AANO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 15 mars 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare ouverte la 30e séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.
Nous avons le privilège aujourd'hui de recevoir les représentants du Conseil national de développement économique des Autochtones, dont son président, le chef Clarence Louie.
Un grand merci d'être des nôtres aujourd'hui. Vous êtes accompagné de la coprésidente ainsi que d'une des membres de votre conseil. Nous vous sommes reconnaissants pour votre participation.
Je suis persuadé que vous saurez mieux que moi présenter les gens qui vous accompagnent lorsque vous ferez votre déclaration préliminaire. Comme ce n'est pas votre première comparution devant un comité, vous savez sans doute que l'on passera ensuite aux questions des membres du comité.
Chers collègues, nous voudrions terminer cette première partie de notre séance d'ici 17 heures, car il y a certaines questions dont nous devons discuter avant le week-end. Je demande donc à chacun de bien vouloir rester en place après de départ de nos témoins.
La parole est maintenant à vous, chef Louie. Nous aurons quelques questions à votre intention après votre exposé.
Je veux vous remercier de nous avoir invités. Nous nous ferons un plaisir de discuter avec vous et de répondre à vos questions après mes observations préliminaires.
Je me nomme Clarence Louie et je suis chef de la bande indienne d'Osoyoos dans la région de l'Okanagan sud en Colombie-Britannique. Certains parmi vous avez déjà visité notre centre de villégiature et je les en remercie.
Je me présente aujourd'hui devant le comité à titre de président du Conseil national de développement économique des Autochtones (CNDEA). Le CNDEA est un conseil consultatif que le gouvernement fédéral a créé en 1990 pour lui formuler des conseils stratégiques sur les politiques et les programmes ayant trait au développement économique des Autochtones. Le conseil regroupe des membres des Premières nations, des Inuits et des Métis de toutes les régions du Canada qui conseillent le gouvernement fédéral sur les moyens de rehausser la participation des hommes et des femmes autochtones au sein de l'économie canadienne.
Le CNDEA joue un rôle central dans l'élaboration de politiques et de programmes fédéraux favorables à la participation économique des Autochtones, notamment en ce qui touche la création d'emplois, l'expansion des entreprises et la gestion foncière. Le conseil a joué un rôle déterminant dans l'établissement du Cadre fédéral pour le développement économique des Autochtones, et continue de conseiller le gouvernement fédéral quant à sa mise en oeuvre dans tous les secteurs de l'économie nationale.
Je suis accompagné aujourd'hui de la chef Sharon Stinson Henry, de la Première nation Rama du sud de l'Ontario. Malheureusement, notre collègue Terrance Paul, chef de la Première nation de Membertou, n'a pu se joindre à nous. La coprésidente du conseil, Dawn Madahbee, est également avec nous. Nous avons le plaisir de communiquer au comité des renseignements qui pourraient l'aider dans son étude sur le développement économique durable et l'utilisation du territoire.
Aujourd'hui, mes collègues et moi-même souhaitons présenter le point de vue du CNDEA sur la gestion du territoire et de l'environnement dans les réserves. Nous formulerons également quelques recommandations précises, basées sur notre propre expérience de dirigeants communautaires, dans le but de bonifier les politiques et les pratiques actuelles du gouvernement fédéral.
Au Canada comme dans la majorité des autres pays industrialisés, le développement économique repose sur une assise foncière sûre: la terre constitue à la fois un avoir net qui permet d'accéder au financement nécessaire à l'investissement et à l'entrepreneuriat, une base de revenus qui étayent le développement et un intrant essentiel à la valorisation des possibilités d'affaires dans toute une gamme de secteurs, y compris l'extraction des ressources naturelles. Comme l'a fait remarquer la Banque mondiale, l'assise foncière constitue entre la moitié et les trois quarts de la richesse dans la majorité des économies. Dans la mesure où elle fait l'objet d'une gestion efficace et bénéficie de judicieux régimes de réglementation, la terre constitue une véritable locomotive de croissance économique.
En pays indien toutefois, le tableau est fort différent. Dans 96 p. 100 des réserves canadiennes, la Loi sur les Indiens régit à peu près tous les aspects de la vie publique. Elle définit qui est Indien et régit entre autres les conditions d'appartenance à la bande et de régie interne, la fiscalité, les élections, le régime d'enseignement, les titres, les terres et les ressources, ainsi que la gestion financière. Les dispositions de la loi qui touchent la gestion des terres revêtent une importance cruciale dans l'établissement des conditions qui sous-tendent l'expansion des entreprises et les investissements dans les réserves.
Je vais vous donner trois exemples d'entraves que le régime des réserve pose à l'émergence d'économies solides et florissantes dans les réserves.
Premièrement, l'article 89, en interdisant explicitement la prise d'hypothèques sur des biens situés dans une réserve, élimine un des principaux moteurs de développement des petites entreprises.
Deuxièmement, des lois fédérales comme la Loi sur les espèces en péril assujettissent les réserves à un cadre législatif et réglementaire différent de celui qui régit les terres provinciales, créant ainsi pour les investisseurs un environnement plus complexe et risqué.
Troisièmement, la Loi sur les Indiens a pour effet de rendre onéreux, complexes et souvent extrêmement lents les processus de gestion foncière, dont les activités aussi courantes que la location et l'enregistrement. Cette situation complique grandement les activités économiques de grande envergure basées sur le territoire, comme les grands projets de mise en valeur des ressources.
Je pourrais citer de nombreux autres exemples. Cumulativement, les effets négatifs de la Loi sur les Indiens sur la gestion foncière et le développement économique entraînent différentes conséquences. Dans les réserves, les processus décisionnels nécessitent trop de temps. Ainsi, de simples opérations d'affaires y exigent jusqu'à cinq fois plus de temps qu'à l'extérieur des réserves. En outre, trop d'approbations sont requises, ce qui retarde l'investissement ou bloque tout simplement l'activité économique.
Il en coûte jusqu'à six fois plus pour faire des affaires dans les réserves, comparativement à l'extérieur, ce qui décourage fortement les investisseurs.
Les forces du marché sont absentes. Le régime de la Loi sur les Indiens prévoit souvent une contribution fédérale aux décisions de développement économique d'une collectivité, ce qui nuit à l'activité commerciale et engendre de l'incertitude.
Les règles sont inadéquates et désuètes. Les règlements d'application de la Loi sur les Indiens sont lourds et complexes et n'ont pas suivi la rapide évolution globale de l'économie.
En 2012, le CNDEA publiera un rapport d'analyse comparative sur le développement économique des Autochtones, qui représente un premier effort d'ensemble mis en oeuvre pour compiler des indicateurs permettant de fixer des points de repère relatifs au bien-être social et économique des Premières nations, des Inuits et des Métis au Canada.
Le rapport met en lumière quelques-uns des effets dévastateurs de la Loi sur les Indiens sur le développement économique des Premières nations.
Premièrement, malgré une augmentation de la superficie territoriale exploitée à des fins de développement économique par les Premières nations et la promulgation de nouveaux outils législatifs visant à combler les lacunes de la Loi sur les Indiens, 80 p. 100 des 27 000 entreprises autochtones du Canada continuent d'être exploitées hors des réserves.
Deuxièmement, 68 p. 100 des collectivités des Premières nations n'ont toujours aucune responsabilité ni capacité de gestion des terres et des ressources, ou n'en ont que très peu.
Troisièmement, le taux de chômage dans les réserves se situait à 23 p. 100 en 2006, comparativement à 6 p. 100 pour les Canadiens non autochtones.
De toute évidence, les Premières nations qui gèrent leur territoire en vertu de la Loi sur les Indiens sont fortement désavantagées.
Pour ce qui est des études de cas, les membres du CNDEA qui comparaissent devant vous aujourd'hui représentent deux Premières nations qui ont atteint un niveau relativement élevé de réussite économique en dépit du fait que leurs activités étaient assujetties au système des réserves. Tout comme le chef Paul de la Première nation de Membertou, nous sommes tous les deux en train de réaliser des études de cas sur nos collectivités afin de mieux comprendre l'incidence des barrières législatives et réglementaires sur le développement économique. Chaque étude de cas contient une analyse approfondie des coûts et des délais que nous impose le système fédéral de gestion des terres. Lorsque ces études de cas seront achevées, nous nous ferons un plaisir de les soumettre à la considération du comité.
Ces études de cas révèlent différentes choses.
Premièrement, la Loi sur les Indiens rend le développement économique, et pratiquement toute autre décision relative aux terres, extrêmement coûteux en temps et en argent. Les rapports avec des tierces parties tels les bailleurs de fonds ou les partenaires d'affaires peuvent aussi être complexes en raison de l'absence de pouvoir décisionnel ultime et de certitude.
Deuxièmement, lors des transactions foncières effectuées en vertu de la Loi sur les Indiens, les décisions relatives aux terres de réserve doivent être approuvées par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, le ministère de la Justice ou Environnement Canada, ou même par ces trois ministères. Ce niveau d'intervention du gouvernement fédéral qui connaît très mal les réalités de la collectivité et qui est généralement allergique aux risques compromet grandement notre capacité d'agir au rythme des affaires.
Enfin, le Registre des terres indiennes et les normes auxquelles il est soumis manquent de précision et sont incapables de garantir la certitude des titres fonciers des propriétaires. Cette situation est aggravée par le fait que le Registre des terres indiennes ne possède pas de règlement officiel pour régir le système, que l'enregistrement de certaines transactions peut prendre des mois, voire des années, et que le système permet d'enregistrer plusieurs descriptions et titres fonciers au regard d'une seule propriété.
La chef Sharon Stinson Henry, de la Première nation Rama, va maintenant vous parler de l'étude de cas de sa collectivité.
Merci, monsieur le président et membres du comité, de nous permettre de présenter nos exposés aujourd'hui. Comme on vous l'a dit, je m'appelle Sharon Stinson Henry et je suis chef de la Première nation Chippewas de Rama, au centre de l'Ontario. Gchi miigwech de nous avoir invités.
