AANO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 22 octobre 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Chers collègues, la séance est ouverte. Il s'agit de la 45e séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.
Nous recevons aujourd'hui un groupe de quatre témoins représentant quatre organisations différentes. Nous allons procéder par ordre alphabétique. Nous accueillons M. Colin Craig, directeur des Prairies de la Fédération canadienne des contribuables, M. Joseph Quesnel, analyste des politiques au Frontier Centre for Public Policy, M. John Graham, de Patterson Creek Consulting, et Mme Phyllis Sutherland, présidente de la Peguis Accountability Coalition.
Chers témoins, selon la procédure habituelle, nous allons commencer par écouter vos exposés. Nous allons vous accorder cinq minutes, pour accommoder tout le monde. Nous vous laisserons un peu plus de temps au besoin pour terminer. Nous espérons respecter le temps accordé pour la première partie, après quoi, nous commencerons les séries de questions. À ce moment-là, vous pourrez préciser certaines des choses que vous aurez abordées.
Nous allons commencer par la Fédération canadienne des contribuables, qui est représentée par M. Colin Craig.
Nous allons vous céder la parole. Nous allons écouter ce que vous avez à dire, puis nous allons suivre l'ordre alphabétique de la liste.
Monsieur Craig.
Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui au nom de la Fédération canadienne des contribuables et de nos 79 000 partisans à l'échelle du pays. Je suis heureux de m'exprimer au nom des dizaines de dénonciateurs dans les réserves autochtones du Canada qui ont sollicité l'aide de nos bureaux au fil des ans et qui appuient le projet de loi.
Au nom de ces deux groupes, je tiens tout d'abord à vous dire merci.
Merci aux députés conservateurs et libéraux qui ont voté en faveur du projet de loi d'initiative parlementaire C-575, dont la première version a été présentée par la députée Kelly Block. Nous sommes reconnaissants de ses efforts et nous remercions le gouvernement de l'avoir présenté; enfin, nous remercions tous ceux et celles qui ont appuyé son étude en comité.
Merci de ne pas fermer les yeux sur la corruption dans les réserves. Oui, « corruption » est un grand mot, mais lorsqu'un fonctionnaire profite de sa capacité d'établir son propre salaire et de garder cette information secrète pendant que beaucoup de membres de bande souffrent, ce mot est bien choisi.
Quiconque ayant passé ne serait-ce que quelques heures à examiner ce dossier sait que les chefs et les membres des conseils de bande sont désormais tenus de divulguer aux membres de la bande les renseignements relatifs à leur salaire. Certains chefs et conseillers au Canada s'y conforment adéquatement; or, nous savons que de nombreuses bandes ne divulguent pas ces renseignements à leurs membres.
En effet, nous avons appris que le chef et les membres de certains conseils de bande divulguent les documents de vérification à leurs membres, mais que, mystérieusement, les pages portant sur leur salaire sont exclues. Parfois, les membres de collectivités qui osent demander ces renseignements se font carrément envoyer promener, voire menacer.
Prenons par exemple le message que nous avons reçu d'un gardien de la morale vivant sur la réserve d'Enoch, tout près d'Edmonton. Cette personne a réussi à obtenir les données salariales du chef et des membres du conseil de la petite collectivité; celles-ci révélaient que le chef de la bande gagnait plus que le premier ministre.
Voici un extrait de la note:
Je vous écris parce que je suis outré. Je vis sur la réserve de la nation crie Enoch. Nous devrions pouvoir subvenir à nos besoins facilement. Or, le problème est la cupidité de nos dirigeants et leur manque de volonté. Le gouvernement, à l'autre bout du pays, nous dit de passer par le bureau régional d'AINC, qui nous renvoie à nos dirigeants. Cela fait des années que je demande copie des données budgétaires auprès d'AINC, de mon chef de bande et du conseil, et je n'ai jamais rien obtenu.
Si vous croyez que c'est un cas isolé, détrompez-vous. La grande préoccupation qui est soumise à l'attention de nos bureaux par les membres des bandes, c'est le manque de transparence dans les réserves.
En 2010, nous avons mis sur pied le site Web ReserveTransparency.ca. Plus précisément, ce site explique aux membres de bande leur droit à l'information et la façon dont ils peuvent demander des renseignements sur le salaire de leur chef et des membres de leur conseil, et, en cas de non-divulgation par ceux-ci, comment ils peuvent obtenir des documents de vérification auprès du gouvernement fédéral.
Lorsque nous avons tenu une conférence de presse pour lancer le site, j'avais invité Albert Taylor, un Aîné de la Première nation Dakota de Sioux Valley, âgé de 84 ans. Le matin de la conférence de presse, Albert m'a confié qu'il était parti de Brandon la veille — c'est à deux heures de route — et qu'il avait passé la nuit dans sa voiture.
Pensez-y un peu. Pourquoi un homme de 84 ans aurait-il fait deux heures de route et dormi dans sa voiture pour pouvoir assister à une conférence de presse sur un problème qui, selon certains, n'existe pas?
Albert et de nombreuses autres personnes nous ont fourni des citations pour notre site Web à propos de leur perception des problèmes liés à l'absence de transparence. Albert a affirmé ce qui suit:
J'ai été menacé et agressé pour avoir demandé des comptes publiquement.
Norman Martell, de la Première nation de Waterhen Lake, en Saskatchewan, a pour sa part affirmé ce qui suit:
Ma bande n'informait ses membres de rien; aucune réunion, aucun comité et aucune donnée sur les budgets ni les dépenses de la bande. Ils pouvaient ainsi demeurer au pouvoir et dépenser librement pour servir leurs propres intérêts et ceux de leurs partisans.
Lorsque la nouvelle à propos de notre site Web s'est répandue, nous avons commencé à recevoir des copies de dizaines de courriels envoyés à Ottawa par des membres de bande de partout au Canada. Ils suivaient les instructions fournies sur notre site pour savoir comment obtenir d'Ottawa des renseignements sur le salaire lorsque le bureau de la bande refusait de les fournir.
Il n'est pas surprenant que les seules personnes au Canada qui semblent s'opposer au projet de loi, ce sont des politiciens. Mais en fin de compte, ce qu'il faut retenir, c'est que nous sommes au Canada en 2012. Les politiciens, sans égard à leur race et à leur ordre de gouvernement, devraient divulguer leur salaire au public. La transparence absolue aidera tout le monde à séparer le bon grain de l'ivraie.
L'affichage de ces données sur Internet permettra notamment d'éviter à des membres de bande de se retrouver dans la situation embarrassante où ils doivent demander à l'ami ou au parent du chef qui travaille au bureau du conseil de bande une copie des données sur le salaire du chef de bande. Leur permettre d'accéder à cette information sur le site Web est dans leur intérêt. La divulgation aidera les contribuables hors réserve à en apprendre davantage sur la manière dont les deniers publics sont dépensés sur les réserves.
À propos des amendements au projet de loi, nous recommandons d'en mettre quatre en oeuvre.
Premièrement, publier les rapports de vérification et les données sur les salaires des cinq dernières années. Ottawa a déjà ces renseignements en main, alors la tâche ne sera pas difficile.
Deuxièmement, afficher en ligne tous les documents de vérification, pas seulement les rapports de vérification annuels. Lorsque des vérifications sont faites à propos de fonds versés en cas d'inondation et à d'autres fins, notamment, les gens veulent pouvoir les consulter également.
Troisièmement, expliquer aux membres sur les réserves que les sommes inscrites dans la colonne « Voyages » doivent porter sur des dépenses telles que les frais d'hôtel et de déplacement en avion et non sur la participation à des réunions hors réserve.
Quatrièmement, veiller à ce que les fonds reçus par les chefs et les conseillers pour siéger à des conseils tribaux, à des organes provinciaux et à d'autres partenariats inter-bande figurent au nombre des sommes déclarées aux membres de bande.
En conclusion, nous sommes heureux que le Parlement ne ferme plus les yeux sur cette question.
Merci de tenir compte de nos observations.
Mesdames et messieurs, bonjour.
Merci de m'avoir invité à parler du projet de loi C-27. Je me lève pour appuyer le projet de loi, mais je vais vous faire part de certaines préoccupations tout à l'heure.
Je m'appelle Joseph Quesnel. Je suis d'origine métisse et je suis analyste des politiques au Frontier Centre for Public Policy, groupe de réflexion indépendant de l'Ouest du Canada.
Je suis chercheur principal dans le cadre d'un projet que nous appelons l'indice de gouvernance autochtone, l'IGA, qui consiste en des consultations annuelles auprès de membres ordinaires de Premières nations des provinces des Prairies concernant leur perception de la qualité de la gouvernance et des services dans leur collectivité. Au cours de la dernière année, les responsables du projet ont joint plus de 3 000 résidents ordinaires de plus de 30 Premières nations de l'Alberta, du Manitoba et de la Saskatchewan.
L'objectif de l'IGA, c'est de nous permettre de connaître les points de vue et les attentes des membres des Premières nations à l'égard de ce qui constitue une gouvernance adéquate et efficace, et l'indice nous permet d'évaluer la mesure dans laquelle leurs attentes sont comblées.
Les bandes qui obtiennent les meilleures notes par rapport à notre indice sont celles qui font preuve de la plus grande transparence et qui affichent déjà en ligne l'information de nature financière, dont les salaires. Les meilleures bandes ont adopté des politiques d'ouverture des livres qui permettent à leurs membres d'obtenir tout renseignement provenant du bureau du conseil de bande, et ce, en tout temps. Je connais beaucoup de collectivités qui le font.
Nous menons notre enquête auprès de membres de bande depuis 2006, et il ressort clairement que, malgré les politiques en place, la divulgation des renseignements concernant les salaires et les finances ne se fait toujours pas dans bien des collectivités. C'est la raison pour laquelle nous appuyons le projet de loi C-27, dont l'adoption donnerait un fondement législatif aux politiques en question, ainsi que des mécanismes d'application qui rendraient les politiques bien réelles aux yeux des membres.
Nous affirmons que les Premières nations ne devraient pas avoir à attendre que leurs dirigeants fassent preuve de la transparence dont les citoyens devraient déjà bénéficier. Nous croyons également que les membres de bande ne trouvent pas non plus qu'ils devraient avoir à attendre. Malgré le fait qu'elles ont leur culture propre, les Premières nations ont des attentes claires en matière de gouvernance. Elles souhaitent que la gouvernance soit très transparente à l'échelon local et s'attendent à ce que ce soit le cas.
Nos données concernant les Prairies appuient cette observation. Lorsque nous leur avons demandé s'ils pensaient que tous les résidents devraient pouvoir savoir combien d'argent reçoivent le chef de bande et les membres du conseil, 77 p. 100 des répondants ont répondu que oui, assurément, ce devrait être le cas, et seulement 9 p. 100 des répondants ont dit que cette information ne devrait certainement pas être pleinement accessible à quiconque souhaite l'obtenir. Il s'agit d'enquêtes menées aléatoirement auprès de membres des Premières nations de toutes les factions.
Lorsque nous avons demandé si quiconque dans la collectivité souhaitant savoir combien gagnent le chef de bande ou les membres du conseil pouvait obtenir cette information, nous avons été encouragés par le fait que 35 p. 100 des répondants nous ont dit que cette information était assurément accessible à tous. Toutefois, ce qui est troublant, c'est que 25 p. 100 des répondants ont donné la réponse contraire, c'est-à-dire que l'information n'est assurément pas accessible.
Les exigences en matière de divulgation publique prévues dans le projet de loi C-27 accroîtraient la transparence dans les collectivités qui n'ont pas encore adopté ce principe, et c'est l'objectif que nous poursuivons. Les membres de bande ordinaires sont victimes d'un système qu'ils n'ont pas créé, et ils se retrouvent dans une situation où ils sont incapables de le modifier. Ils n'ont pas de groupes de pression abondamment financés qui travailleraient pour eux. Mis à part quelques exceptions, les citoyens des Premières nations n'ont souvent pas accès à un grand média indépendant capable d'examiner de près les affaires de leur bande. Les citoyens des Premières nations ne devraient pas avoir à payer le prix de l'inefficacité des mécanismes de freins et contrepoids de nombreuses Premières nations. Nous croyons que l'adoption du projet de loi C-27 viendrait combler cette lacune.
