HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 12 juin 2002
¹ | 1535 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
M. Rob Merrifield |
M. Rob Merrifield |
M. Rob Merrifield |
M. Rob Merrifield |
M. Rob Merrifield |
M. Rob Merrifield |
M. Rob Merrifield |
M. Rob Merrifield |
M. Rob Merrifield |
¹ | 1555 |
M. Rob Merrifield |
M. Rob Merrifield |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve) |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
Mme Hedy Fry |
º | 1600 |
Mme Hedy Fry |
La présidente |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne) |
M. James Lunney |
M. James Lunney |
M. James Lunney |
M. James Lunney |
M. James Lunney |
M. James Lunney |
M. James Lunney |
º | 1605 |
La présidente |
Mme Phyllis Creighton (membre, Comité consultatif de Santé Canada sur les techniques de reproduction et de génétique) |
º | 1610 |
º | 1615 |
La présidente |
º | 1620 |
º | 1625 |
La présidente |
º | 1630 |
º | 1635 |
La présidente |
Mme Kathleen Priestman (analyste de recherche, Centre pour la défense de l'intérêt public) |
º | 1640 |
º | 1645 |
La présidente |
Mme Juliet Guichon (recherchiste principale, Bureau de bioéthique médicale, Faculté de médecine, Université de Calgary) |
º | 1650 |
º | 1655 |
La présidente |
Mme Heather Brooks (coordonnatrice des services, Xytex Canada Inc.) |
» | 1700 |
» | 1705 |
La présidente |
M. Réal Ménard |
» | 1710 |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Mme Juliet Guichon |
M. Réal Ménard |
Mme Juliet Guichon |
La présidente |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
» | 1715 |
M. Paul Szabo |
M. Paul Szabo |
M. Paul Szabo |
M. Paul Szabo |
M. Paul Szabo |
M. Paul Szabo |
M. Paul Szabo |
M. Paul Szabo |
M. Paul Szabo |
M. Paul Szabo |
Mme Heather Brooks |
M. Paul Szabo |
» | 1720 |
M. Paul Szabo |
M. Paul Szabo |
La présidente |
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.) |
Mme Phyllis Creighton |
Mme Yolande Thibeault |
Mme Phyllis Creighton |
Mme Yolande Thibeault |
Mme Phyllis Creighton |
La présidente |
M. James Lunney |
» | 1725 |
M. James Lunney |
M. James Lunney |
M. James Lunney |
M. James Lunney |
La présidente |
La présidente |
M. James Lunney |
M. James Lunney |
La présidente |
M. James Lunney |
La présidente |
M. James Lunney |
Mme Phyllis Creighton |
» | 1730 |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
» | 1735 |
Mme Phyllis Creighton |
Mme Hedy Fry |
Mme Phyllis Creighton |
Mme Hedy Fry |
Mme Phyllis Creighton |
Mme Hedy Fry |
Mme Phyllis Creighton |
La présidente |
Mme Phyllis Creighton |
Mme Hedy Fry |
Mme Phyllis Creighton |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
Shirley Pratten |
» | 1740 |
Mme Hedy Fry |
Shirley Pratten |
Mme Hedy Fry |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
M. James Lunney |
La présidente |
Mme Hedy Fry |
Shirley Pratten |
Mme Hedy Fry |
Shirley Pratten |
Mme Hedy Fry |
Shirley Pratten |
Mme Hedy Fry |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 12 juin 2002
[Enregistrement électronique]
[Énregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je suis heureuse de vous souhaiter la bienvenue à cette séance du Comité permanent de la santé.
Nous accueillons aujourd'hui un groupe de témoins très intéressant. Cependant, l'un d'entre eux, le Dr Librach, a un léger problème en ce sens qu'il doit partir. Habituellement, nous entendons tous les témoins et ensuite, les députés posent des questions à qui ils veulent. Cette fois-ci nous allons donner la parole au Dr Librach; ensuite, j'autoriserai les députés à l'interroger brièvement.
Docteur Librach, veuillez commencer.
Dr Clifford Librach (spécialiste en fertilité, Département d'obstétrique et de gynécologie, Sunnybrook and Women's College Hospital Health Sciences Centre): Bon après-midi, mesdames et messieurs du comité et membres de l'auditoire. Je m'appelle Clifford Librach et je suis un médecin spécialiste de la fertilité qui pratique dans ce domaine depuis près de 15 ans. Je suis directeur du centre de fertilité du Sunnybrook and Women's College Hospital ainsi que professeur adjoint au département d'obstétrique et de gynécologie à l'Université de Toronto.
Je vais exprimer mon opinion personnelle au sujet du projet de loi C-56 et de vos recommandations en tant que comité. Mais chose plus importante, je vais vous transmettre l'opinion de pratiquement tous les patients qui m'ont consulté en matière de dons d'ovules ou de maternité de substitution non génétique en ce qui a trait aux conséquences qui suivront si le projet de loi C-56 et vos recommandations deviennent loi.
Je dirige un programme de dons d'ovules et de maternité de substitution non génétique depuis près de dix ans. La grande majorité de mes patientes, pour qui ces technologies représentent la seule possibilité d'avoir un enfant avec lequel elles auraient un lien génétique n'ont pas une amie ou une parente qui pourrait leur faire don d'un ovule ou porter un enfant pour elles.
Dans notre programme, pratiquement toutes les donneuses d'ovules sont anonymes et leurs ovules sont divisés afin d'aider deux couples à partir d'un seul cycle de prélèvement d'ovules. Elles nous viennent presque toutes grâce aux bouche-à-oreille, habituellement parce qu'elles connaissent une donneuse ou en se présentant spontanément elles-mêmes. Nous n'avons jamais fait de publicité pour recruter des donneuses.
Nous traitons des patientes de partout au Canada qui ont besoin d'un don d'ovules pour avoir des enfants. Ces femmes souffrent de problèmes médicaux divers, comme le syndrome de Turner, femmes nées sans ovaire, le syndrome d'insensibilité d'androgène, femmes qui n'ont pas d'ovaire ou d'utérus, la ménopause précoce, qui peut se manifester à n'importe quel âge, de l'adolescence jusqu'au début de la quarantaine, le non-fonctionnement des ovaires lié à la chimiothérapie ou à la radiation pour le traitement du cancer, ce qui est assez courant; l'échec de multiples traitements attribuables à un défaut des ovules; des problèmes génétiques dans les ovules, etc.
Notre service de maternité de substitution est offert aux femmes dont les problèmes médicaux incluent l'hystérectomie post-accouchement en raison de perte de sang pouvant entraîner la mort; une hystérectomie due au cancer; l'absence d'utérus à la naissance; des cicatrices utérines graves dues à des dommages chirurgicaux ou à la tuberculose; des fausses-couches récurrentes inexplicables. Nous avons également des patientes qui prennent des médicaments susceptibles de causer de graves anomalies congénitales et d'autres pour qui la grossesse constitue un danger de mort.
Je veux vous parler d'un couple que j'ai rencontré récemment. L'épouse a 25 ans et est mariée depuis un an. À 22 semaines de grossesse, son bébé est mort tragiquement dans son utérus. Par la suite, une hémorragie s'est déclarée et il a fallu lui faire une hystérectomie d'urgence pour lui sauver la vie. Elle a donc des ovaires sains et son mari un sperme normal, mais elle n'a plus d'utérus. Ce couple souhaite désespérément fonder une famille, mais elle n'a ni soeur ni personne d'autre à qui elle peut demander de porter un enfant pour elle.
Et si c'était vous, votre femme ou votre fille? Les procédures actuelles nous permettent de faire en sorte que cette femme ait son propre enfant biologique.
Que dire de cet autre cas d'une femme que j'ai vue récemment et qui a été atteinte d'un cancer ovarien à l'âge de 18 ans et à qui on a évidemment enlevé les ovaires. Maintenant âgée de 27 ans, elle est mariée et elle est venue me voir pour avoir un enfant grâce à un don d'ovules. Elle n'avait aucune soeur, ni personne d'autre qui aurait pu l'aider. Grâce à un don d'ovule, elle a donné naissance à des jumeaux la semaine dernière. La donneuse a reçu 1 500 $ et a mis cet argent de côté pour l'éducation de son propre enfant.
Nos donneuses d'ovules sont rémunérées à un tarif convenu que nous estimons juste et raisonnable, jusqu'à concurrence de 5 000 $. Étant donné que les ovules de la donneuse sont utilisés pour deux couples, chaque couple contribue la moitié de la somme. Depuis dix ans, nous n'avons eu qu'une ou deux donneuse anonyme qui ont offert leurs ovules sans aucune compensation.
Dans le cas des mères porteuses, la rémunération est arrangée entre elles et les parents biologiques par le biais de leurs avocats. Les contrats mutuellement consentis protègent toutes les parties engagées dans le processus.
Je suis fier de vous dire que grâce à de tels arrangements, j'ai aidé des centaines de couples canadiens à devenir parents depuis dix ans. Pas un de ces couples ne s'est opposé à ce que la donneuse ou la mère porteuse reçoive ce type de compensation en contrepartie de son aide.
Chose certaine, elles ne peuvent compter sur cette somme pour subvenir à leurs besoins ou changer leur style de vie. En effet, la somme d'argent que reçoivent habituellement les mères porteuses équivaut à moins que le salaire minimum au cours des neuf mois de leur grossesse.
¹ (1540)
Mes patientes sont bouleversées et furieuses parce que le projet de loi leur interdira d'avoir accès à la technologie disponible pour avoir des enfants. Si on ne permet pas une rétribution financière raisonnable, il n'y aura aucune donneuse ou mère porteuse qui voudra offrir ses services. Le remboursement des dépenses ne saurait être considéré comme une compensation raisonnable pour ces personnes et le bassin des donneuses et des mères porteuses disparaîtra. Qui plus est, en l'absence de compensation, les avocats ne pourront pas dresser de contrats entre les mères porteuses et les parents, et ce faisant, toutes les parties seront beaucoup plus vulnérables.
Cette mesure législative n'arrêtera pas les couples désespérés. Je sais pertinemment que si ma femme avait besoin d'une mère porteuse ou d'une donneuse d'ovules, nous irions quelque part où ces services sont disponibles. Si le projet de loi C-56 est adopté tel quel, nous ne pourrions obtenir ces services au Canada légalement. Si la mesure proposée est adoptée, les couples qui n'ont pas été bénis par la nature et qui souhaitent désespérément avoir un enfant n'auront que deux options: aller aux États-Unis et payer trois ou quatre fois plus cher, possiblement entre 40 000 à 80 000 $US, ou passer dans la clandestinité et devenir des criminels.
L'adoption du projet de loi C-56 sous sa forme actuelle aurait pour effet de réserver ce traitement d'infertilité aux Canadiens nantis qui peuvent se permettre d'aller aux États-Unis. En tant que Canadiens, nous nous glorifions de pouvoir fournir à tous des services de santé universels et égalitaires. Il ne fait aucun doute que l'adoption du projet de loi C-56 débouchera sur un système à deux vitesses.
Certaines de mes patientes sans moyens, qui ne pourraient se permettre d'aller aux États-Unis, envisagent déjà diverses façons de contourner la loi. Ainsi, comment pourrait-on savoir qu'un couple a amené une «amie» à un spécialiste d'infertilité pour qu'elle fasse un don d'ovules ou qu'elle porte leur bébé et qu'ils la paient ensuite sous la table? Ou encore, ils pourraient donner de prétendus «cadeaux de naissance» aux membres de la famille de la donneuse ou de la mère porteuse. Dans les faits, l'ébauche actuelle du projet de loi C-56 favorisera la conclusion de marchés et transformera des Canadiens normalement respectueux des lois en criminels simplement parce qu'ils veulent désespérément avoir un enfant biologique.
Allons-nous vraiment infliger des amendes énormes à ces gens ou les jeter en prison? Où sont, dans tout cela, la justice, la moralité ou la dignité mentionnée dans le préambule du projet de loi? Ce sont là des qualités que nous, Canadiens, nous targuons d'avoir. Si le projet de loi C-56 est adopté tel que proposé, ou avec vos recommandations, on contournera la sélection et l'évaluation appropriées des donneuses et des mères porteuses, laissant ainsi sans protection toutes les parties en cause.
Par conséquent, la solution ne consiste pas à interdire toute rémunération en contrepartie de services de don d'ovules ou de maternité de substitution, mais bien à les réglementer sérieusement de façon à ce que tout se fasse au grand jour et non sous la table. De cette façon, nous pourrons nous assurer que les donneuses sont évaluées convenablement et que des lignes directrices pertinentes sont en place.
Partout aux États-Unis, des cliniques fiables autorisées par les comités d'éthique d'universités dont la réputation n'est plus à faire, comme celles de Harvard, Stanford, Yale et Princeton, aident quotidiennement des couples à avoir des enfants grâce à des dons d'ovules ou de sperme ou à la maternité de substitution. D'autres pays, comme la Nouvelle-Zélande et Israël, ont des politiques gouvernementales qui reconnaissent la légalité de la maternité de substitution et du don d'ovules, et qui permettent une rémunération adéquate.
Ici, au Canada, mon programme aide des couples depuis plus de dix ans. De nombreuses autres cliniques offrent actuellement de tels services. Il s'agit déjà de pratiques courantes ici au pays. Des milliers de couples canadiens ont maintenant des enfants qu'ils n'auraient pas été capables d'avoir autrement.
Mesdames et messieurs, il importe que vous fassiez une distinction claire entre les traitement actuellement offerts et les nombreuses autres technologies visées par le projet de loi.
D'aucuns font valoir qu'on ne rémunère pas les donneurs de sang. Environ 40 p. 100 des dons de sang dont nous nous servons ici proviennent des États-Unis, et les donneurs américains sont payés. Étant donné que nous n'avons pas suffisamment de sang pour répondre à nos besoins, allons-nous en priver les Canadiens dont la survie en dépend simplement parce que ces donneurs sont rémunérés?
¹ (1545)
Au sujet de l'anonymat des donneurs, je suis heureux de voir que dans sa plus récente ébauche, le projet de loi donne aux donneurs d'ovules ou de sperme le droit de conserver l'anonymat s'ils le désirent. Nous demandons à toutes les donneuses d'ovules qui participent à notre programme si elles préfèrent demeurer anonymes ou si elle sont ouvertes à d'éventuels contacts une fois que l'enfant aura atteint l'âge de 18 ans. Environ 50 p. 100 des donneurs choisit chaque option.
Je suis certain que si nous ne permettons pas l'anonymat, le bassin des donneurs de sperme et d'ovule sera réduit énormément. Tous les donneurs font l'objet d'un examen exhaustif et sont acceptés uniquement s'il n'y a pas de critères négatifs dans leur histoire médicale et psychosociale. Nous communiquons aux futurs parents un profil médical et social complet sur le ou la candidate et sa famille élargie, tout en protégeant son identité.
En conclusion, je recommande que le projet de loi C-56 soit modifié de façon à ce que l'organe de réglementation proposé établisse des règles précises à la fois pour la sélection et la rémunération des donneurs/donneuses et des mères porteuses. En instaurant des règles d'accréditation et d'obtention de licences, cet organe peut faire en sorte que ces critères soient respectés par les cliniques. L'organe de réglementation, qui se réunirait régulièrement, pourrait modifier ces règles avec le temps pour s'adapter à l'évolution des valeurs sociétales et aux progrès de la recherche.
J'estime qu'il est essentiel qu'au moins un couple de parents ayant eu un enfant grâce à un don d'ovules ou à la maternité de substitution fasse partie de ce comité étant donné qu'eux seuls savent vraiment ce que c'est que d'être dans cette situation et d'avoir vécu l'expérience de cette méthode pour fonder une famille.
En conclusion, il est de la plus haute importance que vous compreniez pourquoi je comparais devant vous aujourd'hui et pourquoi je me bats avec un tel acharnement pour que nous ayons des services de don d'ovules et de maternité de substitution bien réglementés qui autorisent une juste rémunération des personnes merveilleuses qui font don de leurs ovules ou qui portent un enfant pour quelqu'un d'autre. Je suis ici pour plaider la cause de ces Canadiens qui n'ont pas vraiment de porte-parole. Pour eux, tout cela relève de leur vie privée et ils ne souhaitent pas en parler en public. Je les vois tous les jours dans ma pratique. Sans qu'il y ait de leur faute, ils ne sont pas capables d'avoir des enfants.