C'est un honneur pour moi de comparaître devant ce comité en compagnie du chef Louie en tant que membre du Conseil national de développement économique des Autochtones. Comme notre président vous a déjà parlé des objectifs de notre conseil consultatif, je vais passer directement au coeur de mon exposé.
Les difficultés associées au développement économique des Premières nations ont été bien documentées et ont fait l'objet de plusieurs rapports et études. Les obstacles au développement économique durable des Premières nations demeurent bien présents, malgré les rapports qui les ont cernés et les recommandations formulées pour les éliminer ou en atténuer l'impact.
Par exemple, un chapitre du rapport de novembre 2003 déposé à la Chambre des communes par la vérificatrice générale du Canada portait sur le développement économique des collectivités des Premières nations dans l'optique des mécanismes institutionnels. La vérificatrice générale soulignait alors que les Premières nations continuent d'être confrontées à des obstacles qui augmentent le coût de leurs activités économiques.
Le rapport mettait en lumière les obstacles suivants: difficulté à accéder aux ressources naturelles, ce qui restreint les possibilités offertes aux Premières nations; difficulté d'accès aux capitaux nécessaires au développement économique; fardeau considérable associé à la nécessité de se tenir au fait des exigences des différents programmes fédéraux; réticence des agents fédéraux à prendre des risques lorsqu'ils examinent un projet; processus d'approbation des projets ne suivant pas le rythme des affaires; critères de programme difficiles à adapter à des projets de développement économique complexes et de grande envergure; lourdeur des modalités d'exécution prévues dans la Loi sur les Indiens; ressources insuffisantes pour instaurer en temps utile les mécanismes institutionnels qui structurent, officiellement ou non, les interactions économiques.
Le rapport notait qu'il fallait beaucoup plus de temps pour faire approuver un projet sur les terres des Premières nations qu'à l'extérieur des réserves. Il donnait l'exemple d'un projet dont l'exécution sur une réserve avait exigé deux fois plus de temps par rapport à un autre dans une collectivité non autochtone voisine.
Le président de notre conseil a déjà traité en profondeur dans ses remarques de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. J'ajouterais toutefois que si cette loi offre aux Premières nations d'excellentes possibilités de reprendre leurs droits et responsabilités à l'égard de leur base foncière, elle perd de son efficacité en raison de l'insuffisance des ressources affectées à son application.
Selon ce que nous ont dit des dirigeants des Premières nations, une fois qu'on a adhéré au régime prévu dans la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, le gouvernement fédéral ne fournit pas les ressources suffisantes pour appuyer le développement des capacités devant permettre à la Première nation de profiter des possibilités qui se présentent.
En outre, la loi devrait offrir aux Premières nations le contrôle plein et entier sur les terres et l'accès à celles-ci. Par exemple, on devrait permettre aux Premières nations d'imposer des droits d'accès ou des péages à ceux qui utilisent les terres qu'elles possèdent.
Comme vous le disait le chef Louie, le Conseil national de développement économique des Autochtones a entrepris trois études de cas sur la Première nation Rama, la mienne, la Première nation de Membertou et la bande indienne d'Osoyoos.
Dans notre propre étude de cas, nous examinons les coûts additionnels associés au développement économique des Premières nations à la lumière de deux grands projets que nous avons réalisés. Il y a d'abord la mise sur pied du Casino Rama, le casino commercial le plus prospère en Ontario, qui est situé sur les terres de ma Première nation. Le second projet est réalisé de concert avec d'autres partenaires des Premières nations. Il s'agit du club de golf St. Eugene et du casino des Rocheuses, un complexe situé dans la réserve de St. Mary's, juste à l'extérieur de Cranbrook, en Colombie-Britannique.
L'étude de cas de la Première nation Rama a révélé plusieurs barrières inhérentes à la Loi sur les Indiens que je vais aborder brièvement.
Ceci dit très respectueusement, monsieur le président et membres du comité, la Loi sur les Indiens est une loi coloniale complètement dépassée qui ne répond pas aux besoins des Premières nations. Compte tenu des restrictions et des tracasseries administratives qui en découlent, il devient impossible pour les Premières nations d'agir assez rapidement pour la mise en valeur de leurs possessions foncières.
Ces complications administratives rendent souvent le développement économique impossible pour les Premières nations du Canada. L'une des barrières les plus problématiques dressées par la Loi sur les Indiens réside dans l'exigence pour les Premières nations de procéder d'abord à la cession ou à la désignation de leurs terres avant tout projet de développement. Cette obligation de céder vos intérêts fonciers au gouvernement fédéral pour pouvoir vous lancer dans le développement représente un problème de taille.
Par exemple, notre projet d'établissement du très prospère Casino Rama a été ralenti par les exigences de la Loi sur les Indiens qui nous obligeait à céder les terres requises ou, plus précisément, à les désigner, ce qui nécessitait notamment la tenue d'un référendum local. C'est un processus long et complexe qui a retardé notre transaction et a en a augmenté les coûts.
Les dispositions de la Loi sur les Indiens concernant la gestion foncière ont causé des difficultés semblables à la Première nation Rama dans le projet de casino et de club de golf à St. Eugene. Là encore, les exigences de désignation ont compliqué la transaction, car il ne s'agissait pas d'acquérir des biens fonciers détenus en fief simple, mais toute une série d'intérêts cédés en sous-location à bail qui ont finalement fait l'objet d'un bail foncier cédé par le MAINC.
La structure de tenure à bail de St. Eugene a aussi influé sur le processus de prise de garantie de la Première nation Rama pour ses contributions financières additionnelles, car le ministère des Affaires indiennes devait approuver les hypothèques consenties. Les Premières nations ne peuvent pas utiliser leurs possessions foncières comme garantie pour des prêts en faveur du développement économique, et le gouvernement fédéral n'offre pas un soutien financier suffisant aux Premières nations pour le développement économique.
Notre Première nation a ressenti les répercussions de ces dispositions dans ses projets de développement économique. Nous avons remarqué que les banques s'intéressent davantage à la présence d'un flux de trésorerie suffisant qu'à celle d'actifs, lorsque ces actifs sont situés sur les réserves des Premières nations. Il en résulte des coûts supplémentaires qui pourraient certes représenter un obstacle insurmontable pour bien d'autres Premières nations.
Pour ce qui est des ententes de gestion environnementale, nous estimons que le respect de l'environnement est essentiel à une gouvernance efficace par les Premières nations. Le développement économique durable des Premières nations est tributaire de notre accès aux ressources foncières et naturelles ainsi que de notre saine gestion de ces ressources, notamment du point de vue environnemental.
Cependant, rares sont les règlements fédéraux en vigueur pour protéger l'environnement sur les réserves. En conséquence, les résidants des réserves des Premières nations ne jouissent pas des mêmes protections environnementales que les autres Canadiens. Le gouvernement fédéral doit donc fournir aux Premières nations suffisamment de ressources financières, techniques et autres pour répondre à leurs besoins en matière de gestion environnementale.
Par ailleurs, le processus d'ajouts aux réserves est complexe, long et très coûteux. Comme le soulignait le chef Louie dans ses récentes observations devant un comité sénatorial, il s'agit d'une politique fédérale; ce n'est pas une loi. Il faut que cela change, comme il l'indiquait lui-même. Le processus d'ajouts aux réserves doit céder la place à une loi partant du principe que le Canada souhaite ajouter des terres aux réserves parce qu'il est dans l'intérêt à long terme des Premières nations, du pays, des provinces et des municipalités de le faire. Dans le processus actuel d'ajouts aux réserves, les Premières nations doivent traiter non seulement avec le gouvernement fédéral, mais aussi avec les municipalités, ce qui crée des entraves additionnelles. Il convient donc de mettre en place des processus de règlement des différends entre les Premières nations et les instances municipales.
Voici maintenant nos recommandations générales pour la gestion des terres des Premières nations. Le gouvernement fédéral devrait se concentrer sur les moyens à mettre en oeuvre pour aider les Premières nations à développer leurs terres et leurs ressources, plutôt que de se confiner au rôle de gardien en les empêchant de profiter des différents débouchés. Nous devons nous montrer créatifs dans la recherche de solutions. La Couronne pourrait par exemple fournir des garanties de l'État pour appuyer le développement. Le gouvernement fédéral doit transférer aux dirigeants des Premières nations les responsabilités et les droits afférents à la gestion de leurs terres en leur procurant les ressources suffisantes pour devenir de meilleurs gestionnaires fonciers.
Le développement économique ne se limite pas aux grands projets de mise en valeur des ressources réalisés par les Premières nations; il passe également par l'aide à apporter aux entrepreneurs des Premières nations dans la quête de leurs objectifs.
En vertu de la Loi sur les Indiens, un contrôle ministériel s'exerce sur la vie des membres des Premières nations de la pouponnière jusqu'au cimetière. Il faut que ça change. Les obstacles que dresse la Loi sur les Indiens pour empêcher les membres des Premières nations de développer leurs terres sur les réserves sont semblables à ceux qui s'opposent au développement économique général des Premières nations. Ils doivent être éliminés.
On pourrait grandement contribuer au développement économique des Premières nations si l'on acceptait de partager les revenus tirés des ressources naturelles. Et ce partage doit s'effectuer de façon juste et équitable. Certaines Premières nations vivent dans la pauvreté alors même que des entreprises multinationales exploitent leurs terres.
Enfin, le processus de règlement des revendications territoriales, qu'elles soient globales ou particulières, est trop lent. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour abattre tous ces obstacles.
Les Premières nations du Canada peuvent contribuer grandement au développement d'un pays plus fort. Tous ensemble, nous pouvons y arriver. Il faut toutefois que l'on nous respecte et que l'on nous appuie. Conjuguons donc nos efforts pour accroître la vigueur et la capacité concurrentielle de l'économie canadienne au fil du XXIe siècle.
Encore une fois, gchi miigwech. Merci de m'avoir donné l'occasion de vous adresser ces quelques remarques aujourd'hui.
