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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 31 mars 1999

• 1102

[Traduction]

Le coprésident (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance conjointe du Comité de la défense nationale et du Comité des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes.

Le coup de marteau est tombé et je vais demander aux représentants de la presse de se retirer mais, bien entendu, vous pourrez voir cette séance à la télévision.

Mesdames et messieurs les députés, il s'agit ici d'une séance extraordinairement importante. Je remercie tout d'abord les ministres Axworthy, Eggleton et Marleau d'être venus. Je sais que certains des ministres ont interrompu d'autres activités importantes pour être avec nous aujourd'hui.

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous avons décidé en notre qualité de coprésidents de préciser certaines règles d'intervention étant donné que nous sommes si nombreux. Je crois savoir que les ministres seront ici jusqu'à 13 heures. Mme Marleau doit nous quitter à midi et, par conséquent, si quelqu'un a des questions à lui poser, il serait bon qu'il commence par elle.

Nous allons laisser cinq minutes à chacun des députés pour poser ses questions et nous donnerons la parole alternativement à un membre du comité des affaires étrangères et à un membre du comité de la défense nationale. Nous demanderons aux ministres de s'en tenir chacun à un exposé d'une dizaine de minutes pour que tout le monde puisse intervenir.

Pat.

Le coprésident (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Merci, Bill.

Je remercie à mon tour les trois ministres d'être venus alors qu'ils ont un horaire très chargé. Je tiens aussi à remercier le général Maurice Baril, chef d'état-major de la défense, ainsi que le général Henault, sous-chef d'état-major de la défense, d'être ici aujourd'hui parmi nous.

Je pense que tous les Canadiens, ou la plupart d'entre eux, ont suivi de très près les informations données par les médias, et je tiens à féliciter tous les ministres concernés. Les séances d'information quotidiennes qu'ont transmises les médias nous ont été très utiles, c'est ce que m'ont dit jusqu'à présent les électeurs de ma circonscription. Je tenais simplement à vous le dire en guise d'introduction.

Comme vient de le dire mon coprésident, M. Graham, nous voulons que les membres des deux comités puissent tous prendre la parole et, par souci d'équité, nous avons accordé à chacun cinq minutes. Des sénateurs se sont joints à nous, ils sont bien entendu les bienvenus, mais nous allons évidemment donner d'abord aux membres des deux comités la possibilité de poser toutes leurs questions et, s'il nous reste du temps, nous donnerons éventuellement la parole aux sénateurs.

Cela dit, je redonne la parole à M. Graham et nous pourrons commencer.

Le coprésident (M. Bill Graham): Je vous remercie.

Monsieur Axworthy, est-ce que c'est vous qui allez commencer?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères): Merci, Bill.

Je précise que j'ai à mes côtés Jim Wright, notre directeur général des affaires européennes, et Paul Heinbecker, notre sous-ministre adjoint à la politique mondiale et à la sécurité.

Je tiens tout d'abord à remercier les membres des deux comités d'avoir quitté leurs circonscriptions pendant cette période de congé pour venir ici débattre de la crise humanitaire très grave qui a lieu au Kosovo. Nous sommes ici parce que nous reconnaissons toute l'ampleur et l'urgence de cette crise, et aussi parce qu'il nous faut échanger nos points de vue concernant l'évolution quotidienne des événements.

• 1105

Il est important de ne pas oublier que le comité permanent s'occupe depuis longtemps des questions liées aux Balkans. Il s'est rendu en Bosnie à maintes reprises, il a débattu de la question, a présenté des recommandations au gouvernement et a fait un certain nombre de déclarations importantes.

Il m'apparaît fondamental que les parlementaires, notamment les membres de vos deux comités, participent étroitement à notre action, et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu'il y ait un véritable débat et que les députés participent pleinement à ce qui se passe sur le théâtre d'opérations.

Je pense que la plupart des Canadiens se rendent compte que le Kosovo revêt une grande importance pour eux. Voilà 10 ans maintenant que nous sommes les témoins dans les Balkans d'une série de comportements et d'agissements que nous aurions cru, il faut bien l'avouer, d'un autre âge et d'une autre époque. Ces événements se sont produits en plein centre de l'Europe, sur un continent où la plupart des Canadiens ont leurs racines et où notre pays a des intérêts vitaux, qu'il s'agisse de sa sécurité ou des questions économiques, culturelles et humaines.

Depuis 1991, date de l'accélération de la dissolution de la Yougoslavie, le régime du président Milosevic a entrepris de faire la guerre en Slovénie, en Croatie et en Bosnie. En Bosnie, plus particulièrement, nous sommes intervenus militairement pour mettre fin à une campagne de nettoyage ethnique s'accompagnant d'exécutions sommaires massives, de viols et de la destruction de localités tout entières, en contradiction avec toutes les normes de comportement civilisé. Au Kosovo, le régime yougoslave s'est engagé dans une campagne de répression brutale depuis qu'il a unilatéralement supprimé l'autonomie de la province et aboli ses institutions locales en 1989 et 1990.

[Français]

En 1998, les Albanais ont abandonné leur résistance pacifique, et un petit mouvement rebelle connu sous le nom de l'Armée de libération du Kosovo a lancé une violente campagne contre la répression. Le régime yougoslave a vu cela comme une justification pour entreprendre une campagne massive de destruction des citoyens albanais, sans distinction de sexe ou d'âge. Cette campagne a été marquée par des détentions, des exécutions sommaires et la destruction de villages.

[Traduction]

Je pense que les membres de ce comité savent que le Canada s'est fait depuis longtemps le champion de la promotion d'un régime international de sécurité des personnes visant à protéger les civils—aux termes duquel les droits de la personne sont respectés, les conflits régionaux sont résolus par la négociation et le renforcement de la confiance, et les criminels de guerre ne sont pas autorisés à agir avec impunité. Nous faisons aussi tous nos efforts pour consolider le régime multilatéral qui a été créé pour rendre le monde meilleur grâce à la mise en place de règles de droit international et de nouvelles normes de comportement au sein d'institutions comme l'ONU, l'OSCE et l'OTAN.

La situation du Kosovo remet en cause tous ces principes importants. Nous avons toujours cherché en priorité à régler la situation du Kosovo par la voie diplomatique, à laquelle nous avons donné toutes les chances de réussir. Vous vous souviendrez des nombreuses missions diplomatiques dépêchées à Belgrade, des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, toutes violées par le gouvernement Milosevic, de la création d'une importante mission de vérification de l'OSCE, et de la conférence de Rambouillet, qui a fini par échouer du fait de l'intransigeance systématique du président Milosevic.

Ce n'est que lorsque tous ces efforts se sont révélés vains que les alliés ont eu finalement recours à l'action militaire. Il était clair à ce moment-là que la RFY se préparait à une offensive militaire d'une ampleur encore jamais vue au Kosovo.

Nous en sommes donc maintenant au huitième jour de l'opération de l'OTAN, et je vous rappelle que son objectif est de faire en sorte que le gouvernement yougoslave cesse de réprimer sauvagement sa propre population, que la machine militaire qui appuie ces brutalités perde de son efficacité et que Belgrade soit amenée à signer l'accord de paix qui confère une véritable autonomie au Kosovo. Plus Milosevic résistera, plus l'infrastructure des forces de répression de la République fédérale de Yougoslavie sera progressivement détruite. Malheureusement, cela ne se fait pas en un jour.

• 1110

[Français]

Ces derniers jours, les rapports relatifs à un désastre humanitaire au Kosovo sont de plus en plus sérieux. On rapporte que les forces de sûreté et des organisations paramilitaires yougoslaves mènent une campagne de terreur et expulsent un grand nombre de Kosovars.

[Traduction]

Ils intensifient leur répression contre les personnalités d'opposition et nous avons de plus en plus la preuve qu'ils pourraient procéder à des exécutions sommaires et à d'autres atrocités contre les civils.

J'ai parlé hier à la Haut-Commissaire aux réfugiés, Mme Ogata. Elle estime à plus de 560 000 désormais le nombre de personnes déplacées par le conflit du Kosovo. J'ajouterai que ces chiffres changent d'heure en heure. En Macédonie, d'ailleurs, les arrivées enregistrées à la frontière sont actuellement de près de 1 000 personnes à l'heure. On estime à 275 000 les autres personnes déplacées à l'intérieur même du Kosovo. Toutefois, étant donné le nettoyage ethnique auquel procèdent actuellement les forces yougoslaves, il n'est pas vraiment possible de procéder à une évaluation en toute connaissance de cause. La confusion est tout simplement trop grande.

LE HCR a établi à Skopje une cellule pour le Kosovo qui continue à superviser la situation, mais la communication est très difficile. On estime que plus de 200 000 personnes ont trouvé refuge dans les pays environnants: 83 000 en Albanie, 25 000 dans l'ancienne république yougoslave de Macédonie, 45 000 au Monténégro, 15 000 En Bosnie et 30 000 en Serbie. La très grande majorité d'entre elles sont des Serbes, qui fuient eux aussi le conflit du Kosovo. Une tendance inquiétante se profile ces derniers jours et l'on voit apparaître un grand nombre de réfugiés, presque tous des femmes, des enfants et des personnes âgées, et très peu d'hommes jeunes en âge d'aller à l'armée.

Ce flot massif de réfugiés est le plus considérable que nous ayons vu depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il a des implications qui vont bien au-delà du malheur qui touche les réfugiés eux-mêmes. Les pays voisins comme la Macédonie et l'Albanie subissent une pression économique énorme du fait de l'arrivée de vagues de réfugiés. Si on ne leur apporte pas l'appui nécessaire, cette pression risque de déstabiliser ces pays eux-mêmes et, par la même occasion, l'ensemble de la région.

Je discute donc avec mes collègues des moyens d'alléger éventuellement le fardeau qui s'applique aux pays de cette région, en reportant par exemple leurs obligations envers le FMI—et j'en ai d'ailleurs parlé avec le ministre des Finances—et en insistant sur la sécurité de leurs frontières, pour que les progrès que chacun d'entre eux a fait sur la voie de la démocratisation ne soit pas remis en cause.

J'indique entre parenthèses que le Conseil de l'Atlantique Nord a rencontré directement les représentants des gouvernements albanais et macédoniens pour leur donner ces garanties dans le cadre du programme de Partenariat pour la paix qui fait partie de la structure de l'OTAN.

En compagnie de nos alliés, nous apportons une triple réponse à cette catastrophe humanitaire. Nous intensifions notre intervention militaire, ce dont va nous parler M. Eggleton, ce qui est en fait aujourd'hui le seul moyen de faire obstacle à la poursuite du nettoyage ethnique. Nous renforçons notre aide humanitaire, ce dont va vous parler Mme Marleau. Enfin, nous appuyons l'action du Tribunal pénal international s'appliquant à l'ancienne Yougoslavie, dont la tâche est fondamentale.

Avant de vous exposer en détail ces différents types d'intervention, je voudrais répondre à une critique largement répandue, que je juge injustifiée. On nous dit que l'intervention de l'OTAN est la cause de la dégradation actuelle de la situation humanitaire. Cette critique n'a en fait aucun fondement dans la réalité. Le nettoyage ethnique dont est responsable le pouvoir yougoslave durait depuis des mois. Il est bien prouvé qu'en 1998 et au début 1999 les forces de sécurité ont procédé à des expulsions forcées, à la destruction de villages et à des massacres.

Au total, le nombre de personnes déplacées et de réfugiés s'élève, je le répète, à plus de 560 000. Toutefois, 470 000 de ces personnes avaient déjà été déplacées avant que l'OTAN ne commence ses frappes aériennes, ce qui montre bien que c'est le règne de la terreur et les grandes ambitions de Milosevic, et non pas l'intervention de l'OTAN, qui est la cause de cette crise.

La menace d'un recours à la force par l'OTAN en octobre 1998 a mené à l'acceptation d'un cessez-le-feu, à la limitation du déploiement des forces de sécurité au Kosovo et à la création de la mission de vérification du Kosovo. Pendant un certain temps, par la suite, la violence causée par l'armée et la police a diminué avec la présence de centaines de vérificateurs internationaux.

Toutefois, la situation s'est progressivement dégradée au cours des cinq premiers mois de l'année 1999. La République fédérale de Yougoslavie faisait fi de plus en plus de ses obligations. Les menaces de l'OTAN n'ont pas été écoutées et les forces de sécurité de sont mises à harceler les vérificateurs internationaux et à accentuer leur déploiement militaire bien au-delà des limites convenues par écrit entre la RFY et l'OSCE, et bien au-delà de ce qu'une politique défensive aurait justifié. Il est clairement attesté que les Yougoslaves se préparaient à une offensive massive au printemps.

Le 20 mars, l'OSCE a été obligée d'évacuer la mission de vérification étant donné l'abandon du cessez-le-feu et la menace causée aux membres de la mission, qui était devenue insupportable. Après le départ de la mission de vérification, les forces yougoslaves ont considérablement augmenté leurs exactions.

Tout cela s'est produit avant que l'OTAN ne déclenche son intervention militaire. L'OTAN a réagi face à cette avancée du nettoyage ethnique; elle ne l'a pas provoquée.

• 1115

Je voudrais aussi aborder un sujet de préoccupation qu'ont évoqué, je le sais, plusieurs députés par le passé touchant l'absence d'autorisation du Conseil de sécurité s'appliquant à cette intervention précise au Kosovo. Laissez-moi vous dire que nous aurions nettement préféré aller au Kosovo en étant appuyé par une résolution sans ambiguïté du Conseil. Il est clair toutefois que certains membres du Conseil auraient opposé leur veto à cette résolution.

C'est apparu clairement la semaine dernière, lorsque les Russes ont déposé une résolution condamnant l'intervention de l'OTAN—résolution qui a été nettement rejetée par 12 voix contre 3. Oublions-le droit de veto quelques instants, on se retrouverait essentiellement avec cette même majorité appuyant la résolution nous conférant un mandat d'intervention au Kosovo. En présence de divisions aussi profondes au sein du conseil, l'OTAN n'a eu d'autre choix que d'intervenir indépendamment pour limiter la catastrophe humanitaire qui se profilait et pour faire respecter les exigences exprimées par la communauté internationale, telles qu'elles ressortent des résolutions 1199 et 1203 déjà adoptées par le Conseil de sécurité.

Il importe de signaler aux députés que la lecture des différents mandats que confèrent la Convention de Genève et la Convention sur le génocide nous enseigne que ces conventions sont elles aussi directement enfreintes par les forces déployées actuellement par M. Milosevic au Kosovo.

Par conséquent, nous avons donc renoncé à faire intervenir le Conseil de sécurité sur la question du Kosovo. Nous sommes bien loin de la position des Russes sur cette question, mais nous nous entendons cependant avec eux pour dire qu'il y a une crise humanitaire dans la région.