Ce n'est pas une question d'argent pour moi. Les traitements entourant les dons d'ovules et la maternité de substitution que j'offre ne représentent qu'une petite partie de ma pratique, fort satisfaisante par ailleurs. Le fait d'interdire toute rétribution pour de tels services et par conséquent d'éliminer le bassin des donneuses et des mères porteuses n'aura aucun effet sur ma pratique ou sur mon revenu. J'ai déjà une liste d'attente d'un an de patientes qui souhaitent me consulter pour de nombreux autres problèmes d'infertilité qui ne sont pas touchés par la loi.
Le projet C-56 et vos recommandations auront pour effet de priver de nombreux Canadiens du droit humain fondamental et de la liberté de choix d'avoir un enfant biologique. Des milliers de couples canadiens ne connaîtront pas la joie extraordinaire et l'émerveillement d'avoir un enfant. Par conséquent, mesdames et messieurs du comité, je vous invite instamment à poursuivre votre réflexion sur le projet de loi C-56 et sur vos recommandations et à discuter des suggestions que j'ai faites ici aujourd'hui avant qu'il ne devienne loi.
Merci beaucoup.
¹ (1550)
La présidente: Merci, docteur Librach.
Monsieur Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Je vous remercie d'être venu comparaître et de nous avoir fourni un peu plus d'information concernant la maternité de substitution. C'est une question avec laquelle le comité se collette depuis un an. Nous avons entendu des témoins à ce sujet auparavant, et chaque discussion supplémentaire que nous avons à ce sujet est avantageuse.
Ma question est double. Vous avez soulevé la question de l'argent. Vous dites que le projet de loi est défectueux en ce sens qu'il ne permet pas la rémunération des donneuses ou des mères porteuses. Mais avez-vous eu connaissance de cas de maternité de substitution pour des motifs entièrement altruistes dans votre pratique?
Dr Clifford Librach: Si quelqu'un faisait cela, il lui en coûterait de l'argent. Cette personne devrait prendre congé de son emploi, elle aurait des responsabilités d'assurer des soins à l'enfant...
M. Rob Merrifield: Mais ce n'est pas ce qui se passe.
Dr Clifford Librach: Uniquement lorsque c'est un parent de la patiente, comme une soeur ou quelque chose du genre.
M. Rob Merrifield: Et quel est le prix maximal que...
Dr Clifford Librach: Je n'ai jamais eu connaissance d'une maternité de substitution altruiste de la part d'une mère porteuse n'ayant aucun lien de parenté avec la patiente.
M. Rob Merrifield: Et quelle est la somme maximale qu'il faut payer pour une maternité de substitution?
Dr Clifford Librach: De façon générale, cela se situe entre 15 000 et 20 000 $CAN. C'est ce que me disent les patientes. Je ne suis pas partie prenante aux contrats, mais c'est approximativement ce qu'il en coûte au Canada à l'heure actuelle. Aux États-Unis, c'est très différent.
M. Rob Merrifield: Cela est négocié entre la mère porteuse et le client.
Dr Clifford Librach: C'est exact.
M. Rob Merrifield: Vous n'avons donc rien à y voir.
Dr Clifford Librach: C'est exact. Je suis d'avis que l'organe de réglementation devrait fixer ce qui constitue un montant raisonnable. Autrement dit, quelle somme est raisonnable pour rémunérer la personne pour le service offert: une grossesse de neuf mois, porter le bébé, donner naissance, s'occuper du nourrisson, prendre congé de son travail, etc? Il ne faut pas que ce soit un marché ouvert. Je pense que cela devrait être réglementé.
M. Rob Merrifield: Mais à l'heure actuelle, c'est la loi de l'offre et de la demande?
Dr Clifford Librach: À l'heure actuelle, aucune loi ne réglemente cela.
M. Rob Merrifield: En outre, vous dites que la moitié des donneuses sont disposées à offrir leurs services de façon anonyme...
Dr Clifford Librach: Pour ce qui est des dons d'ovules, la moitié de nos donneuses se disent ouvertes à des contacts avec l'enfant une fois que celui-ci aura atteint 18 ans. Évidemment, cela suppose que l'enfant est mis au courant. C'est aux parents qu'il appartient de décider--et nous n'avons aucune influence là-dessus--s'ils diront à l'enfant qu'il est issu d'un don d'ovules. La personne qui donne naissance à l'enfant pourrait, en théorie, demeurer totalement anonyme. Cela pourrait être un secret, une chose que l'on ne dit pas.
Mais lorsque l'enfant est mis au courant, ce qui semble arriver dans 40 p. 100 des cas environ, la moitié des donneuses d'ovules accepteraient d'être contactées par l'enfant et l'autre moitié refusant cette possibilité.
Dans le cas des dons de sperme, c'est très différent. D'ailleurs, je pense que l'un des panelistes abordera la question. Pour ce qui est des dons de sperme, je pense que pratiquement aucun donneur n'est disposé à être contacté, de sorte que la situation est très différente.
M. Rob Merrifield: Peut-être est-ce en partie à cause de la crainte d'une responsabilité vis-à-vis de la loi? Est-ce là une considération?
Dr Clifford Librach: Je pense que c'est une importante considération.
M. Rob Merrifield: Est-ce la seule?
¹ (1555)
Dr Clifford Librach: Il y a également le sentiment suivant. Vous savez, ce n'est pas mon enfant. Je ne suis pas marié à la mère de l'enfant. Je n'ai pas été présent au cours de la grossesse et je ne participe d'aucune façon à la vie de l'enfant.
Par conséquent, ils préfèrent que les parents assument...
M. Rob Merrifield: Mais cela aurait rapport à la responsabilité légale, et à rien d'autre. Le fait qu'un enfant connaîtrait l'identité de ce parent, en raison de facteurs sociaux et de santé, nous ramène à la question de la responsabilité légale, n'est-ce pas?
Dr Clifford Librach: Avant d'accepter un don, nous faisons une sélection des donneurs afin d'écarter tous ceux qui auraient des problèmes psychosociaux, génétiques ou de santé qui risquent d'avoir des répercussions sur la vie de cet enfant. Nous passons en revue toute l'histoire de la famille. Nous n'acceptons aucun donneur au sujet desquels il y aurait des doutes à cet égard.
Évidement, il est possible que deux personnes saines aient un enfant qui ait un problème médical. C'est simplement le hasard.
M. Rob Merrifield: J'essaie de bien comprendre. Pour les hommes, la responsabilité légale pèse plus que l'argent? Ou l'aspect économique entre-t-il également en jeu?
Dr Clifford Librach: Je ne suis pas sûr de comprendre votre question.
M. Rob Merrifield: Si un donneur de sperme n'était pas rémunéré... En fait, d'après le projet de loi, les donneurs de sperme peuvent l'être. Mais s'ils n'étaient pas rémunérés, cela diminuerait-il leur nombre, ou est-ce plutôt la responsabilité légale qui joue? Quel est le facteur qui a le plus de poids? Ou est-ce une combinaison des deux?
Dr Clifford Librach: Oh, je vois. Le paiement par rapport à la responsabilité légale.
M. Rob Merrifield: C'est cela.
Dr Clifford Librach: Je pense que c'est une combinaison des deux. J'en suis convaincu. Si l'on supprime le paiement, nous n'aurons plus de donneurs. Si l'on élimine leur droit à l'anonymat, nous allons aussi perdre tous nos donneurs.
Par conséquent, je pense que les deux facteurs entrent en ligne de compte. Je ne pense pas que l'un ait plus de poids que l'autre.
La présidente: Docteur Fry.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup.
La présidente: J'espérais qu'il y aurait seulement une ou deux questions, de sorte que nous...
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve): Non, les règles sont les règles. Chaque député a le droit...
La présidente: D'accord.
Dr Fry, ensuite M. Ménard.
Mme Hedy Fry: Vous avancez certains points très intéressants. Sous un angle pratique, en fait, vos observations sont très stimulantes pour nous. D'une part, il y a cette question qui fait problème pour tout le monde: si l'on commercialise cette activité et qu'on la rémunère, va-t-on se retrouver soudainement avec un grand nombre de jeunes gens qui décideront soudainement d'aller faire un don de sperme ou d'ovules simplement pour l'argent? Comme nous le savons tous, pendant leurs études, bien des jeunes ont besoin d'argent. D'autre part, si l'on ne verse aucune rémunération ou si l'on n'autorise pas l'anonymat, on se retrouve en fait à demander aux gens de faire preuve d'altruisme. Bien des personnes diront: «Je ne sais pas si je veux rendre un tel service». À ce moment-là, on réduit le bassin des donneurs. Nous avons discuté de cela l'autre jour.
Je comprends tout cela, et je comprends aussi votre argument au sujet de la rémunération pour les mères porteuses. Le projet de loi englobe déjà--et la réglementation pourrait changer certaines choses--le concept d'une indemnisation pour les coûts réels et pour les besoins réels au cours d'une grossesse.
Cela dit, lorsqu'on commence à parler de rémunération, une question se pose. Qu'arriverait-il à un couple infertile qui n'aurait pas suffisamment d'argent pour verser cette rémunération? À ce moment-là, ne crée-t-on pas deux catégories de couples infertiles: ceux qui sont en mesure de payer le coût d'un don d'ovules ou de sperme et...
Dr Clifford Librach: Au Canada, nous ne payons pas pour la fertilisation in vitro, n'est-ce pas? Nous avons déjà établi cela. C'est acquis. Le gouvernement, ou plutôt les autorités provinciales, devrais-je dire, ont décidé qu'elles n'allaient pas payer pour la fertilisation in vitro.
Mme Hedy Fry: Je n'ai pas terminé. Et soit dit en passant, ce n'est pas dans toutes les provinces que ce traitement est offert, de sorte qu'il n'existe pas un système égal à l'échelle du pays.
À mon avis, c'est une question qu'il faut examiner dans le contexte des valeurs qu'accordent les Canadiens à l'égalité d'accès, indépendamment de la capacité de payer. C'est ma première question.
Ma deuxième question est la suivante: si l'on commence à commercialiser cette activité, quels en seront les paramètres? Allons-nous immédiatement trouver énormément de personnes qui vont accepter de participer uniquement parce qu'elles ont des besoins financiers? Il existe des pressions à cet égard. Nous avons entendu parler de jeunes femmes, à l'université, que l'on a incitées à faire cela uniquement pour avoir suffisamment d'argent en vue de terminer leurs études universitaires.
Voilà le genre de choses qui m'inquiète d'un point de vue éthique.
Enfin, dans le cas des dons d'organes, nous ne payons pas pour les organes non plus et pourtant, il existe un problème d'insuffisance de dons d'organes. Par conséquent, nous devons trouver une façon différente, un modèle canadien de régler ce problème si tout ce qui vous inquiète, c'est l'existence d'un bassin de donneurs et la possibilité que cette source se tarisse.
Voilà mes questions, qui sont toutes influencées par l'aspect éthique.
Dr Clifford Librach: Je vous répondrai, évidemment, qu'au Canada, les gouvernements ne défraient pas les coûts de la fertilisation in vitro, sauf une province, qui le fait en cas de bloquage des trompes. Mais je pense que c'est discutable.
Par conséquent, nous avons déjà en ce sens un système à deux vitesses. De façon générale, cependant, il ne s'agit pas de sommes considérables. Dans la plupart des cas, ce sont des sommes que les gens peuvent se permettre. Il y a des solutions. Les personnes défavorisées peuvent avoir accès à des dons. Habituellement, nous pouvons, de diverses façons, faire en sorte que les couples qui ont besoin d'avoir accès à la fertilisation in vitro puissent y accéder même s'ils n'ont guère de moyens financiers. Certains organismes de charité sont là pour leur venir en aide.
D'ailleurs, j'estime que c'est une merveilleuse façon d'aider ces gens. Nous pouvons créer des organismes de bienfaisance. En fait, nous avons un gala de charité prévu d'ici l'an prochain précisément dans ce but. C'est donc une façon pour nous de permettre un accès égal à cette technique.
Je n'aime pas le terme «commercialisation». À mes yeux, il s'agit d'une rémunération pour services rendus. Si c'était uniquement une question d'argent, on se bousculerait à nos portes pour offrir ce service, mais je peux vous garantir que nous avons du mal à trouver des personnes qui sont disposées à faire cela. Il est très difficile de trouver des personnes qui veulent porter le bébé de quelqu'un d'autre. Ce n'est pas quelque chose que les gens font en guise d'expédient. Ils y réfléchissent mûrement. D'ailleurs, il y a un processus de sélection. Nous cherchons vraiment à savoir pour quels motifs ils veulent aider des personnes qui ont du mal à concevoir des enfants. Toutes nos donneuses et nos mères porteuses ont déjà des enfants. Elles savent ce que c'est que d'avoir un enfant et peuvent imaginer la douleur liée au fait de ne pas pouvoir en avoir.
º (1600)
Mme Hedy Fry: Je suis désolée, docteur Librach, je ne parlais pas de la maternité de substitution car je pense que le projet de loi en fait déjà état. Nous envisageons une indemnisation des coûts dans le cas de la maternité de substitution.
Je veux savoir si, selon vous, les donneurs/donneuses d'ovules et de sperme devraient également recevoir une compensation financière. Est-ce votre avis?
Dr Clifford Librach: Absolument.
Mme Hedy Fry: Et c'est précisément ce qui m'amène à m'interroger sur l'aspect éthique et sur la possibilité d'instaurer ce genre de système étant donné qu'à l'heure actuelle, dans de nombreuses provinces, on ne paie pas pour cela.
La présidente: Merci.
Comme M. Ménard a décidé de passer son tour, nous allons donner la parole à M. Lunney.
Vous serez le dernier intervenant car je dois réserver suffisamment de temps à tous les autres témoins.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Bien sûr.
Docteur Librach, je vous remercie de votre exposé et de vos explications au sujet de la façon dont vous aidez les gens à avoir des enfants.
Je voulais savoir depuis combien de temps vous offrez ces services, docteur Librach?
Dr Clifford Librach: Depuis une quinzaine d'années.
M. James Lunney: Dans le cours normal de votre travail, suivez-vous une patiente jusqu'à la naissance de l'enfant ou laissez-vous cela à quelqu'un d'autre?
Dr Clifford Librach: Avant d'avoir moi-même des enfants, il y a environ deux ans, je mettais au monde des bébés. Depuis lors, étant donné que je veux passer plus de temps avec mes propres enfants, j'ai cessé de le faire.
M. James Lunney: Mais dans le cadre de vos activités liées à la procréation assistée, vous faisiez un suivi jusqu'à la naissance de l'enfant il y a de cela deux ou trois ans, n'est-ce pas?
Dr Clifford Librach: C'est exact.
M. James Lunney: Mis à part les examens prénataux, faites-vous un suivi quelconque de ces enfants à mesure qu'ils grandissent?
Dr Clifford Librach: Oui, nous effectuons un suivi de ces enfants et nous participons à diverses études pour voir comment ils évoluent au fil des ans. Les dons d'ovules existent depuis 12 ou 13 ans, de sorte que l'enfant le plus âgé dans le monde issu d'une telle technique a environ 13 ans à l'heure actuelle. Nous n'avons pas de données qui remontent plus loin.
M. James Lunney: Vous n'avez donc pas de base de données d'entrevues avec ces enfants pour voir comment ils réagissent à vos choix.
Dr Clifford Librach: C'est une partie de ce que nous faisons. À l'heure actuelle, certains de nos projets de recherche se penchent sur ce genre de question. Nous essayons d'obtenir des subventions pour nous aider. Il serait utile que le gouvernement nous fournisse un certain financement pour nous aider dans ces enquêtes car il est très coûteux d'assurer un suivi de ces personnes.
M. James Lunney: Oui, je pense que c'est intéressant...
Dr Clifford Librach: Nous connaissons leur identité, nous avons toute l'information disponible. En fait, je dois prononcer une allocution à la prochaine réunion de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie... sur le suivi des enfants nés grâce à cette technique particulière.
M. James Lunney: Je pense que nous avons un exemple classique des perspectives différentes de ceux qui interviennent au début du processus de procréation assistée et de ceux qui interviennent auprès des enfants beaucoup plus tard. Il est dommage que vous ne puissiez rester pour entendre ce qu'ont à dire Mme Pratten et d'autres témoins au sujet des répercussions sur les enfants qui ont vécu cette expérience, beaucoup plus tard en bout de ligne.
Le comité a énoncé un des principes fondamentaux du projet de loi en ce qui concerne les décisions entourant l'application de cette technologie, à savoir qu'il convient d'accorder la priorité à la santé et au bien-être des enfants qui en sont issus.
