NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 25 mars 1999
Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): J'aimerais ouvrir la séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre des communes. Nous avons suffisamment de membres pour pouvoir commencer.
Comme vous le savez, nous accueillons aujourd'hui l'Association de l'industrie de la défense du Canada, l'Association des industries aérospatiales du Canada, l'Association de la construction navale du Canada et l'Armed Forces Communications and Electronics Association of Canada. Plusieurs messieurs se sont joints à nous: M. Fischer, M. Smith, M. Cairns et M. Leech. Est-ce bien cela?
M. Peter Smith (président-directeur général, Association des industries aérospatiales du Canada): M. Cairns n'est pas avec nous.
Le président: M. Cairns est retenu pour l'instant, c'est bien cela? Très bien.
Nous avons reçu tous vos mémoires à l'avance et je suis sûr que vous avez eu l'occasion de les examiner. On les a livrés à vos bureaux il y a quelque temps.
Nous nous sommes réunis pour discuter de la question—j'imagine «délicate» est le mot qui convient—de la marine marchande et des indemnisations éventuelles, mais nous laissons ce sujet aujourd'hui. Nous essayons de jongler avec deux sujets importants, d'une part les acquisitions et de l'autre la marine marchande. Nous revenons donc aujourd'hui à la question des acquisitions.
Messieurs, nous vous remercions d'être venus. Qui va commencer? Monsieur Fischer, je vois que vous êtes assis au milieu. Cela veut-il dire que vous allez lancer le mouvement?
M. Robert N. Fischer (président, Association de l'industrie de la défense du Canada): Je pense que nous avions convenu que ce serait M. Leech qui allait commencer.
Le président: C'est M. Leech qui va lancer le mouvement? Ah bon, très bien. Merci.
M. John Leech (directeur général, Armed Forces Communications and Electronics Association of Canada): Merci, monsieur le président. C'est sans doute parce que c'est moi qui ai le moins à dire que je suis le premier.
L'AFCEA Canada est heureuse d'avoir été invitée à participer aux audiences de la matinée. J'ai fourni un bref mémoire sur notre association et sur ce que nous faisons actuellement et je crois que cela concerne le travail qui vous occupe en ce moment. Permettez-moi de résumer la présentation de notre association et d'insister sur ce que nous faisons actuellement.
Je vais donc vous dire brièvement qui nous sommes et ce que nous faisons au cas où l'AFCEA, l'Armed Forces Communications and Electronics Association, ne serait pas aussi connue que certaines de ses collègues.
• 0905
Nous sommes la filiale canadienne d'une association
internationale qui a été fondée aux États-Unis après la Seconde
Guerre mondiale. Nos membres comptent des particuliers et plusieurs
ministères, essentiellement ceux qui s'occupent de la sécurité
nationale—je veux parler du MDN, de la GRC, de Travaux publics,
etc.—ainsi que des sociétés du secteur de la haute technologie
principalement.
Notre objectif est de fournir une tribune pour le perfectionnement professionnel et l'échange d'information entre le gouvernement et l'industrie dans les domaines de la communication, de l'électronique, du commandement et du contrôle, du renseignement et des systèmes informatiques. Nous avons des chapitres dans tout le pays qui sont administrés par des bénévoles et qui offrent précisément cette tribune en favorisant les rencontres, les conférences, les séminaires, les expositions et la formation pour le perfectionnement professionnel. L'AFCEA publie un périodique international et administre un fonds de bourses d'études pour encourager la réussite scolaire. L'AFCEA est une organisation sans but lucratif qui ne fait pas de lobbyisme. Nous essayons d'encourager nos membres à approfondir leurs connaissances et à mieux comprendre ces domaines complexes.
Pour les questions qui nous occupent actuellement, en plus de la tâche très prenante qui consiste à en se renseigner sur le fameux problème de l'an 2000 et à le régler, nos membres continuent à s'informer sur des sujets que vous avez abordés directement au cours de vos récentes audiences et à en discuter.
En décembre dernier, à l'invitation du MDN, plusieurs de nos membres ont participé à un symposium sur la défense canadienne au-delà de 2010, et ont notamment contribué aux ateliers qui traitaient de l'interface entre le gouvernement et l'industrie et de la soi-disant révolution des affaires militaires. Dans un cadre où les différents points de vue peuvent s'expliquer et être débattus, tous les participants peuvent comprendre et choisir la meilleure orientation pour l'avenir.
Nos membres, qu'il s'agisse des particuliers qui travaillent pour le gouvernement ou des industries qui fournissent les biens et les services, souhaitent vraiment utiliser au mieux le processus d'acquisition du gouvernement. Pour cela, pendant l'année écoulée, nous avons eu la possibilité d'écouter Pierre Lagueux du MDN et Alan Williams de Travaux publics pour mieux comprendre les efforts qui sont faits pour faciliter la fourniture des systèmes informatiques à notre gouvernement. Des mesures telles que le cadre de gestion améliorée de l'informatique et, plus récemment, les acquisitions en fonction des avantages ont permis de faire des progrès. Il est clair que l'acquisition de systèmes informatiques diffère de celle de certains autres produits. La préparation de contrats types d'achat pour le gouvernement peut permettre de gagner du temps. Il y a une volonté générale de s'orienter vers une plus grande coopération pour qu'il y ait moins d'affrontements dans le domaine de l'impartition.
Consciente du défi que représente la mise au point d'un processus qui garantisse l'utilisation judicieuse des deniers publics et tout ce que cela suppose et qui donne, en même temps, lieu à l'acquisition des capacités nécessaires en garantissant un juste bénéfice aux fournisseurs, l'AFCEA cherche à instaurer la compréhension, la stabilité et l'équité pour favoriser la sécurité du Canada.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Leech.
Monsieur Cairns, puisque vous êtes maintenant parmi nous, êtes-vous le suivant?
M. Peter Cairns (président, Association de la construction navale du Canada): Oui, monsieur.
Le président: Très bien.
M. Peter Cairns: Monsieur, mesdames et messieurs, bonjour. Je dois dire pour commencer que je suis très honoré de comparaître devant vous ce matin au nom de l'Association de la construction navale du Canada.
Je ne vous lirai pas ma déclaration. Je me contenterai de souligner les points importants.
En gros, ce que nous faisons pour gagner notre vie dans l'association de la construction navale vise la promotion et l'expansion de la construction navale, des réparations navales et des industries maritimes connexes. Notre association a été créée en 1995 afin de combler le vide laissé par la disparition de l'Association canadienne des industries maritimes qui avait cessé ses activités six mois auparavant. À l'heure actuelle, nous représentons quelque 25 sociétés du secteur de la construction navale et des industries maritimes. Nous les représentons dans tout le pays et nous sommes une organisation en expansion.
La concurrence dans l'industrie mondiale de la construction navale est acharnée. Elle est exagérément subventionnée. C'est une industrie pour laquelle il n'existe pas de règles de jeu équitables. Les forces du marché libre ne s'y exercent pas. Elle est manipulée à l'échelle internationale, nationale et régionale par divers programmes d'aide, qu'elle soit directe, indirecte ou même cachée.
• 0910
Le gouvernement canadien nous aide beaucoup de cette façon.
Mais nous pensons qu'il y a d'autres choses qu'il pourrait faire
pour favoriser l'industrie, surtout dans le domaine de la
construction navale commerciale internationale.
L'industrie s'est livrée à une rationalisation, avec l'aide du gouvernement, vers le milieu des années 80. La capacité de construction navale de notre pays est de 40 p. 100 inférieure à ce qu'elle était en 1986. Les chantiers navals, grâce à leurs propres investissements—et il s'agit de quelque 160 millions de dollars au cours des cinq ou six dernières années—ont été modernisés. On a commencé à mettre en place des conventions collectives souples. Nos procédés de fabrication ont été révisés et simplifiés, et l'automation et la robotique sont maintenant chose courante dans les plus grands chantiers.
À la différence de bon nombre d'industrie de la construction navale, surtout dans les pays de l'OTAN—et je prendrai comme exemple la France, l'Angleterre et les États-Unis—nous n'avons pas de programme fédéral de construction navale pour la flotte nationale sur lequel nous pourrions compter pour maintenir l'industrie et son savoir-faire tout en restant concurrentiels sur le plan commercial.
Je vais maintenant passer rapidement à la politique d'approvisionnement ou d'acquisition. Nous estimons que les politiques d'acquisition au sein du MDN et du gouvernement en général sont d'une grande lourdeur bureaucratique et d'une grande complexité. Elles sont conçues pour économiser l'argent des contribuables, ce qui est bien, mais elles sont devenues de ce fait très bureaucratiques. Elles ne permettent pas de réagir de façon opportune aux besoins opérationnels. De ce fait, surtout dans le cas de la marine, les flottes ne sont pas souvent renouvelées, seulement tous les 25 ou 30 ans.
Ce sont à notre avis des pratiques peu rentables. Si on se penche sur les 40 dernières années, le gouvernement a investi—je ne sais même pas ce que cela donnerait en dollars d'aujourd'hui—un montant important en 1954 pour lancer le programme des frégates Saint-Laurent. De nombreuses sociétés ont été créées à ce moment-là dans notre pays. Quarante ans plus tard, il ne reste pratiquement aucune trace de cet investissement du gouvernement.
Le gouvernement a beaucoup investi pour la construction de la frégate canadienne de patrouille de la marine à Saint John au Nouveau-Brunswick et chez Davie Industries au Québec, et nous risquons fort de perdre tout ce savoir-faire parce que ce programme est arrivé à son terme et que les experts que nous avons dans notre pays s'en vont maintenant aux États-Unis.
Il nous semble qu'il y a lieu d'avoir dans notre pays un programme de construction navale permanent. Pour l'industrie, cela serait logique car lorsqu'on a des grands projets d'immobilisations tous les 20 ou 25 ans seulement, il coûte très cher de se remettre à niveau et il coûte également très cher d'éliminer une ligne à la fin. C'est peu efficace pour l'industrie et nous pensons aussi que cela représente un gros gaspillage pour le gouvernement. Si nous avions un programme de construction navale permanent qui nous permette de remplacer un navire fédéral tous les deux ans à peu près, sur une flotte de 16 bâtiments, vous auriez toujours de nouveaux bateaux qui arriveraient tous les deux ans et lorsqu'ils auraient 30 ou 32 ans, ils seraient abandonnés.
Il serait moins nécessaire que le gouvernement se lance dans des mégaprojets et ces programmes de construction permanents pourraient être adaptés au fur et à mesure. On pourrait aussi changer la conception pour chaque cas individuellement au fur et à mesure des besoins tout au long de la durée du programme car il serait permanent. Le gouvernement saurait combien il va dépenser et l'industrie saurait à peu près quel genre de recettes elle pourrait attendre. Je pense que tout le monde s'en porterait mieux et serait plus efficace et plus productif.
Le seul autre point que j'aimerais aborder est celui de la prestation de services de type différent et je sais que mes collègues qui sont ici vont en parler de façon probablement plus détaillée que moi. Le moins que je puisse dire, c'est que je ne crois pas que cela ait donné de bons résultats jusqu'ici, surtout au MDN. Il y a eu des réussites particulières, mais elles ne sont pas assez nombreuses.
• 0915
Nous pensons que le gouvernement a tort lorsqu'il reproduit
les installations industrielles. Nous ne pensons pas que ce soit
efficace pour le gouvernement. Pourquoi ne pas profiter des
installations qui existent dans l'industrie? Nous pensons que le
gouvernement devrait se débarrasser de ces installations de façon
générale. Ce n'est pas une règle absolue, mais bon nombre des
établissements commerciaux du gouvernement devraient, à mon avis,
appartenir à l'industrie.
On a beaucoup parlé de solutions novatrices. Les ministères doivent proposer des solutions novatrices pour résoudre la crise du financement et tenir compte du fait que tout le monde a moins d'argent, moins de temps et moins d'employés.
Pour résumer, il faut un programme en partenariat avec l'industrie qui permette non seulement de partager les risques mais également les avantages. Nous avons aussi la structure qui va le permettre. Même si un jeune officier ou un ministère travaille fort pour produire un programme novateur, si la structure n'est pas là, si le Conseil du Trésor et le ministère des Finances ne font pas le nécessaire, nous perdons simplement notre temps et nous tournons à vide.
En 1994, lorsque j'ai pris ma retraite de l'armée, le montant affecté au programme d'immobilisations représentait 27 p. 100 du budget du MDN. Je crois qu'aujourd'hui il n'est plus que de 17 p. 100 officiellement, mais à ce que l'on dit au ministère, il serait plus près de 14 p. 100. Cette situation doit changer. Elle peut changer grâce à un partenariat adapté avec l'industrie.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci, monsieur Cairns.
Monsieur Fischer, voulez-vous faire maintenant votre exposé.
[Français]
M. Robert Fischer: Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. J'aimerais, premièrement, remercier le comité de me permettre de lui adresser la parole ce matin au nom de l'Association des industries de la défense du Canada.
[Traduction]
Je vais vous faire un peu l'historique de l'AIDC. Notre association a été fondée en 1983 à titre d'organisation sans but lucratif et elle représente actuellement près de 270 entreprises de défense ou qui travaillent dans le domaine de la défense.
