NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 2 juin 1998
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Wood (Nipissing, Lib.)): Bonjour à tous. Vous êtes les bienvenus à cette partie des audiences du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Il s'agit de notre troisième séance à Ottawa. Nous siégerons jusqu'à 17 heures, et nous reprendrons à 19 heures.
Permettez-moi de vous présenter quelques membres du comité: mon collègue libéral, David Pratt, et ma collègue du Bloc québécois, Mme Venne. D'autres membres du comité se joindront à nous au cours de l'après-midi, et nous formerons une équipe passablement complète d'ici la fin de l'après-midi.
Le major Girard me demande de vous rappeler qu'il y a du café à l'arrière de la salle et qu'on peut aussi se procurer des écouteurs pour écouter l'interprétation.
Ceux qui veulent témoigner peuvent également s'inscrire à l'arrière. Si vous voulez intervenir, inscrivez-vous, et nous nous ferons un plaisir de vous écouter.
Notre premier témoin cet après-midi est le major David Chaplin.
Le major David Chaplin (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je travaille au quartier général de la Défense nationale, plus précisément à la direction des réserves. J'ai servi dans les forces régulières, la milice et la réserve supplémentaire, et je suis maintenant cadre de la première réserve au quartier général de la Défense nationale.
Sauf pendant une année où j'ai été fonctionnaire, pendant que j'étais dans la milice, il y a environ 25 ans, ce sont toujours les Forces canadiennes qui ont été ma seule source de rémunération. J'en suis à ma 29e année de service et, n'était de la situation que je vais décrire, j'aurais à mon actif 23 années service à temps plein donnant droit à pension.
Avant de me rendre au Moyen-Orient à titre d'observateur militaire pour l'ONU, en 1992, j'avais lu ceci, dans le premier numéro du bulletin du personnel des Forces canadiennes de cette année-là:
-
[...] tous les anciens membres de la Force régulière pourront se
prévaloir de la Loi sur la pension de retraite des Forces
canadiennes après une année complète à temps plein de service dans
la réserve; ces droits ne seront pas limités, comme c'est le cas
actuellement, à ceux qui ont droit à une pension de la Loi sur la
pension de retraite des Forces canadiennes.
C'est justement mon cas.
Peu après, dans les débats du comité législatif, le but visé en proposant cette modification a été précisé par la directrice de la Division des pensions et des projets spéciaux au Secrétariat du Conseil du Trésor, Mme Sharon Hamilton:
-
À l'heure actuelle, un membre à temps plein de la force de réserve
qui sert à ce titre pendant un an ou plus et a droit à une pension
aux termes de la Loi sur la pension de retraite des Forces
canadiennes devient un cotisant après une année de service à temps
plein dans la force de réserve. Cela a eu pour effet d'empêcher de
cotiser au régime de retraite ceux qui ont fait partie de la force
régulière et ont été mutés à la force de réserve à temps plein,
mais n'avaient pas alors droit à une pension en quittant la force
régulière. Ce que nous faisons, c'est accorder à ces personnes le
droit de contribuer au régime de pension.
Lorsque la loi a été adoptée, en septembre de la même année, le libellé était le suivant:
-
(3) Pour l'application de la présente loi, la personne qui est
enrôlée dans la force de réserve ou y est mutée après avoir cessé
d'être assujettie à l'obligation de contribuer au compte de pension
de retraite visée à l'article 5 est, à l'expiration de toute
période continue d'un an de service à plein temps, commençant au
plus tôt à partir de la date d'entrée en vigueur du présent
paragraphe, réputée enrôlée de nouveau.
En termes simples, cela veut dire que, après avoir achevé une année de service à temps plein, je suis considéré comme enrôlé de nouveau pour tout ce qui concerne la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes.
De retour du Moyen-Orient, en 1993, j'ai commencé à travailler comme officier supérieur de logistique au district des forces terrestres d'Ottawa. De ce poste, j'ai suivi de loin, avec un intérêt évident, le processus lent et laborieux de rédaction du règlement, qui n'a été achevé qu'en 1996, quatre ans après l'adoption de la loi. Vous comprendrez mon étonnement lorsque le fruit de ce travail a été rendu public et que le sous-ministre adjoint du personnel, le SMA(Per) a diffusé le message suivant le 13 novembre 1996:
-
[...] les anciens cotisants qui n'ont pas droit à une pension ne
peuvent devenir admissibles à une pension en vertu de quelque
classe de service de réserve que ce soit.
-
3. La modification apportée par le projet de loi C-55 [...] est
entrée en vigueur le 1er décembre 1995. Ainsi, tout ancien cotisant
qui a entamé son service de réserve de classe B ou C le 1er
décembre 1995 ou après
-
A. sera réputé s'être enrôlé de nouveau à la fin de toute période
continue de service à temps plein d'un an et
-
B. commencera à verser des cotisations au compte de pension des
Forces canadiennes le premier jour de ce nouvel enrôlement
-
Nota: Les membres qui ne touchent pas de pension et ont commencé
leur service de réserve dans les classes B ou C avant le 1er
décembre 1995, la période qui compte pour la première année ne
débute que le 1er décembre 1995.
-
4. Pour les anciens cotisants qui n'ont pas droit à une pension
différée, toutes les cotisations au compte de pension des Forces
canadiennes seront remboursées lorsque se terminera le service à
temps plein.
-
5. Pour éviter, aux fins de la pension de retraite, un réenrôlement
non souhaité et le paiement de cotisations de retraite, il faut
adopter une politique officielle qui permet une interruption dans
le service [...]
-
6. Énoncé de politique: Pour les anciens cotisants qui ne touchent
pas de pension et ne souhaitent pas qu'on les considère comme
enrôlés de nouveau dans la force régulière aux fins du compte de
retraite des Forces canadiennes, une interruption d'une journée
dans le service de réserve à temps plein peut être autorisée avant
la fin d'un an de service ininterrompu dans la réserve.
En termes simples, je dois verser des cotisations à la caisse de retraite, mais je ne peux pas toucher de pension, et je dois recourir au subterfuge proposé pour éviter le prélèvement des cotisations et le plafonnement des contributions à mon REER, qui sont limitées parce que je contribue à un régime de retraite de l'employeur.
• 1410
Je dois aussi travailler un an pour un an de salaire moins un
jour, ce qui réduit mes autres avantages aussi et complique la
planification des congés et vacances, car un crédit de congé ne
peut pas être reporté lorsqu'il y a interruption du service.
La loi ne dit rien des classes de service de réserve. Elle dit cependant quels types de service de réserve un membre des forces régulières peu choisir de faire compter pour la pension à des taux divers d'équivalence. Le service à mi-temps compte pour le quart du temps plein.
Le sous-ministre adjoint au personnel persiste à dire que, si une personne sert dans la réserve pour commencer, et dans les forces régulières ensuite au moment de devenir admissible à une pension de retraite, cette personne est admissible, mais que, si elle sert d'abord dans les forces régulières et dans la réserve à la fin de la période obligatoire, elle est inadmissible à la pension.
Il devrait aller de soi que le paragraphe 41(3) soit accepté tel quel et que le membre soit considéré comme un membre des forces régulières. Apparemment, les collaborateurs du sous-ministre adjoint au personnel ne l'acceptent pas.
Une lettre récente signée par le directeur du personnel de terre dit ceci:
-
L'interruption d'un jour imposée par voie législative a eu un effet
préjudiciable pour tous les anciens cotisants. La position de
l'état-major de l'armée de terre estime que toutes les mesures
devraient être prises pour éliminer cette politique. Elle ne tient
pas debout et sert qu'à causer du tort à notre personnel. Résultat
direct de cette interruption d'une journée, il y a toutes sortes de
difficultés dans la paie de ces membres, car aucun système de paie
actuel ne peut traiter ce genre d'interruption de service.
En d'autres termes, cette politique fait du tort à notre personnel. Faites-la disparaître.
On a même fait preuve d'une inutile maladresse dans l'application de cette politique dès le départ. La loi devait entrer en vigueur le 1er décembre 1995, mais ce règlement a été communiqué aux personnes visées une semaine avant qu'ils ne soient considérés comme enrôlés de nouveau. J'ai reçu mon exemplaire le 21 novembre.
L'interruption imposée les prive de tous les crédits de congé accumulés depuis le 1er avril précédent et qui n'ont pas été pris avant cette interruption. Autrement dit, celui à qui il restait une semaine de congé la perdait. Et les réservistes visés perdaient aussi les avantages des soins médicaux et dentaires qu'ils avaient lorsqu'ils étaient en service prolongé à temps plein. S'il vous reste moins de six mois dans l'année financière, vous n'obtenez pas ces avantages.
J'ai téléphoné à des membres du personnel dont les noms figurent au bas du message en question. J'ai reçu les réactions suivantes. Tout d'abord: «Il n'était pas question de créer un nouvel avantage là où il n'en existait pas auparavant.» «Que veut dire alors l'article paru dans le bulletin du personnel des Forces canadiennes?» ai-je demandé. La réponse? Ce n'est pas une publication officielle.
J'ai demandé alors: «Que dites-vous de l'objectif énoncé par la représentante du Conseil du Trésor au comité législatif?» On m'a dit que peu importait ce qu'on avait pu dire si cela ne se trouvait pas dans le texte de loi, et le texte comportait des lacunes. Le seul recours est de m'adresser à mon député, puisque ce sont les députés qui adoptent les lois. Le texte est imparfait parce que le Secrétariat du Conseil du Trésor n'a laissé au MDN que 72 heures pour l'étudier. L'équipe du ministère n'a pas eu le temps d'examiner toute la loi, mais seulement les modifications; elle n'a donc pas relevé d'incompatibilités entre les modifications proposées et la loi.
Enfin, si je voulais avoir une pension, pourquoi est-ce que je n'entrais pas dans les forces régulières?
On n'a aucunement reconnu le fait que le bulletin destiné au personnel des Forces canadiennes n'aurait jamais publié une information semblable sans l'aval des responsables de la politique; on a pris prétexte du caractère non officiel de la publication. Qualifier la loi d'imparfaite et en attribuer les lacunes au Secrétariat du Conseil du Trésor, s'est simplement rejeter le blâme sur quelqu'un d'autre. S'il est vrai que la loi est imparfaite, ce que ne je ne reconnais pas, pourquoi n'a-t-on rien dit ni fait pendant les sept mois du processus législatif ou les quatre ans du processus de promulgation pour apporter des correctifs?
La dernière affirmation tient de la pétition de principe et trahit une attitude répréhensible. Devant pareille attitude, j'ai décidé de laisser la question en veilleuse jusqu'à ce que se présente l'occasion de la soumettre à ce comité.
Comme on l'aura compris d'après la lettre de l'armée que j'ai citée tout à l'heure, mon cas est loin d'être unique. La dernière unité dont j'ai fait partie, le quartier général du 33e Groupe- brigade du Canada, basé ici, à Ottawa, comptait 21 militaires à temps plein, dont 11 sont réservistes et trois de ceux-ci, moi compris, sont d'anciens membres des forces régulières ne participant pas au régime de pensions. Selon les dernières informations, il y a dans l'armée 934 postes à temps plein dans la réserve. Si, et j'admets que c'est un énorme «si», ce groupe-brigade est représentatif de la totalité de l'armée, il doit y avoir plus de 200 personnes dans la même situation que moi. Mais n'y en aurait-il qu'un, c'est un de trop.
Un courrier électronique récent que le service du personnel a envoyé jeudi dernier dit ceci:
-
Le directeur général de la rémunération et des avantages et
d'autres personnes (dont le directeur du personnel de réserve)
s'efforcent de trouver une solution à ce problème, et il n'est pas
impossible que la solution vienne assez tôt. On me dit qu'un groupe
de travail a été chargé d'examiner la Loi sur la pension de
retraite des Forces canadiennes et de proposer des modifications.
Les délais imposés au groupe de travail sont relativement brefs. Le
représentant des Forces canadiennes au sein du groupe de travail
est parfaitement au courant du problème des anciens cotisants.
J'espère que nous aurons tiré le problème au clair au moins d'ici
deux ou trois ans;
• 1415
Le représentant du directeur des réserves a son bureau près du
mien, et il fait rapport au groupe de travail sur les pensions
auquel il appartenait. Apparemment, le groupe a ajourné ses travaux
pour des mois, et aucune date n'a été fixée pour la prochaine
réunion. La rumeur veut que le groupe, autrefois dirigé par le
lieutenant-général Kinsman, ancien sous-ministre adjoint au
personnel, ait manifesté une attitude hostile et condescendante
dans le dossier de la participation des réservistes au régime de
pensions. Cette hostilité aurait eu pour conséquence la
disparition, dans tous les programmes de travail et comptes rendus
de réunions, de toutes les questions se rapportant aux réserves.
Dans les circonstances, je me demande ce qu'un groupe de travail semblable, qui compte un seul représentant des Forces canadiennes et pas un seul réserviste, pourra proposer comme modification de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes relativement aux réservistes et aux anciens cotisants. Ce groupe n'a transmis aucune proposition au directeur des réserves pour qu'il puisse commenter.
Vu ce qui précède, je ne m'attends à aucun traitement de faveur. Il me reste moins de dix ans avant la retraite obligatoire, et le problème traîne déjà depuis plus de six ans. Je ne veux pas attendre encore trois ans avant de commencer à cotiser à un régime de retraite auquel je devrais participer depuis octobre 1992, après l'adoption de la modification.
Je ne trouve dans la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes rien qui puisse justifier la position prise par les collaborateurs du sous-ministre adjoint au personnel. L'intention du législateur, exprimée dans les communications internes des Forces canadiennes et attestée au comité législatif, est clairement exprimée dans la loi, et, si on l'appliquait telle qu'elle est écrite, elle permettrait à tous les anciens membres des Forces régulières ayant une assez longue période de service à temps plein de participer de nouveau au régime de retraite des Forces canadiennes.