Si vous me permettez cette observation, vous ne semblez avoir aucun doute quant à ce qui se passera si les amendements que vous proposez ne sont pas retenus. Vous êtes convaincu--et peut-être êtes-vous doué de prescience--que vous ne trouverez plus de donneurs/donneuses ou de mères porteuses.
Je crois vous avoir entendu dire que vous aviez eu une ou deux donneuses anonymes.
Dr Clifford Librach: En dix ans.
M. James Lunney: Oui, mais vous êtes remarquablement certain que si ces changements ne sont pas apportés, il n'y aura plus de donneuses ou de mères porteuses disponibles et qu'en outre, les avocats ne seront pas en mesure de rédiger des contrats. D'après vous, les couples désespérés ne seront pas arrêtés par cette mesure législative.
Vous semblez aussi tout à fait convaincu qu'ils se rendront aux États-Unis et qu'ils y paieront davantage; ils entreront dans la clandestinité. Vous allez même jusqu'à expliquer comment ils procéderont: «Des milliers de couples canadiens qui, autrement, n'auraient pas été en mesure...».
Je trouve fort intéressant que vous soyez aussi certain de ce qui se passera. Je me demande si vous avez pris en considération le fait qu'il existe une grande incertitude du fait que les règles n'ont pas été fixées; et qu'en fait, une fois les règles établies, les Canadiens, dont la générosité n'est plus à démontrer, se montreront à la hauteur. L'histoire du bénévolat dans notre pays est assez remarquable. Les Canadiens ont souvent posé des gestes extraordinaires pour venir en aide à d'autres personnes dans le besoin.
Je me demande si vous avez pris cela en considération.
Dr Clifford Librach: Certainement, et nous avons aussi examiné ce qui s'est passé dans d'autres pays où cela était un problème. Le bassin des donneuses d'ovules en Grande-Bretagne, où l'on a interdit toute rémunération, a chuté radicalement. Les couples choisissaient d'aller aux États-Unis et en Scandinavie pour obtenir des services. Par conséquent, je sais que c'est ce qui se passera ici puisque cela s'est déjà produit ailleurs. Il y a un précédent.
Par la suite, les autorités sont revenues sur leur décision et autorisé le versement d'une petite rémunération et le remboursement des dépenses. En Grande-Bretagne, on a réagi ainsi pour contrer le problème des couples qui se déplaçaient partout dans le monde pour obtenir ces services.
Par conséquent, je sais ce qui va se passer, et d'ailleurs mes patientes me le disent. Je baigne dans ce milieu tous les jours. Je vois des patientes et elles me confient leur plan. J'essaie de vous communiquer leurs sentiments. Voilà pourquoi je sais ce qui va se passer. Je suis tout à fait convaincu et ce, du fond du coeur. Voilà pourquoi je vous le dis.
º (1605)
La présidente: Merci, docteur Lunney.
Merci, docteur Librach. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venu partager avec nous votre vaste expérience du sujet, mais en raison de contraintes de temps, je dois céder la parole à quelqu'un d'autre. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à Mme Phyllis Creighton, du comité consultatif de Santé Canada sur les techniques de reproduction et de génétique.
Madame Creighton.
Mme Phyllis Creighton (membre, Comité consultatif de Santé Canada sur les techniques de reproduction et de génétique): Je vous remercie de m'avoir invitée de nouveau. Comme en septembre dernier, je suis très heureuse de comparaître devant vous.
Je veux que vous sachiez que j'affirme l'établissement du principe énoncé au paragraphe 2b) qui se lit comme suit.
la santé et le bien-être des enfants issus des techniques de procréation assistée doivent prévaloir dans les décisions concernant l'usage de celles-ci; |
À mon avis, c'est terriblement important et nous devons nous en inspirer constamment. Nous ne devons jamais oublier que tel est le cas.
Lorsque j'ai lu cela, j'ai parcouru les recommandations que vous aviez faites dans votre rapport et je les ai évaluées en fonction de ce critère. J'ai constaté que vous aviez respecté ce principe davantage que ne le fait l'ébauche de mesures dont nous sommes saisis, ce qui m'inquiète énormément.
Vous pourriez trouver la position qui est la mienne dans un excellent rapport publié il y a quelques années par un groupe de travail de l'État de New York qui a étudié la vie et le droit en matière de maternité de substitution. Voici ce qu'on peut y lire:
Compte tenu des risques potentiels pour les enfants issus de la maternité de substitution, les enfants sont mieux servis par des politiques conçues pour décourager cette pratique. |
Et c'est mon hypothèse de base. D'ailleurs, je ne suis pas la seule à adopter cette prémisse. On nous a beaucoup parlé de la pratique existante. À vrai dire, le projet de loi énonce le principe selon lequel les enfants doivent être la priorité, mais en le lisant, c'est comme si d'autres intérêts avait préséance. Comme si la queue commandait à la tête, et cela m'inquiète beaucoup. Ce n'est pas parce qu'une pratique existe qu'elle est nécessairement respectueuse des considérations éthiques et ce n'est pas parce qu'il risque d'être difficile de la décourager que nous devons l'accepter sur le plan social ou lui paver la voie, comme le fait précisément le projet de loi.
Vous m'avez demandé de venir commenter votre recommandation 10, voulant que l'on supprime les articles acceptant les services psychologiques, médicaux et juridiques et qui permettent le remboursement des dépenses d'une mère porteuse. Je pense que vous avez raison. On m'a également demandé d'envisager les répercussions liées au remboursement des frais, comme l'autorise le projet de loi à divers endroits, notamment dans les articles 65 et le paragraphe 12(2).
Quelles sont les conséquences du fait que les rédacteurs n'ont pas inclu votre recommandation? Premièrement, ils répéteront une erreur que l'on a corrigée dans le domaine de l'adoption. Il n'y a pas si longtemps, en Nouvelle-Écosse, il était possible d'offrir un paiement à une mère dont on allait adopter l'enfant. Une de mes amies de Nouvelle-Écosse m'a écrit pour me dire que d'après l'opinion de l'avocat qu'elle avait consulté il y a huit ans, tout versement en contrepartie duquel elle pouvait obtenir un reçu était acceptable. Par conséquent, elle et son mari ont payé pour son épicerie, ses vitamines prénatales, ses vêtements de maternité et de nouvelles lunettes. En fait, on leur a dit que les seules exceptions étaient les frais de parcomètres ou de services de prostitution.
Autrement dit, ils avaient carte blanche. Mais à l'heure actuelle, de tels paiements ne sont plus autorisés, ni en Nouvelle-Écosse ni en Ontario, pour la bonne raison qu'ils risquent d'inciter les gens à faire quelque chose qu'ils ne feraient pas autrement.
Je ne vois pas comment il pourrait être utile pour nous d'offrir quelque encouragement que ce soit. Je m'inquiète beaucoup des possibilités évoquées sur les sites Web. Celui que vous avez probablement consulté, surromomsonline.com, illustre bien cette échappatoire. Si le remboursement des frais est autorisé, on y aura recours. C'est indéniable. Les choses prendront même de l'ampleur. Vous trouverez des références à deux niveaux de contrat, celui que les médecins voient et celui qui sera confidentiel entre les couples clients et la mère porteuse; et il y a des échanges constamment à ce sujet.
º (1610)
J'entrevois donc l'apparition de doubles contrats. Je pense également que tout l'aspect juridique pourrait prendre de l'ampleur. En effet, dans plusieurs cas, les tribunaux n'ont pas jugé déraisonnable l'octroi de frais d'entretien considérables, dès lors qu'est établi le principe que l'on peut être rémunéré pour offrir son corps. C'est véritablement l'illustration de ma pire crainte.
Toutes les parties sont déshumanisées dans un tel contexte. Et que dire du vocabulaire employé alors qu'on appelle une femme qui est mère biologique une «mère porteuse»? Une mère porteuse! C'est une femme, et peu importe ce qu'on lui dit--et on lui dit dans les services de maternité de substitution qu'elle doit se détacher de cet enfant qui est celui d'une autre étant donné qu'elle est mère porteuse--, il n'en reste pas moins que c'est elle qui vivra les neuf mois de la grossesse. C'est elle qui donnera naissance à l'enfant. C'est elle la mère. C'est sa voix, c'est son langage corporel, c'est le battement de son coeur que connaît le bébé naissant.
Grâce à l'étude de l'ouvrage The Primal Womb et d'autres ouvrages--notamment ceux de Thomas Verny--, nous savons que l'attachement du nourrisson à la mère se produit bien avant la naissance et que l'attachement d'une femme au foetus qu'elle porte survient aussi bien avant la naissance.
Nous affirmons que rien de tout cela n'a d'importance.
Mais pour ce qui est des conséquences, il n'est guère étonnant qu'un grand nombre de femmes à qui l'on enseigne et qu'on s'attache à convaincre que c'est une chose normale que se détacher du foetus--après tout, elles le portent pour quelqu'un d'autre, c'est un acte de générosité--ressentent de la souffrance.
L'un des enseignements que nous a appris l'adoption, c'est que les femmes qui, pour des motifs survenus après la conception de l'enfant et non pas qu'elles ont délibérément planifié les choses de cette façon, donnent leur enfant, en ressentent douleur, regret et deuil souvent pendant une trentaine d'années. Par conséquent, nous envisageons de soutenir un processus dont c'est l'issue, un processus qui comporte son poids de souffrance sociale. Point n'est besoin d'avoir beaucoup d'imagination pour se rendre compte qu'en fragmentant la maternité, on dévalorise chacun des rôles de la femme. Elle n'est qu'une porteuse.
Il y a déjà suffisamment de forces qui aliènent et dépersonnalisent les gens. Les ouvrages spécialisés renferment les histoires d'enfants--qui étaient les enfants d'une femme ayant choisi de devenir mère porteuse--qui ont été bouleversés lorsque leur petit frère ou leur petite soeur n'est jamais apparu et a été donné à quelqu'un d'autre. Ces enfants pensent: «La prochaine fois, est-ce que ce sera moi?» Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour craindre que si une somme d'argent a été donnée en échange d'un enfant, il se peut fort bien que sur le coup de la colère, quelqu'un dise: «Je t'ai payé cher. Tu as intérêt à marcher droit.»
Je pense que nous sommes sur un terrain très épineux et ce, en raison de la complexité des émotions humaines et des répercussions personnelles et psychologiques qui risquent de se produire. Mais sur un plan plus profond, je pense que nous sommes véritablement dans le pétrin. Porter un enfant est un cadeau énorme. Les cadeaux, c'est gratuit et il ne faut pas fixer un prix pour ces cadeaux. Si l'on veut respecter l'intégrité humaine, il va de soi que la générosité est une valeur sociale importante. Lorsqu'on fixe une valeur monétaire à tout aspect du cadeau personnel que constitue un véhicule pour créer la vie, c'est nier la réalité que le pouvoir de créer la vie est en premier lieu un cadeau.
Margaret Somerville s'est efforcée de cerner le tort causé à l'esprit humain en présence de ce «problème éthique sérieux». Je pense que le fait de payer les mères porteuses aura pour effet de dévaloriser et de miner l'esprit humain ainsi que de porter atteinte à des valeurs fondamentales; cela banalise l'importance humaine de la générosité et du don de la vie. Je pense également que cela débouche sur l'aliénation au sein de la famille.
º (1615)
Dans de nombreux cas, des problèmes conjuguaux ont été provoqués par le fait qu'une femme porte un enfant pour d'autres. Vous connaissez sans doute l'histoire d'Elizabeth Kane qui a été la première mère de substitution à célébrer son état et à dire combien il était merveilleux de pouvoir participer à la création d'un enfant pour un couple qui souhaitait vraiment devenir parent. Et soit dit en passant, ce ne sont pas toujours des couples frappés d'infertilité ou ayant des problèmes médicaux qui concluent des contrats de maternité de substitution, pas du tout.
Plus tard, Mme Kane a écrit le récit de son expérience, intitulé Birth Mother. À la lecture de son journal, elle a compris que des hommes en position d'autorité l'avaient convaincue de se voir sous un jour qui ne correspondait pas à ses propres sentiments. Au bout du compte, après avoir vu à quel point sa propre fille s'est écartée d'elle et combien son mariage avait souffert, elle en est arrivée à la conclusion que le don de l'enfant d'une famille à une autre s'était fait au détriment de sa propre famille. Elle avait contribué à bâtir une autre famille mais le prix à payer avait été la destruction de la sienne.
J'estime qu'il est très important de prendre en compte ces sentiments. Juliet vous a déjà dit auparavant que nous ne connaissons pas vraiment tous les tenants et les aboutissants de l'histoire car on se borne à rapporter des succès anecdotiques et puis, plus rien.
J'estime aussi qu'il faut tenter d'identifier les motifs stratégiques qui sous-tendent le remboursement des frais. Nous savons que la pratique existe, mais pour quelles raisons stratégiques? Quelle serait une bonne politique...? Si la maternité de substitution risque effectivement de causer des torts personnels et de miner des valeurs sociales importantes, qu'affirme-t-on de positif de cette façon?
Chacun a le droit de ne pas être empêché de se reproduire, de ne pas voir sa fertilité détruite délibérément. C'est le droit à la procréation. Mais je ne pense pas que nous ayons le droit illimité de bénéficier d'aide pour avoir un enfant. Et je crains qu'affirmer que nous devons autoriser la rémunération de certaines personnes revient exactement à affirmer cela. Je suis donc confuse. J'aimerais bien savoir quels sont les motifs de justice, les motifs sous-jacents à une telle politique?
Les enfants à adopter ne manquent pas, de sorte qu'avoir une famille n'est pas l'enjeu véritable. Avoir un enfant biologique ou un enfant d'un certain type génétique l'est peut-être. Est-ce une bonne raison? Je n'en sais rien.
J'estime que les dispositions de remboursement du projet de loi sont un pas dans la mauvaise direction et je vous invite instamment à réitérer les solutions que vous aviez proposées.
La présidente: Merci, madame Creighton. Si vous avez d'autres arguments, vous pourrez peut-être les présenter en répondant aux questions.
Nous allons maintenant passer à Mme Jean Haase, de la clinique d'infertilité du London Health Sciences Centre.
Madame Haase.
Mme Jean Haase (travailleuse sociale, clinique d'infertilité, London Health Sciences Centre): Merci.
Tout d'abord, je tiens à remercier le comité permanent de m'avoir invitée encore une fois à discuter de certains aspects du projet de loi C-56. Plus particulièrement, on m'a demandé de parler de l'anonymat des donneurs. Je vous suis reconnaissante de me fournir cette occasion. Cela dit, je tiens à ce qu'il soit clair que mes observations représentent mon opinion personnelle, et non celle de mon employeur.
En toute franchise, j'ai été étonnée et déçue que le projet de loi ne reflète pas la décision majoritaire du comité et ne choisisse pas de mettre un terme au système actuel d'anonymat des donneurs. Je dirai d'entrée de jeu qu'il est essentiel de donner le choix aux donneurs. Ce choix pourrait avoir rapport à la décision de devenir donneur en premier lieu.
À mon avis, le principe voulant que l'on donne au donneur le choix de divulguer son identité contrevient directement au principe énoncé au paragraphe 2b), selon lequel la santé et le bien-être des enfants issus des techniques de procréation assistée doivent prévaloir dans les décisions concernant l'usage de celles-ci. Cela va aussi à l'encontre de l'article 22 où l'on évoque la nécessité de protéger et promouvoir la santé et la sécurité ainsi que la dignité humaine et les droits de la personne au Canada.
Je suppose que la définition de santé et de bien-être dans le projet de loi fait référence à la santé affective aussi bien que physique. Compte tenu de la forme actuelle du projet de loi, ce sont les souhaits du donneur auxquels on accorderait le plus d'attention. Par conséquent, les enfants risquent de souffrir affectivement de l'anonymat du donneur, notamment du fait qu'ils risquent de ne jamais pouvoir exercer de droits quant à leur identité génétique. Il s'ensuit que pour certains, la possibilité d'avoir une notion complète de leur identité personnelle dépendra entièrement de décisions prises par des adultes, et auxquelles ils n'auront pas été parties--autrement dit, le choix du donneur par leurs parents--si tant est qu'ils avaient le choix--et les souhaits du donneur.