Merci, monsieur le président.
Est-ce que Mme Madahbee peut vous parler du rapport d'analyse comparative?
Permettez-moi d'intervenir un instant.
Chers collègues, nous avons déjà largement dépassé le temps que nous allouons normalement pour les déclarations préliminaires. J'ai l'impression que nous souhaitons sans doute laisser nos témoins poursuivre. Il faut toutefois que j'obtienne votre consentement pour ce faire. Je pense que les témoignages que nous entendons aujourd'hui sont plus importants que les questions que nous pourrions poser, car vous répondrez à l'avance à bon nombre d'entre elles.
Merci pour votre témoignage et désolé pour l'interruption.
Je suis très honorée de pouvoir vous parler du développement économique des Autochtones au Canada et du travail que notre conseil accomplit pour formuler des recommandations à l'intention du gouvernement fédéral.
Je suis à l'emploi d'une institution financière autochtone qui dessert 27 Premières nations du nord-est de l'Ontario. Comme je fais ce travail depuis 24 ans, j'ai une idée assez précise des défis et des possibilités qui s'offrent aux Autochtones de toute notre région.
Nous oeuvrons auprès de nos trois groupes traditionnels: les Premières nations, les Métis et les Inuits. Nous avons d'ailleurs un projet d'entrepreneuriat inuit dans notre secteur du nord-est de l'Ontario.
J'aimerais vous décrire le travail de notre conseil et vous parler du rapport d'analyse comparative auquel le chef Louie a fait référence. Avec ce rapport, nous voulons faire le point sur la situation du développement économique autochtone. Nous espérons ainsi mesurer les progrès réalisés au fil des ans et cerner les lacunes dans le développement économique des Autochtones de manière à pouvoir mieux conseiller le gouvernement fédéral quant aux mesures à prendre pour combler ces lacunes.
Notre analyse révèle que des progrès ont été réalisés au cours des dernières années. Ce matin, je parlais avec mes collègues ici présents du fait que le centre de villégiature Spirit Ridge d'Osoyoos n'existait même pas il y a 10 ans à peine. Même chose pour le centre de congrès de la Première nation de Membertou. Bon nombre des projets réalisés, comme ceux du développement du Grand Nord il y a 10 ans, sont plutôt récents. Cela montre bien que les progrès sont rapides, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire.
Le rapport souligne également que, malgré les progrès réalisés, les Autochtones demeurent au bas de l'échelle sociale. Nous avons encore besoin de programmes et de mesures de soutien pour aider les Autochtones à tirer avantage des possibilités offertes par les grands projets de mise en valeur des ressources, l'exploitation de leurs assises territoriales actuelles et les débouchés qui existent sur les marchés. Ce sont autant d'éléments absolument essentiels pour les Autochtones de tout le pays.
Nous sommes bien déterminés à ne pas dépendre des programmes gouvernementaux. Je sais que cette dépendance diminue au fil des progrès réalisés dans une collectivité, mais l'aide offerte dans le cadre des programmes de développement économique est primordiale à cette fin.
J'ai moi-même grandi dans une famille qui comptait sur les mesures de soutien social. Aînée parmi neuf enfants, je suis heureuse de vous dire que nous avons tous terminé nos études postsecondaires pour occuper maintenant des emplois et contribuer à la vie de notre collectivité. Je crois que c'est un exemple duquel on peut s'inspirer si on met l'accent sur le développement économique et l'éducation.
Le rapport d'analyse comparative s'intéresse à ces aspects. À la lumière des mesures successives qui nous serviront de repères, je crois que nous pourrons en déduire les orientations à prendre et les moyens à mettre en oeuvre. On peut déjà constater que la situation progresse, mais nous avons toujours besoin du soutien des programmes de développement économique du gouvernement fédéral.
Au cours des 10 à 15 prochaines années, de nombreux changements seront apportés dans le cadre de ces programmes. Je crois qu'au moins la moitié des Premières nations au Canada pourraient bénéficier du maintien de mesures de soutien semblables, mais nous avons également besoin d'outils additionnels.
À cet égard, notre conseil s'intéresse notamment aux grands projets de mise en valeur des ressources et aux pratiques exemplaires en la matière. Nous croyons que cela sera important. Nous avons déjà beaucoup travaillé à nos recommandations concernant le financement de l'infrastructure des Premières nations. Notre conseil s'appuie sur une vaste expertise pour formuler ces recommandations que nous nous ferons un plaisir de vous soumettre. Une grande partie de notre travail sera affichée sur notre site Web.
Nous savons que ce soutien est encore nécessaire. Nous avons parlé aujourd'hui de mise en valeur des ressources. Les grandes sociétés canadiennes indiquent maintenant qu'elles vont nous fournir du financement en amont pour amorcer le développement de ces capacités, mais nous aurons encore besoin de quelqu'un pour négocier ces mises de fonds et nous aider avec les communications nécessaires. Ce coup de pouce de départ est encore requis. Au fil de notre analyse, nous devrions être en mesure de vous fournir de plus amples détails à ce sujet.
Je peux vous assurer qu'il y a de quoi être fier de notre réseau national d'institutions financières autochtones. Partout au pays, nous contribuons au développement des quelque 30 000 entreprises autochtones qui existent au Canada. J'ose espérer que nos institutions en viendront à jouer un rôle accru en contribuant au financement des infrastructures des Premières nations et au développement de la capacité nécessaire pour les grands projets de mise en valeur des ressources dont nous avons besoin pour aller de l'avant.
Comme je veux laisser du temps pour les questions, je n'en dirai pas plus pour l'instant.
Merci encore une fois.
Effectivement. Si vous avez d'autres observations à nous faire, il va de soi que nous souhaitons tout au moins vous laisser le temps de terminer.
Je crois qu'il importe surtout que nous entendions votre témoignage. Il y aura des questions, mais il est possible que vous ayez déjà répondu à bon nombre d'entre elles.
Depuis plusieurs années déjà, nous soumettons nos recommandations au gouvernement; de fait, nous avons rencontré ce matin même les gens du ministère des Affaires indiennes.
Concernant la Loi sur la gestion des terres des premières nations, vous avez entendu ce qu'avait à dire Robert Louie à ce propos, il y a quelques semaines. Nous y sommes favorables. Il y a toute une série de Premières nations qui attendent de pouvoir participer au programme mais c'est bien sûr, comme tout le reste, une question d'argent et de financement. Nous avons demandé au ministre d'affecter des ressources supplémentaires à cette initiative de telle sorte que les Premières nations qui veulent se soustraire à la Loi sur les Indiens et sont prêtes à gérer leurs propres terres n'aient pas à attendre cinq ou dix ans.
Il y a aussi la question de la gestion de l'environnement. Je ne sais pas trop d'où nous vient la Loi sur les espèces en péril. Elle nous est tombée dessus au cours de la dernière décennie. Je ne peux parler qu'à la lumière des expériences vécues à Osoyoos, mais je déteste profondément cette loi. Je n'aime pas du tout devoir traiter avec les gens du Service canadien de la faune (SCF).
Le ministère des Affaires indiennes ne devrait pas penser que les recommandations du SCF et les pouvoirs qu'il exerce sur nos terres sont plus importants que le point de vue des gens qui y vivent depuis des milliers d'années. Les représentants du SCF sont de drôles d'environnementalistes. Je les traite de soi-disant écologistes. Je leur dis: « Voulez-vous savoir qui est à risque? Voulez-vous savoir quelles sont les espèces en péril? Ce sont les gens des Premières nations. »
Nous sommes l'espèce en péril depuis 200 ans dans ce pays. Les statistiques le prouvent, notamment pour ce qui est des taux de suicide et d'incarcération, et ces gens-là viennent sur nos réserves pour nous dire ce que nous pouvons exploiter ou non.
Nous venons de conclure un bail avec la plus vieille résidente de notre réserve, une femme de 86 ans. C'est son seul bien foncier et il appartient à sa famille depuis des générations. Ces soi-disant écologistes sont venus et ont résilié son bail. Ils lui ont enlevé son accès à l'eau à cause de la Loi sur les espèces en péril.
À Osoyoos, il suffit de regarder par-dessus la clôture pour voir comment des non-Autochtones s'y prennent pour se débarrasser d'une mauvaise herbe qu'on appelle le sarcobate vermiculé. Il leur suffit de passer le champ au bulldozer. Nous avons même pris des photos les montrant en action, mais les gens du SCF nous disent tout de même... Ce promoteur non autochtone est à peine à un jet de pierre, mais on nous dit que nous ne pouvons pas agir comme il le fait. Il peut mettre en valeur sa terre, mais nous ne pouvons pas le faire avec la nôtre.
Les normes environnementales s'appliquant à l'extérieur des réserves devraient être tout au moins aussi rigoureuses que celles en vigueur dans les réserves. Nous n'avons pas besoin de ce palier supplémentaire d'intervention pour les gens du SCF. La Loi sur les espèces en péril ne s'applique pas aux terres provinciales, mais seulement aux terres fédérales, ce qui freine actuellement nos efforts de développement.
J'avais un autre propriétaire qui souhaitait accueillir un vignoble. On avait besoin pour ce faire de 20 acres sur ses terres. Vincor Canada s'apprêtait à les louer. Le Service canadien de la faune est intervenu en retranchant cinq acres à sa propriété sous prétexte qu'on y trouvait une espèce d'oiseau en péril.
L'absence d'économies d'échelle a torpillé ce projet. Il fallait au moins 20 acres à Vincor pour qu'il soit rentable de déployer tracteurs, équipement et personnel sur place. Le projet est mort dans l'oeuf en raison du retrait des cinq acres de trembles où vivait selon le SCF un oiseau en péril que le propriétaire n'avait jamais vu. Vincor a renoncé au projet.
