, un grand nombre de possibilités permettent d'améliorer la rentabilisation des opérations de l'ARLA sans mettre en péril sa capacité à éviter les risques inacceptables pour la population et l'environnement découlant de l'utilisation de produits antiparasitaires. Parmi les principales mesures pouvant contribuer à cette amélioration, précisons d'abord la mise sur pied d'un comité consultatif d'intervenants pour donner des conseils en matière de politique, de protection de la santé et de l'environnement, de l'utilisation efficace et rentable des ressources humaines limitées, etc. L'APMO donne son appui à la mise sur pied d'un tel comité consultatif d'intervenants si toute la gamme des intervenants possibles est représentée et si tous les enjeux sont abordés. Les comités consultatifs que compte l'ARLA à l'heure actuelle sont certainement utiles mais ils sont relativement inefficaces.
Nous encourageons un recours plus fréquent à l'évaluation et aux examens conjoints ou bilatéraux de nouveaux produits et à la réévaluation des anciens. C'est le but visé par l'harmonisation: non pas nous rendre simplement comme tous les autres, mais nous aider à nous retrouver dans la même ligue que les autres tout en protégeant les Canadiens. Jusqu'à présent, les examens effectués conjointement et le partage du travail ont suscité un intérêt restreint pour certaines raisons que je n'ai pas vraiment le temps de vous donner ici en détail.
 (1205)
Troisièmement, nous recommandons une plus grande compréhension des besoins des clients ainsi qu'une meilleure communication des politiques et des procédures de l'ARLA à l'intention des requérants et des demandeurs d'homologation et de la population canadienne. Je pense que cette meilleure compréhension serait extrêmement utile. Les gens comprendraient ce que l'ARLA fait, les raisons pour lesquelles elle prend telle ou telle décision, et les avantages de ces décisions.
Enfin, nous avons besoin d'une plus grande focalisation des ressources permettant un meilleur accès aux nouveaux produits à risque réduit, y compris aux applications à usage mineur.
Je vais donc conclure mes observations ici. Je vous remercie de l'occasion qui m'a été donnée de vous présenter cet exposé et je suis impatient de participer à un dialogue.
 (1210)
La présidente: Merci, monsieur Hough.
Nous allons maintenant entendre M. Andrew Michrowski de la Société planétaire pour l'assainissement de l'énergie, Inc.
M. Andrew Michrowski (président, Planetary Association for Clean Energy Inc.): Nous vous savons gré de nous accorder, aujourd'hui, l'occasion de vous présenter quelques repères se rapportant à une solution de rechange aux pesticides, à savoir la radionique, qui a été utilisée expérimentalement depuis plus de 25 ans dans les forêts et dans l'agriculture canadiennes, sous notre supervision, tout en étant soumise à évaluation par des pairs.
Notre association regroupe un réseau de 2 500 scientifiques provenant d'environ 60 pays dans le monde. Elle a été fondée par un sénateur canadien, Chesley Carter. Nous sommes l'une des sociétés savantes du Canada.
Chesley Carter est un scientifique qui a décidé de son propre chef en 1976 de faire deux expériences notoires faisant appel à la radionique en vue d'endiguer une infestation de tordeuses des bourgeons de l'épinette au Nouveau-Brunswick. La première expérience fut menée dans des forêts commerciales appartenant à la compagnie J.D. Irving Ltd. La tordeuse des bourgeons, Choristoneura fumiferana, était arrivée à maturité et ses ravages progressaient rapidement. Un opérateur à distance eut recours, à partir de Chicago, Illinois, à un appareil radionique dans lequel avait été placé un agent actif, le Juvabione, qui est produit naturellement par l'épinette blanche comme défense contre les insectes.
Afin de démontrer l'efficacité du procédé, l'expérience fut menée sur des photographies de la région sur lesquelles avaient été surimposés des carrés en forme de damier laissant apparaître alternativement des images de carrés d'épinette normalement exposés. La stratégie radionique était à la fois de renforcer la vitalité des arbres et de dévitaliser les insectes visés sans affecter les prédateurs de l'espèce. Les résultats obtenus furent stupéfiants—et il ne faut pas oublier qu'Irving était prêt à perdre 17 millions de dollars avec cette expérience. Il pensait que la forêt était perdue.
Les résultats ont montré que le nombre de tordeuses était identique dans les secteurs traités et non traités radioniquement, sauf que dans les premiers, les tordeuses ne mangeaient plus les aiguilles des épinettes, de telle sorte que seuls de 6 à 16 p. 100 des aiguilles avaient été mangées dans ces secteurs, alors que dans les secteurs non traités, le chiffre étaient de 50 à 80 p. 100 et ce, après trois traitements d'une demi-heure répartis sur une période de 24 heures. La deuxième expérience, menée sous la supervision du Service canadien des forêts—à l'époque c'est ainsi qu'il s'appelait—sur une parcelle boisée de l'Université du Nouveau-Brunswick, avait pour objectif d'empêcher l'éclosion des oeufs d'insectes et, de ce fait, la production d'un nouveau cycle parasitaire. Le décompte des oeufs de tordeuses des bourgeons des épinettes fut, à l'époque, le plus bas de tout le Canada.
En 2001, nous avons suivi l'application de techniques radioniques innovatrices. J'allais vous apporter l'appareil, mais les gardes en bas ne m'ont pas permis de le faire. C'est un tube d'environ un pied de haut et de trois pouces de diamètre sur lequel on retrouve les photographies de plusieurs fermes en Ontario que l'on est en train de traiter. L'application de cette technique a été un succès, a donné des accroissements de productivité et une gestion réussie des parasites dans l'agriculture et l'élevage dans l'est de l'Ontario.