Il peut arriver que des enfants de la même famille issus de donneurs différents aient des droits différents. Qu'est-ce que cela sinon un bel exemple de discrimination de toutes pièces? Si tant est que ces droits sont importants, il va de soi qu'ils doivent être conférés à l'ensemble des personnes issues de la procréation assistée. Dans le cas de dons d'embryon, où il n'existe pas de liens génétiques entre les parents sociaux et leurs enfants, cela pourrait signifier que si les deux partenaires d'un couple donateur préfèrent l'anonymat, l'enfant issu de leur union ne sera jamais en mesure d'identifier leurs groupes génétiques, ni les frères ou soeurs qu'il a peut-être. Cela n'est manifestement pas conforme à l'adoption, la procédure dont le don d'embryon se rapproche le plus.
Mon deuxième argument concernant l'anonymat est qu'il perpétue la honte et le stigmate social lié à l'infertilité, ce qui est un fondement très malsain sur lequel fonder une famille. Lundi matin, j'ai reçu à mon bureau un patient particulièrement ouvert, ainsi que sa femme. Il a déclaré qu'il n'avait pas lieu d'avoir honte de son infertilité. Il m'a confié qu'elle était liée à un problème génétique de cause inconnue, qui remonte à sa naissance. Il a partagé cette information avec sa famille et ses amis et a reçu de leur part un soutien important. Mais il se demande pourquoi le donneur doit cacher son rôle dans le processus et demeurer anonyme. Il ne devrait pas lui non plus avoir honte. Peut-être que s'il était à découvert dans le processus, au lieu de demeurer caché, il recevrait les remerciements et la reconnaissance qui lui sont dus. Il n'aurait par conséquent pas besoin d'être rémunéré.
De plus en plus, mes patients posent ce genre de questions pénétrantes. Ils remettent en question le système actuel et s'inquiètent des problèmes éventuels que pourraient connaître leurs enfants à l'avenir. En fait, un nombre croissant d'entre eux demandent d'avoir affaire à un donneur qui accepterait d'être identifié à l'avenir.
Mon troisième argument porte sur la justification voulant que le fait de donner au donneur le dernier mot concernant la révélation de son identité se compare aux pratiques légales d'adoption dans les autres provinces et territoires. Bien que je ne sois pas un expert en ce qui concerne le détail des politiques d'adoption dans diverses provinces, je pense que cette comparaison ne se fonde pas sur la réalité et est trompeuse.
Premièrement, le simple fait de comparer le rôle du donneur à celui d'un parent biologique qui place un enfant en adoption est problématique en soi. Cela ne tient pas compte du fait que dans une adoption traditionnelle, ou fermée, les décisions sont prises au sujet d'un enfant existant, souvent dans un contexte de crise chargé d'émotivité. Bon nombre de mères biologiques ayant été parties prenantes à une adoption traditionnelle fermée vous diront qu'elles ont subi des pressions et n'ont jamais été informées au sujet de leurs droits. Toutefois, on suppose que le donneur prend une décision rationnelle, murement réfléchie, à l'abri de toute pression--à moins, évidemment, qu'il y ait partage d'ovules auquel cas, des pressions affectives et financières entrent certainement en jeu.
º (1620)
L'adoption est fondée sur les meilleurs intérêts d'un enfant existant. Mais le projet de loi C-56 ne va pas suffisamment loin pour protéger les meilleurs intérêts des enfants issus de la procréation assistée et en fait, favorise les adultes. La Colombie-Britannique a été le chef de file de la réforme en matière d'adoption. Aujourd'hui, les enfants adoptés dans cette province ont le droit inaliénable de connaître les noms de leurs parents biologiques. En vertu du projet de loi actuel, les enfants issus de donneurs auraient certainement moins de droits que les enfants adoptés de la Colombie-Britannique.
Je ne partage absolument pas la crainte qu'il y ait un nombre insuffisant de donneurs si ces derniers ne sont pas autorisés à demeurer anonymes. Soyons clairs: les mesures que nous prenons à l'heure actuelle pour recruter des donneurs anonymes ne fonctionnent pas étant donné qu'il n'y en a pas suffisamment et il y a fort à parier que cela ne changera pas à moins que nous commencions à envisager les choses d'une toute nouvelle manière. Les donneurs de sperme sont surutilisés. Cela a des implications très sérieuses que les patients eux-mêmes commencent à soulever. Il nous faut absolument faire face au problème des enfants multiples issus de chaque donneur.
Pour ce qui est de l'attitude des donneurs, le Dr Librach a cité certaines études qui semblent indiquer que le recrutement souffrirait ou qu'il y aurait pénurie de donneurs si leur identité était connue. Je peux citer les résultats d'une autre étude menée aux États-Unis en 1991: 96 p. 100 des donneurs de sperme étaient disposés à partager des renseignements ne menant pas à leur identification; 36 p. 100 continueraient d'être donneurs même si l'anonymat ne pouvait leur être garanti; 60 p. 100 consentiraient à fournir des renseignements pouvant les identifier à leurs enfants, à partir de l'âge de 18 ans, ou à les rencontrer; et 72 p. 100 ont laissé des messages personnels à leurs descendants. Autrement dit, il y a dix ans de cela, il y avait des donneurs à l'esprit ouvert.Il doit certainement y en avoir un plus grand nombre encore aujourd'hui.
Enfin, je veux faire certaines observations au sujet du counselling. Ainsi, à l'alinéa 14(2)b), on précise que dans la mesure prévue par règlement, on mettra des services de consultation à la disposition de la personne. Or, ce n'est pas exactement ce que recommandait le comité dans son rapport. Les recommandations 12, 15, 19 et 36 du rapport évoquaient toutes la nécessité de consultations obligatoires; on ne parlait pas simplement de les mettre à la disposition des patients. Par conséquent, j'espère que la réglementation définira de façon plus détaillée ces services de consultation, leurs fournisseurs et les modalités de leur prestation. Il s'agit là d'un élément essentiel d'un consentement éclairé et par conséquent, ces services devraient être intégrés au processus.
J'ai récemment rédigé un rapport sur le counselling qui en examinait le rôle, ainsi que la réglementation en vigueur au Royaume-Uni et en Australie. Le modèle britannique, qui exige uniquement que des services de consultation soient offerts, sans préciser qui doit les fournir, s'est avéré problématique. Il a donné lieu à de lourdes incohérences. Ainsi, dans certaines cliniques, on se borne à conserver une liste de conseillers, sans jamais vraiment aiguiller des patients vers ces derniers. Dans d'autres cas, un médecin ou une infirmière auront le sentiment que les conseils qu'ils prodiguent à leurs patients sont suffisants.
En conclusion, j'espère que le comité recommandera au ministre les amendements qui s'imposent et qu'à partir de là, la mesure progressera le plus rapidement possible. Il nous faut aller de l'avant et mettre sur pied un organisme de réglementation. Il y a beaucoup de travail à faire.
º (1625)
La présidente: Merci, madame Haase.
Nous allons maintenant entendre Mme Shirley Pratten, membre fondatrice de la New Reproductive Alternatives Society.
Madame Pratten.
Mme Shirley Pratten (membre fondatrice, New Reproductive Alternatives Society): Bon après-midi. Je veux remercier le comité de m'avoir invitée de nouveau et je salue son intérêt jamais démenti pour ces questions, son travail acharné, et le fait qu'il soit encore ici.
Un certain nombre de choses que Jean a dites reprenaient ce que je voulais dire moi-même. Lorsque j'ai lu le projet de loi dans son entier, j'ai eu l'impression qu'en dépit du fait qu'on y énonce que les droits, les besoins, la santé et le bien-être des enfants issus de ces technologies doivent avoir préséance, cela semble n'être qu'un voeu pieux. Lorsqu'on envisage d'accepter le non-anonymat on est en présence d'une contradiction.
En ma qualité d'infirmière autorisée et d'infirmière psychiatrique ayant travaillé de nombreuses années dans le domaine de la santé mentale, je fais écho aux propos de Jean. Lorsqu'on parle de santé, on a tendance à trop s'attacher à la santé physique. Évidemment, c'est très important, mais la santé mentale est tout aussi importante. Peut-être pourrais-je vous donner certains exemples étant donné que je suis également membre fondatrice du premier groupe de soutien au Canada de familles constituées grâce à l'insémination artificielle par donneur. Nous avons de nombreux parents dans ce groupe.
Dans le groupe de la Colombie-Britannique, plusieurs d'entre nous ont conçu des enfants à la même clinique. Au fil des ans, nos rencontres nous ont permis de constater que quatre d'entre nous avons des enfants qui ont souffert de graves dépressions. En fait, Olivia a eu une dépression à l'âge de 11 ans seulement. Et la cause semble être d'ordre chimique. Nous avons trouvé le moyen de plaisanter à ce sujet en disant: «Le médecin faisait-il appel à un donneur dépressif à répétition?» Que s'est-il passé en l'occurrence? Pourquoi nos enfants ont-ils ces dépressions? L'un de ces quatre enfants a dû être hospitalisé. Le psychiatre qui la traitait a dit que l'origine de sa dépression était l'absence de toute information au sujet du donneur. Pour elle, c'était véritablement un problème. Il faut se rappeler que la santé mentale est très importante. Le corps et l'esprit ne font qu'un.
Nous avons été ravis lorsque le comité a recommandé de mettre fin à l'anonymat des donneurs et ensuite, absolument accablés et découragés lorsque cela a changé. Lorsqu'on donne au donneur le choix de décider si son identité pourra être divulguée à l'enfant, à partir de l'âge de 18 ans, le message que l'on transmet est tout à fait navrant; c'est comme si nous disions que ce sera les donneurs qui contrôleront les modalités de l'insémination artificielle dans le pays. Les donneurs sont des adultes consentants. Au plan de la loi, le droit à l'anonymat n'existe pas. Certes, cela a été la politique des cliniques, sanctionnées par les médecins. Mais de là à y donner préséance par rapport aux intérêts de l'enfant vulnérable...
Bon nombre d'entre vous étiez là lorsque ma fille a comparu devant le comité en octobre. Elle a dit très clairement: «Je n'ai jamais choisi de ne pas savoir qui était mon père biologique.» C'est comme si nous oublions les enfants. Nous parlons des droits et des besoins des adultes, mais les enfants sont une progéniture vulnérable. Ils n'ont pas choisi cette situation.
C'est avec inquiétude que j'ai accueilli la déclaration de la ministre, voulant que les donneurs ne seraient plus anonymes puisque la clinique saurait leur nom. Je me suis dit que cela ne faisait guère de différence puisque les cliniques avaient toujours connu leur identité. Les cliniques savent qui sont les donneurs. Bien sûr, lorsqu'on parle d'anonymat et de non-anonymat, on en parle en rapport avec l'enfant et la possibilité qu'il puisse avoir accès à cette information lorsqu'il aura atteint l'âge de la maturité.
Il faut aussi être prudent lorsqu'on fait des comparaisons avec l'adoption. J'ai toujours dit qu'il y avait de nombreux parallèles entre l'insémination artificielle et l'adoption. Il y a aussi de nombreuses différences. Parfois, il y a lieu d'être plus sensible aux différences qu'aux similarités. Certes, il existe des similarités, et notamment nous pouvons tirer des enseignements de l'adoption notamment en ce qui concerne le besoin qu'ont les enfants adoptés de savoir quelles sont leurs origines. Il y a des parallèles manifestes à cet égard.
º (1630)
La ministre envisage d'établir les mêmes lois que pour l'adoption. Or, certaines des lois qu'elle évoquait remontent aux années 20. La différence, avec l'adoption, c'est que l'enfant a déjà été conçu, de sorte qu'on essaie de tirer le meilleur parti de la situation. Dans le cas de l'insémination artificielle par donneur, l'enfant n'a pas encore été créé. C'est un élément important dont il faut tenir compte. En effet, la ministre juge acceptable que nous décidions, avant même que les enfants soient nés, qu'ils ne connaîtront jamais leur identité biologique, qu'ils n'y auront pas accès. Dans quelle mesure est-ce une décision éthique?
Nous devrions porter attention à ce qui se passe dans les pays qui ont déjà des systèmes ouverts--la Suède, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Autriche. Récemment, le comité Warnock, en Grande-Bretagne, a fait une annonce très importante. Baroness Warnock a annoncé publiquement que le comité avait fait une erreur en 1984 lorsqu'il avait affirmé que les donneurs devraient demeurer anonymes. À l'époque, les membres avaient succombé aux pressions de la profession médicale selon laquelle le bassin des donneurs allait se tarir. Or, ils se sont rendus compte que tel n'est pas le cas. À la lumière de toutes les autres recherches effectuées, ils ont compris à quel point il est important pour les gens de connaître leurs origines. Le comité s'est donc prononcé officiellement en faveur de l'accès à une information identifiante pour les personnes issues de cette technique.
Je suis désolée que le Dr Librach soit parti. Je trouve plutôt cavalier que quelqu'un lance des affirmations sans rester ensuite pour écouter ce que d'autres ont à dire. Il a affirmé clairement que les donneurs ne souhaiteraient pas être identifiés. Mais dans un article qui a récemment fait la manchette du magazine Maclean's, deux donneurs affirment publiquement qu'ils n'avaient pas d'objection à être identifiés. Un ancien donneur de notre groupe, en Colombie-Britannique, qui est à l'étranger à l'heure actuelle, a aussi été interviewé pour cet article et a déclaré qu'il était disposé à ce que son identité soit révélée.
Nous pensons qu'il y a de nombreux donneurs au Canada--et comme l'un des députés l'a dit, nous sommes un peuple très généreux--, qui sont prêts à poser un tel geste. Il faudra faire une vaste campagne d'éducation publique. Plus nous ferons une vaste oeuvre d'éducation, plus nous irons chercher de nouveaux donneurs. Comme dans les autres pays, des donneurs plus âgés, plus matures, qui ont déjà des enfants à eux, se présenteront pour faire des dons.
J'abonde dans le même sens que Jean au sujet du counselling puisque j'ai vécu cette expérience, avec mon mari, sans bénéficier de ce service. Notre médecin traitant pensait qu'il faisait du counselling, mais ce n'était pas de ce genre de conseils dont nous avions besoin. Nous avions besoin de consulter un professionnel de la santé mentale accrédité, ou quelqu'un de compétent dans ce domaine et non de l'aide d'un simple médecin pour discuter de questions psychosociales très complexes.
J'ignore s'il convient que je commente maintenant l'article 16. Il vient de me sauter aux yeux et je ne suis pas certaine de bien le comprendre. On parle de détruire des renseignements, pour autant qu'on ait l'autorisation des donneurs. Je m'inquiète beaucoup que l'on envisage de détruire quelque renseignement que ce soit ayant trait à la création d'êtres humains par l'entremise de ces technologies.
Voilà qui m'amène à un autre aspect que les personnes de mon groupe m'ont demandé d'évoquer encore une fois aujourd'hui. Que peut faire le projet de loi pour garantir la sécurité des dossiers qui existent actuellement dans les bureaux de médecin concernant leurs enfants? À moins que le gouvernement prenne position en disant qu'aucun dossier actuellement dans un bureau de médecin ne peut être détruit--puisqu'ils ne relèveront pas de ce nouveau système, quelle qu'en soit la configuration--, ces parents craignent que les renseignements disponibles sur leurs enfants ne disparaissent.
º (1635)
Au paragraphe 18(4), on stipule que si deux personnes sont fondées à croire qu'elles sont parentes, elles pourront communiquer avec cette agence, qui leur dévoilera les renseignements pertinents. Encore une fois, cela a une saveur orwellienne. Si l'information en question est gardée quelque part, il est plutôt humiliant pour ces personnes de ne pas avoir accès à des renseignements qui, d'après eux, leur appartiennent.
La présidente: Madame Pratten, je vais devoir interrompre votre exposé car votre temps de parole est écoulé. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à Mme Priestman, analyste de recherche au Centre pour la défense de l'intérêt public.
Madame Priestman.
Mme Kathleen Priestman (analyste de recherche, Centre pour la défense de l'intérêt public): « Comme vous venez de le dire, je travaille pour une organisation non gouvernementale. Nous travaillons dans le domaine de la protection de la vie privée depuis un certain nombre d'années, notamment dans le dossier de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.
Plus récemment, depuis environ un an, mon domaine d'intérêt et de recherche est d'examiner les répercussions de cette loi, et aussi d'autres lois en préparation dans le domaine de la santé, sur la protection des renseignements personnels dans le domaine de la santé; ce qui va se passer quand nous créerons des bases de données électroniques, etc.
