Passer au contenu

NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 mars 1998

• 1537

[Traduction]

Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau— Labelle, Lib.)): J'aimerais souhaiter la bienvenue au major-général Clive Addy. Il nous manque quelques membres, mais je crois savoir qu'ils arriveront sous peu. Conformément à notre procédure normale, major-général, nous vous accorderons 10 ou 15 minutes pour faire votre exposé, et ensuite nous passerons directement aux questions. Si vous n'avez pas d'objection, nous allons commencer tout de suite.

Je crois comprendre que le lieutenant-général Kinsman arrivera vers 16 h 15 ou 16 h 30, et nous pourrons donc entendre ces témoignages à ce moment-là.

Vous avez la parole.

Mgén Clive Addy (président national, Fédération des instituts militaires et interarmés du Canada): Merci infiniment.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis le président national de la Fédération des instituts militaires et interarmés du Canada, qui représente environ 10 000 ou 12 000 membres qui sont rattachés à 29 instituts différents dans tout le Canada. J'ai demandé à comparaître devant le comité pour vous expliquer ce qui me semble être l'opinion généralisée de nos membres quant aux défis socio-économiques auxquels font face nos Forces armées canadiennes.

Je sais que pendant votre voyage dans l'Ouest, vous avez eu l'occasion de parler à Gerry Frewen, qui est le président de l'Institut des services interarmés de Victoria. Lors de cette rencontre, il a fait valoir un certain nombre d'arguments avec de nombreuses statistiques à l'appui. Je n'ai pas du tout l'intention d'examiner toutes ces statistiques avec vous. Je pense que les diverses personnes que vous avez rencontrées pendant votre voyage vous ont certainement remis suffisamment d'information et de chiffres—peut-être même trop.

[Français]

Vous avez voyagé partout dans l'Ouest du pays et surtout dans les régions du Québec. Les témoignages que j'ai pu lire sur le réseau électronique me portent à croire que vous en avez, des chiffres. Mon but aujourd'hui n'est pas de parler de chiffres, mais, bien au contraire, de certaines questions qui me préoccupent très sérieusement.

[Traduction]

Mais pour en revenir à votre étude, au moment où celle-ci a été amorcée, je crois qu'on vous avait demandé de vous intéresser à un aspect bien particulier de la situation des Forces armées canadiennes, à savoir le contrat social entre les forces armées, le gouvernement et la population canadienne. C'est donc sur cette question que je voudrais m'attarder.

Au moment où cette étude a été entreprise, le commandant de l'armée à l'époque a recensé cinq thèmes qui ont d'ailleurs été repris dans les documents le 11 décembre. Le premier concernait la juste rémunération, et le dernier, la recherche d'une qualité de vie pour les membres des forces armées et leur famille. Je suis sûr que c'est là-dessus qu'ont porté la grande majorité des statistiques qu'on vous a présentées jusqu'à présent. Toutefois, mon objectif aujourd'hui est d'aborder les trois autres éléments du milieu qui, sans être pécuniaires, sont pour moi les plus importants et dont on a dû vous glisser un mot, du moins je l'espère. Ces trois éléments sont les suivants: donner à nos soldats, nos marins et nos aviateurs les outils qui vont leur permettre de faire du bon travail; des attentes professionnelles raisonnables; et enfin la reconnaissance et la compréhension du travail qu'ils accomplissent.

• 1540

[Français]

Alfred de Vigny écrivait au siècle dernier un petit bouquin qui s'appelle Servitude et Grandeur militaires. Je vous recommande de lire ce texte où on explique des thèmes de la vie militaire qui sont encore très pertinents de nos jours. Entre autres, il mentionne que les plaidoyers sur la juste valeur d'une rémunération n'auront de valeur que si la société pour laquelle le soldat oeuvre à sa profession respecte le mérite de son travail.

Je crois qu'il y a ici beaucoup à réfléchir et à améliorer. Je suis de ceux qui croient que la valeur se mérite et que la rémunération suit ce mérite. Ce qu'il faut au Canada, c'est reconnaître publiquement cette valeur du service, sans les accoutrements de groupes de pression, de syndicalisme ou de toutes les autres formes de pression que l'on connaît très, très bien de nos jours.

[Traduction]

C'est pour cette raison qu'il me semblait important—et je vous parlerai dans quelques instants de mes propres antécédents militaires—de vous rappeler les opinions de ceux que j'appellerais des dirigeants militaires modernes, et j'en ai donc choisi deux à titre d'exemple. D'abord, le major-général Patrick Cordingley, qui était le commandant de la 7e Brigade lors de l'Opération Tempête du désert. C'est une brigade britannique. Si j'ai choisi de vous citer des extraits de son livre, c'est parce que ce dernier décrit l'homme moderne, et sa façon de réfléchir, de même que le général moderne. Il n'est pas un monstre. Il n'est pas non plus un idiot. C'est au contraire un homme très compétent.

Juste avant le début de la guerre, ayant réussi à amener sa brigade à un niveau élevé de préparation militaire, il écrivait ceci dans son livre récemment publié, In the Eye of the Storm:

    En prenant mon café dans ma chambre, j'ai lu [...] que Tarik Aziz, le ministre irakien des Affaires étrangères, et M. James Baker [...] avaient accepté d'entamer des pourparlers. Peut-être trouveraient-ils une solution [...]

—du moins c'est ce qu'il croyait—

    Ni moi, ni aucun autre membre rationnel de la brigade, n'auraient pu souhaiter une solution autre que des négociations. Il n'y avait en nous ni orgueil ni soif de guerre.

Voilà donc les propos et les réflexions d'un homme qui venait de passer près d'un an à se préparer à la guerre; comme toutes bonnes choses, il reconnaît qu'il ne convient de recourir à ses armes que si c'est absolument nécessaire.

L'autre livre dont je voudrais vous citer des extraits est beaucoup plus étroitement lié aux travaux de ce comité, et ce livre cite le général Freddie Franks Jr, soit le commandant du VII U.S. Corps. Le général britannique Patrick Cordingley, dont je viens de vous parler, a travaillé pour lui au sein de son corps. Il a été le commandant d'un demi-million de troupes dans le désert, et c'est lui qui est sorti vainqueur de ce conflit. C'est un grand ami respecté des Canadiens. J'ai travaillé sous son commandement à titre de commandant de brigade en Allemagne. Il était amputé. Il n'avait qu'une jambe et avait continué à servir avec une jambe depuis qu'il avait atteint le rang de major.

Tom Clancy, qui est davantage connu pour ses romans policiers et son livre The Hunt for Red October que pour ses récits historiques, a néanmoins écrit un livre au sujet de l'Opération Tempête du désert, qui s'intitule Into the Storm. Dans son ouvrage, il cite le général Freddie Franks Jr:

    Après la guerre du Vietnam, on a voulu accroître l'acceptabilité de l'Armée [...]

—un exercice de relations publiques—

    en adoptant la devise: «The Army Wants to Join You!»

    Je ne prétends pas que l'armée n'avait pas besoin d'idées nouvelles pour rendre la vie militaire plus attrayante, ni que sa culture n'avait pas besoin d'évoluer. Mais tous ces changements devaient pouvoir se faire dans le maintien de l'ordre et de la discipline que requièrent les fonctions rigoureuses des soldats au combat.

Il dit aussi, et il insiste là-dessus, qu'«il n'est pas souhaitable de créer une armée qui passe son temps à se poser des questions existentialistes».

Franks aimait beaucoup citer les propos de Rommel, qui a dit ceci:

    La meilleure façon d'assurer le bien-être des troupes est de leur donner la meilleure préparation militaire possible.

Pendant que vous réfléchissez aux propos de ce général et de Patrick Cordingley, j'aimerais vous parler brièvement de mes propres expériences, pour que vous ayez une idée plus précise—à part ce qu'on trouve dans ma biographie—de l'homme que je suis.

J'ai passé 11 ans à entraîner les soldats canadiens au sein de l'OTAN. J'ai commandé des unités de tout genre, depuis un escadron en Allemagne à la brigade là-bas, en passant par un régiment blindé. Pendant la guerre du Golfe, j'étais chef d'état-major des Forces canadiennes en Europe, et à ce titre, j'étais responsable de la planification et du déploiement dans le Golfe des escadrons aériens. J'étais également responsable du déploiement en Yougoslavie de la première vague d'observateurs. Certains d'entre vous ne s'en souviennent peut-être pas, mais avant d'y envoyer des contingents, nous avons tout d'abord envoyé un certain nombre de Canadiens, sans équipement aucun, qui étaient chargés d'observer la situation depuis un certain nombre de lieux situés en hauteur. Il ne s'agissait pas d'observateurs de l'ONU, d'observateurs canadiens ou d'observateurs de l'OTAN. Ils ont accompagné les responsables de la Communauté européenne.

• 1545

À propos, on leur a dit de porter des vêtements blancs, et nous leur avons fourni des vêtements blancs. Nous sommes allés au magasin du quartier-maître pour leur prendre des vêtements d'hiver, soit un survêtement blanc et fin qui se met par-dessus un parka, et des mukluks. Voilà ce qu'on a donné à nos observateurs canadiens là-bas. Ils recevaient leurs ordres des autorités au Canada et non du siège des Forces canadiennes en Europe, et nous n'avions pas assez d'argent pour leur acheter des vestes blanches. C'est une question de mentalité. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

J'ai également assuré le déploiement en ex-Yougoslavie du premier contingent. Il est probable—du moins je l'espère—que ce soit le seul contingent que le Canada aura déployé par chemin de fer. Il a quitté l'Europe. Quand nous sommes allés voir ce qui se passait, nous avons reçu un ordre de l'ONU et du quartier général de notre propre ministère de la Défense nationale nous indiquant que nos fantassins devaient être munis d'un maximum de neuf cartouches de munitions pour leurs armes individuelles, alors qu'on les envoyait dans un théâtre d'opérations où tout le monde avait vu à la télévision des Vukovar, des chars d'assaut, etc., et ce soi-disant parce que tel était l'ordre donné par les responsables de l'opération de l'ONU. Quoi qu'il en soit, moi et mon ami, Lewis MacKenzie, avons décidé qu'il valait mieux ne pas tenir compte de cet ordre-là, et c'est justement ce que nous avons fait.

Il y a d'autres éléments dont nous n'avons pas non plus tenu compte. Par exemple, nous n'avons pas tenu compte du fait qu'on nous avait dit de ne pas y amener de tracteurs. Il reste que sans tracteurs, nous n'aurions jamais réussi à aller jusqu'à l'aéroport depuis Sarajevo.

J'ai fait aussi l'expérience de la Somalie, mais ce n'était pas une expérience agréable. J'étais l'un des six membres de la Commission d'enquête militaire qui s'est rendue là-bas. Je connais donc en détail tout ce qui s'est passé en Somalie. Par exemple, je sais que nous n'avons pas donné d'aliments frais à nos soldats pendant six mois. Je pense que c'est un amiral respecté de la côte ouest qui vous disait qu'on trouverait inadmissible que Clifford Olson soit traité de cette façon et je m'empresse de vous dire qu'il a parfaitement raison.

J'ai également été le commandant de toute la zone de l'Ouest jusqu'en 1996. Cette zone comprenait cinq bases ayant environ 10 000 soldats réguliers et réservistes. À l'époque, j'ai été chargé de fermer un certain nombre de ces bases, puisqu'il s'agissait de s'adapter au nouveau concept de la grande base, et en même temps d'aider les gens à modifier leurs attentes face à un monde qui évoluait beaucoup plus rapidement qu'ils ne pouvaient le faire.

Voilà donc un petit résumé de l'expérience que j'ai vécue aux forces armées au cours des 35 dernières années. Chacun de ces titres s'accompagne de toutes sortes d'histoires de guerre que je pourrais vous raconter, si cela vous intéresse. Mais ce qui me semble plus important aujourd'hui, c'est d'examiner ce que nous faisons, dans l'optique de notre gouvernement, ce que notre gouvernement et nos forces armées font vraiment, et ce qui préoccupe nos troupes à la base.

Je n'ai pas l'intention de vous répéter les éléments de la politique canadienne. Tout cela figure dans le Livre blanc de 1994. Mais à cela viennent se greffer toutes les interprétations des uns et des autres; certains prétendent que nous sommes en réalité un pays dont la principale activité devrait être le rétablissement et le maintien de la paix. D'autres estiment que nous devrions mettre l'accent sur l'aide à donner aux autorités civiles. D'autre encore sont d'avis que nous devrions suivre les principes de Canada 21 où l'accent est mis sur les opérations de gendarmerie. D'autres prétendent que nous ne devrions pas participer à la mise en oeuvre d'une politique internationale sur les mines. Certains estiment que nous devrions y participer un peu mais d'autres préfèrent que nous n'y soyons pas mêlés du tout.

Par conséquent, nos soldats ne savent plus très bien ce que le gouvernement attend d'eux. Ils ne savent plus très bien si on s'attend à ce qu'ils fassent preuve de leadership. Ils ne comprennent plus parce qu'on leur a dit que les forces armées allaient disposer de moins de ressources mais qu'elles allaient devenir plus dynamiques et plus efficaces, alors que jusqu'à présent, nous constatons en effet qu'elles disposent de moins de ressources tout en ayant plus de travail, et qu'elles ne sont pas nécessairement devenues plus efficaces. Cela inquiète donc nos soldats.

Mais en ce qui me concerne, ce qui compte par-dessus tout c'est que les pouvoirs publics s'engagent clairement, au niveau national, à prendre les mesures qui s'imposent pour veiller au bien-être des membres des forces armées. Cela suppose nécessairement que les forces armées aient le soutien nécessaire pour bien remplir leur rôle. Par conséquent, il faut accorder à nos soldats les ressources dont ils ont besoin pour s'entraîner et pour se préparer à des opérations de tout type, même si cela nécessite une formation spéciale.

• 1550

Un engagement intelligent et éclairé suppose un soutien constant et un intérêt pour les membres actuels et anciens de nos forces armées.

Bruce Henwood était avec moi en Allemagne; il était lieutenant et on l'a fait venir du Canada lorsque j'étais commandant là-bas. Je sais exactement ce qui est arrivé à Bruce Henwood.

Je suis un ami personnel de l'adjudant Martineau. Je compte parmi mes amis intimes le bon sergent qui a perdu trois doigts au lac Gustafsen.

Tous ces événements étaient atroces. À titre de général à deux étoiles posté dans l'ouest du Canada, je peux vous dire que j'étais parfaitement incapable de changer la situation, et c'est justement cela qui fait peur.

Je me demande si l'on a abordé auprès des membres ici présents la question des effectifs indisponibles pour raison de santé. Est-ce qu'on vous a parlé de la signification de ce terme? Avez-vous déjà entendu ce merveilleux sigle EIPRS, monsieur le président?