La politique appliquée maintenant est une mesure préjudiciable, contre-productive et punitive qui ne rapporte rien à personne et afflige et insulte sans raison d'anciens membres des forces régulières et les réservistes à temps plein. Le règlement en place ne répond pas aux intentions du ministère, à l'objectif avoué du Conseil du Trésor, ni à la volonté expresse du Parlement, et il faut l'annuler. Qu'on applique la loi ainsi qu'elle a été voulue, pour accorder un avantage aux réservistes.
Merci de m'avoir écouté.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, major.
[Français]
Madame Venne, avez-vous des questions?
Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): J'aimerais simplement dire que vous avez certainement un cas fort complexe. Si ce comité ne sert qu'à mettre en marche ce que vous nous avez expliqué aujourd'hui, il aura déjà accompli quelque chose.
Merci.
Maj David Chaplin: Merci, madame.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup.
Nous passons maintenant au premier maître Martin Gagnon.
Le premier maître Martin Gagnon (témoigne à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs.
Cet après-midi, je voudrais vous parler de l'état pitoyable du système de recours dans l'armée, surtout pour la caporaux et les simples soldats. Pour illustrer mon point de vue, je vais me servir d'un exemple personnel.
Tout a commencé par le dossier de ma femme. En 1990, ma femme, le sergent June Gagnon, a porté plainte pour harcèlement sexuel. Immédiatement après la présentation de sa plainte pour harcèlement sexuel, elle a été convoquée pour une entrevue sévère avec le colonel et le pm 1. L'entrevue a duré une heure et demie. Deux jours plus tard, elle a été convoquée pour une deuxième entrevue. Elle s'est présentée et a demandé que soit présent son officier désigné, le lieutenant-commandant Joanne Thibeault. Sa requête ayant été rejetée, elle a dû se soumettre à une deuxième entrevue d'intimidation.
Deux jours après, elle a été convoquée pour une troisième entrevue. Elle ne voulait pas s'y présenter. Elle en a reçu l'ordre direct. Elle a désobéi à l'ordre et a été inculpée. C'est à ce moment-là que je suis intervenu de toutes mes forces. Elle avait besoin d'aide.
Pour abréger, disons que, cinq ans après cet incident, elle a été envoyée en Croatie, et j'ai dû me charger de son dossier auprès du service des droits de la personne, au même moment où je m'occupais de mes propres démarches pour obtenir réparation de deux généraux.
J'ai reçu du service des droits de la personne un appel téléphonique me disant qu'il y avait une entente avec le MDN. S'il s'agissait de harcèlement sexuel sans attouchement, c'était 1 000 $. Harcèlement sexuel avec attouchement à un sein, 5 000 $. J'en suis venu à me demander si elle n'aurait pas eu droit à un marché spécial de 15 000 $ si le coupable avait touché les deux seins et les deux fesses. Désolé, mais ma femme n'est pas à vendre.
• 1420
Depuis deux ans, je fais ma propre enquête. J'ai eu l'occasion
de discuter avec des adjudants et des sergents à la retraite qui se
sont occupés de la présentation de griefs. Ils tiraient tous la
même conclusion. Un adjudant ayant 25 années de service avait dû
quitter les Forces, tellement il était exaspéré de toujours se
buter sur le même mur. Il avait fini par tout laisser tomber.
J'ai des noms. Les intéressés ont même dit que je pouvais les mentionner, mais je vais m'en abstenir faute de temps. J'ai toutes sortes de choses à raconter.
Je vais utiliser mon propre cas à titre d'exemple pour vous montrer quel est le sort des caporaux et des simples soldats lorsqu'ils présentent un grief. Je suis premier maître. Lorsque j'ai formulé une plainte, j'avais déjà 25 ans de service à mon actif. J'en suis aujourd'hui à 28. L'expérience que j'ai vécue, et ma femme aussi, est traumatisante. Imaginez ce que ce peut être pour un caporal qui n'a pas beaucoup d'années de service et de connaissances militaires.
Comme premier maître ayant les connaissances militaires et l'expérience que j'avais, j'ai dû tenir bon et combattre un officier de haut rang. Je l'ai fait, et ma femme aussi. Dieu merci, elle est très forte.
Les caporaux et les simples soldats dont je vais vous parler... Je vais expliquer les tactiques dont on s'est servi contre moi. Les simples soldats et les caporaux sont des cibles faciles. C'est pourquoi vous n'entendrez jamais des caporaux raconter une histoire comme la mienne. C'est qu'ils n'ont pas la moindre chance. Ils se font écraser.
Tout d'abord, on applique le traitement par le silence. C'est comme ça que je décris cette tactique. J'ai un exemple à vous donner. On essaie tout d'abord de détruire votre carrière. Voici un exemple.
Au cours des sept dernières années, depuis la plainte de ma femme, j'ai eu six affectations, soit à peu près une par année, une dans un endroit éloigné et cinq affectations locales. Il ne faut pas oublier ce que cela représente, occuper un poste pendant un an. On apprend, on produit peu. Quand on est en apprentissage, on n'obtient pas à son évaluation des notes assez élevées pour monter dans la liste du personnel marié.
Après ces six affectations, j'étais tout au bas de la liste. Même chose pour ma femme. Et puis, si on vous donne six affectations de suite... Je suis désolé, j'ai un fort accent britannique, mais ce n'est pas ma faute.
Quand on est en train d'apprendre, on ne produit pas. Tandis qu'on descend dans la liste du personnel marié, il faut aussi travailler d'arrache-pied, parce qu'il faut s'habituer à un nouvel emploi. Ils essaient de vous épuiser. Ils n'ont pas réussi. Je suis fatigué, c'est vrai, mais ils ne m'ont pas épuisé. Il me reste dix ans à faire, et j'entends bien les faire. Il me reste assez d'énergie pour les dix prochaines années.
La tactique suivante est aussi expliquée dans mon mémoire qui vous a été communiqué. J'appelle cela la cocotte minute. La tactique du silence ayant échoué, on m'a mis dans la cocotte minute. J'ai porté plainte en mai 1995. Un mois plus tard, j'occupais un poste où les pressions étaient considérables. C'était en juin 1995.
Au même moment, en juin 1995, ma femme a appris qu'elle partait pour la Croatie. Ils m'ont ainsi privé de mon soutien moral. Ma plainte contre un général était toute une affaire. Mon soutien moral parti pour la Croatie, j'étais seul avec les enfants.
Je devais simultanément occuper ce poste difficile, et l'étude de ma plainte allait bon train. Je recevais une foule de notes d'un certain commandant à propos de ma plainte, et je devais répondre. Je devais aussi m'occuper de la plainte de harcèlement sexuel de ma femme avec le service des droits de la personne. Elle ne pouvait pas s'en occuper elle-même puisqu'elle se trouvait en Croatie. Je m'en suis donc chargé.
Puis, je les ai vus venir. Ils essayaient de m'expulser des Forces. J'ai eu la chance d'avoir des contacts avec deux hommes et une femme extraordinaires, en dehors des Forces bien sûr. Je leur ai parlé du problème. Je leur ai expliqué ce qui se passait et je leur ai demandé ce qu'ils en pensaient. Mon opinion était faite, mais je voulais connaître leur impression. Tous les trois étaient d'accord avec moi. Ils m'ont dit: «Martin, il faut faire quelque chose et mettre un frein à tout cela. Autrement, tu es fichu.» J'ai répondu que c'était d'accord.
En rentrant au bureau, le lendemain, j'ai fait savoir qu'un de ces deux hommes extraordinaires avec qui j'avais des contacts était le colonel à la retraite Jean Drapeau. Je vais vous dire quelque chose. Deux jours après, ils ont battu en retraite et ils m'ont laissé tranquille. Mes tâches ont diminué, et j'ai pu faire mon travail. Grâce à vous, M. Drapeau, au cas où vous seriez dans l'auditoire.
Ils ont choisi un officier de la police militaire ayant le rang de lieutenant-colonel pour faire enquête sur ma plainte, probablement parce qu'un ou deux généraux étaient en cause.
• 1425
Pendant que ma femme se trouvait toujours en Croatie, je
devais m'occuper des enfants. Il y avait aussi la cause de ma femme
au service des droits de la personne. Et puis ma propre plainte. En
novembre 1995, j'ai enfin reçu les résultats de l'enquête
militaire.
Tout d'abord, j'ai fourni une liste d'au moins 21 témoins. L'enquêteur en a interrogé sept. Un seul était un militaire du rang. Les six autres étaient des officiers, dont deux avaient été promus par l'un des généraux visés par la plainte.
Voulez-vous connaître la conclusion? Soyez patient. Le premier maître Gagnon a décidé d'adopter dans cette affaire une attitude intransigeante. Il est tellement impliqué personnellement dans la cause de sa femme qu'il a perdu toute objectivité et est tombé dans la paranoïa. Oui, la paranoïa. Je porte plainte contre deux généraux... Cela va de soi.
J'ai contacté une avocate civile, et je lui ai donné mandat de poursuivre le lieutenant-colonel pour manquement à la probité. Ce lieutenant-colonel a renvoyé l'affaire au juge-avocat général, qui a répondu à mon avocate que le premier maître Gagnon ne pouvait intenter de poursuites. J'étais prêt à intenter des poursuites en diffamation de 200 000 $, et personne ne s'est attaqué à ma réputation.
Selon le juge-avocat général, le lieutenant-colonel remplissait une mission militaire et ne pouvait donc pas être poursuivi à titre personnel. Le premier maître devait poursuivre le MDN. Est-ce qu'on me prend pour un imbécile? Je dépenserais 50 000 $ pour poursuivre le MDN, qui aurait son propre avocat payé par les contribuables, tandis que je devrais payer le mien? J'ai décidé de laisser tomber parce que cela coûtait trop cher.
La deuxième tactique remonte seulement à janvier 1998. C'est la destruction du lien. Je m'explique. Si ma plainte est maintenant devant la Commission canadienne des droits de la personne, c'est parce que celle-ci m'a expliqué qu'elle accepterait ma plainte si elle était liée à celle de ma femme. Elle a constaté l'existence de ce lien: «Oui, monsieur Gagnon, votre cause est fondée. Pourquoi ne nous en chargerions-nous pas?»
Il existe des dispositions spéciales sur les droits de la personne dans l'armée. À peu près six mois plus tard, le ministère a répondu à la Commission. J'ai reçu cette réponse à la veille de Noël. Croyez-moi, même si cette réponse m'a indigné, j'ai passé un beau Noël.
La réponse devait faire environ six paragraphes. Dans les deux premiers, ils ne faisaient que... Ils savaient que je ne pourrais pas faire appel à la Commission canadienne des droits de la personne s'ils réussissaient à détruire le lien. C'est ce qu'ils ont fait. Ils ont fait tous leurs efforts pour rompre le lien entre ma cause et celle de ma femme. Ils ont échoué. Je savais qu'ils échoueraient.
J'ai fait une réponse de trois pages et j'ai rétabli le lien. La Commission m'a répondu en me disant de ne pas m'inquiéter, qu'ils avaient effectivement essayé de détruire le lien, mais qu'il tenait toujours. Elle devrait entamer l'enquête dans quelques semaines. Je ne vais donc pas entrer dans les détails de ma plainte pour ne pas compromettre l'enquête.
J'en suis venu à me demander si le service des droits de la personne des forces n'était pas là non pour étudier les plaintes, mais essayer de les faire disparaître.
Je ne suis pas négatif. J'ai des recommandations à formuler. On parle d'un poste d'ombudsman. Je recommanderais que le titulaire de ce poste soit une femme du civil, sans aucun lien antérieur avec l'armée, de façon à éviter les préjugés. Il faudrait que ce soit une femme. Pour protéger les simples soldats et les caporaux dans la situation terrible qui est la leur lorsqu'ils veulent porter plainte, l'ombudsman devrait s'attaquer immédiatement à ces experts du traitement par le silence que j'ai eu la malchance de trouver sur ma route.
Il faut engager quelqu'un de solide et de déterminé pour protéger les caporaux et les simples soldats. Il faut un pit-bull. Si un caporal porte plainte et sait qu'il sera soumis au traitement par le silence, ce pit-bull pourra agir comme chien de garde au caporal et mordre au besoin pour faire peur à ces experts-là.
• 1430
Pour conclure, je dirai que, après 25 ans de service comme
premier maître—28 ans maintenant—je me suis retrouvé dans cette
situation parce que je me suis battu pour ma femme, que j'avais
l'obligation morale de soutenir; à titre de premier maître, j'ai
porté plainte. Je suis aussi un être humain, et j'ai trouvé
l'expérience très éprouvante. C'est vrai. Dieu merci, je n'étais
pas un caporal.
J'ai une requête à adresser au chef d'état-major, le général Baril:
-
Monsieur, au cours des six derniers mois, j'ai eu l'occasion de
discuter avec beaucoup de caporaux en service et de soldats du rang
qui ont de l'expérience, et je puis vous assurer que nous sommes
convaincus que vous êtes loyal et très sincère lorsque vous dites
que vous allez tout faire pour améliorer le système et le moral des
forces.
[Français]
Nous sommes tous derrière vous, général.
[Traduction]
J'ai pour finir quelques notes personnelles.
Sur le deuxième navire où j'ai été affecté, le NCSM Saguenay, j'ai eu la grande chance de travailler avec le meilleur premier maître de première classe de toute ma carrière, Stanley Faulkner. Malheureusement, une crise cardiaque l'a emporté. Il était le capitaine d'armes à bord, et il me disait: «Martin, à bord d'un navire, les officiers sont le cerveau. Les matelots et les matelots chefs font marcher le navire. Nous, les premiers maîtres, nous sommes la colonne vertébrale.»