C'est donc avec beaucoup d'intérêt que j'ai examiné l'interaction entre le rapport du comité et l'article 14 et les articles suivants du projet de loi C-56 qui portent sur la proteciton des renseignements personnels et l'accès à l'information. D'après mon évaluation, il semble que le comité ait obtenu à peu près ce qu'il voulait, à l'exception de l'anonymat du donneur, ce qui est pourtant nécessaire. D'après ma lecture du projet de loi, rien n'empêche les gens qui veulent faire un don et être connus des descendants de révéler des renseignements personnels. La loi n'interdit pas de donner son consentement pour révéler des renseignements personnels. Dans sa formulation actuelle, le projet de loi permet seulement à ceux qui souhaitent faire un don anonyme de conserver l'anonymat.
Au sujet des renseignements sur la santé, le projet de loi comporte beaucoup de... vous savez, il faudra voir ce qu'il y aura dans le règlement. Nous ne savons pas encore exactement à quoi nous en tenir, car le règlement n'est pas encore rédigé. On ne sait pas exactement comment fonctionnera le registre de la santé. Mais j'ai bon espoir que le projet de loi représente un très bon point de départ pour ce qui est de donner aux enfants l'information qu'ils doivent connaître sur l'origine de leurs parents, etc.
Cependant, lorsque les donneurs consentent à révéler leur identité, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible pour une personne qui demande l'insémination artificielle de demander à connaître l'identité de la personne qui a déjà donné son consentement pour que son identité soit connue. Ce serait le cas si, en fait, les parents avaient réclamé un don sans anonymat. Le projet de loi ne l'interdit pas. Il prévoit cette possibilité, tout en maintenant la possibilité de faire un don anonyme. C'est probablement parce que l'on s'inquiète de l'épuisement éventuel du bassin de donneurs.
Si je peux commenter ce que Shirley a dit au sujet de la destruction des dossiers, d'après ce que j'ai lu, l'organisme qui doit être créé par ce projet de loi ne sera pas visé par cette mesure. Il n'aura donc pas le droit de détruire des dossiers. Cela n'empêche pas que des dossiers de donneurs pourront être détruits dans des bureaux de médecin. Mais pour les futurs donneurs, en tout cas, il semble qu'il y ait dans le projet de loi des mesures interdisant de détruire les renseignements. En effet, ces renseignements doivent être envoyés à l'agence, laquelle n'a pas le droit de les détruire. Il me semble que les donneurs peuvent demander la destruction des renseignements qui sont entre les mains d'autres personnes ou des cliniques de traitement de l'infertilité, de manière que l'on ne puisse conserver ces renseignements au dossier. On suppose que c'est parce que l'on n'a pas confiance, que l'on ne croit pas que cette information sera suffisamment bien protégée, etc.
º (1640)
Le fait que l'on veuille que les renseignements soient disponibles pour les enfants ne veut pas nécessairement dire que l'on veut que tous sachent ce qui se passe. Le droit à la vie privée doit être respecté. J'imagine que c'est pour cette raison que le projet de loi a été rédigé de cette façon.
De façon générale, je trouve que les dispositions sur la communication des renseignements sont excellentes pour ce qui est de protéger les renseignements de base, les renseignements anonymes. Les dispositions sur le consentement permettent aux donneurs de se faire connaître aux enfants, quand ceux-ci atteignent l'âge voulu, d'une manière assez simple. Il semble que le projet de loi donne suite de manière très satisfaisante aux préoccupations exprimées par le comité.
Quant aux préoccupations qui ont été formulées à propos d'une disposition rendant obligatoire l'anonymat ou le caractère public du don, cela pose évidemment des questions éthiques d'une portée immense. Je n'ai pas le sentiment d'avoir la réponse à ces questions. Mais je dirais qu'il ne faut pas perdre de vue qu'il nous est impossible de garantir une telle ouverture dans les autres cas de figure en matière de procréation. Nous n'avons pas le droit de savoir qui sont nos parents biologiques, même si nous vivons avec eux. Je veux dire par là qu'il y a bien des gens qui, pour des raisons familiales ou autres, ne révèlent pas à leurs enfants tout ce qu'ils savent sur leur hérédité. Je ne dis pas que c'est mauvais dans un cas ou dans l'autre, mais que nous devons faire preuve d'une certaine prudence en rédigeant le projet de loi, afin d'éviter d'utiliser le mot droit, ce qui imposerait des changements en profondeur dans la manière dont nous envisageons le fonctionnement fondamental de la famille. En droit de la famille, les parents de fait ont certains domaines dans lesquels nous ne nous ingérons pas. Je pense que nous devons envisager de maintenir ces domaines réservés, peu importe quelle méthode a été utilisée pour la conception.
Je veux seulement réitérer les points précis sur lesquels on m'a demandé de me prononcer aujourd'hui, à savoir les aspects dont le comité a demandé que l'on traite dans le projet de loi. Il me semble que l'on peut dire catégoriquement que la plupart de ces aspects ont bel et bien été inclus. Les autres témoins d'aujourd'hui ont invoqué une foule d'arguments en faveur du caractère public du don, affirmant que ce devrait être obligatoire. Je dis seulement qu'il y a aussi d'autres possibilités.
º (1645)
La présidente: Merci, madame Priestman.
Nous allons maintenant entendre Juliet Guichon, de l'Université de Calgary.
Madame Guichon.
[Français]
Mme Juliet Guichon (recherchiste principale, Bureau de bioéthique médicale, Faculté de médecine, Université de Calgary): Bonjour et merci beaucoup de votre invitation.
[Traduction]
Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je voudrais commenter brièvement le témoignage du Dr Librach. Son analyse éthique est incomplète, parce qu'il n'est tout simplement pas vrai que l'existence d'une demande pressante d'une certaine pratique peut, en soi, justifier la légitimité de cette pratique. Et je trouve inquiétant qu'il qualifie les femmes enceintes de porteuses. Je trouve que c'est révélateur du peu d'attention qu'il a accordé à leurs intérêts dans son évaluation de la validité de la pratique en question.
Mais vous m'avez fait venir ici pour traiter d'une question précise, à savoir les dépenses dans les arrangements de maternité de substitution. Est-ce une bonne idée de rembourser les dépenses assorties d'un reçu? Je réponds à cette question de la façon suivante. Dans la plupart des cas, les dépenses assorties d'un reçu seront probablement utilisées pour rabaisser la dignité humaine. Mais il pourrait y avoir de rares cas dans lesquels la dignité humaine n'est pas menacée; par conséquent, il pourrait être sage de prévoir la possibilité de tels cas rares par une rédaction soigneuse de la loi.
Les trois documents législatifs qui nous ont amenés dans la situation présente—à savoir le projet de loi de M. Rock—votre rapport de décembre, et l'actuel projet de loi C-56, sont tous fondés sur un principe fondamental qui est celui-ci: la procréation assistée doit se faire de manière à protéger et promouvoir la dignité humaine. Pour protéger et promouvoir la dignité humaine dans les cas de maternité de substitution, une bonne loi doit faire deux choses, dans l'ordre suivant: premièrement, empêcher la réifictaion de l'enfant; et deuxièment, préserver l'autonomie des femmes.
La pratique de la maternité de substitution rémunérée et commerciale transforme les enfants en objets. Les trois documents législatifs réagissent à cette possibilité en interdisant la maternité de substitution rémunérée et commerciale, et je souscris à cette interdiction.
Préserver l'autonomie des femmes est peut-être plus controversé. Certaines personnes croient et sont même profondément convaincues que de choisir avant même la conception d'abandonner son enfant au moment de la naissance représente pour une femme l'affirmation de son indépendance. J'ai personnellement de graves doutes à ce sujet. Je crois que l'autonomie comporte deux éléments essentiels. Pour être autonome, il faut premièrement avoir la capacité de décider seul, et deuxièmement, ne pas être empêché de décider seul. Et les gens ont plutôt tendance à s'attarder au deuxième élément, à savoir les contraintes extérieures, par opposition à la capacité interne.
Permettez-moi de vous donner un exemple qui, je l'espère, vous apparaîtra instructif et pas banal. On pourrait très facilement dire d'un enfant normal âgé de 12 ans qu'il est suffisamment autonome pour faire ses devoirs. L'enfant a la capacité de décider seul de la façon de s'y prendre, et personne n'empêche l'enfant de se mettre à la tâche. Les parents de l'enfant peuvent sourire devant une telle affirmation parce qu'ils savent mieux que quiconque que la raison pour laquelle l'enfant a la capacité de décider seul de la façon de faire ses devoirs, la raison pour laquelle l'enfant est indépendant, c'est que l'extraordinaire dépendance initiale de l'enfant envers eux a été acceptée et nourrie. La toile de relations dans laquelle l'enfant est né a soutenu l'enfant et l'a amené à acquérir une maturité suffisante pour pouvoir maintenant agir avec une certaine indépendance.
Mais imaginez qu'une tragédie cause subitement la mort des parents. L'enfant serait-il alors suffisamment autonome pour faire ses devoirs? Il n'y aurait probablement aucune contrainte extérieure, mais le bouleversement affectif interne de l'enfant serait probablement tel que l'enfant en perdrait la capacité de se mettre à la tâche. Cet amoindrissement de capacité persisterait pendant un certain temps.
Voici où je veux en venir: l'autonomie exige non pas seulement l'absence de contraintes externes, mais aussi l'existence d'une toile de relations qui nourrit et continue de nourrir une personne. Une telle compréhension de l'autonomie reconnaît que les êtres humains ne sont pas essentiellement rationnels et déconnectés, mais incarnés, émotifs et enchevêtrés dans des relations humaines.
Pour cette raison, et à cause de cette compréhension de l'autonomie, je trouve troublant d'entendre des gens soutenir que la pratique de la maternité de substitution favorise l'autonomie des femmes. À mon avis, cette pratique a habituellement pour effet de compromettre gravement l'autonomie, parce que la maternité de substitution est conçue pour rompre la relation la plus profonde qui existe dans la société humaine, celle entre la mère et l'enfant. La perte d'un enfant, même une perte délibérée, est un dur coup dont une mère doit se remettre. Il est difficile de voir en quoi une telle perte peut promouvoir l'autonomie d'une femme.
Il est pourtant possible qu'un certain arrangement en vue d'une maternité de substitution n'entraîne pas la rupture de cette relation. Je songe aux cas très rares où la femme porteuse est la mère ou la soeur de l'éventuelle mère adoptive. En pareil cas, il est possible, mais nullement certain, que l'enfant ne sera pas transformé en objet et que l'autonomie de la mère porteuse ne soit pas compromise. Car dans un tel cas, l'enfant demeure habituellement après sa naissance dans la toile de relations qui a soutenu et continue de soutenir à la fois la mère porteuse et l'enfant.
º (1650)
En pareil cas, serait-il mauvais de permettre aux personnes qui ont l'intention d'élever l'enfant de payer les vitamines et les vêtements de maternité de la femme enceinte? Je vais être franche. Le mot «dépenses» et les mots «dépenses assorties d'un reçu» peuvent être trompeurs. Si vous, en tant que législateurs, permettez le paiement des dépenses, vous ouvrez peut-être la porte à des paiements pouvant atteindre 50 000 $ pour la nourriture, le logement, la perte de revenus, le transport, les vêtements de maternité, et même la douleur et les souffrance, etc.
Cela peut créer un problème, les soi-disant remboursements de dépenses pouvant constituer des encouragements financiers à conclure un arrangement, autorisant ainsi par la bande ce qu'on interdit explicitement.
Le projet de loi de M. Rock, le rapport de votre comité, et le projet de loi C-56 de Mme McLellan ont tous cherché à interdire les encouragements financiers explicites. On peut aisément démontrer que c'est une bonne chose en prenant le cas hypothétique d'une femme de 19 ans, cas inspiré d'une affaire réelle survenue en Floride.
Une jeune mère célibataire a peu de débouchés économiques autres que des emplois au salaire minimum. Cette femme de 19 ans veut rester à la maison avec son jeune enfant. Elle est touchée par des émissions de télévision diffusées pendant la journée qui présentent sous un jour favorable la maternité de substitution. Elle offre d'être mère porteuse contre paiement des dépenses, car celles-ci engloberont, ce qui est très utile, la nourriture et le loyer de la maison mobile dans laquelle elle habite.
Dans ce cas, une offre de défrayer ses dépenses pourrait légitimement être considée comme une offre visant à l'encourager à devenir enceinte aux fins de rompre ensuite la relation avec son enfant. Indépendamment de la façon dont cet arrangement pourrait influer sur la dignité de l'enfant, ce qui est en soi une considération importante, l'arrangement soulève de sérieuses questions relativement à l'indépendance de la mère porteuse éventuelle, car il est clair qu'à la naissance de l'enfant, elle pourrait souhaiter garder l'enfant et elle pourrait avoir le sentiment qu'elle ne le peut pas à cause de la promesse faite antérieurement et, encore plus important, parce qu'elle n'aurait pas suffisamment d'argent pour élever un deuxième enfant.
Le paiement des dépenses assorties de reçus pourrait, en pareil cas, être considéré comme une incitation à conclure l'arrangement et une atteinte à la dignité humaine de l'enfant et de la mère. D'autre part, il est possible, dans le cas hypothétique que j'ai présenté tout à l'heure, que les dépenses ne constituent pas une incitation, mais seulement une compensation. Revenons encore une fois au cas de la mère ou de la soeur qui, après mûre réflexion, souhaite permettre à sa fille ou à sa soeur de concevoir un enfant. Dans de tels cas, qui selon mes recherches sont très rares, l'enfant n'est pas transformé en objet parce qu'il n'y a pas échange d'argent, en ce sens que ce n'est pas l'argent qui est l'élément moteur de l'entente, et l'indépendance de la mère porteuse ne sera pas nécessairement menacée par la rupture des relations avec l'enfant. On peut espérer que la mère porteuse continuera d'avoir des relations avec l'enfant, quoiqu'il s'agira de relations inhabituelles, la femme étant à la fois grand-mère et mère, ou tante et mère. La toile des relations familiales serait différente de celle à laquelle nous sommes généralement habitués, mais cette toile ne serait pas déchirée, comme c'est habituellement le cas dans les affaires typiques de maternité de substitution.
Donc, lorsque la dignité humaine n'est pas en danger, il pourrait y avoir place pour une disposition prévoyant le paiement des dépenses constituant non pas un encouragement, mais plutôt une compensation légitime.
Comment le législateur permettra-t-il cette possibilité tout en reconnaissant de façon réaliste l'évidence? De tels cas seront rares. Votre préoccupation envers les personnes vulnérables et votre malaise devant la poursuite de l'intérêt dicté par le profit sont habituellement pleinement justifiés.
Il me semble que vous pourriez faciliter les rares cas familiaux tout en continuant d'empêcher les cas les plus typiques de réification et d'atteinte à l'autonomie en adoptant un amendement à l'article 12 du projet de loi C-56 qui se lirait à peu près comme suit:
12(3) Il est interdit de rembourser à une mère porteuse les frais qu'elle a engagés ou de permettre à un organisme chargé de l'octroi d'autorisation de rembourser ces frais, sauf si l'Agence a obtenu d'un professionnel compétent des informations sur la situation particulière de la future mère porteuse avant la grossesse, et est convaincue, au-delà de tout doute raisonnable, que la promesse du remboursement des frais sur présentation de reçus n'a pas incité la mère à devenir enceinte. |
Autrement dit, l'agence pourrait parfois autoriser le remboursement des frais sur présentation des reçus dans les rares cas où un professionnel a évalué la future mère porteuse avant la grossesse et a donné son opinion sur l'autonomie de la femme et sur la question de savoir si l'engagement à rembourser les frais constituerait une incitation ou une indemnisation. Dans les cas où l'agence aurait la certitude que la femme agit de façon indépendante et que le paiement constitue en fait une indemnisation et non pas une incitation, l'agence pourrait autoriser le remboursement des frais sur présentation d'un reçu.
º (1655)
Un avantage de cette proposition est que l'envoi d'un professionnel pour évaluer la future mère porteuse permettrait d'intervenir non seulement aux fins de cette évaluation, mais aussi pour rendre service à la mère.
Prenons encore une fois le cas de la mère célibataire de 19 ans. La professionnelle qui la rencontrerait, qui serait je présume une travailleuse sociale, serait à même de lui proposer d'autres possibilités financières. Cette intervention, il faut l'espérer, favoriserait l'indépendance de la jeune femme. Idéalement, une telle intervention fournirait à la femme des renseignements pratiques et des encouragements lui permettant de conserver des relations avec son enfant et de l'élever, sans qu'il soit nécessaire de créer puis de rompre un lien avec un deuxième enfant.