Le président: Non.

Mgén Clive Addy: Eh bien, ce sigle désigne les soldats qui sont blessés, malades ou dans l'impossibilité de poursuivre leurs activités. Quand cela se produit, on vous inscrit sur la liste EIPRS. Si vous avez de la chance, vous restez près de votre base ou de votre unité pendant votre convalescence. Si vous n'avez pas de chance, on vous envoie ailleurs.

Il s'agit essentiellement d'une liste qui relève des autorités d'Ottawa et dont l'administration est déléguée au commandant d'une base. Si vous demandez à n'importe quel membre des forces armées qui a déjà fait partie des EIPRS si quelqu'un est venu leur rendre visite ou leur demander s'ils allaient bien, ils vous diront non. Mais si vous l'examinez, vous aurez l'impression qu'il s'agit d'une procédure intéressante et utile.

Au moment de faire vos recommandations sur la question, je vous implore donc de vous rappeler que lorsqu'on a affaire à des êtres humains, il est essentiel de connaître le nom de la personne qui est responsable et qui est chargée de s'occuper de vous et d'avoir des contacts personnels avec cette dernière. Dans les forces armées, il s'agit normalement du commandant de l'escadre ou de l'unité ou encore du capitaine du navire. Si vous êtes blessé, c'est encore cette personne-là qui devrait avoir à assumer la principale responsabilité de votre bien-être.

S'il faut pour cela accorder plus d'argent et plus de pouvoirs à ce capitaine ou à ce commandant d'unité, faites-le. Il s'intéresse au bien-être de son personnel. Il va s'en occuper. Mais le type assis à son bureau au quatorzième étage de l'édifice qui se trouve en face de celui où je travaille ne s'y intéresse pas; pour lui, c'est juste un autre nom sur une liste.

À mon avis, vous devez absolument réfléchir au processus actuellement en place et à la façon de l'analyser. C'est très simple. Si c'était vous qui étiez alité et quelqu'un vous disait: Voilà la personne qui s'occupera de votre dossier pendant que vous serez sur la liste des effectifs indisponibles, n'aimeriez-vous pas connaître non seulement le numéro de téléphone mais le visage de la personne chargée de s'occuper de vous? Bien sûr que oui.

Je pense qu'on vous a parlé des cas de l'adjudant Martineau et de Bruce Henwood; si leurs dossiers ne sont toujours pas clos, c'est parce que tout le processus est trop impersonnel. Le problème, c'est que personne qui serait en mesure d'agir et connaît l'individu en question n'a la responsabilité de traiter directement avec lui pour qu'il sache qui va être son interlocuteur.

Voilà donc essentiellement ce qui manque, à mon avis. Mon expérience de la vie militaire, en compagnie de soldats à plein temps et à temps partiel, m'amène à vous recommander vivement de faire en sorte que le résultat le plus important de vos délibérations soit le rétablissement de relations de confiance, fondées sur le respect du métier de soldat, avec le gouvernement du Canada que nous servons. Cette confiance et ce respect ne seront manifestes que lorsque les forces armées seront bien équipées et capables de former leurs membres et de se battre, et que des responsables gouvernementaux en dehors du ministère de la Défense nationale exprimeront publiquement leur soutien pour nos soldats. Si cela se fait, les membres des forces armées bénéficieront nécessairement d'un traitement approprié. Sinon, qui sait ce qui peut arriver, monsieur le président?

Permettez-moi donc de répéter un certain nombre d'éléments auxquels vous voudrez peut-être réfléchir—et vous m'excuserez, John, mais je ne peux m'empêcher de reparler d'une de mes bêtes noires, c'est-à-dire la médaille de Somalie.

Lorsque j'étais encore dans les forces armées, la médaille de Somalie représentait pour moi une solution qui avantageait tout le monde; mais le gouvernement a transformé cet avantage en échec, et ce pour deux raisons: d'abord, il ne comprenait pas les soldats; et deuxièmement, il ne comprenait pas que le fait de décerner, dès que possible, cette médaille à la grande majorité des soldats qui la méritaient aurait eu l'effet de calmer l'ensemble de la population canadienne. Il lui aurait été possible d'éviter l'agitation qui s'est manifestée dans les journaux.

D'ailleurs, le gouvernement est actuellement très vulnérable, étant donné que le traitement réservé aux personnes blessées, dont j'ai déjà mentionné le nom et dont les circonstances vous sont bien connues, pourraient très bien refaire surface dans les médias.

• 1555

Permettez-moi de répéter que cela touche très peu de personnes. Il s'agit donc de petites opérations. Malgré tout, nous n'avons pas réussi à traiter avec compétence les quelques cas problèmes qui ont surgi.

Et pour cela, nous sommes coupables. Moi, je suis coupable parce que je portais l'uniforme quand ils ont été blessés et que je n'y pouvais rien. Il en va de même pour ceux qui portent l'uniforme aujourd'hui.

Ils ont besoin d'aide et il faut les aider. Je vous exhorte donc à faire des recommandations pertinentes, car c'est ainsi que nous pourrons les aider. Permettez-moi d'insister encore une fois sur ce que je vous disais tout à l'heure; c'est-à-dire que pour les aider, il faut s'assurer qu'un militaire blessé peut traiter avec une personne qu'il connaît et en qui il a confiance, de préférence quelqu'un de son unité, et non pas un représentant inconnu du soi-disant système. Voilà les dangers.

Pour moi, des manoeuvres financières et administratives, quelles qu'elles soient, ne pourront jamais remplacer la confiance et la compréhension qui manquent malheureusement à nos soldats. Nous avons tous lu les articles dans les journaux. Je crois qu'on en parlait hier dans le Ottawa Citizen. J'ai lu aussi les témoignages que vous avez reçus. Si vous arrivez à faire des recommandations qui vont se traduire par un contrat de confiance entre le gouvernement du Canada et nos soldats, à mon avis, vous aurez réalisé quelque chose de très important.

Mais il n'existe pas pour le moment. À l'heure actuelle, les officiers généraux ne sont pas en mesure de protéger leurs soldats de ce qui arrive autour d'eux.

Et il arrive bien des choses en ce moment. Mon ami amiral aurait d'ailleurs fait des remarques assez cruelles concernant les origines douteuses de cette race qu'on appelle les politiciens, ou quelque chose du genre. Quoi qu'il en soit, son argument était pour moi tout à fait valable. Il disait que les Forces canadiennes transcendent le sectarisme politique. Elles transcendent les avantages économiques qu'elles représentent pour une localité. Elles constituent une véritable institution canadienne. Et c'est une institution un peu étrange parce qu'elle exige que vos fils et vos filles soient disposés à risquer leur vie. Par conséquent, vous ne pouvez pas les envoyer à droite et à gauche et les oublier après. Et vous ne pouvez certainement pas les oublier s'ils ont été blessés.

Merci infiniment, monsieur le président. Voilà qui termine mes remarques liminaires.

Le président: Merci beaucoup, major-général.

Nous passons maintenant à la période des questions. Le premier intervenant sera le représentant du Parti réformiste. Monsieur Hanger, vous avez 10 minutes.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord m'excuser auprès des membres du comité de mon retard. Nous avions quelque chose à régler à la Chambre et c'est ce qui nous a retardés.

Vos remarques, major-général, m'ont beaucoup intéressé. Je sens la profondeur de votre frustration. Quand vous étiez dans l'armée, certains changements s'opéraient déjà. Mais comme l'orientation n'était pas bien définie, vous n'aviez pas l'impression de savoir où tout cela devait mener les forces armées. Je dois dire que moi-même j'ai du mal à y voir clair depuis les quelques mois que je suis chargé de ce dossier. Pour moi non plus l'orientation n'était pas bien claire.

Vous avez parlé du Livre blanc de 1994. Pour moi, tout cela influe directement sur les membres des forces armées. Ce n'est peut-être pas directement lié à cette notion de contrat social, si vous voulez, mais il ne fait aucune doute que cela influe nécessairement sur les attitudes des militaires, qui se demandent en quoi consiste leur mandat, et peut-être même, s'ils vont continuer d'être membres des forces armées pendant encore longtemps. Je sens que cette frustration est toujours très présente lors de nos rencontres avec les membres des forces armées.

Si le Livre blanc de 1994 doit jouer un rôle important, peut-être pourriez-vous nous dire dans quelle mesure les recommandations qu'il contient auraient influencé ce qui reste maintenant de l'armée?

Mgén Clive Addy: Sans vouloir entamer un débat sur les trois enveloppes—c'est-à-dire le personnel, l'équipement, et les opérations et l'entretien—ce que je peux dire c'est que l'un des aspects les plus embarrassants du Livre blanc de 1994, en ce qui me concerne, c'est qu'il était rempli de promesses et d'objectifs à réaliser.

Et il a permis de réaliser un certain nombre de choses qui sont certainement positives. Par exemple, il a permis de préserver la capacité de combat générale de l'armée. Il a aussi mené à la fermeture de toute une série de bases, ce à quoi je m'opposais, mais c'est la vie. Je ne peux pas être en faveur de toutes les décisions.

• 1600

Il faut absolument que vous teniez compte du fait que nous sommes passés d'un budget de près de 13 milliards de dollars à seulement 9,2 milliards de dollars. Pour moi, la somme dévolue à la défense dans le Livre blanc de 1994 n'est pas suffisante pour financer tout ce qui est censé être financé. Et c'est justement ça qui compte.

Ce qui est triste, cependant, c'est que ce sont les soldats qui doivent en subir les conséquences. Cela se fait sur le dos du soldat, et son salaire et ses avantages sociaux en prennent nécessairement un coup. Encore une fois, c'est le soldat qui en pâtit s'il n'est plus en mesure de continuer à organiser sa vie dans sa collectivité pendant ses absences. Les logements familiaux et les autres avantages qui faisaient partie intégrante de la vie militaire, telle que je l'ai connue, sont maintenant en train de disparaître et de se transformer. Mais la situation évolue si rapidement qu'il ne se sent plus à l'aise et tout ce qu'il voit, c'est que la situation se détériore.

On vous a fourni de l'information au sujet du gel des salaires et de l'augmentation des loyers des logements familiaux. Je ne vais pas m'attarder là-dessus, mais pour moi, c'est un autre exemple du genre de situation sur laquelle les généraux n'ont aucune prise. Le Livre blanc... Les sommes prévues pour telle et telle chose continuent à diminuer, et vous économisez de l'argent pour le Canada, mais le gouvernement vous fait payer plus de loyer. Qui aide qui en fin de compte? Le soldat ne comprend pas le sens de ces mesures, et je ne m'attends pas non plus à ce qu'il le fasse.

À mon sens, 9,2 milliards de dollars ne sont pas suffisants pour financer tout le programme du Livre blanc de 1994. Je suis d'accord avec ce qui est proposé dans ce Livre blanc, mais à mon avis, il n'est pas normal qu'il existe une telle dichotomie et que ce soit le soldat qui en paie le prix. Voilà donc ma réponse à votre question, monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Merci.

J'ai cru également constater un changement, en ce sens que bon nombre de militaires se plaignaient de difficultés qui auraient normalement dû être réglées selon la hiérarchie militaire, et peut-être même par leur supérieur immédiat dans la grande majorité des cas. Cela ne semble plus être le cas.

Il n'y a plus personne, semble-t-il, pour prendre leur défense, même quand il s'agit d'un transfert d'une base à l'autre. Si leurs effets personnels ou autres sont endommagés, ou s'il manque des choses, il n'y a personne qui va prendre leur défense auprès du déménageur, par exemple. Ils sont laissés tout à fait à eux-mêmes, même quand ils voyagent sur un train du ministère de la Défense.

Malgré toutes les autres frustrations qu'ils éprouvent, maintenant on semble vouloir les laisser veiller à leur propre bien-être, même si le passé le ministère de la Défense en assumait l'entièrement responsabilité.

Pour moi, cela n'a rien de positif; ce n'est pas le genre de chose qui va relever le moral des troupes. Je ne comprends pas comment ils ont pu juger bon de faire passer le budget affecté au soutien du personnel militaire de 13 millions de dollars à 6 millions de dollars, mais c'est justement le genre de chose qui se fait depuis un moment.

Quand vous étiez encore dans les forces armées, vous rappelez-vous si les dirigeants militaires se sont penchés sur la question ou s'ils ne craignaient pas que tout cela finisse par nuire à la situation des simples soldats?

Mgén Clive Addy: Si vous me permettez, monsieur Hanger, je vais vous faire une réponse en deux volets.

Le premier concerne l'intérêt de la hiérarchie militaire pour les problèmes personnels des membres individuels des forces armées, qu'ils soient soldats, marins ou aviateurs, et le désir de les aider. Pour moi il s'agit là d'un problème de leadership, et si la tendance veut qu'on porte de moins en moins d'attention à la situation de ces soldats en déplacement, le problème est grave.

J'ai toujours été très flatté, au cours de ma carrière militaire, de constater que mes patrons se souciaient de moi et voulaient s'assurer que mon déménagement s'était bien passé, que ma famille allait bien et qu'on avait réussi à quitter une localité et à s'installer ailleurs sans difficulté. C'était justement un des avantages de la vie militaire. Si les témoignages que vous recevez indiquent que ce n'est plus le cas, je trouverais cela très inquiétant. L'éthique même du militaire, c'est qu'il faut toujours s'occuper de son personnel subalterne avant de s'occuper de soi-même, et si ce principe tend à disparaître, à mon avis, le problème est grave.

Deuxièmement, vous m'avez posé une question concernant le budget affecté au service de soutien du personnel qui serait passé de 13 millions de dollars à 6 millions de dollars, ou quelque chose du genre. Je suis d'ailleurs au courant de ces chiffres. Je suis également au courant des promesses qui ont été faites, à savoir qu'avec des bases plus importantes, il serait possible de dépenser moins d'argent tout en obtenant autant de services. C'est d'ailleurs logique jusqu'à un certain point, mais dans tout ce que font les humains, il y a toujours la possibilité d'erreur, erreur dont on apprend l'existence après coup.

La décision d'il y a deux ans de ramener ce budget à 6 millions de dollars, qui semblait peut-être appropriée à l'époque, ne convient peut-être plus dans les circonstances actuelles. Si le comité faisait une recommandation en ce sens, il serait peut-être possible d'obtenir une somme plus raisonnable, mais je peux vous assurer que ce montant est actuellement insuffisant. D'après ce qu'on nous a dit—et vos témoins ont dû vous dire la même chose—et d'après ce que j'ai lu sur Internet, il y aurait certainement lieu de réexaminer ce budget de 6 millions de dollars et de se demander s'il n'a pas été trop coupé.