Nous avons beaucoup d'excellents officiers dans les forces, mais il y a malheureusement dans le panier quelques pommes vraiment gâtées. J'ai un message pour eux: ne vous attaquez pas à la colonne vertébrale.
Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a des questions?
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, premier maître Gagnon, d'avoir résumé votre mémoire. Comme vous le savez, nous venons tout juste de le recevoir. Nous aurons certainement l'occasion de le parcourir. Merci d'avoir comparu et d'avoir résumé votre mémoire.
Je crois que Mme Venne a des questions à poser.
[Français]
Mme Pierrette Venne: Je comprends que vous soyez très ému en nous racontant ce qui s'est passé. C'est probablement pour cela que votre débit était si rapide et que j'ai eu de la difficulté à saisir tout ce que vous nous avez dit. Vous avez dit passablement de choses en très peu de temps, et je comprends très bien que vous l'ayez fait de cette façon.
J'aimerais vous poser une ou deux questions pour éclaircir un peu la situation. J'aimerais savoir comment s'est terminée l'histoire de harcèlement sexuel dont a été victime votre épouse. Est-ce que la personne impliquée a été finalement punie? Je n'ai pas saisi à quel moment cela aurait été fait.
Pm Martin Gagnon: Lorsque mon épouse a fait sa plainte de harcèlement sexuel, elle s'est engagée dans un processus qui a duré quatre ans.
Mme Pierrette Venne: Et comment cela s'est-il terminé?
Pm Martin Gagnon: Le général de Chastelain lui a écrit une lettre dans laquelle il lui donnait raison. Il a congédié le major qui l'a harcelée sexuellement. Le capitaine a reçu une réprimande sévère et demandé sa libération. Le premier maître de 1re classe a subi une réprimande salariale. Cependant, le colonel n'a pas été puni pour son intimidation et son abus de pouvoir, et c'est pourquoi mon épouse a porté sa cause jusqu'au ministre de la Défense de l'époque, M. Collenette. Par la suite, elle a continué ses démarches auprès d'un deuxième ministre de la Défense, M. Doug Young. Elle a reçu des réponses de M. Collenette et de M. Doug Young. Ce dernier n'a pris aucune mesure contre ce colonel pour son intimidation et son abus de pouvoir.
Si je puis me le permettre, madame Venne, j'aimerais souligner qu'au moment où elle devait passer ces entrevues très intimidantes, j'étais entré en contact avec un avocat militaire, le major Hersst à Gagetown. Je l'ai informé de ce qui se passait et il m'a dit qu'il était très évident qu'il y avait eu de l'intimidation et de l'abus de pouvoir. Mais le ministre Doug Young n'a rien fait.
Mme Pierrette Venne: Et le colonel dont vous parlez est toujours en place?
Pm Martin Gagnon: Non. Il a fait une demande de libération—et c'est peut-être une coïncidence—deux semaines après que mon épouse se soit rendue au bureau du ministre.
Mme Pierrette Venne: Finalement, il aura fallu quatre ans pour régler ce cas. C'est ça, l'histoire.
Pm Martin Gagnon: Quatre ou même cinq ans.
Mme Pierrette Venne: D'accord. Si on comprend ce que vous nous dites et si on associe cela à ce qu'on a lu dernièrement dans Maclean's, on comprend très bien qu'une personne dans les forces, particulièrement une femme, doit malheureusement, pour faire prévaloir son point de vue, avoir d'abord l'appui de son conjoint et ensuite être plus que persévérante, ce qui est inconcevable, je vous l'accorde.
À la fin, vous disiez qu'on devrait nommer une femme à un poste. De qui parliez-vous?
Pm Martin Gagnon: On parle actuellement d'engager un ombudsman.
Mme Pierrette Venne: Vous voudriez qu'on engage une ombudswoman?
Pm Martin Gagnon: Oui, absolument. J'ai des raisons pour cela. D'après l'article de Maclean's sur les viols et ce que l'on voit encore aujourd'hui, on constate qu'il y a beaucoup de cas de harcèlement sexuel et que les femmes en sont habituellement les victimes. Mon épouse ainsi que les caporaux femmes et les sergents femmes à qui j'ai parlé tout récemment m'ont toutes dit la même chose: «On se sentirait plus à l'aise si on pouvait présenter notre plainte de harcèlement sexuel à une dame.» C'est compréhensible.
Mme Pierrette Venne: Parfait. On va transmettre le message au ministre.
Pm Martin Gagnon: Merci beaucoup. Plus de questions?
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Wood): Premier maître Gagnon, une simple question rapide. Vous parlez constamment de protéger les caporaux et les simples soldats. Pourquoi? Croyez-vous qu'ils sont toujours lésés lorsqu'ils portent plainte? Est-ce que...
Pm Gagnon: Je peux répondre. Je viens de vous expliquer rapidement—et vous avez plus de détail dans mon mémoire—ce que ma femme, qui est sergent, et moi qui suis premier maître, avons vécu. Les autorités savent que j'ai des connaissances et de l'expérience et que je peux me défendre. Mais le caporal est moins bien placé. Il n'a pas le rang, il n'a pas l'expérience du leadership, il n'a pas les connaissances militaires. Le caporal a donc besoin d'aide. C'est pourquoi je tiens ces propos, et je suis très à l'aise pour le faire.
J'ai vu six cas de caporaux destitués. Un d'eux a fait une dépression nerveuse. Une femme caporal de Trenton—c'est un adjudant de mes connaissances qui me l'a raconté—a été victime de harcèlement sexuel de la part d'un capitaine pendant un stage. Elle n'a pas porté plainte. Elle était seule et il n'y avait pas assez d'hommes pour prendre sa défense. Elle s'est retrouvée sur une liste EIPRS—c'est une liste d'hospitalisation—à cause d'une dépression nerveuse. Ne pensez-vous pas que les caporaux ont besoin d'aide?
Le vice-président (M. Bob Wood): De toute évidence, si les choses se passent comme vous le dites, vous avez raison. Nous n'avions jamais entendu parler de cela, c'est tout. C'est pourquoi j'ai posé la question. Merci.
Pm Gagnon: Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Bob Wood): Je souhaite la bienvenue à David Price. Il est porte-parole du Parti conservateur pour la défense, et il s'est joint à nous cet après-midi.
Merci d'être venu vous joindre à nous, David.
J'appelle le premier maître Colette Sabourin.
Le premier maître Colette Sabourin (témoigne à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs.
Je travaille à Ottawa dans le secteur maritime. Je voudrais vous parler des occasions de formation offertes au personnel non- officier.
Même si les membres du personnel non-officier sont toujours encouragés par les surveillants et les gestionnaires de carrière à se perfectionner, j'estime que le ministère n'appuie pas à fond ceux qui veulent le faire. Même si ce perfectionnement vise à améliorer notre rendement, ce qui finit par améliorer l'efficacité du MDN, celui-ci est loin de nous appuyer.
Je travaille comme gestionnaire des ressources à la direction, et je ne peux pas me faire rembourser intégralement les cours que je prends pour obtenir un diplôme en gestion des ressources. Je n'ai droit qu'à 50 p. 100 du coût des cours, et cette aide est imposable. Il me reste en somme fort peu de chose.
Pour moi, ce n'est pas un gros problème de payer 300 $, mais nos matelots ne peuvent pas débourser 300 $ avant le cours, d'autant plus qu'ils savent que le remboursement se résumera à une cinquantaine de dollars.
Mais ce n'est pas le seul problème. Dans bien des cas, ils n'ont pas le temps de suivre des cours. S'ils s'inscrivent à un cours, ils ne savent pas s'ils ne vont pas être envoyés prêter main forte quelque part à cause d'une inondation ou d'une tempête de verglas. Il y a bien des cas comme ça.
Les cours par correspondance sont une possibilité, bien sûr, mais tout le monde sait, j'en suis certaine, que ce n'est pas la solution idéale pour décrocher un diplôme collégial ou universitaire.
Dans l'armée, il est clair que le soutien pour le perfectionnement du personnel non-officier laisse à désirer. À mon avis, cela ne fait aucun doute. À notre époque où on met l'accent sur l'égalité, je ne vois pas pourquoi, si un civil du MDN qui suit le même cours que moi peut demander à son patron le remboursement complet de ses frais de cours parce que le cours se rapporte à ses fonctions, je ne pourrais pas le faire.
• 1440
Je voudrais que, au strict minimum, on me rembourse
intégralement un cours qui me sera utile dans mon travail et qui,
en fin de compte, sera bénéfique pour le MDN. Je voudrais aussi que
le MDN examine tous les cours collégiaux qui sont offerts pour voir
lesquels seraient utiles au personnel non-officier. Peut-être qu'on
pourrait utiliser une partie de tout l'argent consacré à la
formation de nos officiers pour aider à la formation du personnel
non-officier.
Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, premier maître Sabourin.
Y a-t-il des questions?
David.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Premier maître Sabourin, avez-vous bien dit que les officiers avaient droit à un remboursement?
Pm Colette Sabourin: Ils ont beaucoup plus de possibilités que nous. Ils peuvent demander des cours de deuxième cycle. Ils peuvent étudier pendant un an ou deux, selon le diplôme. Ils ont droit à toute leur solde et au plein remboursement de leurs frais de scolarité. S'ils doivent déménager pour fréquenter l'université, le MDN est prêt à payer le déménagement de leur famille, de leurs meubles et effets, et même de leurs animaux familiers. Je ne peux avoir droit à ce traitement que si je deviens officier. Dans la plupart des cas, les militaires du rang ne veulent pas devenir officiers. Si nous l'avions voulu, nous serions entrés dans l'armée comme officiers.
M. David Pratt: Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): David Price.
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci, monsieur le président.
On nous a dit dans d'autres régions que les anglophones semblent avoir moins de mal à obtenir des cours de français que les francophones des cours d'anglais. Quel est votre avis?
Pm Colette Sabourin: Voulez-vous dire que si je voulais étudier au niveau collégial...
M. David Price: Oui.
Pm Colette Sabourin: ... pour suivre des cours de français?
M. David Price: N'importe quoi. Un anglophone qui suit des cours de français pour s'améliorer plutôt qu'un francophone qui suit des cours d'anglais.
Pm Colette Sabourin: Je ne comprends pas votre question.
M. David Price: Sur d'autres bases, les francophones nous ont dit qu'ils avaient du mal à obtenir des cours d'anglais. Selon eux, il était beaucoup plus facile pour les anglophones de demander et d'obtenir des cours de français.
Pm Colette Sabourin: Je ne pense pas que ce soit vrai. Je pense que les francophones, lorsqu'ils se joignent aux forces armées, sont...
Une voix: C'était l'inverse.
M. David Price: Je suis désolé. C'était l'inverse. Je savais qu'il y avait une différence.
Pm Colette Sabourin: Je n'ai pas ce problème. Je suis «née» bilingue, mais je sais que les francophones qui se joignent aux forces armées sont automatiquement... Je pense qu'ils sont tous formés en anglais. Cependant, les anglophones ont du mal à avoir accès à des cours en français. C'est un grave problème.
M. David Price: Était-il facile, d'une façon ou d'une autre, de s'inscrire à d'autres cours, si vous vouliez vous inscrire disons...
Pm Colette Sabourin: Pas du tout. La langue n'est pas un problème dans ce cas-ci.
M. David Price: La langue n'était pas un problème?
Pm Colette Sabourin: Pas du tout.
M. David Price: Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, premier maître Sabourin.
Pm Colette Sabourin: Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Je voudrais donner la parole à Patrick Bernath.
[Français]
Caporal-chef Patrick Bernath (témoigne à titre personnel): Bonjour. Mon cas est particulier et je ne saurais dire que d'autres personnes dans les Forces armées canadiennes vivent une situation pareille. C'est un cas médical. J'ai été dans les forces de février 1988 à avril dernier et j'ai servi à titre de réserviste pendant trois ans, de 1985 à 1988.
J'ai servi au Royal 22e Régiment à Valcartier, au premier et au troisième bataillons. En avril 1996, on préparait les bateaux en vue d'une mission des Nations unies en Haïti et j'ai subi un accident. On a dû m'opérer à l'épaule et je souffre depuis d'un handicap. Je fais depuis partie de la catégorie médicale temporaire G303, ce qui m'empêche de partir en affectation ou d'aller à gauche ou à droite. En raison de ce handicap, on n'a pas renouvelé mon contrat. On m'a plutôt accordé des prolongations de six mois sans contrat.
En janvier 1997, j'étais au troisième bataillon comme caporal-chef et mon commandant a décidé de m'amener en Haïti malgré mon déclassement médical et le fait que je n'étais pas censé y aller pour des besoins opérationnels. J'ai donc arrêté mes traitements et je suis parti pour Haïti en avril 1997 pour en revenir en octobre 1997.
• 1445
Là-bas, je travaillais
aux renseignements comme photographe. Je crois
avoir fait un bon travail, puisque cela m'a valu une
mention élogieuse qu'on a remise à 15 personnes sur
un total de 700. Durant ma carrière militaire, j'ai
toujours vraiment satisfait aux normes, j'ai toujours eu
des RAR au-dessus de la norme et je n'ai jamais eu de
problèmes du côté du travail.
Le 8 septembre 1997, au large de Montrouis, en Haïti, un bateau coulait avec 260 personnes à bord, dont 200 sont décédées. Le président Préval a demandé au camp canadien de venir en aide à la population haïtienne et d'aider à récupérer les corps à bord du bateau qui avait coulé.
Mon travail à ce moment-là, comme photographe de renseignement, consistait à prendre des photos pour les archives, etc. Le 9 septembre, je suis donc allé sur les lieux du naufrage et je suis monté à bord d'un des deux bateaux. Un des bateaux restait sur place, et des plongeurs canadiens plongeaient pour aller ramasser des corps dans le fond de l'eau et les attachaient à une corde. Il y avait un autre bateau avec huit garde-côtes haïtiens qui était censé ramener les corps du point où le bateau avait échoué jusqu'au bord de l'eau, où les gens, dont des représentants de la Croix-Rouge, attendaient.