Cela vous intéressera peut-être d'apprendre que, d'après un sondage que nous avons effectué en 1997, l'ensemble du marché de la défense—c'est-à-dire les entreprises canadiennes qui fournissent des biens et des services commerciaux et militaires—comptaient près de 1 500 sociétés dans tout le Canada. Il s'agit de sociétés qui, par définition, avaient fait un chiffre d'affaires de plus de 100 000 $ cette année-là. Globalement, cela représente des ventes de plus de 5 milliards de dollars et près de 25 000 emplois directement liés à ces activités dans tout le pays. Ce sondage a aussi révélé que moins de 30 de ces 1 500 entreprises se consacrent exclusivement au marché de la défense, ce qui montre bien à quel point l'industrie canadienne de défense a réussi à se diversifier.
Conformément à la nature de notre industrie de la défense au Canada, nous comptons parmi les membres de notre organisation quelques grandes entreprises internationales—et il se trouve que je travaille pour l'une d'elles—et de nombreuses petites et moyennes entreprises nationales, ou PME, réparties un peu partout dans le pays qui ont des capacités de défense qui correspondent à des créneaux. On peut donner comme exemples de réussite à ce chapitre Vector Aerospace à l'Île-du-Prince-Édouard qui répare et remet en état les avions; Hypernetics dans la vallée de l'Outaouais qui produit des affichages électromagnétiques et Andrew Canada à Whitby en Ontario qui conçoit des radars et du matériel radar. Et la liste continue indéfiniment. Comme je l'ai déjà dit, nous avons 270 membres.
En tant que président de l'Association de l'industrie de la défense du Canada, j'aimerais signaler deux choses qui inquiètent nos membres. La première est aussi importante pour le gouvernement que pour l'industrie; c'est la nécessité de lancer des grands projets d'immobilisations. La seconde est en fait un mélange de diverses activités, à laquelle nous donnons collectivement le titre de réforme des acquisitions.
• 0920
Dans le livre blanc sur la défense de 1994, le gouvernement a
rappelé la nécessité pour le Canada d'avoir une marine, une armée
de terre et une armée de l'air parfaitement aptes au combat. Depuis
lors, comme vous le savez fort bien, les soldats des Forces
canadiennes, hommes et femmes, ont assumé leur engagement envers le
Canada en participant à des missions internationales en Bosnie, en
Haïti et plus récemment au Kosovo, et en répondant aux appels au
secours des Canadiens aux prises avec des inondations, des tempêtes
de verglas et autres catastrophes.
Le budget du ministère de la Défense nationale a subi une diminution importante au chapitre des dépenses consacrées aux grands projets d'immobilisations dans l'équipement au cours de la dernière décennie puisque de 24 ou 25 p. 100 de l'ensemble du budget, elles représentent maintenant moins de 17 p. 100, comme M. Cairns vient de nous le rappeler. Et ce chiffre est discutable, il pourrait s'agir de moins de 17 p. 100. De toute façon, nous avons vu les dépenses d'investissement, en pourcentage du budget total de la défense, baisser de 25 p. 100 à peu près à 16 ou 17 p. 100.
Selon le vérificateur général, le ministère de la Défense nationale a besoin de 11 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour mener à bien son programme actuel de rééquipement de l'armée. Mais d'après les projections récentes, le gouvernement prévoit d'accorder 6,5 milliards de dollars sur ces 11 milliards de dollars. De ce fait, il est vraiment possible que l'on revienne à la période de l'équipement rouillé des années 70. Ainsi, l'équipement vieillit rapidement et le gouvernement n'a agi que partiellement pour rester fidèle à sa promesse du livre blanc de 1994 qui était de moderniser l'armée.
Par exemple, l'avion Aurora, qui patrouille nos vastes océans et permet au Canada d'assumer ses obligations dans le cadre du NORAD, a grandement besoin d'une importante remise à niveau et modernisation. De même, un tiers seulement, à peu près, du nombre de véhicules blindés légers nécessaires pour l'armée a été commandé à la division diesel de General Motors tandis qu'on continue à utiliser des véhicules âgés et de moins en moins fiables.
L'exemple le plus frappant sans doute, et M. Smith, mon collègue, vous en parlera, est la nécessité, reconnue depuis longtemps, de remplacer la flotte canadienne des vieux hélicoptères maritimes embarqués Sea King.
L'industrie canadienne continue à être prête à travailler avec le MDN et le gouvernement pour atteindre les objectifs du livre blanc de 1994 concernant les grands projets d'immobilisations. J'encouragerais donc les parlementaires à appuyer ces projets avant qu'une érosion plus grande encore ne se produise concernant la capacité de l'équipement.
Pour ce qui est de la réforme des acquisitions, il faut féliciter le MDN d'avoir adopté certaines suggestions de l'industrie à cet égard. Si ces premières étapes sont encourageantes, ou peut faire encore beaucoup dans ce domaine. Par exemple, il reste beaucoup de travail à faire pour avoir un processus moins bureaucratique et plus simple pour les acquisitions. Moi qui suis passé du gouvernement à l'industrie au cours des trois dernières années, je peux vous dire qu'en ce qui concerne l'industrie, la réforme des acquisitions entreprise par le ministère n'a pas encore fait son chemin jusqu'à notre niveau, c'est-à-dire au niveau de ceux qui font affaire avec les ministères—pas encore du moins.
De plus, nos membres sont de plus en plus frustrés par l'absence de progrès dans le domaine de la prestation de rechange des services. Si on juge le projet de vol d'entraînement de l'OTAN à Moose Jaw et à Goose Bay comme une réussite, ce n'est pour nous que la pointe de l'iceberg, et les possibilités de réaliser des économies avec cette approche n'ont pas encore été pleinement réalisées.
Ce qui importe, ce sont les avantages que peuvent apporter ces solutions de rechange à l'armée canadienne et au ministère de la Défense nationale. Comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie l'ont découvert, un partenariat étroit avec l'industrie constitue un moyen moins onéreux et plus efficace pour gérer les ressources de défense.
Le ministère de la Défense du Royaume-Uni, par exemple, a récemment présenté ce qu'il appelle les «réserves parrainées», un programme qui permet au gouvernement d'appeler légalement les membres de l'industrie pour qu'ils servent avec les soldats dans les cas de crise. En conséquence, l'armée profite du savoir-faire technique de l'industrie pour des systèmes d'armement précis.
De même, le ministère de la Défense des États-Unis compte beaucoup sur l'industrie depuis la fin de la guerre froide et la réduction des dépenses militaires. Les entrepreneurs étaient présents pendant l'opération Tempête du désert et ont également été utilisés récemment dans les missions de maintien de la paix dans les Balkans. Comme nos alliés en ont fait l'expérience, les avantages à long terme de ces solutions de rechange permettront une meilleure utilisation des ressources militaires et entraîneront une réduction générale des coûts.
Notre association estime que le gouvernement doit aller de l'avant en ce qui concerne la liste grandissante des grands projets d'immobilisations de défense. Les trois corps de l'armée canadienne ont de plus en plus de mal à faire leur travail comme il se doit à cause de l'équipement insuffisant et de plus en plus inutilisable. Les Forces canadiennes deviennent en outre rapidement incompatibles avec celles de nos alliés de l'OTAN et avec la force multinationale de l'ONU. Si le gouvernement veut que l'armée canadienne tienne les promesses de son livre blanc de 1994, il faut que ses soldats soient équipés comme il se doit pour faire leur travail.
• 0925
En conclusion, j'aimerais féliciter le comité de ses
recommandations concernant la qualité de la vie et j'espère qu'il
aura une influence tout aussi positive pour que se réalise le
changement si nécessaire dans le domaine des acquisitions.
Je vous remercie infiniment de m'avoir permis de vous faire part des inquiétudes de nos membres et je serais heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Fischer. Je peux vous garantir que nous espérons produire, comment dirais-je, un rapport franc et direct sur les acquisitions. Nous dirons les choses telles que nous les entendons et nous les voyons, comme nous l'avons fait pour le rapport sur la qualité de la vie. Je vous remercie de vos remarques.
Allez-vous également prendre la parole, monsieur Smith?
M. Peter Smith: Oui, monsieur le président.
Je crois que les membres du comité ont un exemplaire de mon texte et, pour ne pas me répéter, je me contenterai de revenir sur quelques points pour donner plus de poids aux questions soulevées par mon collègue M. Fischer, surtout en ce qui concerne les questions que le comité doit traiter, notamment la réforme des achats ou acquisitions.
J'aimerais en outre prendre quelques minutes pour vous parler de la prévisibilité des achats, comme M. Fischer l'a indiqué, et de ce qui se produit lorsque cette prévisibilité n'existe pas, et je terminerai peut-être en laissant au comité quelques messages sur ce qui se produit sur le marché mondial dans le secteur de la défense et de l'aérospatiale.
L'Association des industries aérospatiales du Canada représente 250 entreprises de l'ensemble du pays. L'an dernier, nos ventes ont dépassé 15,3 milliards de dollars et nous employions plus de 67 000 Canadiens dans tout le pays. Nos exportations représentent plus de 80 p. 100 de nos ventes et à l'heure actuelle, nous sommes la cinquième industrie aérospatiale du monde. Notre succès est dû à plusieurs facteurs, dont le moindre n'est pas le soutien du gouvernement fédéral qui a choisi l'aérospatiale comme l'un des secteurs stratégiques clés où l'économie canadienne basée sur la matière grise peut se développer et prospérer.
Même si l'industrie aérospatiale canadienne a connu une certaine réussite, il y a des sujets d'inquiétude qui se font jour et qui, si on n'y remédie pas comme il se doit, pourraient avoir des répercussions négatives énormes sur l'industrie, au point qu'il nous sera encore plus difficile d'atteindre notre objectif qui est de devenir la quatrième industrie aérospatiale du monde au début du siècle prochain.
Même si les biens et les services liés à la défense ne représentent que 20 p. 100 de l'ensemble de nos ventes, la défense est une question importante pour nos membres en raison des retombées naturelles d'un tel travail sur les applications civiles, que nous appelons la double technologie, ainsi que sur l'ouverture de marchés à l'étranger parce que l'armée canadienne accorde son appui à la technologie nationale liée à la défense. Le conseil des achats de défense de notre association donne des conseils aux administrateurs sur cette question prioritaire. Le conseil a d'ailleurs traité de plusieurs questions dont s'occupe le comité et a déposé un rapport destiné au ministre de la Défense nationale en juillet 1998.
En ce qui concerne la diversification des modes de prestation de services, nous sommes convaincus que le MDN pourrait encore réaliser d'autres économies en appliquant, de façon beaucoup plus concertée, ces autres modes de prestation de services au sein du ministère. Nous estimons que ces économies pourraient être redistribuées, lui donnant ainsi les moyens de prendre les décisions si importantes de remplacement de l'équipement.
Au ministère de la Défense, cette diversification a provoqué des réactions mitigées qui s'expliquent par le succès de certains programmes et par les controverses suscitées par d'autres. Néanmoins, l'AIAC continue à dire qu'elle reste l'une des mesures que devrait exploiter le ministère de la Défense nationale. Nous recommandons vivement la constitution d'une équipe indépendante de cadres supérieurs de l'industrie qui relèverait des cadres supérieurs du ministère et qui serait chargée de découvrir et de mettre en oeuvre ces éventuels projets de diversification. Dans l'intervalle nous recommandons également que le ministère de la Défense nationale évite toute rigidité dans les spécifications qu'il exige et dans les garanties d'emploi à long terme associées à ces projets de diversification. Enfin, il nous semble que le MDN devrait insister pour adopter de saines pratiques commerciales dans les soumissions internes. Je serais prêt à répondre aux questions qui concernent ce sujet car je sais que le comité s'intéresse à cet aspect particulier des affaires du MDN.
• 0930
Concernant la réforme des achats ou acquisitions, nous avons
également été consultés par le ministère de la Défense nationale et
nous nous félicitons des initiatives qui ont été prises jusqu'ici.
Notre seule inquiétude est que la mise en oeuvre est trop longue.
Nous avons pris connaissance de la parution récente du guide sur la
réforme de la politique d'achat. Nous nous félicitons de
l'intention de conclure des marchés publics forfaitaires, d'avoir
des équipes de projet intégrées et d'encourager le partenariat avec
l'industrie. Nous espérons vraiment que ces réformes vont être
mises en place et qu'elles vont commencer à donner lieu à des
exigences plus souples concernant les définitions qui s'attachent
davantage aux résultats qu'à la conception.
Enfin, l'AIAC est heureuse que le MDN ait accepté le principe d'achat de produits commerciaux disponibles. Nous avons recommandé une plus grande participation de l'industrie à la phase de la définition des besoins du cycle des acquisitions, car nous pensons que cela devrait permettre de trouver les solutions qui sont non seulement les meilleures possible mais également les plus rentables pour le ministère.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, l'AIAC s'est attachée à quatre priorités l'année dernière. En plus d'augmenter le programme Partenariats technologiques Canada, d'étudier le manque de ressources dans le secteur de l'accréditation à Transports Canada et de mettre un terme aux subventions étrangères illégales telles que Proex, l'AIAC a pressé le gouvernement de se pencher sur la question de la prévisibilité des achats.