Je vais me rendre à New York demain et je rencontrerai Kofi Annan et plusieurs membres du Conseil pour discuter des mesures que peut prendre ce Conseil pour remédier à la terrible situation humanitaire dans la région. Pendant ce temps, l'OTAN fait porter ses efforts sur la machine répressive yougoslave, et je laisserai au ministre Eggleton le soin d'en parler. De son côté, Mme Marleau vous parlera de l'effort humanitaire entrepris par l'ACDI.

La stratégie canadienne va consister par ailleurs à continuer à appuyer le Tribunal pénal international et à avertir les autorités yougoslaves qu'elles seront tenues responsables des crimes qui ont lieu au Kosovo. Les hauts fonctionnaires de mon ministère ont appelé l'ambassadeur yougoslave pour lui transmettre un message ferme. J'ai parlé à la juge Arbour pour lui offrir mon appui et lui dire que nous ferons tout notre possible pour faire en sorte que l'OSCE s'occupe de la question et voit ce que l'on peut faire, notamment en Albanie et en Macédonie.

Il est important de chercher des solutions. Le premier ministre Primakov s'est efforcé d'arbitrer un accord. Malheureusement, l'offre qu'a faite le président Milosevic à M. Primakov était trop dérisoire pour que l'on puisse poursuivre dans la voie diplomatique.

Nous continuons à penser que s'il veut que l'OTAN reconsidère son action au sujet de la crise du Kosovo, M. Milosevic doit mettre fin aux tueries, à l'oppression et au nettoyage ethnique qui ont lieu actuellement; retirer toutes les forces de sécurité et créer des conditions dans lesquelles les Albanais du Kosovo puissent retourner dans les maisons qui leur appartiennent; enfin, accepter de négocier un accord de paix inspiré du texte ou du cadre de l'accord de Rambouillet. Ces conditions sont le fondement d'une solution politique durable.

Nous sommes face à une situation complexe. L'action à trois volets que je viens d'exposer et que mes collègues détailleront—action militaire, aide humanitaire et voie judiciaire, en étant attentif aux solutions diplomatiques—nous paraît pour l'instant la plus efficace si l'on veut parvenir à une solution.

Il n'en reste pas moins que le Kosovo est sur la sellette depuis 10 ans maintenant et que les origines du problème sont ancrées dans l'histoire. Nous ne pouvons pas espérer une solution immédiate et parfaite, mais nous sommes déterminés à poursuivre nos efforts.

Enfin, messieurs les présidents, je tiens à honorer le travail des Canadiens qui ont joué un rôle extrêmement important dans les Balkans. Les Canadiens se sont admirablement comportés en Bosnie, et continuent à le faire, lors des missions de maintien de la paix, où ils reçoivent l'aide d'un certain nombre de travailleurs humanitaires, qui apportent un secours humanitaire et s'efforcent de rebâtir les institutions démocratiques et d'apporter la paix dans ce pays.

Les Canadiens ont pris part au sein de l'OSCE à la supervision des élections et aux opérations de vérification au Kosovo. Nous sommes fiers du courage et du dévouement de nos hommes et de nos femmes qui participent actuellement à la mission de l'OTAN. Je me félicite aussi de voir que les députés de tous les partis de la Chambre ont fait front et ont appuyé nos troupes alors que nous tentons de résoudre cette crise humanitaire. Nous pouvons être fiers du rôle joué par le Canada dans cette situation très grave.

Merci, messieurs les présidents.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre Axworthy.

J'ai le plaisir maintenant, en ma qualité de président du CPDNAC, de donner la parole au ministre Eggleton.

Nous sommes prêts à entendre votre exposé, monsieur le ministre. Je vous remercie.

• 1120

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale): Tous mes remerciements, messieurs les présidents et chers membres du comité.

Je suis heureux d'avoir la possibilité ce matin de discuter avec vous de la très grave situation du Kosovo et de l'action menée par l'OTAN, dont bien entendu le Canada fait partie. Je sais que les membres des deux comités sont très au courant des enjeux, le Parlement ayant débattu de la question du Kosovo à deux reprises.

Cette question a déjà été évoquée devant la Chambre. Tout d'abord, le 7 octobre dernier, tous les partis ont convenu de participer aux opérations aériennes des alliés de l'OTAN si celles-là s'avéraient nécessaires. L'opération que nous menons aujourd'hui a donc été évoquée pour la première fois à cette occasion. Puis, le 17 février, nous avons débattu des forces du maintien de la paix au Kosovo; à ce moment-là, nous espérions qu'un accord de paix allait être signé à Rambouillet et que nous allions participer à une force de maintien de la paix.

[Français]

À cet égard, nous avons confirmé la participation de 800 membres des Forces canadiennes à une future mission de paix.

[Traduction]

De plus, nos deux comités permanents ont tenu des séances d'information au sujet de l'évolution de la situation au Kosovo et, bien sûr, c'est ce que vous faites encore aujourd'hui.

On peut regretter, bien entendu, qu'il ait fallu lancer la campagne aérienne dont la Chambre a débattu pour la première fois le 7 octobre. La décision n'a pas été facile. Cela a pris un certain temps. Tous les efforts pour parvenir à une solution diplomatique ont été faits, mais les intérêts de la population de cette région que nous cherchons à préserver et à protéger sont importants.

La campagne aérienne de l'OTAN a pour objectif de réduire la capacité des forces yougoslaves à porter atteinte et à infliger des atrocités à la population du Kosovo, et de ramener ce gouvernement à la table des négociations. Nos opérations militaires visent à prévenir une catastrophe humanitaire encore plus grande et à éloigner la perspective d'une instabilité et d'une insécurité régionale encore plus étendue.

Je tiens aussi à bien préciser, et mon collègue l'a rappelé, que la catastrophe humanitaire du Kosovo n'est pas le résultat des opérations aériennes de l'OTAN. Quelque 470 000 personnes avaient été chassées de leurs foyers avant même que la campagne aérienne commence. Ce type de programme de nettoyage ethnique était en marche depuis longtemps, et bien entendu nous l'avons déjà vu se produire par le passé dans d'autres régions de la Yougoslavie.

[Français]

Milosevic a préparé sa campagne il y a bien longtemps.

[Traduction]

En fait, l'intensification de la répression par les forces yougoslaves a été l'une des grandes raisons qui a motivé notre décision de lancer les opérations aériennes.

Il est important aussi d'insister sur le fait que notre intervention n'est dirigée ni contre les Yougoslaves, ni contre la population serbe. Notre action vise Milosevic et son régime. Nous nous en prenons à un régime oppressif qui n'a aucun respect pour les droits fondamentaux de la personne et la population du Kosovo. Nos opérations militaires sont planifiées avec soin de manière à frapper la police militaire, les cibles paramilitaires ainsi que l'infrastructure qui les soutient.

Vous n'ignorez pas que depuis le début six CF-18 canadiens prennent part aux opérations aériennes au-dessus de la Yougoslavie. Cela implique quelque 130 membres du personnel qui sont stationnés à Aviano, en Italie, d'où partent tous les jours les missions. Nous avons aussi, cependant, quelque 95 membres du personnel qui participent à la mission AWACS de l'OTAN. C'est le système de détection précoce des AWACS, et nous avons des membres de notre personnel qui prennent part à ces vols, à ces sorties, que fait le personnel des AWACS en Yougoslavie.

Messieurs les coprésidents, nous pouvons vous dire que nos gens servent avec dévouement. Ce sont de grands professionnels. Ils sont parfaitement entraînés pour s'acquitter des missions qui leur sont confiées.

• 1125

Les opérations, vous le savez, ont commencé il y a une semaine aujourd'hui. À ce moment-là, l'objectif était principalement de diminuer la capacité de défense aérienne yougoslave—pour qu'elle ne puisse pas attaquer nos avions en mission au-dessus de ce pays—afin de réduire les risques courus par les pilotes de l'OTAN. Il faudra du temps pour y parvenir étant donné les conditions climatiques difficiles qui ont prévalu depuis le début de cette opération.

Samedi, toutefois, à la suite des progrès réalisés à ce moment-là contre les cibles de la défense aérienne et en réponse à une intensification de l'offensive contre le peuple kosovar, l'OTAN a par ailleurs décidé de lancer des opérations contre les forces qui, au Kosovo, étaient coupables de ces atrocités. Ces opérations aériennes visent à attaquer les forces militaires yougoslaves et à réduire leur capacité d'infliger des dommages aux Kosovars.

Comme on peut le comprendre, tout le monde souhaite impatiemment que la violence faite aux Kosovars cesse le plus vite possible.

[Français]

Nous désirons tous voir la fin des présentes hostilités le plus tôt possible.

[Traduction]

Notre objectif militaire peut être atteint, mais il est important de bien comprendre qu'il faudra laisser le temps à la campagne aérienne de suivre son cours. Vous aurez appris que ces derniers jours, d'autres alliés de l'OTAN ont envoyé davantage d'aéronefs. Les États-Unis ont envoyé des bombardiers B-1 et un certain nombre d'autres appareils de soutien. Le Royaume-Uni est sur le point de déployer d'autres chasseurs bombardiers Tornado et Harriers. De leur côté, les Hollandais ont annoncé qu'ils allaient remplacer leurs appareils F-16 actuels par une version plus moderne.

Cette montée en puissance ne signifie pas que la campagne aérienne a subi un revers ou qu'elle ne se déroule pas comme prévu. Cela signifie tout simplement que l'OTAN veut frapper plus vite et plus durement les forces yougoslaves en raison de l'intensification de leur campagne contre la population kosovar. Il faut pour cela davantage d'appareils.

Ainsi que je l'ai annoncé hier, le Canada a convenu, à la demande du commandant suprême des forces alliées en Europe, d'envoyer six autres CF-18, ce qui porte à 12 le nombre des chasseurs à réaction CF-18. Cette annonce a été faite après réception de cette demande officielle.

Nous estimons que c'est une contribution que le Canada doit apporter pour deux raisons importantes. Tout d'abord, elle fait comprendre fermement à M. Milosevic que nous sommes résolus et déterminés à l'empêcher d'agir à sa guise au Kosovo, et certainement pas avec impunité. Par ailleurs, on renforce l'OTAN dans sa volonté de frapper plus durement et plus vite les forces yougoslaves.

Parallèlement, je suis heureux d'annoncer que les forces canadiennes participeront aux vols devant apporter une aide humanitaire aux milliers de Kosovars qui ont afflué aux frontières de la Macédonie et de l'Albanie—qui y ont été forcés en raison de la brutalité de l'assaut qui a été porté contre eux. Nous travaillons littéralement 24 heures sur 24 pour envoyer des secours par voie aérienne aussi rapidement que nous le pouvons, et nous le faisons en collaboration avec notre collègue, l'honorable Diane Marleau, qui est chargée de l'Agence canadienne de développement international, qui a largement pris la tête de cette opération.

Comme je l'ai dit chaque fois que j'ai parlé des opérations aériennes au-dessus de la Yougoslavie, les pilotes de l'OTAN, y compris les Canadiens, courent évidemment des risques. Toutefois, nos pilotes de CF-18—et j'ai parlé à leur commandant à Aviano à deux reprises—sont bien entraînés, bien motivés et comprennent l'importance de leur tâche. Ils pilotent un excellent appareil équipé d'un armement approprié à ce genre de mission.

Il n'en reste pas moins qu'ils vont au devant du danger et il convient, ce que je fais ici, de rendre publiquement hommage à leur courage et à leur dévouement ainsi qu'à ceux de leurs familles qui sont ici.

• 1130

Je tiens aussi à souligner que des précautions ont été prises pour améliorer la sécurité de nos 1 300 membres du personnel de la mission SFOR en Bosnie. La mission de l'OTAN interdisant les vols au-dessus de la Bosnie continue à protéger nos troupes, comme elle l'a fait ces trois dernières années. La preuve en a été apportée très récemment, il y a quelques jours, par les deux chasseurs à réaction yougoslaves qui ont été abattus alors qu'ils cherchaient à entrer en Bosnie-Herzégovine.

La question de l'intervention de troupes au sol est très largement évoquée depuis un jour ou deux. Je tiens à rappeler notre position, qui est celle de tous les pays de l'OTAN—les 19 pays concernés—sur cette question. Il n'est pas prévu d'envoyer des troupes au sol au Kosovo tant que les hostilités se poursuivent. L'OTAN est prête, et veut d'ailleurs que ce soit le plus tôt possible, à déployer des troupes au sol pour appuyer un accord de paix, et le Canada participera à cette force. Notre campagne aérienne vise en fait à faire naître les conditions de déploiement d'une telle force.

Pour conclure, mesdames et messieurs les membres du comité, je voudrais insister sur quelque chose qui est fondamental pour nos discussions, passées et présentes, concernant le Kosovo. Nous avons tous assisté à des événements horribles. Je pense que nous sommes tous catastrophés par ce que nous entendons dire par les réfugiés qui arrivent aux frontières, et par les événements horribles qui se sont produits au cours des derniers jours et bien avant.

En octobre dernier, lors du débat parlementaire sur le Kosovo, on s'est largement accordé à dire que le Canada devait se disposer à agir. Les parlementaires ont convenu que l'inaction était moralement inadmissible. Eh bien, depuis mercredi dernier, date du début des opérations aériennes, nous avons mis en pratique les convictions morales du gouvernement, du Parlement du Canada et de la population canadienne; cela, il ne faut pas le perdre de vue. Nous devons être fermes dans notre résolution en la matière.

[Français]

Il faut agir ensemble avec nos alliés pour mettre fin à cette grande tragédie humaine.

[Traduction]

Ce faisant, nous avons une fois de plus demandé aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes d'être les instruments de notre conviction. Ils défendent en notre nom une juste cause. Je demande à tous les Canadiens de comprendre l'importance de la tâche qui a été confiée à ces hommes et à ces femmes dévoués et courageux. Accordons-leur tout notre appui alors qu'ils défendent une cause que les Canadiens jugent important de protéger et de préserver.

Je vous remercie.

[Français]

Merci beaucoup.

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

Nous allons maintenant entendre l'exposé de la ministre Marleau et nous passerons ensuite aux questions.

[Français]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Merci.

Chers collègues, comme vous le savez, nous sommes très inquiets de la situation au Kosovo. Le quart de la population est déplacée, soit plus de 600 000 personnes, et un peu plus de la moitié de ces 600 000 personnes sont des réfugiés. Nous savons que ce nombre augmente d'heure en heure.

Nous avons tous vu les images à la télévision. Je peux vous dire que 50 p. 100 des réfugiés ont moins de 18 ans, que 85 p. 100 des adultes sont des femmes et qu'il y a un grand nombre de personnes âgées. En effet, c'est plutôt ce genre de personnes qu'on voit. On ne voit pas beaucoup d'hommes d'âge moyen. On voit des jeunes et des aînés.