On m'avait donné la tâche d'aller prendre des photos pour les archives et, puisque aucun journaliste n'avait accès aux lieux, les photos devaient aussi servir pour les journaux. J'avais pris place dans le bateau qui faisait la navette et dans lequel se trouvaient les huit garde-côtes haïtiens. Au moment où on a sorti les trois premiers corps de l'eau, les garde-côtes n'ont pas voulu ramasser les cadavres par peur de toutes sortes de choses, dont le vaudou. Les policiers de la CIVPOL qui étaient sur place m'ont demandé de prendre charge du bateau et de l'opération de récupération des cadavres.
De 10 h 30 à 16 h 30, pendant toute la journée, j'ai récupéré tout seul 32 cadavres en décomposition. Deux des Haïtiens qui étaient sur le bateau m'ont donné un petit coup de main. Ce fut une journée très éprouvante, qui encore aujourd'hui me blesse énormément.
À mon retour au camp, à la fin de cette journée, j'ai commencé à avoir des problèmes, dont des troubles de sommeil et de concentration. J'avais de la difficulté à affronter tout ce que j'avais vécu et le fait que j'avais eu sur moi tout ce sang et toute cette peau. Pendant trois ou quatre jours, j'ai eu énormément de difficulté à vivre les événements et, au bout de quatre jours, je suis allé voir le médecin. Il a tout de suite diagnostiqué un début de stress post-traumatique relié à l'incident que j'avais vécu et m'a prescrit des médicaments.
Là-bas, il n'y avait pas vraiment de moyens pour nous aider. La seule chose que je pouvais faire, c'était de continuer à travailler mes 14 à 18 heures par jour et d'attendre pendant trois semaines, jusqu'à ce que se termine ma mission en Haïti. En octobre, j'ai été rapatrié à Valcartier, comme toute l'unité.
Le lendemain de mon arrivée à Valcartier, pendant que tout le monde partait en vacances pour profiter enfin du retour, je me suis retrouvé à l'hôpital de Valcartier. J'ai consulté un médecin, un psychiatre et un thérapeute. À partir de ce jour-là, j'ai dû prendre des médicaments à raison de six pilules par jour, et on prévoyait que j'entreprendrais un début de thérapie.
J'ai commencé à voir un travailleur social, qui ne comprenait rien de ce que j'avais vécu et qui n'était pas capable d'assimiler les choses avec moi. J'ai demandé à mon médecin traitant de me recommander un autre travailleur social ou un psychologue qualifié en choc post-traumatique qui pourrait m'aider.
Entre-temps, mon unité est revenue de vacances et mon commandant a ordonné que mon dossier médical soit transféré à mon médecin d'unité, qui n'était pas là. Il n'a jamais été là pendant les deux mois au cours desquels j'ai eu des problèmes afin de me donner un coup de main et il n'a jamais suivi mon dossier. Mon médecin m'a téléphoné pour me dire que mon médecin d'unité allait prendre mon dossier. Cela ne faisait pas mon affaire parce que j'avais déjà vu un thérapeute, un médecin en Haïti, un autre médecin à Valcartier, le Dr Cooper, et un psychiatre à Valcartier, et que tout mon dossier allait être transféré à un autre médecin juste parce que dans les forces, le médecin de l'unité—étant donné que je fais partie d'une unité—est celui qui doit prendre mon dossier.
• 1450
Je me suis opposé à cela, mais mon opposition
n'a rien donné. Ils ont transféré mon dossier, ce qui a
retardé de deux mois mon rendez-vous chez un
thérapeute.
Finalement, mon rendez-vous a été fixé à
janvier. Mon accident est survenu le 9 septembre 1997.
Mon premier rendez-vous avec le psychologue a eu lieu en
janvier.
Entre-temps, le Dr Cooper m'avait donné un congé de maladie pour la période de Noël, mais mon commandant a refusé. Dans les Forces armées canadiennes, c'est ainsi que les choses fonctionnent. Un médecin recommande un congé, mais un commandant d'infanterie a le pouvoir de décider s'il autorise le congé ou pas. Dans mon cas à moi, il m'a refusé mon congé. C'est un commandant que je n'avais jamais vu, et que je n'ai jamais encore vu, qui a décidé qu'il fallait plutôt que j'écoule mes congés annuels. Les Forces armées nous obligent maintenant à écouler nos congés accumulés. Il a donc été décidé que j'allais prendre mes congés annuels accumulés pendant le temps de Noël.
On m'a donc donné un laissez-passer de congé annuel avec mes six pilules par jour. Je suis retourné chez ma famille, à Montréal, et j'ai vécu l'enfer parce que je n'avais pas encore commencé la thérapie à ce moment-là. À mon retour des vacances de Noël, j'ai commencé à voir le nouveau médecin. Je n'avais pas encore eu mon rendez-vous avez le psychologue, et le nouveau médecin a décidé que je devais retourner au travail.
Par contre, il avait été convenu que je ferais un retour au travail graduel, selon ce que je serais capable de faire, étant donné que je ne dormais pas. Je ne dors pas plus aujourd'hui. Je ne dors pas la nuit parce que j'ai des cauchemars.
J'ai donc commencé à réintégrer le travail. À ce moment-là, mon unité est partie à Montréal pour l'opération verglas. Donc, j'ai encore perdu mon médecin, le fameux médecin qu'on m'avait obligé à voir. Je me suis retrouvé encore une fois sans médecin. Je suis alors retourné voir le médecin que je voyais auparavant. Cela faisait quand même mon affaire. Étant donné qu'il y avait un manque de personnel, mon unité a décidé de me faire travailler des heures supplémentaires, à raison de 12 heures par jour, ainsi qu'en fin de semaine, à raison de 14 jours consécutifs. Mon état de santé ne me le permettait pas. Je me suis plaint de cela et ils m'ont dit: «Tu viens quand même travailler en fin de semaine.» Ils ont appelé le médecin de Montréal, que je n'avais vu qu'une fois, et il a dit: «Oui, il est apte à travailler et il peut travailler la fin de semaine et faire des heures supplémentaires.
Cela m'amène au 18 janvier, un jeudi, alors qu'on m'a dit que j'allais travailler toute la fin de semaine. Je n'en étais plus capable. J'avais les nerfs à fleur de peau. Mon état de santé ne faisait que rétrograder depuis mon retour d'Haïti parce que le stress continuait de s'accumuler. Je suis donc allé voir mon médecin et je lui ai dit qu'ils me faisaient travailler des heures supplémentaires. Il m'a envoyé voir le psychiatre. Le psychiatre a dit: «Pas d'heures supplémentaires.» Malgré tout, mon commandant a dit que je devais rentrer travailler.
J'ai alors demandé ma libération des Forces armées canadiennes, parce que je me suis dit que c'en était assez et que mon état de santé passait avant ma carrière. J'ai donc demandé d'être libéré le vendredi matin, le lendemain du jour où on m'a dit que je devais travailler la fin de semaine. À 8 heures le matin, j'ai demandé ma libération et, à 11 heures, j'avais déjà un rendez-vous pour engager le processus de libération. J'ai été libéré le jeudi de la semaine suivante.
Quand j'ai commencé les démarches médicales en vue de mon processus de libération, le fameux docteur qui me suivait depuis le début a trouvé la chose totalement aberrante. Il a recommandé un congé de maladie supplémentaire de deux semaines pour que je me remette. Il disait que j'avais décidé de me faire libérer parce que j'étais sous le choc et que j'avais beaucoup de frustrations. Il m'a signé un congé de maladie de deux semaines pour retarder ma libération, et mon commandant, qui est à Montréal, a encore refusé ce congé de maladie. Le lendemain, je suis retourné voir le médecin pour lui dire que mon congé de maladie avait été refusé. Il en a signé un autre le lendemain. Je l'ai apporté à mon unité, demandant encore deux semaines de congé de maladie. Mon commandant a encore refusé ce congé de maladie.
Donc, je n'avais plus de choix. J'étais découragé. Tout ce que je voulais, c'était foutre le camp. J'étais complètement frustré. Je suis allé voir l'aumônier. Je lui ai expliqué mon cas au complet. C'est censé être la démarche à suivre dans les Forces armées, mais cela marche rarement. Je me suis dit qu'au pire, il saurait ce que j'ai vécu et que le monde connaîtrait un peu ce que j'ai vécu. Je suis allé voir l'aumônier qui, lui, n'a rien pu faire non plus. J'ai été libéré le jeudi suivant. Ensuite, j'ai été placé en congé de fin de service, ce qui comprend tous mes congés accumulés et mes congés annuels.
• 1455
Le fameux laissez-passer de
congé de maladie de Noël a disparu alors qu'on m'avait obligé à prendre
mes congés annuels. Finalement, j'ai pris congé à
Noël. Je n'étais pas en congé de maladie ou en congé
annuel. J'étais en congé
illégal. Je ne sais pas pourquoi le laissez-passer a disparu.
Cependant, j'ai des doutes.
J'ai été en congé de fin de service jusqu'au mois de mars. Mon médecin de Valcartier trouvait que c'était complètement fou de m'avoir laissé partir comme cela. Il m'a rappelé chez moi et m'a donné rendez-vous avec un travailleur social qui fait sa maîtrise en choc post-traumatique à Saint-Jean. Celui-ci m'a vu à Saint-Jean. Depuis ce temps-là, je suis en thérapie avec lui.
J'ai été libéré des Forces armées canadiennes le 8 avril. Entre-temps, j'ai fait ma demande aux Anciens combattants, qui ont reconnu mon choc post-traumatique avec une incapacité de 25 p. 100, ce qui est le maximum qu'ils peuvent accorder. J'ai été vu par deux psychiatres des Anciens combattants, qui ont reconnu que mon état était grave et en voie de chronicité, autrement dit qu'il allait se poursuivre. Ce n'était pas temporaire. Ces deux psychiatres m'ont dit qu'ils ne savaient pas quand je pourrais reprendre le travail, mais que ce ne serait certainement pas avant le mois de septembre de cette année. Pourtant, pour les forces, j'étais prêt à travailler et à faire des heures supplémentaires au mois de janvier.
Actuellement, je vis d'assurance-chômage et je me compte bien chanceux. J'ai quatre mois de congé de maladie à l'assurance-chômage et ensuite j'irai au bien-être social. Si mon état m'empêche de retourner au travail, je vivrai du bien-être social. J'aurai 500 $ par mois à partir du mois d'août.
J'avais une carrière qui était en excellente progression. J'avais un dossier excellent. J'ai eu une mention élogieuse en Haïti. J'ai eu une lettre de remerciements du représentant du secrétaire général des Nations unies. J'ai un dossier impeccable. Pourtant, quand je reviens au pays, on me traite comme de la merde. Que pouvais-je faire? Quels étaient mes choix à part demander ma libération? Rester dans ma chambre et me pendre? C'est à peu près le choix qu'on me laissait, et j'aurais alors fait partie des statistiques des Forces armées canadiennes. On dit qu'il y a le même pourcentage de suicide dans les Forces armées et dans le civil. Dans les armes de combat, on a un pourcentage élevé de suicide et je crois que cela est très relié à la difficulté du travail.
Je me considère chanceux d'être une personne forte. Autrement, je ne sais pas où je serais aujourd'hui après tout ce que j'ai vécu. Je suis venu ici pour partager ce que j'ai vécu parce que j'ai lu sur l'Internet votre article sur la qualité de vie et les deux rapports d'enquête qui ont été faits en ce qui a trait aux gens qui sont allés aux Nations unies. J'ai trouvé dommage de ne pas pouvoir participer à vos audiences quand vous êtes allés à Valcartier. Donc, je suis venu à Ottawa pour partager avec vous ce que j'ai vécu. C'est tout.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci beaucoup, M. Bernath. Nous apprécions votre présence et nous sommes heureux que vous nous fassiez part de vos expériences. Il est évident que cela vous a demandé beaucoup de courage et nous vous en remercions infiniment.
Y a-t-il des questions?
David Price.
[Français]
M. David Price: Je pense que vous l'avez dit entre les lignes, mais vous êtes-vous senti forcé de quitter?
Cplc Patrick Bernath: Ce serait facile de vous dire que je ne suis pas capable d'interpréter les choses, mais le jour où j'ai présenté mon mémo, les gens à qui je l'ai présenté connaissaient très bien mon état de santé. Ils savaient très bien qu'il avait été entendu que je ferais un retour au travail graduel. Ils m'ont ri en plein visage en disant que j'allais faire des heures supplémentaires parce qu'il n'y avait personne d'autre pour en faire. Je leur ai expliqué mon cas. J'ai montré les rapports du psychiatre disant que je ne devais pas faire d'heures supplémentaires. J'ai présenté ma demande de libération et, quand le fameux capitaine à qui j'ai parlé tout au long du processus m'a vu, il a écrit sur ma demande que j'avais mûrement réfléchi ma décision, ce qui est totalement aberrant. C'est une façon facile de bien paraître sur un bout de papier.
Les gens l'ont-ils fait exprès? Tout cela a-t-il été fait exprès? Je ne saurais vous le dire. Toutefois, je peux vous dire que je n'ai jamais eu de soutien. La seule personne qui a voulu me donner du soutien a été le médecin qui me traitait.
M. David Price: Est-ce que vous sentiez que c'était cela?
Cplc Patrick Bernath: Je me suis senti complètement trahi. J'ai tout donné. L'infanterie, c'est une armée un peu à part de l'armée en général. On entre là et on donne vraiment tout ce qu'on a. On donne notre vie 24 heures sur 24, sept jours par semaine. Si ce n'est pas la crise amérindienne, c'est la crise du verglas ou les missions de l'ONU. Ce sont les exercices à Gagetown et à Wainwright.