Les résultats obtenus se sont traduits par des douzaines de pages de résultats d'essais en laboratoire, et le Conseil national de recherches a confirmé bon nombre de ces résultats. Les résultats obtenus se sont traduits par de meilleurs rendements, accompagnés d'une réduction des coûts et des exigences d'entretien d'appoint (moins d'engrais et de pesticides), dans la production de tomates hydroponiques, pommes de terre, maïs, arbres fruitiers, herbe et foin—sans doute la plus grande utilisation de techniques radioniques au Canada pour les produits laitiers à cette fin; sans doute qu'une bonne partie du fromage et du lait que vous consommez provient d'exploitations agricoles qui utilisent cette technique—bétail bovin et porcin, volaille et produits horticoles.
La nouvelle technique radionique utilise des dispositifs autonomes qui induisent des interactions permanentes optimales entre les végétaux et leur milieu ambiant (air et sols). Il est de ce fait apparu que lorsqu'une plante se trouve dans un état optimal, du point de vue nutritionnel, elle n'attire pas de parasites. Si j'en avais le temps, je pourrais vous montrer des photos d'une ferme pleine d'insectes, et lorsque nous introduisons cette technique, les insectes partent—et nous parlons ici de pucerons et d'autres insectes.
 (1215)
Nous avons été à même d'observer la dynamique qui entre en jeu lorsque des pratiques agricoles sont fondamentalement en harmonie avec la nature, ce qui permet, par ailleurs, la détoxication des sols chimiquement contaminés. Grâce à la radionique, il devient possible de produire des aliments pour animaux d'élevage libres de tout produit chimique. L'application de ces techniques ouvre la voie à des pratiques commerciales viables dans l'agriculture conventionnelle. En fait, en raison des recherches que nous avons effectuées dans l'est de l'Ontario dans une cinquantaine de fermes ainsi qu'au poste de Kemptville de l'Université de Guelph, un fonds humanitaire a offert d'offrir cette technique gratuitement aux agriculteurs du Brésil, du Mexique et de plusieurs pays d'Afrique qui, de toute façon, n'ont pas les moyens d'acheter des pesticides.
Il nous semble que le projet de loi C-53 n'ait pas prévu l'existence de moyens de lutte antiparasitaire alternatifs et non délétères, dans lesquels des techniques nouvelles, non chimiques, non électromagnétiques et faisant appel à une transmission d'informations pourraient permettre aux végétaux, par l'utilisation des nutriments présents dans l'air.
Vous seriez étonnés du nombre de nutriments qui sont présents dans l'air. Le gaz carbonique est un merveilleux nutriment si vous permettez aux plantes de mieux l'utiliser, ce qui éliminera la nécessité d'appliquer des engrais. Bien entendu, la plante peut aussi puiser des nutriments dans le sol pour se défendre contre les parasites ou simplement éloigner leurs attaques. Pourtant, d'après ce que nous comprenons de ce projet de loi, l'utilisation de cette technologie rendrait les agriculteurs ou les fabricants de ces dispositifs passibles d'une amende de 500 000 $ et même d'une peine de prison, en tant que praticiens ou utilisateurs.
La pratique de la radionique en l'agriculture est autorisée au Royaume-Uni depuis que la Chambre des lourds a légiféré pour autoriser son utilisation. Je n'ai pas été autorisé à en apporter un, mais le Royaume-Uni a commandé 10 000 appareils qui finiront d'être livrés au cours des prochaines semaines. Bien entendu, la radionique est également autorisée aux États-Unis, où elle a été inventée au début des années 30.
Pour vous donner une idée de ce que peut faire la radionique, j'ai la photo d'une exploitation agricole qui a été traitée à moitié avec des pesticides et à moitié avec des engrais. À l'arrière, vous pouvez voir le maïs traité au moyen de la radionique. Ce maïs, qui est normal, a été vérifié la semaine où je suis venu à Ottawa en automobile. Comme la saison a été très sèche l'année dernière, le maïs mesurait entre trois pieds et demi et quatre pieds de hauteur. Celui qui a été traité au moyen de la technologie de la radionique—c'était à Mayfield, en Ontario, qui avait été durement touché par la sécheresse—mesurait sept pieds de haut, avait un meilleur contenu en... [Note de la rédaction: Inaudible] ...était plus savoureux et a rapporté beaucoup plus d'argent à l'agriculteur que le maïs qu'il avait fait pousser à grands frais dans l'autre champ.
Je vous remercie de votre attention.
La présidente: Merci, monsieur Michrowski. C'était très intéressant.
Nous allons maintenant passer à la Dre Margaret Sanborn, professeure de médecine familiale à l'université McMaster.
Dre Margaret Sandborn, MD, CCFP (professeure agrégée de médecine familiale, Faculté des sciences de la santé, Université McMaster): Merci. Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd'hui.
J'exerce la médecine familiale et d'urgence en milieu rural, en Ontario. Je voudrais parler brièvement de deux problèmes de santé qui sont reliés à l'utilisation des pesticides et des changements proposés à cet égard dans le projet de loi.
Les pesticides sont destinés à tuer et ils le font en perturbant certains processus à l'intérieur de la cellule. Cette capacité signifie qu'ils peuvent causer également des perturbations au niveau cellulaire chez l'homme. Je parlerai surtout des effets sur le neurodéveloppement et la reproduction.