Le fait que l'information soit affichée en ligne pourrait également permettre d'éviter que certains conflits n'éclatent au sein de Premières nations. Les collectivités ont de plus en plus recours à la confrontation lorsque la divulgation ne se fait pas. Il y a quelques années, des membres de la nation Dakota de Sioux Valley, bande du Manitoba située à proximité de Brandon, qui élit ses dirigeants selon ses coutumes et possède une constitution exigeant la divulgation des renseignements financiers, ont demandé à leur chef et aux membres de leur conseil de leur divulguer tous les renseignements de nature financière qu'ils tardaient à recevoir, et ils ont dû confronter le chef et les membres du conseil de bande en personne pour obtenir cette information. Heureusement, dans ce cas, l'initiative a donné des résultats. D'autres collectivités doivent recourir à la Cour fédérale, ce qui coûte très cher et qui crée des divisions au sein de la collectivité. Si l'information était accessible, cela pourrait permettre d'éviter des situations de ce genre.
Les entités appartenant à une bande doivent également être soumises à ces exigences en matière de divulgation. D'après une étude réalisée en 2011 par TD Economics, les sociétés de développement économique comptent parmi les éléments qui connaissent la croissance la plus rapide au sein de la nouvelle économie autochtone. Si l'information confidentielle est protégée, comme le ministre nous l'a assuré ici, les entités appartenant à une bande devraient être soumises aux exigences.
Dans le cadre de nos enquêtes, nous recevons de plus en plus de plaintes de la part des membres de bande ordinaires au sujet du manque d'information concernant les entités gérées par les bandes, et surtout celles qui sont exploitées hors réserve, comme les stations-services et les casinos. Les gens veulent savoir où va l'argent et combien les gens gagnent. Il est important de savoir exactement en quoi les entités appartenant aux bandes contribuent ou nuisent aux progrès des Autochtones, et cela passe entre autres par les renseignements financiers.
Pour ce qui est de certains éléments précis du projet de loi en tant que tel, les membres doivent pouvoir accéder à un vrai mécanisme d'application de la loi, ce qui suppose dans ce cas-ci le recours à un tribunal supérieur. Le comité pourrait envisager des mécanismes de règlement des litiges que les Premières nations appliqueraient de façon autonome ou encore la nomination d'un ombudsman de la collectivité pour jouer ce rôle, plutôt que le recours à des procédures judiciaires coûteuses et qui sont source de division. Ce sont simplement des choses à envisager.
Enfin, à la rubrique des mesures administratives — c'est plutôt une question qu'une affirmation —, je recommanderais que le libellé soit modifié, si je ne me trompe pas, pour exiger que le ministre mette au point un plan d'action approprié avant de refuser des fonds à une collectivité. Pour l'instant, d'après ce que je peux comprendre, le ministre pourrait procéder directement à une retenue de fonds dès le départ.
Je pense que le gouvernement pourrait ainsi beaucoup trop facilement se retrouver dans une situation de confrontation avec un gouvernement des Premières nations. Il faut éviter de nous retrouver dans une situation comme celle survenue à Attawapiskat, lorsque les tribunaux ont tranché qu'Ottawa avait pris des mesures punitives avant d'épuiser les recours davantage axés sur la collaboration. C'est ce que nous préconiserions, une relation davantage axée sur la collaboration, et peut-être même l'incitation à la divulgation comme autre solution possible.
Là-dessus, je vous remercie de votre attention. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je pense que tout le monde a reçu la petite présentation PowerPoint que j'ai préparée, alors je veux simplement aborder les six points l'un après l'autre.
Le premier point, c’est que l’obligation redditionnelle semble être une norme universelle en matière de bonne gouvernance. Peu importe la façon d’évaluer la bonne gouvernance, je n’ai jamais vu personne contester l’idée que la reddition de comptes devrait figurer parmi les priorités. Dans le monde autochtone, en tout cas, la Commission royale sur les peuples autochtones, le Centre national pour la gouvernance des Premières nations, le Projet Harvard sur le développement des Indiens américains aux États-Unis — tous ces organismes parlent de la reddition de comptes comme étant un indicateur de bonne gouvernance.
L'augmentation de la transparence, élément clé de l'obligation redditionnelle, est une tendance qui touche toutes les institutions, et j'entends par là le secteur privé, les ONG, les organismes de bienfaisance, bien entendu, ainsi que le secteur public.
Le deuxième point, c'est que, malgré l'attention accrue portée à l'obligation redditionnelle, les difficultés sont nombreuses pour tout gouvernement souhaitant mettre en oeuvre une saine reddition de comptes. L'un des problèmes, et il y a plusieurs problèmes en réalité, c'est qu'il faut essentiellement bien rendre des comptes en fonction des résultats. Avant, la reddition de comptes était axée sur le caractère approprié — le caractère approprié des dépenses —, mais elle est maintenant clairement axée sur les résultats, et le processus est beaucoup plus difficile et beaucoup plus exigeant.
Le troisième point, c'est que c'est particulièrement vrai pour les Premières nations, étant donné le très mauvais fonctionnement du système de gouvernance des Premières nations. Ce système est un obstacle important à l'amélioration du niveau de bien-être dans ces collectivités. Je ne vais pas aborder ce qui fonctionne mal, mais je répondrai aux questions là-dessus avec plaisir.
Le quatrième point, c'est que réaliser la réforme en matière de gouvernance a manifestement été une bataille acharnée partout dans le monde, à l'exception d'un cas précis qui pourrait être pertinent pour les Premières nations. Je ne vais pas aborder cette question en détail non plus, mais les données viennent de la Banque mondiale, qui a surveillé la situation dans 200 pays pendant 10 ans. Malgré les milliards de dollars consacrés à l'amélioration de la gouvernance, la Banque mondiale a conclu que la qualité de la gouvernance dans ces pays n'a pas augmenté en moyenne. On parle d'une décennie.
Pour ces raisons et parce que le projet de loi C-27 est une initiative très modeste, les attentes concernant les résultats que l'on pourrait obtenir au chapitre de l'amélioration de la gouvernance devraient être toutes aussi modestes. Il est très difficile d'assurer une bonne gouvernance, surtout lorsqu'on vise la durabilité, et c'est clairement ce qui est important.
Enfin, un des enjeux importants, qui est peut-être le problème évident dont personne ne veut parler, c’est la question des revenus autonomes. Obtenir de meilleurs renseignements sur les revenus autonomes est une raison suffisante pour appuyer le projet de loi. Je dis cela parce que je pense que les politiques publiques sont toujours meilleures s’il y a de l’information de qualité. Les questions de financement et de moyens de financement, qui sont au coeur de la plupart des relations entre les peuples autochtones et leur gouvernement, le gouvernement fédéral, tournent souvent autour de l’argent, et je pense donc que le fait d’avoir une meilleure idée de ses revenus autonomes est forcément une bonne chose.
Je vais conclure là-dessus et céder la parole à notre collègue, madame Suntherland.
Merci, monsieur Graham.
Nous allons écouter Mme Sutherland.
Nous nous excusons. Votre micro ne fonctionnait pas, alors nous avons dû vous demander de changer de siège. C'est la raison pour laquelle nous lui avons demandé de le faire, chers collègues, au cas où vous vous posiez la question.
Nous vous céderons la parole pour les cinq prochaines minutes.
Merci de m'avoir invitée.
Je suis ici pour parler d’obligations redditionnelles et de transparence en matière financière. J'aimerais commencer par aborder la question de l’accès aux renseignements financiers et de notre expérience à cet égard. D’abord, nous appuyons le projet de loi C-27, parce que nous croyons que chaque membre des Premières nations a le droit d’avoir accès aux renseignements financiers et doit y avoir accès dans un délai raisonnable. Les renseignements doivent être fournis gratuitement, et des pénalités devraient être imposées si les Premières nations ne fournissent pas les renseignements demandés.
Je vais vous parler de ce que nous vivons et de ce que c'est que d'essayer d'accéder à l'information. Les demandes d'AIPRP que d'autres membres de bande et moi présentons n'ont pas été prises en compte; c'est également le cas des demandes de renseignements adressées aux fiduciaires de nos droits fonciers et issus de traités; et des membres de bande sont confrontés à des tactiques d'intimidation comme les campagnes de peur, les attaques publiques et les tentatives visant à miner la crédibilité des gens.
Nous formulons un certain nombre de recommandations. Le projet de loi doit prévoir la protection de la liberté individuelle en matière d'accès à des renseignements financiers sans crainte concernant les attaques du chef et du conseil de bande. Les rapports annuels de vérification doivent être distribués au plus tard 120 jours après la fin de l'année financière. Le gouvernement fédéral doit être présent à l'occasion de la présentation des rapports de vérification. Il faut établir un document cadre pour la présentation de renseignements financiers qui doit être accessible sur le site Web et facile à comprendre pour les membres de la bande.
Nous avons examiné la rémunération et les revenus provenant d’autres sources du chef et du conseil de bande. Nous appuyons la mesure législative qui exigera que le chef et le conseil de bande soient tenus de divulguer leurs sources de revenus provenant non seulement de l’administration de leur bande, mais également d’autres sources. Nous demandons la divulgation de tout revenu, honoraire, indemnité de déplacement et prime provenant de toute organisation financée par le gouvernement fédéral et versés au chef et au conseil de bande. Le chef et le conseil de bande doivent être tenus de divulguer toute dépense engagée en leur nom. Le manquement à cette obligation devrait être considéré comme un crime en col rouge.
Pour ce qui est des résolutions du conseil de bande, en 2009, le chef et le conseil de bande ont signé une résolution du conseil de bande selon laquelle les autres sources de revenu du chef et du conseil devaient servir à financer les programmes de soutien de la bande, mais des preuves montrent qu'il en est autrement. Cette forme de corruption doit cesser.
Nous nous sommes penchés sur la rémunération des membres des divers conseils. Tous les conseils sont nommés par le chef. Ce qui est injuste, c'est que le chef dirige tous les conseils de la réserve.
L'obligation redditionnelle doit comprendre l'utilisation appropriée des fonds du gouvernement fédéral destinés aux programmes de la bande. Le ministre doit s'assurer que l'argent réservé à l'éducation et au logement est dépensé aux fins prévues. D'après la dernière vérification, le chef et le conseil de bande ont pris plus de deux millions de dollars de fonds devant être consacrés à l'éducation pour y éponger le déficit de la bande. Lorsque la vérification pour l'année en cours sera publiée, je pense qu'elle montrera que la bande a pris plus de quatre millions de dollars.
Les membres des Premières nations n'ont pas de recours pour demander des comptes à l'égard de dépenses en matière d'éducation et de logement. Ils n'ont pas de mécanismes de recours pour contester ce qui se fait et changer les façons de faire. Nous demandons une enquête fédérale nationale sur la façon dont sont traités les peuples des Premières nations par les chefs et les conseils qui les gouvernent.
Nous demandons des audiences publiques fédérales à l'échelle nationale pour permettre aux membres des Premières nations d'exprimer leurs préoccupations.
Nous avons examiné l'utilisation des fonds de la bande à des fins politiques. Le chef de notre réserve a utilisé des fonds appartenant à la bande pour payer des frais juridiques personnels de 22 772,76 $. Des frais judiciaires ont été versés au nom de membres qui ont volé du mobilier au cours de la campagne électorale de 2007. En 2008, un poste a été créé pour une personne membre du conseil scolaire de Peguis de façon à ajouter 26 000 $ à son salaire de fiduciaire. Rien ne prouve que cette personne ait fait un travail quelconque. Des fonds fédéraux ont été utilisés pour la production d'articles de journaux visant à faire la promotion du chef. Une mesure législative doit être adoptée pour rendre illégale l'utilisation de fonds de la bande pour payer des faveurs politiques. Ce genre de dépenses est clairement un méfait et doit être traité en conséquence.
Il faut qu'il y ait une obligation redditionnelle dans le cadre du processus électoral visant le chef et le conseil de bande. Les fonctionnaires électoraux doivent être nommés par une tierce partie n'ayant aucun intérêt direct.
Je vais maintenant résumer les questions financières et questions de transparence.
Actuellement, il existe de nombreuses situations où les membres de la collectivité ne peuvent pas s'exprimer. Il faut qu'il y ait un groupe de représentation à qui ils puissent demander de l'aide pour exiger des comptes et de la transparence en matière financière.