• 1605

M. Art Hanger: On nous a dit à plusieurs reprises—et c'est sans doute l'une des préoccupations les plus fréquemment exprimées par les témoins que nous avons entendus—que les militaires doivent maintenant se débrouiller tout seuls. Il n'y a plus personne dans la base qui puisse leur venir en aide. Il semble que ces postes-là auraient été éliminés quand le ministère a décidé de réduire ses dépenses, à telle enseigne que la nouvelle consigne, c'est: «Débrouillez-vous». Cet élément est revenu sur le tapis à maintes reprises, et je me demandais si ça correspondait à ce que vous aviez vu ou vécu vous-même quand vous étiez dans les forces armées.

Le sergent qui a perdu sa main...

Mgén Clive Addy: Le sergent Schlueter.

M. Art Hanger: Voilà. Il est venu dans mon bureau et m'a expliqué les circonstances de son accident; je pense qu'il était en train de préparer une fusée éclairante pour protéger certains équipements.

Mgén Clive Addy: C'était une fusée éclairante de la GRC qu'il aidait le personnel de la GRC à installer. Mais c'est une fusée éclairante qu'elle n'aurait jamais dû recevoir parce qu'on savait depuis des années qu'elle posait des problèmes techniques.

M. Art Hanger: Elles étaient défectueuses.

Mgén Clive Addy: C'est exact. Et il a fait sauter sa main. Il y a eu toute une histoire parce qu'on se demandait s'il suivait bien les règles d'engagement au moment de l'accident.

M. Art Hanger: Oui, cela semble être au coeur du débat. Selon...

Mgén Clive Addy: Mais c'était moi le commandant à l'époque—excusez-moi, je ne voulais pas vous interrompre.

M. Art Hanger: Ce n'est pas grave.

Mgén Clive Addy: J'étais le commandant à l'époque et cette activité correspondait parfaitement aux fonctions et attributions de ce soldat. D'ailleurs, je ne comprends toujours pas pourquoi cela n'a jamais été reconnu. Personne ne m'a jamais posé la question.

M. Art Hanger: Je trouve intéressant que vous disiez cela, car j'ai abordé cette même question en parlant avec un autre général qui occupe toujours son poste dans les forces armées. Il s'est tout de suite mis à défendre la décision de ne plus soutenir ce soldat, en affirmant que ce dernier avait outrepassé les limites de sa compétence et que ce qu'il avait fait ne correspondait pas du tout à ses fonctions...

Mgén Clive Addy: Monsieur Hanger, si quelqu'un vous a dit cela, à mon avis, il se trompe.

M. Art Hanger: Très bien.

Mgén Clive Addy: Pour moi, ils se trompent, et s'il y a moyen de corriger cette impression, je suis évidemment prêt à faire tout mon possible pour le faire.

M. Art Hanger: Très bien. Je vais me mettre en rapport avec vous.

Le président: Vos 10 minutes sont écoulées.

[Français]

Madame Venne.

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Comme vous pouvez le constater, je ne pourrai pas vous parler longtemps, mais j'ai quand même une question à vous poser. Nous avons tous reçu des rapports sur la notion de contrat social. Les auteurs de ces rapports ont examiné un certain nombre d'options sur la nature que pourrait prendre ce contrat social. La plupart d'entre eux précisent que ce contrat existe déjà, mais qu'il s'agit d'un contrat informel, c'est-à-dire non écrit. D'ailleurs, le général Baril et le lieutenant général Leach l'ont affirmé et répété dernièrement.

Puisqu'il existe déjà un contrat social non écrit, qu'est-ce que cela changerait d'en avoir un qui soit écrit? Et ne pensez-vous pas que s'il y avait un contrat écrit ou une charte de service militaire avec de belles déclarations de principe, cela pourrait être perçu par les membres des Forces canadiennes, et plus particulièrement par les militaires du rang, comme un écran de fumée destiné davantage à les berner qu'à établir un nouveau rapport entre eux et le gouvernement?

Mgén Clive Addy: Ce contrat n'existe pas seulement entre le militaire et le gouvernement, mais aussi entre le militaire et la nation. Les autres pays où existe la conscription ont eux aussi des contrats. Sans manquer de respect à mes chers confrères, le général Baril et le lieutenant général Leach, je me permets de souligner que nous avons aussi eu un code d'éthique non écrit pendant longtemps. Mais ils se sont rendu compte récemment qu'il serait peut-être bon d'écrire quelques-uns de ces principes pour que nous soyons tous dans le même créneau. Je m'excuse, mais de temps à autre, c'est bon d'avoir quelque chose en quoi l'on croit, d'y réfléchir, de l'écrire et de le préciser, quoi qu'en pensent ceux qui n'en comprennent peut-être pas bien le pourquoi. C'est ma réponse, madame.

Mme Pierrette Venne: Merci.

L'automne dernier, les médias ont fait grand état des bonis de performance des généraux.

• 1610

Récemment, l'Union des employés de la Défense nationale dénonçait le problème du cumul des revenus de certains hauts gradés qui ont quitté les Forces canadiennes pour occuper un poste civil dans la fonction publique fédérale. On peut par exemple penser au vice-amiral Murray, qui quittait dernièrement les Forces canadiennes pour occuper le poste de sous-ministre adjoint au ministère des Pêches. En plus de son salaire de sous-ministre adjoint, qui est estimé à 130 000 $, le vice-amiral Murray a touché une indemnité de départ de 80 000 $ et il touche une pension annuelle de 80 000 $.

Dans ces circonstances, ne croyez-vous pas que les militaires du rang pourraient percevoir avec cynisme toute forme de contrat social formel, alors qu'on a la nette impression que les hauts gradés de l'establishment militaire roulent sur l'or?

Mgén Clive Addy: Je crois que vous me posez une question de perception. Je répondrai qu'il est absolument vrai que les gens des rangs perçoivent cela comme une injustice. De fait, selon moi, un des pire contrats que nous avons conclus, c'est lorsque nous avons essayé d'établir un parallèle entre nos salaires et procédures et ceux de la fonction publique.

Le règlement que vous décrivez s'applique également à la fonction publique. Veuillez m'en excuser, mais je peux faire la même chose. Les règlements qui étaient en vigueur à l'époque permettaient à un militaire de quelque grade que ce soit d'accumuler certains congés jusqu'à son départ. Je peux vous assurer que dans le cas de l'amiral Murray, on n'a pas agi en vue de toucher un avantage pécuniaire. En suivant la progression de sa carrière, on s'aperçoit qu'il n'a pas eu tellement de temps libre pour prendre des congés, madame Venne. Ce n'était pas parce qu'il poursuivait un grand plan financier à long terme qu'il avait décidé de ne pas prendre de congés lorsqu'il était capitaine, major ou lieutenant-colonel.

Aujourd'hui, ce règlement a été modifié, comme vous le savez sans doute, pour éviter cette perception. Je me suis demandé s'il était juste de lui demander de remettre ces 80 000 $ au gouvernement à cause de cette perception. J'ai dit non. Il a mérité cette somme et il l'a payée cher. Il n'a pas pris ses congés et ses supérieurs ont profité de lui. Laissez-le donc avec ses 80 000 $, merci. Et le soldat au bas de l'échelon peut actuellement se prévaloir du même règlement sur les congés.

Mme Pierrette Venne: Mais pour ce qui est des...

Mgén Clive Addy: C'est le même règlement, je crois, maintenant.

Mme Pierrette Venne: Par contre, lorsqu'on parle de bonis de performance, on ne peut pas dire que c'est une question de perception. Ce sont des faits: les généraux reçoivent ces bonis.

Mgén Clive Addy: Madame Venne, les autres grades comportent des niveaux et des catégories qu'on gravit et qui équivalent à ces bonis. Les bonis que touchent actuellement les généraux sont identiques à ceux qui prévalent à la fonction publique. C'est ce rapprochement avec la fonction publique qui fait surgir ces bizarreries. Si l'on se détache de la fonction publique et qu'on obtient un contrat qui nous assure que nous serons traités en conséquence, peut-être trouverons-nous une solution.

Mme Pierrette Venne: De toute façon, j'aimerais vous dire que nous avons déjà eu quelques rencontres avec des militaires et que cela fait plusieurs fois que je préconise qu'on dissocie justement le militaire de l'employé de la fonction publique. Alors, là-dessus, je suis certainement d'accord.

Mgén Clive Addy: Voilà.

Mme Pierrette Venne: C'est tout ce que j'avais à demander.

Mgén Clive Addy: Merci beaucoup, madame.

[Traduction]

Le président: Monsieur Proud.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Merci, monsieur le président.

Général Addy, je suis très content de vous revoir aujourd'hui. Je vous ai vu à maintes reprises en comité quand vous étiez encore dans les forces armées.

J'ai posé ces questions à de nombreuses reprises. Mais j'aimerais avoir votre avis sur les questions que le comité devrait examiner, les mesures qu'il devrait prendre, et aussi sur ce que le gouvernement devrait faire, à votre avis.

J'entends sans arrêt les histoires de gens qui ont été blessés et qui n'ont pu ni obtenir de l'aide, ni toucher une indemnisation. J'ai eu l'occasion d'examiner le dossier d'un individu qui s'était blessé en Somalie, et j'ai passé en revue avec lui tous les détails.

Je trouve cela tout à fait inadmissible. C'est inadmissible de la part des forces armées, et c'est inadmissible de la part du gouvernement, si c'est le gouvernement qui constitue l'obstacle.

• 1615

Je voudrais vous parler de l'époque où vous étiez général deux étoiles dans les forces armées, et où il y avait aussi d'autres généraux à deux étoiles, de même que des généraux à trois étoiles, et à une étoile. Nous avons entendu aujourd'hui toutes sortes d'histoires atroces; vous et vos collègues, n'auriez-vous pas pu rectifier la situation jusqu'à un certain point, au moment où tout cela se passait?

L'autre élément qui est très souvent mentionné concerne l'impossibilité pour les forces armées d'acheter des uniformes et des vêtements. De votre temps, le budget était de l'ordre de 12 milliards de dollars ou de 11 milliards de dollars. Il est passé maintenant à 9,2 milliards de dollars, et je suis tout à fait d'accord pour dire que cela ne suffit pas. En fait, je suis l'un de ceux qui ont recommandé, lors de l'examen des activités de la défense, que le gouvernement du Canada consacre 1,5 p. 100 du PIB au budget de la défense nationale, ce qui vous donnerait un budget raisonnable. D'autres pays prévoient des pourcentages différents. Mais cela vous donnerait tout de même un budget réaliste.

Quand nous entendons parler de ces choses-là—et il y a encore le problème de l'équipement; nous constatons qu'il y a un manque de bon équipement et d'uniformes. À votre avis, avec le budget dont vous disposiez précédemment, n'aurait-il pas été possible, si ces crédits avaient été utilisés à bon escient, d'acheter des uniformes pour les membres des forces armées? Vous n'aviez pas les moyens d'acheter l'équipement qu'il fallait pour vos soldats? J'ai beaucoup de mal à le croire quand je lis tout ce qu'on dit au sujet des forces armées. Les militaires de niveau supérieur ont fait l'objet de critiques assez sévères au cours des dernières années. Mais j'ai tout de même du mal à croire qu'il n'aurait pas été possible de mieux faire.

Je suis le premier à dire que les gouvernements auraient dû mieux s'en occuper au cours des années. Il faut bien que quelqu'un en assume la responsabilité. Il faut bien que quelqu'un assume ses responsabilités à un moment donné et prenne les mesures qui s'imposent pour rectifier la situation.

Dans votre optique, vous qui êtes militaire retraité, diriez-vous, en vous fondant sur votre expérience de l'époque où vous étiez actif, que les personnes actuellement en poste ont la possibilité de changer les choses et de... rectifier les problèmes auxquels j'ai fait allusion? Sont-elles en mesure de mettre fin à tout cela, de faire la part des choses, et de faire en sorte que les soldats qui sont sur le terrain aient les vêtements, la nourriture et toutes les autres choses dont ils ont besoin? Il faut absolument... je trouve particulièrement grave la situation des soldats blessés. Je trouve atroce que cela puisse se produire de nos jours. Si vous aviez été blessé aujourd'hui en travaillant dans une usine, vous toucheriez déjà des indemnités. Je trouve donc incroyable et inadmissible que cela puisse se produire dans nos forces armées aujourd'hui, que vous permettiez que cela se produise, et que vous et vos successeurs acceptent que cela se produise.

Mgén Clive Addy: Ce que vous dites est très juste: il faut bien que j'assume mes responsabilités à cet égard. Ce que je trouve frustrant, c'est que je suis sans doute coupable.

Mais j'ai essayé. J'ai vraiment essayé. J'ai essayé avec Schlueter, et avec ceux qui l'ont précédé.

Mais ce que je trouve le plus incroyable, c'est la situation à laquelle on était confronté en Yougoslavie, quand nous y avons envoyé la première série d'observateurs. Permettez-moi de vous expliquer la politique qui était en vigueur à l'époque. Nous étions censés y envoyer environ 30 observateurs, dont la moitié viendraient des Affaires étrangères, et l'autre moitié des forces armées. Évidemment, quand le moment est venu d'y envoyer des gens, on a fini par n'y envoyer que des militaires, bien entendu, parce qu'il ne restait pas, semble-t-il, suffisamment de logements acceptables—ou quelque chose de ce genre—pour les membres de l'autre groupe.

Comme je le disais tout à l'heure, le groupe que nous y avons envoyé a fini par avoir... Si vous aviez vu ces anoraks qu'ils devaient mettre sur leurs vêtements d'hiver... voilà ce qu'on leur a donné. Pourquoi est-ce qu'on leur a donné ça? Pourquoi n'a-t-on pas été en mesure de leur acheter des vestes blanches? Eh bien, le colonel, qui était chef d'état-major des Forces canadiennes en Europe a décidé qu'il fallait leur obtenir des vestes blanches. Mais les dirigeants militaires d'ici ont dit: Non, ils n'y ont pas droit. Alors le chef d'état-major auprès du commandant des Forces canadiennes en Europe a dit: est-ce qu'on peut leur fournir des vestes blanches? Oui, bien sûr. Alors il essaie de le faire, et il se rend compte que c'est impossible. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu ridicule tout ça?

M. George Proud: Mais où est-ce que cela s'arrête, tout ça? Pourquoi ce n'est pas possible?

Mgén Clive Addy: Je n'en sais rien. Quelqu'un devait aller les acheter, je suppose. Je n'en sais rien.

M. George Proud: Mais où se situe l'obstacle?

Mgén Clive Addy: À l'époque, je vous aurais dit que je savais très bien où se situait l'obstacle. Il était situé au bureau du chef d'état-major des Opérations interarmées, puisqu'il s'agissait d'autoriser la section de logistique J4 à débloquer des fonds pour qu'on puisse acheter ce qu'il fallait. Voilà ce qu'il fallait faire.