Dans le dossier du remboursement des frais sur présentation de reçus, je vous recommande de procéder avec prudence. Il serait sage d'exclure les incitations financières qui portent atteinte à la dignité humaine, mais il y aurait peut-être lieu d'autoriser une indemnisation dans les rares cas où la dignité humaine n'est pas menacée.
Pour toutes ces raisons, madame la présidente, je propose respectueusement de modifier l'article 12 du projet de loi C-56 par l'adjonction d'un paragraphe disposant que l'agence peut autoriser, sur présentation de reçus, le remboursement des frais lorsqu'un professionnel a évalué la situation avant la grossesse et peut attester en toute confiance, en se fondant sur une preuve solide, que le remboursement des frais sur présentation de reçus constituerait une indemnisation, mais n'inciterait pas une femme à devenir une mère porteuse.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci, madame Guichon.
Notre dernier témoin sera Heather Brooks, de Xytex Canada.
Merci.
Mme Heather Brooks (coordonnatrice des services, Xytex Canada Inc.): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter le point de vue d'une banque de sperme sur le projet de loi C-56 et vos recommandations.
Je m'appelle Heather Brooks. Je suis infirmière autorisée. Mon titre est coordonnatrice des services au Canada pour Xytex Canada et sa société mère, la Xytex Corporation. À titre d'infirmière dans le domaine de la reproduction humaine assistée, j'ai travaillé avec des centaines de patients qui ont eu recours à l'insémination artificielle pour fonder une famille. J'ai moi-même déjà souffert d'infertilité et je comprends leur désir et leur volonté d'utiliser tous les moyens pour fonder une famille.
Les patientes de l'insémination par donneur proviennent de tous les secteurs de notre société. Nous devons nous souvenir que les lois que nous adoptons auront des répercussions énormes sur toutes les parties concernées.
Aujourd'hui, je viens vous parler de deux sujets mentionnés dans le projet de loi C-56, l'anonymat et la rémunération des donneurs de sperme. Bien que ces deux sujets portent sur des questions différentes, lorsqu'ils sont intégrés aux lignes directrices très strictes de Santé Canada sur la sélection des donneurs, ils risquent de nuire grandement à l'avenir de l'insémination par donneurs au Canada.
Nous craignons que, si la poursuite de l'idéalisme se fait au détriment du pragmatisme, nous perdrons bon nombre de donneurs et nos patients seront forcés de chercher des donneurs sur «le marché noir» ou à l'extérieur de nos frontières, s'adonnant ainsi au «tourisme de reproduction» que l'Europe connaît déjà. En fin de compte, nous limiterons ou éliminerons l'accès à une méthode de rechange pour les couples touchés par l'infertilité masculine ou une maladie génétique et qui souhaitent avoir un enfant.
Au sujet de l'anonymat des donneurs, le projet de loi C-56 prévoit la création d'un registre obligatoire avec divulgation facultative de l'identité des donneurs, mais Xytex Canada reconnaît que la recommandation 19 du Comité permanent réclame la divulgation obligatoire de l'identité. Nous appuyons la création d'un registre contenant les renseignements pertinents de nature médicale, mais nous nous inquiétons de l'impact de la divulgation obligatoire de l'identité et de l'accès aux donneurs. Xytex croit qu'il est important de fournir à nos patientes le plus d'information possible sur nos donneurs, afin qu'elles puissent, dès le départ, prendre une décision éclairée sur le donneur et, en temps opportun, fournir ces renseignements à leur enfant.
Notre profil supplémentaire fournit bien plus d'information que ne l'exigera probablement la réglementation, notamment une composition personnelle, une évaluation de la personnalité et une histoire sociale et médicale qui remonte jusqu'à la troisième ou la quatrième génération précédente. Depuis 1994, beaucoup de nos donneurs nous remettent volontairement des photos d'eux enfant ou adulte et, depuis 2000, quelques-uns de nos donneurs ont signé des ententes de divulgation volontaire de leur identité.
J'ai ici copie de l'un de nos profils; si cela vous intéresse, vous pourrez en prendre connaissance tout à l'heure.
Certains disent qu'il n'est pas correct de donner autant d'information, mais si nous nous fions à la réaction de nos patients et d'autres banques de sperme internationales qui commencent à suivre l'exemple de Xytex, nous sommes sur la bonne voie. N'oubliez pas cependant que nos options demeurent volontaires. À la première entrevue et à chaque don subséquent, nous demandons à nos donneurs s'ils veulent révéler leur identité ou donner des photos. S'ils le veulent, nous leur donnons des renseignements non signalétiques sur les grossesses et les naissances et, parfois, des lettres et des photos de parents reconnaissants et de leurs enfants. Dans certains cas, des donneurs auparavant anonymes que nous avons joints plusieurs années plus tard ont accepté de divulguer leur nom.
À l'heure actuelle, il existe en Amérique du Nord cinq banques de sperme qui proposent la divulgation de l'identité, et Xytex Canada est la seule dans les provinces canadiennes. Aucune des autres banques ne répond aux lignes directrices de Santé Canada en matière de test et de sélection. La divulgation obligatoire de l'identité ferait passer le nombre de nos donneurs disponibles de 45 à 10.
Vous avez entendu les témoignages des descendants de donneurs qui souhaitent la divulgation obligatoire de l'identité. N'oubliez pas que leur expérience est partiale du fait qu'ils savent peu de choses, parfois rien, sur leurs donneurs et que, dans bien des cas, c'est seulement une fois adultes qu'ils ont su qu'ils avaient été conçus grâce au sperme d'un donneur.
Xytex Canada sait très bien l'impact de la divulgation obligatoire de l'identité, car nous sommes l'un des rares fournisseurs de donneurs connus en Suisse, pays qui s'est doté récemment de règlements en ce sens. Les cliniques suisses peinent à trouver des donneurs prêts à révéler leur identité, et les patients qui ne peuvent obtenir les services de Procrea, la société suisse qui nous est affiliée, se tournent vers le Danemark, l'Espagne et d'autres pays où les lois sont moins restrictives.
» (1700)
Vous devez vous demander, lorsque vous réclamez la divulgation obligatoire de l'identité, si vous pouvez déterminer quand et comment les parents doivent révéler à leurs enfants leur origine biologique. Selon une étude publiée dans la revue de l'European Society for Human Reproduction and Embryology (ESHRE), la majorité des parents suédois ne disent pas à leurs enfants qu'ils ont été conçus grâce au sperme d'un donneur, même si la Suède a imposé la divulgation obligatoire de l'identité depuis 1985.
Les Pays-Bas ont récemment soustrait de leur système de santé l'insémination avec le sperme d'un donneur. Compte tenu de la divulgation obligatoire de l'identité et d'un remboursement de seulement 18 $ par procédure, les cliniques ont cessé d'offrir ces services précieux à leurs patients. Il est fort probable que ces patients se tournent vers la Belgique, le Danemark et la Norvège, où les règlements sont moins restrictifs. La divulgation obligatoire de l'identité au Canada empêchera les patients touchés par l'infertilité masculine ou un problème génétique de créer un enfant avec qui ils partageront un lien biologique, à moins qu'ils aient les moyens d'aller chercher ailleurs un traitement.
Le projet de loi C-56 et les recommandations de votre comité demandent que cesse la rémunération des donneurs, bien que le projet de loi C-56 accepte le remboursement de dépenses raisonnables. Certains témoins s'opposent à la rémunération ou au remboursement des dépenses des donneurs, mais une fois de plus, nous vous rappelons qu'il ne faut pas oublier la source. Ces témoins sont-ils des descendants qui n'ont pas ou qui ont très peu d'information sur leur donneur? Sont-ils mécontents que leur donneur ait été rémunéré pour son temps ou sont-ils en colère parce qu'ils ont peu d'information?
Xytex Canada estime que la rémunération du donneur ne vise pas seulement l'échantillon de sperme. Pour nos donneurs, la rémunération sous-entend un mode de vie sain, des visites régulières, l'abstinence et des tests fréquents. Ils doivent remplir toute la documentation requise, rédiger une composition, dresser le portrait de leur famille et procéder aux mises à jour régulières. Comme vous pouvez le constater, l'échantillon de sperme n'est qu'une petite partie du travail des donneurs de Xytex Canada.
À l'heure actuelle, Xytex Canada n'accepte que de 3 à 4 p. 100 de tous les candidats. Bon nombre de candidats sont rejetés en raison de leur âge, de problèmes de santé et, le plus important, de la qualité de leur échantillon. Mettre fin à la rémunération entraînerait une baisse de la participatioan régulière et de la qualité des échantillons. Nous réussissons encore à recruter quelques donneurs, mais vous devez comprendre qu'il n'existe qu'une poignée d'entreprises qui recrutent au Canada et deux seulement, Xytex et Fairfax, qui s'approvisionnent à l'extérieur du Canada. Étant donné les lignes directrices de Santé Canada--les plus sévères au monde--et le fardeau supplémentaire de la non-rémunération, nous doutons qu'un nombre suffisant de donneurs canadiens, ayant du sperme et un dossier médical satisfaisants, puissent être recrutés. Encore une fois, certains patients touchés par l'infertilité masculine ou un problème génétique seront forcés d'aller sur le «marché noir» ou de se rendre aux États-Unis ou ailleurs pour y subir un traitement.
On a beaucoup dit et écrit sur les donneurs de sperme, les comparant même aux donneurs de sang. Mais il ne faut pas comparer des pommes et des oranges. Les donneurs de sperme créent la vie; les donneurs de sang, eux, la sauvent. Il y a rarement un lien entre le donneur de sang et le bénéficiaire, mais de nos jours, beaucoup de nos donneurs de sperme connaissent leurs descendants et même, restent en contact avec eux directement ou par notre entremise.
La société Xytex Canada garantit aux enfants qui ont vu le jour grâce à elle qu'ils auront accès à de l'information sur le donneur, parfois à une photo et à une vidéo. Il est toutefois trop tôt pour prédire l'impact de cet accès. Voudront-ils en savoir davantage?
Nous continuons de chercher activement des donneurs qui sont prêts à rencontrer leurs descendants et à fournir une photo ou une vidéo, mais nous n'arriverons pas à assurer à notre clientèle actuelle des échantillons de qualité de donneurs acceptables si on nous impose la divulgation obligatoire de l'identité des donneurs et qu'on nous interdit de les rémunérer.
Xytex Canada et Xytex Corporation se dirigent plus rapidement et avec plus de succès vers un système ouvert avant et après la conception que toute autre banque de sperme au monde. Notre secret? Donner le choix à nos donneurs dès le départ, les encourager et valoriser leur contribution, et faire en sorte que leur participation soit ancrée dans la réalité en leur donnant de l'information sur les parents et leurs descendants.
Dans un monde idéal, nous pourrions recruter un nombre illimité de donneurs prêts à révéler leur identité, inspirés par un noble sentiment d'altruisme. Malheureusement, la réalité est que, à l'heure actuelle, il y a en Amérique du Nord 50 donneurs prêts à divulguer leur nom, même si on leur propose de les rémunérer ou de les défrayer de leurs dépenses. Ces donneurs participent à des programmes où la divulgation est volontaire. Parmi eux, seulement huit sont disponibles au Canada, et tous par l'entremise de Xytex Canada.
Nous vous demandons, nous vous supplions de parvenir à un équilibre entre le droit des enfants et ceux des patients partout au Canada, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique, qui souhaitent désespérément fonder une famille, mais ne le peuvent en raison de l'infertilité masculine ou d'une maladie génétique. Il faut atteindre un équilibre entre l'idéalisme et le pragmatisme en adoptant une loi qui réponde aux espoirs de demain tout en tenant compte de la réalité d'aujourd'hui.
» (1705)
La présidente: Merci, madame Brooks.
Cela met fin aux exposés de nos témoins. Il nous reste 20 ou 25 minutes. Je propose que ceux qui n'ont pas encore posé de questions aient au moins cinq minutes avant que l'on donne la parole à ceux qui ont déjà eu leur tour.
Je vais commencer par M. Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Ce qui m'intéresse, c'est toute l'idée de l'anonymat des donneurs. J'ai une seule question et elle sera courte.
Je suis très favorable à l'idée qu'on lève le caractère facultatif de la divulgation concernant les dons de sperme. Nous avons eu deux séances d'échange avec les fonctionnaires, et l'argument qui revenait le plus souvent, c'est que si le gouvernement fédéral inscrivait dans sa loi l'obligation de divulguer l'identité du donneur, cela pourrait avoir des incidences financières concrètes dans le domaine du droit de la famille des provinces, par exemple au niveau des obligations, des pensions alimentaires, des études et ainsi de suite. C'est la raison pour laquelle le gouvernement fédéral n'est pas allé dans cette direction.
Comment réagissez-vous à cet argument et quel contre-argument nous proposez-vous? J'adresse ma question à Mme Haase et à tous ceux qui veulent me répondre.
» (1710)
[Traduction]
Mme Shirley Pratten: Je vous demanderais de répéter la question. Je l'ai comprise en partie, mais je ne suis pas certaine d'avoir tout à fait compris la question.
La présidente: Monsieur Ménard, veuillez poser votre question d'un seul jet. Je ne comprenais pas moi non plus où vous vouliez en venir.
[Français]
M. Réal Ménard: C'est très simple. Je veux savoir la raison pour laquelle le gouvernement fédéral n'a pas inscrit dans la loi l'obligation de divulguer l'identité des donneurs. Cela aurait des conséquences dans le droit de la famille des provinces, au niveau des pensions alimentaires, du droit à l'éducation et de plein d'autres réclamations à caractère financier. Que pensez-vous de cet argument et quel contre-argument nous suggérez-vous? Je pense que cette question est très claire.
[Traduction]
Mme Shirley Pratten: En fait, je voulais justement aborder cela également pendant mon intervention. Le comité permanent, dans ses recommandations, a dit très clairement que dans le cadre de l'adoption d'un système ouvert, il faudrait que toutes les provinces révisent leur loi pour protéger les donneurs, légalement et financièrement. Le Yukon, Terre-Neuve et le Québec l'ont déjà fait. Les autres provinces ne l'ont pas fait.
Le problème est double, parce que cela non seulement protège le donneur contre une éventuelle responsabilité financière et juridique, mais légalise le statut de parent du père infertile, parce que techniquement, ces enfants ont deux pères jusqu'à ce que la question soit tirée au clair.
Donc, oui, nous avons remarqué que le projet de loi ne dit mot sur la réforme du droit. Il me semble que si trois provinces l'ont fait, toutes les autres provinces devraient pouvoir le faire également. Ce sont des modifications législatives très simples.
La présidente: Mme Guichon voudrait répondre à cette question elle aussi.
Mme Juliet Guichon: Je pense qu'il est juste de dire qu'Ottawa établira la politique générale sur cette question. Il faut espérer que les provinces suivront assez rapidement parce que le droit de la famille est de leur ressort et que cela ne relève évidemment pas des compétences du gouvernement fédéral. Je pense qu'une fois que la politique sera établie clairement et assortie de certains principes directeurs, le droit familial sera mis à jour.
Il y a déjà beaucoup d'incohérences. Par exemple, en Alberta, la Parentage and Maintenance Protection Act permet à une femme qui est enceinte d'un homme qui n'est pas son mari, de s'adresser aux tribunaux pour forcer ce dernier à payer ses dépenses. Cette loi est actuelement invoquée pour faciliter les ententes de maternité de substitution et le remboursement des dépenses dans le cadre de telles ententes.
Donc, à l'heure actuelle, il y a une loi qui a été adoptée à une fin précise et convenue, mais qui est invoquée et utilisée à d'autres fins qui n'étaient pas prévues. Je pense que la plupart de vos interventions auront des conséquences qui se manifesteront en cascade et dont il faudra s'occuper.
[Français]
M. Réal Ménard: On ne répond pas à ma question. Je veux qu'on se comprenne. Le gouvernement fédéral ne peut pas intervenir dans le domaine du droit de la famille.
Mme Juliet Guichon: Je sais.
M. Réal Ménard: À ce que vous demandez, le gouvernement fédéral répond que s'il le faisait, il interviendrait dans un champ de compétence des provinces. Tout ce que vous m'avez dit jusqu'à présent donne raison au gouvernement fédéral. Vous dites qu'en Alberta, il y a des causes où il y a des réclamations de pensions alimentaires.
