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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 066 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 25 février 2013

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    À l'ordre, s'il vous plaît.
    Bonjour à tous et bienvenue à la 66e séance du comité. Comme prévu, nous continuons notre étude concernant la Loi sur les conflits d'intérêts.
    Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Giorno et Mme Froc, qui représentent l'Association du Barreau canadien. Nous devions recevoir également M. Dodek, de l'Université d'Ottawa, mais il ne sera pas présent aujourd'hui. Nous pourrons le rencontrer dans le cadre d'une autre réunion. Nous avons aussi le plaisir d'accueillir M. Boisvert, qui est professeur titulaire à l'École nationale d'administration publique.
    Comme d'habitude, nous allons commencer par les présentations. Chaque témoin va disposer de 10 minutes. Nous allons ensuite passer à la période des questions et réponses.
     Sans plus tarder, je vais céder la parole à M. Giorno, de l'Association du Barreau canadien. Vous avez la parole pour 10 minutes

[Traduction]

    Merci, monsieur le président et honorables membres du comité.
    L'Association du Barreau canadien se réjouit de comparaître aujourd'hui devant le comité concernant l'examen prévu par la loi de la Loi sur les conflits d'intérêts.
     L'Association du Barreau canadien est un organisme bénévole comptant 37 000 avocats de toutes les régions du Canada, dont les objectifs consistent principalement à promouvoir la primauté du droit et à améliorer la loi et l'administration de la justice. C'est dans l'esprit de ce mandat que les membres de notre section de droit administratif, par l'entremise de son comité du droit relatif au lobbying et à l'éthique, ont formulé les observations que nous vous avons remises par écrit et dont nous traiterons aujourd'hui.
    Guy Giorno, membre de l'exécutif de la section de droit administratif de l'ABC et président du comité du droit relatif au lobbying et à l'éthique, m'accompagne aujourd'hui.
    Je lui laisserai la parole pour qu'il vous explique la teneur de nos observations sur l'examen.
    Comme Kerri l'a indiqué, je suis membre de l'exécutif de la section de droit administratif de l'ABC et président du comité du droit relatif au lobbying et de l'éthique.
    Toutes les personnes visées par la Loi sur les conflits d'intérêts occupent un poste privilégié et ont volontairement décidé de servir la fonction publique.

[Français]

    Au Canada, les charges publiques ne sont pas imposées par voie de conscription.

[Traduction]

    Que ce soit en se présentant à des élections ou en acceptant une nomination ou un emploi, chaque titulaire de charge publique choisit librement d'assumer cette responsabilité. Il accepte volontairement la confiance du public, sachant qu'il doit préserver cette confiance et être vu en train d'agir en conséquence.
    La Cour suprême du Canada a indiqué que « préserver l'apparence d'intégrité... [est]... aussi important que le fait que le gouvernement soit véritablement intègre. »
    Dans ce contexte, permettez-moi de souligner certaines de nos recommandations.
    Nous convenons avec la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique que le Parlement devrait corriger les failles qui font que le gouverneur et le sous-gouverneur de la Banque du Canada sont exclus de l'application de la loi. Nous l'appuyons quand elle préconise une plus grande transparence au chapitre de la déclaration de cadeaux, notamment en élargissement cette mesure à tous les titulaires de charge publique et en réduisant le seuil de 200 $.
    Le manque de mordant de la Loi sur les conflits d'intérêts constitue peut-être sa plus grande faiblesse. Elle comprend 44 règles, 19 obligations ou devoirs certains, et 25 interdictions. Ces dernières et un tiers des devoirs n'ont pas force exécutoire. Personne ne peut être accusé d'avoir violé une interdiction prévue dans cette loi. Ainsi, nul faisant fi des interdictions ne paiera d'amende. Le titulaire ne s'expose à aucune sanction s'il contrevient à une des 25 interdictions ou au tiers des devoirs prévus dans la loi, en dehors du fait que son nom figurera dans un rapport remis au Parlement.

[Français]

    Cela sert mal la primauté du droit. Si la loi fixe des règles de conduite, ces règles doivent pouvoir être appliquées, elles doivent effectivement être appliquées et il doit être évident qu'elles sont appliquées.

[Traduction]

    Qui plus est, le régime actuel crée de l'iniquité et de l'inégalité aux termes de la loi. Les lois sont rédigées par des fonctionnaires et adoptées par des politiciens. Quand ils créent ainsi des lois visant les simples citoyens, ils y incluent des sanctions. Or, quand ils ont rédigé et adopté les interdictions qui figurent dans la présente loi, lesquelles s'appliquent aux hauts fonctionnaires, aux politiciens, aux adjoints politiques et aux personnes nommées par des acteurs de la scène politique, ils n'ont prévu aucune sanction.
    Nous recommandons d'accorder à la commissaire le pouvoir d'imposer des sanctions administratives pécuniaires pour toute violation de la loi. Nous recommandons également de modifier la loi de façon à exiger que le gouvernement se penche sur chaque violation et y fasse suite.
    Depuis l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité, en 2006, l'Association du Barreau canadien se préoccupe de la restriction qui empêche les titulaires de charge publique d'adhérer à une association professionnelle, comme l'ABC. Dans notre troisième recommandation, nous appuyons la commissaire quand elle demande d'avoir le pouvoir d'autoriser un titulaire de charge publique principal d'entreprendre des activités extérieures, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les devoirs et les obligations afférents à sa charge publique.
    Le financement politique peut donner lieu à des problèmes de conflits d'intérêts, particulièrement quand les personnes sollicitées sont concernées par les activités du ministère du politicien ou sont des lobbyistes agissant auprès du politicien, de son cabinet ou de son ministère. Le premier ministre a publié un excellent guide au sujet du financement politique intitulé « Un gouvernement responsable ». Malheureusement, les règles qu'il contient n'ont pas force de loi et ne peuvent être appliquées légalement. Nous recommandons d'intégrer ces règles à la Loi sur les conflits d'intérêts.
    Nous ne sommes pas d'accord avec la commissaire au sujet du dessaisissement d'office de biens dont la valeur pourrait être influencée par les politiques du gouvernement. Elle veut faire passer de 1 100 à à peine 140 le nombre de personnes visées par le dessaisissement d'office de biens contrôlés et procéder au cas par cas. Nous considérons que cette mesure de dessaisissement devrait continuer de s'appliquer à tous les employés de cabinets ministériels, exception faite des étudiants.
    Les communications entre les lobbyistes et les adjoints ministériels se comptent par milliers. Une bonne partie de ces démarches de lobbying concernent des décisions qui pourraient avoir une incidence sur la valeur des titres négociés en bourse et d'autres biens contrôlés. Voilà pourquoi il faudrait maintenir comme telle la loi, qui interdit à tout employé de cabinet ministériel de posséder un bien contrôlé.
    Enfin, nous nous inquiétons du fait que les examens prévus par la loi, comme celui-ci, n'ont pas lieu au moment prescrit. Ces examens obligatoires ne sont pas que des exercices administratifs ou des affaires de régie interne, mais bien des mesures imposées par le Parlement pour donner aux parties prenantes et à d'autres citoyens une tribune officielle pour formuler des commentaires sur l'application de certaines mesures législatives qui étaient controversées ou qui ont été adoptées à la hâte ou qui faisaient partie d’un projet de loi omnibus.
    La Loi sur les conflits d'intérêts devait avoir fait l'objet d'un examen avant le 2 juillet 2012. Ce n'est toutefois que le 10 décembre 2012 que la Chambre des communes a demandé au comité de l'effectuer. L'ABC s'inquiète fortement du mépris répété des délais prévus par la loi. La Loi sur le Parlement du Canada devrait être modifiée pour que le président de la chambre puisse demander au comité approprié d'effectuer un examen prévu par la loi si cette mesure n'a pas été prise avant la date butoir.
    Merci beaucoup.
(1535)

[Français]