L'industrie a bien accueilli la décision du gouvernement de donner suite l'an dernier au Programme de remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage. Toutefois, nous sommes préoccupés du fait qu'en dépit du livre blanc sur la défense de 1994 et des budgets qui ont suivi qui mentionnaient l'intention du gouvernement d'aller de l'avant avec les grands programmes d'investissement dans l'équipement, la décision reste encore à venir en ce qui concerne le programme des hélicoptères embarqués. À ce sujet, l'industrie s'inquiète de ce qu'il en coûte de garder un personnel technique compétent en place en vue de réagir à une décision du gouvernement attendue maintenant depuis des années. Nous reconnaissons bien sûr que ce budget réduit a été sollicité par de nombreuses exigences contradictoires, et le coût des questions liées à la qualité de la vie au sein du ministère n'était pas le moins important.
Cependant, maintenant que le gouvernement a jugé bon, dans son plus récent budget, d'attribuer des fonds aux questions de qualité de la vie, on ose espérer qu'il aura désormais toute liberté pour formuler ses intentions en matière d'acquisition d'hélicoptères embarqués. S'il ne le fait pas rapidement, cela va non seulement coûter plus cher à l'industrie parce qu'elle doit maintenir des bureaux consacrés à ce projet pour saisir l'occasion lorsqu'elle se présentera, mais la capacité opérationnelle de l'armée diminue de jour en jour en raison de l'utilisation continue d'un équipement désuet.
L'industrie canadienne de l'aérospatiale et de la défense a eu le privilège, pendant de nombreuses années, de jouir d'un statut spécial auprès des États-Unis dans la mesure où l'accord sur le partage de la production de défense et l'accord sur le partage de développement industriel pour la défense étaient conçus pour permettre aux fournisseurs canadiens d'être considérés comme faisant partie de l'infrastructure nord-américaine de l'industrie de défense aux fins des acquisitions de l'armée américaine. Avec le temps, les privilèges du Canada se sont amenuisés du fait des actions ou des sanctions déguisées sous le couvert de la sécurité nationale américaine, des transactions réservées aux petites entreprises ou des autres dispositions «made in America» comme l'ont prouvé les récentes pratiques américaines. Il ne fait aucun doute que les sentiments protectionnistes américains ont augmenté ces dernières années en raison des conditions du marché et de l'imposition présumée de mesures de rétorsion contre certaines politiques commerciales canadiennes et/ou étrangères.
Depuis quelque temps, nous faisons preuve d'une grande vigilance dans l'attente de la mise en place du règlement international révisé concernant l'expédition des armes légères qui, si on peut l'interpréter sans changer de façon explicite les principes sous-jacents, pourrait avoir des répercussions très négatives avec le temps sur notre capacité de continuer à vendre aux États-Unis pour près de 1 milliard de dollars de produits canadiens de technologie de pointe. Nous suivons de près cette situation étant donné que des délégués du MAECI et du MDN ont rencontré leurs homologues américains ces dernières semaines pour tenter de rectifier cette situation.
En conclusion, monsieur le président, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants peut jouer un rôle important pour l'augmentation du budget de la défense de façon à ce qu'il corresponde davantage à l'obligation qu'a le Canada de contribuer à la paix et à la sécurité internationales. Le ministère de la Défense nationale doit adopter de façon dynamique pour les solutions de rechange pour la diversification des modes de prestation de services afin de pouvoir assurer son rôle opérationnel et se rééquiper ou même prolonger la vie de son équipement parce que le budget actuel est d'une insuffisance affligeante pour répondre à ces exigences. Le MDN doit adopter des exigences de performance et opter nettement pour les solutions commerciales de produits disponibles afin de réduire les coûts et les risques techniques. Il faut accélérer la réforme des acquisitions parce que le coût de ce retard supplémentaire ne fera que réduire un budget déjà très limité.
• 0935
Étant donné que les questions de qualité de la vie ont déjà
été réglées au sein du ministère, l'industrie aérospatiale presse
le gouvernement de donner immédiatement suite aux intentions qu'il
a exprimées dans le livre blanc de 1994 en lançant le processus
d'acquisition pour remplacer la flotte vieillissante des
hélicoptères Sea King embarqués.
À moins que le gouvernement canadien ne donne des preuves beaucoup plus concrètes d'intervention pour lutter contre le protectionnisme accru de nos voisins du sud, notre capacité nationale s'estompera avec le temps, entraînant de nombreuses pertes d'emploi dans les industries de la haute technologie et ne laissant d'autre choix au ministère de la Défense nationale que de dépendre de sources étrangères d'approvisionnement pour ses besoins en équipement.
À moins que le Canada ne trouve une solution réaliste pour répondre aux observations de l'OMC sur l'utilisation du programme Partenariats technologiques Canada, la valeur ajoutée de l'industrie aérospatiale canadienne continuera de diminuer. Au cours des quatre dernières années seulement, elle est tombée de 66 p. 100 à 54 p. 100.
Comparée à celle de bien de nos concurrents, l'aide du Canada à l'industrie aérospatiale est sans doute parmi les plus transparentes. Même avec 300 millions de dollars par an, ce programme fait piètre figure en comparaison du budget américain de R-D qui s'élève à 37 milliards de dollars américains pour l'année prochaine, même après une réduction de 3 milliards de dollars.
Ce sont là, mesdames et messieurs, les situations réelles avec lesquelles nous devons composer.
Le secteur de l'aérospatiale s'est développé à un rythme trois fois plus rapide que celui du produit intérieur brut. Il a contribué pour environ 25 milliards de dollars à l'excédent commercial des quatre dernières années seulement et emploie, comme je l'ai déjà dit, 67 000 hommes et femmes dans tout le pays.
Dans un marché hautement concurrentiel, nos produits sont de niveau international, comme vous pouvez le voir, mais malheureusement les règles du jeu ne sont pas toujours équitables. Nous avons besoin de votre aide pour maintenir cette croissance. C'est pourquoi nous serons heureux du soutien du comité pour la réforme de la politique d'achat de la défense, l'accélération des acquisitions d'équipement et notre opposition aux pratiques commerciales déloyales.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole.
Le président: Merci, monsieur Smith et merci à vous tous, messieurs, pour vos remarques.
Avant de passer à la première série de questions, je tiens à préciser que le S de notre sigle anglais SCONDVA signifie «standing» (permanent) et je crois qu'il y a une différence importante entre un comité permanent et un comité spécial: nous n'allons pas disparaître, nous sommes ici pour rester. Des deux côtés de la table, nous avons des questions très importantes que nous continuons à poser et nous espérons pouvoir présenter un rapport qui, comme je l'ai dit plus tôt, proposera des recommandations très importantes pour améliorer la situation des acquisitions dans notre pays. Nous entreprenons donc ce que nous espérons être une étude assez exhaustive de la question et vos remarques d'aujourd'hui sont très utiles.
Je voulais préciser que le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants demeure. Je sais que nous en avons discuté officieusement avec le ministre à plusieurs reprises; il attend aussi avec impatience les résultats de nos travaux et est convaincu que nous allons produire un rapport très utile.
Je préciserais que notre collègue, le secrétaire parlementaire de la défense nationale, Bob Bertrand, vient de partir. La chose arrive à point nommé étant donné ce que vous venez de dire, messieurs. Il vient de partir pour déposer à 10 heures à la Chambre des communes la réponse du gouvernement au rapport de notre comité sur la qualité de la vie et plus tard, au cours de la journée, le ministre fera une conférence de presse sur le sujet.
Cela est donc lié directement à ce que vous avez presque tous dit dans vos remarques. Ce fut pour nous une question prioritaire, un domaine où les dépenses devaient être augmentées et nous sommes heureux de voir que, pour la première fois en 12 ans, on a enfin augmenté les montants consacrés à la défense dans le dernier budget. Nous espérons que ce sera la première de plusieurs augmentations budgétaires et qu'il y aura donc davantage d'argent par la suite. Il est donc tout à fait indiqué, après les remarques que vous venez de faire sur la qualité de la vie et sur la nécessité de moderniser notre équipement militaire, que dans quelques instants le rapport soit déposé.
J'ai dit à mes collègues du comité que vers 10 heures, ou peu après, nous allons tous recevoir une copie de la réponse du gouvernement à notre rapport et je pense que vous serez heureux de sa teneur. Je crois que l'on répond de façon claire à chacune de nos 89 recommandations, si j'ai été bien informé, en indiquant quelles mesures sont prises ou prévues dans chaque cas. Voilà donc quelque chose qui va se passer dans quelques minutes et que nous attendons avec impatience. Lorsque le rapport sera disponible, nous le distribuerons et nous ferons une brève pause s'il le faut.
• 0940
Sur ces remarques, j'aimerais donner la parole à mes collègues
pour la première série de questions en commençant par M. Hart du
Parti réformiste qui dispose de 10 minutes.
M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs de l'exposé très instructif que chacun de vous a fait. Je crois que nous pourrions consacrer toute une séance aux questions et il nous faudra peut-être vous demander de revenir.
En ce qui concerne les remarques du président sur la qualité de la vie, j'ai constaté que vous aviez également mentionné que nous avions connu une période de matériel rouillé dans les Forces canadiennes dans les années 70. Étant donné les problèmes de qualité de la vie que nous connaissons, je crois que le comité et d'autres comités devront également se rappeler que le budget des immobilisations a été réduit pour les Forces canadiennes à son plus bas niveau—je crois que c'est de 7 à 9 p. 100—au cours de la même période. Alors que nous avions les marins et les soldats les mieux payés du monde, nous avons connu cette période de matériel rouillé, ainsi, lorsque nous étudions les problèmes de qualité de la vie, il nous faut aussi veiller à trouver des solutions originales pour ne pas revivre cette expérience du matériel rouillé.
J'aimerais m'adresser à l'amiral Cairns pendant quelques instants. Étant un ancien de la marine moi-même, et m'intéressant à la construction navale de notre pays, s'agissant de notre flotte, je trouve vos remarques très intéressantes. Avec le programme actuel des frégates, je crois que les choses vont assez bien du côté de la marine, bien que vous ayez, je pense, soulever un point intéressant. Encore une fois, si nous ne prévoyons pas de programme constant de renouvellement de nos navires, nous nous trouverons rapidement dans une situation où les vieux bâtiments, qui représentent des immobilisations importantes, devront être remplacés tous ensemble.
Pour revenir aux années 70, je me souviens très bien du moment où l'équipe de gestion des navires est venue sur la côte Ouest parler aux marins des nouvelles frégates qui se pointaient à l'horizon. Comme je l'ai dit, cela se passait dans le milieu des années 70, et je pense que la dernière a été livrée l'année dernière. Cela prend donc pas mal de temps. Peut-être pourriez-vous nous parler un peu des nouvelles frégates et aussi de notre capacité de pont océanique qui disparaît, si tant est que nous ayons encore une telle capacité. Que devrions-nous faire à ce sujet?
M. Peter Cairns: Merci beaucoup, monsieur Hart.
Commençons par les frégates. Pour construire un navire en général, il y a une période de gestation d'environ huit ans entre le moment où quelqu'un a l'idée jusqu'au moment où elle doit recevoir les diverses approbations, jusqu'au moment où on trouve le plan ou vous le réalisez vous-mêmes. Il faut passer par toutes ces épreuves et obtenir toutes ces autorisations; il faut donc à peu près huit ans avant qu'on commence véritablement à découper la tôle. Ce délai est traditionnel et je pense qu'on peut l'améliorer; toujours est-il que la période de gestation est longue.
En ce qui concerne la marine, elle a eu de la chance sans doute. On était à la croisée des chemins. Il y avait de l'argent. Le financement a donc été accordé et on semble penser généralement que si la marine a été bien servie, on peut l'oublier maintenant et que c'est le moment de s'occuper de l'armée de l'air et de l'armée de terre. Personnellement, je n'ai rien à dire contre cette façon de voir. Il nous faut nous occuper de l'armée de l'air et de l'armée de terre, je suis tout à fait d'accord. Mais le fait est que nos problèmes viennent de cette façon de penser, à savoir qu'on décide de mettre en place un programme de plusieurs millions de dollars pour avoir 12 nouvelles frégates et qu'il n'est plus nécessaire ensuite de s'en occuper pendant 30 ans. Dans 30 ans, ce sera à nouveau un problème pour le gouvernement. Ce sera le problème de quelqu'un d'autre et nous allons devoir financer un autre programme de plusieurs milliards de dollars pour remplacer les frégates de la marine.
Dans notre association, nous disons qu'il faudrait peut-être envisager des moyens pour essayer de remédier à ces hauts et à ces bas importants. Si on souhaite un tant soit peu avoir une base industrielle de défense pour l'équipement maritime, il faut que l'on ait un moyen pour conserver ce savoir-faire.
• 0945
J'ai dit plus tôt que c'était une industrie commerciale très
concurrentielle. Nous sommes un peu en retrait par rapport aux
industries puissantes qui desservent le marché mondial. On se fait
beaucoup d'idées fausses sur la capacité de l'industrie canadienne
de la construction navale. Nous ne sommes pas en concurrence avec
les Japonais; nous ne sommes pas en concurrence avec les Coréens,
mais nous pouvons construire des petits navires très sophistiqués.