• 1500
On est toujours partis. On donne
tout ce qu'on peut. Tant et aussi longtemps qu'ils
peuvent prendre le
maximum de nous, ils le font, mais le jour où
on est le
moindrement inaptes ou handicapés....
Ils m'ont amené en Haïti. J'étais handicapé. J'étais dans la catégorie G303, et les Forces pouvaient décider de me renvoyer de l'armée du jour au lendemain à cause de ma catégorie médicale. Cependant, pour elles, j'étais apte à aller sur un terrain opérationnel. En Haïti, j'étais sur un terrain opérationnel, mais j'étais inapte pour le Canada. J'étais inapte tout court à Valcartier.
Ils m'amènent en Haïti. Là-bas, je donne encore mon maximum. J'ai vraiment donné mon maximum. Il m'est arrivé ce qui m'est arrivé, et ensuite tout a dégringolé. Pourtant, j'ai sonné l'alerte. J'ai dit que j'avais mal et que j'avais de la misère. La seule personne qui voulait m'aider, c'était mon médecin. La seule personne qui avait autorité sur lui n'a jamais vu mon médecin. Elle ne m'a jamais vu, et moi non plus, mais elle a décidé de me refuser trois laissez-passer de congé de maladie. C'est ce qui a fait qu'aujourd'hui, je ne suis plus dans dans l'armée, je n'ai plus de carrière, je suis handicapé à une épaule, j'ai un problème de choc post-traumatique et je ne sais pas quand le tout va revenir à la normale. Je ne serai plus jamais celui que j'étais et je ne sais pas du tout où je m'en vais aujourd'hui.
M. David Price: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Wood): David Pratt.
M. David Pratt: Caporal-chef, il est évident que votre épaule vous cause encore des problèmes.
Cplc Patrick Bernath: J'ai subi une capsulorraphie. On a bloqué mon épaule pour qu'elle ne se déboîte plus. Je ne peux pas aller plus loin que cela en arrière. Je peux faire tout en avant, mais je ne peux mettre mon bras derrière mon dos à cause d'un accident qui s'est produit dans les forces armées. Cette blessure m'a coûté des emplois dans le civil, car je ne peux absolument pas passer un examen médical pour une entreprise avec mon épaule.
L'armée a diagnostiqué chez moi un syndrome de stress post-traumatique, mais les civils vont prendre cela pour une dépression. Quand on souffre d'une dépression, là encore, il y a des milliers d'emplois, au casino notamment, qu'on ne peut occuper. J'ignore donc où je m'en vais.
M. David Pratt: Monsieur, pouvez-vous me dire si vous subissez n'importe quel type de traitement à l'heure actuelle pour ce stress post-traumatique?
Cplc Patrick Bernath: Je suis deux thérapies par semaine, une avec un psychiatre qui m'a été recommandé par le ministère des Anciens combattants et une autre avec un travailleur social, à Saint-Jean. Pour suivre ma thérapie, je dois me rendre une journée par semaine à Saint-Jean et une autre à Montréal.
M. David Pratt: Est-ce que vous trouvez que cela vous aide?
Cplc Patrick Bernath: Je trouve cela très difficile. Le psychiatre affirme que si j'avais simplement mon syndrome de stress post-traumatique, je pourrais, avec le temps, surmonter cela. Cependant, avec toute l'amertume que j'ai au sujet de tout ce que les Forces canadiennes m'ont fait depuis, je vais avoir bien du mal à surmonter cela, car je souffre beaucoup intérieurement du traitement qu'on m'a réservé.
M. David Pratt: Avez-vous gardé contact avec les autres qui servaient avec vous à Haïti? Avez-vous des contacts? Savez-vous s'ils éprouvent des problèmes semblables?
Cplc Patrick Bernath: Dans le cas des plongeurs, je sais qu'une fille a eu des problèmes. Il y a un policier qui a plongé également. Il travaille pour la GRC et il s'occupe des enquêtes sur les lieux d'un crime. Il a l'habitude de sortir des gens qui sont morts. Il éprouve des problèmes également.
Pour ma part, je sais que j'éprouve beaucoup de problèmes. C'est nous qui étions sur place. Les autres militaires étaient loin derrière. Chaque fois que je ramenais des corps, je les donnais à la Croix-Rouge et non à l'armée. J'ai été là de 10 heures à 16 h 30 à sortir des corps qui étaient en décomposition, avec tout le sang qui me coulait dessus. Je n'avais qu'une paire de gants pour toute la journée. Ces gants étaient coupés, j'avais donc des coupures sur mes bras et mes mains et le sang des victimes s'infiltrait dans ces coupures. C'était une journée horrible.
Depuis, j'ai du mal à dormir. J'ai du mal à me concentrer. Je n'ai aucune concentration. J'éprouve beaucoup de problèmes.
J'ai présenté une demande de réparation d'une injustice. J'aurais pu le faire lorsque j'étais à Valcartier et qu'on me traitait, mais je ne pouvais attendre un an ou six mois que la question soit réglée alors qu'ignorais où j'allais aboutir. J'ai donc quitté l'armée. Cependant, avant la date de ma libération, j'ai présenté une demande de réparation d'une injustice et attendu un mois et demi un accusé de réception. J'ai appelé les autorités, et on avait perdu ma demande, on devait la chercher. La procédure n'est donc même pas encore entamée. Cela fait deux mois que j'ai présenté ma demande et rien n'a encore bougé. J'ai six mois d'attente et ensuite, on soumettra la demande à un autre comité, si les Forces canadiennes veulent soumettre la demande à un niveau supérieur. Ainsi, j'ignore tout, je n'aurai aucune nouvelle pendant six mois, c'est certain, peut-être même un an, au sujet de ma demande. De plus, je n'ai absolument aucune confiance dans la nouvelle que je vais recevoir.
M. David Pratt: À la réflexion, pensez-vous qu'un ombudsman aurait pu vous aider dans votre...
Cplc Patrick Bernath: J'ai présenté une plainte à l'ombudsman avant même de faire une demande de réparation. L'ombudsman est le général Cox. Il est l'ombudsman pour la Force terrestre.
Je sais qu'il va donner suite à ce que je lui ai dit. Il a pris tous les documents. Je lui ai envoyé une copie de ma demande de réparation. Il va changer le système, c'est certain, avec ce que je lui ai dit. Il a posé des questions. Il a demandé pourquoi on m'avait laisser aller à Haïti avec mon épaule, alors que les documents pertinents disaient que je ne pouvais le faire, pourquoi un officier d'infanterie a décidé, à la place d'un médecin, qui a étudié dans le domaine de la santé, si oui ou non une personne devrait avoir un congé pour raisons médicales.
Je suis persuadé qu'il prendra toutes ces questions en considération et posera les bonnes questions aux bonnes personnes, mais cela ne me donnera rien. Cela ne résoudra pas mes problèmes. Ce n'est que pour les générations futures de soldats, peut-être. Pour moi, l'ombudsman ne changera rien. Il vérifie tout et il essaie de changer le système, mais il ne peut rien changer à ce qui m'est arrivé. On ne lui permet pas de procéder à une véritable enquête, de poser de véritables questions. Il est juste là pour essayer de savoir ce qui s'est produit et pour essayer de changer les choses, et je suis persuadé qu'il va le faire.
J'ai lu dans une note de service qui a été envoyée à Saint- Jean, et probablement à toutes les bases au Canada, que dorénavant—et c'était il y a un mois—les médecins ne recommanderont plus... Dans le cas d'une permission de congé, un médecin ne présentera plus une recommandation mais approuvera la demande. Ainsi, le commandant de l'unité n'aura pas le choix de refuser ou d'approuver.
J'ai peut-être quelque chose à voir dans ce changement. C'est peut-être attribuable à ce que le général a fait. Je l'ignore, on ne m'a pas informé là-dessus, mais j'ai vu cette note de service. Ainsi, si mon cas se reproduisait aujourd'hui, plutôt qu'en septembre, mon commandant ne pourrait en aucune façon me refuser mes trois congés et on aurait probablement pris soin de moi et je ne serais pas ici aujourd'hui.
M. David Pratt: Merci de nous avoir parlé aujourd'hui.
Cplc Patrick Bernath: Je vous en prie.
Le vice-président (M. Bob Wood): Qu'est-il arrivé à votre commandant à Valcartier qui vous a envoyé là? Vous n'en parlez pas beaucoup. Que s'est-il produit?
Cplc Patrick Bernath: Tous les deux ans, nous changeons de commandant. On avait retardé cela à cause de notre participation à cette opération des Nations Unies. À notre retour à Valcartier, au lieu de partir en vacances, nous avons eu droit à trois jours de parade pour marquer le changement de commandant.
Le lieutenant-colonel Brisebois a été remplacé par le lieutenant-colonel Tremblay à notre retour d'Haïti. Ainsi, mon ancien commandant est allé au Secteur du Québec de la Force terrestre, à Montréal, et le nouveau commandant est arrivé.
Ce gars, je ne sais pas; je n'ai jamais travaillé avec lui. Je ne l'ai jamais vu. Je sais d'où il vient dans l'armée, et il a pris des décisions au sujet de ma vie et de ma carrière sans me voir et sans me poser de questions quant à savoir si oui ou non...
Le vice-président (M. Bob Wood): Vous avez dit que vous étiez là seul. Où était le reste de vos collègues quand vous faisiez cela? Ne sont-ils pas là pour vous assurer un certain appui? Comment se fait-il que vous vous soyez retrouvé seul?
Cplc Patrick Bernath: Il y avait des plongeurs. Ils étaient à terre et par groupe de deux, ils se rendaient avec un bateau en plastique là où le bateau avait coulé. Il y avait là un bateau, immobile, avec à bord deux policiers et un adjudant qualifiés pour la plongée en eau profonde, ce dont on avait besoin. Ils sont restés à bord du bateau.
On m'a dit de me rendre sur l'autre bateau pour prendre des photos parce que ce bateau bougeait de haut en bas, ballotté par les vagues, et je pouvais prendre des photos partout. J'étais donc seul avec ces huit gardes côtiers haïtiens pour prendre des photographies, et lorsque les trois corps...
Mes hommes étaient sous l'eau à sortir les corps que les Haïtiens ne voulaient pas aller chercher et ramener à terre. Ainsi, les gars à bord du bateau m'ont dit: «Patrick, tu devrais prendre la situation en main, car nous faisons ce travail et les Haïtiens ne veulent pas nous aider. Nous ne pouvons pas laisser les corps ici, juste les sortir et les laisser à 150 mètres au large des côtes.»
• 1510
J'ai donc pris la situation en main. Ils ne voulaient pas
sortir les corps. J'ai donc donné l'exemple et j'ai sorti moi-même
les corps. J'ai toujours eu du mal avec les morts et j'ai toujours
eu peur des morts. Je devais faire cela. Lorsque je suis revenu à
terre, je cherchais de l'aide, la première fois que je suis revenu.
Cependant, lorsque vous êtes plein de sang et que cela sent si
mauvais, et vous sortez les morts avec une petite civière...
Vous savez, je ne blâme pas mes amis de n'être pas venus me voir pour me proposer de prendre ma place.» Le mal était déjà fait dans mon cas et je ne voulais pas soumettre qui que ce soit d'autre à cela. Je suis donc resté là toute la journée.
Le vice-président (M. Bob Wood): Madame Venne.
[Français]
Mme Pierrette Venne: Tout à l'heure, lorsque vous avez répondu à M. Pratt, vous avez dit que vous aviez rencontré un ombudsman. Ce n'est certainement pas possible parce qu'il n'est pas encore nommé. Je crois qu'il sera nommé la semaine prochaine.
Cplc Patrick Bernath: Dans l'armée de terre, on a nommé...
Mme Pierrette Venne: Cette personne détient probablement un autre titre.
Cplc Patrick Bernath: C'est le Chief of the Land Staff qui traite les plaintes. Il fait la même chose qu'un ombudsman, mais pour l'armée de terre seulement.
Mme Pierrette Venne: Sauf qu'il n'a pas de pouvoir.
Cplc Patrick Bernath: Il a le pouvoir de poser des questions sur ce qui s'est passé et d'essayer de changer les choses. Il ne fait pas une enquête réelle en vue de punir les gens, mais plutôt une enquête en vue de savoir ce qui s'est passé et d'essayer de changer le système.
Mme Pierrette Venne: C'est sûr qu'un ombudsman aurait plus de pouvoirs. Enfin, je l'espère.
Cplc Patrick Bernath: Je ne sais même pas ce qu'est un syndicat. Je me suis engagé dans les forces à 18 ans. Avant qu'on parle de l'ombudsman, je ne savais même pas ce que c'était. Pouvoir parler directement avec un général, pour moi qui suis dans l'infanterie... Il a tout fallu pour que je l'appelle parce que c'était quelque chose de nouveau. On a une voie hiérarchique et, malheureusement, les soldats, les caporaux et les caporaux-chefs se font arrêter à des niveaux beaucoup plus bas. Si j'étais passé par ma voie hiérarchique, il aurait fallu que je passe par-dessus mon colonel, qui est la personne directement reliée à mon problème. Ma cause ne serait jamais allée plus loin et je ne sais pas où je serais. Il a fallu que je quitte les forces. Maintenant, comme civil, je peux me permettre ce que je veux, y compris venir vous parler ici aujourd'hui.
Mme Pierrette Venne: Les militaires qui sont dans la salle sont aussi censés pouvoir nous parler ouvertement. J'espère que c'est ce qu'ils vont faire.
Cplc Patrick Bernath: Je n'en ai aucun doute et je le souhaite.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci.
M. David Pratt: Le caporal-chef pourrait peut-être laisser son nom, son adresse et son numéro de téléphone au greffier, à l'arrière.