Selon le Haut-commissariat des Nations unies, le tiers des réfugiés actuels ont fui le Kosovo depuis le 24 mars. Cela signifie un tiers en une semaine seulement. Comme vous le voyez, il est absolument urgent que nous augmentions notre aide.

• 1135

Le Haut-commissariat a déjà pris des mesures pour pouvoir accueillir plus de réfugiés, en collaboration avec les gouvernements de la Macédoine et de l'Albanie, et nous continuons à espérer et à leur demander de garder les frontières ouvertes. Nous connaissons bien cette région. L'aide du Canada au Kosovo remonte à deux ans déjà. L'annonce des 10 millions de dollars d'hier s'ajoute à ces contributions antérieures.

[Traduction]

L'annonce des 10 millions de dollars d'hier s'ajoute aux contributions antérieures au titre à la fois de l'aide humanitaire, qui se situait aux alentours de 3,18 millions de dollars, et des efforts de consolidation de la paix, dont le montant approchait les 4 millions de dollars.

Plusieurs grandes organisations internationales, comme le Haut Commissariat pour les réfugiés et le Comité international de la Croix-Rouge, travaillent déjà dans la région. Elles sont en train de renforcer leur présence sur le terrain. Elles apportent une capacité cruciale de secours et de coordination, une capacité essentielle dans ce type de crise. Nous travaillons en étroite collaboration avec ces organisations, afin de contribuer le plus efficacement possible à ce grand effort international.

Hier, à Genève, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a fait un compte rendu de sa toute dernière évaluation des besoins. C'est un bon début. Mais, on comprend bien que ces besoins évoluent avec la situation et doivent être sans cesse réévalués. À partir de cette évaluation, nous allons déterminer avec soin la forme d'aide la plus appropriée que le Canada pourrait apporter.

Nous savons déjà qu'il s'agira d'une contribution mixte d'argent et de biens, des biens qui seront envoyés à bord du vol d'aide humanitaire de nos forces armées. Nous sommes en train de prendre les dispositions nécessaires à cet égard. Un avion devrait décoller d'ici 48 à 72 heures, avec à bord quelque 13 600 kilos d'approvisionnement de secours. Nous enverrons notamment des couvertures, des bâches, des tentes et des fournitures médicales essentielles.

Sur la contribution de 10 millions de dollars que nous avons annoncée hier, nous prévoyons à l'heure actuelle en confier cinq au Haut Commissariat pour les réfugiés, et les cinq autres à des organisations internationales, comme la Croix-Rouge et l'UNICEF, et à des partenaires canadiens, comme les ONG qui sont à l'oeuvre dans la région. De plus, nous sommes constamment en contact avec le Programme alimentaire mondial. Nous sommes prêts à agir rapidement pour mettre des provisions à sa disposition, selon son évaluation des besoins. Nous allons travailler avec les ONG canadiennes telles que CARE Canada, Vision mondiale, Médecins sans frontières et la Croix-Rouge canadienne. Ces organisations peuvent assumer un rôle constructif dans cette situation d'urgence. Je compte m'entretenir à ce sujet, dès que possible, avec les organisations canadiennes de ce genre.

Nous gardons un oeil sur la situation, par l'entremise de plusieurs réseaux. À cette fin, j'enverrai un haut fonctionnaire à la réunion spéciale convoquée par Mme Sadaco Ogata pour le 6 avril, à Genève. Nous continuerons à contrôler la situation et à nous assurer que les approvisionnements nécessaires parviennent à ceux qui en ont le plus besoin, de même que tous les autres fournitures dont nous disposons ici au Canada.

Je vous remercie.

[Français]

Le coprésident (M. Bill Graham): Merci bien, madame Marleau. Nous allons maintenant passer à la période de questions. J'accorde aux députés cinq minutes chacun parce qu'on a beaucoup de gens sur la liste. Il faut absolument respecter la limite de cinq minutes.

[Traduction]

Vous voulez commencer?

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Oui. Merci, monsieur Graham.

Je remercie les trois ministres.

Nous allons suivre nos règles normales de procédure. Nous avons ici deux comités réunis et avec M. Graham je m'efforcerai de faire en sorte que tous les députés aient pleinement la possibilité de poser leurs questions. Nous allons commencer pendant cinq minutes par le critique du Parti réformiste.

Monsieur Hanger.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à commencer par dire que j'appuie l'intervention actuelle de l'OTAN. Avec mon parti, je soutiens pleinement le rôle actif que joue le Canada dans ce conflit du Kosovo.

Ma première question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Avant de prendre toute décision visant à engager davantage les Forces canadiennes dans le conflit yougoslave, pouvez-vous nous garantir que vous permettrez au Parlement de débattre et de voter librement sur la question?

• 1140

M. Lloyd Axworthy: Nous continuons à opérer en fonction du mandat qu'a fixé le Parlement en octobre dernier en ce qui a trait à l'opération aérienne que nous menons actuellement. Le premier ministre a bien précisé que si l'on devait prendre tout autre engagement allant au-delà de ce mandat, nous en référerions au Parlement, et nous sommes tout à fait décidés à le faire.

M. Art Hanger: Pour que ce soit bien clair, monsieur le ministre, il ne faut pas que la décision soit prise en comité mais plutôt par l'ensemble de la Chambre. Ce sera une bonne garantie.

Ma question suivante s'adresse au ministre de la défense.

Monsieur le ministre, vous avez rompu les lignes de communication entre l'armée et la presse. Autrement dit, nombre de Canadiens ne sont pas vraiment informés de ce que font précisément nos pilotes et nos troupes en Yougoslavie. Ce n'est pas, par exemple, ce que font les Britanniques, qui ont rendu publiques les bandes vidéo sur lesquelles on peut voir leurs bombes frapper les cibles. Les Américains ont fait monter des membres de la presse dans leurs bombardiers B-52. Ils tiennent bien au courant leurs citoyens de ce que font leurs troupes.

Je vous demande donc pourquoi le Canada cache ses opérations à son public? Avez-vous peur en fait des représailles que pourraient exercer ici même au Canada les Serbes qui habitent dans notre pays? Pourquoi faire preuve de tant de timidité sur ce point?

M. Arthur Eggleton: Non, nous ne faisons pas preuve de timidité. Nous fournissons toute l'information que nous pouvons en respectant les directives de l'OTAN. J'espère que les autres pays de l'OTAN en font de même. Pour notre part, c'est ce que nous faisons.

Nous veillons aussi à la sécurité de nos opérations. Nous sommes dans un conflit armé. C'est une situation très grave. Nous voulons nous assurer de ne pas divulguer des renseignements susceptibles d'aider le camp adverse et de remettre en cause la sécurité et la protection de notre personnel des Forces canadiennes. Je suis sûr que l'honorable député ne veut pas remettre en cause leur sécurité et leur protection.

M. Art Hanger: Bien évidemment, monsieur le ministre, je ne veux pas remettre en cause leur sécurité et leur protection. Je parle d'informer la population canadienne pour qu'elle sache ce que nos troupes font effectivement. Pourquoi ne pas divulguer certains renseignements à notre population alors que, par exemple, la population des États-Unis, celle de la Grande-Bretagne ou d'autres encore ont la possibilité et la chance d'en prendre connaissance?

M. Arthur Eggleton: Nous fournissons toute l'information que nous pouvons compte tenu des règles de sécurité et de protection de notre personnel et des directives émises par l'OTAN.

Vous voulez savoir ce que font nos troupes? Eh bien, je vais vous le dire. Elles font un magnifique travail. Elles s'acquittent de ces missions avec un grand professionnalisme et en étant très fières de leur pays et de leur participation à cette mission humanitaire.

Nous ne manquerons pas de vous fournir toute l'information que nous pourrons. Je crois comprendre qu'éventuellement les Américains et les Britanniques ont divulgué des renseignements sur certains de leurs appareils qui ne participent pas directement au combat. Nous n'avons pas ce genre d'appareils et la situation n'est donc pas la même. Toutefois, en ce qui concerne les appareils qui sont sur place, les chasseurs à réaction qui sont là-bas, nous suivons les directives de l'OTAN, nous respectons les mesures de sécurité et de protection et nous vous fournirons le plus rapidement possible tous les renseignements que nous pourrons afin que la population canadienne sache bien ce que font nos troupes.

M. Art Hanger: Le mieux, monsieur le ministre, sera peut-être encore de continuer à regarder CNN.

M. Arthur Eggleton: Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Il y a des chaînes canadiennes. Elles vous tiendront informés.

Le coprésident (M. Bill Graham): Tout le monde sait, bien évidemment, qu'on ne peut pas voir ce genre de chose à CNN.

M. Arthur Eggleton: Monsieur le coprésident, il y a aussi nos séances d'information technique quotidiennes. Vous devez savoir qui est le général Henault, parce qu'il apparaît tous les jours à la télévision à 13 heures, avec son personnel, pour nous informer de ce qui se passe lors d'une séance d'information technique.

Nous continuerons à vous fournir toute l'information que nous pourrons.

Le coprésident (M. Bill Graham): Excusez-moi, monsieur Hanger, mais les cinq minutes sont écoulées.

[Français]

Je donne maintenant la parole à M. Turp.

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): J'aimerais d'abord, au nom du Bloc québécois, réitérer notre appui à l'intervention de l'OTAN, dont le Canada fait partie, et aux opérations militaires en cours, et également indiquer notre appréciation de ce que font les militaires canadiens et québécois sur le théâtre des opérations. Nous aimerions cependant qu'ils aient une plus grande liberté d'expression.

• 1145

Monsieur le ministre des Affaires étrangères, vous avez, semble-t-il, le souci d'informer le public de ce qui se passe là-bas, et il serait tout à fait intéressant que les pilotes et les autres aient une plus grande marge de manoeuvre pour informer le public de ce qui se fait sur le théâtre des opérations.

Le Bloc québécois a deux grandes préoccupations, et j'aimerais vous poser des questions au sujet de ces deux préoccupations. Il nous semble que le président Milosevic et ses forces de sécurité serbes ont des intentions génocidaires. C'est bien davantage que des atrocités, de la barbarie, de l'épuration ethnique, dont vous affirmez d'ailleurs, monsieur le ministre de la Défense, qu'elle est accélérée. Vous avez tenu tout à l'heure un langage de bois militaire en nous parlant des ground troops. Vous nous avez dit que vous n'aviez «no plan to send ground troops». À quelles conditions devrait-il y avoir des opérations terrestres? S'il y a génocide ou tentative de commettre un génocide, considérez-vous qu'il devrait y avoir des opérations terrestres? C'est notre première grande préoccupation.

La deuxième de nos préoccupations concerne davantage le ministre des Affaires étrangères. C'est le rôle de l'ONU et du Conseil de sécurité. Vous avez dit, monsieur le ministre Axworthy, que vous souhaitiez consolider le système de sécurité internationale et que vous vous étiez fait le champion d'un régime de sécurité internationale. Le Canada est membre du Conseil de sécurité depuis quelques mois maintenant, mais vous n'avez pas soutenu le Conseil de sécurité, sinon en disant qu'un veto serait exercé. Comment voulez-vous être crédible, que le Conseil de sécurité soit crédible et que les Nations unies soient crédibles lorsque tout ce que vous dites sur le Conseil de sécurité semble accréditer l'idée de l'impuissance de l'ONU? Est-ce que vous auriez envisagé ou pourriez envisager de faire intervenir l'Assemblée générale des Nations unies en vertu de la résolution Acheson, que vous connaissez, qui a été utilisée dans de précédents conflits et qui finalement mettrait en cause et en action les Nations unies?

Ce sont nos deux préoccupations. Notre préoccupation principale est qu'il y a peut-être un génocide qui est en train de se commettre. Lorsqu'on parle aujourd'hui du Rwanda, on apprend que des généraux de l'armée canadienne considèrent qu'on aurait pu faire quelque chose avant qu'il ne soit trop tard. C'est notre préoccupation principale et on aimerait bien entendre le gouvernement là-dessus.

[Traduction]

Le coprésident (M. Bill Graham): Je rappelle aux deux ministres que l'auteur des questions ne vous a laissé qu'une minute à vous deux pour y répondre.

M. Arthur Eggleton: Bien, je le ferai en 30 secondes.

Je pense que j'ai déjà répondu à la question des troupes au sol. Nous n'enverrons des troupes au sol que dans le cadre d'une mission de maintien de la paix, si un accord de paix est signé.

Il serait pour commencer très risqué d'envoyer des troupes au sol dans la situation actuelle mais, de plus, il faudrait des semaines et des mois pour rassembler ce genre de troupe. Pour l'instant, nous faisons porter nos efforts sur la campagne aérienne.

Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Axworthy.

M. Lloyd Axworthy: Je pourrais peut-être répondre en 35 secondes, monsieur le président.

Tout d'abord, les Nations Unies peuvent être renforcées de bien des manières pour aborder ces nouveaux types de conflit qui visent les civils. L'une des initiatives que nous avons prises est bien évidemment celle de la création d'un tribunal pénal international en tant que nouvelle institution des Nations Unies chargée de faire rendre des comptes aux personnes concernées.

Même au sein du Conseil de sécurité, un certain nombre d'initiatives sont actuellement en cours, notamment en ce qui concerne les activités qui ont lieu en Afrique, au Sierra Leone—M. Pratt, mon envoyé spécial, revient d'ailleurs de cette région—et dans d'autres régions de façon à envisager les moyens de trouver des appuis au sein des Nations Unies pour que l'on puisse réagir plus efficacement.

Toutefois, dans le cas précis du Kosovo, en raison de la politique bien déterminée de certains membres permanents, ces derniers ont fait usage de leur veto pour empêcher que l'on puisse obtenir un mandat par voie de résolution afin d'appuyer les activités visées au chapitre VII.

Le débat qui a eu lieu à l'OTAN, et qui remonte à plusieurs mois, était le suivant. Lorsqu'il y a ce genre de blocage, lorsqu'on fait obstacle de cette manière, appartient-il à d'autres organisations internationales d'assumer ce même mandat qui est prévu dans la charte des Nations Unies, dans la Convention de Genève et dans la Convention sur le génocide, de façon à pouvoir s'opposer à ces attaques portées contre des civils vulnérables?

• 1150

Ce débat a été résolu. Après être passé par l'expérience horrible de la Bosnie et avoir assisté aux événements du Rwanda, nous avons décidé qu'il incombait à la communauté internationale, par l'intermédiaire de l'OTAN, d'apporter une réponse efficace, ce que nous faisons.

Ce n'est pas la plus satisfaisante. Je l'ai dit dans mon exposé, nous aurions préféré passer par le conseil des Nations Unies, mais il se fait que la Russie a déclaré qu'elle aurait opposé son veto et bloqué notre action. Nous espérons pouvoir renforcer les capacités de l'ONU dans un certain nombre d'autres secteurs pour qu'elle puisse remédier efficacement aux nouveaux risques qui menacent les êtres humains dans le monde d'aujourd'hui.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

Conformément à notre Règlement, je vais maintenant donner la parole au secrétaire parlementaire de la défense nationale, M. Bertrand, qui disposera de cinq minutes pour poser ses questions.