Reste à voir si nous pouvons conserver ce savoir-faire pour les
produire commercialement. Si oui, comment pouvons-nous y parvenir
si nous obtenons un programme militaire important tous les 30 ans
seulement?
Je me demande ce qui pourrait pousser un jeune ingénieur canadien à choisir l'industrie maritime actuellement. C'est une industrie vieillissante. L'âge moyen dans quelques chantiers navals est de 40 ans. Il faut donc chercher à maintenir cette industrie. L'industrie essaie de nous aider en cela. Ne vous méprenez pas, je n'essaie pas d'obtenir des subventions ni l'aumône. Ce que nous voulons, ce sont des méthodes de planification novatrices qui permettraient à l'industrie de bénéficier—et je crois que le gouvernement aussi pourrait en bénéficier—de recettes et de dépenses plus stables avec le programme des acquisitions.
Je pense donc que c'est là où nous en sommes avec les frégates. Nos frégates, autant qu'il me semble, sont de beaux navires. Elles ont répondu à toutes nos attentes. Elles ont navigué dans le monde entier et elles plaisent. Mais on n'arrive pas à les vendre. Pourquoi?
Le président: Monsieur Smith.
M. Peter Smith: J'aimerais dire un mot sur la remarque de M. Hart concernant la frégate canadienne de patrouille. Je pense que le Canada devrait être très fier d'avoir mis au point ce navire et tous les logiciels qui font sa sophistication.
Quant aux remarques de M. Cairns sur le fait de garder dans la marine les ouvriers spécialisés et les officiers, je crois que c'est aussi lié à l'industrie aérospatiale du fait de la complémentarité du bateau. Il a été mis au point au Canada et comme l'un des navires de guerre les plus modernes que pouvait souhaiter avoir de nombreux pays du fait de la complémentarité de la capacité entre l'hélicoptère embarqué et l'équipement qui est à bord du navire. Malheureusement, c'est l'un des problèmes que nous avons.
Cela peut paraître intéressé, mais on s'inquiète beaucoup dans l'industrie de l'aérospatiale de la maximisation de la capacité de ce navire de faire ce pourquoi il a été conçu. La technologie canadienne est inutile tant que l'on n'a pas la capacité de communiquer et d'utiliser au maximum la technologie mise au point à la fin des années 80 pour avoir des hélicoptères embarqués qui puissent communiquer et être utilisés à des fins militaires. Nous pensons vraiment que c'est là manquer une occasion pour le Canada et c'est l'une des raisons...
M. Peter Cairns: Je suis d'accord avec ça. Nous avons tendance à considérer l'hélicoptère maritime et le navire comme deux entités séparées. Ce que nous avons là, c'est un système d'armement. Et il comprend l'hélicoptère. Sans l'hélicoptère, le navire ne sert à rien. Sans le navire, l'hélicoptère ne sert à rien. L'hélicoptère fait autant partie de ce navire qu'une pièce d'artillerie ou un missile, qu'un marin ou un cuisinier, ou une pompe à incendie. Il fait partie de ce bateau, ce n'est pas une entité distincte. Je crois que c'est une question philosophique qu'il faut tous comprendre.
M. Jim Hart: Je crois que nous avons hâte de voir l'hélicoptère embarqué et de voir le Sea King remplacé. C'est du moins mon cas. Il y a une question que je me pose et peut-être pourrez-vous m'aider à ce sujet. Combien de temps faut-il pour réaliser un énoncé des besoins? Si vous l'envisagez pour remplacer le Sea King, combien de temps faudrait-il?
Cette question s'adresse en fait à tout le monde.
Le président: Je crois que M. Fischer aimerait y répondre.
M. Robert Fischer: Monsieur Hart, je vais essayer d'y répondre; mais je vais dire quelques mots de votre observation et de votre question précédentes auxquelles mes collègues ont répondu en ce qui concerne le soutien à long terme des frégates canadiennes de patrouille et l'allusion que vous avez faite sur l'absence de capacité de pont océanique et l'état vieillissant des deux AOR que la marine utilise. Je crois que ce sont là deux excellents exemples de possibilité d'exploitation de l'idée de prestation de rechange des services.
Aux États-Unis, l'USN a choisi de faire fonctionner sa capacité de pont aérien stratégique à partir d'une plate-forme louée par la marine mais dont l'exploitation est assurée par des entreprises privées. En gros, cette capacité flotte autour du monde. Lorsque la marine en a besoin, elle appelle simplement l'entrepreneur et lui dit qu'elle veut que l'entrepreneur se trouve dans un certain port à un moment donné.
• 0950
Ainsi, lorsque la marine envisage de remplacer sa capacité de
pont océanique, je crois qu'il faudrait qu'elle envisage la chose
sous un tout autre angle. Cela veut dire non pas construire des
navires de façon traditionnelle, mais envisager un arrangement
grâce auquel l'industrie pourra apporter cette capacité à la
marine.
M. Jim Hart: On pourrait même utiliser ces traversiers rapides de Colombie-Britannique.
Des voix: Ah, ah!
M. Robert Fischer: Et bien voilà!
Mais pour la question de l'énoncé des besoins pour le programme des hélicoptères maritimes, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il doive être très raffiné. Beaucoup de gens y travaillent depuis de nombreuses années. Si quelqu'un nous disait aujourd'hui qu'il faudrait une nouvelle année pour le mettre au point, je serais gêné. Il existe. Plus on lui consacre de temps, plus on augmente les problèmes dont nous sommes venus parler ici.
Le président: Merci, monsieur Fischer.
[Français]
Monsieur Laurin, vous avez 10 minutes.
M. René Laurin (Joliette, BQ): Je voudrais d'abord poser quelques questions à M. Smith afin d'obtenir des précisions sur certaines choses qui, pour moi, sont des nouveautés, parce que je ne suis pas un membre très ancien de ce comité. Lorsque vous parlez de la prévisibilité des achats, vous faites allusion à des subventions étrangères illégales comme dans le cas de Proex. J'aimerais que vous m'expliquiez ce qu'est Proex et ce qu'est une subvention étrangère illégale.
[Traduction]
M. Peter Smith: La question de la prévisibilité des achats concerne l'habitude qu'avait le ministère de la Défense nationale de déclarer, de concert avec l'industrie, quelles étaient ses ambitions en matière de besoins d'immobilisations. C'était une habitude tout à fait normale jusqu'à une date récente. Nous possédions les intentions du ministère de la Défense nationale à peu près cinq ans à l'avance. Comme cela a été indiqué, c'est parce que pour mettre au point un aéronef ou un navire, ou pour les modifier ou les moderniser, un délai de cinq à quinze ans peut être nécessaire selon le degré de sophistication et l'équipement.
Notre expérience passée, en ce qui concerne les intentions du ministère par rapport aux attentes du gouvernement en matière budgétaire...
[Français]
M. René Laurin: Monsieur Smith, je vous arrête parce que je n'ai que 10 minutes et que je voudrais que vous me fassiez une réponse courte et précise. Ma question était: qu'est-ce que Proex et, deuxièmement, qu'est-ce qu'une subvention étrangère illégale?
[Traduction]
M. Peter Smith: Proex est un programme de subvention utilisé par les Brésiliens sous le nom d'Embraer qui avait l'appui du gouvernement brésilien. Ce programme a été contesté devant l'Organisation mondiale du commerce, et a maintenant été déclaré illégal. Les subventions illégales dont j'ai parlé sont des choses qui ne sont pas conformes au règlement de l'Organisation mondiale du commerce ou qu'il est inapproprié ou illégal d'appliquer en vertu des divers règlements de cette organisation. On a jugé que Proex en était une.
[Français]
M. René Laurin: Merci. Toujours dans la même section, vous dites que l'industrie s'inquiète de ce qu'il en coûte pour garder le personnel technique compétent en place dans l'attente d'une réponse à une décision du gouvernement attendue maintenant depuis des années; vous parlez des hélicoptères. À quoi faites-vous allusion quand vous parlez du coût pour garder du personnel technique en place? Que fait ce personnel actuellement?
[Traduction]
M. Peter Smith: Depuis le livre blanc de 1994, le gouvernement a l'intention d'acheter des hélicoptères embarqués. Tous les concurrents ont créé des bureaux pour ce projet en prévision de ce que le gouvernement va demander à l'industrie. Aucun concurrent ne va se désintéresser de la question tant qu'il n'est pas absolument clair que le gouvernement ne va pas acheter d'hélicoptères. L'effectif peut être de cinq à une centaine d'employés qui attendent pour répondre aux besoins du gouvernement parce que c'est un aéronef très sophistiqué. On peut dire à ce sujet que c'est ce qu'il en coûte de faire des affaires, mais il en coûte des millions de dollars de garder de tels bureaux au Canada pour répondre aux besoins du gouvernement. C'est ce que je voulais dire.
M. René Laurin: Vous ne parlez pas d'employés du gouvernement.
M. Peter Smith: Non.
M. René Laurin: Ce sont des employés dans l'industrie de la défense.
[Traduction]
M. Peter Smith: Exactement.
[Français]
M. René Laurin: À la page suivante, lorsque vous dites que l'industrie devra assumer des coûts additionnels pour maintenir en place des bureaux de projets prêts à saisir l'occasion, vous parlez de la même chose. Comme il n'y a pas eu de commandes pour ces industries, est-ce que le personnel est utilisé à autre chose ou si on le paie à ne rien faire actuellement?
[Traduction]
M. Peter Smith: Il faut comprendre que dans de nombreux cas on n'a pas la capacité dans notre pays de construire entièrement l'hélicoptère. La plupart de ces entreprises sont étrangères et doivent rester présentes au Canada. Elles procèdent donc à des consultations avec le ministère de la Défense nationale au sujet des besoins connus aujourd'hui et elles font les ajustements nécessaires pour pouvoir réagir le plus rapidement possible le moment venu. Elles font du travail technique, elles traitent avec le ministère de la Défense nationale, mais elles ne sont pas payées pour ce travail car le ministère de la Défense nationale n'a pas manifesté d'intérêt et n'a pas non plus lancé de demande de propositions.
[Français]
M. René Laurin: Merci. Maintenant, je voudrais m'adresser à M. Fischer. Il nous a donné des statistiques très intéressantes bien que je n'aie pas eu le temps de les étudier à fond. Si on pouvait faire certains recoupements statistiques, on en tirerait des conclusions intéressantes. Pourriez-vous me dire si votre association se préoccupe de répartir le plus équitablement possible le marché entre les différentes provinces du Canada?
M. Robert Fischer: Quelle est la préoccupation de notre association?
M. René Laurin: Oui.
M. Robert Fischer: Je pense que c'est une question qui devrait plutôt être posée au gouvernement. Nous, nous répondons aux demandes du gouvernement de répandre les bénéfices industriels à travers le Canada. C'est une politique du gouvernement que de vouloir répandre autant que possible les bénéfices économiques d'un achat important tel que celui de l'hélicoptère embarqué. Ce projet représente deux milliards de dollars, grosso modo; le gouvernement va certainement vouloir, dans la mesure du possible, répandre ces bénéfices-là à travers le Canada. L'industrie répond aux besoins du gouvernement.
Je vais vous donner un exemple. La société à laquelle j'appartiens, Computing Devices Canada, s'est vu octroyer un contrat d'environ 1,2 milliard de dollars, au début des années 1990, pour un système de communication tactique pour l'armée de terre. Une partie de ce contrat impliquait de mettre en place, dans l'ouest du Canada, une proportion de ces 1,2 milliard de dollars. On a donc créé une nouvelle compagnie à Calgary; on a pris cette décision non pas parce que la compagnie Computing Devices Canada voulait s'établir à Calgary, mais parce qu'elle devait effectuer une bonne partie de son contrat dans l'ouest du Canada. Nous répondions aux exigences du gouvernement, qui voulait qu'il y ait des bénéfices économiques dans cette région du pays. Il n'y a pas une préoccupation de la part de l'industrie.
M. René Laurin: Est-ce à dire que, pour vous, ce n'est pas une préoccupation si le gouvernement n'exprime pas clairement, dans l'octroi d'un contrat, son désir de voir répartir les bénéfices équitablement entre les provinces?
M. Robert Fischer: Il est fort possible que la compagnie serait quand même allée s'établir à Calgary, ou encore au Québec ou à Toronto si cela avait eu du sens du point de vue commercial. Les industries en général, quand elles ne sont pas guidées par les politiques du gouvernement, vont s'établir là où leur...
M. René Laurin: Où est leur propre intérêt.
M. Robert Fischer: Exactement.
M. René Laurin: Je n'ai pas eu le temps de faire le calcul du montant en dollars, mais on constate que sur un total de 1 372 entreprises, il y en a 651 en Ontario pour le marché domestique, qu'il y en a 123 sur 210 en Ontario pour le marché des États-Unis et 52 sur 102 en Ontario pour le reste du monde. Donc, on constate que, presque toujours, l'Ontario compte au moins la moitié des entreprises. Est-ce un hasard des choses ou s'il y a une intention exprimée? Est-ce que ce sont tout simplement les forces du marché qui font en sorte que l'Ontario en bénéficie davantage? Comment expliquez-vous que l'Ontario soit en général plus favorisée que les autres provinces?