    Je vous remercie.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Boisvert. Vous avez 10 minutes.
    Un peu comme mes collègues, je vais vous présenter quelques recommandations, mais dans une perspective passablement différente, c'est-à-dire en me référant à des recherches en science politique. Nous avons fait des recherches croisées entre l'analyse des scandales, l'analyse de l'institutionnalisation de dispositifs en éthique gouvernementale et l'analyse des recommandations des ONG internationales, notamment l'OCDE.
     L'objectif était de soulever la préoccupation principale, à savoir que la présence de dispositifs n'était plus suffisante et qu'il fallait maintenant évaluer l'efficacité de ces derniers. C'est une question dont nos Parlements ne se sont pas préoccupés jusqu'à présent. On s'est surtout préoccupé de mettre en oeuvre des dispositifs, d'établir une loi et de nommer un commissaire, mais on s'est donné très peu de moyens pour s'assurer que ces dispositifs leur permettaient de remplir leur mandat et leur mission. En ce sens, je partage l'avis de mon collègue qui se préoccupait de la logique du mordant. Il est clair, selon nos analyses sur les dispositifs fédéraux canadiens, que les responsables de l'application des lois et des règlements en matière d'éthique et d'intégrité ne sont pas en mesure d'assurer véritablement leur mandat, faute de ressources financières et humaines. À mon avis, c'est l'une des principales préoccupations en matière d'éthique et d'intégrité.
    Dans le préambule, les attentes et les objectifs d'une telle loi devraient être énoncés beaucoup plus clairement. À part la liste d'épicerie relative aux attentes très techniques à l'égard des titulaires de charge publique, il n'est pas évident que ces lois ont des objectifs très précis, à savoir de préserver l'intégrité des décisions publiques. Je pense qu'il serait essentiel de le rappeler, dans un premier temps. Je crois qu'il faut passer de la logique des lois techniques à des lois plus vivantes, c'est-à-dire viser la mise en application de lois sur l'éthique et l'intégrité.
     Habituellement, quatre objectifs doivent être visés. Le premier est la socialisation des personnes visées; le deuxième est le développement de la compétence éthique des titulaires de charge publique; le troisième est la clarification des règles et des attentes en matière de déontologie, et le dernier est une augmentation beaucoup plus claire de la sévérité des sanctions. Sans la sévérité des sanctions, ces dispositifs n'auront aucunement comme effet de convaincre les titulaires de charge publique de la priorité accordée par le gouvernement à ces aspects.
    Dans le cadre de l'analyse des scandales, il nous est apparu que les trois points suivants devaient prioritairement être clarifiés dans votre loi. Premièrement, il faut définir ce qu'est un intérêt particulier. Malheureusement, les lois ont très souvent tendance à nous ramener à des questions d'intérêt personnel, voire pécuniaire, alors que les intérêts particuliers sont beaucoup plus importants et larges. Une bonne partie des scandales politico-administratifs, dans l'ensemble des pays de l'OCDE, concerne des problèmes relatifs au financement des partis politiques. La décision publique a donc été influencée négativement et on a opté pour l'intérêt particulier, en l'occurrence les partis politiques. En ce sens, il devrait être très clair que les intérêts particuliers dépassent largement l'intérêt direct du titulaire de charge publique et de sa famille. On voit dans la loi qu'il s'agit grosso modo d'un champ d'application plutôt limité. Or cela pose un problème important. Les intérêts particuliers peuvent être complètement extérieurs à la sphère privée du titulaire de charge publique. Une réflexion importante devrait se faire à cet égard.
    Les cadeaux et autres avantages sont le deuxième point. C'était un dossier plutôt loufoque pendant les années 1980 et 1990 parce que personne ne pouvait concevoir que des cadeaux pouvaient avoir une influence importante sur les décisions publiques. Nos analyses des scandales ont révélé, de façon surprenante, que l'acceptation de plus en plus fréquente de cadeaux était l'un des vices importants. À ce sujet, je vous invite à regarder les travaux de la Commission Charbonneau. Je peux vous garantir que l'offre grandissante de cadeaux à des fonctionnaires était un phénomène très important.
(1540)
    Comme le dit l'OCDE de façon très claire, le cadeau est toujours la porte d'entrée vers la corruption. Autrement dit, ne pas prendre au sérieux l'offre de cadeaux est effectivement une ouverture assez importante aux prochaines étapes qui mèneront peu à peu du côté de l'acceptation de la dimension de corruption.
    Aujourd'hui, le débat ne cherche plus à savoir s'il s'agit de 100 $ ou de 200 $, mais à savoir s'il est encore acceptable de tolérer que les titulaires de charge publique acceptent des cadeaux, peu en importe la nature et la grandeur. Comme le disent les anthropologues, un cadeau n'est jamais un acte gratuit; un cadeau est un don qui amène toujours une attente de contre-don. Les anthropologues pourraient vous démontrer très sérieusement que cela fait partie de l'ensemble des dimensions culturelles.
    Un dernier point m'apparaît fondamental. Il importe de faire une révision importante d'une dimension très poreuse dans toutes les lois, soit la question des après-mandats. C'est probablement l'une des faiblesses de tous les dispositifs en matière de gestion des conflits d'intérêts des titulaires de charge publique. Effectivement, il faut donner de grands moyens aux responsables de la gestion de ces dossiers d'après-mandat. Il est très clair que présentement votre loi, de même que les budgets accordés au commissaire probablement, ne donne pas de marge pour gérer ces après-mandats.
    Les après-mandats, au Québec notamment, ont été plutôt problématiques à plusieurs niveaux, ne serait-ce qu'à Montréal. Dans plusieurs cas, 100 % des hauts fonctionnaires et quelques élus se sont immédiatement trouvés à occuper des sièges dans les compagnies concernées dans certains dossiers troubles. Donc, la gestion des après-mandats pose un problème important.
    Au Québec notamment, le commissaire au lobbyisme a beaucoup de difficulté à faire appliquer la gestion des après-mandats. Effectivement, on a tendance à vouloir uniquement baliser la dimension de l'après-mandat liée au lobbying, alors que l'après-mandat peut être beaucoup plus large. Il peut s'agir d'une simple récompense pour une décision préalablement prise qui n'a rien à voir avec du lobbying. Dans ce cas, il s'agit d'un cadeau immense. On parle de plusieurs centaines de milliers de dollars de récompense dans un poste prestigieux au sein d'une entreprise où il y a effectivement eu transaction. Ce ne sont pas des leurres, mais des réalités qui sont vécues dans plusieurs pays de l'OCDE.
    J'aimerais soulever un dernier point, qui est en fait ma préoccupation. Je parle ici de la nécessité des gouvernements de donner de vrais moyens aux responsables des dossiers en matière d'éthique et d'intégrité. Il faut cesser de mettre en place des dispositifs pour lesquels on a des enveloppes budgétaires trop limitées et du personnel beaucoup trop limité, choses qu'on a vues de façon récurrente dans plusieurs instances gouvernementales.
    Le défi est de donner les moyens d'efficacité au commissariat qui gère les différents dossiers en matière d'éthique et d'intégrité et, si possible, d'encourager les hauts fonctionnaires du Parlement du Canada à collaborer de façon beaucoup plus étroite pour mettre en place une dynamique de système de régulation.
    Effectivement, que ce soit en matière de gestion du lobbying, de gestion de l'éthique et des conflits d'intérêts ou de gestion de la divulgation, ces différents hauts fonctionnaires du Parlement pourraient nous donner un système de régulation beaucoup plus efficace, s'il y avait un minimum de coordination entre eux et une collaboration beaucoup plus étroite. Les citoyens du Canada pourraient enfin retrouver un lien de confiance beaucoup plus solide à l'égard de leurs institutions politico-administratives.
    Merci.
(1545)
    Je vous remercie de votre présentation.
    Sans plus tarder, nous allons passer à la période de questions et réponses avec les membres du comité.
    La parole est tout d'abord à M. Angus, qui dispose de sept minutes pour poser des questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui. La discussion est passionnante.
    Monsieur Giorno, je conviens certainement que le fait de préserver l'apparence d'intégrité et de maintenir l'intégrité sont une seule et même chose. C'est fondamental.
    Il me semble en outre que si nous créons des lois, elles doivent être limpides. Si elles ne le sont pas, peuvent-elles être vraiment justes?
    J'ai un respect incroyable pour la commissaire, mais ce qui me préoccupe, c'est qu'au cours de notre examen de la loi, il m'arrive de chercher la clarté sans savoir vraiment de quoi il s'agit. Le concept semble un peu flou, particulièrement en ce qui concerne le financement. J'ai interrogé la commissaire au sujet des cadeaux; peut-être que j'évolue dans une sphère différente, car je ne suis pas sous-ministre, mais je reçois des casquettes de baseball et des tasses. J'ignore si c'est une façon d'acheter mon vote. Tout se trouve dans une boîte. Cela ne me dérange pas de déclarer des boules à neige d'une valeur de 30 $; je n'y vois aucun problème. Mais quand je pose des questions sur le financement politique, je n'obtiens jamais de réponse claire sur le seuil et cela me préoccupe. Nous ne tentons pas de rendre notre travail impossible. Comme vous le savez, nous vivons dans l'univers des fonds politiques. C'est ce qui alimente les partis politiques, mais il faut que les règles soient claires.
    Je cherche à avoir une idée de la limite à ne pas dépasser et de la manière dont on peut faire la distinction. Est-ce si difficile à faire? Je vois dans votre mémoire que vous dites qu'il faut que les règles soient claires. Que proposeriez-vous?
    Tout d'abord, monsieur le président, la position de l'ABC ne concerne que la Loi sur les conflits d'intérêts. Nous n'avons pas formulé de commentaires sur le code régissant les députés, même si, vous le comprenez fort bien, ce dernier comprend des dispositions similaires.
    En parlant de la Loi sur les conflits d'intérêts, nous attirons votre attention sur l'Annexe B du document intitulé « Un gouvernement responsable », qui comprend, au sujet des activités de financement politique des ministre et des secrétaires parlementaires, ce que nous considérons comme des lignes directrices très claires et exhaustives qui visent à faire une démarcation très nettement entre le lobbying et la prise de décisions relatives aux politiques du gouvernement et le financement politique.
    Le député a raison de dire que la loi ne comprend actuellement aucune directive concernant le financement politique. En fait, elle ne prévoit qu'une seule règle, très simple, qui figure à l'article 16 et qui s'applique à toutes les activités de financement politique. Elle stipule simplement qu'il est interdit de solliciter personnellement des fonds.
    Nous considérons donc, du moins pour le financement politique, qui concerne, une fois encore, les titulaires de charge publique principaux, le seul groupe de titulaires visé par la Loi sur les conflits d'intérêts, qu'il faudrait intégrer à la loi les règles que prévoit l'Annexe B sur document intitulé « Un gouvernement responsable » à ce sujet. Elles permettrait de bénéficier d'une bonne partie de l'orientation et de la clarté que souhaite le député, du moins en ce qui concerne la loi, et non le code régissant les députés.
(1550)
    Pour ce qui est du dessaisissement de biens, la recommandation porte sur les biens de ceux « qui détiennent un important pouvoir décisionnel ». Voilà qui me semble une interprétation très subjective.
    Je vois que vous recommandez que les règles régissant le dessaisissement d'office soient claires. Que proposeriez-vous de faire?
    À l'heure actuelle, les règles sont claires. Elles stipulent que les titulaires de charge publique principaux sont visés par le dessaisissement d'office, qui consiste à liquider les biens ou à les déposer dans une fiducie sans droit de regard. C'est très clair.
    Ce que nous recommandons préserverait cette clarté et la quasi totalité des situations donnant lieu à un dessaisissement d'office, sauf quelques cas très particuliers, qui seraient à mon avis très précisément définis. Les stagiaires ou les étudiants travaillant dans des cabinets ministériels forment ici encore une catégorie très précisément définie. Nous permettrions ensuite à la commissaire d'exempter les personnes nommées au sein de la fonction publique par le gouverneur en conseil quand la nature de leur mandat est si étroite qu'elle ne touche pas beaucoup de secteurs de l'économie. Le mandat ayant une application très circonscrite, il est peu probable qu'un problème se pose au sujet des décisions influant sur la valeur des biens. Nous donnons la Commission de l'immigration et du statut de réfugié comme exemple.
    Notre proposition maintiendrait l'exigence claire actuelle, la restreindrait légèrement et seulement de manières très claires.
    Je conviens avec le député qu'en disant qu'il faut que la règle sur le dessaisissement d'office ne s'applique qu'aux titulaires qui exercent une autorité considérable, la commissaire laisse une question sans réponse. Elle ne nomme que les chefs du personnel ministériel, sans parler des sous-chefs, des conseillers politiques et des directeurs des politiques, lesquels, comme nous le savons, parlent parfois quotidiennement aux lobbyistes qui exercent des pressions pour influencer les décisions du gouvernement qui auraient une incidence sur la valeur des titres négociés en bourse.
    Au chapitre des sanctions administratives pécuniaires, il est important selon nous que la situation soit claire, car il faut faire la distinction entre les erreurs de jugement et les manquements.
    En quoi devraient consister des sanctions, selon vous? Existe-t-il des limites? Quand s'appliquent-elles? Avez-vous établi un contexte entourant leur application?
    Nous commençons par la primauté du droit, un point très important. Monsieur le président, l'intervention du député me permet de souligner ce qui suit. Le Parlement choisit quelles mesures législatives il adopte ou rejette. Dans le cas présent, il a choisi de créer 44 règles et de les intégrer dans des mesures législatives. Ce ne sont pas des directives ou des politiques, mais 25 interdictions et 19 obligations adoptées par le Parlement et ayant force de loi. Le Parlement peut les abroger s'il le souhaite.
    En ce qui concerne toutes les autres lois adoptées par le Parlement que je connais, c'est-à-dire celles qui touchent la population en général, des sanctions sont prévues en cas de violation, et une bonne partie des points soulevés par le député sont pris en compte dans le processus judiciaire. Dans bien des lois, la diligence raisonnable constitue une défense. Nombreuses sont celles qui exigent la preuve de mens rea et de actus reus, c'est-à-dire un élément mental à l'origine de la violation et l'acte matériel qui constitue la violation. Nous faisons confiance au processus judiciaire.
    Le député a raison de dire qu'il est délicat de peser les faits en l'espèce, mais pour le commun des mortels, ce n'est pas parce qu'il est difficile de déterminer s'il y a infraction ou non qu'aucune sanction ne s'applique. Les gens ordinaires reçoivent des amendes et font l'objet de poursuites. C'est ce que nous considérons comme une affaire de primauté du droit. En fait, le fait que des législateurs disent qu'en raison de certaines considérations, ils jugent qu'aucune sanction ne n'applique est totalement incompatible avec la primauté du droit.
    En examinant votre mémoire, j'ai remarqué que vous indiquez également que le gouvernement devrait être tenu de faire état de chaque violation.
    Qu'entendez-vous par là?
(1555)
    À l'heure actuelle, l'article 19 de la loi stipule ce qui suit:
    