M. George Proud: Mais vous êtes d'accord pour dire qu'avec les crédits...

Mgén Clive Addy: Mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

M. George Proud: Oui, je le sais, mais vous êtes d'accord pour dire qu'avec les crédits dont vous disposiez dans votre budget, même s'ils étaient réservés pour des activités bien précises, vous disposiez de suffisamment d'argent pour faire toutes ces choses?

Mgén Clive Addy: Oui, nous disposions de crédits suffisants pour faire une bonne partie du travail que nous avons accompli.

Mais le traitement qu'on réserve aux soldats est tout à fait différent. Pour moi, cela ne coûte pas très cher. Ça peut coûter plus cher s'il faut lui accorder une pension prématurément—là oui, c'est sûr. C'est plus avantageux de faire les choses correctement dès le départ que de verser ces sommes par la suite à un soldat qui a bien servi son pays. C'est ça qui fait peur.

M. George Proud: Je tiens à dire en public qu'en ce qui me concerne, le comité doit absolument exercer davantage un droit de regard sur les activités du ministère de la Défense.

Je voudrais maintenant poser une autre question au général. J'ai d'ailleurs l'intention de faire une recommandation plus tard sur une question qui va certainement... Je vais recommander que le comité demande qu'on lui confère le pouvoir de le faire. Je suis sûr que les mêmes personnes dans la hiérarchie militaire vont encore essayer de nous mettre des bâtons dans les roues.

• 1620

Je suis membre du comité depuis presque neuf ans. Je suis là depuis trop longtemps peut-être, mais cela me frustre toujours. Si nous décidons que nous devrions faire certaines choses—c'est nous qui devrions avoir un droit de regard sur certains projets et en assurer le suivi; ce n'est pas un travail pour vous. Si je me fonde sur tout ce que j'ai entendu autour de cette table depuis un moment, il serait important que le comité joue ce rôle.

M. Art Hanger: Excusez-moi de vous interrompre, monsieur le président. Le problème, c'est que les bureaucrates s'immiscent dans les décisions militaires. C'est ça le problème. Si vous les empêchez de le faire, vous allez aussitôt régler bon nombre de problèmes.

M. George Proud: Je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Vous avez parfaitement raison, Art.

M. Art Hanger: Merci.

Mgén Clive Addy: Toujours sur la question de la bureaucratisation à outrance de l'avis de nos militaires, et notamment des blessés, c'est tout à fait ça; il faut empêcher la bureaucratie de se mêler du traitement de nos blessés. C'est très important.

M. George Proud: Merci.

Le président: Monsieur Pratt, vous avez trois minutes.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Général, j'ai lu une de vos recommandations, et je voudrais juste la relire:

    Mon expérience [...] m'amène à vous recommander vivement de faire en sorte que le résultat le plus important de vos délibérations soit le rétablissement de relations de confiance, fondées sur le respect du métier de soldat, avec le gouvernement du Canada que nous servons.

Je suis tout à fait d'accord avec cette déclaration et je pense même qu'elle va au coeur de ce que nous avons entendu au cours des deux ou trois derniers mois dans le cadre de notre examen de la question.

Ce qui m'a vraiment frappé dans les délibérations que nous avons tenues jusqu'à présent, c'est que les membres des forces armées semblent nous dire que la population canadienne n'apprécie pas et ne comprend pas très bien ce qu'ils font. Le gouvernement du Canada se contente de refléter l'opinion publique. L'exclusion du public canadien était-elle intentionnelle, ou êtes-vous d'accord pour dire qu'il faut sensibiliser davantage la population à toutes ces questions?

Mgén Clive Addy: Je suis certainement d'accord pour dire qu'il faut sensibiliser davantage le public, mais c'est le gouvernement qui en est responsable en fin de compte. C'est lui qui envoie les gens dans les différentes localités. Il faut des relations de confiance avec le gouvernement et la population canadienne, mais spécialement avec le gouvernement qui représente la population canadienne.

Le président: Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci.

Pour en revenir à la discussion d'il y a quelques minutes, je voudrais vous demander ce que vous recommanderiez comme mécanisme pour permettre aux militaires de prendre les décisions sans que la bureaucratie s'immisce là-dedans et leur mette des bâtons dans les roues. D'après vous, comment peut-on y arriver? Quel mécanisme permettrait d'atteindre cet objectif?

Mgén Clive Addy: Pour moi, la meilleure façon d'y parvenir ce serait d'accorder pleins pouvoirs aux commandants en sachant qu'ils vont peut-être faire une erreur un jour et en acceptant la notion que les gens font des erreurs. Il est déjà arrivé que des présidents de grandes sociétés, des premiers ministres et même—Dieu nous en garde—des ministres fassent des erreurs. Il faut être prêt à accepter les conséquences d'une telle délégation de pouvoirs.

Le problème que pose la bureaucratie, c'est qu'elle ne tolère pas les erreurs. Elle va dépenser 10 millions de dollars pour en éviter une. Elle va dépenser des sommes folles pour avoir un droit de regard, et elle cherche toujours à exercer ce genre d'emprise

Pour répondre à votre question concernant ce qui se fait au niveau de l'unité plus précisément, si moi j'étais chargé de régler le dossier de l'adjudant Martineau ou de Bruce Henwood, je déléguerais cette responsabilité au commandant de l'unité concernée. Je l'autoriserais à intervenir personnellement pour donner un peu d'argent, ou autre chose éventuellement, à sa famille. Cette personne pourrait lui remettre un chèque et lui dire: voilà Bruce, c'est pour toi, nous allons vous acheter ceci et cela; ou alors: nous allons vous aider pendant un certain temps. Et là je ne parle pas de 2 000 $; je dis qu'il faut lui donner 10 000 $ ou 20 000 $ pour l'aider à s'organiser à l'aide d'une personne qu'il connaît—et pas quelqu'un qu'il n'a jamais rencontré ou qui se trouve loin de lui. Ces gens-là se connaissent.

Et ce serait pareil pour l'adjudant Martineau et son unité, Lord Strathcona's Horse, ou encore Princess Patricia's Canadian Light Infantry, soit l'unité du sergent Schlueter. Son commandant de bataillon avait les mains liées. Il n'avait pas l'autorité de signer un chèque de 10 $ pour aider Schlueter. C'est complètement ridicule. Ces mêmes personnes peuvent cependant lui donner l'ordre d'aller se faire tuer, mais quand il est blessé, ils n'ont pas l'autorité de signer un chèque qui va aider la famille du soldat à s'en sortir. Est-ce que ça vous semble normal? Je suis convaincu que personne ne trouverait ça normal, mais nous voilà les victimes d'une structure qui nous impose cette façon de faire, et d'ailleurs, je suis certain que ça facilite beaucoup le travail des comptables. Mais trouvez-vous que ce régime est juste pour les personnes avec qui ils traitent tous les jours et qu'ils dirigent.

• 1625

M. Bob Wood: Pourrais-je vous poser une question? Pourquoi ne pouvez-vous pas le faire? Vous êtes général à deux étoiles, si je ne m'abuse. Pourquoi n'avez-vous pas l'autorité de le faire?

Mgén Clive Addy: Pourquoi ne puis-je pas faire quoi? M'occuper de Schlueter?

M. Bob Wood: C'est-à-dire faire un chèque et vous assurer que quelqu'un va s'occuper de lui une fois qu'il ne sera plus actif. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de lui parler. Il a perdu ses deux jambes. Mais personne n'est venu le voir. Personne n'est venu lui serrer la main. Pour moi, l'armée aurait dû... À mon avis, c'est une honte.

Mgén Clive Addy: Oui.

M. Bob Wood: Vous qui êtes général à deux étoiles, pourquoi n'avez-vous pas l'autorité de faire un chèque de 10 000 $ à ce soldat pour qu'il puisse s'occuper de ses affaires et préserver sa dignité? C'est vous le responsable.

Mgén Clive Addy: J'aurais dû le faire. Mais je vais vous dire pourquoi je ne peux pas le faire. Rien ne m'autorise à le faire. Et ça c'est un fait.

M. Bob Wood: Mais vous êtes général à deux étoiles.

Mgén Clive Addy: Oui, je sais.

M. Bob Wood: Vous avez tout de même une certaine autorité. Vous devez avoir une petite caisse noire. Peu importe que vous y mettiez 50 000 $ ou 100 000 $...

Mgén Clive Addy: Votre idée de caisse noire me fait bien rigoler.

M. Bob Wood: Mais je suis au courant d'autres généraux qui réservent des fonds dans leur budget de fonctionnement et d'entretien...

Mgén Clive Addy: Cela ne tient pas debout.

M. Bob Wood: Vous pouvez utiliser ces crédits pour faire n'importe quoi et montrer ainsi un peu de respect pour vos soldats. C'est un des vôtres.

Mgén Clive Addy: Je dois admettre que si c'était à refaire, j'aurais fait exactement comme vous dites. Mais je m'empresse de préciser que je n'ai pas accès à cette caisse noire que vous semblez vouloir m'attribuer, et je peux vous garantir que je n'y ai jamais eu accès. D'ailleurs, je doute fort que d'autres en aient.

M. Bob Wood: Je ne sais même pas si vous en avez maintenant. Le terme que j'ai utilisé n'était peut-être pas approprié, mais là où je veux en venir, c'est qu'il doit y avoir une réserve quelque part qui vous permet de faire ce genre de chose, que cela concerne votre personnel ou non. Il doit y avoir un poste budgétaire ou une source de fonds quelconque qui vous permette de vous occuper de ces personnes. Mon Dieu! Ce n'est pas possible qu'on puisse être aussi dur et insensible.

M. Art Hanger: Je vous fais remarquer que tout cela résulte d'une décision libérale.

M. Bob Wood: Et je me permets de vous faire remarquer, à mon tour, que c'est une décision libérale qui va permettre de rectifier la situation.

Mgén Clive Addy: Je vous rappelle le premier volet de ma réponse. Je répète: si c'était à refaire, je trouverais l'argent. Je suis coupable.

M. Bob Wood: Très bien.

Le président: Merci beaucoup. J'ai trouvé cet échange très intéressant.

Nous allons maintenant demander au lieutenant-général Kinsman de venir s'asseoir. Major-général Addy, si vous êtes en mesure de rester, je crois que M. Benoît et M. Price, qui ont dû partir, avaient des questions à vous poser. S'il nous reste du temps à la fin, et si vous êtes en mesure de patienter, nous pourrions y revenir plus tard.

Pendant que le général s'installe, nous avons quelques questions administratives à régler. La première concerne l'adoption du rapport du comité directeur d'hier. Tout le monde en a une copie. Vous êtes tous en faveur?

M. Art Hanger: Monsieur le président, pourrais-je poser une question? Comment se fait-il que l'autre motion que j'ai déposée ne soit pas mentionnée dans le rapport?

Le président: Elle n'a pas été adoptée. On va la mettre aux voix plus tard.

M. Art Hanger: Très bien. Nous parlons donc toujours du rapport?

Le président: Oui, nous parlons toujours du rapport. Tout le monde est d'accord?

(La motion est adoptée)

Le président: Nous passons maintenant à la motion de M. Hanger, que je vais vous lire. Il est proposé par M. Hanger:

    Que le comité entreprenne la révision du processus d'acquisition et d'adjudication de contrats relativement aux hélicoptères de recherche et sauvetage pour les Forces armées canadiennes et qu'il fasse rapport à la Chambre avant le congé d'été de 1998.

Y a-t-il des commentaires?

M. Art Hanger: Oui, je voudrais présenter ma motion. À mon avis, il importe d'examiner cette question, vu les controverses qu'a soulevées la procédure de sélection des entrepreneurs et d'exécution des contrats. Je pense que certains entrepreneurs ont même fait des accusations concernant la procédure d'acquisition. Il convient donc que le comité évalue ces diverses procédures de même que le contrat proprement dit.

• 1630

M. Dick Proctor: Je suis tout à fait disposé à appuyer cette motion, telle qu'elle est actuellement libellée. C'est justement le genre de travail que devrait faire le comité. Pour moi cette étude est tout à fait indiquée, à la lumière notamment du débat que nous avons tenu au cours de la première session de la présente législature. Donc, j'appuie entièrement la motion dont nous sommes saisis.

[Français]

Le président: Merci beaucoup.

Madame Venne.

Mme Pierrette Venne: J'appuie également cette motion puisque le Bloc québécois a toujours demandé qu'il y ait de la transparence dans l'examen des contrats attribués par la Défense nationale. Alors, j'appuie entièrement cette motion. Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Pratt.

[Traduction]

M. David Pratt: J'ai une question, monsieur le président, à laquelle vous pourrez peut-être répondre, ou peut-être non. Êtes-vous au courant d'actions en justice qui auraient été intentées par...

Le président: D'autres soumissionnaires? Je ne suis pas au courant.

M. Art Hanger: À mon avis, rien n'empêcherait le comité de se pencher sur tout ce processus. En ce qui concerne les modalités d'approvisionnement, un certain nombre de différences ont été observées, mais pour moi, ces différences ne sont pas claires.

Ce dossier est loin d'être clos. Nous allons recevoir un autre mémoire plus tard qui traitera justement de cette question. Il convient par conséquent de procéder à cet examen pour que tout soit clair dans notre esprit, et pour éviter que les mêmes questions se posent la prochaine fois.

Le président: Chers collègues, vous êtes saisis d'une motion. Nous allons maintenant la mettre aux voix.

M. Art Hanger: Je demande un vote par appel nominal, monsieur le président.

Le président: Avec plaisir.

(La motion est rejetée par sept voix contre quatre)

M. George Proud: Monsieur le président, avec votre permission, je voudrais soulever un point qui se rattache à tout cela. Je voudrais faire une proposition. L'auteur de la motion a laissé entendre il y a quelques instants que cette question allait certainement se reposer à l'avenir. D'ailleurs, ce que je vais vous dire, je l'ai déjà dit à maintes reprises, comme d'autres membres et ex-membres du comité.

À mon avis, les membres du comité devraient participer au processus de sélection d'équipement de ce genre. Il est tout à fait légitime, à mon avis, que nous y jouions un rôle. J'ai dit quand le général Addy était là que j'étais convaincu que certaines personnes allaient essayer de nous mettre des bâtons dans les roues. Mais à mon sens, pour que ce genre de chose se discute ouvertement—nous parlons beaucoup de transparence, n'est-ce pas—il serait bon que le comité, quand le moment viendra d'envisager l'acquisition d'autres hélicoptères pour les navires, que le comité participe à la définition de l'éventuelle procédure de sélection et d'acquisition.

Le président: George, je présume que vous voulez faire inscrire cette recommandation dans notre rapport.