Le propriétaire en question m'a appelé l'an dernier pour me dire: « Je veux louer un bulldozer pour abattre tous ces arbres. » Je lui ai répondu: « C'est ce que tu aurais dû faire avant que les gens du SCF n'apparaissent dans le portrait. » Il a effectivement engagé un bulldozer pour détruire cet habitat désigné par le SCF qui lui imposait de le préserver pour le reste du pays, sans même l'indemniser. C'est l'autre aspect problématique de la Loi sur les espèces en péril: on nous enlève nos terres dans les réserves — ces parcelles de terrain que nous devons développer pour en tirer un revenu — en nous disant de ne pas y toucher, sans toutefois nous dédommager d'aucune manière.
Je lui ai dit d'abattre tout cela sans se préoccuper de ce que le gouvernement en dira. Qu'est-ce qu'on va faire? Le mettre en prison? Je lui ai demandé de me faire signe dès qu'il aurait terminé, car je voulais me rendre là-bas pour qu'on nous prenne en photo devant cette pile de bois abattue que ces soi-disant écologistes qualifient d'habitat.
La prochaine fois que les gens du SCF se présenteront dans notre réserve, je leur dirai qu'ils n'ont pas réussi à protéger l'environnement dans ce cas-là. Ce sont eux qui ont forcé le propriétaire à agir ainsi. Comme il avait perdu le projet de vignoble qui devait lui servir de gagne-pain, il était tellement furieux qu'il a passé le tout au bulldozer.
Nous avons effectivement pris la photo en question.
Si la Loi sur les espèces en péril s'applique aux Autochtones des réserves, il faut également qu'elle s'applique aux non-Autochtones, à l'extérieur des réserves. À mon avis, il faut abroger cette fichue loi.
Un autre motif d'irritation est l'agrandissement des réserves. Aujourd'hui, au téléphone, j'ai eu une prise de bec avec quelqu'un des Affaires indiennes, à cause de la lenteur du processus. Selon les vieux documents, on pensait que les Amérindiens ne faisaient rien de leurs terres, tandis que les colons en avaient davantage besoin. C'est pourquoi, en 1915, la Commission mixte des réserves indiennes a amputé la plupart des réserves de la Colombie-Britannique de leurs meilleures terres agricoles. Les terres des Osoyoos coïncident maintenant avec le terrain rocheux de l'extrémité sud de leurs réserves. On voulait ainsi remettre nos meilleures terres à des non-Autochtones. Dans leurs revendications territoriales, toutes les Premières nations demandent l'agrandissement de leurs réserves.
Dans le processus relatif aux droits fonciers issus de traités, on crée, dans les Prairies, des réserves urbaines, et je suis convaincu qu'on est mécontent de la lenteur du processus d'agrandissement des réserves. Nos gens, qui vivent dans la pauvreté, ne peuvent pas attendre. Ici ou dans l'administration provinciale, pour les fonctionnaires qui vivent dans l'abondance que procurent leurs revenus de classe moyenne, rien de ceci ne semble urgent, mais pour les pauvres, ce l'est. Nous ne voulons pas élever nos enfants en étant des assistés.
J'ai la chance de pouvoir prendre la parole à des manifestations organisées par des entreprises partout au pays. La semaine prochaine, je serai à Saskatoon. Je demande toujours aux non-Autochtones qui ont déjà bénéficié de l'aide sociale de lever la main; de lever la main s'ils ont fait la queue à l'Aide sociale. La plupart des Blancs ne lèvent pas la main, mais dans les réunions où il y a des Autochtones, 80 p. 100 de l'assistance lève la main. Il y a urgence dans la situation. Peut-être pas pour les Canadiens de la classe moyenne ou de la classe moyenne supérieure, qui vivent bien. Mais leur mode de vie n'existe pas dans nos réserves. C'est pourquoi il faut que le gouvernement accélère l'agrandissement des réserves.
Pour la plupart des Premières nations du pays, ce sera la première fois qu'elles pourront obtenir des terres mises en valeur à proximité de routes. Pendant la colonisation, elles ont été exclues. Dans chaque province, successivement, les meilleures terres sont allées aux colons, aux pionniers. C'est arrivé partout au pays. Ces faits sont avérés, officiels. Il faut que l'agrandissement des réserves, qui traîne paresseusement, s'active.
Depuis des décennies, la plupart des observateurs expérimentés constatent que la formule qui consiste à consacrer chaque année quelque 10 milliards de dollars aux programmes autochtones n'a jamais fonctionné. Depuis 100 ans, on en consacre de 96 à 98 p. 100 à des programmes sociaux et seulement de 2 à 4 p. 100 au développement économique. Cela ne fonctionnera jamais. Je me tue à le dire au gouvernement, chaque année. Il faut changer la formule. Nous avons besoin davantage d'argent pour le développement économique, à moins de toujours vouloir vivre dans le rapport actuel de dépendance que la formule a instauré chez les Premières nations.
À toutes les élections, je dis à la jeunesse autochtone que nous devons commencer à élire nos dirigeants de la même manière que les non-Autochtones. Vous savez comment les non-Autochtones élisent leurs dirigeants municipaux, provinciaux et fédéraux? Cela repose sur des principes économiques. Lorsque le taux de chômage atteint 10 p. 100, les non-Autochtones se rebellent. Pourtant, pendant ce temps, d'un bout à l'autre du pays, la plupart des Premières nations ne font rien alors qu'elles souffrent de taux de chômage dignes de la Grande dépression.
À cette époque, le taux de chômage a atteint un maximum d'environ 30 p. 100. Pourtant, aujourd'hui, au Canada, où depuis 100 ans, les gouvernements conservateurs et libéraux se succèdent, la plupart des Premières nations se croisent les bras, alors que leurs gens subissent des taux de chômage qui excèdent 30 p. 100. C'est une réalité de notre pays. Une grande partie du problème vient de la formule, les quelque 10 milliards consacrés aux programmes des Autochtones.
L'économie doit devenir l'enjeu principal, chez les Autochtones, comme elle l'est toujours chez les non-Autochtones.
Si nous pouvions comprimer toutes les dépenses à l'aide sociale, toutes ces dépenses consacrées au chagrin et à la douleur, vous verriez que les investissements seraient comme dans la Première nation de Sharon ou la mienne, c'est-à-dire une injection de plusieurs millions de dollars dans l'économie. Il n'y aurait pas d'Attawapiskat — un mot que j'ai toujours de la difficulté à prononcer.
Cela montre les proportions qu'ont atteintes la stupidité au ministère: ce n'est pas uniquement la formule qui est boiteuse. L'enveloppe consacrée aux dépenses sociales ne devrait certainement pas atteindre 98 p. 100, parce que cela n'améliorera jamais la qualité de vie des Autochtones du pays, et la formule est erronée, mais, ce qui m'irrite, c'est le financement minime du développement économique qu'obtiennent les Premières nations.
Savez-vous comment le ministère qualifie ce genre de dépenses. De « discrétionnaires ». Pour les non-Autochtones, le principal enjeu est l'économie; si vous disiez à vos électeurs que l'économie, c'est discrétionnaire, vous seriez démis de vos fonctions. Pourtant, le ministère des Affaires indiennes nous dit que les 2 à 4 p. 100 réservés au développement économique sont discrétionnaires. « L'aide sociale n'est pas discrétionnaire; nous ne pouvons pas vous enlever l'aide sociale, mais nous pouvons, à tous les budgets, vous priver de votre développement économique ».
Parfois, je me demande si c'est délibéré. Cette doctrine, le lien de dépendance créé et perpétué par les gouvernements qui se sont succédé, en obéissant à seulement cette simple logique, revient à dire aux Premières nations: « Vous avez droit à un travailleur social, à un travailleur pour les problèmes de drogue et d'alcool et vous avez le droit à l'aide sociale », c'est-à-dire le principal poste budgétaire de la plupart des Premières nations. « Vous avez le droit de maintenir vos gens dans l'assistance sociale, mais, en ce qui concerne les dépenses consacrées au développement économique, vous n'y avez pas droit ».
Nous avons dit au ministre des Affaires indiennes que les dépenses consacrées au développement économique ne devaient pas être discrétionnaires. Aucun ministre des Affaires indiennes ne devrait avoir le pouvoir de supprimer ce financement d'un trait de plume.
Savez-vous que cela nous ramène à un certain nombre de vérités très évidentes? Je reviens à peine de Spirit Ridge, mon lieu de villégiature, où je me suis adressé au bureau régional du Pacifique de Services correctionnels Canada, à l'occasion d'une conférence de trois jours. Encore une fois, nous avons parlé des 3 milliards et plus de dollars qui sont consacrés, au Canada, aux Services correctionnels. Les chiffres montrent que, dans les Prairies, 70 p. 100 des détenus sont autochtones et que, en Colombie-Britannique, le taux varie de 20 à 40 p. 100.
J'ai demandé à ces fonctionnaires combien d'Autochtones détenus dans ces prisons avaient occupé un emploi à mi-temps, si ce n'est à temps plein, avant d'être incarcérés. D'après leurs statistiques, très peu. Le pourcentage est minime. Je leur ai répété que l'explication se résume au mot « emploi », à l'aliénation économique de notre peuple. L'oisiveté du chômage tue notre peuple.
L'oisiveté du chômage rend notre peuple malade, génération après génération. J'ai toujours dit aux non-Autochtones que si nous prenions leurs emplois ou si nous leur retirions leurs chèques de paye, nous les priverions d'une partie importante de leur vie. Je suis convaincu que votre emploi fait partie de votre identité et constitue un élément important de votre être. Notre peuple, lui, est là, les bras croisés, alors que le taux de chômage est de 50 p. 100; à Athabasca, il est de 80 p. 100, et cette communauté restera toujours dans son état actuel tant que ses habitants ne commenceront pas à trouver de l'emploi.
C'est pourquoi nous insistons sur les emplois. Nous voulons que la formule change. Nous voulons que davantage d'argent consacré aux dépenses sociales aille au développement économique, mais pas de manière discrétionnaire. Il y a un certain nombre d'années, le ministre Prentice m'a dit qu'il ne voulait pas être ministre de la pauvreté autochtone. Je lui ai dit qu'il l'était, que les statistiques le prouvaient, que chacun de ses prédécesseurs avait porté ce titre.