La nomination ou l’emploi de tout titulaire de charge publique est subordonné à l’observation de la présente loi.
    Nous savons qu'actuellement, il y a violation des 13 des 44 règles prévoyant des sanctions. Au cours des 12 derniers mois seulement, la commissaire a détecté 17 violations. Il semble qu'aucun suivi n'ait été fait à cet égard. Nous savons, par exemple, que les 17 titulaires de charge publique n'ont pas été démis de leurs fonctions par suite de ces violations. À ce que nous sachions, le Parlement et les médias ont accordé bien peu d'attention à ces affaires.
    En vertu de la primauté du droit, ces violations doivent avoir des conséquences. Quand une violation est décelée, nous recommandons que non seulement une sanction soit imposée, mais aussi que le gouvernement qui emploie ou nomme le titulaire réagisse à l'affaire, en tenant compte de la violation et de l'article 19, qui stipule que la nomination ou l’emploi est subordonné à l’observation de la loi, et indique s'il maintient ou non l'emploi ou la nomination, en expliquant pourquoi.
    Il est, selon nous, inacceptable, au regard du petit nombre de règles qui prévoient actuellement des sanctions dans la loi, que les violations détectées restent impunies.
    Nous formulons une recommandation qui s'applique au gouvernement, même si dans notre mémoire, nous soulignons le peu d'attention que le Parlement et les médias accordent aux cas de violation. Si cette loi est importante et sérieuse, alors les violations le sont tout autant et méritent qu'on s'y intéresse.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Angus.
    Je vous remercie, monsieur Giorno, de vos réponses.
    Je cède maintenant la parole à M. Carmichael pour une période de sept minutes.

[Traduction]

    [Note de la rédaction: inaudible]
    Je vous remercie beaucoup de vos exposés d'aujourd'hui, qui étaient extrêmement intéressants. Comme vous pouvez certainement l'imaginer, c'est une question au sujet de laquelle nous entendons bien des avis divergents, mais aussi quelques opinions similaires. Voilà qui nous aide considérablement.
    Monsieur Boivert, vous avez brièvement indiqué qu'il fallait éclaircir la question des intérêts personnels, que vous considérez comme une priorité. Devrait-on clarifier la définition pour que le concept soit mieux défini? Est-ce que d'autres définitions devraient elles aussi être remaniées?
    Pourriez-vous nous donner votre avis, je vous prie?

[Français]

    Justement, vous avez utilisé les mots « intérêts personnels ». Ce sont des mots qu'on n'utilise presque plus parce qu'on utilise de plus en plus les mots « intérêts particuliers ». Il y a des intérêts particuliers qui sont en jeu. Le passage de la dimension des intérêts personnels à celui des intérêts particuliers élargit déjà de façon assez intéressante les intérêts qui peuvent être interpellés à la suite d'une influence sur la décision d'un agent public.
    Je vous donnais d'ailleurs l'exemple des partis politiques. Est-ce que le fait de prioriser ou d'accepter d'avoir une certaine influence sur une décision publique parce qu'on veut mettre notre parti politique dans une situation favorable lui permettant de recevoir un financement constitue un problème? On a parlé précédemment de toute la question des dons qui est absente. Toutefois, à l'égard de cette loi, je pense qu'il devrait y avoir un débat pour clarifier la dimension relative au financement des partis politiques. Il faut regarder la question des démarches faites par des titulaires de charge publique en ce qui concerne le financement, notamment celles faites par les ministres.
    Pour citer le Québec, les ministres avaient quand même des normes de rentabilité à satisfaire en matière de collecte de fonds, et ce, avec toute la pression et les perceptions négatives que cela pouvait apporter. Dans cette perspective, on pourrait interpréter très négativement au chapitre des perceptions l'idée que quelqu'un aurait pu avoir une influence indue sur une décision publique uniquement pour favoriser son parti politique ministériel en vue d'obtenir plus facilement du financement. À cet égard, on est déjà dans une perspective d'élargissement. On n'est plus du tout dans le domaine qui touche l'intérêt personnel direct d'un titulaire de charge publique. On se situe au plan des intérêts particuliers.
    Il y a d'autres cas qui nous ont semblé intéressants, à savoir comment, dans plusieurs dossiers, ce sont des proches et des présumés amis d'un titulaire de charge publique qui ont semblé avoir certaines faveurs. Est-ce que ce ne sont pas des intérêts particuliers relatifs à un réseau qui n'est pas de première proximité comme on le décrit ici, c'est-à-dire un réseau familial? L'expression d'un intérêt particulier élargi pourrait nous amener à questionner la validité d'une telle décision publique qui favoriserait des amis. Pour le dire à la blague, chez nous, M. Accurso avait énormément d'amis. Tout le monde était l'ami de M. Accurso. On se pose donc la question suivante. Comment les décisions auraient-elles pu être influencées négativement à cet égard? En tout cas, au plan de la perception, le citoyen est en droit de se poser des questions.
    Si on discute à nouveau d'une telle loi et si on la questionne, j'estime que l'intérêt particulier doit être nettement élargi pour voir quels types d'intérêts pourraient être favorisés par des décisions injustes et inéquitables pour le citoyen.
(1600)

[Traduction]

    Merci.
    Vous avez brièvement traité d'« intérêt personnel », d'« ami » et de la définition. Peut-être faudrait-il examiner cet aspect également. Vous avez en outre mentionné les cadeaux, et si je vous ai bien compris, je crois que vous avez indiqué que c'est une pratique à proscrire.
    J'ai une question. Je crois que nous tous ici présents ne recevons pas beaucoup de cadeaux, à titre de simples députés, mais qu'en est-il des aspects culturels et des questions de ce genre? Les ministres et les titulaires de charge publique principaux peuvent se trouver dans une situation où le fait de refuser un repas ou un cadeau culturel serait considéré comme un impair. Est-il possible de faire la différence?