[Français]

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): J'ai deux questions ce matin. La première s'adresse à M. Eggleton.

Monsieur le ministre, quel genre de contact avez-vous, et à quelle fréquence, avec les autres leaders militaires de l'OTAN?

[Traduction]

M. Arthur Eggleton: Je communique tous les jours avec notre ambassadeur à Bruxelles, qui m'informe des contacts qu'il entretient avec les chefs de mission à Bruxelles et des discussions quotidiennes qui ont lieu au sein du Conseil de l'Atlantique Nord avec les autres représentants permanents. Notre ambassadeur, David Wright, nous rend régulièrement des comptes, à moi et au ministre des Affaires étrangères, bien entendu.

Je suis aussi en contact avec M. Robertson, du Royaume-Uni, et M. Cohen, le secrétaire à la Défense des États-Unis. J'espère entrer en contact un peu plus tard aujourd'hui avec M. Robertson au Royaume-Uni.

Je suis donc tenu au courant des préoccupations et de l'opinion des dirigeants des autres pays de l'OTAN de façon à pouvoir déterminer comment se déroule la mission à leurs yeux. Dans une large mesure, ils me disent qu'à leur avis cette mission se déroule bien et contribue à la réalisation des objectifs que nous nous sommes fixés.

Nous sommes tous confiants, comme nous l'avons dit lors de ces conversations, que cette mission pourra ramener le gouvernement yougoslave à la table des négociations le plus tôt possible. Nous avons tous convenu qu'il fallait en fait intensifier la campagne en raison de la grande menace qui pèse sur la population du Kosovo.

[Français]

M. Robert Bertrand: Merci beaucoup.

Ma deuxième question s'adresse au général Baril. J'aimerais savoir, général, quelles mesures vous avez prises afin de protéger nos troupes en Bosnie, en Italie ou ailleurs.

Général Maurice Baril (chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale): La protection de nos troupes dans les différentes missions, en Italie ou en Bosnie, est basée sur l'évaluation de la menace faite par le pays qui est notre hôte ou par nos troupes militaires.

En Bosnie, nos troupes sont en contact avec les Serbes de la Bosnie. Nous avons pris les mesures appropriées au sein du commandement de la division à laquelle nous appartenons. Nous avons déployé des réserves et nous avons des moyens de tir indirect et de tir direct qui sont prêts à répondre s'il y a des changements dans l'attitude de la population serbe.

La menace ne vient pas seulement de l'intérieur du territoire des Serbes de Bosnie. Elle peut être multidirectionnelle, aussi bien à Sarajevo qu'ailleurs. Donc, le niveau d'alerte a été considérablement augmenté.

À Aviano, on ne parle pas encore de l'évaluation de la menace. On a pris des mesures de sécurité. On prend également des mesures de sécurité additionnelles sur nos bases au Canada.

[Traduction]

Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Robinson.

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président. J'ai deux ou trois questions à vous poser.

Le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires étrangères ont tous deux déclaré que l'objectif de cette mission était de réduire la capacité de l'armée yougoslave à procéder à un nettoyage ethnique et à infliger des souffrances aux Albanais du Kosovo. Comme nous l'avons constaté avec horreur cette dernière semaine, depuis que les bombardements ont commencé, le nettoyage ethnique s'est en fait accéléré au Kosovo.

• 1155

La dure réalité, c'est que Milosevic est en train de gagner la guerre au sol. Il est en train d'atteindre ses objectifs au sol au Kosovo. Il expulse sans relâche, violemment, d'une façon génocidaire, les Albanais du Kosovo en opérant au sol. Il subit les attaques aériennes portées contre ses installations militaires et le niveau de brutalité ainsi que le nettoyage ethnique se sont accentués.

Face à cette triste réalité, j'aimerais que les ministres nous disent qu'elle est leur réponse aux propositions qui suivent. La première, compte tenu de ce qui se passe au sol et du fait que l'objectif fondamental de protection des Albanais du Kosovo a tragiquement échoué, du moins pour l'instant, que répond le gouvernement au projet du gouvernement italien, qui propose que l'on demande maintenant à Milosevic de retirer ses troupes du Kosovo et de cesser le nettoyage ethnique en accompagnant cette proposition d'une cessation des bombardements? Selon ce projet, les bombardements cesseraient effectivement, il y aurait une pause, et l'on chercherait à revenir à la table des négociations et à trouver une solution qui mettrait fin à l'exode des réfugiés.

Je voudrais aussi vous demander précisément si, dans le cadre de cette négociation, le gouvernement du Canada est prêt à envisager, plutôt qu'une force de maintien de la paix de l'OTAN, comme cela est proposé et prévu par l'accord de Rambouillet, une force composée des membres de l'OSCE, comprenant notamment des troupes russes. On pourrait peut-être trouver plus facilement une solution si l'on débordait du cadre de l'OTAN pour se situer à l'intérieur de l'OSCE.

Je voudrais aussi vous poser une question qui fait suite à celle de M. Turp. Si cette tentative échoue—si l'on échoue une fois de plus à résoudre cette question par des moyens pacifiques—et si l'horrible nettoyage ethnique se poursuit et s'accélère, est-ce que le gouvernement du Canada est disposé à envisager, comme le préconise le général Lewis MacKenzie et d'autres intervenants, une intervention limitée au sol pour créer une zone refuge au Kosovo? Il ne s'agirait pas d'engager directement les combats, mais de créer une zone refuge qui éviterait au moins un exode en masse des Albanais du Kosovo.

Enfin, quels sont précisément les objectifs politiques actuels de cette campagne? Nous savons que l'accord de Rambouillet est dans les faits caduc en raison des événements qui ont eu lieu. Le porte-parole du Département d'État des États-Unis a déclaré que l'objectif se situait entre l'autonomie et l'indépendance du Kosovo. Quel est en réalité l'objectif politique actuel? Qu'est-ce qu'il faudra faire pour arriver effectivement à une solution mettant fin à ce conflit?

Le coprésident (M. Bill Graham): Il ne vous reste que peu de temps pour les réponses.

M. Lloyd Axworthy: Eh bien, monsieur le président, je répondrai tout d'abord à M. Robinson qu'il est encore un peu tôt pour jeter l'éponge. M. Milosevic n'a pas encore gagné. Il est prématuré d'annoncer les gagnants et les perdants.

Comme nous vous en avons avertis dans nos exposés, cette campagne ne peut pas être instantanée. Il faut se donner du temps. Le ministre de la Défense nationale a indiqué que l'on procédait actuellement à un changement des stratégies militaires.

Je ne me risquerai donc pas si vite à déclarer que M. Milosevic a gagné. En réalité, sa stratégie, ses conceptions et ses efforts en vue de créer une grande Serbie ne datent pas d'hier. Il est clair qu'il était en train de la mettre en place au début octobre. C'est la raison de l'intervention militaire, il fallait essayer de faire obstacle, de trouver une autre solution. Nous devons prendre le temps de voir si ça fonctionne.

Pour ce qui est de la diplomatie, j'ai bien dit dans mon exposé que nous recherchions toute solution raisonnable et efficace. Nous avons vu ce qui s'est passé hier, lorsque le premier ministre Primakov, un allié proche des Serbes depuis déjà longtemps, s'est efforcé de négocier un compromis. Il est revenu avec une proposition que l'on ne peut qualifier autrement que de cruelle mascarade pour les Kosovars, disant en substance: «Nous négocierons éventuellement si vous arrêtez de nous bombarder.» Rien ne garantit leur sécurité, rien ne garantit que leurs droits seront protégés, rien ne garantit que leur retour leur conférerait une certaine légitimité, aucun effort n'a été fait pour résoudre la question.

• 1200

Je pense donc que, parvenus à ce point il est légitime que toute forme de négociation s'appuie sur des principes fondamentaux et que si l'on continue à assassiner les gens et à les expulser tout en déclarant que l'on est prêt en même temps à discuter, je ne pense pas que ce soit là une formule très efficace de négociation.

M. Svend Robinson: Et pour ce qui est de l'OSCE?

M. Lloyd Axworthy: Dans ce cas, l'OSCE a d'ores et déjà fourni un service très utile à la mission de vérification. Il s'est toutefois avéré, à compter du début janvier, que des vérificateurs non armés étaient inefficaces—que les Serbes, la police et l'armée les débordaient. Non seulement ils les harcelaient, mais en outre ils se rendaient coupables d'un grand nombre d'agressions contre leur propre population parce que les vérificateurs de l'OSCE n'avaient pas les moyens de s'y opposer.

Nous nous sommes aperçus dans le cadre des accords de Dayton, lorsque nous avons fait cette expérience horrible sous l'égide des Nations Unies... Nous avions du personnel au sol en Bosnie, mais son mandat d'intervention ne lui permettait pas de faire appliquer l'accord de paix. On a dû en faire la SFOR, ce qui dans une certaine mesure a ramené la stabilité et la paix en Bosnie. Donc, si nous pouvons parvenir à cette étape...

Toutefois, il vous faut des moyens d'appui parce qu'il faut bien reconnaître qu'avec M. Milosevic, si l'on n'a pas la capacité de faire respecter les accords, il ne s'acquittera pas de ses obligations. C'est toujours ainsi qu'il a agi depuis 10 ans.

M. Arthur Eggleton: Je comprends la frustration du député et je la partage alors que nous voyons des dizaines de milliers de personnes qui franchissent la frontière et nous font part de leur terrible expérience. Je peux vous dire simplement que nous faisons tout notre possible pour accélérer cette campagne aérienne afin qu'elle limite la possibilité pour le gouvernement yougoslave de procéder à ce nettoyage ethnique contre sa propre population. Nous allons le plus vite possible de façon à pouvoir atteindre cet objectif.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, messieurs les ministres.

Votre temps est écoulé, monsieur Robinson. Je vous remercie.

La parole est maintenant à M. Price, le député représentant la Parti conservateur au sein du comité de la défense, qui disposera de cinq minutes pour poser ses questions.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci, monsieur le président.

Je tiens tout d'abord à dire que le Parti progressiste conservateur félicite nos Forces canadiennes. Elles accomplissent un excellent travail dans des conditions très difficiles.

Ce matin, le général américain Wesley Clark a déclaré que nous n'avions jamais pensé mettre fin à ces tueries au sol au moyen d'une intervention aérienne. Ce n'est pas possible. On ne peut pas avec des appareils supersoniques qui lancent des bombes à partir du ciel empêcher des troupes paramilitaires d'aller de maison en maison.

Monsieur Eggleton, vous nous avez dit que cette intervention avait pour but d'attaquer les cibles militaires et d'éviter un génocide. Qui juge de ces objectifs, comment vont-ils être atteints et jusqu'à quand allons-nous devoir attendre qu'ils soient réalisés avant de les modifier?

M. Arthur Eggleton: On n'a jamais laissé entendre qu'au moyen d'une campagne aérienne on pourrait empêcher les gens, les individus équipés de leurs armes personnelles, d'aller de maison en maison. La campagne aérienne a pour but de réduire leur capacité à agir ainsi.

Nous nous attaquons aux installations d'approvisionnement, aux réserves de munitions, aux tanks, aux divers équipements blindés—dans la pratique, à tout ce que nous pouvons frapper—pour leur retirer les ressources qui leur permettent de procéder à ce nettoyage ethnique. Nous nous attachons à réduire leur capacité.

Cela ne veut pas dire pour autant que l'on va pouvoir arrêter les agissements de chaque individu avec la campagne aérienne. J'aimerais que nous puissions le faire. Toutefois, l'objectif ici est de réduire leur capacité et de porter suffisamment de coups aux forces militaires, paramilitaires et policières de la Yougoslavie pour que cette dernière finisse par retourner à la table des négociations.

M. David Price: Mais qui assure le contrôle? Qui contrôle dans quelle mesure nous atteignons nos objectifs, ou nous ne les atteignons pas, ce que d'aucuns disent actuellement?

M. Arthur Eggleton: C'est bien entendu l'organisation militaire de l'OTAN qui s'en charge. Elle reçoit les comptes rendus des sorties effectuées. Des images et des rapports ont été transmis quotidiennement à la télévision à partir de Bruxelles par le quartier général de notre propre défense et par d'autres, afin de nous donner une idée des missions que nous réalisons effectivement.

• 1205

Une autre chose qui a été bien précisée—et je tiens à la rappeler ici—c'est qu'en dépit de notre impatience et de notre frustration face au problème des réfugiés, et en présence des récits insoutenables qui nous viennent du Kosovo, ce n'est pas là une entreprise que l'on peut mener en quelques jours. Cette campagne aérienne s'étale dans la durée mais je peux vous dire qu'elle est évaluée à mesure que nous progressons.

Si nous avons intensifié la campagne aérienne, c'est aussi en raison de la révélation des atrocités commises au sol au Kosovo.

M. David Price: La difficulté, toutefois, c'est que nous ne semblons pas avoir véritablement prise sur les comptes rendus. Nous n'avons pas de journalistes sur place; ils ont été expulsés. Nous n'avons pas vraiment de gens sur place, n'est-ce pas? Toute la question est là.

M. Arthur Eggleton: Nous n'avons pas de gens sur place, sur le sol du Kosovo, mais l'on reçoit cependant des rapports. Ils sont bien souvent non confirmés, mais c'est en raison de la situation qui règne. Souvenez-vous que Milosevic a expulsé les médias internationaux et que chez lui il n'y a pas de presse libre.

M. David Price: C'est vrai, mais comment allons-nous savoir que nous avons atteint notre objectif?

M. Lloyd Axworthy: Monsieur Price, laissez-moi ajouter que le conseil de l'OTAN se réunit quotidiennement, et parfois deux fois par jour. Il reçoit directement des rapports d'évaluation militaire ainsi que des comptes rendus envoyés par les capitales des différents pays faisant état de leur jugement et de leur appréciation de la situation. Il est demandé aux ambassadeurs de l'OTAN de rendre alors des comptes à leur pays et de faire part des décisions concernant l'évolution des politiques en tenant compte de ces évaluations.

De plus, comme je l'ai dit en réponse à la question posée par M. Bertrand, nous sommes tous quotidiennement en contact avec nos homologues. J'ai parlé avec pratiquement tous les ministres qui sont mes homologues ainsi qu'avec les responsables de l'OTAN et les membres du Conseil de sécurité, dans le seul but de procéder à une évaluation constante et permanente de la situation et de la façon dont les objectifs sont réalisés. On rend donc des comptes sur le plan politique en même temps que sur le plan militaire.