Le chef est en mesure d'utiliser les fonds de la bande pour persécuter et poursuivre son propre peuple. Les membres de la Première nation n'ont pas les moyens ni la capacité de se défendre parce que, dans la plupart des cas, les personnes qui ont osé se prononcer ont perdu leur emploi.
Celles qui sont d'accord avec la façon de diriger du chef sont bien traitées. Dans certains cas, elles ont un salaire et des honoraires provenant de trois ou quatre sources différentes. Par exemple, l'ancien conseiller Lloyd Sinclair recevait un salaire de 64 000 $ comme gestionnaire du centre sportif, même si notre centre a été détruit par un incendie en 2007. Il siège également au sein de divers conseils et comme fiduciaire de nos droits fonciers issus des traités et de notre revendication relative à la cession.
Des avocats et des consultants facturent à la bande des frais exorbitants. Ce genre de corruption doit cesser, et les personnes en poste doivent être tenues responsables de ce détournement flagrant de fonds du gouvernement fédéral. Affaires autochtones permet habituellement aux Premières nations de rembourser les fonds qui sont réputés avoir été mal utilisés. Au bout du compte, ce sont les gens qui n'ont aucun pouvoir qui subissent les conséquences de la mauvaise gestion des fonds.
Nos dirigeants doivent être tenus responsables.
Merci.
Merci, madame Sutherland.
Ce serait négligent de ma part de ne pas remercier chacun d'entre vous d'être venu. Madame Sutherland, nous avons entendu dire que vous avez dû faire deux heures de route avant de prendre l'avion de Winnipeg ce matin et que votre présence ici tient de l'exploit.
Nous souhaitons remercier chacun d'entre vous d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui.
Nous allons commencer la période de questions par mon collègue, M. Genest-Jourdain, du NPD, pour les sept premières minutes.
[Français]
Bonjour, monsieur Craig.
Ça peut sembler un peu rébarbatif comme première question, mais je dois tout de même vous soumettre le cas, monsieur Craig.
En français, le nom de votre organisation est tout de même la Fédération canadienne des contribuables. J'aimerais savoir si vous avez pris des mesures pour vous assurer que le type de discours que vous tenez aujourd'hui et les documents qui vont ultimement émaner de votre organisation ne seront pas repris par des groupuscules réactionnaires.
Je vous soumets un cas particulier. La dernière fois que les mots « contribuables » et « Indiens » ont été utilisés dans la même phrase, ils sortaient de la bouche d'un tenant de la suprématie blanche. Sachant pertinemment que, dans certains cas, des groupes ciblés peuvent reprendre certains discours, avez-vous fait l'effort de vous assurer que vos propos et l'intérêt que vous démontrez aujourd'hui n'allaient pas être détournés?
J'aimerais vous poser une autre question, monsieur Craig.
J'ai devant moi vos états financiers. Je sais que vous êtes une organisation privée. Or en jetant un coup d'oeil à vos états financiers, j'ai vu qu'aucun nom n'était indiqué quant aux compensations versées à vos employés. Il n'y a aucune information nominale et encore moins de montants exacts.
Je ne sais pas si vous le savez, mais dans le cadre de la loi qui est envisagée, des entités privées au sein des communautés vont devoir fournir des informations beaucoup plus détaillées, entre autres des informations nominales. Votre organisation n'est pas prête à le faire, visiblement, vu que ces informations sont absentes de vos documents.
Étiez-vous conscient de cette situation?
[Traduction]
Merci de votre question. Vous m'avez donné plusieurs éléments auxquels réagir.
Je pense qu'il y a deux raisons pour lesquelles le projet de loi est très important. La première chose, c'est que les membres des bandes d'un peu partout au pays le demandent. Ils veulent pouvoir accéder à l'information en question de façon confidentielle.
L'autre chose, évidemment, c'est que les contribuables aussi aimeraient connaître cette information. Les choses que nous avons révélées au cours des dernières années ne sont pas nouvelles. Ce sont des réponses qu'on voit dans les commentaires affichés en ligne en réaction à ce qui se passe dans l'ensemble du spectre politique, que ce soit diffusé par CBC, le Globe and Mail, le National Post, Sun News, peu importe. Les commentaires affichés dans ces sites sont ceux de gens frustrés, parce que depuis des décennies les contribuables entendent parler de corruption dans les réserves et, bien trop souvent, Ottawa ferme les yeux là-dessus. Il y a donc beaucoup de gens qui étaient heureux de voir qu'on allait adopter le projet de loi pour enfin régler ce problème.
Il est important que non seulement les membres de bande aient l’accès à l’information, mais aussi les contribuables, de sorte que, lorsqu’ils voient à la télévision un chef ou un conseiller demander plus d’argent à Ottawa pour telle ou telle chose, ils puissent faire de petites recherches par eux-mêmes et voir ce qui se passe dans la collectivité en question. Comment les fonds sont-ils dépensés? S’agit-il de l’une des collectivités où le chef et le conseil gagnent plus que le premier ministre du Canada? Si c’est le cas, je pense que beaucoup de contribuables diraient qu’il serait complètement insensé de donner plus d’argent à la collectivité tant qu’elle n’aura pas mis de l’ordre dans ses affaires. Si ce n'est pas le cas, s’il s’agit d’une collectivité ouverte et transparente où le chef et le conseil font tout ce qu’ils peuvent pour offrir de bons services aux gens, alors je pense que les contribuables qui vivent en dehors des réserves seraient plus enclins à appuyer le versement de fonds supplémentaires à ces collectivités.
Pour répondre à la troisième partie de votre question concernant votre organisation, il y a de l’information sur notre site Web au sujet de la rémunération, de la somme que les gens gagnent en fonction des différentes catégories de paie. Ce que je voudrais dire haut et fort, c’est que nous ne recevons absolument pas de fonds de la part du gouvernement. Nous n’en avons jamais reçu et nous n’en recevrons jamais. De fait, lorsque j’ai accepté l’invitation à témoigner, on nous a offert de payer mon vol, ma chambre d’hôtel et mes repas, entre autres, et nous avons refusé. Nous sommes l’une des rares organisations du pays à refuser régulièrement cette offre du Parlement du Canada.
C'est un peu différent lorsqu'il s'agit des deniers publics et de la façon dont ils sont utilisés. Nous nous attendons à une reddition de comptes complète dans ce domaine. C'est tout autre chose.
[Français]
[Traduction]
[Français]
[Traduction]
J'aimerais rappeler ce qu'a dit le ministre au cours de l'une de nos séances récentes. Je lui ai demandé s'il croyait en une relation de gouvernement à gouvernement entre le Canada et les Premières nations. Il m'a répondu que oui.
J'aimerais vous poser la question à chacun: croyez-vous que la relation entre le gouvernement du Canada et des Premières nations est une relation de gouvernement à gouvernement? Vous pouvez me répondre par oui ou par non.
Nous appuyons ce que les traités disent, c'est-à-dire que les gens qui vivent dans les réserves doivent respecter les mêmes lois que tous les autres citoyens du Canada.
Croyez-vous en une relation de gouvernement à gouvernement entre le Canada et les Premières nations?
Ça dépend de la manière dont vous définissez « gouvernement», mais nous sommes d'accord pour dire que les réserves sont...
Je vous ai demandé de répondre par oui ou par non, et j'aimerais que vous le fassiez, parce que le temps dont je dispose est très limité. Il ne me reste qu'environ une minute.
Je m'inspirais simplement de la période de questions, que j'ai regardée, et de la réaction de certains politiciens.
Monsieur Bevington, si nous pouvons obtenir une réponse, il y aura peut-être du temps pour une question secondaire.
Bien sûr que c'est une relation de gouvernement à gouvernement. Quoi d'autre? Je dirais simplement que la relation entre divers gouvernements peut varier passablement. Ce ne sont pas nécessairement tous les gouvernements qui entretiennent la même relation.
Oui, je crois en une relation de gouvernement à gouvernement, mais ce n'est pas aussi simple que vous le dites. Il y a le paragraphe 91(24). Il y a la Loi sur les Indiens. Ce n'est pas aussi simple que vous le dites lorsqu'il s'agit des gouvernements des Premières nations.
Essentiellement, le projet de loi dit au gouvernement des Premières nations comment divulguer l'information. Ce n'est pas le cas des provinces et des territoires. Ils ont leurs propres règles. En fait, si on prend l'exemple du Québec, les salaires dans le secteur public sont considérés comme des informations confidentielles; ils ne sont pas divulgués. En Ontario, on ne divulgue que le salaire des personnes qui gagnent 100 000 $. En Colombie-Britannique, c'est le salaire de quiconque gagne plus de 75 000 $. Les gouvernements font leurs propres choix pour ce qui est du traitement de l'information.
Croyez-vous que les Premières nations ont le droit de faire leurs propres choix pour ce qui est de la façon de traiter les renseignements financiers?
Monsieur Bevington, vous n'avez pas dit à qui vous adressiez cette question, et votre temps est écoulé. Je ne sais pas s'il y a une personne à qui vous vouliez l'adresser.
D'accord. Je reviendrai à vous.
Nous allons maintenant céder la parole à M. Wilks pour la deuxième tranche de sept minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Et merci aux témoins d'être venus.
Jusqu'à maintenant, j'ai beaucoup apprécié la discussion que nous avons eue sur le projet de loi C-27. Tous les groupes qui sont venus témoigner ont présenté des idées et des suggestions au comité. Voilà de quoi il s'agit: des idées et des suggestions.
La contribution qui nous a été offerte jusqu'à maintenant a favorisé l'établissement d'une bonne relation de travail avec plusieurs des groupes en question, et tout le monde ici est passionné par le projet de loi C-27. Cela dit, monsieur le président, mes questions s'adressent à M. Craig. J'en ai deux ou trois à poser, alors nous allons essayer de les faire entrer dans les sept minutes dont je dispose.
Pourriez-vous expliquer au comité de quelle manière les organisations comme la vôtre peuvent aider les membres des Premières nations à accéder aux renseignements financiers concernant leurs représentants élus et en quoi le projet de loi est important?
Les bandes sont désormais tenues de fournir ces renseignements aux membres de la bande. Ce que j’ai entendu de la part de nombreux membres de différentes bandes, c’est qu’ils demandaient des renseignements à leur chef et à leurs conseillers, notamment combien gagnaient leurs représentants élus, s’il s’agissait ou non du document complet de vérification et posaient toutes sortes d’autres questions, et, très souvent, ils se retrouvaient face à un mur. Ils n’obtenaient pas les renseignements.
Alors, ils se rendaient à leur bureau local du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord et demandaient les renseignements. On leur disait alors de retourner auprès de leur bande pour les obtenir. En fait, lorsque j'ai parlé à un porte-parole du gouvernement, j'ai dit que le problème, c'était qu'ils plaçaient les gens dans une situation où ils tournaient en rond. Ils n'obtenaient jamais la réponse.
Alors, qu'est-ce qui arrive? Ils disent aux membres de la bande qu'ils ont ce droit. Finissent-ils par leur donner les renseignements? Le porte-parole a dit oui, ils finiront par leur donner les renseignements. Si nous créons un site Web et disons aux membres de bandes qu'ils ont droit à ces renseignements, mais qu'ils ne peuvent pas les obtenir du bureau de leur bande... Je voulais savoir à qui ils devraient s'adresser, au gouvernement fédéral. On a dit qu'ils devraient s'adresser au bureau national des allégations et plaintes. J'ai demandé quelle était la langue... Nous avons suivi tout le processus afin de pouvoir finir par créer un site Web pour expliquer exactement aux membres des bandes comment ils pourraient obtenir les renseignements. Pourtant, cela prenait parfois un certain temps avant qu'ils puissent les obtenir.
Obtenir ces renseignements ne devrait pas être une tâche laborieuse pour les membres de bandes. Faire en sorte que l'affichage en ligne de ces renseignements soit une méthode de divulgation habituelle est conforme à ce qui concerne les politiciens provinciaux et fédéraux au pays. En quelques clics de souris, je peux me renseigner sur le salaire de chaque député ici présent. Comme tout le monde peut le faire, d'ailleurs. C'est tout à fait raisonnable de s'attendre à ce que l'on divulgue également le salaire des politiciens des réserves.
C'est l'une des façons dont nous avons pu aider les membres de bandes à obtenir ces renseignements.