J'attribue à notre ministre actuel de la pauvreté autochtone au moins la déclaration la plus agréable qu'il m'a été donné d'entendre d'un ministre des Affaires autochtones, et j'en ai peut-être connu une vingtaine. Il a dit qu'il voulait être ministre d'« Autochtones Inc. ». C'était les propos les plus optimistes que j'entendais d'un titulaire de ce portefeuille.
Je veux que le ministère des Affaires autochtones soit celui d'« Autochtones Inc. ». C'est ce que nous voulons.
Merci.
Merci, Chef Louie. Nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage, parce que nous savons qu'il se fonde sur votre vaste expérience, reconnaissants à vous et à vos collègues de vos propos et de vos idées, parce que nous savons qu'ils ne découlent pas uniquement de la théorie.
Je cède la parole, pendant sept minutes, à Linda Duncan.
Je tiens à ce qu'on précise dans le compte rendu que ces documents qui nous ont été fournis ont été versés au compte rendu — outre le mémoire, j'entends par là tous les documents préparés par le conseil, les recommandations concernant le développement économique des Autochtones et le financement de l'infrastructure des Premières nations, l'exposé prébudgétaire de 2011 et la stratégie qui consiste à exploiter ses réussites.
À mon avis, il s'agit de documents absolument sensationnels, et s'ils n'ont pas été versés au compte rendu, je recommande qu'ils le soient.
Vous êtes convoqués par votre personnel. Ces documents ont été fournis par votre personnel, nous pouvons donc les obtenir...
Mon personnel a visité votre site Web et obtenu des copies de vos rapports sensationnels. Il semble que je suis l'une des rares personnes à avoir pris le temps de les examiner. Je tiens simplement à dire...
Tout ce que je dis, c'est que ce n'est pas tout le monde qui possède les documents. J'aimerais qu'ils soient versés au compte rendu et je tiens à dire gchi miigwech pour le travail incroyable que votre commission a abattu. Je suis très impressionnée et je tiens à vous dire que, en parcourant les documents, j'avais l'impression que vous aviez presque rédigé la totalité du rapport du comité. Vous semblez avoir traité d'une grande partie des questions que beaucoup de témoins ont signalées à notre attention et je tiens vraiment à vous en remercier.
Pour le compte rendu, Chef Louie, je me dis d'accord avec vous: il est injuste que, en général, la Loi sur les espèces en péril ne soit appliquée que sur les terres des Autochtones, bien que, quand je siégeais au Comité de l'environnement, nous ayons entendu des représentants des Premières nations demander au gouvernement de l'appliquer, y compris dans le cas du caribou des bois. Les opinions sont donc contraires.
Cependant, je suis d'accord avec vous sur l'application inégale de la loi au Canada. On l'applique uniquement sur vos terres, et c'est injuste.
Je voulais obtenir des éclaircissements. Ma question sera brève. La semaine dernière, nous avons entendu parler de l'Association nationale des sociétés autochtones de financement et nous découvrons votre merveilleuse organisation avec un intérêt sincère, immense, et vous avez mentionné à la fin qu'on l'a qualifiée d'établissement autochtone de financement. Pouvez-vous nous expliquer cela? Est-ce que, effectivement, vous financez les Premières nations ou vous contentez-vous simplement de les aider à s'organiser?
Je ne sais pas vraiment exactement en quoi consiste l'activité de l'organisation, sauf qu'elle fait l'objet de reportages élogieux.
En fait, les IFA sont, en général, des institutions qui prêtent aux entreprises autochtones de partout au pays, pour les aider à se développer. Grâce à différents programmes, nous avons pu accorder des prêts pour entreprises à nos clients et aider, comme je l'ai dit, au démarrage de 27 000 à 30 000 entreprises autochtones au Canada. Certaines de ces sociétés, comme Waubetek Business Development Corporation, exécutent, en tant que tiers, le programme fédéral de développement des entreprises autochtones. Nous sommes en mesure d'exécuter le programme dans une certaine partie de l'Ontario. Un groupe analogue au nôtre oeuvre en Colombie-Britannique, de même qu'à Iqaluit et au Québec également, je crois. Quatre groupes sont des tiers exécutants du programme.
D'accord. Nous pouvons vouloir être mieux renseignés sur la question, parce que, jusqu'ici, les témoignages n'en n'ont pas parlé, malheureusement, et il serait utile de comprendre de quoi il s'agit.
Je remarque que, dans vos rapports, vous recommandez notamment la mise de côté, chaque année, de sensiblement plus d'argent, 100 millions de dollars, je pense.
Je vous suis reconnaissante de toutes les recommandations que vous formulez. Je me demande si vous voulez les exposer dans leurs grandes lignes ainsi que beaucoup de réponses aux questions. Voilà la raison pour laquelle je tiens à ce que les documents soient versés au compte rendu. Ils font vraiment bien le tour de la question.
Un excellent exemple a été porté à mon attention aujourd'hui, et j'aimerais vous le signaler. Un consortium de Premières nations, l'Alberta First Nations Energy Centre, a proposé de construire en Alberta, au coût de plusieurs millions de dollars, une usine de traitement du bitume brut dont on avait grandement besoin dans la province. On lui a fait croire qu'il avait de bonnes chances de se voir confier le projet, pour ensuite lui annoncer cavalièrement que, malheureusement, cela n'arriverait pas, parce qu'il manquait de crédibilité, qu'il ne semblait avoir les reins assez solides et que le projet irait à une multinationale.
Je me demande si les Premières nations que vous essayez d'aider se heurtent à ce genre de problèmes. C'est ce qu'on semble lire entre les lignes dans vos documents, parce que vous déplorez l'insuffisance des investissements dans les infrastructures et ainsi de suite. Pourriez-vous en dire davantage sur la difficulté d'obtenir le financement de base pour réaliser un projet, l'investissement?
Incontestablement, le financement de ce genre de grands projets est insuffisant. Par exemple, les prêts de notre IFA sont plafonnés à 150 000 $, ce qui limite notre clientèle aux PME. Pour les grands projets, il n'y a suffisamment pas d'argent.
Pour toute infrastructure économique d'une réserve, il n'y a, au fond, rien de disponible. Il faut s'adresser aux banques traditionnelles et fournir des garanties, si on possède l'argent pour cela. L'accès aux capitaux présente beaucoup de ces problèmes. Nos entreprises et les consortiums de groupes d'Autochtones éprouvent ce genre de difficultés.
Par exemple, dans notre région, un groupe de Premières nations construit un hôtel, mais hors réserve, parce que, dans ce cas, il faudrait 3 millions de plus de fonds, en raison de l'absence d'infrastructure économique. Il faudrait partir à zéro. Dans les réserves, les projets de mise en valeur sont vraiment plus coûteux.
Je ne suis pas certaine d'avoir bien répondu à votre question.
Vous y avez bien répondu.
Peut-être aimeriez-vous parler de ce fonds de création d'entreprises autochtones, doté à hauteur de 100 millions de dollars par année, de l'appel à l'initiative fédérale pour stimuler les partenariats entre les Premières nations et les non-Autochtones dans des entreprises communes, et des mécanismes pour aider à obtenir le financement du secteur privé?
En ce qui concerne les institutions financières autochtones et leur demande de capitaux supplémentaires, beaucoup d'entre elles ont été créées il y a 25 ans, pour vivre des intérêts qu'elles empochaient. À l'époque, les taux d'intérêt étaient plus élevés qu'aujourd'hui. Ils se situent à environ 4 p. 100, ce n'est pas suffisant pour couvrir les coûts d'exploitation. Il s'ensuit que beaucoup de ces institutions empruntent des banques pour prêter à leur tour cet argent, et que les clients doivent payer des taux d'intérêt exorbitants, s'ils peuvent se les permettre. Cette situation nuit vraiment à l'analyse de rentabilisation de n'importe quel projet, quand il faut payer des taux d'intérêt de 16 p. 100. Il y a donc maintenant un besoin à combler.
Je pense que, pour cette année, on a demandé au gouvernement fédéral au moins 17 millions de dollars pour les institutions financières autochtones de partout au pays, uniquement pour répondre à leurs besoins actuels pour accorder des prêts.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins.
Essayons de trancher le dilemme que pose la Loi sur les Indiens. On nous répète sans cesse qu'elle est la cause des problèmes actuels.
Peut-on me donner une réponse brève à ce sujet? J'ai 100 questions à poser, je devrai peut-être emprunter du temps à mes collègues. D'après vous, comment pourrait-on le mieux faire disparaître les obstacles que pose la Loi sur les Indiens à l'accès aux capitaux?
Je pense qu'on pourrait faire appel au réseau des institutions financières autochtones. Beaucoup d'entre elles, actuellement, prêtent déjà de l'argent dans les réserves. Elles ont réussi à surmonter, dans la plupart des cas, le problème des sûretés. En effet, les Premières nations les autorisent à percevoir sur les réserves les sûretés, sauf les immobilières. Une partie de la raison est que la plupart des Premières nations sont propriétaires de ces institutions. Voilà une façon de contourner le problème. En effet, les banques n'en sont pas nécessairement capables. Je pense que, à ce sujet, il y a entente.
Les institutions financières autochtones sont très désireuses de s'assurer que ces entreprises auront du succès. Elles effectuent beaucoup de travail de développement en amont. Elles savent donc si l'entreprise présente un bon risque quand elles y investissent.
Ma réponse est qu'il faut se rendre compte que, dans chaque province, on trouve une poignée de Premières nations dont le développement économique se déroule bien. Elles se concentrent sur lui, effectivement.
Nous ne pouvons pas nous débarrasser tout de suite de la Loi sur les Indiens. Je l'ai dit au ministre ce matin. C'est un monument centenaire. Il durera probablement encore un siècle. Il faut donc travailler avec ce que nous avons. Il faut la peaufiner, affecter plus de personnel, par exemple, au Service des terres du ministère, pour s'occuper des baux.