M. George Proud: Oui.

Le président: Ou peut-être pas?

M. George Proud: Non.

M. Art Hanger: Monsieur le président, pour moi les propos du député sonnent creux, car il a maintenant l'occasion d'appuyer cette motion et de nous permettre d'examiner en profondeur toute la question. Je sais très bien qu'un certain nombre de membres de la majorité ont des préoccupations concernant la procédure de demande de soumissions. Mais quand on leur donne l'occasion de faire quelque chose, ils décident au contraire de suivre les ordres de je ne sais qui. Est-ce le ministre qui vous a dit d'agir ainsi?

M. George Proud: Écoutez, c'est fini tout ça. La procédure d'acquisition est déjà terminée pour cet équipement-là. Moi, je vous parle de matériel futur, comme les hélicoptères embarqués, ou d'autres équipements éventuellement. Je dis que le comité devrait participer au processus de sélection et d'acquisition pour cet équipement-là.

Le président: Très bien.

M. Art Hanger: Monsieur le président, me permettez-vous...?

Le président: Une dernière remarque.

M. Art Hanger: Monsieur Clouthier est assis en face. Il a dans sa circonscription électorale une usine qui fabrique des hélicoptères, et il se plaignait justement de la décision qui a été prise.

Mais je vois, Hec, que vous ne dites absolument rien. C'est l'occasion rêvée de faire quelque chose.

• 1635

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Monsieur le président, pourrais-je avoir la parole pour faire un commentaire?

Le président: D'accord. Un dernier commentaire.

M. Hec Clouthier: Vous avez tort, monsieur Hanger. J'ai rencontré les responsables de Boeing; j'ai rencontré George Capern. Je lui ai dit: «George, après la séance d'information, si vous éprouvez la moindre difficulté, dites-le-moi». Mais il n'a rien trouvé à redire. Il m'a dit au contraire: «C'est tout à fait dans les règles, monsieur Cloutier. Nous avons fait une offre trop élevée.»

Le président: Merci pour cette mise au point.

Pendant la réunion du comité directeur d'hier, deux ou trois personnes ont parlé du projet de loi C-25, la Loi sur la défense nationale. Quelqu'un se demandait quand nous...

M. Bob Wood: C'était moi.

Le président: Ah, bon. Eh bien, il devrait passer en deuxième lecture la semaine prochaine, peut-être mercredi. C'est ce qu'on m'a dit.

Nous allons maintenant donner la parole au général Kinsman, qui va faire ses remarques liminaires.

[Français]

Lieutenant général David Kinsman (sous-ministre adjoint (personnel), ministère de la Défense nationale): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Je suis heureux d'avoir une deuxième occasion de comparaître devant le comité et de contribuer ainsi à vos débats sur la situation socio-économique des hommes et des femmes qui font partie des Forces armées canadiennes.

Depuis mon premier exposé devant vous, le 20 novembre, vous avez eu l'occasion de visiter plusieurs installations de FC et de parler à des centaines de membres des Forces canadiennes et à leurs proches. Ces visites ont imposé à chacun de vous un rythme éreintant, mais je sais aussi que ces personnes ont beaucoup apprécié votre visite.

Au cours des prochaines semaines, des membres de l'état-major du Quartier général de la défense nationale vous présenteront des exposés techniques et vous fourniront des renseignements plus détaillés sur bon nombre d'aspects susceptibles d'intéresser le comité, et ils pourront répondre aux questions précises que vous vous posez sûrement.

Ma présence ici aujourd'hui a pour but de pousser plus loin la réflexion sur la notion de contrat social ou de charte sociale avancée par le ministre de la Défense nationale dans la lettre qu'il vous a adressée et à laquelle ont fait allusion pratiquement tous les exposés qui ont été faits devant vous depuis lors. La détermination du besoin d'une charte sociale et l'élaboration d'une telle charte sont des objectifs beaucoup plus difficiles à saisir que ne le sont les doléances actuelles dont nous faisons présentement l'analyse, et les solutions qui pourraient éventuellement y être apportées. Cette démarche est cependant, pour chacun des hommes et chacune des femmes des Forces canadiennes, un élément essentiel au maintien de leur sentiment de bien-être et de leur moral.

Récemment, en traitant des facteurs qui influent sur le personnel militaire et sur sa capacité de bien faire le travail qui lui est confié, le général Baril a rappelé ce que disait le général Douglas MacArthur: «Le moral des soldats s'effrite rapidement si ceux-ci estiment qu'ils sont traités avec injustice ou indifférence par le gouvernement.»

L'examen mené par le comité montre bien que vous êtes à cent lieues du sentiment d'indifférence mais, comme certains vous l'ont demandé au cours de vos visites, de quelle façon cela se traduit-il dans un engagement d'appui permanent, à la fois moral et tangible, aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes et à leurs familles?

[Français]

La première fois que je me suis présenté devant votre comité, j'ai dit que les Forces canadiennes n'avaient pas entièrement réussi à définir un cadre stratégique pour la gestion de leur personnel ou un niveau minimal de service et de normes. Conscients de l'importance d'un tel cadre stratégique ou d'une telle charte, nous nous sommes remis à la tâche à l'automne dernier. Cette fois, cependant, nous avons abordé le sujet de façon quelque peu différente, puisque nous avons demandé à cinq professeurs d'université de nous exprimer le point de vue objectif de personnes extérieures à l'organisation pour nous aider à mener le processus à bien. De façon évidente, le mandat de ce comité offre à cet égard une occasion unique d'énoncer une charte sociale qui constituerait un véritable engagement des Canadiens et de leur gouvernement envers les membres des Forces canadiennes.

Vous aurez la possibilité d'entendre et d'interroger deux des personnes qui ont participé à notre processus interne. Le but de mon bref exposé d'aujourd'hui est de vous préparer à entendre ce que ces personnes ont à vous dire et de vous faire part du point de vue du Conseil des forces armées sur ce sujet.

• 1640

Je dois préciser que lorsque je fais allusion au Conseil des forces armées, je parle du comité supérieur militaire que préside le chef d'état-major et qui est constitué des généraux supérieurs.

[Traduction]

Deux questions essentielles se posent à ce moment-ci: qu'est-ce qu'une charte sociale et pourquoi, tout d'abord, est-il nécessaire d'en avoir une? J'aimerais répondre à la deuxième question en premier lieu.

[Français]

Si ce qu'on exige des membres des Forces canadiennes et de leurs familles équivalait en tous points à ce qu'on exige des autres Canadiens, nous n'aurions besoin de rien qui ressemble à une charte sociale. Cependant, nous comprenons intuitivement que le service dans les Forces armées revêt un caractère distinctif que nous devons reconnaître, conceptuellement et dans les faits, si nous voulons éviter que nos militaires éprouvent ce sentiment d'injustice ou d'indifférence à leur égard dont parlait le général MacArthur. La difficulté qui se pose consiste donc à comprendre ce que sont ces différences fondamentales et à les expliquer de manière à susciter reconnaissance et appui.

[Traduction]

Nos collaborateurs de l'extérieur nous ont mis en garde contre la tentation de donner un caractère unique au service militaire en ce qui concerne des conditions que connaissent également d'autres Canadiens. À titre d'exemple, les membres des Forces canadiennes ne sont pas les seuls à devoir travailler de longues heures ou à devoir mener une vie mobile pour réussir dans la profession qu'ils ont choisie. De même, il existe d'autres professions où on s'expose fréquemment, sinon quotidiennement, à des risques pour son bien-être physique.

Cela dit, les membres des Forces canadiennes ont beaucoup moins de choix que la plupart des autres Canadiens quant à l'endroit où ils doivent où ils doivent vivre et à la fréquence avec laquelle ils sont tirés de leur milieu et doivent déménager dans une autre partie du pays, ou du monde, où le niveau et le coût de la vie ne sont pas nécessairement les mêmes. On ne s'attend pas non plus à ce que les métiers ou professions qu'exercent la plupart des autres Canadiens les forcent à demeurer séparés des êtres qui leur sont chers pendant des périodes prolongées, souvent dans des conditions qui présentent un risque permanent pour leur santé, leur bien-être physique et, parfois, leur vie—ce dernier cas renvoyant évidemment à notre devoir illimité de servir notre pays.

Plus important que tout, cependant, est le fait que le service dans les Forces canadiennes oblige à accepter certaines restrictions aux libertés dont jouissent continuellement tous les autres Canadiens, et auxquelles la plupart ne sont pas prêts à renoncer pour servir leur pays en temps de paix. La plus importante de ces restrictions, imposée par la Loi sur la défense nationale, a trait aux droits d'expression individuelle et d'association.

L'une des responsabilités les plus fondamentales des Forces canadiennes et de leurs membres consistent à appuyer le gouvernement au pouvoir et ses politiques. La neutralité est un élément essentiel de cet appui et exige de s'abstenir de tout commentaire sur les orientations du gouvernement et de tout lien avec des organisations ou des idéaux qui, de manière évidente, favorisent de telles orientations ou s'y opposent.

En termes simples, ceci signifie que la Loi interdit aux membres des Forces canadiennes de défendre en leur propre nom une position donnée à l'égard des politiques gouvernementales ou de se faire l'écho d'une position exprimée par d'autres, tout particulièrement si cette prise de position va à l'encontre des orientations qui ont cours.

Pour les militaires, cette restriction à leurs «libertés individuelles» les place nettement dans une situation désavantageuse relativement aux autres Canadiens, à moins qu'il ne soit bien clair pour eux que cette situation est reconnue et compensée par un soutien loyal et inébranlable de la part du peuple canadien et de son gouvernement. Un tel appui est plus nettement perceptible à certains moments qu'à d'autres, en fonction des circonstances.

Cette constatation fait ressortir le besoin d'asseoir cet appui sur une base solide et permanente, qu'il s'agisse d'une charte sociale ou d'une forme similaire de déclaration d'obligations réciproques reconnaissant les aspects distinctifs du service dans les forces armées.

[Français]

Après avoir analysé le «pourquoi», permettez-moi de traiter brièvement du «quoi». Nos discussions, au cours des derniers mois, ont porté sur un vaste éventail de possibilités, à partir d'un simple contrat moral tacite entre les Forces armées et les Canadiens, en passant par une déclaration officielle seulement, jusqu'à une déclaration officielle précise du gouvernement, au nom de tous les Canadiens, étayée par des engagements concrets qui lui donneraient un caractère visible. Depuis le début des travaux de votre comité, il y a un sentiment grandissant au sein des Forces canadiennes, à savoir que cet examen est le seul et le dernier forum national où leurs préoccupations peuvent être exposées ouvertement et où on peut les étudier adéquatement.

• 1645

Cette attente tend à minimiser les nombreuses améliorations importantes que nous avons pu apporter, particulièrement depuis la suppression du gel des salaires, mais il faut aussi tenir compte des perceptions. Comme vous avez pu le voir vous-mêmes, beaucoup de militaires ont le sentiment très net que leurs besoins essentiels ne sont pas satisfaits. Sous certains aspects, leurs inquiétudes sont nettement justifiées. Les Forces canadiennes doivent être en mesure de prendre soin des leurs.

[Traduction]

Du point de vue de l'état-major des Forces canadiennes, la charte sociale devrait prendre la forme d'une déclaration officielle accompagnée de considérations sur quelques aspects critiques et d'une aide dans ces domaines. Pour nous, trois de ces domaines sont prioritaires.

Le premier a trait à tout ce qui touche la rémunération et les indemnités et suppose qu'on se demande si les niveaux actuels ou prévus, ainsi que la méthode utilisée pour les calculer, tiennent compte correctement du caractère unique du service dans les forces armées.

Le deuxième domaine de préoccupation a trait aux disparités dans les niveaux de dépenses discrétionnaires en fonction du secteur géographique du pays où l'on est employé.

Le dernier, ce sont les moyens grâce auxquels les Forces canadiennes peuvent assurer un hébergement permanent d'un genre et d'un niveau adéquats.

[Français]

Vous entendrez ultérieurement des exposés techniques sur chacun de ces sujets. Je n'ai donc pas l'intention d'en traiter en détail à ce moment-ci, mais je tiens toutefois à souligner qu'il s'agit des trois préoccupations majeures de nos gens. Nous pouvons, à l'interne, répondre aux préoccupations exprimées sous certains aspects, mais le ministère n'est pas entièrement en mesure d'effectuer à lui seul un changement fondamental et il a besoin de l'aide et de l'appui d'autres secteurs de l'appareil gouvernemental.

[Traduction]

Une fois encore, je vous sais gré de m'avoir donné la possibilité de comparaître devant le comité et d'y exposer ces points de vue au nom du ministère et des Forces canadiennes. Je ne peux qu'espérer qu'ils vous seront utiles. Je serais maintenant très heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, lieutenant-général.

Monsieur Benoit.

[Traduction]

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président.

Bonjour, général Kinsman. À la page 7 de votre mémoire, vous dites ceci:

    La plus importante de ces restrictions, imposée par la Loi sur la défense nationale, a trait aux droits d'expression individuelle et d'association. L'une des responsabilités plus fondamentales des Forces canadiennes et de leurs membres consiste à appuyer le gouvernement au pouvoir et ses politiques. La neutralité est un élément essentiel de cet appui et exige de s'abstenir de tout commentaire sur les orientations du gouvernement et de tout lien avec des organisations ou des idéaux qui, de manière évidente, favorisent de telles orientations ou s'y opposent.

Je me demande, général Kinsman, si cela s'appliquerait également aux membres des forces armées qui viennent témoigner devant le comité, comme certains l'ont fait dans tout le Canada. Je me demande donc si ce que vous affirmez dans votre texte pourrait influer sur les témoignages de vos membres devant le comité?

Lgén David Kinsman: Non, pas du tout, monsieur Benoit. En fait, dans le cadre de ces audiences du comité et de celle qu'il a tenue au printemps, nous avons précisé que, dans l'optique des Forces canadiennes, il est souhaitable que les membres viennent exprimer leurs préoccupations devant le comité, car nous sommes convaincus que le ministre le souhaite, comme il l'a d'ailleurs dit aux membres du comité. Il importe que le Comité de la défense nationale et des anciens combattants ait l'occasion d'entendre le point de vue des hommes et femmes qui font partie des Forces canadiennes et de leurs familles, pour être en mesure de bien comprendre la nature de leurs préoccupations.

M. Leon Benoit: Donc, quoi qu'ils disent dans leurs témoignages—et je veux que ce soit bien clair...

Lgén David Kinsman: Oui.

M. Leon Benoit: ... c'est-à-dire que quelle que soit la question ou quels que soient leurs commentaires, d'après vous, aucun membre des Forces canadiennes ne leur aurait imposé quelque restriction que ce soit à cet égard ni infligé des sanctions après coup à cause de ce qu'ils ont dit?