Une des autres choses entendues de la part des contribuables, comme je l'ai mentionné, c'est qu'ils aimeraient savoir de quelle façon les fonds publics sont dépensés dans les réserves.
Merci.
Ma deuxième question s'adresse à vous quatre, si nous avons le temps. C'est une question en trois volets.
Premièrement, quels sont les avantages pour les dirigeants des Premières nations de divulguer leur salaire et leurs dépenses? Deuxièmement, quels sont les avantages pour les membres des Premières nations d'obtenir ces renseignements? Et troisièmement, quels sont les avantages pour tous les Canadiens de faire en sorte que les Premières nations publient leurs états financiers?
Si je pouvais l'entendre de votre bouche, ce serait excellent, en commençant par M. Craig, ou quiconque est prêt à répondre.
Je vais commencer par la question au sujet des avantages pour les dirigeants. Je veux de nouveau souligner que nous n'avons jamais dit une seule fois que nous pensions que tous les dirigeants dans les réserves s'emplissent les poches avec l'argent et qu'ils dissimulent les renseignements aux membres de leur bande, loin de là!
En fait, j'ai rencontré un chef d'une collectivité nordique au Manitoba. Il voulait me rencontrer. Nous nous sommes assis et nous avons discuté. Il a dit: « Voici les renseignements au sujet de mon salaire ». Il n'avait aucun problème à les divulguer. Il est ouvert avec sa collectivité. Je pense que l'affichage de ces renseignements en ligne aiderait les dirigeants comme lui et de nombreux autres, qui sont très ouverts et responsables, puisqu'on dissiperait ainsi l'ombre qui entoure de nombreux dirigeants autochtones. Je pense que c'est une façon dont cela pourrait les aider.
Évidemment, les membres de bandes seraient mieux renseignés sur la façon dont les fonds sont dépensés dans leur collectivité. C'est ce que veut également savoir le Canadien moyen vivant hors réserve: il veut savoir de quelle manière les deniers publics sont dépensés.
Ainsi, les membres de bandes pourront mieux comprendre ce que leurs dirigeants font avec l’argent. S’ils voient que leurs dirigeants touchent tous des sommes exorbitantes, ils y penseront deux fois avant de les réélire. Nous l’avons constaté à quelques occasions depuis que nous avons étalé au grand jour ce qui se passe. Dans deux collectivités des Maritimes, en Nouvelle-Écosse dans les deux cas, la Première nation de la vallée d’Annapolis et la réserve de Glooscap, un grand changement est survenu parmi les représentants élus après que les salaires ont été divulgués. Je pense que c'est là une façon d'aider les membres de bandes.
En ce qui concerne les Canadiens, comme je l’ai mentionné précédemment, nous nous sommes entretenus avec beaucoup de contribuables et des gens vivant hors réserve, qui disent vouloir savoir de quelle manière les fonds sont dépensés dans les collectivités des réserves parce qu’ils ont entendu toutes sortes d’exemples de mauvais usage et d’abus au fil des ans. Ils l’ont entendu de la part de gens comme Phyllis et de nombreuses autres personnes qui se sont manifestées et ont demandé de l’aide. Ils veulent savoir de quelle manière les fonds publics sont dépensés, quelles collectivités font des choses utiles et la façon dont ils peuvent les appuyer.
Je ne vais par répéter ce que M. Craig a dit, mais j’ajouterai simplement quelques éléments sur les revenus autonomes, que j’ai mentionnés dans mon dernier point. Je pense que la tendance est claire, lorsqu’il est question de financement discrétionnaire — au gouvernement fédéral, ce serait principalement dans le secteur du développement économique et peut-être les grands projets d’immobilisations comme les écoles, l’aqueduc et les projets du genre —, ces fonds sont versés de façon disproportionnée aux Premières nations qui s’en sortent particulièrement bien parce qu’elles ont la capacité, le cran et les relations pour accéder à cet argent.
À mon avis, les Premières nations les plus pauvres sont généralement celles qui sont le moins en mesure d’accéder à ces fonds. Donc, le fait de disposer de meilleurs renseignements sur les revenus autonomes aidera, je pense bien, quelques dirigeants au moins à identifier les Premières nations qui ont probablement le plus besoin d’obtenir un financement nouveau et amélioré et qui ne l’obtiennent pas. Je pense qu’il y a une distribution asymétrique du financement au profit des Premières nations ayant de grandes capacités, ce qui est, selon moi, dans une perspective de politique publique, un aspect que vous voulez remettre en question.
Je pense que l'autre question touchant l'ensemble des Canadiens concerne un portrait plus précis du financement réel des Premières nations. Les revenus autonomes augmentent sensiblement, je pense. Je n'ai jamais vraiment vu une étude intéressante indiquant le pourcentage des revenus autonomes par rapport aux revenus totaux, mais ils augmentent et continueront d'augmenter de plus en plus rapidement.
Pour l'ensemble des Canadiens, il est dans l'intérêt de tous de comprendre simplement quels sont ces revenus autonomes, de quelle façon ils augmentent et qui les reçoit. Pour les Premières nations qui se tirent bien d'affaire avec des revenus autonomes, la question est alors la suivante: devrions-nous les traiter comme des provinces? Les transferts financiers du gouvernement fédéral devraient-ils tenir compte des revenus autonomes? Selon moi, la réponse serait affirmative. On devrait finir par le faire.
Je pense que ce genre de débat... le fait de savoir que nous disposons de meilleurs renseignements sur les revenus autonomes nous permettrait de mieux débattre publiquement de ces questions très difficiles.
Je vous remercie, monsieur Graham.
Nous laissons maintenant la parole à Mme Murray, pour sept minutes.
Je vous remercie de venir témoigner devant le comité.
J’ai consacré 25 ans à une petite entreprise afin qu’elle devienne une moyenne entreprise. Je suis donc très intéressée à la question des revenus autonomes. Je sais que des Premières nations ont soulevé une préoccupation: la divulgation envisagée mettrait à rude épreuve leur compétitivité. En Colombie-Britannique, des Premières nations ont investi dans des centres de villégiature, des établissements vinicoles, la foresterie, le bâtiment et la construction routière, dans toutes sortes d’industries extrêmement concurrentielles.
Monsieur Graham, pouvez-vous imaginer une situation éventuelle dans laquelle la divulgation des renseignements sur les revenus autonomes serait susceptible de donner un désavantage concurrentiel à une Première nation pour l'obtention de travaux?
Cela revient ici au degré de transparence.
Selon moi, le projet de loi suppose que l’on puisse disposer d’une quantité assez élevée de renseignements concernant les revenus autonomes. Je ne vois pas de problème réel pour l’entreprise, comme un établissement vinicole, si vos états financiers indiquent un revenu total ou peut-être un revenu net correspondant aux revenus accumulés par cette entreprise. Si vous deviez fournir des renseignements sur ses différentes gammes de produits, c’est une autre histoire, mais je ne pense pas que le projet de loi concerne ce genre de renseignements détaillés, pointus, qui représenteraient un avantage réel pour un concurrent.
Il semble que le ministre a déclaré, de façon générale, que cela n’entraînerait pas la divulgation de renseignements exclusifs. Toutefois, de quelle façon les définit-on? À mon avis, si vous suivez de près les dépenses d’une entreprise en marketing et qu’elles changent, vous pourriez dire, au moyen d’une analyse dynamique de l’état consolidé, ce que cette entreprise prévoit peut-être faire, à quel endroit elle a concentré ses investissements. De mon point de vue, ce serait très préoccupant.
Je poserais une question à M. Quesnel.
Vous avez procédé à de vastes consultations afin d'entendre les Premières nations dans les Prairies. vous avez dit que c'était 3 000 ou 30 000?
D'accord. Maintenant, nous avons un projet de loi qui élargit la portée de ce qui est attendu, sans consultation, si je comprends bien.
De ces 3 000 membres des collectivités des Premières nations, combien ont été consultés au sujet de ce qui pourrait compromettre la position concurrentielle des activités de libre entreprise menées par la bande?
Pouvez-vous répondre?
Ce que je veux dire, c'est comment s'y prend-t-on pour renforcer l'obligation redditionnelle en adoptant une approche tout à fait opaque, sans consultation? La consultation ne fait-elle pas partie de l'obligation redditionnelle?
À ce que je sache, il y a eu d'autres témoins; il y a eu d'autres Premières nations. Aucun projet de loi n'émane directement de la base, sauf si nous parlons d'une initiative quelconque des citoyens ou d'un courant quelconque.
Comme je le disais, nous n'avons pas de groupes d'intérêt bien financés qui s'expriment au nom des citoyens. On commence à le voir avec la Peguis Accountability Coalition, la Treaty Three Grassroots Citizens Coalition ou précédemment, lorsque la Loi sur la gestion des premières nations a été présentée, avec Leona Freed qui a mis sur pied la Coalition des Premières nations en matière de responsabilité... Ces groupes n'obtiennent cependant pas de financement. Ils ne peuvent pas envoyer leurs représentants ici. Ce qui s'en rapproche le plus, c'est de demander directement aux gens s'ils pensent qu'ils devraient divulguer certains renseignements.
Merci. Je comprends.
D'après ce que j'entends, vous estimez que ce n'est pas si important parce que les gens peuvent débattre du projet de loi une fois qu'il est adopté et que les consultations sur ce qui a réellement donné lieu à ce projet de loi ne constituent pas une priorité. Je regrette...
Que chaque citoyen puisse commenter ou non les détails d'un projet de loi... Est-ce réellement équitable, quel que soit le projet de loi, que tout et chacun puisse commenter chaque disposition et chaque article?
D'accord. Je comprends ce que vous dites.
J'ai une troisième question que j'essaie de glisser ici, et elle s'adresse M. Craig.
Selon M. Graham, les revenus autonomes devraient essentiellement faire l'objet d'une reddition de comptes publique parce qu'ils s'assimilent à un transfert ou parce que ce sont des fonds publics.
Connaissez-vous des Premières nations dont les entreprises sont effectivement le résultat des investissements qu'elles ont effectués au moyen de fonds, qui sont les propres fonds de la bande, provenant peut-être d'un règlement, et pourquoi, lorsque ces fonds se retrouvent en leur possession, on peut considérer que c'est leur argent parce qu'elles l'ont obtenu en échange de quelque chose? Ou bien connaissez-vous des cas où la bande a, en fait, obtenu un prêt — garanti par les actifs et qu'elle achetait — pour exploiter son entreprise, auquel cas il ne s'agit pas d'un transfert public de fonds pour ces entreprises?
Je crois que, dans les deux scénarios, vous parlez de fonds publics, peut-être pas tant du point de vue des contribuables, mais plutôt de celui des membres de la bande.
Lorsqu'une bande possède une entreprise, qu'il s'agisse d'une station-service, d'un casino ou de toute autre d'entreprise, ce sont les membres de cette collectivité, ensemble, qui en sont les propriétaires.
Ce que nous entendons haut et fort des membres de bandes nous dire, c'est que si l'argent provenant, disons d'une station-service, sert à payer le chef ou le conseiller, les membres de la bande veulent le savoir. Ils veulent connaître la rémunération totale versée à leurs représentants élus.
Donc, à qui cette information devrait-elle être divulguée? Si, selon votre point de vue, la bande doit rendre compte à ses membres, à qui cette information devrait-elle donc être divulguée?
Et qui devrait avoir le droit de voir cette information — le grand public?
Oui, je ne vois pas de problème.
Là encore, les membres de bandes ont dit que l'idée d'afficher ces renseignements en ligne leur plaît parce qu'ils peuvent y accéder dans l'anonymat. Ils sont conscients du fait que, lorsque vous affichez des renseignements en ligne, tout le monde y a accès.
En ce qui concerne l'idée...
... qu'il s'agit de renseignements de nature délicate sur le plan commercial, ce n'est pas vraiment le cas. Je veux dire, lorsque vous voyez que le chef obtient 5 000 $ ou 25 000 $ au titre « d'autres revenus », cela n'indique pas vraiment de quelle entité ces revenus proviennent. Alors...
D'accord, mais ce dont il est question maintenant, c'est à qui ils doivent rendre des comptes, c'est-à-dire, selon vous, les membres de leur bande, et à qui ils doivent divulguer de tels renseignements, ce qui est un groupe beaucoup plus vaste.
Diriez-vous que cela est conforme aux principes comptables dans le secteur public?