[Français]

    À cet égard, partons du principe que vous n'en avez pas beaucoup — vous êtes la première à le reconnaître —, et c'est tant mieux, j'oserais dire. Moi, j'enseigne à des fonctionnaires et à des gestionnaires publics, et on les amène à réfléchir au fait que le cadeau n'est pas de mise dans nos organisations publiques. À cet égard, on s'attend à ce que les titulaires de charge publique soient encore plus exemplaires. Si on l'exige des gestionnaires publics de plus bas niveau, on s'attend toujours au principe d'exemplarité.
    Pour ce qui est des exceptions, j'en ai parlé dans ma présentation très succincte. Un des points, qui est souvent matière à débat dans la littérature scientifique ou institutionnelle, est cette exception qu'il existe toujours pour ceux qui ont des mandats de type diplomatique ou qui assurent une mission de type diplomatique, c'est-à-dire qui sont en voyage à l'étranger et qui font face à des traditions culturelles différentes. Cela n'empêche pas la plupart des spécialistes de la question de dire que si tel est le cas, l'obligation de divulgation active du cadeau reçu devrait aller de soi, de même que, si possible, au retour au pays, la remise dudit cadeau à une instance qui serait responsable de la gestion du patrimoine des cadeaux des titulaires de charge publique.
    À ce chapitre, il y a toute une série de propositions. Dans certains pays, on organise une vente aux enchères annuelle des cadeaux reçus par les titulaires de charge publique, dont l'argent recueilli est versé à des organismes à but non lucratif, notamment. Il y a donc plusieurs scénarios possibles qui font en sorte d'écarter les impolitesses tout en respectant l'esprit du non-cadeau, de l'interdit de cadeaux dans cette perspective. Je pense que c'est vers ces avenues que l'on doit aller, beaucoup plus que vers la réouverture des standards en matière de cadeaux.
    Merci, madame Davidson.

[Traduction]

    D'accord, merci. Est-ce que mon temps est écoulé?

[Français]

    Votre temps de parole est effectivement écoulé. Ça fait déjà sept minutes.
    Je vais donc céder la parole à M. Andrews pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins de comparaître aujourd'hui. Nous relevons des thèmes communs entre les témoignages et les recommandations que la commissaire a formulées par l'entremise du commissariat.
    Monsieur Giorno, selon votre expérience dans le domaine, qu'est-ce qui fait que les titulaires de charge publique semblent faire fi des 19 devoirs et des 25 interdictions de la Loi sur les conflits d'intérêts? Ce n'est peut-être pas tant qu'ils ne les respectent pas qu'ils seraient incapables d'en énumérer la moitié si on le leur demandait.
    Se peut-il qu'ils sachent qu'il existe des règles d'ordre général au sujet des conflits d'intérêts, mais qu'ils n'en connaissent pas les détails? Le fait d'imposer des sanctions les incitera-t-il à leur porter davantage attention? Comprenez-vous ce que je demande? Comment se fait-il que si on demandait aux titulaires de nommer les 19 devoirs et les 25 obligations, ils ne pourraient probablement pas en énumérer la moitié?
(1605)
    Je pense, monsieur le président, qu'il y a plusieurs exigences rattachées à l'application et au maintien des lois. Nous ne les avons pas toutes mentionnées précisément dans notre mémoire, mais la position de l'ABC n'a pas changé à leur égard. Nous avons parlé des ressources. Les responsables de l'application des lois doivent avoir les ressources nécessaires. C'est une exigence. L'éducation est importante. Nous ne l'avons pas précisé dans notre mémoire, mais l'ABC croit certainement que les personnes qui ont des obligations légales doivent être bien informées de leurs responsabilités. Je pense que cela répond en partie à la question du député.
    Si j'ai bien compris l'autre volet de la question, monsieur le président, le député voulait savoir si des sanctions devaient être imposées — je ne veux pas déformer ses propos — afin que les titulaires de charge publique soient davantage conscients des restrictions qui s'appliquent à eux. C'est une des raisons derrière la proposition, mais ce n'est pas la principale. La principale raison derrière la proposition renvoie à la primauté du droit, de même qu'à l'équité et à l'égalité devant la loi. Quand monsieur Tout-le-monde enfreint les lois adoptées par le Parlement, il doit faire face à la justice. C'est donc tout simplement contraire à la primauté du droit qu'un fonctionnaire qui enfreint les lois adoptées par la Couronne puisse s'en sortir sans conséquence.
    Aussi, il y a toujours la question de la dissuasion avec toutes les lois. Les sanctions ont deux objectifs distincts. Le premier est de punir le contrevenant. C'est une des raisons pour lesquelles notre système de justice prévoit des sanctions. Le deuxième objectif est d'envoyer un message au reste du monde, pour dissuader les autres de faire de même. Le député a raison de dire que c'est un motif pour élargir le régime de sanctions, mais il y en a probablement trois ou quatre autres également.
    Je crois que la dissuasion compte pour beaucoup dans ce cas-ci. Comme vous le dites, le commissaire peut faire un rapport sur quelqu'un, mais cela n'a aucun effet dissuasif, parce que la personne qui a eu une note à son dossier et une tape sur les doigts est peut-être bien désolée, mais la prochaine n'a aucune idée de ce qui s'est passé avant qu'elle arrive.
    Je pense que vous avez été le premier à recommander une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu'à 25 000 $ par infraction — vous avez été très clair à ce sujet —, mais pensez-vous qu'il faudrait établir le montant de 25 000 $, ou autre, en fonction des 19 obligations et des 25 interdictions, et être un peu plus prescriptif? Autrement dit, s'il s'agit d'une des 19 obligations, la sanction maximale devrait être de tel montant, et de tel autre montant s'il est question d'une des 25 interdictions?
    Le montant de 25 000 $ est tiré de deux lois provinciales portant sur le lobbying.
    Le régime de sanction administrative pécuniaire est relativement nouveau. Les titulaires de charge publique peuvent toujours choisir l'option de la poursuite et de l'emprisonnement. Les citoyens ordinaires qui enfreignent la loi doivent comparaître devant un juge et doivent soit payer une amende, soit purger une peine d'emprisonnement. Il y a toujours cette option-là. Mais si on décide d'y aller pour un régime de sanction administrative pécuniaire, un régime relativement nouveau, il n'y a pas beaucoup de précédents sur lesquels s'appuyer. Il est bien évident qu'une sanction maximale de 500 $ n'est pas suffisante ni pour envoyer un message aux contrevenants ni pour en dissuader d'autres. Le montant de 25 000 $ est un exemple. Encore là, c'est une sanction maximale, comme une amende imposée par le tribunal, et il faudra également tenir compte de la gravité de l'infraction et d'autres facteurs. C'est au comité d'examiner la question. Comme je le disais, si le montant de 25 000 $ fait peur aux titulaires de charge publique, l'autre option est de procéder comme on le fait pour les citoyens ordinaires: on dépose des accusations et on renvoie l'affaire aux tribunaux, qui décident d'imposer une amende ou une peine d'emprisonnement. C'est ainsi que s'applique la primauté du droit à l'ensemble de la population au Canada.
    Vous avez parlé des 17 violations pour lesquelles rien n'a été fait. Laquelle de vos recommandations vise à corriger cette situation? Aussi, ce sont des violations impliquant des titulaires d'une charge publique désignée. Y a-t-il lieu de garder leur anonymat, ou faudrait-il entre autres révéler leur identité s'ils sont pris en défaut?
    Monsieur le président, je vais d'abord tenter de répondre à la deuxième question du député, puis je tâcherai de répondre à la première.
    La primauté du droit prévoit notamment que l'administration de la justice doit se faire de façon ouverte et transparente. Quand les citoyens ordinaires enfreignent la loi, les gestes qu'ils ont posés sont rendus publics, sauf lorsqu'il s'agit de jeunes témoins et contrevenants, dont l'identité est protégée par des ordonnances de non-publication. Cela fait partie d'un système de justice ouvert et transparent. C'est pour cette raison que nous avons délaissé les procédures secrètes et arbitraires. L'ouverture et la transparence de l'administration de la justice est un principe qui est observé depuis des siècles au Canada, alors je ne vois pas pourquoi il en irait autrement pour les titulaires de charge publique. Les transgressions de monsieur et madame Tout-le-monde sont rendues publiques. Rien ne justifie que les titulaires de charge publique soient portés au-dessus de tout cela.
    Vous m'avez demandé quelle recommandation portait sur les conséquences découlant d'une violation. Je vais apporter d'autres précisions à ce sujet. Pour ces 17 violations qui ont eu lieu au cours des 12 derniers mois uniquement — il y en a eu d'autres avant cela —, il est question des obligations pour lesquelles le commissaire peut imposer une sanction pécuniaire, soit aucune des 25 interdictions et seulement 13 des 19 obligations positives. Il s'agit de la recommandation 17, qui se lit comme suit:
La Loi devrait être modifiée de façon à prévoir ceci :