M. Robert Fischer: Je pense que c'est une réflexion. Vous vous adressez au marché de la défense tel qu'on le définit ici, mais si vous regardiez l'industrie en général, autre que la défense, vous constateriez la même chose, à savoir qu'il y a une proportion majeure des industries canadiennes qui sont forcément dans la région de Toronto, dans la province de l'Ontario. Je pense que les proportions sont plus ou moins les mêmes. Peut-être que mon collègue pourrait vous répondre du point de vue des industries aérospatiales.
M. René Laurin: Ce que je veux savoir, en fait, c'est si les fournisseurs de produits sont tous des fournisseurs de produits uniques. Est-ce qu'il y a plus de fournisseurs en Ontario? Est-ce que les produits que vous achetez sont fabriqués en Ontario et non dans les autres provinces? Est-ce une des causes principales de cette situation?
[Traduction]
Le président: Ce sera la dernière question de M. Laurin. Je sais que M. Smith veut aussi intervenir.
M. Peter Smith: J'aimerais faire une remarque sur la diversification de l'industrie aérospatiale. Près de 49 p. 100 des employés du secteur de l'aérospatiale dont j'ai parlé se trouvent dans la province de Québec, 37 p. 100 en Ontario, 9 p. 100 dans les Prairies et 2 p. 100 en Colombie-Britannique. Pour les ventes, 46 p. 100 viennent du Québec, 41 p. 100 de l'Ontario et la répartition entre l'Est et l'Ouest est semblable à celle de l'emploi.
Pour répondre à votre question concernant les fournisseurs, pour l'instant, cela ne dépend pas tellement de l'emplacement du fournisseur, mais plutôt du prix, de la qualité, de la capacité du fournisseur de faire face à une demande extraordinaire actuellement à cause du succès de l'industrie aérospatiale. Nous cherchons donc des fournisseurs partout, au Canada, au Québec ou aux États-Unis, pour être sûrs que nos produits vont être livrés aux clients à temps.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Laurin.
[Traduction]
Je vais passer au côté de la table où se trouve la majorité du gouvernement. Monsieur Peric.
M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Fischer, page trois, paragraphe deux, vous dites: «Les Forces canadiennes deviennent en outre rapidement incompatibles avec celles de nos alliés de l'OTAN et avec la force multinationale de l'ONU.» Pourriez-vous préciser?
M. Robert Fischer: C'est une déclaration que j'ai faite au sujet de l'absence de capacité grandissante de nos Forces dans le cadre de l'ONU. Il y a incompatibilité, par exemple, si vous regardez les choses du point de vue de l'équipement de l'armée canadienne, notamment des véhicules blindés. Il faut voir les choses en fonction de quelques domaines où il y a des produits particuliers. Mais pour ce qui est des véhicules blindés de l'armée canadienne par rapport à ceux de la majorité des autres membres de l'ONU, notre équipement est vieux et n'est pas aussi mobile. Il laisse aussi à désirer sur le plan de la protection.
Si vous prenez, par exemple, le char d'assaut Leopard que l'armée canadienne utilise, nous en avons une flotte d'environ 125. Ce sont des véhicules qui ont été acquis vers le milieu des années 70 et, comparés à l'équipement équivalent des autres nations, ils laissent certainement à désirer sur le plan de la mobilité et de la protection.
• 1005
Du point de vue des communications, comme je l'ai dit dans ma
réponse à une question de M. Laurin concernant les retombées
industrielles pour l'entreprise pour laquelle je travaille, nous
sommes actuellement en train de livrer à l'armée canadienne un
nouveau système de liaison audiotélématique pour le combat. Lorsque
ce système aura été livré, l'armée canadienne sera équipée d'un
système de communication entièrement compatible avec celui de ses
alliés de l'OTAN.
Pour l'instant, l'armée laisse à désirer sur le plan de la sécurité. Elle accuse un retard par rapport à certaines technologies que les autres pays ont. Je ne veux pas devenir trop technique, mais il y a quelque chose que l'on appelle l'évasion de fréquence; c'est en fait une technique qui protège la communication. Les systèmes que nos soldats utilisent actuellement en Bosnie et ailleurs n'ont pas cette capacité pour la plupart.
Ainsi, lorsque je parle d'incompatibilité, ce n'est pas que l'on ne puisse pas parler à nos alliés, mais lorsqu'il s'agit de communiquer avec la hiérarchie très complexe du quartier général, où la sécurité est une question de plus en plus importante, le Canada aurait des problèmes à l'heure actuelle.
Je ne suis pas expert en la matière, mais il me semble que si les huit F-18 qui sont déployés à Aviano dans les opérations en cours ont pour la plupart été équipés de munitions intelligentes, de bombes intelligentes, il y a d'autres aspects des F-18 qui ont certainement besoin d'être modernisés. Cela ne les rend pas nécessairement incompatibles, pour ce qui est de mener des opérations avec les alliés, mais cela les met certainement en position désavantageuse.
Je sais que le ministère a un plan permanent de modernisation des F-18 à l'heure actuelle. La première tranche, pour vous donner un exemple de ce qui inquiète le ministère, consiste à remplacer l'ordinateur de mission des avions F-18. Si le F-18 est un avion à très haute performance, son ordinateur de mission peut se comparer au Commodore 64, par rapport aux ordinateurs que vous avez dans vos bureaux. C'est de ce genre d'incompatibilité que je voulais parler dans mes remarques.
M. Janko Peric: À votre connaissance, les autres membres de l'OTAN et de l'ONU progressent-ils beaucoup plus rapidement que le Canada?
M. Robert Fischer: Voulez-vous parler de progresser dans le sens de moderniser l'équipement?
M. Janko Peric: Oui.
M. Robert Fischer: Je dirais oui en général. Cela dépend avec qui vous voulez nous comparer.
M. Janko Peric: Je veux parler des membres de l'OTAN, surtout les nouveaux membres.
M. Robert Fischer: Si vous faites allusion à la Hongrie, à la Pologne et la République tchèque, je pense que ces pays souffrent d'incompatibilité au sens le plus fondamental. S'il y a quelque chose à faire pour les intégrer à l'OTAN et garantir leur compatibilité, les domaines des communications, du commandement et du contrôle sont certainement les secteurs à rectifier en priorité. Maintenant qu'ils sont membres à part entière, pour pouvoir fonctionner de concert avec le reste des pays de l'OTAN, il est essentiel qu'ils puissent communiquer et fonctionner au sein d'un même système de commandement et de contrôle, ce qui leur fait tristement défaut en ce moment.
M. Janko Peric: Voyez-vous des possibilités pour les industries canadiennes dans ces pays?
M. Robert Fischer: Il y a des possibilités pour les entreprises canadiennes dans ces pays. Nous avons discuté avec ces trois pays au niveau de l'association de l'industrie et au niveau des entreprises individuellement. J'ai personnellement l'impression que les occasions se situent dans les domaines que je vous ai cités, c'est-à-dire celui des communications, du commandement et du contrôle, et moins dans celui des plates-formes ou des véhicules. Ils ont une certaine capacité dans ces derniers domaines.
Il y a aussi une certaine inquiétude de la part de l'industrie. Elle croit en effet que si nous nous dépêchons de faire affaire avec certains de ces pays, nous constaterons qu'ils seront devenus nos concurrents dans quelques années parce qu'ils sont très avides d'avoir certaines technologies occidentales qui font actuellement défaut dans le char d'assaut T-72 par exemple. Il n'est pas impossible que, dans quatre ou cinq ans, notre technologie soit commercialisée par eux et que nous soyons en concurrence.
Le président: Je crois que M. Smith veut faire une remarque à ce sujet. M. O'Reilly aimerait aussi poser une question.
Monsieur Smith.
M. Peter Smith: Pour répondre en partie à votre question sur l'aspect aérospatial, je dois vous signaler qu'en 1990, le budget de R-D pour la défense était de 250 millions de dollars et qu'en 1998, il dépassait à peine 150 millions de dollars.
L'essentiel du budget de R-D est consacré aux choses que vient de mentionner M. Fischer, c'est-à-dire à la capacité de communications et autres choses du même genre. À titre de comparaison, je viens de noter dans Defence News et Aviation Week que les Allemands vont dépenser cette année 675 millions de dollars en R-D dans l'aérospatiale uniquement, les Français 3,1 milliards de dollars et j'ai indiqué dans mes remarques que les États-Unis allaient dépenser 37 milliards de dollars.
Voilà le genre de choses avec lesquelles l'aviation canadienne et les autres armées luttent; je veux parler de la sophistication de l'équipement qui est en train d'être mis au point dans d'autres pays. C'est l'une des choses qui fait que l'on est bien moins capable de répondre parce qu'il y a les exigences de R-D, et en plus les exigences d'investissement dans l'équipement pour répondre à ces besoins.
M. Janko Peric: J'aimerais faire une dernière remarque, monsieur le président.
Le président: M. O'Reilly souhaite intervenir. Très bien, allez-y.
M. Janko Peric: Je pense que vous admettrez que dans certains secteurs, surtout dans celui de l'aérospatiale, nous sommes des chefs de file, quels que soient ou quels que seront les budgets des autres pays. Par exemple, vous êtes parfaitement au courant des produits COM DEV. Ils sont à l'avant-garde mondiale, non?
M. Peter Smith: L'industrie aérospatiale canadienne est la quatrième du monde par son importance, et c'est à cette place que nous espérons arriver. Mais il faut comprendre que seulement 20 p. 100 de cette industrie aérospatiale canadienne est consacrée à l'heure actuelle au travail et aux services liés à la défense. Avec certaines des choses dont nous parlons donc, il y a un certain hiatus dans la mesure où nous réussissons très bien dans les créneaux des 100 places et moins pour les avions commerciaux. Nous remportons de gros succès dans certaines de nos industries de défense, mais comme on vous l'a indiqué, notre base de défense devient très diversifiée du fait de l'application de la double technologie.
Le président: Merci, monsieur Peric.
Monsieur O'Reilly, vous avez une minute à peu près si vous le voulez.
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, messieurs.
Voilà qui vient à propos puisque nous étudions les acquisitions. Dans certaines de vos remarques, monsieur Smith, à la page 2 sur la diversification des modes de prestation de services, vous recommandez la constitution d'une équipe indépendante de cadres supérieurs de l'industrie qui relèverait du MDN. Vous indiquez aussi que le MDN devrait insister pour adopter de saines pratiques commerciales dans les soumissions internes.
J'en déduis que vous estimez—puisque vous le recommandez si fortement—qu'on ne fait pas ce travail actuellement et qu'on n'est pas capable d'appliquer des pratiques commerciales saines. Pouvez-vous élaborer et nous donner également votre avis sur la vente du Canadarm. Était-ce à cause de la technologie supérieure aux États-Unis, ou est-ce qu'il y a autre chose que vous pouvez dire au comité sur le sujet?
M. Peter Smith: En ce qui concerne la recommandation d'avoir un comité de cadres supérieurs de l'industrie qui rende des comptes aux plus hauts échelons du ministère de la Défense nationale, qu'il s'agisse du ministre, du chef d'état-major, du sous-ministre ou de plusieurs d'entre eux, cela reste à déterminer. Nous avons quelques inquiétudes car nous avons des raisons de croire qu'il y a sans doute 10 ou 12 projets importants qui pourraient donner lieu à des efficacités extraordinaires au sein du ministère à l'heure actuelle et à des économies qui pourraient être redistribuées.
Le fait de rechigner est une réaction humaine normale pour ce qui est de savoir ce qui est essentiel, ce qui ne l'est pas et ce qui pourrait constituer une menace pour la carrière de chacun, qu'il s'agisse de militaires ou de civils. Nous disons simplement que nous pensons que le ministre ou le sous-ministre devrait avoir l'opinion de l'industrie pour pouvoir instaurer la confiance. Ainsi, si l'industrie est informée, elle verra qu'il n'est peut-être pas indiqué de faire un travail donné ou de gérer la base d'une autre façon. Le ministère aura peut-être alors les réactions de gens qui ont l'expérience et la capacité de traiter de ce genre de choses.
Le président: Merci, monsieur O'Reilly.
Et pour la question sur le Canadarm?
M. Peter Smith: C'est le marché qui a fait que MacDonald Dettwiler a acheté cette partie de Spar Aerospace qui avait mis au point le Canadarm. MacDonald Dettwiler l'a maintenant intégré dans son savoir-faire et a remporté commercialement le programme RADARSAT II. Nous avons une capacité aérospatiale beaucoup plus solide et intégrée qui est maintenant située sur la côte ouest du Canada.
Le président: Merci.
Avant que nous poursuivions notre interrogatoire, chers collègues, comme je l'ai annoncé plus tôt, on vous distribue maintenant la réaction au rapport sur la qualité de la vie. Il s'agit de la réponse du gouvernement au rapport du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants sur la qualité de la vie que j'ai eu l'honneur, en votre nom, de déposer en octobre dernier à la Chambre. Il vient d'être déposé à la Chambre par M. Bertrand, le secrétaire parlementaire, et vous l'avez entre vos mains. Il est public. Il y aura une conférence de presse à laquelle tous les membres du comité sont invités. Si vous souhaitez y participer, le ministre prendra la parole sur le sujet à 11 h 30 au quartier général du MDN.