Eh bien, non, et encore une fois, permettez-moi de préciser. Nous appuyons la législation, telle qu'elle est rédigée actuellement, afin que les politiciens dans les réserves divulguent leur rémunération complète au public
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins présents aujourd'hui de comparaître devant le comité.
Je reviens à une histoire dont j'ai parlé au comité précédent. Elle vient du temps où j'étais à la GRC... et je sais que M. Wilks a probablement le même genre de scénarios qui lui sont présentés par des membres de bandes qui s'inquiètent de savoir où vont les fonds qui leur sont alloués.
Un cas se démarque, ici même en Saskatchewan. Cela concerne l'argent des droits fonciers issus des traités, les DFIT, qui, en réalité, sont devenus, pour certains dirigeants des Premières nations, le chef et le conseil, presque une caisse noire personnelle qu'ils peuvent utiliser à leur propre discrétion. Eh bien, ce qui est arrivé, après l'obtention d'états financiers vérifiés auprès du gouvernement, c'est qu'on a donné suite à des accusations au pénal, et vous avez vu certains de ces dirigeants évincés de leur siège.
J'ai une certaine expérience personnelle concernant l'élection de dirigeants des Premières nations... le chef et le conseil, où une carte de crédit devant servir à l'éducation leur est remise, et ils achètent une voiture et des télévisions flambant neuves et d'autres meubles pour leur propre maison. J'en ai été témoin, et la liste est longue.
Lorsqu'un membre des Premières nations se manifeste et veut témoigner, ou s'il tente d'obtenir des renseignements, il est menacé — premièrement, concernant une maison; deuxièmement, concernant un emploi; troisièmement, il devient un paria, parce qu'il va à contre-courant.
Permettez-moi d’attirer votre attention sur l’une des questions que j’ai ici. Elle concerne le processus d’accès à l’information en vue d’obtenir ces renseignements pour la reddition de comptes. Pour confirmer le statut de membre du client, il faut consulter la bande. On ne peut pas le faire sans obtenir d’abord le consentement écrit relatif à la divulgation de son identité à la bande. Donc, juste là, les membres de bande sont dans une impasse: s'ils se manifestent, ils vont être punis. Si on est disposé à les laisser s’adresser à la bande, on leur demande de remplir l’autorisation pour divulguer leur identité.
C'est là, je pense, que la Fédération canadienne des contribuables intervient et ouvre une brèche ou protège l'identité du client afin qu'il ne subisse pas de représailles. Et je pense que le projet de loi va dans ce sens — premièrement, il oblige les dirigeants des Premières nations à être responsables, et deuxièmement, il protège la personne de bonne foi. C'est l'objet du projet de loi, de protéger la personne de bonne foi et de faire en sorte que les chefs de bande et les représentants élus rendent des comptes.
J'ai également vu... Nous avons parlé des revenus autonomes. Mais nous avons également vu, du côté des sociétés d'État, un chef qui siège au conseil, de SaskPower, de SaskEnergy, et qui touche un revenu complémentaire.
Les membres de la bande ne savent pas que leur chef reçoit cet argent supplémentaire, et qu'il voyage. Il arrive parfois que des fonds soient versés en double ou en triple dans le cadre d'un déplacement. Plutôt que d'obtenir une indemnité quotidienne ou deux indemnités quotidiennes, le chef en obtient trois, et cela, juste pour une réunion.
Je trouve cela très démoralisant. Je ne sais pas si l'opposition le perçoit. De mon point de vue, je ne le crois pas.
À titre de dirigeant élu — je suis moi-même membre des Premières nations —, je pense que chacun doit rendre compte. Si les contribuables versent de l'argent pour un chef des Premières nations, à moi-même en tant que député, à un maire, à un conseiller, voire à un préfet, à quiconque reçoit une forme quelconque d'avantage fiscal ou un revenu provenant des impôts, ces derniers doivent rendre des comptes. C'est une question de transparence.
Maintenant, nous avons entendu quelques histoires. Pouvez-vous me perler, n'importe lequel d'entre vous, de quelques-uns des obstacles auxquels se sont heurtés les membres de bandes qui ont tenté d'accéder à ces renseignements?
Je répondrai à cette question. Étant membre d'une bande, j'ai présenté de nombreuses demandes. J'ai une pile de demandes de ma part et de la part d'autres membres de la bande, et je n'ai jamais obtenu de réponse à l'une de mes demandes.
Parfois, je me suis adressée aux Affaires autochtones. Parfois, ils ont été utiles. Ils me donnaient les renseignements s'ils les avaient, mais je devais prouver que j'étais membre d'une bande et que j'avais d'abord demandé les renseignements à la bande.
De là, je m'adressais au bureau des Affaires autochtones à Winnipeg. Cela exige du temps et des efforts, et, parfois, ils me donnaient les renseignements s'ils y étaient autorisés et, à d'autres occasions, on me disait d'envoyer mes renseignements à Ottawa. C'est un long processus. Lorsque les renseignements me revenaient, j'avais parfois oublié que je les avais demandés. Souvent, lorsqu'ils me revenaient, ils étaient dépourvus de pertinence.
En ce qui concerne certaines conséquences que vous évoquiez, je repensais simplement... Avant de faire ce que je fais maintenant, l'analyse des politiques, j'ai travaillé dans un média autochtone, à un journal appelé The Drum /First Perspective, qui s'enorgueillissait de faire preuve de responsabilité et de transparence et qui s'efforçait d'être un genre de journal indépendant à scandale pour les Premières nations.
Je me souviendrai toujours d’une chose: je recevais des renseignements, habituellement par télécopieur, sur la rémunération, les salaires, les frais de voyage, les programmes visant les groupes spéciaux, toutes ces choses. Je les recevais par télécopieur, ou ils m’étaient envoyés dans une enveloppe brune, à mon bureau. Puis, je finissais par contacter quelqu’un, et personne ne pouvait s’exprimer officiellement. Ils disaient, entre autres: « Je ne veux pas être privé de l’aide sociale » ou « Je suis sur la liste pour obtenir un logement, et je ne veux pas compromettre mes chances » ou encore « Mon enfant va faire des études postsecondaires, et je crains de ne pas obtenir des fonds alloués par la bande pour les études ». En qualité de journaliste, je ne pouvais pas vraiment faire quoi que ce soit avec cela.
C'est le genre de situation à laquelle nous faisons face avec les Premières nations, et Phyllis y a fait allusion. Vous êtes pris entre les Affaires autochtones et la GRC, puis, pire encore, on vous dit souvent de vous adresser de nouveau au chef et au conseil. Lorsque vous alléguez une mauvaise gestion de leur part, vous devez aller leur parler. C'est le pire type de conflit d'intérêts auquel vous puissiez faire face.
Le seul autre moyen est de passer par les médias ou d'envoyer quelque chose à la Fédération canadienne des contribuables ou encore à nous, le Frontier Centre. C'est le seul moyen dont disposent les Premières nations.
Si la prestation de services n'est pas séparée, n'est pas isolée des représentants élus, et s'ils n'ont pas un conseil d'administration qui n'a pas l'obligation de rendre compte au chef et au conseil, alors la concentration du pouvoir entraîne les pires conséquences.
Merci, monsieur le président.
Je m'adresserai à M. Craig. Selon l'Association du Barreau canadien, la Fédération canadienne des contribuables a produit un document en 2010, qui, en quelque sorte, a exacerbé la question. Voici ce qu'il y était mentionné:
La FCC a allégué que des dirigeants de Premières nations, au nombre de 160, gagnent plus que le premier ministre de leurs provinces respectives et que 50 recevaient un salaire supérieur à celui du premier ministre. Toujours d'après la FCC, plus de 600 représentants des Premières nations auraient touché un revenu équivalent à 100 000 $ hors réserve. L'Assemblée des Premières Nations, l'APN, s'inquiète de la méthodologie de la FCC en soulignant que ses calculs incluaient les frais de déplacement et les indemnités quotidiennes. D'après le recalcul de l'APN, les représentants des Premières nations étaient payés en moyenne 36 845 $ par année. L'APN a constaté que seulement 3 p. 100 des chefs et conseillers gagnaient plus de 100 000 $, soit moins de 1 p. 100 de plus que le premier ministre de leur province, et aucun ne gagnait plus que le premier ministre. L'APN a ajouté que l'utilisation, par la FCC des « montants imposables équivalents » faisait gonfler les salaires et dénotait un revenu exorbitant. L'APN a souligné que l'utilisation du terme « montant imposable équivalent » omettait le fait que les membres du conseil de bande n'avaient pas tous le statut d'Indien et qu'ils ne bénéficient donc pas de l'exonération fiscale concernant le revenu gagné dans une réserve. De plus, on ne reconnaît pas le fondement historique et constitutionnel de telles dispositions.
Votre groupe a produit un document dans lequel vous avez utilisé des chiffres de manière inventive afin de créer une certaine impression au sujet des Premières nations et de la rémunération de leurs conseillers et de leurs chefs. N'est-ce pas le cas?
Non, pas du tout. En fait, certains des chiffres que vous avez cités ici, que l'APN a utilisés, proviennent du gouvernement fédéral, et nous avons informé le gouvernement fédéral de l'inexactitude de ces chiffres. Nous avons mentionné à la bureaucratie que les chiffres étaient erronés. Ils ont examiné certains renseignements au sujet de la paye, pas d'autres...
Si vous jetez un coup d'œil à la feuille de paye d'une réserve... Il y a souvent, je pense, quatre colonnes: salaires, honoraires, autres et déplacements. Dans la colonne « autres », je crois que les chiffres du gouvernement fédéral n'incluaient pas ces données, même s'il s'agit de la paye. Si vous jetez un coup d'œil à la colonne « déplacements »... assez souvent, elle inclut également la paye. Il ne s'agit pas seulement d'un remboursement du tarif aérien, des hôtels et de ce genre de dépenses. Nous avons vu quelques exemples où une personne a dépensé plus de 100 000 $ en déplacements. De quelle façon un politicien d'une réserve pourrait-il dépenser plus de 100 000 $ en déplacements et avoir des reçus? Cela n'arrive tout simplement pas. Il s'agit plutôt d'indemnités quotidiennes liées aux déplacements.
Donc, les chiffres fournis par l'APN étaient erronés. Nous persistons à dire que ces chiffres constituent les meilleures estimations possibles que nous pouvions fournir. Nous avons également noté, comme je l'ai mentionné plus tôt dans nos recommandations, que la colonne « déplacements » devrait être clarifiée de sorte qu'à l'avenir, il soit clair qu'elle ne devrait pas inclure les montants liés à différents déplacements et que les montants d'argent soient inscrits dans les autres catégories afin que les gens puissent voir ce qui se passe.
Soyons clairs: nous sommes au courant d'exemples très évidents de politiciens des réserves qui touchaient un salaire plus élevé que celui du premier ministre du Canada.
Voyez Shirley Clarke de la Première nation de Glooscap. Parlez-lui aujourd'hui. Vous n'avez pas à l'appeler « chef », parce qu'elle n'est plus chef. Dégoûtés de ce qui se passait, les membres de sa collectivité l'ont mise à la porte.
M. Dennis Bevington: Eh bien, je pense que...
M. Colin Craig: Si vous parlez à Mme Phyllis Sutherland, elle peut vous parler de sa chef...
D'accord. Je vous remercie de vos commentaires. Mon temps est limité, alors je pense que je vais passer à ma prochaine question, parce qu'il est assez clair que la discussion à ce propos, comme je l'ai mentionné plus tôt, a trait au rôle relatif entre les gouvernements.
Maintenant, vous avez manifestement tous les renseignements d'un très grand nombre de Premières nations. Vous avez pu obtenir ces renseignements. Ils ont été fournis parce que ces fonds sont des fonds publics et que le ministre fédéral rend compte de ces renseignements dans le cadre d'un accord conclu avec les gouvernements des Premières nations. Est-ce correct?
Oui et non. Oui, nous avons les chiffres. Non, nous n'avons pas les noms.
C'est le gros problème. Nous avions une grande feuille de calcul qui indiquait les renseignements au sujet de la paye, habituellement par province — dans le cas du Canada atlantique, ils les ont regroupés —, et vous pouviez voir les renseignements au sujet de la paye, par collectivité, mais tous les noms étaient enlevés. C'est l'objet même de la présente législation: faire le lien entre la divulgation des noms et les montants payés afin que chacun sache ce qui se passe.