Donc, le système ouvert que vous souhaitez et que la majorité des membres du comité souhaitent ne peut pas venir du gouvernement fédéral pour les raisons dont on discute. Tous vos arguments donnent raison au gouvernement fédéral.
[Traduction]
Mme Juliet Guichon: Je pense que vous pourrez intervenir en invoquant le droit criminel et les pouvoirs relatifs à la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Vous établirez alors une politique claire et les provinces réagiront, en conformité de votre politique, parce que vous aurez tiré au clair les épineuses questions dans le domaine de l'éthique. Elles ne voudront pas y toucher; elles voudront tourner la page.
La présidente: Merci, monsieur Ménard.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame Haase, pendant votre exposé, vous avez évoqué une situation où une patiente ou un donneur estimait subir des pressions et n'était pas pleinement informé. Cette question est très importante, je veux dire l'idée du consentement volontaire éclairé, etc.
J'ignore si vous avez réfléchi au projet de loi dans ce contexte plus général, mais dans quelle mesure est-il important que les gens sachent tout, y compris les statistiques, pour qu'il n'y ait aucune répercussion quand ils apprendront la vérité ultérieurement? Dans quelle mesure les détails sont-ils importants?
Mme Jean Haase: C'est absolument crucial, parce qu'à moins d'avoir tous les renseignements, toutes les pièces du casse-tête, à moins qu'on en discute et qu'on examine la question avec eux sous tous les angles, ils fondent leur décision sur une information partielle.
Les répercussions de ces technologies ne sont pas toutes d'ordre médical, loin de là. Si l'on ne discute pas des questions psychologiques, affectives, juridiques, éthiques et relatives à la famille, les gens ne donnent pas un consentement vraiment éclairé. Je trouve que cela s'applique aux donneurs tout autant qu'aux receveuses.
À l'heure actuelle, presqu'aucun donneur de sperme ne reçoit...
» (1715)
M. Paul Szabo: Ce même argument s'applique-t-il à celles qui ont discuté la possibilité de faire don de leurs embryons de surplus à des fins de recherche?
Mme Jean Haase: Dans notre clinique, avant même de procéder à la FIV, on leur demande ce qu'elles veulent faire au cas où il y aurait des embryons de trop. La psychologue ou moi-même discute de la question avec la patiente.
M. Paul Szabo: Je ne suis pas sûr que Jean ou Shirley veulent répondre à cette question, mais dans le cas d'une maternité de substitution, on prélève un ovule d'une femme. Prélève-t-on habituellement un seul ovule, celui qui est produit chaque mois par le corps de la femme, ou bien a-t-on l'habitude d'en prélever plusieurs?
Mme Jean Haase: Nous ne faisons pas de maternité de substitution à notre clinique, mais je peux vous dire que personne ne bénéficie de la FIV sans prendre des médicaments qui stimulent l'ovulation, parce que le but est d'obtenir que la femme produise de multiples ovules.
M. Paul Szabo: Donc, si une femme veut faire don d'un ovule, elle n'en donne pas seulement un. Nous allons empiéter sur...
Mme Jean Haase: La donneuse passe par le même processus que pour avoir son propre enfant. On stimule l'ovulation.
M. Paul Szabo: Si quelqu'un veut donner un ovule à des fins de maternité de substitution, une femme qui n'a pas d'utérus, mais qui a des ovules sains...
Mme Jean Haase: Vous voulez dire une femme qui veut recevoir un ovule d'une donneuse parce qu'elle n'a pas d'ovaire ou d'ovule?
M. Paul Szabo: Oui. Si une femme veut faire don d'un ovule en vue d'une maternité de substitution, cet ovule est-il prélevé de la même manière qu'il le serait pour la fécondation in vitro, avec médicaments, ovules multiples, etc.?
Mme Jean Haase: Oui, je crois que le processus est le même, peu importe que ce soit pour un don d'ovules ou pour une maternité de substitution.
M. Paul Szabo: Donc la mère porteuse recevrait de multiples ovules?
Mme Jean Haase: On lui implanterait probablement plus qu'un embryon, oui.
M. Paul Szabo: Ce serait la même chose que la FIV.
Madame Brooks, vous avez dit que seulement 2 à 3 p. 100 de vos donneurs sont acceptés. Cela vaut-il autant pour le sperme que pour les ovules?
Mme Heather Brooks: Non, nous sommes seulement une banque de sperme; nous avons seulement des donneurs de sperme.
M. Paul Szabo: Achetez-vous aussi des embryons?
Mme Heather Brooks: Non.
M. Paul Szabo: Vous ne vendez pas d'embryons.
Mme Heather Brooks: Non, monsieur.
M. Paul Szabo: Si quelqu'un veut donner de son sperme, lequel est, comme vous le dites, d'une qualité suffisante, combien reçoit-il pour donner un échantillon de sperme?
Mme Heather Brooks: Les donneurs sont payés 65 $ pour un don.
M. Paul Szabo: À quelle fréquence peuvent-ils faire un don?
» (1720)
Mme Heather Brooks: Ils doivent être abstinents pendant deux à trois jours et ils peuvent donc venir seulement deux ou trois fois par semaine.
M. Paul Szabo: Combien vendez-vous le sperme?
Mme Heather Brooks: Les échantillons varient selon qu'ils sont déjà préparés en vue de leur utilisation ou bien ce que nous appelons un échantillon brut non préparé. Actuellement, les prix courants varient entre 300 $ et 380 $.
M. Paul Szabo: Voici ma dernière question. Il semble y avoir consensus pour dire que le projet de loi est une atteinte à la dignité de la personne humaine et de l'enfant et qu'il s'oriente peut-être vers un modèle plutôt mécanique applicable à des entités biologiques inanimées. Pendant que vous êtes là, je voudrais vous demander s'il y a quoi que ce soit d'autre dans ce projet de loi qui devrait être modifié à votre avis?
Je sais que Shirley l'a déjà dit, et je pense que Phyllis l'a dit aussi, au sujet de la dignité de l'être humain. C'était une flèche décochée contre Santé Canada.
Mme Shirley Pratten: Oui. Il est certain que les grandes questions pour nous étaient celles que j'ai mentionnées, au sujet de la santé, du bien-être affectif et physique et de la dignité des descendants. Pour nous, c'est essentiellement lié à l'anonymat et à la commercialisation. À cause du paiement, beaucoup d'enfants estiment que de l'argent a été versé pour leur création et cela leur laisse une mauvaise impression.
La présidente: Merci.
Madame Thibeault.
[Français]
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Merci, madame la présidente.
Madame Creighton, j'ai entendu aujourd'hui deux ou trois personnes différentes dire qu'en général, les mères porteuses étaient des femmes qui avaient déjà des familles. Est-ce que j'ai bien compris? Est-ce général ou s'il arrive qu'une jeune fille, pour une raison ou pour une autre, devienne mère porteuse?
Mme Phyllis Creighton: Je crois bien que la plupart des mères porteuses ont déjà des familles. Il y a des avantages à avoir déjà des enfants parce qu'on connaît à ce moment-là tout le processus.
Mme Yolande Thibeault: Vous avez aussi parlé du dommage à l'âme humaine de la mère porteuse que causait souvent ce genre de procédure. Je me demandais donc s'il y avait des femmes très jeunes, sans famille elles-mêmes, qui passaient par ce processus et je me disais que ce serait encore beaucoup plus dommageable pour une femme qui n'a jamais eu d'enfants.
Mme Phyllis Creighton: Se séparer de son enfant, c'est détruire des moyens de nourrir la civilisation. Une jeune femme ne peut pas concevoir ce que cela va lui coûter. Une femme qui a déjà des enfants ne le peut pas non plus.
Mme Yolande Thibeault: On a vu aux États-Unis des films qui montraient des jeunes filles qui étaient prêtes à porter un enfant pour un autre couple pour des considérations pécuniaires importantes. C'était juste un commentaire. Je veux vous dire que je suis tout à fait de votre avis. Tout ce domaine me répugne infiniment. Je voudrais que cela soit banni à jamais.
[Traduction]
Mme Phyllis Creighton: Je voudrais dire que, si nous voulons parler d'édification des familles, nous devons faire preuve de beaucoup plus d'imagination. Il nous faut plus d'imagination sur le plan moral. On ne bâtit pas des familles solides sur des mensonges. Une famille n'est pas solide si certains enfants ne sont pas traités exactement sur un pied d'égalité avec les autres enfants. Cela sape fondamentalement la notion selon laquelle chaque enfant compte lorsque l'on fait commerce de la grossesse.
Je ne suis absolument pas d'accord avec Juliet. Je crois qu'il n'y a aucun argument valable en faveur du paiement, parce que je pense que l'on verra ce mot trompeur et l'on croira qu'il faut y aller graduellement. Les situations qu'elle décrit donneront lieu à des élans de générosité. Et je crains beaucoup que le droit des donneurs à la vie privée... Sur quoi se fonde le droit d'un donneur à la vie privée?
Je suppose que vous n'ignorez pas--je vous l'ai d'ailleurs signalé quand je vous ai fait parvenir un mémoire--qu'il y a d'autres gouvernements, notamment celui de l'Autriche, qui ont interprété l'article 7 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant en exigeant que l'on fournisse à l'enfant des renseignements sur l'identité. Vous savez probablement qu'il y a des maladies à apparition tardive qui rendent très important le contact continu avec un donneur, parce que le diagnostic, le cas échéant, et le traitement dépendent de la connaissance des antécédents.
Je mets donc en doute l'étendue de notre compréhension humanitaire dans ce dossier. J'ai trouvé que le comité permanent avait vraiment fait du bon travail dans ce dossier et j'espère que vous n'y renoncerez pas maintenant.
La présidente: Merci.
Docteur Lunney.
M. James Lunney: Il nous reste très peu de temps, mais Shirley Pratten, vous avez mentionné un article sur les donneurs de sperme publié dans Maclean's. Pourriez-vous nous dire quand c'était?
Mme Shirley Pratten: Oui, c'était le 20 mai. C'est très récent. Cet article faisait la page couverture.
» (1725)
M. James Lunney: Oui, je suppose que je ne lis pas Maclean's. Quoi qu'il en soit, je vous remercie.
Je m'adresse maintenant à Heather Brooks. Depuis combien de temps Xytex a-t-elle des activités à Toronto?
Mme Heather Brooks: À Toronto, depuis deux ans. La compagnie est en activité depuis 1977.
M. James Lunney: Et où se trouve son siège social?
Mme Heather Brooks: À Augusta, en Géorgie, et ils ont aussi un bureau à Atlanta, en Géorgie.
M. James Lunney: Maintenant, en réponse à une question posée par mon collègue d'en face M. Szabo, vous avez dit que les donneurs sont payés 65 $ pour un échantillon et qu'ils peuvent donner jusqu'à trois fois par semaine. Vous vendez ces échantillons entre 300 $ et 380 $. Combien de ventes faites-vous à même un seul échantillon de sperme? Plusieurs?
Mme Heather Brooks: Cela dépend évidemment du volume éjaculé, probablement entre huit et douze.
M. James Lunney: Huit et douze échantillons, je vois, parce qu'il y a des millions...
La présidente: Et un échantillon se vend 350 $.
Mme Heather Brooks: En effet.
La présidente: Vous payez donc cette personne 65 $ et vous obtenez jusqu'à huit échantillons à partir d'un seul don.
Mme Heather Brooks: Nous devons payer toutes les vérifications que nous devons faire pour nous conformer aux règles de Santé Canada.
La présidente: Faites-vous ces vérifications dans vos locaux?
Mme Heather Brooks: Oui.
La présidente: Je m'excuse, docteur Lunney. Je trouve cela fascinant, la quantité d'argent qui change de mains.
Mme Heather Brooks: Nous payons des laboratoires privés pour tous les tests.
M. James Lunney: Merci.
J'ai ici un document intitulé «Société Xytex: Rémunération des donneurs». Reconnaissez-vous que c'est tiré de votre site Web?
Mme Heather Brooks: D'accord.
M. James Lunney: Je lis:
Le versement d'argent ne doit pas être la seule raison pour laquelle vous voulez devenir un donneur de sperme. |
On ajoute que le donneur doit:
modifier votre mode de vie pour nous faire don de votre sperme. Nous versons une indemnisation à titre d'encouragement à participer régulièrement et vous maintenir en bonne santé. Si vous êtes approuvé, vous recevrez au total 65 $ pour chaque échantillon acceptable et vous pourrez donner jusqu'à trois échantillons par semaine. La qualité de l'échantillon est fondée sur un certain nombre de variables (notamment le nombre de spermatozoïdes, la motilité et le volume). |
Maintenant, au sujet du renvoi de donneurs:
Beaucoup de donneurs couronnés de succès sont dirigés vers Xytex par leurs amis ou leurs confrères étudiants. Le renvoi de donneurs peut être une excellente source de revenu. Si vous êtes à l'aise de parler à d'autres de vos activités de donneur chez Xytex, pour chaque personne que vous dirigez vers nous et qui remplit une formule de demande, vous recevez une commission pour recommandation de 10 $, et pour chaque candidat qui devient un donneur Xytex, vous recevez une commission pour recommandation de 100 $. |
Reconnaissez-vous que tout cela provient de votre...
Mme Heather Brooks: Oui.
M. James Lunney: Je vous remercie de nous avoir décrit aussi clairement une situation que le comité voulait absolument éviter dans ce dossier. Nous sommes très préoccupés par la réification.
La présidente: Docteur Lunney, je vous demanderais de vous limiter à poser des questions.
M. James Lunney: Eh bien, je voulais seulement remercier le témoin de nous avoir dépeint un tableau aussi clair.
Je m'adresse maintenant à Mme Creighton. Je voudrais la remercier elle aussi pour les commentaires qu'elle a faits au sujet du lien entre l'enfant à naître et la mère, des relations entre l'enfant à naître et la voix, le rythme cardiaque, l'environnement usuel de la mère, et même les bruits de fond. Nous savons que l'ouïe est l'un des premiers sens à se développer dans l'utérus et que l'enfant a déjà établi un lien avec la voix de la mère et les sons qui sont présents dans l'environnement comme la circulation routière et les voix du conjoint et des autres personnes à la maison. La dépression post-partum--le chagrin, le regret, le sentiment de deuil, etc., qui sont associés à la séparation de la mère et de l'enfant--peut durer pas mal d'années même dans un cas comme celui-là. J'aimerais la remercier de nous avoir présenté tout cela.
Vous avez dit que vous n'êtes pas contente de certains changements qui ont été apportés entre la présentation de notre rapport et le projet de loi. Quelles modifications voudriez-vous voir apporter au projet de loi? Avez-vous des recommandations, Phyllis?
La présidente: Si je peux me permettre d'intervenir, je me faisais la même réflexion. Les témoins ont comparu à de très brefs préavis et je me demande s'ils voudraient y réfléchir pendant la fin de semaine. Peut-être pourraient-ils ensuite nous faire part de leurs réflexions en envoyant le tout par télécopieur à moi-même ou au greffier, sinon en langage juridique, tout au moins en identifiant l'article que l'on souhaiterait voir modifié et en indiquant la teneur de la modification souhaitée.
Je ne peux rien vous promettre, mais l'un des membres du comité serait peut-être disposé à présenter ensuite de tels amendements. Il vous faudrait préciser de quel article vous êtes mécontent et quelles modifications vous voudriez qu'on y apporte. Ce n'est pas nécessaire de le dire dans une formulation parfaitement acceptable du point de vue juridique.
Docteur Lunney, seriez-vous disposé à accepter cette offre plus générale?
M. James Lunney: Certainement.
Pourrions-nous avoir une réponse de Mme Creighton? Elle semble avoir quelque chose à ajouter.
Mme Phyllis Creighton: Nous avons écrit en 1990 un livre dans lequel on examine la question de la création de liens affectifs entre la mère et le foetus; je pense que cela pourrait vous intéresser. Il est très important que vous sachiez que rien de ce que nous demandons n'est nouveau; la résistance de la profession médicale établie et des intervenants associés est très claire. J'ai moi-même contribué à abattre les obstacles à l'accouchement naturel. On nous disait que c'était impossible. Ce fut une dure lutte.
Je réclame un système ouvert permettant la divulgation de l'identité depuis 1977, date à laquelle j'ai écrit un livre qui se vend encore pas mal bien sur l'Insémination artificielle par donneur. Il est très important de vous rappeler ceci: je pense qu'il ne faudrait pas que le paragraphe 18(3) figure dans le projet de loi, parce que le paragraphe 18(3) établit que le donneur a un droit, un droit préalable.