Le vice-président (M. Bob Wood): C'est maintenant le tour du caporal-chef Suzanne Charest.
[Français]
Caporal-chef Suzanne Charest (témoigne à titre personnel): Bonjour, messieurs et madame.
[Traduction]
Je suis le caporal-chef Charest, et mon conjoint et moi sommes tous deux membres des forces armées. Nous avons deux enfants. Mon mari est dans les Forces canadiennes depuis environ 16 ans. Dans mon cas, cela fait 10 ans. Nous nous sommes tous deux joints à l'armée parce que nous aimions la vie que les Forces canadiennes nous offraient et nous prévoyons tous deux faire carrière dans les Forces canadiennes.
Cependant, mon conjoint a été affecté à Bagotville en août 1996 et je suis restée ici, à Ottawa. Nous sommes séparés depuis deux ans. Nous connaissons d'autres cas où on a réglé la question en moins de temps. Nous essayons de savoir pourquoi on traite différemment certains membres des Forces canadiennes. Pourquoi ne sommes-nous pas tous traités de la même façon et n'avons-nous pas la chance d'être réunis? Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Qui a pris ces décisions Suzanne? Des gestionnaires de carrières?
Cplc Suzanne Charest: Dans les Forces canadiennes, nous avons des gestionnaires de carrières qui s'occupent de nous. Nous avons deux gestionnaires de carrières différents, car nous sommes dans deux métiers différents.
Le vice-président (M. Bob Wood): Ils ont tous deux refusé de vous réunir avec votre mari. Il est évident qu'ils ont tous deux rejeté votre requête, n'est-ce pas?
Cplc Suzanne Charest: Oui, bien entendu.
Le vice-président (M. Bob Wood): Y a-t-il des questions?
[Français]
Mme Pierrette Venne: Quelle raison a été invoquée pour refuser votre demande?
Cplc Suzanne Charest: Notre histoire est la suivante. Mon conjoint a été transféré parce que son poste à l'école de soudure du CETQ a été monté au grade de sergent. Puisqu'il était caporal-chef, il ne pouvait pas continuer à occuper ce poste et il devait partir. À l'époque, nous n'avions été ici que pendant trois ans. Il n'y avait supposément aucune justification pour ce que je sois mutée à cette époque-là, en 1996.
Mme Pierrette Venne: J'imagine que vous avez invoqué des raisons familiales pour le rejoindre et qu'on n'en a pas tenu compte.
Cplc Suzanne Charest: Non, pas jusqu'à maintenant.
Mme Pierrette Venne: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Wood): Suzanne, nous avons entendu beaucoup d'histoires d'horreur concernant des situations semblables à la vôtre. Nous devons rencontrer les gestionnaires de carrières demain; cette rencontre devrait être intéressante. Vous n'êtes certainement pas seule dans votre cas. De nombreuses autres familles ont vécu une situation semblable et j'espère que nous pourrons suggérer une orientation différente. La rencontre sera intéressante.
Merci.
Cplc Suzanne Charest: Merci, monsieur.
Le vice-président (M. Bob Wood): Notre prochain témoin est M. Mark Paine.
M. Mark Paine (témoigne à titre personnel): Mesdames et messieurs les membres du comité, je suis heureux de me trouver ici. Je suis un drôle d'animal. J'ai été réserviste, mais pour employer une expression politiquement correcte, j'ai été membre des forces armées. Je suis également fonctionnaire au ministère de la Défense nationale. Je présente donc mon point de vue à plusieurs titres.
Je voudrais discuter très brièvement de quatre choses avec vous. Vous en avez probablement déjà entendu parler durant les délibérations que vous avez tenues un peu partout au Canada et pendant votre récent voyage en Bosnie. Ces questions sont la réserve, les inégalités salariales, la qualité de vie et, dernièrement, ce que j'appelle la propriété.
Je parlerai tout d'abord de la réserve. Lorsque j'étais membre des forces de réserve, de 1981 à 1985, les réservistes étaient traités comme des citoyens de deuxième catégorie. Nous étions les soldats à temps partiel, les guerriers du dimanche. Les membres des forces armées se moquaient de ce que nous faisions. Puis, nous avons transféré cela au Cadre des instructeurs des cadets. On n'a fait que déplacer le problème.
L'histoire a démontré que les forces de réserve ont joué un rôle très important dans les Forces canadiennes et dans la défense de notre pays. Le ministère de la Défense nationale n'a que tout récemment adopté un programme amélioré de soldes et d'avantages sociaux à l'intention des réservistes. Ce programme reconnaît les états de service des réservistes et l'importance de leur rôle. La question des pensions continue cependant de laisser à désirer.
En tant que fonctionnaire, j'ai droit à une pension après un certain nombre d'années de service. Les membres des forces armées qui ont accumulé 20 ans d'ancienneté et qui quittent les forces reçoivent une pension. Dans le cas du programme de soldes et d'avantages sociaux, les réservistes qui prennent leur retraite après un certain nombre d'années obtiennent un montant forfaitaire déterminé en fonction du nombre d'années de services. Est-ce équitable, en regard du régime de pensions dont bénéficient les membres des forces armées? La réponse est probablement non. Cela comporte cependant des coûts, mais c'est une question différente que je n'aborderai pas immédiatement.
Je voudrais maintenant parler de l'inégalité salariale. Vous avez certainement entendu parler des inégalités salariales entre les secteurs privé et public et les Forces armées canadiennes. Il est dérisoire de comparer le travail d'un caporal-chef ou d'un sergent à celui d'un chauffeur d'autobus dans une ville. Ces militaires mettent en oeuvre la politique étrangère que vous-même avez définie à la Chambre des communes. Vous agissez par l'intermédiaire des militaires et c'est pourquoi il est inacceptable de soumettre leur travail à ce genre de comparaison. Ils doivent être rémunérés en fonction des efforts qu'ils font. J'en suis convaincu.
La troisième question est la qualité de vie. La qualité de vie au sein des forces armées, le moral, etc., dépendent du budget dont dispose le ministère pour mener à bien ses activités. En ce qui a trait au livre blanc de 1994, qui a été réexaminé en 1997, le ministre a reconnu qu'il correspondait à ce que font les forces armées. Or, de 1994 à 1997, le budget du ministère a subi des coupes sombres, l'effectif a été considérablement réduit, mais la politique du livre blanc n'a pas changé. Les tâches sont demeurées les mêmes et les forces armées conservent, de façon générale, une triple mission: défendre le Canada, défendre l'Amérique du Nord et contribuer à la paix et à la sécurité nationales.
• 1520
Aucun de ces rôles n'a été supprimé, et pourtant on a sabré
dans les effectifs et dans le budget. Cela a une influence sur le
personnel. D'ailleurs, l'épuisement et la fatigue vont gagner le
personnel et le matériel et c'est une chose dont vous, les gens qui
sont assis autour de cette table, devriez être conscients car il va
falloir que vous fassiez quelque chose à ce propos.
En ce qui concerne la qualité de vie et l'assistance à ses employés, le ministère était l'un des chefs de file de ce pays dans un domaine bien particulier, celui des programmes d'éducation sur les drogues et l'alcool. Nous étions à la fine pointe de ce qui se faisait en la matière. Le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies s'est inspiré de nos modèles ainsi qu'Imperial Oil et la Fondation manitobaine de lutte contre l'alcoolisme. Tous se sont intéressés à ce que nous faisions. Mais les compressions budgétaires ont sonné le glas de ces programmes. Nous sommes passés de cinq centres de traitement des toxicomanies à un seul, et d'après les renseignements que j'ai, il est question qu'il ferme sous peu.
À la Chambre des communes, il y a beaucoup de gens qui disent que le ministère de la Défense devrait réduire «le ratio dents- queue», c'est-à-dire qu'ils aimeraient voir un ratio supérieur de troupes combattantes par rapport au personnel de soutien logistique. L'amélioration de la qualité de vie dépend du soutien logistique, par conséquent, on risque de voir une augmentation dans ce domaine. Est-ce quelque chose d'acceptable pour la Chambre des communes? Je ne sais pas. C'est une question sur laquelle vous allez devoir vous pencher. Cela m'amène à ce que j'appelle la prise en charge.
Vous avez entendu les témoignages des gens, d'un bout à l'autre du pays. Vous avez entendu, le bon, le mauvais et le très mauvais, il vous incombe maintenant de faire quelque chose. En écoutant ces histoires, vous avez créé des attentes, vous avez pris ces problèmes en charge. La seule chose que je puisse faire est de vous exhorter tous à mettre de côté votre affiliation politique et à travailler ensemble à l'amélioration, non seulement des Forces canadiennes, mais du pays en général.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Bob Wood): Je vous remercie, Monsieur Paine.
Je crois que M. Pratt a une question.
M. David Pratt: Ce n'est pas tant une question qu'une observation que j'aimerais faire au sujet de ce que qu'a dit M. Paine concernant l'iniquité salariale, la qualité de vie et les compressions budgétaires. La seule chose que je puisse ajouter à vos propos sur chacune de ces questions c'est que je suis entièrement d'accord avec vous.
M. Mark Paine: Le gouvernement fédéral doit s'attaquer au déficit, cela ne fait aucun doute. Les Forces canadiennes admettent qu'il doit diminuer, et ce, pour le bien de tous. Nous le comprenons et nous avons fait notre part.
Je crois que vous constaterez qu'il n'y a plus de gras, bien que les tâches soient toujours là. Nos troupes continuent à être déployées à travers le monde. Il semble que nous allons rester en Bosnie pendant encore au moins trois ans. Je crois que les Britanniques et la presse ont mentionné cinq ans. Ce n'est pas gratuit et c'est à vous de décider comment répartir l'argent. Est- ce qu'il va aux victimes de l'hépatite C, à la lutte contre le sida ou à renouveler les stocks de saumon? Où doit-il aller, quelles sont les priorités, et qu'est-ce qui est important? Est-ce que les personnes qui sont derrière moi sont importantes à vos yeux ou non? Si elle ne le sont pas, renvoyez-les toutes chez elles, si elles le sont, donnez-leur l'argent et les outils nécessaires pour faire leur travail. Voilà ce que j'aimerais vous faire comprendre.
M. David Pratt: Si vous avez suivi les travaux de notre comité depuis cinq mois, vous savez que nous avons tous adopté une approche non partisane, laissant de côté la politique.
M. Mark Paine: C'est là que se trouve le problème pour vous maintenant; il va falloir que vous convainquiez vos caucus que c'est important et qu'ils devraient abandonner tout parti pris politique afin de s'attaquer au problème. C'est clairement le rôle qui vous incombe.
M. David Pratt: Cela fait partie du processus éducatif qui, je pense, est inhérent au travail que nous faisons. C'est un défi que chacun d'entre nous a accepté. Le seul point sur lequel je serais en désaccord avec vous c'est que je ne crois pas que les questions concernant la qualité de vie soient reliées à l'amélioration du soutien logistique. La qualité de la vie—et bien des personnes d'un bout à l'autre du pays nous l'ont dit—est liée directement à la capacité opérationnelle et au potentiel de combat. Si, sur le théâtre des opérations, les soldats, les aviateurs ou les marins sont heureux, cela a une influence directe sur leur efficacité. S'ils n'ont pas à se soucier de leur toit qui fuit à Edmonton ou à Gagetown ou des problèmes que leur femme éprouve à faire garder leurs enfants, leur rendement n'en sera que meilleur.
M. Mark Paine: Le bien-être et le soi-disant bonheur des soldats ont une influence directe sur l'efficacité opérationnelle. Quand je parle de soutien logistique, je veux dire qu'il est coûteux de mettre en place les services auxiliaires nécessaires.
M. David Pratt: Je ne vous dis pas le contraire.
M. Mark Paine: Appeler sa femme peut coûter très cher.
M. David Pratt: Mais ça aussi c'est nécessaire.
M. Mark Paine: Absolument, cela a une influence directe.
Le vice-président (M. Bob Wood): Je vous remercie, Monsieur Paine.
M. Mark Paine: Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Comme vous pouvez le constater, M. Clouthier s'est joint à nous. Bienvenue à bord, Hector. Je vous sais gré d'être des nôtres cet après-midi.
Le témoin suivant est le capitaine Gwen McEachern.
Le capitaine Gwen McEachern (témoigne à titre personnel): Bonjour. Tout d'abord, j'aimerais dire que c'est un plaisir de prendre la parole devant vous. Merci mon Dieu pour ce forum. Du temps de mes parents et de mes grands-parents et depuis que je suis dans l'armée, une telle occasion ne s'est jamais présentée. Je pense que vous faites un travail formidable. Quand votre rapport sortira, notre bureau se fera un plaisir de le lire.
Cela fait maintenant 17 ans que je sers dans les Forces canadiennes; j'ai été stationnée dans dix bases différentes. J'ai toujours aimé faire partie des forces armées et je suis heureuse d'avoir fait ce choix. À l'heure actuelle, je travaille à la Direction du traitement des comptes, solde et pensions. Je suis officier d'état-major responsable de la solde. Je suis sûre que vous avez beaucoup entendu parler de rémunération.
Aujourd'hui, j'aimerais parler de notre programme de prime au rendement. Dans les Forces canadiennes, chaque année, on touche une prime. Les capitaines peuvent en toucher jusqu'à dix. C'est-à-dire que pendant dix ans, ils gagnent chaque année un peu plus.
Par ailleurs, dans les Forces canadiennes, il existe une catégorie d'individus qui exercent un contrôle total sur votre vie—les gestionnaires de carrières. Ce sont eux qui décident de votre promotion, de votre mutation, ils font ce qu'ils veulent de votre carrière. Ils sont extrêmement puissants. Je n'exagère pas et j'ai le droit de penser ce que je veux.