Après que le commissaire ait constaté une violation de la Loi par un titulaire de charge publique, l'employeur du titulaire de charge publique ou l'autorité qui l'a nommé... dispose de 30 jours pour confirmer l'emploi ou la nomination, selon le cas, et pour publier les motifs de la décision. Faute de confirmation de l'emploi ou de la nomination dans les 30 jours suivant la constatation d'une violation, la charge du titulaire de charge publique devient vacante.
(1610)
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Carmichael pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Bon après-midi à nos témoins.
    Monsieur Giorno, je veux d'abord vous poser quelques questions sur les recommandations présentées dans le mémoire de l'ABC. Les recommandations 8, 9 et 10 vont toutes à l'encontre de celles de la commissaire. Vous avez inclus pas mal plus de gens, et je comprends ce que vous dites en ce qui a trait aux citoyens ordinaires et aux nuances que vous apportez à l'égard des personnes concernées.
    Je me demandais si vous pouviez nous parler de ces trois recommandations. Je m'intéresse particulièrement aux conseils, aux nominations à ces conseils, et aux lacunes que vous avez cernées dans la loi.
    Bien sûr. Pour que ce soit clair, je précise que la commissaire propose de s'éloigner de la loi actuelle. C'est l'ABC qui, en fait... Nous ne voulons pas élargir la loi. Nous tentons davantage de la conserver telle qu'elle est.
    Là où nos opinions divergent, c'est à propos des dessaisissement d'office et des dessaisissements au cas par cas. La commissaire peut bien sûr exprimer elle-même son point de vue, mais pour mieux expliquer comment sa position diffère de celle de l’ABC, je précise qu’elle pense qu’il est bien souvent suffisant d’y aller au cas par cas. Vous êtes un titulaire de charge publique; on vous soumet quelque chose; vous êtes propriétaire de ces titres, et vous le signalez à la commissaire; elle vous indique quoi en faire, et vous avez le choix de les vendre ou de les mettre dans une fiducie sans droit de regard.
    Nous ne sommes pas contre le mécanisme de dessaisissement au cas par cas en tant que tel, mais nous sommes d’avis que certains titulaires de charge publique sont appelés à prendre des décisions ou à intervenir dans des dossiers qui concernent des biens contrôlés par l’État. Il n’est pas censé de procéder fréquemment à des dessaisissements au cas par cas. Ce n’est tout simplement pas pratique.
    Je vais en venir aux nominations dans un moment, mais prenons par exemple un employé dans un cabinet de ministre ou un conseiller en politiques d’un ministre. Ils sont en contact avec des lobbyistes tellement souvent, et ils sont sollicités à propos de tellement de dossiers, qu’il n’est tout simplement pas pratique d’y aller au cas par cas. Nous pensons que la règle actuelle, qui est de procéder à des dessaisissements d’office, est sensée dans ce contexte.
    De la même façon, selon la nature de la nomination… Par exemple, si le Parlement juge approprié d’adopter une recommandation visant à assujettir le gouverneur de la Banque du Canada à la Loi sur les conflits d’intérêts, est-ce qu’on va lui demander d’y aller au cas par cas, ou est-ce entendu qu’il va se trouver face à ce genre de questions si souvent que l’option des dessaisissements d’office est la seule valable?
    Aussi, pour certains des conseils, comme pour le CRTC, est-il seulement possible d’envisager des dessaisissements au cas par cas? Le commissaire du CRTC a un mandat si vaste que le seul mécanisme pratique n'est-il celui déjà prévu par la loi, soit le dessaisissement d’office de tous les biens du titulaire?
    J’espère que cela répond bien à la question du député.
    Oui, cela répond à ma question. Je suis d’accord avec vous quand vous dites que les membres du Parlement ont fait un choix de vie. Nous nous présentons aux élections – je pense que c’est M. Boisvert qui en a parlé --, et nous connaissons les règles du jeu quand nous le faisons.
    Je comprends que nous sommes grandement exposés à cela, mais est-ce juste de demander la même chose à quelqu’un de l’extérieur qui est nommé à un poste au sein d’un conseil?
    Monsieur le président, on ne parle que des conseils où les nominations sont faites par le cabinet, ou faites par un ministre et confirmées par le cabinet. Si notre recommandation est adoptée, on propose d’appliquer ces conditions au gouverneur de la Banque du Canada et aux postes semblables, c’est-à-dire ceux dont les titulaires sont nommés par d’autres entités et dont la nomination est confirmée par le cabinet. Au total, on parle de 1 100 postes. Ce sont, pour la grande majorité d’entre eux, des postes assez haut placés.
    Je peux vous dire deux choses. Premièrement, personne n’oblige personne à accepter une charge publique, pas plus qu’on n’oblige les membres des conseils à accepter un tel poste. Deuxièmement, les personnes issues du secteur privé, et le député provenant lui-même du secteur privé, il le saura, sont toutes au courant des enjeux et des règles entourant les conflits d’intérêts. Les gens qui évoluent dans le monde des affaires au Canada, dans leur propre carrière et vie professionnelle, connaissent déjà le régime des conflits d’intérêts. À mon avis, ils comprendraient tout à fait qu’accepter une charge publique signifie aussi de respecter le régime des conflits d’intérêts en vigueur dans ce milieu.
(1615)
    Merci pour cette explication.
    Quand la commissaire est chargée d’une enquête, il y a toujours la possibilité que des facteurs publics et externes suscitent des présomptions de culpabilité bien avant que les conclusions de la commissaire ne soient publiées. Selon vous, y a-t-il moyen de mitiger les effets des atteintes à la réputation qui résultent d’attaques purement partisanes? On voit cela assez régulièrement. Y a-t-il une façon de remédier à cela?
    Eh bien, une des règles prévues par la Loi sur les conflits d’intérêts est que lorsqu’un député dépose une plainte, il ne doit divulguer cette information qu’à la commissaire, et à personne d’autre. C’est une des 25 interdictions pour lesquelles il n’y a pas de sanction. Encore là, le Parlement a décidé que la chose appropriée à faire était de demander aux députés qui portent plainte de garder le silence jusqu’à ce que la commissaire ait rendu sa décision. C’est une des 25 interdictions qui n’entraînent pas de sanction. Notre recommandation visant à prévoir des sanctions en cas d’infraction a entre autres cet objectif.
    Pour répondre plus précisément à la question, je crois que les problèmes soulevés par le député ont en grande partie été réglés grâce à l’ouverture et à la transparence qui font partie intégrante de la primauté du droit. Plus le processus sera ouvert et transparent, plus la commissaire sera en mesure d’expliquer ses conclusions ou pourquoi telle ou telle chose ne s’est pas produite. Cela permettra en fait d’éclaircir la situation, et c’est probablement la meilleure façon de composer avec les effets négatifs sur la réputation de la personne qui a été accusée à tort.
    Quand la commissaire rejette une plainte qu’elle juge non fondée ou qu’elle conclut à l’issue d’une enquête qu’il n’y a pas eu conflit d’intérêts, bien souvent la personne visée ne sait pas qui a déposé la plainte en premier lieu. Est-elle en droit de le savoir?
    Selon la loi dans sa forme actuelle, non.
    D’accord.
    Toutefois, il est juste de dire que lorsque les contrevenants sont assujettis à un régime de sanctions pécuniaires, ils ont le droit d’être traités selon les principes de l’équité procédurale et de la justice naturelle. Notre mémoire aborde d’ailleurs le sujet, de même que certains articles de la loi. Si j’extrapole à partir de votre point de vue, si on en venait à imposer des sanctions pour toutes les dispositions de la loi, et c’est ce que nous recommandons, le processus adopté serait un processus judiciaire. Ce serait fait dans le respect des principes de la justice naturelle et de l’équité, et il serait tout à fait approprié — et le comité pourrait se pencher sur la question — d’appliquer les garanties procédurales et les principes juridiques qui permettent à l’accusé de connaître l’identité de son accusateur. Les citoyens ordinaires qui comparaissent devant les tribunaux savent qui les a accusés.