Il s'agit de la réponse du gouvernement à ce qui me semble avoir été un excellent rapport de la part du comité. Et nous espérons arriver à quelque chose du même calibre sur les acquisitions et l'information que nous recevrons aujourd'hui nous sera très utile pour cela.
Peut-être devrions-nous reprendre les questions. Je vais donner la parole pendant 10 minutes à M. Earle du NPD.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Cairns. Vous avez parlé de la capacité de construction navale et vous avez dit qu'elle était de 40 p. 100 inférieure à ce qu'elle était en 1986, alors que nous avons modernisé les chantiers navals et que nous avons une main-d'oeuvre et des conventions collectives souples, etc. On donne notamment comme raison de cette diminution de capacité l'absence d'une politique nationale de construction navale.
Chaque fois que je pose des questions sur le sujet, on me répond qu'on a une politique nationale de construction navale. Mais je ne l'ai pas encore vue. Je l'ai posée aux témoins lors d'une séance précédente. Pouvez-vous me dire si vous avez vu dans votre industrie quelque chose qui ressemble à une politique nationale de construction navale?
M. Peter Cairns: Le gouvernement adopte bien des politiques qui portent sur la question de la construction navale. C'est difficile à trouver dans un seul document. Dès le début des années 90, c'est-à-dire avant que je ne prenne ce travail, le ministère des Transports, Industrie Canada et divers autres ministères ont parlé de questions qui concernaient l'industrie maritime, la navigation et la construction navale en particulier.
Depuis lors, en tant qu'association, nous avons cherché des moyens d'aider notre industrie sur le plan commercial, pas nécessairement en traitant avec le MDN mais sur le plan commercial, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Nous avons rédigé un petit document il y a à peu près 18 mois dans lequel nous faisons quatre recommandations à l'intention du gouvernement. Ces recommandations sont toujours valables.
Nous continuons à discuter avec le gouvernement et je pense que le dialogue progresse de façon très positive. Nous avons eu un dialogue très intéressant avec la Société pour l'expansion des exportations, par exemple, et nous voyons la lumière au bout du tunnel. Cela pourrait en fait être très profitable à notre industrie puisque cela va nous aider à exporter des navires et à faire face à la concurrence sur le marché international.
Nous savons bien qu'il n'est pas question que l'on donne de l'argent sous forme de subventions directes à l'industrie, comme c'est le cas dans de nombreux autres pays. La question est donc de savoir comment nous pouvons faire face à des concurrents qui ont un avantage immédiat pour les prix de 9 p. 100, 10 p. 100, 15 p. 100 ou 20 p. 100 au départ? La seule façon d'y remédier c'est d'essayer d'être plus concurrentiels et plus productifs. La réduction de 40 p. 100 de la capacité est une bonne chose. Nous avons maintenant une industrie qui a la taille voulue pour notre pays. Je crois que la plupart des gens en conviennent.
Il y a beaucoup d'idées fausses qui circulent. Nous avons une échelle salariale qui est en fait très basse maintenant. Nous sommes concurrentiels avec les Européens, les Coréens et avec de nombreux pays pour ce qui est des salaires. On pense en général que l'échelle salariale canadienne est beaucoup trop élevée et nous empêche d'être concurrentiels. Ce n'est pas vrai. Nous avons fait beaucoup en ce qui concerne les procédés d'ingénierie, la modernisation, l'automation, les technologies de conception et de fabrication assistées par ordinateur, etc.
Nous pensons que l'on a le sentiment général dans notre pays... Tout le monde ne vit pas sur la côte et tout le monde ne connaît pas les questions maritimes. Le public ne vit pas sur la voie maritime, il ne voit pas les navires, mais il a tout à fait l'habitude de prendre l'avion. Les Canadiens connaissent les avions; ils ne connaissent pas nécessairement les navires. Lorsque vous rentrez dans votre circonscription, vous prenez l'avion. Vous ne prenez pas le bateau; vous ne prenez pas le train. La plupart des Canadiens connaissent essentiellement les avions parce qu'ils les prennent couramment. Ils les considèrent comme des choses utiles. Ils ne connaissent pas les bateaux de la même façon. Quand ils pensent aux bateaux, ils voient l'Exxon Valdez, mais ce sont en fait les navires qui polluent le moins.
M. Gordon Earle: Merci beaucoup. Vous avez répondu à ma question.
Je vais maintenant parler de la prestation de rechange des services parce que deux de nos témoins en ont parlé de façon très positive, en disant que c'était une bonne chose. Nous entendons assez souvent dire le contraire, que ce n'est pas si utile et que cela retire des emplois à l'armée.
Monsieur Smith, vous estimez que le MDN devrait insister sur des pratiques commerciales saines pour ses soumissions internes. Pouvez-vous préciser?
M. Peter Smith: Lorsqu'on demande à l'industrie de faire une proposition, il est clair qu'elle doit tenir compte de tous les coûts et elle est liée par contrat à fournir les services correspondant aux montants payés. Ces coûts comprennent les frais généraux, les salaires et avantages sociaux de l'ensemble de la main-d'oeuvre qui va fournir le service.
Nous estimons que les soumissions internes du gouvernement sont légèrement avantageuses par rapport aux soumissions du secteur privé pour la simple raison que, si je peux citer cet exemple, les avantages sociaux du gouvernement ne sont pas payés par les ministères eux-mêmes; ils sont payés par le Conseil du Trésor à partir du trésor public. Vous pouvez donc faire des soumissions sans les coûts liés aux avantages; c'est une chose.
Il y a tout un ensemble d'autres exemples que je pourrais vous citer ici. Avec le gouvernement actuel, les décisions liées aux questions essentielles de dépenses exigent, selon leur importance, l'approbation du sous-ministre adjoint, d'un sous-ministre et même peut-être du conseil des ministres.
Dans l'industrie tous les coûts sont intégrés mais pour une soumission du ministère de la Défense nationale, dans ce cas particulier de prestation de rechange de services, ces frais généraux, ces salaires ou les parties de salaires que représente le travail du sous-ministre ou du sous-ministre adjoint ne sont pas pris en compte pour ce dont nous parlons, c'est-à-dire les pratiques commerciales.
M. Gordon Earle: Monsieur Fischer, voulez-vous aussi donner votre opinion sur le sujet? Vous avez dit que c'était une manière moins coûteuse et plus efficace de gérer les ressources de défense. Pourriez-vous indiquer plus précisément pourquoi vous pensez que c'est le cas?
M. Robert Fischer: Mes remarques à ce sujet s'attachaient particulièrement au fait que les Forces canadiennes, l'armée... comme vous le savez fort bien, l'effectif total a été réduit à environ 60 000 personnes. Plus on réduit l'effectif, moins l'armée a le luxe de mal employer les militaires formés. Ce à quoi je faisais allusion, c'est que la prestation de rechange des services pourrait en effet avoir des répercussions sur les fonctionnaires du ministère, mais aussi sur le personnel en uniforme.
À notre époque je ne pense pas qu'il soit indiqué d'employer des soldats, des aviateurs, des marins pour assumer des fonctions qui peuvent très bien l'être soit par le secteur commercial soit par les fonctionnaires. Ce serait l'une des répercussions de cette prestation de rechange des services. On enlèverait ainsi en grande partie aux militaires les fonctions d'entreposage, d'approvisionnement, d'entretien, par exemple et on leur demanderait de s'occuper de ce qu'on appelle l'avant-garde.
M. Gordon Earle: Merci.
On a mentionné les achats de produits commerciaux immédiatement disponibles. Vous pensez que c'est une bonne façon de procéder. Pouvez-vous préciser? Je sais que je devrais en savoir plus sur le sujet. Lorsque vous parlez d'«achat de produits commerciaux disponibles», qu'entendez-vous exactement par là?
M. Peter Smith: Si la question s'adresse à moi, je commencerai.
On fait ici la différence avec les spécifications militaires. Nous voulons dire qu'il y a des produits disponibles. Un bon exemple que vous connaissez peut-être serait l'hélicoptère Griffon. Le ministère de la Défense nationale a acheté un produit commercial en le modifiant très peu. Il s'agit d'un hélicoptère construit par Bell Textron.
• 1025
Ce qui fait la différence, c'est lorsqu'on a affaire à un
projet de développement, les coûts non récurrents de développement
du projet figurent dans ce prix. En conséquence, par définition,
cela va coûter plus cher de développer un produit que de l'acheter
tout prêt, parce qu'il a déjà été développé et que l'amortissement
et les autres coûts de développement ont été répartis sur d'autres
acquisitions ou d'autres achats. Voilà pourquoi nous disons qu'il
y a peut-être moyen de trouver l'essentiel de l'équipement utilisé
actuellement par l'armée parmi les produits commerciaux
disponibles.
M. Gordon Earle: À la page 4 de votre mémoire, monsieur Smith, vous parlez des sentiments protectionnistes américains qui ont augmenté et de l'effet que cela a sur la politique commerciale étrangère du Canada. Pouvez-vous préciser cela, s'il vous plaît?
M. Peter Smith: Je veux dire que nous avons une situation privilégiée avec les États-Unis sur le plan commercial et que cela a été le cas pendant de nombreuses années dans le domaine militaire, ou en matière de défense, comme je l'ai dit, à la suite des accords sur le partage de la production de défense et de développement industriel pour la défense.
Il se trouve en fait que les marchés ont changé de façon spectaculaire et aux États-Unis, à l'heure actuelle, il y a un sentiment croissant de protectionnisme, un sentiment du «fabriqué en Amérique». L'exemple le plus récent que nous utilisons concerne la modification du règlement qui exigerait d'une entreprise canadienne qui veut faire concurrence à une entreprise américaine, qu'elle obtienne des données techniques que les Américains peuvent obtenir facilement mais qui, pour elle, exigerait du temps parce qu'il lui faudrait attendre qu'on lui accorde un permis d'exportation. Elle est donc immédiatement désavantagée à cause des délais et son concurrent est avantagé pour ce qui est du temps.
On s'occupe de ces problèmes, mais ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de problèmes que rencontre l'industrie et les membres de l'AIDC. On a de plus en plus le sentiment que les membres du Congrès essaient, en partie pour des raisons de sécurité nationale mais aussi pour accorder un avantage commercial, de conserver les emplois dans leur collectivité respective et d'éviter qu'ils n'aillent à l'étranger, c'est-à-dire au Canada.
C'est une question très importante pour nous. Nous sommes les meilleurs partenaires commerciaux, mais nous avons ces petits problèmes qui se posent de temps à autre. Et c'est notre travail, à l'association, de faire en sorte d'aplanir les difficultés et de porter ces problèmes à l'attention du gouvernement pour que des négociations fructueuses aient lieu.
M. Gordon Earle: Vous avez dit que la capacité de l'armée diminue parce que l'on continue à utiliser un équipement vieillot. Lorsqu'on regarde le projet d'hélicoptère maritime et les Sea King, on sait qu'ils ont plus de 35 ans. Est-ce qu'il n'y a pas là aussi une question de sécurité?
M. Peter Smith: Je ne peux pas parler de la sécurité, mais je peux vous parler de la question opérationnelle puisque la plupart de nos membres travaillent très activement pour que l'on continue à utiliser l'hélicoptère Sea King, qu'il s'agisse d'IMP, de Spar ou de plusieurs autres entreprises. Le problème est dans ce cas le temps mort nécessaire pour l'entretien de la capacité opérationnelle de cet aéronef en particulier. Plus il vieillit, comme une automobile, plus il a besoin d'entretien. Il coûte donc de plus en plus cher de le conserver et le temps mort pour assurer les réparations et les révisions augmente également.
Il est hors de question que l'armée emploie un hélicoptère qui ne soit pas sûr ou fasse prendre des risques à ses employés. Tant sur le plan militaire que civil, il n'y a pas d'industrie plus réglementée que l'industrie de l'aérospatiale. L'armée se vante de garantir à ses hommes et à ses femmes la sécurité qu'offre ce contrôle réglementaire et c'est une attitude qui force le respect.
Tout ce que je dis, c'est que le temps mort coûte davantage à l'armée que si elle avait un équipement nouveau qui pourrait être prêt à l'utilisation sans exiger les réparations et les révisions qui sont nécessaires actuellement.
Le président: Merci, monsieur Earle.
Pour le Parti progressiste-conservateur, nous avons M. Price.
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, messieurs, d'être venus aujourd'hui. C'est une discussion très intéressante. J'aimerais que l'on ait plus de temps.
Je n'allais pas commencer par les hélicoptères, mais étant donné que nous sommes en train d'en parler, autant continuer. M. Smith et M. Fischer les ont tous deux mentionnés.
• 1030
Nous avons dit qu'il y avait longtemps que l'on ne s'était pas
occupé du processus d'acquisition. Actuellement, cette année, cela
va faire 20 ans que nous avons commencé à envisager d'acheter
quelque chose qui devait être un produit commercial. Il fallait le
mettre au point pour pouvoir en faire un produit commercial qu'on
allait pouvoir vendre à d'autres pays. Les choses ont bien sûr pas
mal changé. L'année dernière, on nous a dit qu'il y avait 21 civils
et six membres des Forces canadiennes qui travaillaient, non pas
exactement à l'énoncé des besoins, j'imagine, mais à ce qui le
précède.