Êtes-vous d'accord avec le gouvernement du Québec, qui dit que la paye est un renseignement personnel? Êtes-vous d'accord avec le point de vue particulier de ce gouvernement?
Pas lorsqu'il est question de la paye d'un politicien. Je veux dire, si quelqu'un touche un salaire pour un travail qui n'est pas lié à sa charge d'élu... Par exemple, si vous avez vous-même un emploi à temps partiel pour la livraison de journaux ou un autre emploi et que vous en tirez un revenu, il s'agit sans contredit de vos renseignements personnels. Lorsque vous recevez de l'argent de la Chambre des communes et des contribuables, nous croyons que ces renseignements devraient être publics.
C'est le parlement qui a décidé de la façon dont nous divulguons les renseignements, c'est ce gouvernement, les représentants élus. Nous avons fait des choix concernant le processus. Pensez-vous que les Premières nations devraient également avoir ce choix?
Vous avez formulé ce commentaire précédemment au sujet du financement d’un gouvernement à un autre. Si vous examinez le financement entre les gouvernements au Canada, ce financement est assujetti à toutes sortes de règles et de règlements. Lorsque le gouvernement fédéral verse des fonds aux gouvernements provinciaux pour les soins de santé, ils ne peuvent pas simplement prendre ces sommes et construire une statue géante de Barney le dinosaure. Ils doivent les utiliser pour les soins de santé.
Il est tout à fait raisonnable pour le gouvernement fédéral de dire: « Écoutez, si nous donnons de l'argent aux réserves pour leur fonctionnement, nous voulons que ces politiciens soient transparents, tout comme doit l’être tout autre politicien au pays ». Je veux dire, bon sang! nous sommes en 2012, au Canada, et nous débattons pour déterminer si les politiciens devraient ou non divulguer leur paye? Les seules personnes au Canada qui semblent s’opposer à cette divulgation, ce sont des politiciens ici au gouvernement et des politiciens dans les réserves. Parlez aux membres des bandes: ils veulent savoir combien gagnent leurs politiciens.
M. Dennis Bevington: Les Canadiens...
Merci, monsieur le président.
Joseph, c'est à vous que je vais adresser mes questions cet après-midi. Vous avez été cité — et j'ai la citation ici, espérons qu'elle est exacte —, et vous auriez dit:
Nous nous attendons à la divulgation des salaires des politiciens à tous les échelons. Alors, pourquoi attendrions-nous quelque chose de différent pour les dirigeants des Premières nations? Les salaires des dirigeants de bandes proviennent de l'argent des contribuables, et le public a donc le droit d'en exiger la divulgation.
C'est votre déclaration, n'est-ce pas?
Alors, pourquoi, selon vous, les membres de la collectivité devraient-ils s'attendre à la transparence financière et à la divulgation des salaires pour leurs dirigeants élus? Et pourquoi est-ce important?
Parce qu'il s'agit d'un lien moral. C'est un lien éthique. On vous donne des fonds, et vous êtes le responsable de ces fonds et vous devez les répartir dans l'intérêt des bénéficiaires. Toute autre façon de faire équivaut à de la fraude, ou à tous ces mots que nous employons pour décrire cette façon de faire.
C'est un lien éthique. Il peut souvent s'agir d'un lien juridique. Lorsque les Premières nations concluent des accords de contribution, elles doivent les signer et dépenser l'argent selon une certaine méthode, en fonction de la subvention et ainsi de suite.
C'est la même chose pour les politiciens des collectivités en général. Et c'est le même genre de responsabilités éthiques et juridiques.
Pensez-vous que cette législation répond adéquatement à ce besoin de divulguer les salaires des dirigeants des Premières nations?
En ce qui concerne le chef de bande et le conseil — cela n'inclut pas les conseils tribaux, qui, selon moi, devraient probablement y être assujettis, ou les services à l'enfance et à la famille pour les Premières nations. Toutefois, en ce qui concerne l'indication des fonds publics ou des fonds utilisés pour les entités de bande qui sont essentiellement des organes économiques du gouvernement, cela figure dans la législation; ils doivent le définir de cette façon. Je pense que le projet de loi est très efficace et permet d'atteindre cet objectif concernant la divulgation des salaires.
Des personnes que nous avons entendues la semaine dernière au comité semblaient penser que cette législation va rehausser la norme de divulgation financière par rapport à celle imposée à d'autres ordres de gouvernement. Pensez-vous que c'est vrai ou exact? Êtes-vous d'accord ou non avec cela, et pourquoi?
La principale exigence, c'est que les Premières nations doivent afficher les trois types de renseignements sur un site Web, dans la mesure où les bandes reçoivent un financement de soutien, qui viendrait probablement de là. Nous interagissons avec des Premières nations qui, sans le projet de loi, procèdent déjà ainsi, et c'est elles qui payent. Pour ce qui est de la mise en ligne d'un site Web et de la divulgation des renseignements en question, je ne crois pas que ce soit beaucoup plus coûteux ou dispendieux que pour les autres ordres de gouvernement.
C'est parfait.
Phyllis, en ce qui concerne ma question sur la divulgation des salaires, croyez-vous que le projet de loi C-27 permettra de régler adéquatement ce problème?
Je l'espère très certainement, parce qu'en tant que membre ordinaire d'une bande, je suis témoin d'un réel problème sur la réserve. Je peux seulement parler d'après mon expérience et ce qui se passe sur ma réserve, mais quand les gens ont appris quels étaient les salaires du chef et de certains membres du conseil, ils ont été très indignés. C'est très difficile de vivre uniquement de l'aide sociale, et c'est le lot de bien des gens. Ils vivent avec seulement 111 $ aux deux semaines. Et ils voient le chef et les membres du conseil qui font des salaires parfois supérieurs à 200 000 $. Pour ces gens, la vie est un combat. Ils ne voient aucune amélioration réelle de leur niveau de vie dans les réserves, alors, bien sûr, ils veulent savoir où va tout cet argent et pourquoi le chef et les membres du conseil reçoivent des salaires aussi élevés.
Pourquoi croyez-vous que la divulgation est un élément aussi important? Croyez-vous que cela suscitera des discussions sur la réserve?
Oui, en effet. Je crois que ce sera important pour les membres et que ça pourrait même aller plus loin; les membres pourraient établir eux-mêmes les salaires qu'il faut verser au chef et aux membres du conseil.
D'après votre expérience, et j'ai entendu ce dont vous et d'autres avez parlé, croyez-vous que cela rendra la vie des gens beaucoup plus facile? Qu'ils n'auront pas à subir les préjudices que vous avez mentionnés et que vous et d'autres avez subis?
Oui. Pour les gens, il faut que le processus soit plus transparent. Je ne sais pas comment vous allez vous y prendre. La crainte de s'exprimer et la crainte de représailles sont des peurs bien réelles quand vous vivez dans une collectivité, parce qu'on vous traite comme un paria.
Merci, monsieur Seeback. Je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
Nous allons passer à Mme Hughes. Vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup. Je suis heureuse que vous soyez ici aujourd'hui.
Monsieur Graham, l'article 13 prévoit un éventail de mesures administratives que le ministre peut prendre en cas d'inexécution de toute obligation incombant à la Première nation prévue au projet de loi.
Comme on peut le voir, les mesures proposées comprennent l'obligation pour le conseil d'élaborer un plan d'action visant à remédier à la situation, la retenue de fonds et la résiliation de tout accord de financement. Compte tenu de l'impact que cela aurait sur les Premières nations si on en venait à retenir des fonds ou à résilier un accord de financement, quel est votre point de vue sur l'impact sur les Premières nations? Et, selon vous, est-ce une bonne solution?
Je crois que, selon toute vraisemblance, on résiliera l'accord de financement seulement en dernier recours.
En passant, j'ai eu l'occasion d'examiner ce qu'on appelait alors la « Politique d'intervention ». Je suis sûr que vous connaissez cette politique. C'est un genre de processus en trois étapes. Elle s'applique quand une Première nation commence à avoir des problèmes financiers. Le gouvernement fédéral lui demande de préparer un plan. L'étape suivante est fondée sur un genre de cogestion. Enfin, à l'étape finale, un tiers prend les choses en main. Il y a donc une structure progressive d'intervention à mesure qu'on tente en vain de régler le problème.
Dans un sens, c'est un peu semblable, et, selon moi, la plupart des problèmes se régleront selon toute vraisemblance au premier palier, soit celui où le gouvernement fédéral demande la production d'un plan sur la façon dont la Première nation prévoit corriger la situation. Tout comme dans la Politique d'intervention, ce sera probablement le principal mécanisme de résolution des problèmes.
Et, évidemment, j'imagine qu'il n'y aura aucune retenue des fonds pour les services essentiels comme l'éducation, l'aide sociale et tous les autres programmes absolument essentiels. Je ne peux pas m'imaginer que le gouvernement fédéral élimine ces programmes. Il éliminera peut-être le financement de soutien à la bande. Comme je l'ai déjà dit, ce serait, selon moi, dans une très petite minorité de cas, mais ce serait une des mesures possibles. Ces fonds servent essentiellement à payer les salaires du chef et des membres du conseil. Selon moi, ce sont ces fonds-là qui sont susceptibles d'être retenus. Il serait inimaginable que le gouvernement retienne des fonds prévus pour l'éducation, l'aide sociale et ce genre de choses.
Ma prochaine question vous est aussi adressée.
Les collectivités des Premières nations dans ma circonscription et de partout au Canada manquent souvent de ressources, ce n'est pas un secret pour personne. La réduction du fardeau redditionnel est l'un des principaux thèmes du projet de loi C-27. Selon vous, en quoi le projet de loi C-27 réduit-il le fardeau redditionnel des collectivités des Premières nations? Je crois bien qu'aucun des représentants des collectivités des Premières nations de ma circonscription auxquels j'ai parlé ne m'a dit que les processus redditionnels sont une partie de plaisir. Si ça se trouve, les représentants me disaient plutôt qu'il y avait une lourde bureaucratie et beaucoup d'étapes à respecter pour obtenir du financement et que les exigences redditionnelles connexes du ministère sont très nombreuses. J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.
Compte tenu du chiffre magique, les fameux 168 rapports mentionnés par la vérificatrice générale, en 2002, si je ne m'abuse, et du fait que je suis venu ici plusieurs fois pour dire que le fardeau redditionnel ne diminuait pas... Je ne crois pas que ce genre d'initiative aura un gros impact là-dessus. Je crois que vous devriez plutôt poser cette question à un représentant du ministère, qui a peut-être de meilleurs renseignements et qui sait peut-être exactement ce en quoi consistent ces rapports. Mais je ne crois pas que la réduction du fardeau redditionnel est l'une des principales raisons pour lesquelles il faut appuyer le projet de loi.
Nous savons qu'il y a de nombreux problèmes chroniques dans beaucoup de collectivités des Premières nations et, dans votre article intitulé « First Nation Communities in Distress: Dealing with Causes, not Symptoms », vous parlez des collectivités en détresse qui se situent à l'extrémité du continuum du bien-être. Ces collectivités affichent des caractéristiques comme des niveaux élevés de pathologies sociales, de hauts niveaux de dépendance à l'aide sociale, des services gouvernementaux déficients, des habitations médiocres et une infrastructure publique en décrépitude. Vous soulignez des problèmes liés à la gouvernance et au fait qu'il y a peu d'activités culturelles.
Je vous pose à nouveau la question: le projet de loi C-27 permet-il de régler ces problèmes?
Non, bien sûr que non.
C'est pourquoi j'ai dit dans ma déclaration préliminaire qu'il s'agissait d'une initiative plutôt modeste. N'allez pas imaginer que, soudainement, grâce au projet de loi C-27, on verra la lumière au bout du tunnel. C'est évident que ce ne sera pas le cas. Il y a des enjeux de politique sociale monumentaux, peut-être les plus graves au Canada, et ces problèmes sont tous très difficiles à régler. Aucun comité, pas même le Parlement du Canada, ne peut les régler.
Merci, monsieur le président. J'aimerais moi aussi souhaiter la bienvenue aux témoins. Merci d'être des nôtres cet après-midi.
Mes questions vous sont adressées, John, et elles portent sur la gouvernance et le lien avec la transparence. J'ai donc deux questions pour vous.