En ce qui concerne les effets sur le neurodéveloppement, le cerveau humain compte 100 milliards de neurones et un nombre encore beaucoup plus grand de synapses qui font le lien entre les neurones. De la naissance jusqu'à l'âge de deux ans, le cerveau de l'enfant traverse une période de croissance et de changement exceptionnelle. Cette croissance comprend la synaptogénèse, soit la formation des liens entre les cellules nerveuses ainsi que la maturation et la différenciation des cellules nerveuses spécialisées. Ce processus est presque terminé à l'âge de deux ans et c'est ce qui forme les circuits du cerveau que l'on conservera toute sa vie durant. Parmi les fonctions cérébrales qui dépendent de la qualité du développement du cerveau pendant cette période, il y a notamment des habiletés motrices, la coordination des mouvements, la capacité à traiter des informations multiples simultanées et à s'adapter à un nouvel environnement.
On s'inquiète beaucoup des effets des pesticides ou le neurodéveloppement. Les études sur l'animal de laboratoire ont montré que les rats et les souris exposés aux pesticides avaient moins de cellules cérébrales et présentaient des changements permanents dans le niveau de neurotransmetteurs présents dans le cerveau, une transmission intercellulaire déficiente et un comportement hyperactif qui persistait à l'âge adulte. Ces changements surviennent à des niveaux d'exposition qui ne correspondent pas à une toxicité évidente ainsi qu'avec des pesticides d'usage courant comme le chlorpyrifos et les pyréthroïdes, des substances que l'on croyait beaucoup plus sûres que les anciens insecticides organochlorés.
Il est évident que le cerveau des enfants est plus vulnérable aux effets des pesticides. Par exemple, dans les cas d'empoisonnement par les pesticides, les convulsions sont présentes chez 25 p. 100 des enfants contre 2 à 3 p. 100 seulement chez les adultes. Nous nous inquiétons également de l'incidence nettement accrue du taux d'autisme et de troubles déficitaires de l'attention chez l'enfant. Santé Canada nous a dit récemment que 28 p. 100 des enfants canadiens âgés de moins de 12 ans présentaient des troubles d'apprentissage ou du comportement et que l'on constatait également tout un éventail de problèmes moins graves touchant la mémoire et l'attention, ce qui se répercute sur la capacité d'apprentissage ainsi que la capacité à socialiser et à former des relations. Les études sur les animaux de laboratoire portent à croire que ces problèmes sont peut-être en partie attribuables aux pesticides. On remarquera que, récemment, on a retiré discrètement du marché les insectifuges dont la teneur en DEET dépassait 30 p. 100 en raison de leur toxicité neuro-développementale.
Je voudrais attirer votre attention sur les effets dramatiques qu'entraîne une faible réduction des fonctions neurologiques sur la population. Une réduction de seulement cinq points de QI dans l'ensemble de la population entraîne une augmentation de 57 p. 100 du nombre de personnes ayant une déficience intellectuelle et une diminution correspondant de 57 p. 100 du nombre de surdoués. Le coût économique et social de ces changements, si l'on tient compte à la fois de l'augmentation des coûts sanitaires et sociaux et de la réduction de la capacité d'innovation et de production économique basée sur le savoir sont énormes. Ce sont des concepts qui méritent d'être étudiés sérieusement lorsqu'on analyse les coûts-avantages ou les risques sanitaires des pesticides.
Pour en venir aux effets des pesticides sur la reproduction, la période critique du développement du foetus se situe au moment où les principaux organes sont formés, entre la troisième et la huitième semaine de gestation. C'est à ce moment-là que les pesticides semblent avoir le plus d'effet. C'est ausi la période où les femmes ne savent pas toujours qu'elles sont enceintes. Une étude réalisée en Californie a démontré que l'exposition de la mère aux pesticides entre la troisième et la huitième semaines était associée à une augmentation du nombre de fausses-couches attribuables à d'importantes malformations congénitales. L'étude sur la santé des familles agricoles en Ontario a mis en lumière une augmentation de 40 à 50 p. 100 des avortements spontanés chez les fermières exposées à des herbicides de types 2,4-D ou atrazine avant la conception.
 (1220)
Les recherches réalisées à Montréal ont montré que des foetus exposés aux pesticides lorsque leur mère les avait utilisés dans la maison et le jardin au cours de sa grossesse risquait deux à cinq fois plus d'être atteints d'une leucémie lymphoïde aiguë d'ici l'âge de neuf ans. Ce risque de leucémie est particulièrement élevé pour les enfants qui appartiennent à l'un des sous-types génétiques qui empêchent la detoxication des pesticides. Ce sous-type génétique n'est pas rare. L'étude montréalaise a permis de constater qu'il était présent chez 35,5 p. 100 de tous les enfants. Autrement dit, environ le tiers des enfants canadiens sont nés avec l'incapacité de détoxifier les pesticides utilisés couramment ce qui augmente leur vulnérabilité à leurs effets délétères, y compris le cancer. L'incidence du cancer chez les enfants de moins de 15 ans s'est accrue de 25 p. 100 au cours des 25 dernières années.