Ils s'occupent donc de cela—et M. Laurin a soulevé un point intéressant—mais en même temps, pendant toutes ces années, plusieurs entreprises désireuses de soumissionner pour ce projet ont aussi eu des équipes qui s'en sont occupées. Elles ont consacré beaucoup de temps et d'argent à tout cela, à simplement attendre.
Vous avez indiqué que nous devrions être prêts à démarrer avec un très court préavis une fois l'énoncé des besoins connu concernant cet hélicoptère et je suis tout à fait d'accord avec vous. À la façon dont la technologie évolue à l'heure actuelle, elle change si rapidement que si on devait avoir un énoncé des besoins aujourd'hui, il faudrait se demander s'il existe ou non un tel hélicoptère sur le marché à l'heure actuelle. Si oui, combien de temps faudrait-il attendre pour obtenir cet hélicoptère? J'imagine qu'en cours de route, étant donné que la technologie change si vite, il devrait y avoir quelques changements à faire.
On a toujours prévu que ces hélicoptères seraient modulaires. Pour ce qui est des systèmes d'armement et le reste, on a toujours pensé qu'ils devaient être souples, que l'on devait pouvoir passer avec l'hélicoptère d'un système d'armement à une opération de recherche et de sauvetage, à un système de détection sous-marine, etc.
M. Peter Smith: Je peux commercer et M. Fischer voudra peut-être ajouter quelque chose.
Tout d'abord, pour défendre le ministère de la Défense nationale, comme je l'ai déjà indiqué, je crois que la question du délai a été exagérée pour ce qui est de savoir s'il y a ou non un budget d'immobilisations suffisant pour acheter l'hélicoptère prévu et mentionné dans le livre blanc de 1994. Nous avons bien sûr félicité le comité de s'être occupé des questions de qualité de la vie, et nous avons été heureux que le gouvernement réponde en affectant des montants à la rectification de ces problèmes de qualité de vie. Cette question mise à part, nous estimons qu'il y a maintenant suffisamment d'argent pour aller de l'avant. C'est pourquoi nous insistons là dessus.
Pour répondre à votre question sur le fait de savoir s'il y a ou non un hélicoptère disponible, la réponse est oui, il y en a un. Mais il faut aussi comprendre que ce dont nous parlons pour ce qui est de la capacité de livrer cet hélicoptère, si c'est un produit commercial, c'est de la compatibilité de cet hélicoptère et de l'équipement qu'il contient avec l'équipement qu'il y a à bord de la frégate. Ça, ça n'est pas nécessairement quelque chose qui figure dans un produit de série. Ce genre de matériel doit être en partie développé.
Il y a donc certainement des hélicoptères disponibles qui nous semblent tout à fait à même de répondre aux besoins opérationnels de la marine et du MDN en général. Mais le fait est que tant que l'on n'a pas une définition précise des besoins, on ne pourra pas dire avec sûreté que vous pourrez prendre livraison de 35 de ces appareils, les mettre demain sur les frégates et disposer d'un équipement opérationnel. Ce n'est pas réaliste.
M. David Price: Je vais préciser ce à quoi je voulais en venir. Avec ces gens qui travaillent à l'étape d'avant l'énoncé des besoins pour la Défense nationale, et avec ces autres groupes de l'industrie qui travaillent avec ces gens, qu'il s'agisse de lobbyisme ou de parler des diverses technologies, il est clair que les entreprises se développent déjà dans cette direction. Peut-on dire cela?
M. Peter Smith: À l'heure actuelle, à ma connaissance, il y a sans doute six entreprises qui pourraient dire qu'elles aimeraient satisfaire ces besoins du ministère de la Défense nationale. Certaines ont participé activement aux soumissions pour les hélicoptères de recherche et de sauvetage. Toutes ces entreprises s'occupent de livrer des hélicoptères dans le monde entier, elles sont donc peut-être prêtes aujourd'hui et attendent que le ministère de la Défense nationale exprime ses besoins quels qu'ils soient. Par ailleurs, ce qui me semble important, c'est que ces agents de projet de l'industrie savent ce qui a été vendu à l'Italie, à l'Allemagne, à la Grande-Bretagne ou à d'autres pays, et ils le disent au ministère de la Défense nationale, selon le mécanisme dont nous avons parlé. L'échange se fait donc dans les deux sens.
• 1035
Nous pensons en fait que suffisamment de temps s'est écoulé,
qu'il y a eu suffisamment d'argent accordé au ministère de la
Défense nationale et qu'il serait peut-être temps que la demande de
proposition soit lancée.
M. David Price: Pour passer à l'aspect acquisition de la question, nous parlons toujours de répartir l'industrie dans tout le pays. Si on achète un produit de série, quel genre de problème cela pose-t-il à cet égard?
M. Robert Fischer: Puis-je répondre?
Lorsqu'il est question du projet d'hélicoptère maritime, je crois qu'il est important de voir qu'il y a deux composantes importantes. Lorsqu'on parle d'hélicoptères de série, on ne parle que de ça, c'est-à-dire des plates-formes, des hélicoptères, et vous le savez aussi bien que moi. Tout cela va être construit à l'étranger. Il y aura peut-être une partie du travail qui sera fait au Canada, mais personne ne va vendre 35 hélicoptères, proposer un forfait et dire qu'on va les construire au Canada. Quelle que soit la plate-forme que le gouvernement décidera d'acheter, elle viendra de l'étranger. Il y a très peu de contenu canadien dans tout cela, et cela représente en gros la moitié du coût total du projet.
La partie qui est vraiment intéressante pour l'industrie de la défense canadienne telle qu'elle existe, et qui peut représenter un maximum d'avantages pour le Canada, c'est ce que l'on appelle les systèmes de mission. C'est ce qui va à l'arrière de l'hélicoptère. C'est ce qui exécute la mission. C'est ce qui fait la guerre anti-sous-marine. C'est ce qui fait que l'hélicoptère va jouer le rôle que vous voulez, bien que je ne sois pas expert en la matière. J'étais dans l'armée de terre, aussi mon collègue, l'amiral Cairns, pourra vous parler beaucoup mieux que moi des besoins opérationnels.
Mais il est important de savoir que la partie qui concerne les produits de série du projet d'hélicoptère maritime importent vraiment pour le choix de l'hélicoptère. C'est dans cette partie arrière de l'hélicoptère que se situe la participation de l'industrie canadienne. Oui, il y a eu beaucoup d'entreprises—celle pour laquelle je travaille notamment—où des gens ont passé du temps, à nos frais, à essayer de se tenir au courant de ce qui est disponible, de ce que le client veut. Lorsque enfin on entendra dire que le projet est lancé, qu'il y aura un concours, nous serons en mesure de répondre avec des solutions techniques adaptées aux circonstances.
Nous avons répondu à la question de M. Laurin sur la répartition de l'industrie dans le pays. C'est là que le gouvernement va obtenir toute la contribution canadienne. Lorsqu'on regarde les entreprises canadiennes qui peuvent faire une proposition pour la partie arrière de l'hélicoptère, on constate qu'elles sont littéralement réparties dans tout le pays. Et je crois que cela augure bien du projet.
M. Peter Smith: Si vous me permettez une remarque supplémentaire, mon collègue parle des avantages directs de la partie arrière. Si la cellule est achetée à l'étranger, comme il l'a dit, il y aura peut-être un peu de travail de montage à faire ici. Comme il a dit également, à juste titre d'ailleurs, ce sera très peu de choses. Encore une fois, nos politiques exigent que le vendeur en question offre des compensations directes ou indirectes pour que l'ensemble de la transaction aille dans le sens de l'intégration et du développement des systèmes. La cellule serait achetée à l'étranger, mais son prix peut être compensé d'une autre façon. Et c'est là qu'il y aurait des retombées dans tout le pays.
M. David Price: On a un peu parlé du temps mort de l'hélicoptère actuel qui, à partir de cette année, est totalement dépassé. Il aurait déjà dû être remplacé, mais nous essayons de prolonger sa vie utile de cinq nouvelles années. Je suis allé à Shearwater et j'ai vu les travaux de reconstruction; il s'agit vraiment d'une reconstruction totale. Je me demande ce que vous en pensez. Pensez-vous que ce projet aurait dû être imparti entièrement simplement pour la remise en état pour les cinq prochaines années? Je dis cinq ans parce que c'est de ce délai que l'on parle, mais étant donné la façon dont l'acquisition des hélicoptères se passe actuellement, il pourrait s'agir de plus longtemps que cela.
M. Peter Smith: Je ne comprends pas votre question concernant l'impartition.
M. David Price: À l'heure actuelle, les hélicoptères sont pratiquement reconstruits par les membres des Forces canadiennes.
Une voix: Non.
M. David Price: Ce n'est pas le cas?
M. Peter Smith: Non. Une grande partie du travail est fait par des entreprises comme IMP à Halifax. Spar Aerospace en est une autre.
M. David Price: Dans les hangars, les gens que nous avons vus travailler sur les hélicoptères étaient essentiellement des membres des Forces canadiennes. Dans ce cas, on impartit des bribes. Ce n'est pas un contrat général. Est-ce de cela que vous voulez parler?
M. Peter Smith: Encore une fois, c'est une question que M. Fischer et moi-même avons mentionnée. Vous verrez sans doute des gens en uniforme qui font du travail de réparation et de révision, qui pourraient aussi être pour l'essentiel effectuées dans le cadre de la prestation de rechange des services. C'est à la fois l'armée et le secteur privé qui travaillent sur le Sea King.
• 1040
La question est de décider ce qui est essentiel ou non, et
l'armée a choisi de protéger certaines parties du travail qui
devraient, à son avis, et pour des raisons légitimes, être
effectuées par du personnel en uniforme. Je ne crois pas que ce
soit une question de temps et de compétence, mais plutôt une
question de coût, et nous pensons que l'industrie peut le faire
pour beaucoup moins cher...
M. David Price: Je crois que c'est ce que nous a dit aussi le vérificateur général.
M. Peter Cairns: J'ajouterais qu'une partie importante du gros travail de révision et de remise en état des hélicoptères Sea King est faite par IMP Aerospace.
Tout dépend à quel cycle vous êtes dans le calendrier d'entretien, car à un certain cycle ce sont les Forces canadiennes qui le font, et on démolit beaucoup pour reconstruire l'aéronef. Mais la grosse révision et la grosse remise à neuf de cet aéronef sont faites essentiellement par IMP Aerospace.
Le président: Merci, monsieur Price.
Chers collègues, la cloche nous indique qu'il va nous falloir nous rendre à son appel dans une demi-heure, mais nous pouvons continuer jusqu'à l'heure prévue pour ces témoins.
M. David Price: Puis-je poser une question?
Le président: Oui, pourvu qu'elle soit très brève. Nous passerons ensuite à une deuxième série de questions.
M. David Price: Monsieur Cairns, combien d'énoncés des besoins avez-vous vus pour l'hélicoptère jusqu'ici?
M. Peter Cairns: Combien j'en ai vu? Oh la la! Il y en a eu un lorsqu'on a acheté l'EH-101 à l'époque où j'y étais. Je me suis occupé des opérations et non des programmes pendant l'essentiel de ma vie militaire, mais il y en a certainement eu un. Et on travaille à cet autre. Il y en a donc eu un de mon temps et il pourrait très bien y en avoir eu d'autres.
Je crois que la question véritable, c'est celle des produits de série. Permettez-moi de vous donner un exemple. Si vous allez acheter un ordinateur chez Microsoft, vous pouvez prendre le progiciel qui vient avec. Si vous dites que le logiciel Office 98 vous plaît vraiment, mais que vous voulez en modifier 14 parties, c'est difficile avec un produit de série.
C'est une attitude que le ministère de la Défense nationale devra adopter; à savoir que lorsqu'on a affaire à des produits de série, il faut être prêt à accepter ce qui vient avec l'hélicoptère tel qu'il est. Si vous décidez de lui apporter de nombreuses modifications et d'ajouter toutes sortes de pièces, cela devient un projet beaucoup plus onéreux. Je crois que c'est une attitude qu'il faut acquérir et s'habituer à avoir parce que tout le monde veut en avoir pour ses sous.
Le président: Merci.
Nous allons passer à la deuxième série de questions.
M. Hart a indiqué, et je suis d'accord, qu'il y avait d'excellentes questions écrites que nous aimerions vous poser, messieurs. Peut-être pourrions-nous vous les faire parvenir et vous demander de nous y répondre par écrit, si vous en avez l'occasion. Seriez-vous prêts à revenir, peut-être un à la fois, si nous avions besoin de vous, si nous vous demandions de revenir?
M. Peter Cairns: Oui.
M. Peter Smith: Oui.
M. Robert Fischer: Oui.
M. John Leech: Oui.
Le président: Excellent. Nous allons donc voir comment vont se dérouler ces délibérations.
Pour la deuxième série de questions, vous disposerez de cinq minutes. Monsieur Hart, nous allons commencer par vous.
M. Jim Hart: J'ai sans doute plus de questions que cela, mais j'essaierai d'étirer au maximum mes cinq minutes.
Général Fischer, l'une des choses intéressantes que vos avez dites dans votre exposé est que le ministère de la Défense, à Londres, a un programme qui lui permet légalement d'appeler des responsables de l'industrie lorsqu'il y a une crise. Je proposerais même, pour le Canada, que nous appelions aussi des députés en cas de crise de sorte que l'on n'ait pas de décision difficile à prendre lorsqu'il s'agit de...