Commençons par la première. D'après votre expérience en tant que chercheur et consultant dans le domaine de la gouvernance autochtone, dans quelle mesure croyez-vous qu'il est important de promouvoir la responsabilisation et la transparence financières des gouvernements des Premières nations?
On ne peut que répondre par l'affirmative. Bien sûr, une responsabilisation adéquate est, comme je l'ai dit, une norme universelle. La transparence est absolument fondamentale pour la responsabilisation, mais ce n'en est cependant pas le but suprême. La responsabilisation est une notion très difficile à appliquer. La transparence est sans aucun doute une plateforme sous-jacente qui permet de démontrer la responsabilisation aux électeurs et, bien sûr, aux partenaires de financement.
Nous avons entendu dire qu'un certain nombre de réserves se sont dotées d'un cadre de responsabilisation et de transparence. Croyez-vous que ça se poursuivra, ou note-t-on une certaine résistance? Qu'en pensez-vous?
Il y a beaucoup d'éléments qui pourraient certainement améliorer la situation. J'aime beaucoup les systèmes d'accréditation. C'est un outil qu'on utilise de plus en plus dans l'administration publique et, aussi, à des fins administratives dans le secteur sans but lucratif. On le voit même dans le secteur privé. Par système d'accréditation, je veux parler de l'accréditation de type ISO, de l'Organisation internationale de normalisation. Je veux aussi parler d'Agrément Canada, qui fait des percées, à certains endroits, en matière de gouvernance des soins de santé dans les Premières nations. Ces organismes offrent des mesures incitatives positives concernant l'adoption de bonnes pratiques en matière de gouvernance, comme la transparence.
S'il y avait un système d'accréditation, par exemple, et qu'une des exigences était un niveau élevé de transparence — dans l'attribution des salaires des hauts dirigeants, par exemple — et qu'il y avait des mesures incitatives concrètes à l'accréditation, alors des gens demanderaient l'accréditation des Premières nations et le respect de toutes les exigences en matière de bonnes pratiques de gouvernance. L'accréditation est un très bon instrument dont il faudrait tenir compte.
Une des caractéristiques d'une bonne gouvernance, c'est que, si vous voulez que ça dure, ça doit venir de la base. Ça doit venir des gens eux-mêmes. Une petite devinette: il existe un exemple d'une formidable transformation sur le plan de la gouvernance — un des très rares exemples de la dernière décennie. C'était où? Un des savants membres du comité peut-il répondre? Sur quel continent a-t-on vu un certain nombre de pays transformer très rapidement leur structure de gouvernance? La réponse, eh bien, c'est l'Europe. L'Union européenne. La raison en est que les citoyens de certains pays voyaient ce qui se passait de l'autre côté des frontières, en Bulgarie, en Roumanie, en Lituanie et en Estonie, et ils se sont dit: « Nous voulons faire partie de l'Union européenne. Regardez le niveau de vie là-bas. C'est ce que nous voulons. » L'Union européenne a répondu: « Pas de problème. Vous êtes les bienvenus, mais il y a des conditions. » Les conditions consistaient en beaucoup de mesures pour assurer la saine gouvernance et l'économie de marché. « Si vous voulez vous joindre à l'Union européenne, voici ce que vous devez faire. » Mon Dieu, les politiciens de ces pays, poussés par leurs citoyens, ont dit: « Oui, nous allons intégrer l'Union européenne, nous allons procéder à toutes ces réformes en matière de saine gouvernance parce que cela permettra de hausser notre niveau de vie, comme c'est le cas de l'autre côté de la frontière. »
Pourrait-on imaginer une sorte de regroupement qui serait l'équivalent de l'Union européenne et auquel les Premières nations voudraient appartenir? Pour devenir membre, il faudrait assurer une saine gouvernance. Le juge chargé de l'adhésion ne serait pas le gouvernement fédéral. Il pourrait s'agir d'un organisme neutre déjà en place, comme l'Organisation internationale de normalisation ou une autre entité.
[Français]
Monsieur Graham, lors de votre présentation, vous avez beaucoup insisté sur des éléments de dysfonction. Je crois que vous les avez mentionnés encore, assez récemment, et vous nous avez même invités à vous questionner sur ces éléments.
J'aimerais connaître votre appréciation. Comment ces limites et ces éléments de dysfonction se traduisent-ils, concrètement, face aux initiatives projetées en matière de transparence financière?
[Traduction]
J'ai écrit là-dessus à plusieurs occasions... et je serais ravi de vous fournir les publications. Force est de constater que le système de gouvernance des Premières nations est extrêmement dysfonctionnel. Au Canada, on peut difficilement imaginer quelque chose de plus dysfonctionnel que les systèmes de gouvernance des Premières nations. C'est extrêmement dysfonctionnel.
Si on envisage l'initiative à la lumière de l'ampleur des dysfonctions, on constate qu'elle est très modeste. C'est mon avis.
Par exemple, je ne connais aucun système de gouvernance très efficace sans lien fiscal avec les citoyens. De tels liens fiscaux avec les citoyens n'existent pas dans les Premières nations, à part quelques rares exceptions. En effet, certains gouvernements autonomes du Yukon, par exemple, ont créé ce type de lien.
S'il n'y a pas de relation fiscale entre les citoyens et le gouvernement, la responsabilisation risque d'être mauvaise. Peu importe ce que vous faites. Peu importe le niveau de transparence, je n'ai jamais vu un État qui affichait une bonne responsabilisation sans relation fiscale.
Nous n'avons qu'à penser aux pays qui tirent leurs recettes du pétrole ou des ressources naturelles ou même des transferts fiscaux d'un autre pays — de l'État centralisé. On constatera probablement que la gouvernance est déficiente en raison de toute une dynamique liée à l'absence de relation fiscale.
C'est pour cette raison que je dis que c'est une initiative modeste. C'est un pas en avant. Je l'appuierais. Mais, compte tenu du niveau de dysfonction du système de gouvernance, ça n'a guère d'importance. C'est ce qu'on appelle, en français, de la « petite bière ».
[Français]
Merci beaucoup.
Monsieur Quesnel, dans votre présentation, vous avez parlé d'autres façons de résoudre les conflits. En fait, il était question de
[Traduction]
autres voies de résolution des conflits.
[Français]
Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces autres voies de résolution des conflits?
[Traduction]
On utilise habituellement la notion de mécanismes de résolution de conflits indépendants dans les Premières nations dans le contexte d'élections et lorsqu'il est question de gouvernance. L'argument est que, si une Première nation se retire de la Loi sur les Indiens pour ce qui concerne les élections et adopte son propre code coutumier, elle peut adopter sa propre constitution. Elle peut même prendre des mesures en matière de responsabilisation. Le problème avec ça, c'est que, en cas de conflit, une des parties doit souvent aller devant la Cour fédérale pour les faire appliquer.
Prenons l'exemple de la Première nation de la rivière Roseau, au Manitoba. À un moment donné, il y avait deux chefs élus. La situation était problématique, et le conseil coutumier n'avait pas le pouvoir nécessaire pour éliminer le chef élu aux termes de la Loi sur les Indiens. Ce n'était pas prévu dans la constitution. La Cour fédérale a dit que, si elle suivait ses propres procédures, c'est ce qu'il fallait faire. Le juge a validé la décision du conseil d'éliminer le chef et les membres du conseil.
Le problème, c'est qu'il leur faudrait aller devant les tribunaux pour corriger la situation. La proposition est que, s'il y avait un genre d'organisme indépendant devant lequel les Autochtones peuvent se présenter avant d'aller devant les tribunaux, il doit être issu des collectivités des Premières nations. Il doit être indépendant de la collectivité et recevoir des fonds pour réaliser son mandat.
Je me suis dit que, plutôt que... en regardant tout ça, le projet de loi C-27, si on veut favoriser la divulgation, il faudrait créer un organisme, un mécanisme de règlement des conflits régional ou national, dirigé par les Premières nations, devant lequel les membres pourraient se présenter, rapido presto, pour obtenir des renseignements.
Il serait probablement plus facile de nommer un ombudsman au niveau local. Certaines Premières nations créent actuellement des bureaux d'ombudsman. La Première nation des Siksika, dans le sud de l'Alberta, dans mon coin, a travaillé en collaboration avec l'Université de Lethbridge et a créé un bureau d'ombudsman — il s'agit d'un mécanisme d'appel indépendant. S'il y a des conflits en matière de logement, d'embauche, ce genre de choses, il est là pour ça.
C'est un organisme indépendant, et on évite les litiges de ce genre et on limite les coûts.
J'espère avoir répondu à votre question et j'espère que le comité se penchera sur cette solution de rechange.
Merci, monsieur le président. Merci aux témoins d'être là aujourd'hui.
Joseph, j'aimerais vous parler rapidement de quelque chose avant de poser des questions à Phyllis. Je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet du besoin de se doter de services dépolitisés, si je peux me permettre l'expression, des programmes et des services indépendants de la sphère politique, parce que c'est beaucoup plus efficace ainsi. J'ai passé toute ma vie professionnelle à travailler sur cette question avant d'être élu. Nous avons eu beaucoup de succès. En fait, le tout a été très bien reçu par les gouvernements des Premières nations. Ce serait intéressant d'en parler avec vous.
Phyllis, pour commencer, bienvenue de la part de la Première nation de Peguis. Nous devons parcourir une distance analogue pour nous rendre à Winnipeg, vous du Manitoba, et moi, de l'Ontario. Je viens de Kenora, et vous, de Peguis. C'est environ la même distance, mais nous apprécions l'aéroport là-bas et le trajet, je voulais vous le dire. C'est une très belle collectivité. Avec ses 7 200 habitants, c'est la plus grande collectivité des Premières nations du Manitoba. Je vous souhaite, à vous et à votre collectivité, beaucoup de succès avec votre nouvel aréna. Si j'ai bien compris, votre collectivité bénéficiera de la Cadillac des arénas.
Phyllis, puisque vous avez mis sur pied la Peguis Accountability Coalition, comment avez-vous été traitée par le chef et le conseil?
Aucun lien d'aucune sorte. Si je vais à une réunion de bande et que je pose des questions, il y a des gens dont le rôle est de se lever et de crier pour me faire taire. J'ai participé à une réunion, j'étais debout au podium, quand un membre de la bande s'est approché. Je croyais qu'il allait littéralement m'agresser. C'est le genre de choses avec lesquelles il faut composer.
J'ai rencontré le chef Hudson — c'est une personne remarquable à bien des égards. Je sais que votre collectivité réalise un certain nombre de projets de grande envergure et que ça se passe assez bien. J'ai l'impression qu'il y a des tensions entre des membres de la collectivité, et c'est quelque chose que le comité doit savoir. Il y a en quelque sorte un exercice de communication qui doit avoir lieu — je vois des gens qui me font signe que c'est bien le cas — pour avoir de bonnes bases. C'est un élément important dont il faut que nous parlions.
Abstraction faite des renseignements précis que, il me semble, vous avez fournis durant votre déclaration, j'ai deux ou trois autres questions importantes. Premièrement, le projet de loi C-27 dissipe-t-il vos préoccupations? Dans l'affirmative, et peut-être même dans la négative, quelles connaissances financières un membre de bande comme vous ou quelqu'un d'autre doit-il acquérir pour consulter un site Web donné? De quels renseignements a-t-il besoin? Que doit-il faire pour pouvoir comprendre? Ce n'est pas nécessairement tout le monde qui peut lire des états financiers consolidés vérifiés.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Puis, s'il reste suffisamment de temps, peut-être que Joseph aura une minute pour donner son son de cloche. La question semble l'intéresser.
Il faut présenter simplement les renseignements sur le site Web pour que les gens comprennent. Ils peuvent comprendre, disons, que 14 millions de dollars de financement ont été consacrés à l'éducation ou que la bande a utilisé 2 millions de dollars pour combler le déficit — des choses comme ça. La bande a consacré 4 millions de dollars au logement. Où sont ces 4 millions de dollars? Il n'y a pas eu de travaux de construction.
Il faut présenter clairement et en termes simples les exigences redditionnelles en plus des états financiers consolidés et vérifiés pour que la personne ordinaire moyenne comprenne.
Oui, parce que, actuellement — quelqu'un y a déjà fait allusion —, un des problèmes est l'utilisation des revenus autonomes pour la caisse noire qui profite aux partisans.