[Français]

    Merci, monsieur Giorno. Monsieur Carmichael, votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant aux périodes de questions de cinq minutes.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Froc, monsieur Giorno et monsieur Boisvert, je vous remercie de votre présence et de la qualité de vos présentations.
    Monsieur Giorno, je comprends très bien votre sentiment en ce qui concerne l'injustice flagrante que cette législation montre aux citoyens et citoyennes. M. et Mme Tout-le-Monde sont exposés à des lois où il y a des pénalités. Effectivement, cela semble un peu étrange que nous puissions éviter cela. Je pense que la question des sanctions est extrêmement importante.
    Monsieur Boisvert, je vous remercie beaucoup de vos clarifications relatives aux dons. Effectivement, un don n'est jamais gratuit. Vous avez tout à fait raison. Je vous remercie d'avoir parlé des anthropologues parce que, selon moi, on n'en parle pas assez souvent sur la Colline du Parlement. Vous avez parlé également de la définition de ce qu'est un intérêt particulier. Vous avez dit que ce n'était pas tellement la loi qui causait problème, mais que c'était le processus d'évaluation ou les mécanismes qui pourraient exister pour vérifier si c'est efficace ou non.
    J'ai une question assez large à poser. Quelles ressources supplémentaires ou quels mécanismes aimeriez-vous voir pour évaluer si la loi fonctionne? De plus, croyez-vous que le fait d'obliger la commissaire aux conflits d'intérêt à rencontrer personnellement les législateurs pour expliquer l'esprit de la loi serait un bon point de départ pour éviter qu'on se mette les pieds dans les plats par la suite?
(1620)
    Il y a deux volets à votre question.
    Le premier volet touche toute la question des moyens, qui est fondamentale. À vrai dire, le débat ne porte plus tellement sur les lois qu'on peut bonifier. Aujourd'hui, mes collègues apportent une contribution importante au sujet de la bonification même de la loi. Or, ce qui est démontré, c'est que le grand défi porte sur les moyens de faire respecter la loi dans la réalité gouvernementale. Il devrait y avoir un débat élargi à ce sujet. Il faut déterminer quels sont les besoins réels de notre commissaire pour qu'elle puisse aller au bout des objectifs fixés par la loi. Je pense que c'est la première question.
    Ensuite, il faut définir, compte tenu de cette loi et des moyens de la commissaire, les indicateurs vous permettant, tous les cinq ans, d'évaluer si effectivement les objectifs fixés par les parlementaires ont été atteints. C'est là tout le débat fondamental: est-on capable d'évaluer cela? Par exemple, l'ancienne commissaire à l'intégrité a suscité un grand débat. Un des reproches qu'on lui faisait était de ne pas répondre positivement aux attentes relativement aux enquêtes menées à la suite des divulgations. Ce débat est important. Il faut connaître le type d'attentes qu'ont les parlementaires. Il faut savoir si on est capable de fixer les objectifs. Il faut savoir quel type d'enquêtes devraient être faites et combien d'enquêtes, après réception des divulgations, sont poursuivies ou rejetées.
    C'est donc toute la question des budgets qui devrait être revue. En effet, le nerf de la guerre demeure l'argent. Selon la tendance à l'OCDE, on faisait des bulletins portant uniquement sur la présence, dans les lois, de dispositifs en matière d'éthique et d'intégrité. Donc, il suffisait de dire qu'on avait une ligne de divulgation pour être bien classé. En 2005, l'OCDE s'est rendu compte que c'était fallacieux et trompeur. De fait, vous pouviez avoir une ligne de dénonciation, mais seulement deux fonctionnaires pour s'en occuper. Il n'y avait donc là aucun résultat garanti.
    À mon avis, le débat devrait porter sur les moyens. Parmi ces moyens, il y a les sanctions. Sur ce point, je les rejoins à 100 %. C'est un des moyens essentiels pour faire réfléchir les titulaires de charge publique.
    J'ai un dernier point à soulever, à propos d'un autre volet.
    Il y a la question des rencontres individuelles, en effet.
    Très rapidement, je veux parler de la socialisation. J'ai commencé en disant qu'il y avait quatre points fondamentaux. À mon avis, c'est tout le débat sur la socialisation et la sensibilisation à l'éthique qui est fondamental.
    Dans une des recherches que j'ai faites avec les élus, dont 17 ex-ministres du Parlement québécois, 100 % d'entre eux m'ont dit ne jamais avoir vécu cette socialisation ou été sensibilisés au dossier de l'éthique en 2004. Donc, cela pose une question: quand un nouveau Parlement entre en poste, si on tient aux lois en matière d'éthique et d'intégrité, ne devrait-on pas se faire un devoir de socialiser et de sensibiliser les nouveaux titulaires de charge publique? À mon avis, c'est essentiel.
    Il vous reste 10 secondes.
    Seulement 10 secondes?
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Boulerice.
    Merci de votre réponse, monsieur Boisvert.
    Je cède maintenant la parole à M. Warkentin pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d’être ici cet après-midi. Nous vous remercions d’être venus parler de ce sujet avec nous.
    On remarque souvent qu’il y a une certaine confusion à l’égard des règles et de la façon dont elles peuvent être interprétées par un commissaire.
    Un des dossiers que j’ai suivis concerne un de nos collègues, le député néo-démocrate Andrew Cash. On a appris récemment qu’il recevait plus de 40 000 $ par année d’une société d’État, c’est-à-dire la SRC. C’est troublant de savoir qu’il siège toujours au comité du patrimoine.
    Nous avons reçu la commissaire, et elle a indiqué que ce qui se passe au comité est noté et doit être noté afin de pouvoir déterminer s’il y a oui ou non conflit d’intérêts.
    Dans ce cas-ci, non seulement il y a apparence de conflit d’intérêts, je pense que cela a été démontré par l’intérêt des médias à l’égard de ce dossier ainsi que des députés de plusieurs partis, mais il est bien possible qu'on soit en présence d'un conflit d'intérêts réel, parce qu'une lettre a été envoyée au député en question pour lui indiquer de s'abstenir de voter sur des questions concernant la SRC et de prendre part à des débats à ce sujet, deux conditions qu'il n'a pas respectées selon les dossiers publics.
    Vous avez parlé de façon générale de la nécessité de refuser des cadeaux. Je pense que la limite est établie à 200$, et 40 000 $, cela équivaut à 200 cadeaux de 200 $. Cela me paraît un enjeu important et l'intérêt du public entre grandement en ligne de compte.
    Comment pensez-vous que M. Cash, ou les autres députés dans la même situation que lui, devrait se présenter et entreprendre ses responsabilités de façon à réduire les apparences de conflit d'intérêts et éviter, fort possiblement, le conflit d'intérêts réel?
    La question s’adresse à l’un ou l’autre des témoins.
(1625)

[Français]

    Je pense qu'il est difficile de prendre position sur le dossier précis dont vous nous faites part. C'est toujours un peu délicat de formuler un commentaire à cet égard.
    Je ne sais pas si mes collègues veulent dire quelque chose au sujet d'un tel dossier.

[Traduction]

    Disons que c'est une hypothèse, mais la commissaire a dit très clairement durant son témoignage ici que les responsabilités assumées au comité ne doivent pas entraîner de conflits d'intérêts. La commissaire a été très claire.
    Que suggérez-vous en pareilles circonstances? Cet homme est bien sûr employé à la CBC ou sous contrat avec la CBC, une société d'État qui reçoit des crédits fédéraux et de l'argent des contribuables canadiens. Par conséquent, ces derniers soutiennent directement cet homme et les paiements dont il bénéficie.

[Français]

    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Vous avez la parole.
    Je pense qu'on parle vraiment d'un cas particulier. En fait, on est tous ici pour voir comment on pourrait approfondir la loi ou la modifier et non pas demander un avis juridique sur un cas particulier. D'ailleurs, la commissaire a fait parvenir une lettre à M. Cash pour lui dire que ce qu'il fait est conforme à la loi.

[Traduction]

    Ce n'est pas un rappel au Règlement.

[Français]

    J'aimerais rappeler qu'il serait plus facile pour les témoins si on s'en tenait à la loi relative aux conflits d'intérêts pour les titulaires de charge publique et non pas au code qui régit les députés. Essayons de nous en tenir le plus possible à la question des titulaires de charge publique. Pour ce qui est des députés, ils ne sont pas assujettis à la loi.
    Je vous permets donc de poursuivre à la condition que vous vous en teniez à la loi et non pas au code qui régit les députés.