Lgén David Kinsman: L'invitation a été lancée à l'ensemble des commandants par le chef d'état-major de la Défense quand nous avons su que le comité entreprendrait cette étude, à la fois par écrit, à l'aide du Message général des Forces canadiennes, et verbalement. Le chef d'état-major de la Défense indiquait dans ce message qu'il ne voulait pas que quiconque fasse l'objet de sanctions ni avant, ni pendant, ni après les audiences, étant donné que ce serait contraire à l'esprit du mandat du comité et à l'objet même des témoignages.

• 1650

M. Leon Benoit: Donc, vous êtes convaincu que ni par écrit ni verbalement, aucune des personnes qui ont témoigné devant le comité ne se serait fait dire qu'elle n'aurait pas dû faire cela et qu'elle aurait intérêt à ne plus recommencer. Que vous sachiez, il n'y a pas eu de cas de ce genre.

Lgén David Kinsman: Je peux certainement vous garantir que telle était l'intention. Vous avez parlé à beaucoup de gens. Je ne sais pas si vous auriez eu des informations anecdotales concernant des conversations dont je n'ai pas connaissance, mais je peux vous assurer qu'autant que je sache, non, aucune sanction de ce genre n'a été infligée à un de nos membres. Et il est certain que l'intention était de proscrire l'application de toute sanction.

Vous comprendrez, cependant, que pour certaines personnes, cela va tout à fait à l'encontre de leurs idées. Étant donné ce que j'ai dit dans mes témoignages, il me semble que même au sein des forces armées, pour être honnête avec vous... Au début les gens avaient peut-être un peu peur. Mais honnêtement, autant que je sache... J'ai vraiment l'impression—même si je n'étais pas là avec vous—qu'étant donné les témoins que vous avez reçus et les questions dont vous avez discuté, qu'en règle générale, l'esprit de cette directive a été respecté et que les gens n'avaient pas la moindre réticence à vous exprimer leurs préoccupations et leurs opinions.

M. Leon Benoit: Si je vous disais qu'à des réunions du comité—c'est-à-dire après les réunions, dans mes conversations privées avec elles—certaines personnes m'ont justement dit qu'on leur avait déconseillé de parler, et de venir témoigner devant le comité, est-ce que cela vous choquerait? Maintiendriez-vous que cela ne cadre pas du tout avec la réalité?

Lgén David Kinsman: Pour vous répondre, je suis tenté de répéter ce que j'ai déjà dit, mais je le ferai avec concision. L'intention du chef d'état-major de la Défense, du ministre, et des cadres supérieurs des Forces canadiennes, était de permettre aux gens d'exprimer avec sincérité leurs préoccupations et opinions devant le comité. Cela a d'ailleurs été explicité à plusieurs reprises, comme je vous le disais tout à l'heure, à la fois verbalement et par écrit.

Je ne peux évidemment pas me prononcer sur les remarques qu'on vous aurait faites en confidence.

M. Leon Benoit: Merci, général.

Le président: Je voudrais dire une chose. Si vous connaissez des personnes qui auraient reçu l'ordre de se taire, il me semble normal, à titre de président du comité, qu'on me le dise. Je voudrais également avoir les noms de ces personnes pour pouvoir me renseigner. On nous a garanti au début de nos audiences qu'il n'y aurait pas de récrimination.

M. Leon Benoit: Et que ferait le comité si je lui donnais les noms de personnes à qui j'ai parlé qui étaient prêtes à venir en parler avec vous et moi et nous dire qu'on leur avait déconseillé directement de venir témoigner devant nous?

Le président: Je me ferais un plaisir, monsieur Benoit, de les rencontrer personnellement.

M. Leon Benoit: C'est parfait. Je voudrais passer maintenant à une toute autre question.

Le président: Il vous reste une minute.

M. Leon Benoit: J'aimerais poser une question sur une observation que nous a faite le général Addy. Il a insisté sur l'importance des contacts personnels entre le commandant et un soldat blessé, et les problèmes qui se posent quand ce contact passe par le ministère. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

À votre avis, la situation est-elle bien sous contrôle en ce sens que le processus actuel marche bien, ou le commandant devrait-il être directement autorisé à faire le suivi du dossier jusqu'à ce qu'il soit convaincu qu'on s'occupe bien du soldat en question?

Lgén David Kinsman: J'étais présent, bien entendu, quand le général Addy a donné sa réponse. En écoutant sa réponse, je me disais que le traitement que nous accordons aux membres qui sont blessés, qu'ils se blessent au cours de l'entraînement normal ou dans une zone de service spécial, comporte deux dimensions.

• 1655

La première de ces dimensions est sans aucun doute du ressort de tout dirigeant des Forces canadiennes, à savoir les contacts personnels—c'est-à-dire s'occuper de quelqu'un qui a été blessé, et s'assurer qu'il est bien soigné.

Il y a des cas, dont certains bien documentés, et d'autres de sources indéterminées, où cela n'a pas été fait.

M. Leon Benoit: Général, connaissez-vous M. deJeager et son fils, qui avait un cancer de l'estomac pendant qu'il servait à bord d'un navire? Sa maladie a été mal diagnostiquée, son affection a été mal diagnostiquée de sorte que lorsqu'on a su de quoi il était atteint, il était déjà trop tard et la personne en question est morte d'un cancer.

Le père de ce soldat a pris contact avec vous, général, en vous demandant d'aller voir son fils et de reconnaître qu'on avait mal agi à son égard.

Êtes-vous au courant de ce dossier?

Lgén David Kinsman: Oui, bien entendu.

M. Leon Benoit: Et qu'avez-vous à dire à ce sujet?

Lgén David Kinsman: Il me serait difficile de vous donner une brève réponse à votre question, parce que c'était un cas complexe. J'y ai été mêlé qu'après le décès du fils de M. deJeager. Je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer son fils, mais j'ai eu à intervenir dans le poste que j'occupe actuellement.

En toute sincérité, et sans vouloir contredire M. deJeager, il ne convient pas de parler du dossier du cas de son fils devant le comité—du moins, telle est mon opinion.

M. deJeager avait des opinions bien précises sur ce qui avait été fait et inversement par les Forces canadiennes. Quand on m'a soumis son cas, j'ai demandé un examen complet de la situation par les responsables médicaux mais aussi par...

M. Leon Benoit: M. deJeager prétend que vous avez refusé de lui parler et de parler à son fils; il dit qu'à de multiples reprises, vous avez refusé de le rencontrer.

Lgén David Kinsman: Malheureusement, le fils de M. deJeager est décédé avant que j'assume le poste que j'occupe actuellement.

Nous ne parlons que des conversations que j'ai pu avoir avec M. deJeager. Le fait est que j'ai parlé à M. deJeager à plusieurs reprises.

M. Leon Benoit: L'avez-vous rencontré?

Lgén David Kinsman: Je devais le rencontrer. Le jour qu'il a choisi pour venir à Ottawa, à mon bureau, parce que cela lui convenait davantage, je n'étais pas là. Mais deux membres de mon personnel l'ont rencontré.

M. Leon Benoit: Vous ne pensez pas que quelqu'un qui avait souffert de cette façon méritait un peu plus d'attention...

Le président: Une dernière question, monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: ... qu'il était normal que vous fassiez l'effort de le rencontrer, ne serait-ce que pour le réconforter après ce qui était arrivé?

Lgén David Kinsman: Deux personnes, un responsable des services de santé, et une autre qui me remplaçait le jour où M. deJeager est venu à mon bureau, l'ont rencontré et lui ont parlé assez longuement. Comme vous le savez sans doute, M. deJeager est parti peu de temps après pour faire le tour du monde en voilier, si je ne m'abuse. Autant que je sache, il n'est pas au Canada depuis septembre 1997.

Le président: Merci.

Monsieur Wood, vous avez la parole.

M. Bob Wood: Ma question fait suite à celle de M. Benoit.

Général, qui devait les voir? Il est évident que vu vos responsabilités, vous ne pouvez pas voir tous ceux qui sont malades, même gravement, ou en phase terminale, mais à ce moment-là, qui devrait aller les voir? À qui incombe la responsabilité de les voir? Au commandant?

Lgén David Kinsman: Quand vous dites «les», parlez-vous des membres de la famille ou des plus proches parents?

M. Bob Wood: Oui.

Lgén David Kinsman: À mon avis, dans tous les cas, cela doit se faire dans un premier temps au niveau de l'unité, et dans la majorité des cas, il appartient aux dirigeants de l'unité de s'en occuper.

Je serais le premier à admettre que certains cas n'ont pas été traités de manière appropriée pour diverses raisons. Mais je ne porte pas de jugement sur quiconque. Je dis simplement que c'est la réalité.

Dans la grande majorité des cas, cependant, il existe des mécanismes. Le général Addy vous a raconté quelques anecdotes personnelles. Permettez-moi d'en faire autant. J'ai été commandant d'escadron et commandant d'une base dans l'armée de l'air. Dans les deux cas, pendant que j'étais commandant, des gens ont malheureusement été tués quand leurs avions se sont écrasés.

• 1700

Dans mon optique personnelle, la seule solution était d'aller voir la famille immédiatement après et de jouer le rôle qui me revenait à titre de commandant de l'escadron ou de la base, c'est-à-dire de rester en contact avec la famille, mettre d'autres officiers à leur disposition ou leur fournir toutes les informations nécessaires pour que les proches de cette personne, qui étaient en deuil évidemment, puissent bien comprendre ce qui leur arrivait, ce qui était arrivé à l'être cher qui était décédé, et les procédures à suivre.

Ce n'est pas le genre de choses, monsieur Wood, qu'on va nécessairement écrire sur un papier, ou inscrire sur une liste de choses à faire. Mais c'est l'une des responsabilités de toute personne qui occupe un poste de direction.

M. Bob Wood: Très bien.

Dans un autre ordre d'idées, je regrette d'avoir été à l'étranger quand vous avez comparu devant le comité précédemment, mais j'ai eu l'occasion de lire tous les comptes rendus. J'ai remarqué que vous avez dit, en parlant du contrat social, que vous souhaitiez, et je ne sais pas si je vous cite bien, «l'élaboration d'un contrat social rédigé en termes généraux mais assorti d'une orientation stratégique».

Je me demande donc pourquoi vous préféreriez une formulation générale plutôt qu'une formulation bien précise et spécifique. Pouvez-vous m'éclairer?

Lgén David Kinsman: Oui. Je ne suis pas le seul à être de cette opinion, mais les paroles que vous avez citées sont bien les miennes.

À mon avis, si vous rédigez une déclaration précise qui traite de politiques ou de questions spécifiques qui vous paraissent, à vous membres du comité, particulièrement problématiques en ce moment, et en supposant qu'on les considère potentiellement problématiques à l'avenir, cette déclaration sera nécessairement limitée dans le temps, alors qu'une charte sociale ou une déclaration plus générale qui traduira cette notion de soutien permanent des Forces canadiennes, en disant que le peuple canadien reconnaît l'importance des efforts déployés par les militaires, que ce soit lors d'opérations à l'étranger, pendant des tempêtes de verglas dans l'est de l'Ontario, ou dans n'importe quelle circonstance. Il s'agirait d'offrir des mots d'encouragement et de réconfort.

Mais comme vous allez sans doute le remarquer, un contrat ou une déclaration de ce genre ne va sans doute pas répondre aux attentes. Par conséquent, il y a à mon avis un certain nombre de choses que peut faire le comité en vue de régler un certain nombre de problèmes que j'ai déjà mentionnés, à savoir les écarts de rémunération, c'est-à-dire les disparités entre ce que touche chaque mois un membre des Forces canadiennes dans une région du pays et ce que touche une autre personne de même rang qui fait le même travail dans une autre région du pays.

M. Bob Wood: En examinant les documents et en écoutant nos témoins, je vois et j'entends constamment les termes «contrat» et «convention collective». Je pense que l'idée c'est de définir l'obligation du gouvernement envers les militaires.

Je suppose que l'idée de définir la responsabilité du gouvernement envers les militaires me met un peu mal à l'aise, parce qu'il s'agira de leur dire quelles sont nos obligations à leur égard. Nous avons déjà défini leurs obligations envers nous, à savoir d'être les défenseurs de notre pays au risque d'y laisser leur vie. Maintenant il s'agit de définir ce que nous leur devons en échange de ce sacrifice potentiel.

Quelque part cela me semble un peu déséquilibré. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce dilemme, général. S'il doit s'agit d'un contrat, est-ce que les deux parties, et notamment les membres des forces armées des rangs inférieurs, ne devraient-ils pas avoir la possibilité de participer à son élaboration?

Lgén David Kinsman: Dans une certaine mesure—pour en revenir à la question originale de M. Benoit—l'idée de la tribune libre que nous avons retenue et encouragée pour permettre aux membres des forces armées de tous les rangs ainsi qu'à leur conjoint et aux membres de leur famille l'occasion de vous parler contribuera, nous l'espérons, à garantir que leurs opinions seront prises en compte dans les conclusions définitives du comité, c'est-à-dire en ce qui concerne les résultats de votre étude et les recommandations de votre rapport.

M. Bob Wood: Je voudrais revenir sur une de vos affirmations, à savoir que «les Forces canadiennes doivent être en mesure de prendre soin des leurs». Ça fait très peur. On nous a raconté tellement d'incidents et d'histoires d'horreur... le fait est que dès qu'un militaire se blesse, on ne s'en occupe plus.

• 1705

Vous dites qu'il faut qu'on vous donne la possibilité de prendre soin de vos membres. Mais il est évident que cela va nécessiter un grand changement d'attitude, général, et ce depuis les niveaux supérieurs de la hiérarchie jusqu'à la base. Il faut que tout ça commence chez vous ou disons chez les généraux à deux étoiles—aux niveaux supérieurs quoi. Et suivant le principe hiérarchique, il faut que ce message soit transmis aux commandants des bases et des navires, etc. pour que ce problème soit réglé une fois pour toutes. Nous avons entendu parler de maladresses tout à fait inexcusables de la part des Forces canadiennes quand il s'agissait de régler les problèmes personnels des membres.

Vous demandez que les Forces canadiennes soient en mesure de s'occuper des leurs. Mais pour vous dire vrai, il n'y a pas un membre de ce comité, à mon avis, qui serait prêt à dire que vous en êtes capables. Il faut absolument un changement d'attitude; il faut changer toute la mentalité des membres des forces armées, et ce depuis les niveaux supérieurs de la hiérarchie. Vous nous demandez de vous permettre de prendre soin des vôtres, mais je suis convaincu que tout le monde est en train de se dire: Non, pas question.