Quand j'ai commencé ma carrière, j'étais militaire du rang et j'ai été choisie pour le Programme de formation universitaire des militaires du rang. Je suis allée au Collège militaire royal. J'avais un droit acquis à ma solde de militaire du rang, ce qui veut dire que pendant mes études en tant qu'officier, je ne pouvais recevoir une solde inférieure.
Quand on devient lieutenant et qu'on est promu au grade de capitaine, le gestionnaire de carrières décide du jour d'entrée en vigueur de la promotion. Certains gestionnaires de carrières choisissent le jour anniversaire de la fin de nos études, ce qui pour beaucoup d'entre nous est le 1er mai, car quand on sort du collège militaire, c'est toujours le 1er mai.
Par contre, d'autres gestionnaires de carrières choisissent le 2 mai. Quand une personne qui avait une solde garantie de militaire du rang passe à la catégorie de prime de rendement des capitaines et qu'elle est promue le lendemain, elle passe à une catégorie supérieure que si elle avait été promue la veille. Cela peut sembler insignifiant de parler d'être promu le 1er ou le 2 mai, et pour beaucoup c'est effectivement insignifiant.
Pour un grand nombre de ceux qui suivent le PFOR cela n'a aucune importance—pardon, c'est le Programme de formation des officiers de la Force régulière. Pour ma part, étant sortie du rang, cela se traduit par 1 680 $ de moins par an, et ce, aussi longtemps que je serai capitaine; il se pourrait également que ce désavantage ait des répercussions sur ma pension de retraite. Ce problème touche une cinquantaine de personnes par an et ce programme existe depuis des années.
C'est injuste. Certains gestionnaires de carrières accordent des promotions le 2 mai, donnant à leurs gens l'avantage d'un barème salarial plus élevé pour le reste de leur carrière. Certains gestionnaires de carrières ne le font pas. Et puis il y a une troisième catégorie de gestionnaires de carrières qui le font pour un lieutenant, mais pas pour un autre.
• 1530
En tant que responsable de la solde, c'est à moi qu'il incombe
d'expliquer tout cela aux personnes concernées et de leur dire: «Je
suis désolée, mais votre gestionnaire de carrières vous a promu ce
jour-là. Je ne peux rien pour vous.» Et pourtant, une autre
personne qui fait exactement le même travail, au bureau d'à côté,
gagne plus, simplement parce que son gestionnaire de carrières a
décidé de lui faire une fleur et de le placer à un échelon
supérieur dans l'échelle des primes au rendement en lui accordant
sa promotion le 2 mai. Je pense que c'est vraiment injuste.
Ce n'est pas la seule chose que je trouve injuste dans le système de rémunération, mais aujourd'hui, je me contenterai de parler uniquement de cette question. Si je puis me permettre de faire une suggestion, peu m'importe la date que l'on choisira. Mais que toutes les promotions prennent effet le jour anniversaire de la fin de nos études ou le lendemain. Tous les gestionnaires de carrières des Forces canadiennes devraient traiter tout le monde de la même façon. Je trouve qu'on ne devrait pas permettre qu'ils puissent dire: «Oh! Je connais le lieutenant de marine Smith, je vais lui accorder sa promotion le 2 mai, mais comme je ne connais pas le lieutenant de marine Bloggan je ne la lui accorderai pas ce jour-là.» Je trouve cela très injuste.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. Bob Wood): Je vous remercie, capitaine. Y a-t-il des questions?
M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Capitaine, corrigez-moi si j'ai tort, mais si j'ai bien compris d'après votre déposition, ce sont les gestionnaires de carrières qui décident des promotions? Est-ce exact?
Capt Gwen McEachern: Votre dossier est étudié par un conseil de révision des carrières, qui cote tout le monde et qui prend la décision de promouvoir 50 ou 70 p. 100 des gens. Il peut promouvoir dix personnes à un poste important, selon leur classification ou le genre de travail qu'elles font. Le conseil examine donc beaucoup de dossiers et décide, par exemple, d'accorder une promotion aux 15 personnes qui ont la cote la plus élevée. Les dossiers sont alors remis aux gestionnaires de carrières et ce sont eux qui ont la responsabilité d'émettre l'avis de promotion. Ils peuvent donc décider qu'elle entre en vigueur le 1er ou le 2 mai.
M. Hec Clouthier: Jusqu'à quel grade est-ce que ça s'applique? Est-ce que ça touche aussi les officiers commissionnés? Est-ce qu'un gestionnaire de carrière pourrait dire, par exemple, qu'il veut faire avancer un brigadier-général? Est-ce que c'est ça que vous voulez dire?
Capt Gwen McEachern: Non. Quand une personne qui est sortie du rang devient officier, la date de sa promotion a des conséquences pour sa solde.
M. Hec Clouthier: Donc, le gestionnaire de carrières ne serait responsable que de l'augmentation de la solde et non de la promotion du grade de capitaine à celui de major.
Capt Gwen McEachern: C'est lui qui rédige l'avis annonçant que vous êtes promu le 1er ou le 2 mai, ou encore à une autre date. Il est responsable de cette personne, et certains gestionnaires de carrières avantagent leurs gens en choisissant le 2 mai.
M. Hec Clouthier: D'accord. C'est la première fois que j'en entends parler. Je suis très surpris.
Le vice-président (M. Bob Wood): Capitaine, est-ce que toutes ces promotions sont accordées pendant cette période en mai?
Capt Gwen McEachern: Au service de la logistique, nous avons un taux de promotion de 70 p. 100; donc, s'ils ont une bonne évaluation et si ce sont de bons lieutenants, la plupart des gens peuvent devenir capitaine dans la période allouée. On appelle période allouée les trois ans pendant lesquels il faut être sous- lieutenant avant de pouvoir entrer dans ce qu'on appelle la zone de promotion. Quand on est dans la zone de promotion, on peut être promu. Nous entrons dans cette zone le 1er mai. Par conséquent, la plupart des gens sont promus le 1er mai, s'ils font partie des 70 p. 100 supérieurs.
Le vice-président (M. Bob Wood): Vous aimeriez qu'on uniformise les choses.
Capt Gwen McEachern: J'aimerais voir une déclaration de principe qui obligerait tous les gestionnaires de carrières à promouvoir tout le monde soit le 1er mai soit le 2 mai. Peu m'importe la date qui sera choisie, mais ce devrait être la même pour toutes les personnes sorties du rang.
Des Voix: Bravo!
Le vice-président (M. Bob Wood): Bien. Je vous remercie infiniment.
Le témoin suivant est le capitaine Renée Forcier.
[Français]
Capitaine Renée Forcier (témoigne à titre personnel): Bonjour, madame et messieurs.
Demain, vous rencontrerez les gérants de carrière et j'aimerais exprimer un point de vue qui les touche plus précisément. Je vous donnerai un court préambule et parlerai des changements de politique dans la gestion des carrières qui peuvent affecter la carrière des militaires qui servent en ce moment, ainsi que de l'éducation.
Dorénavant, tous les officiers qui seront recrutés par le centre de recrutement devront détenir un baccalauréat. On sait qu'une forte majorité des officiers qui sont dans les forces présentement ne possèdent pas de baccalauréat. Quand je parle d'une forte majorité, ne me prenez pas au mot. Je pense qu'environ 40 p. 100 des officiers ne détiennent pas de baccalauréat.
Afin d'être compétitif au niveau des promotions, des cours et ainsi de suite, il faut poursuivre des études à temps partiel afin d'obtenir un baccalauréat, ce qui prend en moyenne de trois à six ans. Cela n'est possible que si on n'a pas de surcharge de travail, que si on ne participe pas à des missions des Nations unies et ainsi de suite, et il est également difficile de concilier cela avec les exigences de la vie familiale.
On peut aussi participer au programme universitaire pour les officiers, bien que seule une petite majorité d'officiers puisse y accéder. Naturellement, il y a une question de budget. Cela rejoint dans un certain sens ce que disait plus tôt le sergent Sabourin au sujet des militaires du rang. C'est la même chose pour les officiers au niveau du baccalauréat; ils ne sont pas nombreux. La situation est sensiblement la même. Je ne parlerai pas des étudiants de troisième cycle, mais seulement du baccalauréat. Déjà là, nous devons payer nos études pour en arriver là.
J'aimerais savoir quels mécanismes on a prévus afin de ne pas pénaliser les officiers qui n'ont pas un baccalauréat lorsqu'on les conseille sur leur progression de carrière. On peut maintenant suivre des cours au sein des forces par le biais du collège militaire entre autres, mais il y a encore là des limites. Il vient d'être ouvert. On y offre beaucoup de cours, mais ils sont tellement surchargés qu'il y a de nombreux cours auxquels on ne peut pas avoir accès.
Je ne saurais parler pour les anglophones, mais en tant que francophone, je dois suivre certains cours en anglais parce qu'ils ne sont pas encore offerts en français. On me permet de rédiger mes travaux et examens en français, mais je suis quand même obligée de suivre les cours en anglais.
Lorsqu'on est muté à une base, on fréquente l'université civile de la région, et lorsqu'on est à nouveau muté à une autre base, il faut demander à la nouvelle université de nous accorder des crédits pour les cours suivis antérieurement, ce qu'on nous refuse souvent, question de politique. C'est toujours la roue qui recommence tout le temps. Il est bien difficile d'obtenir un baccalauréat si on ne l'a pas obtenu auparavant.
Les Forces armées nous ont quand même acceptés comme cela, sans baccalauréat, pour devenir officiers, mais nous ne serons pas compétitifs face à nos confrères qui vont s'engager dans les forces munis d'un baccalauréat.
C'est le point de vue que je voulais faire prévaloir. Demain, lorsque vous rencontrerez les conseillers de carrière, il serait utile de leur demander ce qu'ils entendent faire à cet égard. Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Wood): Je vous remercie infiniment. Y a-t-il des questions?
Le matelot-chef Rockwell.
Le matelot-chef Norman Rockwell (témoigne à titre personnel): Bonjour.
Je suis ici cet après-midi pour parler de quatre choses que j'ai remarquées dernièrement du fait de ma situation personnelle. Elles ont des conséquences financières.
• 1540
Je me suis rendu compte depuis que je suis arrivé ici de
Terre-Neuve, ayant déménagé de la BFC Gander à Ottawa, que du fait
des frais de déménagement que j'ai encourus et des allocations
supplémentaires que j'ai reçues pour couvrir les honoraires
immobiliers, les frais de déménagements et autres, quand je
soumettrai ma déclaration de revenu, l'année prochaine, la
prestation fiscale que je reçois pour mes trois enfants sera
réduite en conséquence.
Quand nous étions à Terre-Neuve, nous travaillions tous les deux; je suis toujours dans les Forces canadiennes, mais ma femme, qui est infirmière, a perdu son emploi quand nous avons déménagé. Elle a travaillé pendant les quatre années que nous avons passées à Terre-Neuve, et maintenant nous ne pouvons plus compter sur son revenu. Mais lorsque nous déclarerons nos deux revenus, automatiquement, quel que soit notre revenu cette année, la prestation fiscale pour enfants diminuera.
Je ne sais pas ce que ça signifie pour les autres, mais dans mon cas, j'investis directement cet argent dans l'éducation de mes enfants. Je le place dans un fonds appelé Bourses universitaires du Canada. En juillet, au moment de la réévaluation, il va falloir que j'y mette beaucoup de mon argent à moi. Jusqu'à maintenant, j'ai versé la contribution de base en fonction de ce que je touchais chaque année, mais à cause de l'augmentation de mon revenu, je vais être pénalisé cette année. C'est ce que m'ont dit Revenu Canada et d'autres personnes.
Mon seul recours est de m'adresser au sous-ministre des Finances. Je voulais vous en parler cet après-midi pour que vous puissiez aborder la question. Il n'est pas juste d'être pénalisé parce qu'on a déménagé.
La deuxième chose dont j'aimerais vous entretenir a trait au Régime de soins de santé de la fonction publique. Quand on est membre des Forces canadiennes, 80 p. 100 du prix des médicaments sont payés par la compagnie d'assurances et les 20 p. 100 restants sont à notre charge. C'est bien. À Terre-Neuve, où j'habitais, toutes les pharmacies avaient pour principe que lorsqu'on atteignait la franchise—qui est actuellement de 100 $ par famille—on ne payait plus que 20 p. 100.
J'ai trois enfants et, bien sûr, comme chacun sait, ils ont souvent le rhume ou la grippe. J'ai un enfant handicapé. Les factures s'accumulent vite.
Quand j'ai appelé la compagnie d'assurance, on m'a dit que certains organismes gouvernementaux donnaient à leurs employés une carte d'assurance et qu'ils n'avaient qu'à payer 20 p. 100 de leurs médicaments et matériel médical car leur carte indiquait au pharmacien quand ils avaient atteint la franchise.
On m'a dit que ce programme était présentement étudié par le secrétaire du Régime de soins de santé de la fonction publique et le conseil d'administration du Conseil national mixte. L'adresse postale est case postale 1525, station B, Ottawa, Ontario. Il n'y a pas de numéro de téléphone, car l'agence n'accepte pas les appels des membres. Nous n'avons donc aucun moyen d'appeler pour savoir de quoi il retourne. Les agents d'assurance avec qui je me suis entretenu directement m'ont dit qu'il faudrait encore au moins deux ou trois ans avant que ces cartes puissent être émises aux membres réguliers des Forces armées canadiennes.
Encore une fois, la qualité de vie entre en ligne de compte. Les dépenses s'additionnent et l'argent sort de vos propres poches.