Je voudrais maintenant formuler certaines recommandations à l'égard du projet de loi dans le contexte des préoccupations sanitaires dont je viens de parler. Il y a d'abord les définitions données de l'exposition «totale» et des effets «cumulatifs». À la page 14, lignes 16 à 26 du projet de loi, les explications de ces deux expressions ne correspondent pas à l'usage qui en est fait couramment dans la littérature scientifique. «L'exposition totale»devrait se rapporter à l'exposition ou à différents pesticides tandis que «les effets cumulatifs» devraient désigner l'exposition à un même pesticide provenant de sources différentes. Cette définition devrait être corrigée.
Deuxièmement, compte tenu de la valeur probante de la preuve, de nombreux témoins ont demandé que le principe de prudence soit mieux intégré dans ce projet de loi et je suis d'accord avec eux. L'intégration du principe de prudence dans le cadre législatif de cette mesure renforcerait le loi sans en changer fondamentalement la teneur. Le principe de prudence devrait s'accompagner du recours au poids de la preuve comme l'ont préconisé la Commission mixte internationale et les rapports de Santé Canada tels que State of Knowledge Report on Environmental Contaminants and Human Health in the Great Lakes Basin, publié par Santé Canada en 1997.
Le Manuel sur la santé et l'environnement à l'intention des professionnels de la santé que Santé Canada a publié en 1998 définit le recours au poids de la preuve en disant qu'il:
reconnaît les limites de la science et tient compte des résultats combinés de nombreux genres de recherches... Les conclusions concernant les risques posés par un contaminant sont basées sur des données recueillies au cours d'études menées sur des animaux en laboratoire, d'études menées sur la faune, d'études épidémiologiques de l'exposition aiguë chez les humains, d'études sur les effets légèrement perceptibles chez les humains de l'exposition chronique à de faibles concentrations, ainsi que sur des données et des recherches socioéconomiques. |
Il serait souhaitable que cette définition soit ajoutée au préambule et ce devrait être le principe directeur de toutes les dispositions concernant l'évaluation des risques sanitaires par rapport à la valeur du produit lors de l'homologation, de la réévaluation et des examens spéciaux.
Comme exemple du principe de prudence...
 (1225)
Le vice-président (M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.)): Docteur Sanborn, je vais vous accorder une minute de plus.
Dre Margaret Sandborn: Oh, on m'avait dit que j'avais dix minutes.
Le vice-président (Mr. Reg Alcock): Que vous disposiez de cinq minutes, mais vous en avez utilisées huit.
Dre Margaret Sandborn: J'aimerais que le projet de loi contienne un article rendant obligatoire la déclaration des maladies reliées aux pesticides. Il faut que les professionnels de la santé aient l'obligation de faire rapport des effets nocifs de ces produits et cette obligation devrait être incluse dans le projet de loi. Sans ces renseignements, on ne disposera pas de données importantes sur la toxicité des produits pour procéder aux analyses risque sanitaire-valeur lors de la réévaluation.
Par ailleurs, le projet de loi ne définit pas le concept de risque acceptable. Par exemple, pour ce qui est du risque acceptable de cancer, selon la définition qui en est donnée dans la littérature scientifique, cela va d'un décès par 10 000 à un décès par 1 million de personnes exposées. Selon cette dernière définition, cela donne 99 cancers de plus par an.
En résumé, il est trop long d'attendre 15 ans pour réévaluer les pesticides. Toutes les études sur la santé humaine que j'ai citées aujourd'hui ont été publiées au cours des trois dernières années, mais surtout au cours des neuf derniers mois.
Il est tout à fait louable d'affirmer dans le projet de loi C-53 que la santé publique doit l'emporter sur le reste, mais il faut renforcer les dispositions en ce sens pour pouvoir appliquer ce principe.
Je vous remercie et je suis prête à répondre à vos questions.
Le vice-président (M. Reg Alcock): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant donner la parole à Mme Ring.
Mme Dawna J. Ring (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous. Je tiens à remercier les députés d'occuper ces fonctions. Vous jouez un rôle important au Canada et je sais que les Canadiens comptent sur chacun d'entre vous pour guider le gouvernement au sujet de cette mesure comme vous le faites pour chaque projet de loi. Vous avez une mission importante et tous les Canadiens, surtout nos enfants, comptent sur vous pour les protéger.
Je suis avocate et je travaille depuis vingt ans dans le domaine de la santé. Au cours de l'enquête sur le sang, j'ai défendu les intérêts des victimes infectées par le VIH et je voudrais partager avec vous les recommandations et les préoccupations découlant d'une étude approfondie du rôle et des responsabilités du gouvernement fédéral en ce qui concerne la réglementation de l'approvisionnement en sang. Je crois qu'elles peuvent parfaitement s'appliquer à la réglementation des produits chimiques qui peuvent causer beaucoup plus de torts que ceux que nous avons constatés lors de l'enquête sur le sang contaminé. Ces chiffres peuvent être multipliés bien des fois du fait que le nombre de Canadiens exposés aux produits chimiques est beaucoup plus important que celui des gens qui ont été infectés par du sang contaminé ou qui reçoivent du sang.
J'ai également fait partie de l'équipe qui a intenté un recours collectif pour l'hépatite C et je fais partie du comité de réglementation des pesticides de la municipalité régionale de Halifax qui a interdit les pesticides, comme vous le savez.