M. Art Hanger: Je ne suis pas d'accord avec vous.

M. Bob Wood: Mais vous n'êtes pas le témoin.

M. Art Hanger: Non, mais vous m'incluiez en parlant du comité.

M. Bob Wood: Vous pouvez toujours vous abstenir.

Lgén David Kinsman: Permettez-moi de répéter ce que je disais tout à l'heure au sujet des deux volets de cette problématique. Je l'ai déjà dit, et je répète, qu'il ne fait aucun doute qu'à un certain niveau, c'est-à-dire pour ce qui est des contacts personnels et des communications interpersonnelles, les Forces canadiennes n'ont pas toujours su intervenir avec doigté et délicatesse. Mais ce n'est pas pour régler ce problème-là que je vous demande de l'aide. Dans l'armée, nous savons très bien qu'il y a toujours moyen d'améliorer notre performance.

C'est d'ailleurs pour cela que l'année dernière, quand les détails des cas du major Henwood et de Martineau et d'autres ont été connus, et pour certains d'entre nous, pour la première fois dans le cas de certains détails, le chef d'état-major de la Défense par intérim a demandé qu'on procède à un examen des dossiers de tous les militaires blessés, soit dans des zones de service spécial, soit après, afin de connaître justement tous les détails de ces incidents, de déterminer ce qui n'allait pas dans le régime actuel et de voir ce qu'on pourrait faire pour rectifier la situation. Dans un certain nombre de cas, le problème se situe exclusivement à l'interne. Autrement dit, certaines personnes n'ont pas assuré le suivi des dossiers de leurs membres pour s'assurer que ces derniers obtenaient ce dont ils avaient besoin.

Dans d'autres cas, c'est-à-dire dans un sens plus général, il arrive que nous nous heurtions à des politiques ou des règles qui ne nous accordent pas la latitude nécessaire pour décider—même si nous aimerions pouvoir le faire—que telle personne mérite de toucher 25 000 $ ou 50 000 $ et de les lui donner. Cela rejoint ce que disait le général Addy concernant la façon dont on peut ou ne peut pas utiliser les crédits disponibles, vu les limites de notre autorité financière. La plupart de ces contraintes découlent des lois et politiques adoptées par le gouvernement.

M. Bob Wood: Pour en revenir à la question financière, que je sache, chaque base dispose d'une caisse noire, si je puis dire, qu'elle peut utiliser comme bon lui semble. C'est-à-dire qu'elle a accès à une certaine somme qu'elle peut dépenser comme elle veut. C'est à la discrétion du commandant, n'est-ce pas?

Lgén David Kinsman: C'est-à-dire que dans...

M. Bob Wood: Si elle décide qu'elle veut donner une partie de cet argent à quelqu'un pour améliorer sa qualité de vie, pourquoi ne pourrait-elle pas le faire?

Lgén David Kinsman: Même s'ils disposent de cet argent, qu'ils pourraient, en vertu d'un budget de fonctionnement à point unique, prendre dans le crédit fonctionnement et entretien, mettons pour aider un certain sergent qui a été blessé, et maintenant paraplégique et a besoin d'un fauteuil roulant, mettons, eh bien, dans ce cas-là, ils pourraient se dire: Achetons-lui son fauteuil roulant. Ils peuvent disposer des crédits nécessaires, mais en fin de compte tout dépend de leur autorisation de dépense.

C'est là que les gens vont dire: Voilà, il commence à parler comme un bureaucrate. Mais le fait est que dans ce poste que j'occupe depuis deux ou trois, il m'est arrivé très souvent de vouloir faire quelque chose pour les personnes dont on me soumettait les dossiers, alors que je n'étais pas en mesure de les autoriser à régler tel ou tel dossier en dépensant tant ou en reversant telle décision, car je suis bien obligé de me conformer aux politiques actuellement en vigueur. Si les politiques sont injustes, c'est justement là le point d'intersection entre les deux volets dont je vous parlais tout à l'heure. Si les dirigeants au niveau local ou à n'importe quel niveau constatent que les politiques ou les règlements ou tout ce qui leur impose des contraintes sont injustes ou inopportuns, eh bien, il leur appartient dans un premier temps de porter cela à la connaissance des responsables appropriés en suivant la voie hiérarchique pour qu'ils sachent que la situation n'est pas normale et doit être corrigée. Il arrive fréquemment que la politique soit tout à fait juste et qu'il s'agit simplement de l'appliquer avec rigueur—c'est-à-dire de faire savoir que la procédure suivie n'est pas la bonne.

• 1710

Dans certains cas, bien entendu, les gens vont dire: mais c'est la faute de la politique; nous n'y pouvons rien—et les choses en restent là. Je suppose que c'est l'argument que font valoir les gens qui sont de l'autre côté de la barrière. Il y a certainement des membres dans les régions qui voient ce que font des gens comme moi et d'autres membres du personnel, et qui disent: Ces gens-là se contentent d'appliquer les politiques et refusent d'être le moindrement souple. Encore une fois, je soupçonne que c'est vrai dans certains cas, mais dans d'autres je peux vous assurer que nous nous efforçons, non seulement au sein de l'organisation mais auprès des personnes qui sont responsables de l'élaboration de ces politiques, de prévoir un traitement exceptionnel lorsque ce traitement nous semble justifié.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Que pensez-vous de la possibilité que les hommes et femmes membres des Forces canadiennes puissent devenir membre d'une association ou même—est-ce que j'ose le dire?—d'un syndicat?

Lgén David Kinsman: L'opinion que je vais exprimer maintenant est exclusivement personnelle. Elle ne correspond pas... Permettez-moi de vous dire tout d'abord que cette notion d'association ou de syndicat ou de regroupement a nécessairement une signification différente, selon son optique. Dans l'armée, il y a certaines personnes qui estiment que nous en sommes arrivés au point où il serait souhaitable de créer ce genre d'association ou de syndicat. Il y en a d'autres, y compris moi-même, qui estime qu'il serait préférable de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. C'est peut-être parce que j'ai grandi dans un milieu conservateur en Nouvelle-Écosse.

S'il y a des problèmes en ce moment ou si les gens sont mécontents, est-ce nécessairement parce que nous ne faisons pas partie d'un syndicat ou d'une association, ou est-ce le résultat d'autres facteurs? À mon avis il faut d'abord tirer au clair la situation en déterminant l'importance de ces autres facteurs, avant de décider définitivement que nous devons absolument faire partie d'une association ou d'un syndicat.

M. Dick Proctor: À mon avis, le comité pourrait, après examen de la question, élaborer un plan qui va régler le problème pour le moment et peut-être même pendant quelques années. Mais la situation va sans doute se détériorer par la suite, de sorte qu'un comité futur—disons dans une dizaine d'années serait obligé de refaire ce travail.

Pour moi, tout tourne autour de la rémunération et des vivres. On peut toujours trouver une belle formule et parler d'une charte sociale ou d'un contrat social, mais d'un point de vue historique, et d'ailleurs dans bon nombre d'autres professions... Par exemple, l'Association canadienne des policiers va rencontrer certains députés aujourd'hui. Et je crois savoir que les armées de certains pays nordiques ont des syndicats.

Ce qui m'inquiète, c'est que nous arrivions à rectifier la situation actuelle, mais que le problème fondamental surgisse à nouveau à l'avenir, alors que si vous aviez un agent négociateur chargé de renouveler votre contrat tous les deux ou trois ans, vous pourriez commencer à régler de façon définitive un certain nombre de ces problèmes graves qu'on a porté à notre connaissance.

Lgén David Kinsman: Certaines personnes—des gens en uniforme—seraient parfaitement d'accord avec vous. Mais il faut éviter à mon avis de conclure, en se fondant sur une analyse sélective de ces caractéristiques, qu'un système qui marche bien dans un autre contexte va nécessairement donner de bons résultats dans le vôtre.

Nous discutons actuellement de la possibilité d'avoir un agent négociateur, un tribunal ou une agence quelconque qui puisse négocier en notre nom. C'est justement ce à quoi je faisais allusion dans mon texte. Si, en tant qu'organisation, nous sommes dans l'impossibilité de faire comprendre à d'autres ce que nous valons, à nos yeux, et d'obtenir le dernier 0,5 p. 100 ou autre chose qu'on demande, il y a certainement d'autres solutions.

Au Royaume-Uni, ils ont mis sur pied il y a quelques années un système du genre tribunal. Je pense qu'on explique ce système dans les documents que vous avez déjà reçus ou que vous allez recevoir. D'ailleurs, nous essayons de vous préparer une analyse complète des régimes de rémunération et d'avantages sociaux de quatre ou cinq pays différents. Il s'agit d'un aspect important du problème. Depuis qu'on a créé ce tribunal au Royaume-Uni, nos alliés du Royaume-Uni sont passés d'une situation où ils étaient très mal rémunérés et touchaient peu d'avantages sociaux à une situation tout à fait inverse, puisqu'ils excitent sans doute l'envie de la grande majorité des membres des Forces canadiennes à l'heure actuelle.

• 1715

Mais je m'empresse toujours d'ajouter que la création du tribunal n'était peut-être pas le seul facteur. Il faut tenir compte du contexte dans lequel ce tribunal a été créé—la guerre des Malouines, la présence de la première ministre Thatcher, etc. Disons qu'en plus du tribunal, il y avait un mouvement plus important en faveur de l'amélioration de la situation des militaires.

M. Dick Proctor: Merci.

Le président: Monsieur Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le président, je vous demande d'excuser mes allées et venues constantes. J'ai eu une journée assez difficile.

Je regrette, général Kinsman, de ne pas avoir entendu toutes vos remarques liminaires, mais j'ai tout de même une question à vous poser. Tout ce qu'on entend en ce moment semble très négatif. Nous parlons constamment de notre image à l'étranger, et j'aimerais donc savoir ce que vous pourriez proposer pour améliorer notre image au sein même de l'armée, parce qu'il semble y avoir un grand problème de ce côté-là.

Lgén David Kinsman: C'est une question intéressante.

Pour moi, cette image négative, si vous voulez, ou ce mécontentement ou malaise—on peut l'appeler comme on veut—résulte dans une certaine mesure d'une accumulation de choses. Encore une fois, c'est Dave Kinsman qui vous parle; cette hypothèse ne serait pas nécessairement avalisée par l'ensemble du ministère.

Nous venons de traverser une période particulièrement difficile—d'ailleurs, je n'ai pas vraiment besoin d'insister là-dessus. Depuis 1989, soit une dizaine d'années, nous avons fait l'objet d'une série de compressions, et les gens ne savent pas trop quand tout cela va finir, à un point tel que, même quand ils pensaient qu'une certaine stabilité se rétablissait, ils se sont rendu compte qu'il y avait autre chose. Donc, il y a tout d'abord le problème de l'incertitude.

Il y a aussi la question du gel des salaires et des avantages sociaux, qui pour toute cette période... En l'absence d'autres choses, si au moins on vous donne une augmentation de salaire, vous avez l'impression qu'on apprécie ce que vous faites. Mais dans ce sens-là, la situation des Forces canadiennes n'était pas unique, évidemment. Ce gel a touché l'ensemble du pays, et notamment la fonction publique.

Enfin, il y a l'autre dimension importante, à savoir trois ou quatre années très difficiles, en raison de la perception des militaires de leur propre valeur, par rapport à ce qui a été communiqué par les médias—notamment dans le contexte de l'enquête sur la Somalie, Bakovici, etc.

Donc, en ce qui nous concerne, tout cela n'a rien de surprenant. Nous savions fort bien, quand le ministre Young vous a invités l'année dernière et quand le ministre Eggleton vous a invités cette année à entreprendre cette étude, que la grande majorité des opinions que vous entendriez seraient négatives, parce que c'était finalement le principal objet de cet exercice. Nous ne nous attendions pas à ce que les militaires arrivent en masse pour vous dire: «La vie est belle, merci beaucoup.»

M. David Price: Mais je me demande, entre-temps... Notre travail avance. Mais il est possible que notre rapport soit présenté dans un an seulement. Entre-temps, la situation continue à se détériorer.

Lgén David Kinsman: Eh bien, entre-temps, nous nous efforçons de répondre aux plus graves préoccupations des gens.

Nous avons voulu nous assurer, et j'ai bien insisté là-dessus, que les délibérations du comité ne deviennent pas un prétexte pour tout laisser en plan.

En ce qui concerne la rémunération, nous continuons de travailler très fort pour obtenir une augmentation des salaires qui toucherait non seulement les militaires, mais d'autres membres de la fonction publique et d'autres employés ailleurs au Canada. Au cours des derniers 18 mois, nous avons mis sur pied un certain nombre de programmes, mais ces derniers n'auront pas nécessairement d'impact immédiat sur les membres de la force régulière. On avait tendance par le passé à mettre davantage l'accès sur les membres de la force régulière, par rapport aux réservistes. Nous avons donc mis en oeuvre l'année dernière un train de mesures destinées à améliorer la situation de nos réservistes—plus précisément, un programme important d'amélioration des conditions professionnelles militaires destiné aux réservistes.

Nous avons donc connu un nombre de succès importants, et ce n'est certainement pas par hasard. Ces programmes ont sans doute permis d'ajouter entre 200 et 250...

M. David Price: Mais on n'en a pas beaucoup parlé.

Lgén David Kinsman: Voilà justement le problème qui nous poursuit depuis un moment, et je sais que moi-même—sans vouloir me plaindre devant les membres du comité—j'ai fait distribuer énormément d'information au sujet d'augmentations de salaire et de différentes améliorations que nous avons apportées aux conditions des réservistes—une parité salariale de 85 p. 100 et une allocation de retraite pour les réservistes, etc. D'abord, vous comprendrez qu'étant donné que cela ne touche pas les 60 000 membres de la force régulière, ces gens-là ne s'y intéressent pas. Ceux qui connaissent des réservistes en seront contents.

• 1720

Il reste que nous continuons à communiquer de l'information concernant nos activités et les mesures que nous essayons de mettre en place. Comme certains d'entre vous le savent déjà, j'arriverai bientôt à la fin de mon mandat dans ce poste, et il y a une chose en particulier qui me semble très clair. Il n'y a pas si longtemps, nous avions un conseil des conditions de service qui était au courant de tout ce qui touchait la rémunération et les avantages sociaux, des mesures que nous comptions prendre à l'avenir, et des mesures que nous avions adoptées au cours des 12 mois précédents. Les membres de ce groupe faisaient le tour du pays en permanence pour parler aux gens, pour leur expliquer ce qui était prévu et pour répondre à leurs questions—justement le genre de questions qu'on vous pose et qu'on me pose chaque fois que je vais dans les régions.

Dans le cadre des réductions du personnel à Ottawa, nous avons éliminé ce groupe. À mon avis, rétrospectivement et sans vouloir critiquer les personnes qui ont pris cette décision, sa disparition nous a vraiment fait du tort, et par conséquent, j'ai fait ce que j'ai pu pour rétablir ce groupe en collaboration avec mon collègue, le commandant.