Les banques veulent la clientèle des Premières nations, que ce soit celles d'Osoyoos, de Kamloops, de Membertou ou de Squamish. Depuis des décennies, elles frappent à notre porte, malgré la Loi sur les Indiens. Malgré cette loi, les banques sont désireuses de prêter à la Première nation qui a des revenus ou des baux fonciers. Il faut que le processus des baux fonciers commence à fonctionner à la vitesse de l'entreprise.
Comme de nombreux chefs de partout au pays, j'ai sans cesse posé cette question: pourquoi ne pouvons-nous pas nous retirer de cette relation fiduciale? Je ne veux pas d'une telle relation avec le gouvernement. À mon avis, c'est synonyme de relation de dépendance, En ce qui concerne nos baux fonciers, plutôt que de voir le ministère de la Justice et la Loi sur les espèces en péril ou un ministère quelconque ralentir le processus tout en s'inquiétant d'éventuelles poursuites de la part des Indiens, retirons-nous. Dégageons-nous de cette responsabilité fiduciaire. Je ne veux pas de relation fiduciale avec le gouvernement fédéral.
Merci, Chef Louie.
Dans quelle mesure l'accès facilité aux prêts bancaires garantis par l'État aux entreprises sur les réserves, comme sous le régime de la Loi sur les prêts aux petites entreprises, permettrait-il de résoudre une partie de ces problèmes?
Cela ferait beaucoup de bien. Ce serait époustouflant.
Chaque fois que l'on peut accélérer les affaires... Souvent, il existe un créneau, dans le temps. Quand des gens veulent brasser des affaires, louer des terres ou être partenaires avec une Première nation, ça ne traîne pas pendant des mois. Je songe à la Colombie-Britannique et à ses 1 500 réserves; le bureau des Affaires indiennes et du Nord canadien possède un effectif pas plus nombreux que les doigts d'une main pour s'occuper de tous les baux, y compris tous les nouveaux, dans le bac d'arrivée pour la Colombie-Britannique.
Chef Louie, vous avez dit que la Loi sur les Indiens était coloniale et qu'elle remontait à 1857. Vous avez vu les modifications qu'on lui a apportées. J'ai l'impression qu'il s'agit de solutions appliquées en attendant.
Avez-vous l'impression que les Premières nations assujetties à cette loi sont prêtes pour une loi nouvelle et modernisée? Avez-vous des solutions à leur proposer, qui pourraient fonctionner?
Je ne vais pas aux réunions de l'Assemblée des Premières Nations. Je préfère fréquenter les gens d'affaires. À l'Assemblée des Premières Nations, on ne pourra pas obtenir le consensus sur la conduite à tenir à l'égard de même un article de la Loi sur les Indiens. Avant d'en arriver là, il faudra encore des décennies.
Je dis au ministère que nous devrions tout simplement travailler avec le matériau dont nous disposons. Ajustons, fignolons. Quand on a retiré Entreprise autochtone Canada au ministère de l'Industrie et qu'on l'a confiée au service des terres du MAINC puis qu'on l'a retiré de nouveau à ce service pour le confier au service économique, c'était censé... En théorie, l'idée semblait bonne.
Le principal problème, au ministère des Affaires indiennes, c'est qu'il faut se concentrer sur l'économie, du moins aux étages qui s'occupent des terres et des baux fonciers — au ministère de la Justice et avec la Loi sur les espèces en péril, par exemple — plutôt que de loger tout ce ministère ici, à Ottawa et de donner au bureaux régionaux l'allure de bureaux d'aide sociale.
Si on pouvait les changer, changer les mentalités, et, comme le ministre l'a dit... Il y a quelques années, on a séparé Entreprise autochtone Canada du ministère de l'Industrie, dans l'espoir de lui inculquer des connaissances et une mentalité d'affaires, puis nous avons confié les terres au développement économique, dans l'espoir de commencer à créer...
Le principal service du ministère des Affaires indiennes devrait être le secteur du développement économique et non celui des services sociaux.
Si vous permettez, est-ce que je peux simplement demander au chef Stinson Henry son point de vue, si cela ne vous dérange pas?
Je n'y vois pas d'inconvénient, pas du tout. Je suis d'accord avec le chef Louie.
La Première nation Rama a toujours été fière et progressiste. Bien avant mon arrivée, ses dirigeants ont toujours tiré leur épingle du jeu, en dépit des obstacles.
Rapidement je vais vous donner un exemple de notre participation au fonctionnement du lieu de villégiature de St. Eugene, en Colombie-Britannique. Notre communauté reçoit autour de 60 000 à 70 000 $ pour le développement économique. Ces 60 000 $ devaient aider à actualiser un plan stratégique, peu importe. Le ministère des Affaires indiennes nous a fait savoir que nous ne pouvions pas utiliser cet argent à ces fins; il fallait l'utiliser dans notre propre communauté. C'est un exemple, un petit exemple.
D'abord, cela ne représente pas suffisamment d'argent, comme Dawn l'a dit. Ce n'est pas assez d'argent. Toutefois, nous sommes allés de l'avant. Depuis de nombreuses années, grâce à une banque locale qui avait pris un risque avec nous, nous avions une bonne réputation. On se fiait à notre capacité de faire du bon travail, parce que nous avions un bon personnel de direction et de soutien. Nous avons conservé l'argent à Rama, mais, néanmoins, nous sommes allés à l'extérieur de la réserve uniquement grâce à notre réputation.
Nous ne devrions pas être obligés de faire cela. Il devrait y avoir plus de souplesse et plus d'argent. Nous ne voulons pas compter sur l'argent du gouvernement, mais il est là. C'est très peu. Je pense, en outre, que les Premières nations qui ont des difficultés, comme Attawapiskat, par exemple, ont besoin d'aide. Il faut qu'il y ait davantage de ressources pour elles.
Sans vouloir nous mêler de ce problème, nous comprenons que ces Premières nations n'obtiennent pas leur juste part du partage des revenus tirés des ressources, et je crois qu'il y a d'autres problèmes.
Encore une fois, ce n'est pas suffisant, et il devrait y avoir plus de souplesse.
Merci beaucoup, et merci aux témoins d'être venus. Il a été agréable de vous écouter et d'entendre votre optimisme face à l'avenir. Je pense que, parfois, les Canadiens se ferment volontairement les yeux sur des questions comme le développement économique. Ils ne sont pas vraiment sûrs de ce dont il s'agit, mais je pense que, quand on leur parle d'emploi et de la possibilité de travailler près de son domicile, les gens comprennent.
Quand nous nous sommes rencontrés dans votre bureau, chef Louie, nous avons parlé un peu de la beauté du site et de ce qu'il offre. De toute évidence, la réserve Rama, sur les lacs Couchiching et Simcoe, est également magnifique.
Vous vous prépariez à partir pour Moosonee, parler à des résidants du nord de l'Ontario. J'aimerais savoir quoi dire à ces gens qui sont situés dans un endroit qui n'offre manifestement pas les mêmes occasions de développement économique. Même la mine Victor, à 80 kilomètres d'Attawapiskat, ne sera exploitée que pendant 10 ans. Ensuite, il n'y aura plus rien.
Est-ce que la solution passe par l'agrandissement des réserves? Que dites-vous, vous ou votre conseil, pour que ces gens se préparent à ce qui pourrait survenir sur leurs terres ou celles qu'ils aimeraient posséder et pour qu'ils aient à ce sujet des rêves optimistes ?
Je pense que nous avons été un peu préoccupés en entendant M. Wernick, le sous-ministre, dire, ici, que les Premières nations devaient se préparer à être assujetties au régime de gestion des terres, mais que l'outil d'auto-évaluation était conçu par le ministère et non par vous. Cela semblait un peu bizarre. Ensuite, il y a les longues périodes d'attente, également, pour les personnes qui n'ont peut-être pas eu autant d'imagination que vous pour se débrouiller dans le cadre délimité par la Loi sur les Indiens.
Compte tenu de cette situation, qu'avez-vous dit à Moosonee?
Il faut regarder les choses en face et, bien sûr, une certaine proportion des réserves du pays, qui sont très isolées, se heurtent, à cause de cet isolement, à des obstacles presque insurmontables pour parvenir au développement économique comme celui, disons, de certaines nations du sud.
Dans le même temps, je pense aux problèmes de la Colombie-Britannique et à ceux des nombreuses Premières nations isolées. Même la Première nation de notre chef national n'est accessible que par bateau. En Colombie-Britannique, l'élaboration d'un traité représente un gros enjeu, et je dis à ceux qui participent à ce processus de faire du développement économique le socle de ce traité.
Bien sûr, cela implique l'agrandissement des réserves. Quelles que soient les revendications territoriales, cela signifie qu'il faudra acheter des terrains ailleurs, d'un vendeur bien disposé, et joindre ces acquisitions aux réserves. De cette manière, ce sera pour beaucoup d'entre elles un investissement qui constituera leur première chance de créer une entreprise ou de posséder un bon terrain à partir duquel elles pourront entreprendre un projet.
Je pense que dans chaque territoire tribal, il se trouve au moins une Première nation pour qui le développement économique est possible. On ne peut pas attendre de sauver tout le monde. Autre chose encore: sauvons ceux qui peuvent se sauver. À Osoyoos et peut-être à Rama, nous embauchons des Autochtones de partout au pays. Si on leur donnait le choix, la plupart des Autochtones préféreraient travailler pour une entreprise d'une Première nation. C'est pourquoi, d'après nos derniers chiffres, 37 Autochtones sont partis du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, de partout en Colombie-Britannique, du Yukon et des Territoires-du-Nord-Ouest pour venir travailler à Osoyoos. Si c'est à Membertou, si nous pouvons attirer une poignée d'Autochtones...