Il vous faut cependant revenir à un point très important: la deuxième phase de la campagne vient juste de commencer il y a 36 ou 48 heures et en raison de la météo défavorable, elle n'a pas été pleinement mise en pratique. C'est pourquoi j'ai conseillé à M. Robinson de ne pas juger trop rapidement tant que nous n'en aurons pas vu les effets.

Enfin, je vous le répète, nous serons à la disposition de votre comité chaque fois qu'il souhaitera à l'avenir savoir quelle est notre évaluation de la situation.

M. Arthur Eggleton: Nous aurons atteint notre objectif lorsque nous aurons mis fin au nettoyage ethnique et que le gouvernement yougoslave retournera à la table des négociations pour signer un accord de paix.

Le coprésident (M. Bill Graham): Merci, messieurs les ministres.

Monsieur Stinson, vous avez la parole.

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Merci.

Je tiens à dire tout d'abord que mon parti appuie l'intervention militaire actuelle de l'OTAN en Yougoslavie.

Cela dit, on nous annonce que nous allons envoyer six autres CF-18 sur le théâtre des opérations. J'aimerais savoir si ces appareils auront le même équipement militaire que les six premiers.

M. Arthur Eggleton: Oui.

M. Darrel Stinson: Très bien.

Si la campagne aérienne ne donne pas les résultats escomptés et si vous ne réussissez pas à obtenir les résultats souhaités, à quel moment allez-vous en prendre acte? Quel est votre plan? Quel est votre calendrier de ce point de vue?

M. Arthur Eggleton: Il n'y a pas de date fixe; seul un résultat a été fixé. Ce résultat correspond à la réalisation de nos objectifs. Je l'ai dit tout à l'heure, nos objectifs sont de mettre fin au nettoyage ethnique et de faire en sorte que le gouvernement yougoslave retourne à la table des négociations et négocie un accord de paix.

M. Darrel Stinson: Si cette campagne aérienne ne donne pas de résultat, que ferez-vous?

M. Arthur Eggleton: Je ne pense pas qu'il nous faille nous arrêter à un échec éventuel. Nous devons faire preuve de résolution et faire en sorte que tout fonctionne pour le mieux, et c'est exactement ce que nous faisons. Nous nous sommes dotés de ressources supplémentaires et nous avons intensifié nos activités grâce à celles-ci, parce que nous sommes préoccupés par le malheur qui frappe la population du Kosovo.

M. Darrel Stinson: Le public entend parler de «nettoyage ethnique». J'aimerais que vous nous disiez... Nous connaissons les atrocités qui se commettent là-bas...

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Stinson, excusez-moi de vous interrompre en application de notre Règlement. Il y a une certaine confusion. Excusez-moi.

Il manquait la page 2 aux notes du discours de M. Axworthy qui vous a été remis. On me dit que l'on est en train de distribuer maintenant cette page. Si donc vous vous demandez à quoi elle correspond, c'est la page 2 qui manquait au discours du ministre. Rien ne manquait à son exposé, mais voici la page qui manquait dans le texte du discours.

Je vous redonne la parole, monsieur Stinson.

• 1210

M. Darrel Stinson: Merci.

On ne fait que parler de nettoyage ethnique. Nous savons qu'il se commet des atrocités. Nous savons très bien ce qui se passe là-bas. J'aimerais savoir ce que le gouvernement entend par «nettoyage ethnique». Est-ce que vous faites de la rectitude politique? Quelle est votre définition de «nettoyage ethnique»?

M. Arthur Eggleton: C'est une terminologie qui a été élaborée à partir de ce qui se passe en Yougoslavie depuis quelques années, à partir d'une situation qui a été imposée à la population de ce pays par Slobodan Milosevic. Il semble vouloir que la population serbe contrôle l'ensemble de la Yougoslavie et il a opprimé, dans le cas du Kosovo, les habitants d'origine albanaise, qui constitue la majorité de la population dans cette région.

Pour ce qui est de l'expression nettoyage ethnique, en mettant de côté la définition que l'on pouvait en donner en utilisant le dictionnaire, il y a ce que nous avons connu au Kosovo et dans d'autres régions de la Yougoslavie. Il y a des milliers et des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants innocents qui ont été persécutés, blessés, tués, chassés de leurs foyers, qui ont vu leurs maisons et leurs villages incendiés. Même avant le début des raids aériens, plus de 470 000 personnes avaient déjà été chassées de leurs foyers au Kosovo. Cela faisait partie de cette campagne de nettoyage ethnique.

La communauté internationale estime que cela est inacceptable. Cela est inacceptable pour les Canadiens et c'est contraire à leurs valeurs. Je pense que les Canadiens ne veulent pas que nous nous contentions de voir cet homme faire tout ce mal, ce mal prémédité et calculé que l'on appelle le nettoyage ethnique, à la population du Kosovo. C'est pourquoi nous avons fait ce que nous avons fait, tant sur le plan militaire que sur le plan humanitaire pour aider les réfugiés.

M. Darrel Stinson: Merci.

Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Hanger, vous avez une minute environ.

M. Art Hanger: J'aimerais poser une question à M. Axworthy.

Pendant le débat sur la guerre du Golfe, vous avez affirmé que le rôle du Canada devait jouer un rôle uniquement diplomatique et non pas militaire. En fait, vous auriez déclaré «Si nous devenions des combattants», vous parliez du Canada, «si nous étions en première ligne, nous ne pourrions plus jamais jouer ce genre de rôle.»

Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous souhaitez que l'on prenne des mesures très graves contre la Yougoslavie. En fait, vous avez récemment déclaré en entrevue, en votre qualité de ministre, que vous aviez du mal à accepter que les pays occidentaux aient su depuis le mois d'octobre que Milosevic préparait une force de combat et qu'ils n'avaient rien fait pour l'en empêcher. Ma question est donc la suivante, pourquoi est-ce que nos alliés n'écoutent pas ce que dit le Canada ou le ministre des Affaires étrangères? Avons-nous perdu toute influence?

M. Lloyd Axworthy: Je ne vois pas très bien comment votre introduction a amené cette question mais je peux vous dire que nous avons été très actifs, tant aux Nations Unies qu'au conseil de l'OTAN, à l'égard de la situation du Kosovo. Très tôt, nous avons reconnu que cela faisait partie d'une série d'événements qui s'inscrivaient dans le grand projet de Milosevic et qu'il serait dangereux de ne rien faire pour le Kosovo.

D'abord aux Nations Unies, lorsque nous sommes devenus membre du Conseil de sécurité, nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour attirer l'attention du conseil sur cette question et pour essayer de déterminer quel était le consensus général. Au conseil de l'OTAN, nous avons également déclaré qu'il était important d'essayer de trouver une façon de régler le problème du Kosovo. Comme quelqu'un l'a dit, cela aurait sans dû faire partie des accords de Dayton, mais cela est de l'histoire ancienne.

Nous avons fait entendre notre voix et l'on nous a écoutés parce que nous avons pris des mesures énergiques pour défendre les principes humanitaires. C'est peut-être un aspect, M. Hanger, que votre parti n'a pas très bien compris. Nous avons imprimé une orientation très claire à la politique étrangère du Canada, dans le but d'assurer la sécurité de la personne, la défense des individus, la défense des civils. Il faut créer des normes et des règles de droit différentes. S'il faut à un moment donné prendre des mesures coercitives pour y parvenir, il faut les prendre, même si nous préférerions certainement résoudre ces questions par la voie diplomatique et par des moyens pacifiques.

• 1215

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

Nous, les coprésidents, aimerions vous rappeler que nous donnons la parole alternativement aux membres du comité de la défense et à ceux du comité des affaires étrangères. Si votre nom figure sur la liste, nous tenons à vous dire que nous allons essayer de donner la parole à tous les membres du comité, tout en essayant d'alterner. Vous avez posé des questions fort intéressantes.

Cela dit, j'aimerais donner la parole à un membre libéral du côté de la défense, M. O'Reilly, pour cinq minutes.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, messieurs les coprésidents.

Merci à vous, messieurs les ministres, pour être venus. Nos téléphones et nos télécopieurs sont assez occupés dans nos circonscriptions électorales et je voudrais aborder avec vous les questions que me posent les gens.

Mme Marleau a brièvement fait allusion à la première de ces questions. Les gens peuvent-ils s'adresser à la Croix-Rouge pour aider ces populations et veiller à ce qu'on améliore la situation? Est-ce l'organisme numéro un pour les dons?

Mme Carolyn McAskie (vice-présidente, Direction générale des programmes multilatéraux, Agence canadienne de développement internationale): Si vous le permettez, je vais répondre au nom de Mme Marleau.

Nous sommes en contact avec la Croix-Rouge pour obtenir du matériel qui va être envoyé dans la région. La Croix-Rouge va également accepter des dons, comme elle le fait habituellement lorsqu'il y a ce genre de situation d'urgence. Elle s'occupe toujours de réunir des fonds dans ce genre de situation. Les Canadiens qui veulent envoyer de l'argent peuvent certainement en envoyer à la Croix-Rouge.

Je vais vous faire une suggestion; lorsque vous parlez à vos électeurs, demandez-leur de bien vérifier si les marchandises qu'ils veulent envoyer seront vraiment utiles. Par gentillesse, les Canadiens veulent bien souvent envoyer des choses qui seront, d'après eux, utiles alors qu'en fait nous essayons de nous en remettre aux contacts que possèdent la Croix-Rouge sur le terrain dans la région concernée pour savoir exactement quels sont les besoins.

Il est évident que les envois d'argent à la Croix-Rouge sont très appréciés. La Croix-Rouge fera savoir un peu plus tard si elle a besoin d'autre chose.

M. John O'Reilly: Merci.

Deuxièmement, pouvez-vous me dire quel est le montant que le Canada a versé par l'intermédiaire de l'ACDI, est-ce 3,8 millions, 4 millions ou 10 millions de dollars? J'ai entendu citer trois ou quatre chiffres. Si c'est 10 millions de dollars, qu'est-ce que cela représente par rapport aux secours qu'ont envoyés les autres pays?

Mme Carolyn McAskie: Pour ce qui est de la contribution du Canada, la ministre a mentionné trois chiffres ce matin. La somme de 3,18 millions de dollars représente ce que nous avons dépensé en mesures humanitaires dans la région avant la crise actuelle. Ce sont des fonds qui ont été envoyés au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, à l'UNICEF, au Programme alimentaire mondial, à la Croix-Rouge et par l'intermédiaire de CARE Canada. Ces sommes s'élèvent à 3,18 millions de dollars.

Le deuxième chiffre qu'elle a mentionné, qui était de près de 4 millions de dollars, et qui est en fait 3,85 millions de dollars, est venu du fonds pour la consolidation de la paix. Nous avons envoyé un montant de 3 millions de dollars à titre de contribution à la mission de vérification au Kosovo, c.-à-d., les observateurs canadiens qui se sont joints à la mission de l'OSCE. Tous ces fonds n'ont pas encore été dépensés, parce qu'un bon nombre de ces observateurs quittent la région et reviennent au pays mais ces sommes seront utilisées pour cette mission lorsque les circonstances permettront une reprise des activités. En outre, une somme de 850 000 $ a été affectée à un accord relatif à la police civile. Voilà ce que représente ce montant de 3,85 millions de dollars.

Les fonds que la ministre a annoncés hier représentent un montant de 10 millions de dollars supplémentaire et la décision finale sur la façon de l'utiliser sera prise en collaboration avec nos partenaires au sol. Un montant de 5 millions de dollars va être immédiatement versé au HCNUR, le Haut Commissariat pour les réfugiés, et l'autre montant de 5 millions de dollars sera réparti entre l'UNICEF, les ONG canadiens et la Croix-Rouge, et le ravitaillement dont la ministre a parlé sera transporté par l'avion de la défense. Cela viendra de la deuxième moitié de ce montant de 10 millions de dollars.

M. John O'Reilly: Merci beaucoup.

Ma question suivante porte sur les aspects militaires. Pendant la Deuxième Guerre mondiale et au Vietnam, les bombardements n'ont jamais constitué une solution définitive, ni amené la fin des hostilités. Ce sont en fait les troupes au sol qui font pencher la balance d'un côté ou de l'autre. C'est pourquoi je me demandais quelle était la stratégie générale, compte tenu de cet aspect. Si nous refusons d'envoyer des troupes au sol, quelle est la porte de sortie?

Et ma dernière question, je sais que mon temps est écoulé, parce que le président va bientôt me couper la parole, concerne l'exactitude des nouvelles données par les médias. La propagande américaine qu'émet CNN semble dominer tout le reste. Il semble que CBC soit un peu en retrait, alors que CNN est le chef de file et CFTO est la seule source de nouvelles accessible au Canada pour obtenir un contenu canadien digne de foi. C'est ce que me demandent les gens qui regardent la télévision. Nous ne sommes pas...

• 1220

L'autre question sur les aspects militaires concerne les CF-18 supplémentaires. Quelle est leur destination exacte, si vous pouvez en parler? Le fait d'ajouter ces CF-18 va-t-il réduire le risque?

M. Arthur Eggleton: Eh bien, les...

Le coprésident (M. Bill Graham): La publicité pour les programmes de télévision est interdite.

Des voix: Oh, oh!

M. Arthur Eggleton: Alors je ne peux pas vous dire que, d'après moi, c'est CTV News 1 qui a eu les premières informations, avant CNN? Je ne peux pas vous le dire? Très bien, je ne vous le dirai pas.

Pour ce qui est de notre porte de sortie, ce sont les pourparlers de Rambouillet, l'accord de paix, parce qu'une fois le conflit terminé, il va falloir régler la question du retour des réfugiés, celle de la façon dont le Kosovo sera gouverné à l'avenir et celle de l'autonomie de la province. Il faudra trouver toute une série de réponses et il faudra des troupes au sol pour s'occuper du maintien de la paix, de l'imposition de la paix. Cela avait été prévu dès le départ au moment des négociations de Rambouillet. Voilà sur quoi devrait déboucher le conflit militaire actuel.

Pour ce qui est des six CF-18 supplémentaires, ils seront stationnés à Aviano avec les autres CF-18. Il paraît logique de les garder ensemble. Je dois toutefois mentionner que l'aéroport d'Aviano est déjà bien rempli avec les avions et le personnel de soutien de nos alliés de l'OTAN. Nous faisons tout notre possible pour convaincre le gouvernement italien d'accepter d'abriter nos CF-18 supplémentaires dans cet aéroport ainsi que le personnel.

Je crois que le personnel stationné à Aviano va passer d'environ 130 à près de 200.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Axworthy.

M. Lloyd Axworthy: J'aimerais revenir sur les commentaires de M. O'Reilly pour aborder cette question, parce qu'elle m'apparaît très grave. Cette crise, dans laquelle les Canadiens sont si impliqués, fait ressortir toute l'importance de posséder des réseaux d'information, de communication et de nouvelles qui soient canadiens.