Il y a deux grandes questions dont je voudrais parler au comité. Je voudrais d'abord attirer votre attention sur la compétence et les responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard de la réglementation de l'usage des pesticides, contrairement à ce que la ministre et le ministère vous ont dit. Je voudrais ensuite revenir sur ce que le gouvernement fédéral aurait dû faire, selon la Commission Krever, pour la réglementation du sang. Je crains fort que cette loi ne permette pas suffisamment au ministre de protéger les Canadiens lorsqu'ils constatent que l'utilisation de produits chimiques commence à poser un problème. Cette mesure est beaucoup trop limitative. Je suis au regret de dire que le public doute que la bureaucratie fasse preuve de bonne foi à l'égard des pesticides, en fonction de considérations sanitaires. Les gens se demandent si le ministre est suffisamment en mesure de protéger les Canadiens lorsque des mesures s'imposent.
Tout d'abord, en ce qui concerne la question des compétences, notre Constitution partage les compétences en matière de santé. Il y a chevauchement entre le champ de compétence des provinces et celui du gouvernement fédéral. Ces champs de compétence forment deux cercles concentriques au lieu d'être clairement délimités.
À cet égard, je vous demanderais de vous reporter à la page 164 du rapport Krever où il est question de ces responsabilités conjointes en matière de santé et où il est dit plus précisément:
La loi confère également au Parlement fédéral des pouvoirs en matière de santé publique, par le biais de ses pouvoirs en ce qui concerne le commerce international et interprovincial, le droit criminel, la mise en quarantaine et l'établissement et l'entretien des hôpitaux de la marine, les Autochtones, le recensement et les statistiques, et les pouvoirs résiduels visant à assurer la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Les pouvoirs du Parlement fédéral en matière de droit criminel sont suffisamment étendus pour lui permettre de faire adopter des lois visant à empêcher que la santé des Canadiens soit compromise et lui donne un rôle à jouer dans l'éducation sanitaire et la prévention des maladies, entre autres en ce qui a trait au risque que peuvent présenter les constituants sanguins et les produits sanguins. |
Et j'ajouterai à cette dernière phrase que le même principe devrait s'appliquer au risque que présentent les produits chimiques.
 (1230)
La Loi sur les produits antiparasitaires relève de la division des pouvoirs en matière de droit pénal. Vous avez également des pouvoirs résiduels visant à assurer la paix et l'ordre public. Vous avez la responsabilité de légiférer l'utilisation de ces produits chimiques, tout comme vous avez des responsabilités à l'égard d'autres aspects de la réglementation fédérale.
La loi traite déjà de l'utilisation de ces produits. Si vous examinez le critère que prévoit la loi, l'ancienne comme la nouvelle, le paragraphe 6(8) interdit de vendre ou de fabriquer un produit contrairement à l'usage établi. Par conséquent, il légifère les responsabilités à l'égard de l'utilisation. Vous le faites déjà quand vous dites qu'une pulvérisation doit se faire selon une certaine dilution, à 12 pieds de l'herbe, quand le vent souffle à moins de x kilomètres à l'heure et que le produit doit être entreposé hors de la portée des enfants. Tous ces éléments se rapportent à l'utilisation. Vous ne pouvez donc pas dire que vous n'avez pas la responsabilité de réglementer l'utilisation en interdisant de pulvériser un pesticide autour d'une maternité ou d'un hôpital pour enfants. C'est faux tant du point de vue juridique que constitutionnel.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral détient également les pouvoirs qui découlent nécessairement des pouvoirs qu'il possède. Il est impossible de décider qu'un pesticide présente des risques pour la santé ou l'environnement ou a une valeur, comme vous l'avez défini dans la loi, si vous ne pouvez pas décider de son utilisation. Lorsque vous pulvérisez des insecticides dans une zone agricole, la valeur ou les risques sanitaires ou environnementaux des produits antiparasitaires nécessaires pour produire des aliments, ne sont pas du tout les mêmes que ceux qui se présentent sur la pelouse située à l'extérieur d'une maternité ou d'un hôpital pour enfants. Vous ne pouvez réglementer aucun aspect de cette utilisation conformément à la loi, que ce soit du point de vue de la valeur, des risques sanitaires ou des risques environnementaux, sans savoir où le produit est utilisé et qui va se trouver à proximité. Mais j'ai d'autres questions à aborder.
Je crains que les conditions d'intervention du ministre soient si restrictives qu'il ne soit pas possible de protéger les Canadiens.
J'ai autre chose à ajouter au sujet de la compétence. La Loi sur le ministère de la santé prévoit que le ministre sera chargé de protéger la santé et la sécurité des Canadiens. Néanmoins, la loi ne lui permet pas de réagir immédiatement. Il faut tenir compte de l'évolution de la science et je me reporterai encore une fois au rapport Krever. Ce rapport fait état de ces problèmes et de leur importance pour la santé publique à la page1192. Voici ce que dit Krever:
Il faut prendre des mesures préventives lorsque des données montrent qu'un agent potentiellement pathogène |
—et vous pouvez remplacer cela par «substance chimique»—
est transporté par le sang ou peut l'être |
—ou dans ce cas-ci «existe»—
même si l'on ne dispose d'aucune preuve que des receveurs ont été infectés. Si un incident néfaste peut se produire, il faut présumer qu'il se produira. S'il n'existe aucune mesure qui puisse empêcher complètement la transmission du pathogène en cause, des mesures qui ne préviendront peut-être que partiellement la transmission de cet agent. |
—ou «un incident néfaste».
doivent être prises. |
Ce sont des leçons qu'il ne faut pas oublier et dont il faut se servir.