Comprenons que nous sommes comme des ouvriers de la onzième heure. Ce n'est que depuis les années 1980 et 1990 que les Premières nations ont commencé à brasser des affaires. Si nous pouvons, au cours des prochaines décennies, faire fond sur ces entreprises et les améliorer de plus en plus... À la faveur des invitations que d'autres et moi recevons pour prononcer des conférences... et les sociétés,... je dis toujours que plus d'argent et plus d'emplois ont été créés au cours des 10 dernières années chez les Premières nations que depuis les 100 années et plus qui ont précédé. C'est un fait.
Dans la décennie qui vient, ce mouvement ira en s'accélérant. Les Premières nations créeront beaucoup plus d'entreprises ou connaîtront un développement économique plus grand qu'au cours de la dernière décennie. C'est ce sur quoi le ministère des Affaires autochtones doit se concentrer.
Regardons les choses en face: la vieille formule n'a jamais fonctionné, elle ne fonctionnera jamais, et le ministère a besoin de changer. C'est son travail le plus important, et il devrait financer le bureau d'Allan convenablement et le doter du personnel nécessaire. Le développement économique devrait occuper tout l'immeuble de l'administration centrale ici et toutes les administrations centrales que l'on trouve ailleurs au pays.
Il faut être conscient qu'il faudra un changement de doctrine. Nous devons passer de la mentalité qui privilégie les dépenses à celle qui est axée sur l'enrichissement. C'est un changement radical, un changement de mentalité. Quand je m'adresse aux Premières nations isolées, je me dis que les accusations et les critiques... Chaque budget fédéral indispose tout le monde. Les provinces en premier, sauf l'Alberta.
Des voix: Oh, oh!
Chef Clarence Louie: Chaque province veut recevoir davantage d'argent. Les enseignants aussi. Les docteurs et les infirmières. Les Premières nations se trouvent quelque part en bas, loin des priorités.
La réalité, c'est que nous n'obtiendrons jamais suffisamment d'argent pour bien faire fonctionner nos programmes et nos services. Nous devons commencer par nous enrichir. Concentrez-vous sur l'esprit d'entreprise et sur la création d'entreprises.
Le problème de la plupart des Premières nations, comme celle d'ici... Je dis: « Combien, parmi vous, se concentrent sur le développement économique? Combien se concentrent sur les affaires et sont à l'affût de bonnes affaires? »
Comme Sharon l'a dit, obtenir 60 000 $ pour embaucher un agent de développement économique, c'est tout simplement de la folie. Quel genre d'agent embauche-t-on avec si peu d'argent? Il faut augmenter le fonds de développement économique, et, dans une décennie, vous allez voir par quoi les chefs et les conseils entameront leurs réunions. À Osoyoos, chaque réunion du conseil débute par le développement économique, tout comme, j'en suis convaincu, au Cabinet, l'économie est toujours la priorité. Pour chaque premier ministre, y compris celui de la Colombie-Britannique, l'économie est toujours la question la plus importante.
Ce type de mentalité se maintient d'une année à l'autre. Je dis aux habitants de ces communautés: « Commencez à vous concentrer sur l'économie et non pas à courir en quémandeurs à Ottawa ou au ministère des Affaires indiennes et des Affaires du Nord en pensant qu'ils auront davantage d'argent. Il n'y en a pas suffisamment pour tout le monde, il n'y en a jamais eu ».
Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est toujours un plaisir de vous entendre, chef Louie. Je trouve cela très intéressant.
Je voulais souligner que j'ai souvent visité le centre de villégiature de St. Eugene au cours des dernières années. J'habite à Sparwood, alors j'y vais plusieurs fois par an. Mon étude environnementale du terrain de golf est un peu frustrante et j'ai encore des choses à apprendre, et mes études financières au casino ne vont pas très bien. Ceci dit, c'est un endroit formidable à visiter. La chef Sophie a fait un travail phénoménal là-bas, de même que la chef Kathryn. C'est un centre de villégiature exceptionnel.
La parenthèse étant faite, je voulais parler de certaines choses que vous avez mentionnées et voir ce qu'il en découlera.
Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter, chef Louie, pour l'annonce qu'a faite tout récemment le premier ministre de la Colombie-Britannique. Si j'ai bien compris, le nouveau pénitencier sera construit sur votre territoire. Je me demandais si vous pouviez nous en parler un peu du point de vue du développement économique, et nous dire ce que cela représente pour vous, votre population et pour l'avenir. Pensez-vous que c'est une ouverture de la part de la province, c'est-à-dire que vous étiez en train de passer à côté d'une belle occasion, et c'est maintenant l'occasion pour vous d'en profiter pour aller de l'avant?
J'aurais une deuxième question pour vous, chef Louie. Vous nous avez dit que ce n'était pas la bonne formule. Quelle serait la bonne formule, selon vous? Avez-vous quelque chose à nous proposer? Je suis sûr que vous avez fait des suggestions au ministre, mais j'aimerais les entendre aujourd'hui.
Je vais commencer par ces deux questions, monsieur le président. Je verrai par la suite s'il me reste du temps.
Je vais commencer par la formule, parce que c'est ce qui me dérange le plus.
Une personne raisonnable devrait bien voir que la formule ne fonctionne pas. On oublie la modification de la Loi sur les Indiens; pourquoi ne pas simplement changer la formule? Le gouvernement a mainmise là-dessus.
Quoi qu'il en soit, nous l'avons demandé au ministère, nous l'avons demandé au ministre, et nous avons soumis le tout par écrit. Je me fais malmener par les autres chefs du pays qui veulent investir davantage dans le ministère du Dévelopement de l'enfance et de la famille, ou encore dans les centres de traitement et les services sociaux, entre autres choses.
Je leur répète sans cesse de jeter un oeil sur ce qui s'est passé. Ils veulent plus d'argent pour traiter les différents symptômes, mais si la moitié de notre population se retrouve dans un centre de traitement, c'est que les gens n'ont pas d'emploi. C'est l'immobilisme qui vient avec le chômage qui les tue. C'est pourquoi une fois sur deux les gens atterrissent en prison: ils n'ont pas d'emploi. Travailler, c'est préserver sa dignité.
Le chef national parle des taux de décrochage. Ce n'est pas un problème exclusif aux nations autochtones. Tous les quartiers défavorisés présentent des taux de décrochage élevés. Les taux d'incarcération sont élevés, les troubles sociaux sont bien présents et la pauvreté règne.
Qu'est-ce que nous disent les infirmiers et infirmières au Canada? Le premier indicateur de l'état de santé de quelqu'un est son revenu personnel. Comment obtient-on un revenu personnel? Votre revenu personnel provient de votre emploi, et c'est la même chose pour moi. À moins de se lancer dans le trafic de la drogue ou d'attendre de gagner à la Lotto 6/49, il faut un emploi pour avoir un revenu personnel.
Nous l'avons demandé au ministre, et nous l'avons soumis par écrit: nous voulons que ce montant de quelque 10 milliards de dollars — c'était 10,3 milliards auparavant — serve aussi au développement économique. Nous voulons que cette part passe de 2 à 10 p. 100. C'est ce que nous avons demandé, et j'espère que cela pourra se concrétiser avec votre appui.
Nous n'avons pas besoin de toutes ces proclamations royales. Cela a déjà été fait. Nous devons financer le développement économique des collectivités autochtones.
Pour ce qui est du pénitencier, comme je l'ai dit hier, les perspectives sont intéressantes. Jamais au Canada, ou aux États-Unis, on a construit un pénitencier sur une réserve. C'est du jamais vu. Comme les taux d'incarcération de la population autochtone sont élevés et que la situation perdure depuis un bon moment, nous espérons que la construction du pénitencier s'avérera un point tournant pour nous. Nous aimerions pouvoir montrer aux autres provinces — parce qu'il y a des prisons dans toutes les provinces — que nous pouvons faire les choses autrement, parce que de toute évidence, ce qui se fait en ce moment ne fonctionne pas.
On rapportait justement hier que le nombre de contrevenants autochtones était en hausse en Colombie-Britannique. Les choses ne s'améliorent pas. Cela nous indique que le système n'est pas efficace. Comme le pénitencier sera construit sur une réserve, nous tentons de voir avec la province si nous pourrons faire les choses différemment pour une fois à l'égard des contrevenants autochtones, justement parce que nous allons être en territoire autochtone.
Pour ce qui est du projet de 200 millions de dollars, le but est évidemment de créer de l'emploi. Ma plateforme est simple: on veut des emplois, des emplois et encore plus d'emplois. Voilà mon plan. Il n'y a pas beaucoup de chefs qui pensent comme moi. Je vise toujours à créer de l'emploi et à assurer un revenu à la bande d'Osoyoos. Ce sont les deux choses qui m'intéressent: créer de l'emploi et faire de l'argent pour ma Première nation.
Les revenus tirés de ce bail foncier seront énormes. Les revenus continus et les subventions en remplacement des taxes vont être énormes.
Il faut se rappeler pourquoi les banques acceptaient, il y a des années, de prêter de l'argent à la bande d'Osoyoos. Le savez-vous? C'est parce que nous avions des baux fonciers à offrir en garantie. Nous avions des revenus assurés, provenant de nos baux fonciers, que les banques pouvaient prendre en garantie. C'est pourquoi les baux fonciers sont si importants pour les Premières nations. C'est aussi pourquoi nous devons modifier les dispositions concernant les terres dans la Loi sur les Indiens — pour que nous ayons le personnel et les ressources nécessaires —, dans l'objectif de permettre à de plus en plus de bandes d'entretenir des liens avec les banques, en faisant en sorte que les baux fonciers soient établis rapidement et correctement.
Nous avons contracté des prêts auprès de toutes les grandes banques. Elles viennent nous voir parce qu'elles savent que nous avons des baux fonciers qui nous garantissent une source de revenus, et que les intérêts applicables aux prêts qu'elles consentent à la bande d'Osoyoos sont protégés.
Merci, chef.
Merci, monsieur Wilks.
La parole est maintenant à M. Genest-Jourdain. Nous vous écoutons, Jonathan.