J'ai remarqué qu'on a pris depuis un an la décision, non pas au niveau de la réalisation mais au niveau de la direction, dans plusieurs réseaux d'information de fermer les bureaux internationaux et de réduire leur couverture. Cet événement devrait leur démontrer toute l'importance de préserver un réseau de communication canadien efficace parce que ce sont des questions qui sont vitales pour nous et qui doivent être traitées selon un point de vue canadien.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci beaucoup.

Merci, monsieur O'Reilly.

[Français]

Monsieur Laurin du Bloc québécois, vous avez cinq minutes.

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le ministre, une des questions qui me sont posées le plus souvent par les citoyens est celle-ci: À quel moment va-t-on procéder différemment pour arrêter cette crise? Actuellement, il y a des frappes aériennes. Pendant qu'on s'attaque aux entrepôts de Milosevic, Milosevic, lui, a entre les mains une arme qu'il utilise chaque jour pour expulser les Albanais du Kosovo.

M. le ministre a dit tout à l'heure qu'il n'y avait pas de date limite, mais combien faudra-t-il qu'il y ait de gens expulsés du pays avant qu'on procède autrement? On est rendu à 25 p. 100. Est-ce que le maximum qu'on va tolérer est 50 p. 100 ou 75 p. 100? Quand va-t-on enlever à Milosevic l'arme dont il dispose afin de l'empêcher de continuer ses ravages?

Si l'arme qu'il a entre les mains lui suffit pour faire tout ce qu'il a envie de faire, même si on détruit ses entrepôts, les Albanais seront peut-être déjà sortis de leur pays dans 15 jours ou dans une semaine. Quelle est la date limite? Il faut bien qu'il y en ait une.

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Je tiens tout d'abord à vous dire que le déplacement, l'expulsion et la persécution de ces gens n'a pas commencé le 24 mars. Cela avait commencé beaucoup plus tôt. C'est une attitude profondément enracinée qui s'explique par la stratégie qu'ont adoptée le président Milosevic et son gouvernement d'essayer de créer la grande Serbie en redéployant la population.

Il y avait déjà près de 400 000 personnes déplacées au Kosovo avant que ne commence notre action militaire. Ce n'est pas quelque chose qui s'est produit la semaine dernière.

• 1225

La question qui se pose est comment y mettre fin. Nous avons vu très clairement, au tout début de l'année, que l'on avait massé près de 25 000 troupes serbes supplémentaires à l'intérieur des frontières. Il se préparait à une offensive de printemps, avec ou sans attaque. C'est pourquoi nous avons pris la décision d'agir sur le plan militaire pour essayer de l'en dissuader. Comme nous l'avons expliqué, cela prend du temps. Il n'y a pas de solution magique.

Je sais que dans notre monde électronique et branché, nous aimons que les choses se règlent instantanément mais malheureusement, la dégradation de la situation dans cette région a commencé il y a très longtemps et elle a des causes très profondes.

Mais nous avons au moins pris position. Nous faisons quelque chose. Cela pourrait se terminer dans un quart d'heure si M. Milosevic prenait le téléphone pour dire: «Je suis d'accord pour arrêter d'intimider mon peuple. Je suis disposé à négocier, sur la base d'un certain nombre de principes, de façon à assurer aux Kosovars leurs droits fondamentaux, puisqu'il s'agit de leur patrie et qu'ils y vivent. Nous allons essayer d'en arriver à une entente, que ce soit sur la base de l'accord de Rambouillet ou sur des parties de cet accord, en accordant une certaine autonomie dans cette région.» Nous pourrions alors tout arrêter et commencer les négociations.

Mais à l'heure actuelle, rien n'indique que cela soit possible. L'aspect tragique de la situation est devenu très apparent hier lorsque M. Primakov est sorti pratiquement les mains vides d'une discussion de six heures avec M. Milosevic. Il n'y avait rien à négocier. Nous sommes donc obligés de continuer à faire ce que nous faisons.

M. Arthur Eggleton: Permettez-moi d'ajouter qu'il est désolant de voir ce qui arrive au peuple du Kosovo et je peux dire à l'honorable député, à vous tous, que nous faisons tout ce que nous pouvons, aussi rapidement que possible, pour améliorer sa situation, pour réduire la capacité de Milosevic et de ses hommes de main de faire ce qu'ils font au peuple kosovar. Milosevic et tous ceux qui infligent ces souffrances au peuple du Kosovo devront un jour rendre des comptes.

[Français]

M. René Laurin: Monsieur le président, puisqu'on semble incertain sur...

Le coprésident (M. Bill Graham): Excusez-moi, monsieur Laurin.

M. René Laurin: Ça fait déjà cinq minutes?

Le coprésident (M. Bill Graham): Vous avez eu vos cinq minutes, n'est-ce pas?

[Traduction]

Monsieur Assadourian.

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup. J'ai deux questions.

Premièrement, il y a, je crois, 11 pays qui participent à cette attaque sur le Kosovo. Les huit autres pays n'y participent pas. Nous sommes un des 11 pays qui y participent. Pensez-vous, monsieur le ministre, que nous pourrons encore nous occuper de maintien de la paix de façon impartiale dans les conflits à l'avenir? Allons-nous faire tout ce qui est en notre pouvoir, il n'y aura pas de paix à préserver dans la région, ce sera donc une victoire totale ou rien? Voilà ma première question.

En complément à cette question, comment se fait-il que les huit autres pays ne participent pas à ces attaques? La participation est-elle facultative ou faut-il s'engager à faire ce que doivent faire les membres de l'OTAN?

Deuxièmement, j'ai reçu un appel téléphonique d'un de mes électeurs qui m'a demandé de vous poser la question suivante si j'en avais la possibilité. Le Conseil de sécurité n'a pas débattu de cette question, ni approuvé l'attaque sur le Kosovo, doit-on en conclure, peut-être à tort, mais c'est la question que l'on m'a demandé de vous poser, que l'OTAN a perdu son indépendance et que nous sommes devenus les instruments de la politique étrangère des Américains dans le monde? Si l'OTAN fait cavalier seul chaque fois que les Nations Unis ne sont pas d'accord avec les États-Unis ou avec l'OTAN, les Nations Unies n'ont plus aucun rôle à jouer.

Les Nations Unies ont-elles encore à jouer un rôle sur le plan de la sécurité internationale?

M. Arthur Eggleton: Pour ce qui est de la question au sujet des pays de l'OTAN qui participent aux raids aériens, je dirais qu'à ma connaissance, il y en a 11 qui y participent sur les 19. Je tiens toutefois à souligner que les 19 pays sont tous en faveur de ces actions. Cependant, des petits pays comme le Luxembourg, ou l'Islande, qui n'a même pas d'armée, ne contribuent pas à ces raids aériens. D'autres pays ne participent pas directement à ces actions en apportant personnel et équipement à cause de leur proximité avec des pays voisins de la Yougoslavie mais ils se sont tous déclarés en faveur de cette campagne au cours des réunions du conseil de l'OTAN.

• 1230

Je suis désolé, mais je ne me souviens pas s'il y avait d'autres questions qui s'adressaient à moi. Je sais que vous avez adressé certaines questions à M. Axworthy mais y avait-il d'autres questions sur les aspects militaires?

M. Sarkis Assadourian: La deuxième partie de la question était la suivante, ces pays ne sont-ils pas obligés de participer aux activités décidées par l'OTAN? Il n'y a pas d'obligation?

M. Arthur Eggleton: Non. C'est volontaire. Ils souscrivent bien sûr aux objectifs généraux de l'OTAN et ils en sont membres. Pour cette mission particulière, chaque pays décide des modalités de sa participation mais l'important est que même si tous les pays ne fournissent pas de l'équipement et des effectifs pour les attaques aériennes, ils appuient tous cette entreprise.

M. Lloyd Axworthy: Si je pouvais ajouter quelque chose, il est intéressant de noter, par exemple, que c'est la première fois que l'Allemagne participe effectivement à ce genre d'entreprise majeure en tant que membre de l'OTAN. L'Allemagne a donc estimé qu'il était impératif d'agir, comme de nombreux autres pays. La tragédie qui se déroulait était tellement horrible que l'Allemagne a mis de côté un principe qu'elle appliquait depuis 40 ou 50 ans.

Sarkis, voilà ce que je vous dirais au sujet de votre deuxième question. Le Conseil de sécurité et la Charte des Nations Unies ont été conçus à un moment où les guerres se faisaient entre des États. Il y avait un pays qui en agressait un autre et la structure globale de l'ONU a donc été conçue pour répondre à ce genre de menace à la sécurité mondiale.

De nos jours, 90 p. 100 des guerres se font à l'intérieur des frontières. Ce sont des guerres intestines. Il existe toute une série de conflits ethniques, culturels et économiques qui opposent des seigneurs de la guerre, des criminels et des gouvernements qui oppriment leur population. C'est ce qui a complètement modifié la nature du problème de sécurité qui se pose aujourd'hui. Le problème traditionnel existe toujours mais maintenant un problème de sécurité très différent vient s'y ajouter.

Tous les organismes internationaux, les Nations Unies, l'OTAN, sont à la recherche de façons de réagir à ces problèmes. C'est sur cet aspect qu'a porté, vous le savez d'ailleurs fort bien, l'essentiel de nos discussions et de nos débats sur la politique étrangère du Canada: essayer de revoir nos positions pour tenir compte du fait que 90 p. 100 des guerres sont des guerres intestines et 90 p. 100 des victimes sont des civils.

Au cours de la Première Guerre mondiale, cinq pour cent des victimes étaient des civils. Maintenant, cela représente 90 p. 100, ce qui a complètement modifié la nature des guerres qui se font actuellement. Il faut donc changer notre façon de réagir. Dans ce cas-ci, j'estime que le Conseil de sécurité a un rôle essentiel à jouer.

Je crois qu'il peut encore, lorsqu'il fonctionne bien, répondre à ces conditions nouvelles et mettre sur pied de nouveaux types d'initiatives mais il y a deux éléments qui entravent son action.

Premièrement, il y a des membres permanents qui exercent souvent leur veto non pas en se fondant sur les nécessités de la sécurité collective mais sur leurs propres objectifs de politique interne.

Deuxièmement, les Nations Unies n'ont pas d'argent. Ses dettes s'élèvent à 1,7 milliards de dollars. C'est pourquoi les gens hésitent à demander au Conseil de sécurité de prendre des mesures pour la paix, parce qu'ils savent qu'il n'a pas les moyens de les mettre en oeuvre. Cela constitue un très grave obstacle aux activités du Conseil de sécurité, et c'est une raison pour laquelle nous demandons que l'on procède à des réformes dans des domaines aussi essentiels, pour que le Conseil de sécurité tienne compte du nouveau visage de la sécurité, qu'il paie ses factures et qu'il dispose des moyens de faire face à ces problèmes.

La charte des Nations Unies reconnaît également aux organisations internationales et régionales le droit de répondre aux menaces à la sécurité dans leur région, ce que fait l'OTAN. Cela nous paraît non seulement être à la base du règlement de la question humanitaire, c'est le genre de monde dans lequel nous vivons, mais cette situation menaçait également gravement la stabilité de toute l'Europe et c'était la responsabilité de l'OTAN d'intervenir.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

La question suivante sera posée par M. Earle, le critique NPD de la défense.

Monsieur Earle, vous avez cinq minutes.

[Français]

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

J'ai quatre questions. Je vais les poser rapidement en espérant que j'obtiendrai une réponse pour chacune d'entre elles.

Tout d'abord, on a dit que les bombardements visaient à amener les parties à négocier sur la base de l'accord de paix de Rambouillet. À mesure que ce conflit se prolonge, il semble de moins en moins probable que nous allons pouvoir réunir ces gens qui subissent ce nettoyage ethnique et les amener ensuite à vivre côte à côte avec les gens qui les persécutent. A-t-on envisagé de revoir les termes de ce traité pour essayer de déterminer ce qui pourrait rapprocher les parties?

• 1235

Deuxièmement, le Canada a une longue réputation de leadership dans les efforts de paix et de maintien de la paix; pensons au projet des mines terrestres. Que faisons-nous sur le plan diplomatique pour essayer de mettre fin à ce conflit par la négociation? Ou est-ce que notre rôle se limite simplement à participer aux bombardements?

Troisièmement, les CF-18 engagés dans cette action sont passés de six à douze. Quel est notre limite dans ce domaine et quelle sera la prochaine étape si nous n'arrivons pas à régler les choses?

Enfin, j'aimerais avoir un commentaire sur la notion de refuge sécuritaire pour les réfugiés, aspect dont a parlé M. Robinson?

Merci.

M. Lloyd Axworthy: Eh bien, monsieur Earle, quel que soit le nom que vous lui donnez, le cadre de Rambouillet comporte des principes fondamentaux. Le premier est qu'il fallait mettre fin à l'intimidation et à la persécution des citoyens du Kosovo et faire renoncer à l'utilisation de la police militaire pour opprimer leurs propres citoyens. Deuxièmement, il fallait rétablir l'autonomie qui avait été supprimée au Kosovo en 1989. Troisièmement, il fallait prévoir, sous une forme ou sous une autre, l'approbation ou la participation des citoyens du Kosovo.

Il devait également y avoir une présence internationale sur place au Kosovo pour veiller au respect de ces principes, parce que ce qui s'est produit entre octobre et janvier, c'est que la mission de vérification, tout en menant une action fort utile, a vu ses activités de plus en plus limitées et même parfois contestées.

Quel que soit donc le nom que vous leur donnez, ce sont là les principes en jeu. Comme je l'ai dit au début, ils représentent une base de négociation.

Sommes-nous actifs? Oui. En plus des travaux du conseil, je suis littéralement constamment en communication avec les ministres des affaires étrangères, avec mes homologues. Le premier ministre consulte lui aussi ses homologues.

Nous parlons également fréquemment aux membres du Conseil de sécurité. Comme je l'ai mentionné, je serai à New York demain pour rencontrer le secrétaire général, le nouveau président du conseil et d'autres membres du conseil pour voir quelles sont les autres mesures que nous pourrions prendre pour régler d'abord le problème humanitaire et ensuite le problème politique.

Nous n'allons aucunement ralentir nos efforts en vue de trouver une solution pacifique aussi rapidement que possible mais cela doit se combiner à une action militaire parce que, si nous arrêtions celle-ci maintenant, Milosevic dirait, comme votre collègue l'a mentionné, qu'il a gagné. C'est pourquoi dans ce cas-ci les deux actions doivent se poursuivre parallèlement.

M. Gordon Earle: Et pourquoi ne pas parler directement à Milosevic, comme les Russes ont essayé de le faire?

M. Lloyd Axworthy: Je n'ai pas encore décidé de me rendre à Belgrade, non, mais cela est une possibilité. Nous avons encore des relations diplomatiques avec la République fédérale de Yougoslavie. L'ambassadeur est toujours en place. Nous lui avons parlé d'un certain nombre de sujets pour lui faire connaître nos inquiétudes et nos points d'intérêt. Nous allons poursuivre ces conversations.