Les initiatives dans le domaine de la santé publique se basent sur de nouvelles connaissances scientifiques. Il faut réagir rapidement. Le meilleur exemple en est le tabac. Il a fallu 50 ans à la science pour dire que le tabac était relié au cancer du poumon étant donné que la science exige 97 p. 100 de certitude pour pouvoir dire que A est relié à B. Certains prétendent encore qu'il n'y a pas suffisamment de preuves scientifiques démontrant que le tabagisme cause le cancer du poumon, mais 45 000 Canadiens meurent chaque année du cancer du poumon. Par conséquent, compte tenu des expériences du passé, nous devons pouvoir réagir rapidement.
Je crains que vous ne permettiez pas au ministre de suspendre un permis lorsqu'une menace immédiate se présente. Ce pouvoir est seulement prévu à l'article 34 pour les exportations. Il n'est pas prévu dans le contexte canadien et il faudrait y remédier. La loi prévoit, au paragraphe 17(2), un examen spécial lorsque l'utilisation d'un principe actif est interdite et il faudrait que ce pouvoir s'applique dans tous les cas.
 (1235)
L'enquête sur le sang contaminé a également permis de découvrir qu'un produit n'était plus autorisé. Un fabricant des États-Unis savait que le VIH n'était pas éliminé dans son produit traité à la chaleur. Il n'a pas demandé à renouveler son permis aux États-Unis, mais il a continué à vendre son produit au Canada. Cinq enfants hémophiles de Colombie-Britannique ont été inutilement contaminés par le VIH.
Il faut pouvoir également procéder à un examen spécial si un pays ne renouvelle pas l'homologation d'un produit. Le ministère de la Santé doit en être informé et il faudrait effectuer alors un examen spécial.
En ce qui concerne le principe de prudence, la barre est beaucoup trop haute. Il est seulement question des méfaits graves et irréversibles. C'est beaucoup trop restrictif. Cela veut-il dire que si la santé de l'enfant n'est plus compromise au bout de deux ans, on pourra continuer à utiliser ce produit? Ce n'est pas acceptable.
La présidente: Madame Ring, je vais vous demander de conclure.
Mme Dawna J. Ring: Je voudrais pouvoir formuler ces recommandations par écrit, et je m'excuse de ne pas l'avoir fait. Néanmoins, le libellé de cette loi requiert d'importants changements pour que le ministère puisse réglementer ces produits, comme il en a le pouvoir et la responsabilité.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci, madame Ring. Nous espérons recevoir votre mémoire.
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Peut-elle nous le faire parvenir assez rapidement?
La présidente: Oui, il faut qu'il nous arrive assez rapidement, car dans huit jours...
Mme Dawna J. Ring: Si vous me posez une question, je pourrais utiliser les cinq minutes.
La présidente: Nous passons maintenant à la deuxième partie de notre réunion. Comme il nous reste très peu de temps, je demanderais à tous les membres du comité d'être très brefs. Et je demanderai aux témoins de répondre très très brièvement.
Nous allons commencer par Mme Skelton.
Mme Carol Skelton: J'ai toute une liste de questions qui s'adresse à tous, mais d'abord à M. Michrowski.
Avez-vous comparu devant le Comité de l'agriculture?
M. Andrew Michrowski: Non.
Mme Carol Skelton: Et devant le groupe de travail de la ministre?
M. Andrew Michrowski: Non. J'en ai seulement entendu parler par un de nos membres, le Dr Libuse Gilka, un médecin local qui connaissait cette technique, il y quelques jours à peine.
 (1240)
Mme Carol Skelton: Quelle est la grandeur des zones agricoles que vous pouvez couvrir?
M. Andrew Michrowski: Pour être sûr que toutes les plantes sont protégées, on peut couvrir une centaine d'acres à la fois avec un appareil.
Mme Carol Skelton: Environ une centaine d'acres à la fois.
Pendant quelle période?
M. Andrew Michrowski: Vous surveillez les choses au fur et à mesure. Si un nouveau ravageur fait son apparition ou si vous avez un nouveau problème, par exemple, une sécheresse plus importante que prévu, vous pouvez régler l'appareil en conséquence. Vous pouvez tenir compte du fait qu'il y a moins d'humidité ou qu'un nouveau ravageur a fait son apparition. Ce pourrait être comme dans le cas des forêts où il y avait un réactif qui réagissait à une chose particulière. Vous pouvez exercer un contrôle à des centaines de milles de distance.
Mme Carol Skelton: Pourriez-vous nous fournir des renseignements sur votre...
M. Andrew Michrowski: Très volontiers. C'est très intéressant. C'est devenu un peu une sous-culture, mais cette méthode est très bien documentée depuis les années 30, entre autres parce qu'elle a eu beaucoup de succès en Angleterre à cette époque-là. Naturellement, la Chambre des lords combattait déjà à ce moment-là l'industrie des produits chimiques, estimant que c'était nécessaire. Beaucoup de lords étaient propriétaires de fermes productives—même le prince Charles a sa propre ferme—si bien qu'ils tenaient à protéger leurs intérêts s'assurant que cette méthode ne deviendrait jamais illégale.
C'est ce qui explique que cette méthode a fait l'objet de beaucoup de publications ici et là, mais elle n'a jamais été acceptée par les milieux universitaires parce qu'elle semblait si impossible jusqu'au une dizaine d'années. L'avancement des connaissances dans le domaine de la physique permet de comprendre cette méthode.
Il s'agit vraiment d'un nouveau domaine de connaissances. Aucun phénomène de mécanique physique, de nature électromagnétique ou chimique, ne se produit.