[Français]
[Le député s'exprime en langue autochtone.]
[Français]
J'aimerais poser une brève question. Je sais que votre organisation s'attarde aux réalités économiques des Premières nations. J'aimerais connaître votre perception quant à la nécessité, pour les membres des Premières nations, d'avoir accès à des programmes d'études supérieures ou, du moins, à des programmes d'études postsecondaires, afin d'être des acteurs influents au sein des réalités socioéconomiques mondiales modernes.
[Traduction]
Qu'on soit Autochtone ou non, on veut bien sûr que nos enfants aillent au collège ou à l'université. Cela va de soi.
Chez les Osoyoos, ce n'est que lorsque nous avons mis sur pied une entreprise de construction que l'intérêt s'est fait sentir. Nous n'avions jamais eu de compagnon charpentier avant 1986. Puis, quand nous avons lancé notre entreprise de construction, quelques-uns de nos hommes, qui étaient dans la trentaine à cette époque-là, ont soudainement eu envie de retourner aux études. Nous avons maintenant sept compagnons charpentiers.
Quand nous avons eu notre propre fabrique de vin sur la réserve, deux Autochtones, un membre de notre bande et un membre d'une autre Première nation, sont partis pour la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Ils possèdent aujourd'hui leur diplôme en vinification.
Ce n'est que depuis que nous avons ouvert notre propre hôtel sur la réserve, le Spirit Ridge, que certains de nos membres veulent prendre des cours en administration hôtelière.
Quand nous avons repris une location datant des années 1960 pour inaugurer notre propre terrain de golf, en 1995, certains de nos membres ont décidé d'aller en Californie et en Arizona pour devenir des professionnels de golf certifiés.
Cela me porte à croire que nos membres ont besoin de voir que les possibilités économiques sont là. Bien des membres des Premières nations ont le sentiment que les entreprises non autochtones ne voudront pas les embaucher. C'est ce que j'ai constaté. Pourquoi n'avions-nous pas de charpentiers avant? Dans la vallée de l'Okanagan, il y a des fabriques vinicoles depuis les années 1950. Pourquoi personne n'avait eu l'idée plus tôt d'aller en Australie pour étudier dans ce domaine? Pourquoi personne ne s'intéressait à la gestion hôtelière? La vallée de l'Okanagan regorge d'hôtels depuis une centaine d'années. Mon peuple a besoin de voir le développement économique de près; c'est ce qui les inspire. Les gens ont alors l'impression d'avoir la possibilité de faire quelque chose; cela leur donne de l'espoir. C'est ainsi que les choses se passent pour les Osoyoos, et c'est aussi le cas pour bien d'autres Premières nations.
Pourquoi 37 Premières nations différentes se tournent-elles vers les Osoyoos pour trouver du travail? Il y a des terrains de golf un peu partout au pays; les Autochtones pourraient très bien aller travailler ailleurs, mais ils veulent travailler sur un terrain de golf autochtone. C'est pour cette raison qu'ils viennent chez les Osoyoos. Ils veulent travailler pour une entreprise des Premières nations. C'est pour cela qu'ils se tournent vers nous.
Je dis toujours aux gens, et je le dis aussi au chef national, que c'est une évidence même de se dire en faveur de l'éducation. Cela va de soi. Je lui dis qu'il faut aussi soutenir le développement économique, parce que toutes les personnes instruites que je connais veulent avoir un emploi. Si on oublie un peu tout le romantisme qui entoure la notion d'éducation, pour moi, aller chercher une éducation, c'est de se rendre apte au travail. C'est pour cela qu'on fait des études. C'est pour cela qu'on obtient des diplômes: pour travailler. On veut avoir un curriculum vitae bien rempli.
Encore une fois, à mon sens, l'éducation sous-entend le mot « emploi ». Si vous dites que vous voulez soutenir l'éducation post-secondaire davantage, je dis au chef national de soutenir le développement économique.
Quand on aura parti le bal et qu'on aura permis le développement économique des 2 500 réserves indiennes du pays, vous allez voir les taux d'obtention de diplôme grimper. C'est comme un quartier de classe moyenne; les Autochtones vont gagner des salaires de la classe moyenne. Nos enfants vont grandir dans des foyers où au moins une personne a un emploi. Le ministère du Développement de l'enfance et de la famille n'aura pas à arracher nos enfants autochtones de leur milieu parce que personne chez eux ne travaille.
C'est principalement pour cette raison que nos enfants sont à risque. Le dysfonctionnement majeur qu'on retrouve dans ces foyers, c'est que le père ou la mère ne travaille pas; ils sont sur l'aide sociale.
Je crois personnellement que c'est l'aide sociale qui pose le plus grand problème au sein des Premières nations. Un ancien chef, aujourd'hui décédé, m'a déjà dit que la pire chose que les non-Autochtones ont introduite sur nos réserves, c'est l'aide sociale. C'est la pire des choses. Il faut aujourd'hui se défaire de ce cycle et de cette mentalité qui se sont forgés autour de l'aide sociale depuis une centaine d'années. Mais ce qui inspire les Autochtones, c'est de voir de près le développement économique, comme c'est le cas dans la réserve de Sharon, en Ontario, ou dans celle de Don, ou chez les Membertou et les Osoyoos, ou encore à Saskatoon, là où on trouve l'un des meilleurs terrains de golf au pays, le Dakota Dunes.
C'est de cette façon que nous allons faire descendre les taux d'incarcération. L'État n'aura plus besoin de prendre en charge nos enfants. Il faut que le ministère des Affaires indiennes mette l'accent sur le développement économique et qu'on commence à piger un peu plus dans les fonds voués aux services sociaux, qui récoltent 98 p. 100 du financement. Il faut aussi que le gouvernement arrête de nous dire que notre économie est optionnelle.
Vous ne diriez jamais une telle chose à vos électeurs. Vous ne vous diriez jamais cela entre vous: l'économie du Canada est optionnelle, l'économie de l'Alberta est optionnelle, l'économie de l'Ontario est optionnelle. C'est avec cette mentalité que nous avons grandi, et c'est problématique. Il faut se défaire de cette idée que l'on dépend de l'État. L'autonomie s'acquiert uniquement par la création d'emplois et la capacité de produire des revenus; c'est vrai pour une famille, et c'est vrai pour une nation.
Merci, chef.
Chef Stinson Henry, vous vouliez intervenir. Je vous prie de répondre brièvement à la question; nous céderons ensuite la parole à M. Rickford.
Merci, monsieur le président.
Brièvement, je dois dire que c'est une excellente question. Je suis d'accord avec le chef Louie, mais je crois quand même que tout part de l'éducation. Il est impossible de se trouver un emploi sans avoir au moins étudié jusqu'à la 12e année.
Dans ma Première nation, nous avons la chance de pouvoir offrir une éducation à nos membres, mais notre population adulte n'a jamais eu la possibilité d'aller à l'école, et l'avenir réside véritablement dans les métiers spécialisés. Pour ce qui est de l'aide sociale aujourd'hui en Ontario, le gouvernement provincial a, au moins, lancé un programme appelé « Ontario au travail ».
Je crois que c'est un très bon programme, car il oblige les bénéficiaires de l'aide sociale... Certaines personnes n'ont rien fait pour se retrouver là — l'économie ne va pas très bien —, et même si nous avons un très bon moteur économique dans la région, elles n'étaient tout simplement pas prêtes à travailler. L'éducation est primordiale, parce que sans elle, c'est impossible de se trouver un emploi.
Aussi, le chef nous dit souvent que si quelqu'un veut vraiment du travail, il va en trouver, études ou pas. Il y a toujours les Tim Hortons. Quand on veut travailler, on peut travailler, même si ce ne sera pas nécessairement dans le domaine qu'on préfère.
Je suis fière de notre collectivité. Nous avons été en mesure de bonifier les fonds voués à l'éducation pour financer un programme d'enseignement aux adultes, qui permet à ceux qui ne l'avaient pas d'obtenir une attestation d'études de 12e année. Nous finançons ce programme en entier. Ces personnes passent ensuite aux études postsecondaires, et si les fonds ne sont pas disponibles... Nous comptons encore sur le gouvernement; je ne lâcherai pas le morceau si facilement, pour être bien honnête. Je sais que le chef n'est pas d'accord avec moi, et personne ne veut avoir à dépendre du gouvernement.
En fait, Rama reçoit environ 4 millions de dollars, ce qui est très peu pour ce que nous avons fait. Ce qui m'horripile comme chef, c'est que le ministère des Affaires indiennes insiste pour voir nos livres comptables pour les revenus que nous générons nous-mêmes. Cela ne vous regarde pas. Demandez-vous à Bell Canada de vous fournir ses livres comptables? Non, je ne crois pas. Alors laissez-nous tranquilles et laissez-nous faire de l'argent, et nous pourrons nous occuper de notre monde.
Cela ne veut pas dire que le gouvernement peut s'en laver les mains: il a encore une responsabilité fiduciaire, et ce sera le cas tant que la Loi sur les Indiens ne sera pas améliorée et modifiée pour arriver à ce dont nous avons parlé aujourd'hui. Les choses vont se placer un moment donné. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, et il n'y aura pas de solution universelle. Il y a des collectivités qui ont encore besoin de cette aide, alors ne les oubliez pas.
Merci.
Merci.
Chef Stinson-Henry, chef Louie, Dawn, merci beaucoup de vous être joints à nous. Nous sommes heureux d'avoir pu entendre vos témoignages. Comme je le disais tout à l'heure, c'est l'expérience d'une vie qui nous parle, et cela revêt une valeur inestimable pour le comité. Ce ne sont pas que des théories, il s'agit d'applications pratiques. C'est vraiment utile pour le comité, et nous vous en sommes reconnaissants.
Chers membres du comité, nous allons faire une pause. Nous aurons aussi l'occasion de saluer nos invités. Nous reprendrons ensuite la séance à huis clos pour examiner les travaux du comité.
Merci.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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