M. Arthur Eggleton: Je vais répondre aux deux questions portant sur les aspects militaires.

Tout d'abord, pour ce qui est de passer de six à douze CF-18 et de l'étape suivante, nous ne prévoyons pas pour le moment que l'on nous demande de fournir d'autres avions. Nous possédons d'autres CF-18 qui pourraient être utilisés dans cette mission mais nous allons attendre l'évolution de la situation avant d'aller plus loin.

Pour ce qui est de la notion de refuge, comme je l'ai mentionné il y a un instant, si nous devions envoyer des troupes au sol, il faudrait mettre en place des effectifs très importants pour être en mesure d'assurer un refuge dans ce genre de conditions. Cela prendrait du temps, pour envoyer ces troupes, car elles arriveraient dans des conditions très difficiles.

Il ne faudrait pas non plus oublier que cela n'a pas donné les résultats escomptés en Bosnie. Srebrenica en est un bon exemple. Il y avait des gens qui avait été pris en otage et attaché à des poteaux, c'était le nettoyage ethnique dans toute son horreur; c'était en fait carrément de l'extermination. Les refuges ne sont pas toujours de véritables refuges, comme l'expérience l'a démontré.

Le coprésident (M. Bill Graham): Merci, ministre le ministre.

Monsieur Pickard.

M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens également à vous féliciter et à féliciter nos troupes pour le travail qu'elles accomplissent.

On peut lire dans la presse des comptes rendus très mitigés. Il est vrai que nous avons lancé des raids aériens sur le Kosovo mais en fait, nous nous sommes engagés à moitié puisque nous n'avons pas envoyé de troupes au sol. Certains affirment que nous ne pourrons jamais mettre fin à ce conflit, ni arrêter le nettoyage ethnique ni réaliser les objectifs que nous avons mentionnés, vos trois objectifs, si nous ne décidons pas d'envoyer des troupes sur le terrain.

• 1240

Je comprends les explications données par M. Axworthy mais existe-t-il d'autres raisons pour lesquelles nous avons exclu au départ d'envoyer des troupes sur place?

Deuxièmement, il semble que la nature de l'intervention se modifie à mesure qu'elle se déroule. J'ai également entendu dire que la stratégie militaire pouvait changer d'un jour à l'autre. Je pars du principe que notre général et les autres membres du conseil de commandement qui représentent tous les pays prennent les décisions et proposent des stratégies.

Comment s'exécute cette mission, comment est-elle conçue et dans quelle mesure pensez-vous que notre rôle dans cette guerre va évoluer? Vous dites que cela va prendre beaucoup de temps et nous le comprenons tous, mais essayez-vous d'atteindre un objectif particulier et d'obtenir certains résultats dans ce conflit?

M. Arthur Eggleton: Eh bien, nous espérons bien sûr en arriver à un accord de paix et souhaitons que la population kosovar albanaise puisse reprendre sa place au Kosovo. Les frappes aériennes visent à redémarrer les négociations et à apporter une solution diplomatique et politique à la situation, en commençant par s'attaquer aux questions concernant l'avenir du peuple kosovar.

Pour ce qui est de la façon dont fonctionnent les alliés de l'OTAN, il y a des consultations quotidiennes à Bruxelles. Les 19 pays membres ont des missions à Bruxelles. Comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, notre ambassadeur, David Wright, rencontre les autres ambassadeurs et le secrétaire général Solana sur une base quotidienne, plus fréquemment si cela est nécessaire, pour parler de ces questions.

Il existe également des structures parallèles pour les militaires. L'amiral King est notre chef militaire là-bas et dans le cadre du comité militaire, présidé par le général allemand Naumann, il y a des consultations permanentes entre ces personnes de façon à assurer un maximum de coopération.

Pour ce qui est des troupes sur le terrain, dès le départ, la seule discussion qui ait lieu à l'OTAN au sujet des troupes au sol, le seul désir des pays de l'OTAN... Et souvenez-vous, il fallait en arriver à un consensus entre 16 pays à l'époque et 19 maintenant. Il y a eu effectivement un consensus au sujet de l'envoi de troupes au sol après la conclusion d'un accord de paix. Comme je l'ai indiqué plus tôt, 800 Canadiens environ auraient participé à cette mission. À ma connaissance, le conseil de l'OTAN n'a pas examiné la possibilité d'envoyer des troupes au sol, dans les conditions actuelles.

Comme je l'ai dit auparavant, l'OTAN utilise des frappes aériennes, et s'il est impossible d'empêcher que se commettent des actes de nettoyage ethnique, ces frappes ont pour but de réduire la capacité et les ressources des personnes qui commettent ces atrocités à l'endroit du peuple kosovar. Nous poursuivons cette campagne. Nous pouvons faire encore beaucoup plus pour réduire leur capacité.

Le coprésident (M. Bill Graham): Je suis désolé, monsieur Pickard, mais la période est écoulée.

Nous allons passer à M. Bachand.

[Français]

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Depuis quelques semaines, il y a des gens qui meurent au Kosovo, en Yougoslavie. Il y a des gens qui meurent par la faute du régime de Milosevic, et il y a maintenant des gens qui meurent à cause de l'intervention de l'OTAN.

On parlait tout à l'heure de définitions. Je vais vous dire une chose: que vous le vouliez ou non, le Canada est en guerre. Il est très clair que le Canada est en guerre. Le Canada est en guerre sans que le Parlement ait jamais voté afin de donner au gouvernement un mandat pour une intervention militaire de cette envergure, justifiée ou non. Jamais le Parlement ne s'est prononcé. Il y a seulement eu des débats de quelques heures, mais le Parlement ne s'est pas prononcé. Vous savez très bien, mais je vous le rappelle en toute estime, que le Parlement parle avec des votes, et non pas avec des débats stériles.

• 1245

Croyez-vous que le Parlement devrait se prononcer par vote sur la continuité de l'intervention au niveau de l'OTAN? C'est ma première question.

Deuxièmement, on entend de plus en plus parler de nettoyage ethnique, de massacres. On dit que Milosevic devient un terroriste, un criminel et qu'on doit le surveiller de façon très serrée. On est en train de lui donner le titre de criminel contre l'humanité. On vous entend dire cela depuis que vous êtes ici, depuis 11 heures ce matin. Cependant, en répondant à une question, vous avez dit que la porte de sortie était to bring back that governement to the negotiating table. Donc, vous êtes prêt. Est-ce que vous seriez prêt à négocier avec quelqu'un qui, à votre avis, est responsable, directement ou indirectement, de crimes contre l'humanité? N'est-ce pas là se peinturer dans un coin au niveau de la diplomatie internationale?

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Permettez-moi de répondre à cela.

Depuis 1993, depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons pris la décision de discuter avec le Parlement de l'envoi de troupes à l'étranger. La décision relève en dernier ressort du cabinet mais le Parlement a toujours été consulté. Ce n'est pas ce qui se faisait auparavant, je le signale. Sous le gouvernement précédent, cela ne s'est pas souvent passé de cette façon.

Oh, oui, monsieur Price. J'y étais; je sais. Il n'y participait pas.

M. André Bachand: Je ne veux pas vous contredire mais étant donné...

Il serait très facile de voter sur cette question et d'en parler, d'informer les députés et la population canadienne de ce qui se passe. Je trouve très frustrant de ne disposer de quelques minutes au moment où le Canada participe à une mission pour sauver des vies. Nous avons besoin d'être informés. La meilleure façon de vous servir de nous serait de convoquer le Parlement, de tenir un vote et de poursuivre les discussions et les échanges d'information.

M. Lloyd Axworthy: Eh bien, monsieur Bachand, avant que l'on m'interrompe, je voulais mentionner qu'il y a eu un débat de quatre heures sur cette question au mois d'octobre. Tous les députés qui le souhaitaient pouvaient utiliser une période de vingt minutes pour faire connaître leur position sur cette question. À ce moment-là, tous les partis représentés à la Chambre ont approuvé le type d'action militaire que nous avons lancée. Personne n'a dit à l'époque qu'il n'appuyait pas ce genre de décision. L'appui était unanime.

Si vous avez changé de position, il serait utile de nous le faire savoir. J'ai lu la déclaration que votre chef de parti a publiée il y a à peu près une semaine. J'ai cru y voir un appui très net. Vous devriez peut-être lui parler de cette question.

Il demeure que nous avons toujours consulté le Parlement. Nous avons tenu des séances d'information destinées aux députés. Cela fait bientôt deux heures que nous sommes ici. Comment peut-on dire que nous n'avons pas donné à tous les députés la possibilité de poser toutes les questions qu'ils souhaitaient sur une période de deux heures, je ne sais pas. On pourrait peut-être y passer quatre heures et voir si l'on pourrait faire davantage.

Nous allons continuer à agir de cette façon. Nous avons également déclaré que s'il fallait modifier de façon radicale la nature de notre action, nous reviendrions devant le Parlement, comme nous l'avons fait chaque fois que nous avons déployé nos forces militaires. C'est la politique générale de notre gouvernement, parce qu'il nous paraît important que les députés soient informés.

Parallèlement, nous avons également informé les critiques des autres partis. Vous savez vous-même que lorsque des mesures ont été prises au cours de la fin de semaine, nous avons immédiatement contacté les bureaux de tous les critiques des différents partis pour les mettre au courant des derniers développements et pour savoir ce qu'ils pensaient. Lorsque le président nous a fait savoir qu'il souhaitait tenir une réunion du comité, nous avons dit oui.

Il me paraît donc injustifié de dire que le Parlement ne joue aucun rôle dans ce domaine.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Bachand.

M. André Bachand: J'en appelle au règlement pour une question de détail.

[Français]

J'aimerais demander l'appui unanime des membres du comité pour déposer d'ici 13 heures une motion qui demanderait au gouvernement de rappeler la Chambre le plus rapidement possible pour discuter de la question du Kosovo. J'aimerais avoir l'appui unanime de tous les parlementaires. Je pense qu'il y va de l'intérêt de tous les parlementaires.

L'aspect de la participation des parlementaires est important, et je crois qu'on doit profiter de cette occasion pour demander au gouvernement de rappeler la Chambre afin que nous puissions discuter de cette question et être informés. Donc, j'aimerais avoir l'appui unanime de mes collègues pour qu'on puisse déposer avant la fin de la réunion, avant 13 heures, une motion demandant au gouvernement de rappeler la Chambre le plus rapidement possible.

• 1250

Le coprésident (M. Bill Graham): Monsieur Bachand, voici ce que je vous propose. Comme vous le savez, la règle de notre comité veut qu'il y ait un avis de 48 heures pour une telle motion tandis que celle du Comité de la défense nationale veut qu'il y ait un avis de 24 heures. Donc, en principe, il faut le consentement unanime.

Les ministres nous quitteront dans 10 minutes et il y a beaucoup de députés qui veulent leur poser des questions. Les coprésidents proposent que les membres du comité restent après le départ des ministres pour discuter des questions telles que celle que vous avez soulevée. Permettons aux députés de poser des questions aux ministres et, dès qu'ils seront partis, nous pourrons débattre entre nous de ce que nous ferons à partir de maintenant.

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Bachand.

Je donne maintenant la parole à M. Peric. Monsieur Peric, vous avez cinq minutes.

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Merci, monsieur le président.

Messieurs les ministres et les généraux, comme vous le savez, tout a commencé au Kosovo et s'est poursuivi au Vojvodine et au Monténégro. Les derniers députés ont été élus il y a plus de dix ans. Puis, les troubles ont atteint la Slovénie, la Croatie et la Bosnie.

Comme vous l'avez dit et comme M. O'Reilly l'a mentionné auparavant, la chaîne CNN diffuse les nouvelles, et je ne sais pas dans quelle mesure ces nouvelles reflètent bien la situation. Voici la question que je vous pose. Selon vos informations, les frappes aériennes ont-elles fait des victimes civiles en Serbie? Je ne parle pas du Kosovo, mais bien de la Serbie.

Deuxièmement, nous savons que le gouvernement en place à Podgorica n'appuie pas les gestes de Milosevic. S'il décide de se séparer de la Yougoslavie, allons-nous rester à l'écart de ce dossier, comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant?

M. Lloyd Axworthy: De quel pays parlons-nous?

M. Janko Peric: Podgorica se trouve au Monténégro.

Et monsieur Axworthy, je ne sais pas si vous en avez parlé à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, mais croyez-vous que nous sommes disposés ou prêts à accepter des réfugiés?

Voilà, j'ai posé mes questions.

M. Arthur Eggleton: Je vais répondre à votre première question.

Je crois que nous connaissons tous la réputation de la chaîne CNN. Les journalistes n'ont pas été en mesure d'obtenir beaucoup d'information directe—de fait, aucun Occidental n'a pu obtenir beaucoup d'information directe—parce qu'ils ont été expulsés. Ils ont été chassés de Belgrade il n'y a pas très longtemps. Évidemment, CNN présente les choses du point de vue américain.

Les radiodiffuseurs canadiens tentent toutefois de tenir la population au courant, et nous, à la Défense nationale, nous tentons de le faire aussi. Nous tenons des séances d'information technique tous les jours. J'invite les députés à y assister ou à les suivre à la télévision. Elles sont diffusées sur le réseau de télévision interne et elles sont retransmises en direct par la chaîne CTV News One. Il y a aussi l'Internet. Nous affichons de l'information sur Internet pour que vous puissiez suivre l'évolution de la situation.

Pour ce qui est des victimes civiles, je ne sais pas ce qu'il en est en Serbie et dans la république de Yougoslavie. Je peux vous dire que lorsque nous utilisons des munitions à guidage de précision, nous faisons tout en notre pouvoir pour atteindre des cibles militaires et réduire au minimum les risques d'atteindre des infrastructures civiles et de tuer ou de blesser des civils.

En fait, vous entendrez dire que parfois, lorsque nos missions s'effectuent dans l'espace aérien yougoslave, les appareils reviennent avec leurs munitions. C'est parce que le pilote n'est pas parvenu à identifier avec certitude la cible militaire qu'il cherchait. Nous voulons réduire les risques de ce que l'on appelle les dommages collatéraux, le fait de blesser ou de tuer des civils. Nous ne ménageons aucun effort à cet égard. Par mauvais temps, il est souvent impossible de larguer les munitions. Les Canadiens ne sont pas les seuls à procéder ainsi; tous les alliés en font autant.

M. Lloyd Axworthy: Pour ce qui est de vos deux autres questions, Janko, permettez-moi de dire d'abord que vous soulevez un point très important au sujet de la vulnérabilité du Monténégro. Le gouvernement démocratiquement élu de cette région est de toute évidence une épine au flanc de M. Milosevic. M. Milosevic n'aime pas les gouvernements démocratiquement élus. Il a cherché à plusieurs reprises à déstabiliser ou à renverser ce gouvernement. La crise pourrait aussi servir de motif pour lancer une action similaire contre le Monténégro.