Une voix: Nous sommes tous dans le même bateau.
M. Jim Hart: C'est certainement vrai dans mon métier.
[Note de la rédaction: Inaudible]
Le président: ...
M. Jim Hart: Peut-être devrions-nous nous déplacer dans le pays en Sea King.
Je voudrais aborder quelques questions que nous n'avons pas vraiment traitées: la révolution des affaires militaires et l'orientation que devrait prendre le Canada, à votre avis, vous qui êtes une industrie de défense. J'imagine que cela touche également le domaine des capacités essentielles.
J'aimerais aussi que vous me disiez exactement quel pourcentage du budget le gouvernement devrait envisager pour les dépenses et, pour en revenir à la question des acquisitions et des procédés dont nous nous occupons actuellement, quelles recommandations vous aimeriez voir en tant qu'industrie, pour simplifier le processus et diminuer les lourdeurs bureaucratiques.
J'en resterai là.
M. Robert Fischer: Puis-je répondre à la question facile?
M. Jim Hart: Certainement.
M. Robert Fischer: Sur votre dernier point, je ne vais pas importuner le comité avec des détails, mais il y a quelques années, l'AIDC a présenté au ministère de la Défense nationale quelques suggestions très précises sur la façon de simplifier pour l'industrie les processus commerciaux. Évidemment ces suggestions étaient vues sous l'angle de l'industrie, mais néanmoins... J'avoue que c'est tout un défi de savoir comment parvenir à cela, mais du point de vue de l'industrie, nous avons offert 36 recommandations précises. J'ai admis dans mes remarques que certaines ont été prises en compte dans le travail qui est fait actuellement au MDN. Pas plus tard qu'hier, le MDN a publié une deuxième version de ce qu'il appelle le guide de la réforme des acquisitions du MDN. Ce qui nous semble encourageant, c'est que nous y avons trouvé quelques-unes des suggestions que nous avions faites et qu'on les a même poussées plus loin.
Ce qui est moins encourageant, comme je l'ai dit plus tôt, pour quelqu'un qui appartient maintenant à l'industrie, c'est de voir les employés de Computing Devices Canada, par exemple, travailler avec le gouvernement et les problèmes que pose l'existence d'un bureau de projet ainsi que les frustrations que l'on ressent à avoir à traiter de tous les problèmes qu'il faut résoudre en vertu de ce guide de la réforme des acquisitions—le fait que la solution n'est pas trouvée sur le terrain, mais qu'on en parle au sommet de la hiérarchie.
Je comprends très bien la question car j'ai été chef des acquisitions du MDN. J'ai été parmi ceux qui ont lancé cette réforme en 1994. C'est frustrant et décevant, c'est le moins que je puisse dire, de devoir vous dire en 1998, au nom de l'industrie, que rien ne se passe sur le terrain.
Je citerai l'avant-dernière recommandation que nous avons faite et qui résume en quelque sorte ce qui devrait être fait, selon l'industrie. La 36e recommandation est de ne pas compliquer les réformes en utilisant un jargon, mais de simplement les mettre en oeuvre. Voilà en gros ce qu'il faut faire. Il y a là beaucoup de jargon, beaucoup de mots mais ceux qui font le travail ne mettent pas ces choses en pratique.
Je ne veux pas parler ici au nom de mes collègues, mais je suis sûr qu'ils seront d'accord avec moi pour dire qu'en tant qu'associations de l'industrie, nous voulons participer à la mise en oeuvre de ces réformes. Je serais très heureux de fournir au comité la liste que nous avons ici; je lis simplement ce qui est tout à fait au sommet: utiliser des spécifications de performance opérationnelle. Autrement dit, on demande au gouvernement de ne pas nous dire comment construire le système, mais de nous dire ce qu'il veut obtenir du système. C'est beaucoup plus facile de travailler de cette façon.
Le président: Ce document nous serait très utile, en effet. Merci.
M. Robert Fischer: Voilà ma réponse à votre dernière question. Peut-être pourriez-vous me rafraîchir la mémoire pour le reste.
Le président: Son temps est pratiquement écoulé. J'essaie de permettre aux témoins de participer et c'est un problème, mais...
Pouvez-vous être bref, monsieur Smith?
M. Peter Smith: Je crois qu'il n'y a qu'une question à laquelle on n'a pas répondu, et c'est celle qui concernait le montant souhaitable pour le budget des immobilisations.
Lorsqu'on regarde certaines des choses qu'on a mentionnées et qui datent des années 70, 80 et 90, et qu'il faut maintenant remplacer les pièces d'équipement, à l'époque—et vous pourrez me corriger si je me trompe, Bob—le budget des immobilisations était de l'ordre de 30 p. 100 et il s'agit maintenant de 17 ou 14 p. 100, c'est selon. Il y a donc là un problème grave dans la mesure où l'âge de l'équipement qui a été mentionné, qu'il s'agisse des véhicules blindés légers, des aéronefs ou des navires... Les navires peuvent être arrivés à l'étape de la modernisation lorsqu'ils deviennent totalement opérationnels pour ce qui est d'avoir les hélicoptères embarqués voulus, qui devaient à l'origine faire partie de la capacité globale.
Le président: Je vais juste faire une remarque en tant que président et je passerai ensuite la parole à mon collègue.
J'ai eu l'occasion de naviguer sur le Charlottetown en mai dernier. C'est un très beau bâtiment. Je suis donc d'accord avec votre suggestion de ne pas le laisser pendant 20 ans pour ensuite faire face au problème à nouveau.
De toute façon, ce n'est pas mon tour; c'est le tour de M. Clouthier.
M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Ce pourrait être votre tour. Vous êtes le président.
Le président: Je suis un président démocratique.
M. Hec Clouthier: Tout d'abord, loin de moi l'idée d'éreinter une personne qui fréquente le même barbier que moi, mais monsieur Smith, lorsque vous répondiez à la question de M. Laurin sur la répartition de l'argent, qu'il s'agisse du Québec ou de l'Ontario, et il semblait indiquer que l'Ontario obtenait un peu plus d'argent que le Québec, vous avez montré clairement la différence pour les dépenses. En fait, je crois que vous avez dit que davantage allait au Québec, mais vous avez ajouté à la fin de votre petit dialogue: «Mais peu importe, que ce soit au Canada ou au Québec.»
[Français]
M. Laurin sait très bien que le Québec est une province du Canada.
Des voix: Ah, ah!
[Traduction]
M. Hec Clouthier: Je voulais que cela figure au procès-verbal. Je sais que c'était un lapsus.
[Français]
C'est très clair. Oui, monsieur.
J'ai aussi trouvé intéressant, monsieur Smith—et ce n'est pas que je veuille vous faire votre fête aujourd'hui, monsieur Smith, car ma mère était également une Smith—que vous ayez parlé de la prestation de rechange des services. Je sais que vous qui êtes de l'industrie, vous aimeriez que le ministère de la Défense nationale soit dirigé de façon plus efficace, qu'il économise davantage d'argent pour que l'on puisse en consacrer plus aux articles que nous achetons à vos diverses entreprises. Je ne dis pas le contraire. Mais en ce qui concerne ma base des Forces canadiennes de Petawawa et la prestation de rechange de services, j'ai fortement encouragé le commandant de la base et le MDN à travailler en collaboration avec les employés civils que nous avons actuellement là-bas. Il leur arrive de ne pas agir pour le bien de leur cause car ils viennent faire les piquets de grève dans mon bureau et font parfois des déclarations erronées. Je veux parler notamment d'un aspect de la prestation de rechange des services qui concerne ma base de Petawawa, et cela s'est passé il y a cinq ou six ans, qui a fait que par la suite, cela a en réalité coûté davantage d'argent à la base.
Peter, pourriez-vous me donner un chiffre global pour les montants que l'on pourrait économiser avec cette prestation de rechange des services étant donné que nous parlons tous ici d'économiser de l'argent?
M. Peter Smith: Merci, monsieur Clouthier.
Tout d'abord, je devrais dire que nous allons tous les deux chez le même barbier parce que je viens d'Arnprior.
M. Hec Clouthier: Nous pourrions être parents. Mais vous avez bien plus belle allure que moi.
M. Peter Smith: Deuxièmement, ce fut certainement une erreur de ma part si j'ai mentionné le Québec ou le Canada. Tel n'était pas mon intention. Mais sincèrement, c'est une question que nous devons envisager, qu'il s'agisse de l'Ontario, du Québec ou de toute autre région du Canada. Mais il faut aussi prendre en compte en permanence la disponibilité des fournisseurs, l'empressement avec lequel ils veulent approvisionner l'industrie canadienne, qui se porte si bien; il faut aussi prendre en compte l'argent disponible, les technologies disponibles, etc.
Pour votre dernière question concernant la prestation de rechange des services, ce qui nous inquiète, monsieur Clouthier—et je suis sûr que c'est quelque chose que vous avez entendu de la part des nombreux témoins qui ont comparu devant le comité—c'est qu'il faudrait vraiment féliciter le gouvernement pour avoir réglé les problèmes financiers dont il a hérité lorsqu'il est arrivé au pouvoir, notamment le fait d'avoir réglé le problème de la dette de 42 milliards de dollars, etc. Cela a pu se faire essentiellement grâce à l'examen des programmes. Ce qui nous inquiète, c'est qu'on semble avoir pour attitude de dire que la question a été résolue, qu'on n'a pas à faire de progrès. C'est là ce qui nous inquiète.
On vient de sabrer dans le budget du ministère de la Défense nationale, et parce que nous abordons la question devant le gouvernement dans sa totalité, nous estimons qu'il n'y a pas d'incitatif interne à faire plus. Nous pensons qu'après consultation avec l'industrie, on pourrait trouver des moyens d'arriver à des solutions utiles et plus rentables pour faire le travail. Nous sommes bien conscients que l'industrie n'est pas parfaite. Il y a eu quelques petites catastrophes pour ce qui est de la façon dont les employés ont été traités ou de la façon dont on a vendu certains produits attendus. Et je peux comprendre que cela se soit produit dans le cas de Petawawa et d'autres.
Nous ne pouvons pas négliger la responsabilité des syndicats de défendre les droits de leurs employés. Mais ce qui nous inquiète, comme je l'ai dit dans mes remarques, c'est qu'il n'est pas logique que le ministère de la Défense nationale nous dise: oui, nous allons envisager la prestation de rechange des services si vous acceptez d'engager tous nos employés sans exception. Je suis désolé, on ne réalise pas d'économies en faisant cela.
La question est donc de savoir ce que nous faisons pour ces gens dont les emplois ont été déplacés. Il y a des façons tout à fait originales qui ont été utilisées avec succès par l'industrie qui ne sont peut-être pas applicables au sein du gouvernement, notamment des possibilités de financement-relais, de développement de carrière, de formation et toutes sortes d'autres choses. Je crois que le hiatus s'est produit lorsqu'il y a eu une intention de la part du ministère de la Défense nationale de protéger son personnel. Mais par ailleurs, il se méfie peut-être de l'industrie pour ce qui est de la façon dont elle va traiter ce personnel une fois qu'il fait partie de la prestation de rechange des services.
M. Hec Clouthier: Ce que j'ai à dire est peut-être plus une remarque qu'une question. Merci beaucoup, monsieur Smith, car on sait que je suis contre la prestation de rechange des services pour ma base militaire tant que l'on n'aura pas épuisé toutes les autres solutions possibles pour économiser effectivement de l'argent. Jusqu'ici cela a très bien été.
• 1055
J'ai constaté que vous avez dit quelque chose sur la
créativité. C'est pourquoi j'aimerais vraiment voir le rapport de
M. Fischer. Je crois fermement dans le fait que tout le monde
devrait faire sa part pour économiser de l'argent, surtout
lorsqu'il s'agit de l'acquisition de ces choses. Il s'agit très
souvent de milliards et de milliards de dollars, aussi, lorsqu'on
parle de mode de financement original, de remboursement de la dette
et aussi de demandes de propositions, j'attends avec intérêt de
voir votre rapport sur la question.
Le président: Merci, monsieur Clouthier.
Vous savez que M. Clouthier est quelqu'un de timide qui mesure ses paroles, mais je sais qu'il s'intéresse beaucoup à la question. C'est notre cas à tous d'ailleurs.
M. Peter Smith: Il va me donner l'adresse de son chapelier pour que je puisse porter le même chapeau que lui.
Le président: Très juste. Vous voyez!
Messieurs, je vous remercie infiniment d'être venus aujourd'hui et de nous avoir fait profiter de vos connaissances. J'ai l'impression que nous allons vous rappeler et vous avez tous indiqué que vous étiez prêts à revenir. Nous vous en remercions infiniment.
Nous devons nous dépêcher pour voir en quoi notre présence peut être utile, mais nous savons qu'elle est utile.
Merci beaucoup.
M. Peter Smith: Vous avez parlé de nous donner des questions écrites. Le greffier va-t-il nous les faire parvenir?
Le président: Oui, le greffier vous les fera parvenir. Il vous les enverra par voie électronique ou autrement si vous préférez.
Merci beaucoup. La séance est levée.