Je crois en l'égalité des enfants. Je crois en ce que les Nations Unies ont déclaré, à savoir que les enfants ont le droit de connaître l'identité des membres de leur famille. Je crois que nous avons été très négligents pour ce qui est de reconnaître les besoins des enfants. Je ne vois donc pas comment vous pouvez justifier une pareille déclaration, à savoir que «la communication de l'identité du donneur...ne peut être faite qu'avec le consentement écrit de celui-ci». C'est le contraire de ce que vous avez demandé.
On reconnaît d'ailleurs au paragraphe 18(4) que c'est important sur le plan génétique, puisque la question de la consanguinité dans le mariage est abordée dans ce paragraphe. L'incapacité d'entrer en contact avec le donneur peut causer la mort et c'est un élément que vous devez prendre en compte, compte tenu du progrès de la génétique.
Je peux essayer de voir ce que l'on pourrait faire, mais essentiellement, vous aviez raison au départ.
» (1730)
La présidente: Docteur Fry.
Mme Hedy Fry: Merci beaucoup, madame la présidente.
Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps et je veux remercier tous les témoins pour leurs exposés très intéressants.
Je suis désolée que Juliet Guichon soit partie, parce que je pense qu'elle a bien exposé la préoccupation précise que je voulais voir inscrite dans ce projet de loi. Je vais la citer rapidement. Elle a dit qu'il s'agissait en l'occurrence de protéger et de promouvoir la dignité humaine.
Je pense que nous devons toujours nous rappeler que dans chaque cas de procréation humaine assistée, il y a toujours trois ou quatre personnes humaines en cause. Il y a le donneur, il y a le couple qui est infertile et qui souhaite avoir de l'aide pour concevoir un enfant, et puis il y a l'enfant. Il est important, à mon avis, de s'éloigner du sensationnalisme et de l'idéalisme, comme l'a dit Mme Brooks, et d'essayer de reconnaître que s'il y a quatre ou peut-être trois personnes humaines en cause dans ce dossier, elles ont toutes le droit à la protection et à la dignité, chacune d'entre elles.
Nous devons donc établir un équilibre judicieux entre la protection de la dignité humaine du donneur, des parents potentiels qui sont eux-mêmes incapables de concevoir des enfants, et de l'enfant. Cela n'est pas une tâche facile. Et le meilleur moyen de s'embourber dans cette tâche, c'est de tomber dans le sensationnalisme et l'idéologie.
Il faut chercher à amoindrir la chosification et la commercialisation, cela m'apparaît très clairement. Pour moi, le fait de payer les donneurs de sperme et d'ovules devient un véritable problème, et je l'ai dit au médecin qui était ici.
Mais en même temps, comment veiller à apporter de l'aide aux gens qui sont incapables d'avoir des enfants, qui veulent en avoir et pour qui c'est un besoin, et comment s'assurer d'avoir des donneurs à leur intention?
Donc, pour moi, ce n'est pas simple, ce n'est pas tout bon ou tout mauvais. Ce n'est jamais le cas. Et si nous devons discuter ici...
La présidente: Avez-vous une question, docteur Fry?
Mme Hedy Fry: Oui, j'en ai une. Ma question s'adresse à Mme Creighton.
Si nous devons discuter ici d'édification des familles, je ne crois pas que nous soyons en train d'édifier des familles, pas plus qu'à chaque fois qu'une personne a un enfant et que la mère garde cet enfant, peu importe qu'elle soit une bonne mère ou non, qu'elle continue de passer sa vie avec cet enfant, lequel grandit dans une famille où il peut y avoir des mauvais traitements et l'absence de tout soutien pour le bien-être de cet enfant. En pareil cas, nous n'intervenons pas subitement pour dire que vous avez le droit d'avoir des enfants ou que nous l'interdisons. Nous reconnaissons qu'il y a un processus d'auto-sélection et qu'il y a des éléments que nous ne pouvons pas contrôler, que nous devons accepter de ne pas contrôler.
En disant que nous permettrons seulement aux membres de la famille de faire des dons, et en tenant compte des liens affectifs entre la mère et l'enfant, je crains que nous tentions en fait d'exercer un contrôle—en instituant des droits dans une mesure législative—sur le comportement humain, un contrôle sur l'édification des familles, ce qui n'est justement pas le but de l'exercice.
Ma question est celle-ci: n'estimez-vous pas qu'il s'agit là d'une tentative, si nous nous situons dans une optique idéologique, de contrôler des éléments sur lesquels nous n'avons aucun contrôle dans la vraie vie, je veux dire en cas de naissance biologique naturelle, et que nous devons nous empêcher de légiférer pour nous substituer à Dieu en intervenant dans la vie des gens, que nous devons faire très attention à cela?
Je veux savoir si vous estimez qu'il s'agit là d'une question que nous évitons parfois de nous poser.
» (1735)
Mme Phyllis Creighton: Madame Fry, il me semble que quand vous refusez à un enfant la possibilité de connaître l'identité de 50 p. 100 de son ascendance, d'avoir la moindre idée de ses origines et de sa parenté, en une époque où la génétique est importante et où les racines sont manifestement importantes à cause de la généalogie, vous vous substituez à Dieu. C'est précisément ce que vous faites avec ces enfants.
Et je pense que vous et moi aurions probablement besoin de beaucoup plus de temps que ce dont nous disposons pour mener à terme cette conversation. Le livre que j'ai écrit sur l'insémination par donneur a été utilisé dans une clinique pour renseigner les parents pendant longtemps.
Mme Hedy Fry: Je sais, et j'aimerais lire votre livre, mais vous n'avez pas répondu à ma question.
Mme Phyllis Creighton: Ce que je veux dire, c'est que je me soucie des donneurs. J'aimerais que le don devienne un geste honorable et reconnu. J'aimerais que ce geste ne soit pas souillé par l'argent. C'est la même chose pour la maternité de substitution.
Mme Hedy Fry: Je suis d'accord avec vous là-dessus, et nous ne sommes donc pas en désaccord sur tout.
Ce que je dis, cependant, c'est qu'il me semble vous avoir entendu dire que nous nous occupons ici de l'édification des familles, et je ne crois pas que ce soit le cas. Je pense que la réponse que je voulais obtenir de vous, c'est oui, bien sûr, nous ne voulons pas la chosification. Bien sûr, nous ne voulons pas en arriver à vendre des ovules et du sperme. Je pense que Mme Guichon a parlé avec éloquence de l'équilibre qu'il faut établir entre l'indemnisation et l'incitation, et je pense qu'elle a visé juste.
Ce qui me préoccupe, toutefois, c'est qu'il me semble que ce que vous tentiez de dire, c'est que nous n'avons pas la possibilité de faire cela dans la vraie vie. Nous n'avons pas la capacité d'imposer des décisions aux familles dans la vraie vie.
Mme Phyllis Creighton: Vous avez la capacité d'inciter les gens à être honnêtes si vous instituez le droit de l'enfant de connaître l'identité...
Mme Hedy Fry: Mais c'est là, dans le projet de loi.
Mme Phyllis Creighton: Non, ça ne l'est pas. Ce sera par consentement...
Mme Hedy Fry: L'historique de la famille, les antécédents médicaux, tout le dossier génétique de l'enfant... La seule chose que l'on ne sait pas, c'est le nom de la personne.
Mme Phyllis Creighton: Pouvez-vous imaginer la frustration d'un enfant qui atteint l'âge de 19 ans et qui sait tout, sauf cela? Nous avons besoin de grandir dans la vérité. Je ne dis pas que c'est le gouvernement qui s'occupe de l'édification de la famille; je parlais des éléments qui font une famille solide et unie. C'est ce qui fait tourner l'économie. Il faut que ce soit fondé sur la confiance, pas sur la tromperie et les mensonges.
La présidente: Si je peux me permettre de défendre Mme Creighton...
Mme Hedy Fry: Je ne maltraite pas Mme Creighton, je veux seulement...
La présidente: Un instant. Elle n'a jamais utilisé l'expression «édification des familles». Si vous n'aimez pas cela, c'est notre rapport qui était intitulé Building Families. Alors, ne vous en prenez pas au témoin, prenez-vous en plutôt à moi.
Des voix: Oh, oh!
Mme Phyllis Creighton: Je me faisais l'écho de ce qu'il me semblait vous avoir entendu dire.
Mme Hedy Fry: Je suis désolée. Merci, madame la présidente.
J'insistais sur cet élément de l'édification des familles parce qu'il me semble que tout ce que nous disons, c'est que nous ne voulons pas identifier le nom de la personne. Nous identifions tout le reste à propos de cette personne; c'est important pour la santé et le bien-être. Nous voulons seulement éviter que l'on connaisse le nom. Ainsi, si je voulais faire don d'un ovule, il vous faudrait tout savoir sur mes antécédents.
Vous soulevez un point important, que j'ai abordé la dernière fois, à savoir que nous devons pouvoir établir un contact continu avec le donneur pour qu'à l'âge de 19 ans... Il faut le savoir si la personne en question souffre de diabète à apparition tardive à l'âge de 30 ans, 35 ans ou 40 ans; nous devons connaître son dossier de façon continue. C'est un élément qui ne figure pas dans le projet de loi et j'aimerais qu'on l'y ajoute.
Mais je persiste à croire, pour prévenir tout problème, qu'il faut protéger la dignité humaine du donneur en veillant à ce qu'un seul élément demeure secret, c'est-à-dire le nom de la personne. Tout le reste peut être connu.
Mme Phyllis Creighton: En 1977 et 1990, respectivement, dans le livre que j'ai écrit et dans le mémoire que j'ai remis à la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction, j'ai dit qu'il fallait que la loi stipule clairement que ceux qui donnent des gamètes ne sont pas légalement ou financièrement responsables d'une quelconque façon, après quoi nous pouvons établir la bonne orientation sur le plan moral.
Je crois vraiment que les gens seront capables de relever ce défi, et l'instauration d'un système plus compatissant nous rendra tous plus riches.
La présidente: Madame Pratten, aimeriez-vous répondre à cette question sur l'anonymat.
Mme Shirley Pratten: Je veux aussi répondre à Mme Fry. Vous dites qu'il faut mettre dans la balance les droits de toutes les personnes en cause, mais il ne faut pas perdre de vue que l'enfant n'est pas l'égal des autres dans cette équation.
Mme Hedy Fry: Je ne pense pas que l'enfant l'ait jamais été. Même si l'enfant est conçu de façon naturelle, il n'a pas choisi ses parents.
Mme Shirley Pratten: Cela me ramène à ce que Kathleen a dit tout à l'heure, et je voulais lui répondre. Elle a dit que la situation n'est pas toujours parfaite dans le monde et elle faisait la comparaison avec la mesure à l'étude.
J'ai entendu bien des gens dire: vous savez, beaucoup d'enfants naissent à la suite de liaisons extra-maritales; beaucoup d'enfants ne savent pas qui est leur père biologique. Mais est-ce que cela veut dire, parce qu'il y a des gens irresponsables dans leur vie personnelle, que nous devrions sanctionner une telle attitude et que le gouvernement doive décréter: «Bon, les dons seront anonymes»? Bien sûr que non. Il s'agit d'une mesure délibérée et soigneusement réfléchie.
» (1740)
Mme Hedy Fry: Ce n'est pas un don anonyme. Le projet de loi est clair. C'est non nominatif; la personne n'est pas nommée. Et il n'y a aucune interdiction.
Mme Shirley Pratten: Cela revient à dire que c'est anonyme.
Mme Hedy Fry: Non, ce n'est pas anonyme.
Mme Shirley Prattten: Si l'enfant ne le sait pas, c'est anonyme.
Mme Hedy Fry: Non, ça ne l'est pas. L'enfant sait tout le reste. C'est non nominatif. C'est la terminologie employée en santé publique.
La présidente: Je pourrais peut-être apporter une précision.
Nous savons, docteur Fry, que l'on parle de dossiers non nominatifs dans le domaine médical et tout le reste, mais la question essentielle que le comité a examinée et dont les témoins nous ont parlé était... Nous sommes tous d'accord avec vous pour dire qu'il est nécessaire de connaître tous les antécédents médicaux. Le mot «anonymat» dans le cadre de nos discussions est devenu synonyme de «identité».
Voyez-vous ce que je veux dire? Nous avons donc déjà fait le tri de cette espèce de hiérarchie de l'anonymat...
Mme Hedy Fry: Mais, madame la présidente, c'était peut-être synonyme de ce dont nous avons discuté à cette table, mais en santé publique, il y a l'expression «non nominatif», qui veut dire que l'on sait tout au sujet du patient sauf son nom.
La présidente: Eh bien, peut-être devrions-nous utiliser cette terminologie.
Mme Hedy Fry: C'est ce que j'essaie de faire. J'essaie d'utiliser le mot juste et non pas un mot que nous avons utilisé à toutes les sauces. Il faut employer le mot juste, et «non nominatif» est l'expression qui sert à décrire une situation où l'on connaît tout d'une personne, sauf son nom.
M. James Lunney: Docteur Fry, je vous dirais que maintenant que nous sommes passés à travers tout le processus de l'avant-projet de loi, le moment est mal choisi pour commencer à changer les définitions ou la terminologie, tout au moins la compréhension que nous en avons, ainsi que tout le monde d'ailleurs.
La présidente: Je pense que nous le comprenons. Nous avons utilisé ce terme de façon sélective et nous nous sommes tous mis d'accord sur le point de départ dans le dossier de l'anonymat, à savoir les dossiers médicaux, etc. Au cours de la discussion, nous nous sommes rendus compte que la question de l'anonymat mettait en cause l'identité, le nom et la photo, etc. C'est pourquoi nous avons adopté ce terme qui décrit d'une façon commode une réalité complexe au cours des 18 derniers mois.
Je voulais seulement vous expliquer cela pour que vous compreniez pourquoi nous avons choisi d'agir comme si les deux étaient synonymes. Il n'y a aucun désaccord sur le reste. Il ne restait que la question dont beaucoup de témoins sont venus nous entretenir.
Si la question soulève tellement de controverse, c'est exactement pour la même raison que la maternité de substitution, l'anonymat et l'argent sont devenus trois questions tellement épineuses tout au long de nos audiences, et c'est pourquoi nous avons décidé d'avoir une dernière discussion sur ces questions, ne serait-ce que pour nous rappeler tout ce que nous avons entendu de la bouche des gens qui nous ont dit cela, même s'ils n'étaient pas les seuls.
Mme Hedy Fry: Madame la présidente, je ne veux pas m'obstiner. Je dis que puisque nous discutons du sens des mots, nous devons savoir très clairement ce que veulent dire les mots que nous utilisons. Nous ne pouvons pas nous laisser aller à utiliser des mots en les détournant de leur sens.
Je vous remercie de m'avoir rappelé l'origine du débat, mais je persiste à utiliser l'expression «non nominatif». Je pense qu'il est impératif que l'enfant puisse tout savoir. Je pense que Mme Creighton a parlé de la nécessité d'un contrôle continu pour s'assurer que les maladies latentes ou à apparition tardive soient consignées au dossier. Mais pour protéger la dignité du donneur, pour des raisons juridiques et autres, il ne doit pas être interdit de dévoiler l'identité du donneur, mais le donneur ne doit pas être forcé de dévoiler son identité.
Je pense que ce sont deux choses différentes.
Mme Shirley Pratten: Le choix devrait être entre devenir un donneur ou ne pas le devenir. Il a le choix de ne pas faire de don, s'il ne veut pas que les besoins de l'enfant passent en premier.
Mme Hedy Fry: Vous décrivez une situation où l'on a le choix entre tout bon ou tout mauvais. Cela ne correspond pas à la réalité.
Mme Shirley Pratten: Mais quand il s'agit d'un enfant, compte tenu de tout ce que vous avez entendu...?
Mme Hedy Fry: Nous voulons établir un juste équilibre entre les droits de trois séries de personnes...
Mme Shirley Pratten: Personne ne le force à devenir un donneur, mais comme je le disais, l'enfant n'est pas un égal dans tout cela.
Mme Hedy Fry: La position de chacun est très claire. Nous pourrions nous obstiner à l'infini sans jamais parvenir à nous entendre.
La présidente: Je vous remercie beaucoup de nous avoir consacré de votre temps et d'être venus de si loin pour nous faire part de vos idées. Et merci pour le travail que vous faites dans ce domaine, pour alimenter la discussion et la réflexion dans tout ce domaine.
La séance est levée.