• 1255

C'est une question cruciale qui a été discutée au conseil. Nous, les ministres, parlons de ce que nous pouvons faire pour renforcer la position du Monténégro.

Il est important de signaler en particulier que jusqu'à maintenant, le pays a accueilli près de 45 000 réfugiés du Kosovo. Il existe donc aussi, comme dans certains pays voisins dont la Macédoine et l'Albanie, un facteur d'instabilité très réel, simplement en raison de l'énorme pression et de la demande qu'entraîne ce genre de crise.

Mais cela n'est pas neuf, cela est prévisible. Nous savons ce que ce monsieur prépare et ce qu'il veut faire. Par conséquent, nous ne devons pas perdre de vue le Monténégro. Je suis heureux que vous ayez soulevé la question. Nous avons très clairement insisté pour que les frontières soient protégées et que le gouvernement du Monténégro soit préservé, pour que Milosevic n'ait pas l'occasion de chercher à le renverser.

Pour ce qui est de l'immigration, après en avoir parlé avec Mme Ogata, hier, il est clair que la priorité à l'heure actuelle, comme M. Eggleton et Mme Marleau l'ont mentionné, est d'apporter une aide immédiate aux centaines de milliers de personnes qui traversent de dures épreuves. Toute relocalisation devrait faire l'objet de discussion avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Il ne s'agit pas d'une décision que le Canada peut prendre de lui-même. Si on voulait tenter dans une certaine mesure d'atténuer les pressions, la discussion devrait avoir lieu entre les membres du Haut Commissariat des Nations Unies. Il s'agit véritablement d'une réponse internationale.

À l'heure actuelle, nous n'avons aucunement l'intention d'intervenir en ce sens, car il est certain que les personnes qui sont expulsées veulent rentrer chez elles. C'est leur pays. C'est là qu'elles vivent. Elles ont autant le droit d'y être que n'importe qui. Si vous commencez immédiatement la réinstallation, alors vous donnez une certaine légitimité aux velléités de purification ethnique de Milosevic.

Il y a des domaines où nous pouvons aider, comme nous l'avons fait par le passé—par exemple, en amenant les enfants ou les personnes vulnérables—mais cela doit se faire en collaboration avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre. Je suis désolé, votre temps est écoulé.

Écoutons maintenant M. Hanger. Vous avez cinq minutes.

Le coprésident (M. Bill Graham): Avant de commencer, je me demandais si les ministres auraient le temps d'entendre deux autres intervenants? Est-ce que vous pourriez rester cinq minutes de plus?

M. Lloyd Axworthy: Certainement.

M. Arthur Eggleton: Certainement.

Le coprésident (M. Bill Graham): Merci.

Monsieur Hanger, puis madame Beaumier.

M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir à la question de nos soldats affectés à Aviano. Je sais bien qu'il y en a quelques-uns sur le terrain en Macédoine, mais je veux surtout parler des soldats basés à Aviano.

Il n'y a pas si longtemps de cela, en fait seulement deux ou trois ans, un pilote canadien a remporté le premier prix d'un concours aux États-Unis. C'est tout un honneur, et cela révèle la qualité de la formation de nos pilotes.

Un aspect intéresse plus particulièrement la population. Si les Canadiens étaient informés avec précision de la qualité du travail qu'accomplissent nos soldats... Je crois que nos soldats s'en tirent très bien puisqu'au cours de leur première mission en Serbie, ils ont atteint trois des cibles qui leur avaient été assignées. Je veux donc d'abord savoir dans quelle mesure nos pilotes atteignent leurs cibles.

J'aimerais aussi savoir combien de munitions à guidage de précision et de missiles Maverick ont été utilisés jusqu'à maintenant. Je crois savoir que tous les Hornet canadiens sont équipés d'une mitrailleuse à canon rotatif. Ils sont dotés de deux versions de missiles air-air Sidewinder. Ils portent aussi quelques missiles air-sol Maverick, téléguidés. En outre, je crois savoir qu'ils sont équipés de FLIR Nighthawk, c'est-à-dire de caméras infrarouges.

Alors combien de missiles exactement ont-ils lancés et combien ont touché leurs cibles? Et est-ce que le ministre de la Défense nationale assure aux Canadiens que les réductions budgétaires qui s'annoncent n'influeront pas la façon dont nos pilotes peuvent effectuer leur travail?

M. Arthur Eggleton: Eh bien, je constate avec satisfaction que mon collègue a enfin reconnu que nos pilotes sont bien entraînés. Il sera heureux d'apprendre que c'est le cas pour tous les militaires des Forces canadiennes.

Il a fort justement cité un certain nombre de pièces d'équipement et de capacités que possèdent nos CF-18, mais je ne veux pas décrire avec précision ce que nos aéronefs emportent en mission, pour des raisons de sécurité.

• 1300

M. Art Hanger: Les médias l'exposent déjà.

M. Arthur Eggleton: Mais vous parlez des capacités.

M. Art Hanger: C'est déjà dans la presse.

M. Arthur Eggleton: Je suis désolé. Si vous croyez que vous le savez déjà, je ne sais pas pourquoi vous me posez la question. Je ne veux pas entrer dans les détails au sujet de chaque mission.

Nous ne comptons pas les points quand il s'agit de la quantité de munitions utilisées. Nous avons une mission à accomplir, et nos soldats sont des professionnels de fort calibre qui se tirent très bien d'affaire.

Je vais laisser le chef d'état-major de la Défense vous en dire plus à ce sujet.

Gén Maurice Baril: Nous appliquons une stratégie de bombardement qui exige l'utilisation de munitions largables très précises, soit des missiles de croisière et des munitions à guidage de précision. Ce sont les munitions que nous utilisons. J'ai publié des règles d'engagement très précises à l'intention de nos pilotes qui sont déployés là-bas; ils ne largueront pas leurs munitions à moins d'avoir repéré la cible qui leur a été assignée. S'ils ont le moindre doute, en raison des risques de dommages collatéraux, ils ne vont pas larguer leurs bombes.

Vous comprenez qu'un pilote ne veut pas rentrer à la base et révéler s'il a largué ses bombes ou pas. S'il ne les largue pas, c'est en raison des règles d'engagement qui ne lui permettent pas de les larguer, parce qu'il n'a pas nettement repéré la cible.

Lors de conflits antérieurs, lorsque l'appareil survolait une cible cachée par les nuages, on larguait de toute façon les munitions et on rentrait à la base. Nous ne procédons plus ainsi.

Le coprésident (M. Bill Graham): Je suis désolé, monsieur Hanger, votre temps est écoulé.

M. Art Hanger: J'en appelle au règlement.

Le coprésident (M. Bill Graham): Pour quelle raison?

M. Art Hanger: Je veux ajouter quelque chose à ce qu'a dit le ministre. Je n'ai jamais déclaré que les pilotes canadiens n'étaient pas bien formés. De fait, j'irais même plus loin, je dirais que le gouvernement en place a tellement réduit les budgets militaires que les pilotes et tout le personnel ont de la difficulté à faire leur travail.

Le coprésident (M. Bill Graham): À l'ordre. Jusqu'à maintenant, nous avons réussi à ne pas céder à la partisannerie politique, alors pourquoi ne pas...

M. Arthur Eggleton: C'est votre travail, n'est-ce pas? C'est ce que vous dites?

Le coprésident (M. Bill Graham): Je vais maintenant donner la parole à Mme Beaumier.

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Vous ne voulez pas de politique, n'est-ce pas, monsieur le président?

Le coprésident (M. Bill Graham): La parole est à vous, madame Beaumier. Vous allez ramener la raison dans notre débat.

Mme Colleen Beaumier: Les Russes considèrent qu'il s'agit d'une guerre illégale contre un pays souverain et d'une grave menace à la sécurité de la fédération de Russie. L'opposition de la Russie à l'intervention de l'OTAN jusqu'à maintenant a été passive. Je me demande si le ministre a des raisons de croire que la Russie maintiendra cette passivité ou si elle risque d'intensifier son appui à la Yougoslavie et d'intervenir plus concrètement dans la région. Et est-ce que cela risque de provoquer un embrasement?

Je vais poser aussi ma deuxième question. Les soldats canadiens sont essentiellement—et nous le comprenons—intégrés aux forces américaines, britanniques et françaises, mais de quelle façon nos généraux interviennent-ils dans le processus décisionnel du SAC?

Troisièmement, le ministre parlait des victimes, qui sont maintenant à 80 p. 100 des civils. Il me semble que les frappes aériennes ne peuvent qu'empirer les choses. J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.

Merci.

M. Lloyd Axworthy: Pour ce qui est de la première question, le président Eltsine a déclaré hier que la Russie n'interviendrait pas directement sur le plan militaire. C'est aussi ce qu'a clairement indiqué M. Primakov. Il se rendait sur place pour tenter de négocier un cessez-le-feu et voir s'il pouvait intervenir utilement. J'aurais aimé qu'il obtienne des résultats différents, mais il est important que la Russie tente de préserver sa position pour faciliter les communications et les contacts.

Toutefois, sauf les positions de quelques députés isolés au Parlement, rien n'indique que la Russie ait l'intention de s'engager d'une façon quelconque dans le conflit. Les Russes feront connaître leurs opinions, et nous espérons continuer à avoir des contacts étroits avec eux.

Mme Colleen Beaumier: Merci.

M. Arthur Eggleton: Je vais répondre à votre troisième question et je laisserai au général Baril le soin de répondre à la deuxième, au sujet de l'intervention des généraux.

Pour ce qui est des frappes aériennes et de leur effet sur la population civile, de nos jours, grâce aux munitions à guidage de précision, nous pouvons effectivement atteindre des cibles avec une extrême précision. Nous avons choisi des cibles militaires, et fait tout ce que nous pouvions pour nous en tenir à des cibles militaires. Il est certain, cependant, que l'infrastructure civile peut être atteinte elle aussi, et que des civils peuvent être blessés. Mais nous faisons tout en notre pouvoir pour réduire ce risque au minimum et nous possédons tout l'équipement électronique nécessaire pour guider nos armes avec précision.

• 1305

Mais vous le savez, si nous agissions autrement, nous laisserions Milosevic poursuivre sa campagne de purification ethnique en toute impunité. Nous répondons du mieux que nous pouvons; nous le faisons le plus rapidement possible et nous tentons de cibler uniquement les personnes et les machines qui s'acharnent sur la population kosovare.

Général Baril.

Gén Maurice Baril: Je vais répondre à la question au sujet du processus décisionnel et de la façon dont les décisions se traduisent sur le plan opérationnel.

Au quartier général de l'OTAN, à Bruxelles, se trouve le comité militaire. Un officier général ayant le grade de vice-amiral m'y représente personnellement, et je lui parle tous les jours. Cet officier est membre permanent du comité militaire.

Au SHAPE, quartier général suprême des alliés à Mons et siège du commandement suprême des alliés, je suis représenté par deux officiers généraux, et plusieurs officiers canadiens travaillent au quartier général. À l'une des bases d'opération des AWACS, en Allemagne, nous avons des officiers supérieurs et il y a parfois jusqu'à 95 Canadiens affectés aux AWACS.

Au QG du Sud, nous comptons de nombreux officiers supérieurs intégrés au quartier général. Nous avons aussi des officiers supérieurs à la 5e Force aérienne tactique alliée.

Nous sommes donc en contact avec toute une hiérarchie de commandement et de contrôle. Le sous-chef d'état-major de la Défense, qui dirige les opérations ici, au Canada, communique quotidiennement avec la capitale, et nous travaillons en collaboration. Comme vous le savez sans doute, nous échangeons une foule d'information et d'éléments du renseignement, en temps réel.

Mme Colleen Beaumier: Alors vous croyez que nous participons vraiment au processus décisionnel?

Gén Maurice Baril: En effet.

Mme Colleen Beaumier: Très bien. Merci.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci beaucoup, madame Beaumier.

En tant que coprésident, je tiens à remercier les trois ministres, les généraux Baril et Henault et le personnel des Affaires étrangères qui nous ont aidés aujourd'hui.

Je dois aussi remercier les membres des deux comités qui sont venus de leur circonscription au pied levé. Je vous remercie beaucoup de votre participation.

Quand les ministres seront partis, nous discuterons d'une autre question. Je laisse maintenant la présidence à M. Graham, qui va vous expliquer de quoi il retourne.

Merci beaucoup, messieurs les ministres.

Le coprésident (M. Bill Graham): Merci, messieurs les ministres.

Avant de partir, monsieur Axworthy, j'aimerais vous faire part d'une réflexion. En faisant des recherches en vue de cette séance, j'ai découvert que le prince Bismarck avait déclaré, en 1888, que si la guerre éclatait en Europe avant la fin du siècle ce serait en raison d'une certaine folie dans les Balkans. N'est-il pas extraordinairement déprimant de penser que nous, Canadiens, participons à la veille du XXIe siècle à un conflit similaire, un conflit que les Européens ont été incapables de régler à la fin du dernier siècle.

Mais en vous écoutant aujourd'hui, vous, monsieur Eggleton, le général Baril et les représentants du secteur de l'aide humanitaire—et je crois que tous les membres du comité seront d'accord avec moi à ce sujet—je reprends courage car je constate que les Canadiens participent à ce conflit de façon très constructive, sur le plan militaire mais aussi sur le plan humanitaire. Je sais que tous les membres des deux comités ont eu la chance de se rendre en Bosnie il y a deux ans et de visiter nos soldats là-bas. Ils ont pu voir avec quelle efficacité nos militaires aident les populations éprouvées par ces conflits.

Au nom des membres des deux comités, je veux souhaiter bonne chance à nos soldats, aux hommes et aux femmes qui sont au sol et qui tentent d'atténuer cette terrible tragédie humanitaire. Il faut espérer que nous pourrons rapidement ramener la paix.

Je vous remercie tous deux infiniment.

M. Lloyd Axworthy: Avant la fin du siècle, monsieur le président.

Le coprésident (M. Bill Graham): Merci, monsieur le ministre.

Chers collègues, M. Bachand a présenté une motion. La séance ne se terminera donc pas après le départ des ministres. Parce que M. Bachand n'a pas donné 24 heures d'avis, sa motion devra être approuvée à l'unanimité.

Monsieur Bachand, vous vouliez que nous rappelions le Parlement pour discuter de la question, d'après ce que j'ai pu comprendre.

Y a-t-il consentement unanime pour que cette motion soit discutée dès maintenant?

Des voix: Non.

Le coprésident (M. Bill Graham): Non, très bien. Alors nous n'avons pas de consentement unanime, et dans ce cas nous allons lever la séance jusqu'à ce que la Chambre reprenne ses travaux.

Merci beaucoup, mesdames et messieurs les députés.