[Traduction]

    Oui, c'est la décision vous avez rendue à plusieurs reprises lorsque M. Angus a donné des noms et a fait des allégations d'inconduites.
    Mais ce n'est pas ce qui m'intéresse. J'ai été très clair; je cherche à réduire ce genre de situation à l'avenir pour les députés de tous les partis. La question a reçu beaucoup d'attention et a amené les Canadiens partout au pays à mettre en doute le système. Comment se fait-il qu'un député vote des crédits pour une société d'État ou un organisme qui lui verse des fonds directement?
    La question, c'est de savoir comment établir des protections et mettre fin à ce genre de situation.
    Monsieur le président, une de nos recommandations porte directement là-dessus. La situation évoquée par le député est visée par le code, sur lequel l'ABC n'a pas de position.
    Concernant la loi, nous recommandons que chaque infraction soit passible d'une amende. Pour répondre à la question sur le code, la restriction semblable figure à l'article 6 dans la loi, qui interdit à tout titulaire de charge publique de prendre des décisions ou de participer à la prise de décisions s'il a un intérêt personnel tel que défini par la loi. À l'heure actuelle, la loi ne prévoit ni sanction ni amende pour cette infraction. Il n'y a aucune répercussion, sauf un rapport au Parlement.
    Pour répondre à la question du député, nous recommandons d'ajouter des sanctions dans la loi pour toutes les interdictions et les six dernières fonctions. Si l'infraction figurait dans le code, l'obligation correspondante dans la loi comprendrait une sanction pécuniaire.
(1630)

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Warkentin. Votre temps est écoulé.
     Je cède maintenant la parole à Mme Borg pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais également remercier les témoins d'être ici avec nous aujourd'hui.
    Monsieur Boisvert, vous avez mentionné le fait qu'il est toujours difficile de gérer l'après-mandat. À l'heure actuelle, on ne consacre peut-être pas suffisamment de ressources ou on ne vas pas assez loin à cet égard.
    J'aimerais vous donner l'occasion d'approfondir vos commentaires. J'aimerais que vous nous disiez comment améliorer cette situation et s'assurer que lorsqu'une personne quitte son poste de titulaire de charge publique elle soit responsable et ne reçoive pas de gros cadeaux qui risquent d'être controversés.
    L'après-mandat représente toujours une grande difficulté. Il s'agit ici du débat sur le droit qu'ont les personnes d'avoir une après-carrière. On ne peut pas imposer des interdictions sur l'après-mandat étant donné que le titulaire d'une charge publique a effectivement le droit de se trouver un travail par la suite.
    Cependant, la question à savoir si on a les moyens d'assurer le suivi des carrières se pose toujours. Il arrive très souvent que, moins de six mois après leur départ, d'anciens titulaires de charge publique se retrouvent dans des firmes avec qui ils ont déjà été en contact. On a même vu des ministres négocier leur après-mandat pendant qu'ils étaient en fonction, ce qui pose tout de même un problème. En effet, la question consiste très souvent à savoir si c'est pour faire du lobbying auprès d'anciens partenaires. Ce n'est pas nécessairement la question du lobbying qui devrait être surveillée. Il faut voir s'il y a eu des avantages, des privilèges.
    Dans le cadre du dossier dont je parle, il y a tout un débat sur les décrets qui ont eu lieu pendant la transition. La perception était plutôt négative. On s'est demandé si le décret n'était pas une faveur. Il ne s'agit pas de juger, mais il s'agit toujours de la logique de la perception. Dans d'autres cas, on s'est demandé si les après-mandats avaient été négociés pendant que les personnes occupaient leur poste au sein du gouvernement.
    Je pense que les responsables de la gestion de l'après-mandat devraient avoir la possibilité et les moyens nécessaires pour faire de la surveillance pendant environ un an ou deux, selon le type de charge publique dont il s'agit, de façon à pouvoir demander des comptes pendant le suivi. Tous les deux ou trois mois, par exemple, l'ex-titulaire de charge publique pourrait être obligé de faire un bilan de son cheminement d'après-carrière. Il faut aussi se pencher sur la possibilité d'imposer des sanctions. Nos collègues pourraient peut-être répondre à cette question sur le non-respect.
    Je vois qu'on hoche la tête, mais je pense qu'on devrait fournir à ces personnes les moyens d'imposer des sanctions aux ex-titulaires de charge publique qui commettent des infractions, par exemple s'ils se retrouvent vice-président d'une compagnie avec qui ils ont été en relation au cours des six derniers mois de leur mandat en tant que titulaire de charge publique. Je pense qu'il pourrait être intéressant d'entendre les commentaires de M. Giorno à ce sujet.
    Il me semble qu'à cet égard, la sanction devrait être un outil central.
    J'apprécie avoir votre opinion à ce sujet, mais je ne dispose que de cinq minutes.
    Je vais poser ma prochaine question et je vais vous inviter tous les trois à intervenir.
    Monsieur Boisvert, vous avez mentionné qu'on devrait clarifier ce qu'est un intérêt particulier. Évidemment, je ne vous demande pas de me donner une définition que vous voudriez voir adopter, mais plutôt de nous dire ce que serait une meilleure définition et s'il existe un modèle international qui fonctionne bien.
    Au plan institutionnel, je rejoins mes collègues. Je pense que tous les gouvernements se retrouvent en situation de conflits d'intérêts lorsque vient le temps de définir leurs lois. On n'a pas de grande référence parce que tous les titulaires de charge publique à travers le monde profitent de leur situation pour avoir des lois plutôt faibles pour les régir. C'est donc davantage du côté des organismes internationaux qu'on aura des pistes de réflexion. En matière d'élargissement pour ce qui touche les intérêts particuliers, c'est toute la réflexion de ce qu'on appellera les « situations de fait ».
    Par exemple, les réseaux communautaires, les réseaux associatifs et les groupes d'appartenance pourraient profiter de décisions favorables parce qu'ils font partie d'un réseau de proximité du titulaire de charge publique. À cet égard, son intérêt personnel ne sera pas favorisé, mais l'influence de son réseau de proximité dépassera largement sa sphère privée traditionnelle comme on le retrouve dans les législations, c'est-à-dire les enfants, l'épouse et le réseau de proximité direct. Donc, c'est l'élargissement à un réseau de proximité élargi.
    Souvent, dans les débats, il est question des partis politiques, des réseaux d'amitié, des réseaux d'association et des réseaux de groupe d'appartenance. À ce moment-là, on se retrouve dans des situations où, très souvent, on peut se rendre compte que ces réseaux de proximité élargis ont eu des faveurs intéressantes. L'idée est qu'on va à l'encontre de l'intérêt public lorsqu'on favorise les intérêts de ces réseaux de proximité.
    Dans le débat qui nous intéresse, on parle de situations de conflits d'intérêts. Il ne faut jamais oublier que dans la sphère publique, le conflit d'intérêts est le non-respect de l'intérêt public au profit d'un intérêt particulier. Donc, une décision publique n'a pas été prise pour privilégier le bien commun, mais plutôt un intérêt particulier. C'est là le fond du débat.
    Je disais que dans le préambule de cette loi, il devrait être clair qu'on parle de cela. En tout temps, une décision publique est l'indicateur d'évaluation de l'absence d'un conflit d'intérêts. À cet égard, la décision est prise dans le sens du bien commun et de l'intérêt public et non pas dans celui d'intérêts particuliers de tous genres. Je pense qu'on est en train de revoir une partie de la logique de la loi quand on élargit un peu cette dimension.
(1635)
    Je vous remercie, monsieur Boisvert. Le temps est écoulé.
    Monsieur Butt, vous avez maintenant cinq minutes pour poser vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Merci beaucoup de votre présence et de témoigner devant notre comité pour ce qui est selon moi un important examen législatif de la Loi sur les conflits d'intérêts.
    Nous avons constaté des ressemblances ainsi que des conflits et des disparités entre la Loi sur les conflits d'intérêts et la Loi sur le lobbying. Je présume que les deux savants témoins connaissent bien ces deux lois.
    Nous avons constaté que le titulaire d'une charge publique désignée » dans la Loi sur le lobbying présente bon nombre de ressemblances avec le titulaire de charge publique principal. Pour harmoniser et améliorer ces termes, quelle loi contient selon vous la meilleure définition qui s'appliquerait aux deux lois?
    Voulez-vous commencer, monsieur Giorno?
    Merci.
    Notre position concernant la Loi sur le lobbying et la Loi sur les conflits d'intérêts, c'est qu'il faut harmoniser les restrictions après mandat pour la raison invoquée par le député. Les responsabilités d'une personne seront mieux comprises et plus claires, mais il sera difficile d'harmoniser les textes de loi.
    La Loi sur les conflits d'intérêts impose présentement des restrictions sur le lobbyisme rémunéré, mais aussi sur le lobbyisme non rémunéré pour une brève période. La Loi sur le lobbying impose des restrictions sur toutes les activités de lobbying, mais elles doivent être rémunérées et durer plus longtemps. Elle exempte aussi ceux qui travaillent pour une entreprise et qui consacrent moins de 20 % de leur temps au lobbying. Concernant l'harmonisation, il faut établir s'il est plus important de s'occuper du lobbying rémunéré durant une longue période ou du lobbying non rémunéré qui survient tout de suite après un mandat.
    Les titulaires d'une charge publique désignée constituent une catégorie plus vaste. Le sous-ensemble des titulaires de charge publique principaux ne comprend que les fonctionnaires nommés par décret. On parle des sous-ministres et des gens qui occupent des fonctions semblables, tandis que le niveau des titulaires d'une charge publique désignée correspond à celui des sous-ministres adjoints.
    Nous n'avons pas de position sur la façon de procéder à l'harmonisation, mais j'indique que les titulaires d'une charge publique désignée font partie d'une catégorie plus vaste. L'ABC ne prend pas position là-dessus, mais d'une certaine manière, l'harmonisation ferait en sorte de couvrir moins de gens et réduirait les chances d'atteindre les objectifs des deux lois.
    D'accord.
    Monsieur Boisvert, un commentaire là-dessus?