La troisième question que je veux aborder cet après-midi c'est celle des incitatifs pour les membres des métiers où il n'y a plus de promotions. Comme d'autres l'ont dit avant moi, ces quatre dernières années, nous avons vu les budgets amputés, le personnel réduit et le reste. Le moral des plus jeunes membres de l'armée, ceux qui ont sept, huit ou neuf ans d'expérience, se détériore. Rien n'encourage les gens à travailler pour essayer de décrocher une promotion. Par conséquent, beaucoup adoptent de mauvaises habitudes et une attitude déplorable, et en viennent à ne s'intéresser qu'au moment où ils pourront enfin quitter l'armée. Je vois de plus en plus souvent ce genre d'attitude.
Je veux cet après-midi suggérer un programme d'incitatifs. Je ne parle pas d'un programme de stimulants financiers, car je sais que l'argent est très rare ces temps-ci, mais par exemple, d'un programme de récompense des membres qui ont été l'employé de l'année sur leur base ou peu importe. Peut-être pourrait-on leur accorder de billets d'avion pour eux et leurs familles vers n'importe quelle destination desservie par les avions militaires au Canada. Il pourrait également s'agir de certificats de reconnaissance ou d'autres formes de reconnaissance par les pairs. Lorsqu'il n'y a rien d'autre, être reconnu comme leader par ses pairs est un véritable stimulant pour la plupart des gens que je connais—et c'est la seule forme de reconnaissance vraiment pratique que je peux voir à notre époque de restrictions économiques.
• 1545
La dernière question que je veux aborder cet après-midi est
celle de l'indemnité d'aide au logement, ce qui est un sujet très
controversé qui suscite beaucoup d'amertume. Cette indemnité est
accordée à des personnes de diverses bases désignées afin de les
aider à se loger—dans des maisons appartenant à l'armée—en raison
du coût de la vie dans leur région d'affectation.
Le seul problème, c'est que, dans les régions où le coût de la vie est élevé, seules certaines personnes obtiennent cette indemnité. Les gens qui ne vivent pas sur la base n'y ont pas droit. On m'a dit que c'était parce que, dans le cas de ces derniers, l'indemnité serait consacrée au paiement de leur propre maison, ce qui serait inacceptable.
Pour quelqu'un comme moi, qui gagne un salaire de base de 40 000 $, quitter un logement sur la base pour m'installer dans une maison de 110 000 $ ou 120 000 $ se traduit instantanément par le doublement de mes frais de logement, parce que je dois faire mes paiements hypothécaires, payer mes impôts fonciers et tout le reste.
J'aimerais que l'armée adopte une politique uniforme pour tous. Je ne veux pas enlever leurs avantages à ceux qui vivent dans les logements militaires—j'y ai moi-même vécu pendant des années—mais je voudrais qu'on nous accorde un stimulant pour nous aider à nous faire une deuxième vie... Par exemple, je suis dans l'armée depuis 15 ans. Si je prends ma retraite dans cinq ans, il me faut accumuler du capital, acheter une maison et commencer une deuxième vie. J'aimerais savoir si le comité recommandera que l'indemnité soit accordée à tous les propriétaires de maison.
Ce sont les quatre questions que je voulais soulever. Je vous remercie de m'avoir accordé du temps.
Le vice-président (M. Bob Wood): Merci, matelot-chef Rockwell. Vous avez certainement abordé plusieurs questions. Je ne peux pas parler au nom de certains membres du comité, mais nous avons entendu beaucoup parler de l'indemnité d'aide au logement et j'imagine que des recommandations seront formulées à ce sujet. Je ne peux pas vous le garantir, mais je sais que cette indemnité a fait l'objet de beaucoup de discussions. Il y a donc des chances qu'il en soit question quelque part dans le rapport.
Madame Venne a une question
[Français]
Mme Pierrette Venne: À certains endroits, entre autres à Esquimalt, si je me souviens bien, on nous avait demandé de recommander une allocation en fonction des déplacements plutôt qu'en fonction de l'habitation. On proposait d'accorder une allocation lorsqu'on dépasserait un certain niveau de vie jugé moyen. Par exemple, le coût de la vie est beaucoup plus élevé à Esquimalt qu'à Halifax, et on devrait prévoir un montant supplémentaire pour les militaires qui iront à Esquimalt. On ne verserait pas une indemnisation uniquement pour l'habitation, mais bien pour couvrir le coût de la vie, qui y est plus élevé. Est-ce que ce serait satisfaisant pour vous?
[Traduction]
Mc Norman Rockwell: Oui, tout à fait, parce que vivre dans la région d'Ottawa, une belle région avec toutes les installations... Vivre ici coûte très cher parce que les occasions de dépenser sont partout et parce que le logement coûte cher et augmente, comme à Esquimalt. Je sais qu'il coûte encore plus cher qu'ici de vivre en Colombie-Britannique.
Cependant, en dernière analyse, je recommanderais d'accorder une indemnité d'aide aux personnes qui s'efforcent de bien vivre dans les régions où le coût de la vie est élevé. Cela serait très utile. Merci.
[Français]
Mme Pierrette Venne: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Wood): Y a-t-il d'autres questions?
Merci beaucoup, matelot-chef.
Mc Norman Rockwell: J'ai une question à vous poser, monsieur.
• 1550
Je reviens à Revenu Canada. Serait-il possible au comité de
faire des démarches auprès du ministère en ce qui a trait à la
première question que j'ai exposée sur les déménagements, la perte
de revenu et le reste? Il ne s'agit pas de ma situation
personnelle, mais de celle de tous les membres des Forces armées
canadiennes.
Le vice-président (M. Bob Wood): J'en suis convaincu.
Mc Norman Rockwell: Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Bob Wood):, Nous entendrons maintenant le caporal Shannon Armitage.
Le caporal Shannon Armitage (témoigne à titre personnel): Ce ne sera pas long parce que le matelot-chef a déjà couvert la moitié de ce que je voulais dire.
Je suis rattaché à la section sur les activités liées à la région atlantique, ici, au quartier général. Je suis arrivé à Ottawa l'automne dernier, en provenance d'Edmonton, en Alberta. Comme je suis célibataire, j'ai logé dans une caserne après mon retour d'une mission pour les Nations Unies. Lorsque l'on m'a dit que j'étais posté à Ottawa j'ai pensé que c'était bien. Lorsque je me suis informé en prévision de ma mutation, on m'a dit que tout le casernement avait été démoli. Je n'avais nulle part où aller. On m'a dit que je devrais me loger moi-même au sein de la collectivité ou présenter une demande d'aide au logement autonome, mais que la liste d'attente était d'au moins un an. Depuis je crois que la situation a changé, mais, à l'époque, je n'avais pas vraiment le choix. Il fallait soit louer, soit acheter ma propre maison.
Compte tenu de la somme misérable que nous recevons comme indemnité d'aide au logement, c'est-à-dire 85 $ ou 90 $ par mois qui, je crois, mais corrigez-moi si je me trompe, tombe à environ 80 $ après impôt, j'ai pensé que si je devais dépenser 400 $ ou 500 $ en pure perte, j'étais aussi bien d'acheter un appartement en copropriété pas cher. J'ai donc perdu l'indemnité.
Lorsque j'ai pris connaissance des conditions d'admissibilité à l'indemnité d'aide au logement, j'ai constaté que les sommes versées augmentaient avec le grade et la taille de la famille et qu'un général pouvait toucher environ 400 $ par mois.
Je n'ai pas beaucoup de plaintes à formuler parce que je ne m'en tire pas trop mal, mais il me semble que l'on ne traite pas les gens de la même manière. Si on s'attend à ce que les gens vivent de leur solde et si on décide d'accorder une aide comme l'indemnité d'aide au logement, ne serait-il pas normal que le maximum de cette indemnité soit accordé aux grades inférieurs, soit à ceux qui sont payés le moins? Si on veut que nous demeurions la masse ignorante que nous étions il y a une centaine d'années, lorsqu'ils allaient chercher les caporaux directement dans les fermes, s'ils veulent que nous ayons encore l'air de vivre comme cela, c'est très bien et peut-être est-ce pour cela que nous n'obtenons que ce que l'on nous verse.
Cependant, je n'ai même pas les moyens de parfaire mon éducation parce que tout ce que je gagne me sert à payer mes factures. À la fin du mois, il me reste peut-être 20 $ pour louer deux ou trois films. Alors, je n'ai pas à m'inquiéter pour mon remboursement puisque je n'ai même pas les moyens de payer au départ.
Merci.
Le vice-président (M. Bob Wood): Y a-t-il des questions pour le caporal Armitage?
Merci, caporal.
Nous entendrons maintenant le major Jacques Girard.
Major Jacques Girard (témoigne à titre personnel): M. Wood, Mme Venne, membres du comité, j'ai une suggestion à présenter. Une de mes responsabilités au sein des forces aériennes, ce sont les langues officielles. À Bagotville, nous donnons des cours aux anglophones qui sont en poste dans cette ville et, à Cold Lake, nous donnons des cours d'anglais aux francophones qui y sont postés.
Nous avons des règles. Le nombre maximum d'élèves par cours est de huit. Si nous avons quatre militaires d'inscrits à un cours, nous pouvons accepter quatre conjoints. Si nous avons trois militaires, nous ne pouvons pas donner le cours, même s'il nous est possible de trouver sept conjoints pouvant bénéficier du cours de langue seconde et prêts à le suivre.
C'est une question de qualité de vie. Ce qu'il faut, ce sont des fonds afin que je puisse donner des cours distincts pour les conjoints. En d'autres mots, lorsqu'il y a des conjoints dans un cours—supposons quatre militaires et quatre conjoints—ils n'ont pas à subir les tests à la fin du cours. Il leur arrive donc de manquer un ou deux cours, ce qui perturbe le personnel militaire inscrit au cours parce que, après les absences des civils, le professeur doit revenir deux ou trois leçons en arrière pour faire du rattrapage. Cela perturbe beaucoup le personnel militaire qui suivent les cours de langue seconde.
• 1555
Si nous avions davantage de fonds, nous pourrions donner des
cours distincts aux conjoints. Je crois qu'il y va de la qualité de
vie des anglophones en poste à Bagotville que leurs conjoints
apprennent suffisamment de français pour fonctionner dans la région
et peut-être même pour trouver un emploi. C'est la même chose pour
les francophones à Cold Lake, à Moose Jaw ou ailleurs.
J'ignore si la marine ou les forces terrestres ont le même problème, mais, dans l'armée de l'air, ce problème existe. Ce sont des suggestions que je formule.
Je n'ai pas de plaintes à formuler. J'ai 30 ans de bons et loyaux services—du moins je le crois. Un peu d'aide de votre part serait très apprécié.
Le vice-président (M. Bob Woods): Major, de combien d'argent est-il question lorsque vous parlez des fonds nécessaires? Avez- vous une idée même approximative des sommes qu'il faudrait pour dispenser les cours comme vous le proposez? Combien de cours par année y a-t-il et combien coûtent-ils?
Maj Jacques Girard: Il s'agit de 40 000 $ par année par cours. Et ce sont des cours d'un an.
Le vice-président (M. Bob Woods): Je peux me tromper, parce que nous avons entendu beaucoup de témoignages depuis quatre ou cinq mois, n'hésitez pas à me corriger, mais je ne croyais pas que l'armée permettait aux conjoints de suivre certains cours ou d'y assister.
Maj Jacques Girard: Nous le permettons dans les forces aériennes. Cependant, comme je le disais, j'ignore ce qui se passe du côté de la marine et des forces terrestres.
Le vice-président (M. Bob Woods): D'accord, peut-être est-ce que je mélange les différentes armes?
M. David Price: Ce qu'on nous a dit, c'est que, à Petawawa en particulier, les conjoints ne pouvaient pas suivre les cours.
Vous avez mentionné Cold Lake et Bagotville. Que se passe-t-il à Moose Jaw?
Maj Jacques Girard: C'est la même situation.
M. David Price: Les conjoints peuvent aussi suivre les cours à Moose Jaw?
Maj Jacques Girard: Oui. Dans toutes les escadres de l'armée de l'air.
M. David Price: Dans toute l'armée de l'air?
Maj Jacques Girard: Oui.
M. David Price: Est-ce que cela s'applique à toutes vos installations, même les petites bases, parce que nous avons visité quelques petites bases qui n'appartiennent peut-être pas à l'armée de l'air? Prenons Goose Bay, par exemple.
Maj Jacques Girard: En ce moment, cela fait partie du budget de l'armée de l'air.
M. David Price: Et les cours sont disponibles là-bas?
Maj Jacques Girard: Ils sont disponibles, mais s'il y a plus de conjoints que de militaires, nous ne pouvons pas donner le cours. Lorsque des conjoints suivent les cours, le problème c'est qu'ils manquent parfois quelques sessions et que le professeur doit revenir en arrière, ce qui fait perdre du temps aux autres.
M. David Price: Je comprends cela, mais d'après ce que nous avons entendu en parcourant le Canada, beaucoup de militaires sont déjà bilingues, mais leurs conjoints ne le sont pas et c'est ce qui crée le problème. Les conjoints ont de la difficulté à s'intégrer à la population locale parce qu'ils ne parlent pas la langue courante.
Peut-être faudrait-il examiner la situation telle qu'elle est et mettre l'accent sur ceux qui ont besoin des cours, c'est-à-dire les conjoints eux-mêmes.
Maj Jacques Girard: Oui, il est évident que cela aiderait.
Par exemple, à Bagotville, il est difficile de trouver plus de quatre militaires ayant besoin de formation linguistique. Je ne peux donc pas organiser de cours de français et je ne peux pas en donner aux conjoints à cause de notre règle.
Le vice-président (M. Bob Wood): Y a-t-il d'autres questions à poser au major Girard?
Merci beaucoup, major.
Maj Jacques Girard: De rien.
Le vice-président (M. Bob Wood): Nous avons entendu tous les témoins inscrits sur notre liste pour cet après-midi.
Nous ajournerons donc à 19 heures ce soir. Merci à tous d'être venus. Votre participation nous est précieuse.