M. David Price: Pour ma part, j'espérais que quand nous arriverions à la fin de cette période et que notre rapport serait terminé, vous pourriez revenir nous voir en affirmant que vous avez déjà mis en oeuvre telle et telle mesure et que ses effets commencent à se faire sentir dans toute la hiérarchie.

Lgén David Kinsman: Je pense que le président pourrait... J'avais l'impression l'année dernière, au fur et à mesure que vous receviez des témoignages et qu'on vous présentait des séances d'information technique, que les membres du comité comprenaient mieux exactement ce qui était en train de se faire, ce qui avait été fait, et ce qui devait se faire. En fait, la remarque qui a été faite au moment où j'ai comparu devant le comité au printemps indiquait justement qu'énormément de mesures avaient été prises. Cela nous ramène donc à la même question: Comment se fait-il que les gens ne soient pas au courant?

M. David Price: Des mesures positives, quelque chose qu'on peut...

Lgén David Kinsman: Nous avons mis en oeuvre toute une série de mesures. Quant à savoir si elles vont réussir... Nous avons un nouveau bulletin pour les Forces canadiennes, et ce bulletin aura une section où l'on parlera de ce qui touche les militaires et des mesures qui ont été prises.

M. David Price: Peut-être pourriez-vous faire de la publicité dans Esprit de Corps.

Des voix: Oh, oh!

M. David Price: Merci.

Le président: Nous passerons maintenant à un tour de questions de cinq minutes par personne. Nous avons suffisamment de temps pour un maximum de deux ou trois questions.

Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.

M. David Pratt: J'invoque le Règlement, monsieur le président. N'avez-vous pas inscrit mon nom pour ce dernier tour?

Le président: Oui, pour 10 minutes, et ensuite nous allons passer à des tours de cinq minutes. Dès qu'Arthur aura fini, je vous redonne la parole.

M. David Pratt: Très bien.

M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.

Je m'excuse auprès de M. Wood de l'avoir interrompu tout à l'heure, mais je voulais qu'il soit bien clair que je ne partageais pas son point de vue. Il ne fait aucun doute que la question que vous avez soulevée pose problème au sein de l'armée, mais c'est essentiellement un problème politique qui s'est manifesté dès l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral, et il faut absolument rectifier la situation.

M. Bob Wood: C'est quelque chose qui n'est pas entaché de sectarisme politique.

Des voix: Oh, oh!

M. Art Hanger: C'est-à-dire que la solution est d'ordre politique. Certains changements s'imposent au niveau politique.

Général, vous avez parlé du Conseil des forces armées dans votre mémoire. Ce dernier est-il chargé d'élaborer les plans opérationnels, administratifs et budgétaires relativement à l'utilisation des crédits et à l'ensemble des activités de l'armée?

Lgén David Kinsman: Sans nécessairement être d'accord avec votre description de son rôle, je peux vous dire que le Conseil des forces armées est le comité consultatif supérieur du chef d'état-major de la Défense et qu'à ce titre, il s'occupe de pratiquement tout ce qui se passe au sein des forces armées. Je parle évidemment de tout ce qui touche les militaires.

M. Art Hanger: Très bien.

Lgén David Kinsman: Il s'agit donc des politiques de gestion du personnel, des priorités à fixer en matière de dépenses d'immobilisation, de fonctionnement et d'entretien, etc.

Il faut bien comprendre, cependant, que ce groupe ne possède pas de véritable autorisation de dépenses. Ce pouvoir relève en réalité du Conseil de gestion des programmes. Donc, vous avez le Conseil des forces armées et le Comité de gestion de la Défense, qui est composé des membres du Conseil des forces armées, du sous-ministre et des sous-ministres adjoints du côté civil.

• 1725

M. Art Hanger: Autrement dit, ce comité regroupe des bureaucrates et des militaires, c'est bien cela?

Lgén David Kinsman: C'est une façon de le voir. Disons qu'il s'agit du comité supérieur du ministère de la Défense nationale chargé d'examiner ce genre de questions.

M. Art Hanger: Supposons que le Conseil des forces armées constate qu'un problème se pose au niveau du traitement des dossiers des militaires blessés, par exemple. Au lieu d'assumer l'entière responsabilité de la question ou de laisser les choses en plan, le Conseil décide que la meilleure solution serait de donner aux commandants et aux commandants des bases le pouvoir de prendre les décisions quand il s'agit de s'occuper de ces gens-là. Le Conseil des forces armées a-t-il l'autorité de déléguer ce genre de pouvoir administratif à un commandant de base?

Lgén David Kinsman: Dans certains domaines, oui.

M. Art Hanger: Dans ce domaine-là?

Lgén David Kinsman: Vous voulez dire pour s'occuper du personnel?

M. Art Hanger: Oui.

Lgén David Kinsman: Oui, pour ce qui est de certains aspects des soins ou des services à leur offrir, oui absolument.

M. Art Hanger: Dans ce cas-là, je ne comprends plus; si le commandant de la base a l'autorité de dire: Voilà un soldat blessé qui était sous mon commandement au moment de son accident, c'est moi qui aurai le dernier mot sur les mesures à prendre.

Lgén David Kinsman: Non, permettez-moi d'expliquer; je ne voulais pas vous induire en erreur.

Il y a différentes autorisations de dépense et responsabilités qui sont déléguées par le Conseil des forces armées aux commandants d'unités individuelles, qu'il s'agisse de commandants de base, de brigades ou d'autre chose. Dans certains cas, le commandant de la base ou de la brigade a ces autorisations. Dans d'autres cas, ce sont d'autres personnes qui ont ces autorisations.

M. Art Hanger: Pensez-vous que ce serait une bonne solution que de permettre au commandant de la base de régler des problèmes de ce genre?

Lgén David Kinsman: Encore une fois, dans certains cas, le commandant possède déjà les pouvoirs nécessaires. Si on voulait parler de cas spécifiques, on pourrait parler... Par exemple...

M. Art Hanger: Reprenons l'exemple cité par le général Addy du sergent qui s'est fait sauter les mains avec une fusée éclairante.

Lgén David Kinsman: Le commandant de la zone de l'Ouest a tout de même fait certaines choses pour aider cette personne. Dans ce cas précis, il se pose la question plus générale de savoir ce que les Forces canadiennes devraient faire pour aider les personnes qui se blessent au Canada dans ce genre de situation ou dans le cadre de leur préparation pour des opérations à l'étranger.

Le président: Merci, monsieur Hanger.

David, vous avez la parole.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

Je voudrais revenir sur la question du contrat social. Je suis tenté de citer les propos du fameux philosophe militaire, Stokely Carmichael, qui a dit ceci: «Les belles paroles ne suffisent pas, il faut savoir passer aux actes.» Et c'est justement cela qui m'inquiète dans cette histoire de contrat social—que vous vous contentiez de belles paroles sans jamais passer aux actes.

Il me semble aussi que le rétablissement de relations de confiance avec les Forces canadiennes passe par des actes, et pas nécessairement des paroles. Dans ce cas-ci, vu la nature des problèmes auxquels nous sommes confrontés—la rémunération, les logements, la qualité de la vie, l'équipement—disons qu'il s'agit de problèmes dont le règlement nécessitera des investissements importants.

À ce moment-là, ne croyez-vous pas que la seule façon de régler le problème auquel nous sommes confrontés serait d'accroître considérablement le budget de la Défense? Si nous faisons ça et si nous indiquons aux membres des forces armées que nous les respectons en réglant leurs problèmes, à ce moment-là, la charte sociale et son éventuel contenu semblent presque superflus.

Lgén David Kinsman: C'est une opinion intéressante. Je préfère ne pas indiquer mes préférences ni quel service profiterait le plus d'une éventuelle injection de fonds. Nous sommes toujours partis du principe, jusqu'au moment où le comité a entrepris son étude—et évidemment, on doit toujours être conscient de l'équilibre à établir; c'est d'ailleurs le problème que nous vivons chaque jour et chaque mois.

• 1730

Sur ce budget dont il a été question—mettons qu'il s'établisse à 9,5 milliards de dollars ou à 10 milliards de dollars—quelle proportion sera consacrée à l'amélioration des conditions des membres? Quelle proportion sera consacrée à l'équipement, c'est-à-dire à l'acquisition de nouveau matériel ou à la remise en état de matériel plus ancien? Quelle proportion sera consacrée au fonctionnement et à l'entretien afin de s'assurer que la formation et les opérations répondent aux exigences du Livre blanc sur la défense?

Il ne fait aucun doute que certaines des possibilités dont il a été question coûteraient plus cher, mais pas dans tous les cas. Je sais que M. Richardson s'intéresse tout particulièrement à la question des logements. Certaines des mesures que nous envisageons ne coûteraient pas nécessairement plus cher, même s'il faudrait, pour les mettre en oeuvre, modifier quelque peu le régime actuellement en place, pour ce qui est de la marge de manoeuvre dont dispose le Bureau du logement des Forces canadiennes relativement à la vente des biens, la production de recettes, etc. Donc, certaines initiatives ne nécessiteront pas forcément une injection de capital.

M. David Pratt: Mais en même temps—on nous l'a dit à maintes reprises, d'ailleurs—pour ce qui est du moral des troupes, c'est certainement un facteur.

Je suis d'accord avec vous au sujet des logements. Il y a toutes sortes de façons novatrices d'améliorer la situation, mais il me semble bien qu'en fin de compte—et j'espère que vous êtes d'accord—qu'un accroissement du budget sera nécessaire pour fournir à nos soldats, nos aviateurs et nos marins l'équipement dont ils ont besoin pour faire leur travail. Nous avons bien vu que certains équipements ne répondent pas aux normes et semblent avoir été achetés pour des raisons politiques, dans certains cas. Rappelez-vous que cela n'a pas été acheté par ce gouvernement.

En fin de compte, pour régler le problème fondamental du moral des militaires, il n'y a pas d'autres solutions; il faut absolument une injection de fonds.

Lgén David Kinsman: Oui, pour rectifier certains problèmes.

M. David Pratt: En effet.

Lgén David Kinsman: Là je suis parfaitement d'accord avec vous. Quant à savoir s'il faut une injection de capital ou simplement une réorientation des crédits actuels du ministère pour tenir compte de nouvelles priorités, je préfère ne pas me prononcer là-dessus. Vu ma situation, dans bon nombre de cas, c'est moi qui finis par devenir le défenseur de ces politiques, qu'elles concernent la rémunération, les avantages sociaux, les allocations ou autre chose.

Mais c'est un rôle qui ne permet pas d'être apprécié de tout le monde. D'une part, si je propose une initiative valable, les hommes et femmes membres des Forces canadiennes vont y voir quelque chose de positif. Par contre, moi et mes collègues devons toujours trouver des fonds pour financer ces initiatives.

M. David Pratt: On peut toujours parler des mesures à prendre pour relever le moral des Forces, et régler le problème de la rémunération, entre autres. Mais à mon avis, le ministère de la Défense aura besoin de crédits importants pour respecter les engagements du Livre blanc. En tant que pays, nous allons devoir accepter l'idée que des crédits supplémentaires sont nécessaires.

Si vous permettez, je voudrais passer à une autre question.

Pour en revenir à la question du contrat social, il me semble que ce genre de document, même si on y parle de rémunération, de logement et d'autres éléments importants, pourrait devenir la cible des doléances générales des membres des forces armées, qui diraient qu'il y a encore des problèmes dans tel et tel domaine et que les engagements pris dans le contrat social ne sont pas respectés.

C'est-à-dire que le contrat social actuel non codifié, ou plutôt mal défini, faute d'un meilleur terme, offre à des gens comme vous qui sont des officiers supérieurs, au moins une marge de manoeuvre raisonnable. Encore une fois, l'idée ce serait de bien traiter vos membres afin que ce genre de document ne soit pas nécessaire.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Quant aux universitaires dont on a sollicité les vues, tous semblent prendre, comme dans l'émission sur CBC, une tangente différente.

Lgén David Kinsman: Oui, c'est intéressant. Nous ne leur avons pas demandé de le faire non plus.

Le président: Très rapidement.

• 1735

Lgén David Kinsman: Oui, bien sûr. Il est évident que pour les membres du comité, par rapport au point qui vient d'être soulevé, la notion de contrat social, la forme qu'il devait prendre et l'effet qu'il peut avoir dans l'immédiat et à long terme, est une notion assez nébuleuse.

Si je voulais vous parler aujourd'hui et vous faire part de mes idées, c'était essentiellement pour lancer un appel au nom des hommes et femmes qui sont membres des Forces canadiennes. Cela nous ramène à l'autre question, c'est-à-dire est-ce que les Canadiens apprécient vraiment ce qu'on fait? Nous avons eu des indications de leur appréciation, notamment au cours des deux ou trois dernières années, à la suite de catastrophes naturelles. Mais est-ce que les Canadiens apprécient ce que nous faisons à l'étranger, quand nous quittons nos familles et que nous laissons cela derrière nous?

Là où je voulais en venir tout à l'heure—et vous avez mis le doigt dessus—c'est qu'il y a maintenant certaines attentes, et par conséquent, c'est un dilemme très intéressant que celui de déterminer s'il faut quelque chose de général qui vous donne un maximum de marge de manoeuvre, ou plutôt quelque chose de plus concret, ou encore, une combinaison des deux.

M. David Pratt: Monsieur le président, pourrais-je poser une dernière brève question?

Le président: Vous avez 30 secondes.

M. David Pratt: L'observation qui m'a été faite à plusieurs reprises, c'est que les gens ne décident pas de participer à des opérations de maintien de la paix ou de faire la guerre parce qu'ils ont un contrat social; ils y vont pour soutenir la personne qui se trouve à leurs côtés dans leur unité. Donc, en fin de compte, c'est l'esprit de corps et la camaraderie qui les motivent. Quel est donc le rôle du contrat social dans ce contexte?

Lgén David Kinsman: Vous avez raison. Au niveau de l'unité, il y a beaucoup de gens qui ne passent pas leurs journées à discuter du contrat social.

Pour moi, le contrat social est quelque chose qui se discute à un niveau plus élevé, par des gens comme moi, par exemple. Il importe qu'on sache que lorsque je négocie pour eux avec le Conseil du Trésor ou quelqu'un d'autre, je suis en position de force et non en position de faiblesse.

M. David Pratt: Merci.

Le président: Général Kinsman, permettez-moi de vous remercier de nous avoir éclairés cet après-midi. Ce fut une réunion très intéressante. Je pense que la période des questions s'est poursuivie dans cette salle de comité cet après-midi. En tout cas, merci beaucoup.

La séance est levée.