Mme Carol Skelton: Je vous invite à venir à ma ferme en Saskatchewan pour me montrer votre méthode.
M. Andrew Michrowski: Qui plus est, vous obtiendriez probablement des rendements grandement accrus, à un coût beaucoup moindre. Il semble qu'un fermier dépense, en moyenne, environ 1 000 $ en pesticides et en engrais.
La présidente: Merci, madame Skelton.
Monsieur Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ): Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, je tiens à indiquer aux témoins à titre personnel et aux citoyens que je suis pleinement en faveur d'une interdiction et d'un bannissement des pesticides sur une période de trois ans, particulièrement dans les lieux publics. Le problème est toujours la façon de le faire et l'approche à prendre.
Ma question pourrait s'adresser à Mme Ring, mais aussi à tout le monde. Ce que j'avais compris, c'est que les responsabilités fédérales en la matière touchaient la mise en marché des produits et l'homologation, et que les provinces avaient la responsabilité de la vente, de l'usage et de la distribution.
Pour ce qui est des municipalités, disons qu'il y avait un flou total mais que la situation s'est précisée à la suite de plusieurs jugements de cour, dont le jugement final, soit celui de la Ville d'Hudson survenu en juin 2001, qui est venu confirmer que les municipalités avaient le droit d'adopter des réglementations, mais en vertu de la Loi sur les cités et villes du Québec et en vertu du Code municipal, parce qu'on sait que les municipalités, en principe, sont des créatures provinciales.
Ma question est la suivante. Je suis d'accord pour qu'il y ait un bannissement, mais quel modèle faut-il privilégier? Lorsqu'on regarde le cas de la Ville d'Hudson, on voit qu'entre 1991, date à laquelle le jugement a passé, et le dernier jugement rendu par la Cour suprême en juin 2001, il y a eu un flou, une bataille juridique qui a fait en sorte qu'il n'y a pas eu d'actions de posées. Or, si on prévoit cette interdiction dans la loi fédérale, on ne connaît pas les résultats prévus. Donc, au fond, le meilleur modèle que nous devons privilégier au niveau fédéral n'est-il pas, dans un premier temps, une accélération du processus de réévaluation des pesticides existants et une accélération du processus d'homologation des biopesticides?
Quant aux provinces, qu'elles se dotent de codes de gestion des pesticides avec des normes et une uniformisation prévue, et qu'elles soient responsables, non pas de mettre en place une réglementation, mais de l'application des codes de gestion des pesticides qui sont adoptés par les provinces. Ainsi, on respectera les champs de compétence et on aura plus rapidement une couverture complète et une protection de la santé publique, ce qui sera conforme, entre autres, au jugement de la Cour suprême qui, en principe, est pour moi une référence.
 (1245)
[Traduction]
La présidente: Pourriez-vous adresser votre question à un témoin, s'il vous plaît, monsieur Bigras.
[Français]
M. Bernard Bigras: J'ai posé ma question à Mme Ring, mais elle peut s'adresser à tout le monde.
La présidente: À tout le monde?
M. Bernard Bigras: J'ai adressé ma question à Mme Ring.
[Traduction]
La présidente: Madame Ring? Merci.
Mme Dawna J. Ring: Merci.
Les provinces ont la capacité et elles délèguent aux municipalités les pouvoirs d'adopter des règlements municipaux, mais cela n'enlève pas au gouvernement fédéral sa compétence et sa responsabilité relativement à la réglementation des pesticides. Les deux doivent se produire en même temps. L'homologation est la principale façon d'assurer la protection et la sécurité de la population. Le gouvernement fédéral ne peut pas se soustraire à sa responsabilité de réglementer l'utilisation des produits antiparasitaires. Cette responsabilité lui incombe et la réglementation de l'utilisation de pesticides en fait partie intégrante.
[Français]
M. Bernard Bigras: Oui, mais ne risque-t-on pas de se retrouver avec une bataille juridique où on va venir dire que la question de l'usage, de la vente, de la distribution n'est pas de compétence fédérale, mais plutôt de compétence provinciale, puisque le jugement de la Cour suprême est venu dire que les municipalités, qui sont des créatures du gouvernement provincial, avaient pleinement la responsabilité dans ce domaine-là?
[Traduction]
Mme Dawna J. Ring: Je ne pense pas qu'on ait dit qu'elles avaient la responsabilité entière. Elles ont des responsabilités en vertu de la législation provinciale relative à la sécurité et à la propriété.
C'est très semblable à ce qui s'est passé dans le cas du sang contaminé. La responsabilité des provinces et du gouvernement fédéral se chevauchent. Le gouvernement fédéral ne peut homologuer un pesticide sans comprendre l'utilisation à laquelle il est destiné ou s'il sera répandu à proximité d'enfants, de femmes enceintes, etc. C'est impossible.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le paragraphe 6(8) dit très clairement:
Il est interdit de fabriquer, de posséder, de manipuler, le stocker, de transporter, de distribuer ou d'utiliser un produit antiparasitaire, ou d'en disposer, d'une manière qui présente un danger pour la santé ou la sécurité humaines ou pour l'environnement. |
Donc, la seule façon dont le gouvernement fédéral peut remplir cet engagement, c'est en réglementant explicitement l'utilisation des pesticides. Je préfère qu'on engage ce débat juridique que de voir des avocats comme moi devoir intenter après coup des poursuites au nom de personnes qui souffriront de problèmes de santé parce que le gouvernement a omis de réglementer correctement l'utilisation des pesticides.