[Français]

    Non, je vous remercie.
(1640)

[Traduction]

    Non, d'accord.
    Je ne suis pas personnellement concerné, parce que je ne suis ni secrétaire parlementaire ni ministre. Mais les 308 élus au Parlement doivent tous faire de leur mieux afin d'aider leurs circonscriptions et de défendre leurs électeurs pour une vaste gamme de questions.
    Vous êtes sans doute au courant des deux cas récents pour lesquels la commissaire a rendu une décision et a dit en gros que les ministres et les secrétaires parlementaires ne peuvent pas rédiger de lettres de soutien à un électeur. Simplement en raison de leurs fonctions, ces gens ne peuvent pas appuyer une proposition, même si la question n'a rien à voir avec leur ministère.
    Si la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique interprète bien la loi, et je suis convaincu qu'elle fait de son mieux, s'agit-il d'une restriction juste? Un député doit défendre ses électeurs. Si le premier ministre lui demande d'assumer une responsabilité supplémentaire dans un ministère ou à titre de secrétaire parlementaire, il semble que, tout d'un coup, cette personne n'est plus un député à part entière, selon l'interprétation de la commissaire.
    Pouvons-nous mieux définir la question? Pourquoi un ministre ne peut-il pas rédiger une lettre de soutien en tant que député local pour une question qui porte sur sa circonscription? La restriction, selon laquelle un ministre ou un secrétaire parlementaire n'est pour ainsi dire plus député, vous paraît-elle raisonnable?
    Le député a bien décrit l'interprétation actuelle de la loi concernant les ministres et les secrétaires parlementaires, qui n'est pas tout à fait incompatible avec la question des titulaires de charges publiques. On oublie que les députés qui pourraient recevoir des lettres ou des recommandations sont eux aussi nommés par le Cabinet.
    Il convient de savoir s'il est approprié pour un ministre qui a d'autres responsabilités de rédiger une lettre à la personne nommée par le Cabinet ou à un titulaire d'une charge publique.
    Notre système de justice a évolué et est plus complexe. Depuis des centaines d'années, les tribunaux indépendants, comme le CRTC et le Conseil canadien des relations industrielles, remplacent petit à petit les juges pour rendre des décisions juridiques. En fait, on peut probablement dire sans se tromper que les tribunaux et les organismes administratifs rendent plus de décisions que les juges.
    Si un ministre ne peut pas écrire à un juge, pourquoi un ministre pourrait-il écrire à un commissaire du CRTC qui détient le même pouvoir décisionnel selon la loi?
    L'ABC ne recommande pas d'apporter des changements à la loi à ce propos. Je dirais que la loi est adéquate selon nous, pour les raisons historiques que j'ai soulignées.

[Français]

    Monsieur Boisvert, voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?
    Oui.
    À ce sujet, il est intéressant de noter que nos études concernant les élus et ex-ministres ont mis en lumière une situation de dilemme éthique. Les ministres comprenaient très bien qu'un des enjeux en matière d'éthique était la frontière entre leur statut de député et leur statut de ministre et qu'il était fondamental de déterminer si un dossier les interpellait en tant que député ou en tant que le ministre. Je pense que la signature d'un ministre n'a pas le même poids que celle d'un député. Je crois que c'est fondamental et qu'il est bon que la loi clarifie les choses.
     S'il est vraiment question d'un citoyen de sa circonscription, je pense qu'il doit accepter de revenir à son statut tout à fait noble de député. Cependant, il doit s'assurer que cette signature n'a pas d'effets négatifs sur sa fonction de ministre, qui est plus importante, parce que cela peut avoir un sérieux impact sur son gouvernement. En termes d'éthique, il s'agit peut-être de ne pas mettre le gouvernement auquel il appartient en situation de fragilité. Je ne pense pas que cette réflexion-là se situe uniquement au niveau de la loi. Elle touche la gestion des dilemmes éthiques qu'un ministre devrait être en mesure de comprendre. Au-delà des lois et de la déontologie, je pense qu'un ministre doit être sensibilisé aux enjeux éthiques qui lui appartiennent.
    Je vous remercie.
    Monsieur Boulerice, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Boisvert.
    La distinction entre le rôle de député et celui de ministre est une question intéressante. On a vu récemment dans l'actualité que le ministre des Finances s'était fait taper sur les doigts. Il y avait une confusion à cet égard.
    Monsieur Giorno, je vais vous poser une question sur les sanctions. Vous avez dit à plusieurs reprises que la loi manquait de mordant, qu'il n'y avait pas de conséquences et pas de pénalités. On a déjà parlé de sanctions monétaires ou d'emprisonnement, comme aux États-Unis.
     Pourriez-vous me donner un ou deux autres exemples de sanctions qui pourraient être imposées à des titulaires de charge publique?
(1645)

[Traduction]

    D'après mon expérience concernant la loi au Canada, trois options s'offrent à nous, monsieur le président.
    Je répète que le régime de sanctions administratives et pécuniaires est nouveau, mais il est de plus en plus courant au Canada pour ce genre d'infractions.
    Il y a l'infraction normale et l'interdiction, qui entraîne une amende ou une peine d'emprisonnement. La police doit déposer des accusations, et il faut tenir un procès pour que le juge impose une amende ou une peine.
    La troisième sanction dans certaines lois provinciales, c'est le renvoi. Le maire de Toronto est un cas bien connu.
    Au Canada, ce sont les trois choix qui s'offrent au Parlement pour appliquer ce type de lois.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Giorno.
    Monsieur le président, je vais céder le temps de parole qu'il me reste à ma collègue Mme Borg.
    Merci beaucoup.
    Vous avez mentionné que ce gouvernement avait échoué quant à la modernisation de la Loi sur les conflits d'intérêts. Or, cela s'est produit pour une autre loi également.
    Dans ces circonstances, j'aimerais présenter la motion suivante:
Qu'en réponse aux inquiétudes citoyennes suite à la perte des données de plus d'un million Canadiens et Canadiennes, le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique entame une étude, relatif à l'obligation d'avertir la Commissaire à la protection de la vie privée d'atteintes aux données personnelles et lorsque des données personnelles ont été piratées ou perdues, ainsi que la capacité de la Commissaire à la vie privée de faire des ordonnances, et que le Comité fasse rapport de ses conclusions, ainsi que ses recommandations de modification à la Loi sur la protection des renseignements personnels qui en résultent, au Parlement.
    Monsieur le président, on a constaté qu'il y avait eu une perte de données touchant plus d'un demi-million de Canadiens, ce qui est énorme. La Loi sur la protection des renseignements personnels détermine ce que les ministères doivent faire lorsqu'il y a une perte de données. Malheureusement, cette loi n'a pas été modifiée depuis 1985. Or en 1985, Internet n'était pas aussi populaire. Il n'y avait pas non plus de clés USB qui pouvaient être perdues. Par conséquent, je pense que ce comité devrait se pencher sur la situation des personnes qui ont été victimes de cette perte de données. Il serait extrêmement important de réviser la loi. Je pense qu'il s'agit là de la responsabilité de ce comité, étant donné que cela touche la protection des renseignements personnels.
    J'aimerais obtenir l'appui de tous les membres du comité. Je pense qu'il est de notre devoir, comme parlementaires et membres de ce comité, de réviser cette loi.
    Merci, monsieur le président.
    Étant donné que M. Boulerice était le dernier intervenant sur la liste, je vais laisser les témoins quitter la salle, tel que prévu.
    Comme votre temps de parole est écoulé, nous allons passer au débat sur la motion. Je vais donc suspendre la séance pendant quelques minutes.
    Je remercie encore une fois les témoins d'avoir été présents parmi nous et d'avoir contribué à notre étude.
(1645)

(1650)
    À l'ordre, s'il vous plaît. Nous allons reprendre notre séance.
    Mme Borg a déposé une motion. Les membres du comité vont donc pouvoir en débattre. J'ai trois personnes sur ma liste, à commencer par M. Warkentin.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie ma collègue de présenter cette motion, que le Comité des ressources humaines étudie bien sûr.
    Bien entendu, notre gouvernement croit que c'est une violation inacceptable des renseignements personnels. Même si tout indique que l'information n'est pas tombée entre des mains malveillantes, nous croyons qu'il s'agit d'une violation inacceptable qu'il faut corriger. C'est pourquoi la ministre a pris des mesures expéditives.
    Un certain nombre d'aspects de la question sont liés à l'étude en cours de notre comité. Le Comité des ressources humaines se penche sur la question, mais je pense que certains aspects concernent notre étude. Je présente une motion pour poursuivre de nouveau la discussion à huis clos.

[Français]

    Nous avons maintenant devant nous une motion demandant que nous poursuivions la séance à huis clos.
    Il y a eu une demande de vote par appel nominal. Il n'y a pas de débat sur cette motion.
    Je vais donc laisser le greffier procéder au vote.
    (La motion est adoptée par 7 voix contre 4.)
    Le président: Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes avant de la poursuivre à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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