La présidente: Madame Lockwood.
Mme Andrea Lockwood: On pourrait aussi aborder la question sous un angle différent, par le biais de l'homologation. Les produits chimiques conçus uniquement à des fins d'embellissement des pelouses ou à d'autres fins esthétiques ne pourraient pas être homologués. Cela faciliterait certainement la tâche aux municipalités, parce que les produits ne seraient tout simplement pas sur le marché. Autrement dit, au lieu de réglementer l'utilisation d'un produit, on pourrait simplement s'abstenir d'homologuer certains produits. Ce qui relève clairement de la compétence fédérale.
La présidente: Monsieur Duhaime, très rapidement je vous prie.
[Français]
M. André Duhaime: C'est le fédéral qui a pleine juridiction sur le contrôle des produits; c'est clair. Il remet cette responsabilité aux provinces. Les provinces ont le droit, mais ne peuvent pas excéder les produits qui ont été homologués et enregistrés par le gouvernement fédéral. Elles peuvent cependant, comme on l'a fait au Québec... C'est pour cette raison que le Québec est unique, en ce sens qu'aucune municipalité n'a banni. C'est une des rares provinces qui a délégué cette fonction aux municipalité. Les municipalités sont prises, finalement, avec un genre de problématique, car plusieurs municipalités ont hésité à bannir ces produits. Soit dit en passant, il y en a qui les ont bannis avant le jugement de la Ville d'Hudson: …[Note de la rédaction: Inaudible] …Vaudreuil et d'autres les ont bannis.
Mais il y a un problème de structure qui relève du fait que, tant et aussi longtemps que les produits sont en vente libre, cela crée un créneau, un genre de marché noir. Le provincial peut bannir ces produits-là, mais il y a un genre dissension entre le fédéral et le provincial. Donc, si le problème du bannissement des produits à des fins cosmétiques était survenu au niveau du fédéral, la province ne serait pas aux prises avec le problème de devoir prendre une décision qui aurait dû être prise au préalable par l'instance suprême qui vient du fédéral. Donc, cette problématique-là ne se réglera pas en disant qu'on va laisser cela aux provinces, parce que les provinces vont toujours reléguer cela aux municipalités. On se retrouve maintenant avec des municipalités qui ont un règlement et d'autres qui n'en ont pas, et on va pouvoir s'approvisionner ailleurs. Donc, cela crée un genre de marché noir qui va toujours laisser cette possibilité d'avoir des produits.
C'est pour cette raison qu'il est important, comme je l'ai dit, de bannir les produits, non pas en vertu de la problématique, mais en vertu du fait qu'aucune étude ne démontre que l'on peut se servir de ces produits en toute sécurité. Il faudrait avoir des études à l'appui d'abord et décider ensuite ce que l'on peut faire, parce qu'il existe des produits à faible impact.
C'est ce que je ne comprends pas: on a des produits qui fonctionnement depuis quelques années, mais on les met de côté en disant que ce n'est pas important, que le gazon et la pelouse sont plus importants.
 (1250)
M. Bernard Bigras: Ils ne sont pas homologués.
M. André Duhaime: Ils sont homologués. Il y a des biopesticides. Alors, il y aurait beaucoup moins de… [Note de la rédaction: Inaudible] Il y a des produits de remplacement sur le marché qu'on appelle des biopesticides à faible impact. Il y a des compagnies qui en font depuis 20 ans; je peux vous en nommer plusieurs. C'est pour cette raison que le Québec va de l'avant et propose de bannir les pesticides: il existe des compagnies, et pas seulement au Québec. Le Québec n'est pas unique; il y a d'autres provinces qui ont justement cette possibilité, mais on met ces produits de côté en disant que les pesticides constituent la seule façon de faire, alors que les pesticides sont censés être utilisés en dernier recours. Qu'est-ce que le dernier recours? Est-ce de se débarrasser des pissenlits? C'est ce que je ne comprends dans notre société.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Bigras.
Y a-t-il d'autres questions?
Mme Judy Sgro: Madame la présidente, est-ce que je pourrais dire quelque chose?
Nous aimerions discuter avec vous pendant des heures, mais c'est impossible faute de temps. Étant donné le peu de temps qu'il nous reste, j'aimerais demander à Mme Ring de nous faire parvenir ses commentaires d'ici lundi, si possible.
Mme Dawna J. Ring: J'essaierai de vous les faire parvenir d'ici demain.
La présidente: Merci beaucoup.
Mesdames et messieurs les témoins, au nom du comité je vous remercie de vos exposés, de tout le travail que vous avez fait jusqu'à maintenant dans ce domaine et d'avoir si bien décrit vos positions au comité.
Je demanderais aux témoins et à leurs invités de quitter la salle discrètement. Nous devons discuter d'une autre question avant de clore la réunion.
Mme Judy Sgro: Madame la présidente, je propose que nous siégions à huis clos.
La présidente: Une députée a demandé que la séance se tienne à huis clos. Est-ce que quelqu'un veut intervenir?
Comme personne ne demande la parole, je mets la motion aux voix: ceux qui sont pour que la séance se poursuive à huis clos, veuillez lever la main.
Le greffier du comité: Madame la présidente, on ne peut pas présenter de motions car il n'y a pas quorum. Vous pouvez cependant décider de tenir la réunion à huis clos. Il n'est pas nécessaire de procéder par motion.
La présidente: Très bien. Nous commençons à siéger à huis clos.
[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]