Je n'ai pas l'intention de montrer quelqu'un du doigt aujourd'hui, Phyllis. Mon objectif est surtout pragmatique. Je veux définir les étapes. J'essaie de déterminer ce qu'il faudrait faire.
C'est une tâche immense. Il faut commencer par les élections, on y revient toujours. Le simple fait de permettre à quelqu'un qui vit à plus de 2 000 milles ou dans un autre pays de voter, alors qu'il n'a aucune idée de ce qu'est la vie dans une réserve...
C'est un bon point. Alors, à part ce qui figure dans la Gazette, les membres de la Première nation qui ne vivent pas dans la collectivité n'auraient pas accès.
Oui, et une autre question liée très étroitement à cela consiste à déterminer qui a accès à tous ces renseignements. Disons que Joe veut diriger le conseil. Il ne sait pas qui vit où. Le chef et le conseil ont accès à tous ces renseignements.
Monsieur Rickford, je suis désolé, mais votre temps est écoulé. Vous aurez une autre ronde pour parler avec les témoins.
Monsieur Donnelly, c'est à vous, vous avez cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci aussi aux témoins de s'être présentés devant le comité.
J'ai deux questions. La première est pour M. Graham.
Je vais commencer par une affirmation. Si nous reconnaissons que le principe fondamental des relations intergouvernementales est crucial, et nous reconnaissons aussi et acceptons que la corruption, dans tous les ordres de gouvernement, ou encore dans n'importe quelle organisation qui reçoit des fonds publics, est inacceptable, compte tenu de ce qui précède et des problèmes qu'on tente de régler en ce moment, selon vous, la meilleure méthode ou marche à suivre est-elle législative?
J'appuie l'initiative, c'est sûr. Réglera-t-elle les problèmes de responsabilisation? Non.
J'aimerais bien aborder la question des relations intergouvernementales parce que Mme Sutherland l'a soulevée. Êtes-vous d'accord? Je ne veux pas vous faire perdre votre temps.
On semble croire que, parce qu'il s'agit d'une relation intergouvernementale, chaque gouvernement — c'est-à-dire les Premières nations — devrait pouvoir, essentiellement, déterminer le genre de relations redditionnelles à mettre en place et d'autres choses du genre. Je crois qu'il y a des différences très intéressantes, cependant, entre une relation entre le gouvernement fédéral et les provinces, par exemple, et entre le gouvernement fédéral et les Premières nations.
Même lorsqu'il est question de la relation entre le gouvernement fédéral et les provinces, il y a certains transferts semblables à des subventions — pour la santé, les paiements de péréquation et ce genre de choses —, mais il y a aussi des ententes de contribution entre ces gouvernements, qui sont assorties de conditions et d'exigences redditionnelles que le gouvernement fédéral impose aux gouvernements provinciaux. Ce n'est pas simplement un transfert d'argent inconditionnel.
Le deuxième point, selon moi, en ce qui concerne les relations intergouvernementales, c'est qu'il y a probablement entre 80 et 90 p. 100 des fonds des Premières nations qui viennent du gouvernement fédéral. Dans le cas des provinces, environ 80 p. 100 des fonds proviennent probablement des revenus autonomes. C'est donc une situation très différente lorsqu'il y a des problèmes, parce que le ministre des Affaires autochtones est celui qui prend les risques, d'une certaine façon, parce que les médias ramènent tout directement à lui et disent: « Voyez ce que causent les fonds fédéraux: regardez ce bourbier. »
C'est très différent sur le plan de la relation, parce que, quand les provinces se mettent les pieds dans les plats, on ne tient habituellement pas le gouvernement fédéral responsable. C'est le ministre provincial qui est visé. C'est la situation inverse.
Cependant, dans le cas des Premières nations, des provinces, des villes et des organisations de bienfaisance qui reçoivent des subventions, il y a des structures qui ont été mises en place, que ce soit par le gouvernement fédéral ou non. Elles ont probablement été créées par les organisations elles-mêmes. Je me demande tout simplement si l'approche législative est la meilleure méthode, mais il me reste peu de temps, et je veux poser une question à M. Craig, si c'est possible.
Encore une fois, je vais commencer par une courte remarque. Monsieur Craig, si je ne m'abuse, vous avez dit que le Canadien moyen veut savoir comment l'argent des impôts est dépensé. Je ne suis pas sûr que ce soit vrai. Bien sûr, certains Canadiens veulent ce genre de renseignements détaillés, mais je crois que, probablement, beaucoup plus de Canadiens veulent savoir que les impôts sont bien dépensés ou dépensés de façon adéquate. Je crois qu'il y aurait beaucoup de débats sur les priorités et la façon dont il faut dépenser les fonds. En d'autres mots, on s'embarque dans une longue discussion lorsqu'on parle des dépenses gouvernementales.
En fait, ce que j'essaie de dire — et je crois que vous en avez parlé —, c'est que publier les salaires, c'est une chose, par rapport aux autres colonnes qui sont aussi très importantes lorsqu'il est question de revenu. Je crois que nous parlons en fait de deux choses: de la divulgation des fonds publics et aussi de l'abus des fonds publics, ou des allégations d'abus. Essentiellement, c'est une question de niveaux de revenu, de justice et d'équité, et je crois que nous essayons de trouver la meilleure façon d'atteindre un certain niveau de justice et d'équité en ce qui a trait à la façon dont cet argent est dépensé. Alors je me demande si...
Vingt secondes? Bien sûr.
Je me demande si le fait de publier les salaires au-dessus d'un certain seuil est la bonne chose à faire ou s'il y a une autre méthode que vous aimeriez suggérer.
Une des caractéristiques de la législation que nous apprécions, c'est le fait qu'elle n'augmente pas vraiment le fardeau des réserves. Les renseignements existent déjà. Il faut simplement les mettre en ligne.
Vous savez, ce ne serait pas très long de prendre, disons, tous les états de l'année dernière, d'embaucher un étudiant durant l'été afin qu'il les numérise, et de commencer à les afficher sur les sites du profil des réserves, qui sont déjà en ligne. Cela pourrait être une façon très facile d'afficher tous les renseignements à cet endroit.
Je crois que c'est une bonne chose de présenter tous les renseignements sur le salaire des politiciens des réserves, et ce, pour deux raisons. Comme je l'ai déjà dit, les membres de bande veulent se faire une idée générale de la situation, non? Si un chef ou un conseiller reçoit de l'argent d'une station d'essence, les gens veulent savoir combien il leur revient sur le montant total. Mais ce n'est pas tout. Les contribuables veulent aussi savoir la façon dont les fonds sont dépensés dans les réserves.
Nous ne disons pas que chaque citoyen du Canada veut passer ses soirées à consulter les profils pour voir ce qui se passe dans chaque collectivité. Bien sûr, ce n'est évidemment pas le cas. Mais c'est important que les renseignements soient disponibles afin que, comme je l'ai déjà dit, si une réserve a indiqué avoir besoin de plus d'argent pour une raison quelconque, alors le citoyen moyen qui ne vit pas sur la réserve peut consulter le site et constater qu'il s'agit d'une collectivité administrée de façon très transparente et que les niveaux salariaux sont raisonnables. Il dira: « Vous savez quoi? C'est une bonne idée de voter pour un politicien qui veut construire un nouveau système d'aqueduc là-bas. »
Je crois que c'est pour cette raison qu'il est important d'afficher les renseignements en ligne.
Merci, monsieur le président.
Je pense que je vais commencer par vous, monsieur Quesnel. Quand mon collègue, monsieur Rickford, a posé des questions à un des témoins à vos côtés, il y a une question à laquelle vous sembliez vouloir vous aussi répondre.
Je veux vous donner l'occasion de dire ce que vous pensez à ce sujet.
Bien sûr. Et s'il y a une autre chose que vous vouliez dire, n'hésitez pas. Il n'y a aucun problème.
Je crois que la question était liée précisément à la communication des renseignements et à la meilleure façon de les fournir et de les communiquer pour en assurer la convivialité et obtenir la transparence recherchée.
J'ai cru comprendre qu'il y a quelque chose que vous vouliez ajouter aussi, ce qui est parfait, et je vous donne l'occasion de le faire. Vous aviez l'air d'avoir quelque chose à nous dire.
Mais oui, c'était précisément au sujet de la question, je crois, que M. Rickford avait posée.
Une question qu'on m'a posée plus tôt, je crois que c'était M. Wilks, concernait les avantages pour les chefs, les membres et les contribuables canadiens. C'est un sujet qui me vient à l'esprit et que je voulais...
La relation actuelle est loin d'être idéale sur le plan de l'autonomie gouvernementale. C'est pourquoi, quand nous parlons des relations intergouvernementales ou des relations entre nations, lorsque nous commençons à utiliser ces expressions, parlons-nous des relations actuelles ou, de façon théorique, de celles qu'on pourrait créer?
Il faut se rappeler que le projet de loi C-27 exclut précisément les Premières nations qui ont conclu une entente sur l'autonomie gouvernementale, alors on ne peut pas parler des collectivités qui ont déjà mis ce type de mesure en place. Aux termes de la Loi sur les Indiens actuelle, la structure de responsabilisation passe du chef et du conseil au ministre et au ministère. C'est pourquoi il faut recréer les liens entre les membres et les chefs. C'est ce à quoi John faisait allusion lorsqu'il parlait de la relation fiscale.
Mais, à la base, le fait de prévoir la divulgation de certains types de renseignements est une façon de recréer un certain lien de gouvernance qui n'existe pas pleinement aux termes de la Loi sur les Indiens, de façon à ce que le chef et le conseil de bande rendent directement des comptes aux membres. C'est un avantage pour eux. Ils auront le sentiment d'être imputables, et ils pourront se présenter devant leurs membres et le dire.
Pour les membres, c'est la même chose: ça crée un lien que ne prévoit pas la Loi sur les Indiens et qu'elle a même miné lorsqu'elle a été édictée.
Pour ce qui est du public canadien, on en revient à ce qui a été dit au sujet des fonds — c'est-à-dire les dépenses sont-elles judicieuses? Si une partie de votre argent est consacrée aux salaires et à je ne sais quoi d'autre, c'est quelque chose que beaucoup de gens veulent savoir. Il y a une quantité limitée de fonds dans les réserves des Premières nations. Par conséquent, les gens veulent savoir ce qu'on en fait.
C'est le cas des membres des Premières nations, c'est aussi le cas des contribuables. Nous avons une responsabilité morale, en tant que Canadiens, à l'égard des Premières nations, des autochtones d'ici, et il faut s'assurer que l'argent versé est bien dépensé et qu'il aide vraiment. C'est l'avantage pour eux.
Je suis juste un peu... Peut-être que la question vous est venue pendant que je parlais. Désolé.
Je voulais vous donner la parole parce que vous sembliez avoir quelque chose à dire.
J'ai deux ou trois questions que je voulais poser à M. Graham aussi. Si vous me le permettez. S'il me reste du temps, je reviendrai à vous.
Monsieur Graham, évidemment, notre gouvernement reconnaît l'importance de la responsabilisation et de la transparence. Il ne fait aucun doute que ce sont deux des principales choses que nous voulons améliorer à l'échelle fédérale. On n'a qu'à penser à la loi sur la responsabilité que nous avons déposée lorsque nous sommes arrivés au pouvoir. C'est un bon exemple de notre engagement à l'égard de la responsabilisation et de la transparence. C'est aussi l'objectif du projet de loi.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Je vous le demande parce que vous avez un certain bagage en tant que consultant. J'aimerais savoir ce que vous pensez du lien entre la responsabilisation et la transparence et la gouvernance efficace et de son importance. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Un des points que j'ai soulevés, c'était le fait qu'il est difficile d'obtenir une bonne responsabilisation dans le secteur public. Je vais préciser un peu ma pensée.
Comme je l'ai déjà dit, il y a un certain nombre de décennies, on envisageait la responsabilisation du point de vue du caractère adéquat des dépenses. Dépensait-on vraiment l'argent pour l'éducation comme prévu? Actuellement, on vit dans un monde où la gestion est beaucoup plus axée sur les résultats, où la responsabilisation ne se limite pas au fait que les fonds sont dépensés comme prévu du point de vue des sources. On veut aussi savoir si on a obtenu de bons résultats. Obtient-on un bon système d'éducation compte tenu des fonds qu'on y a consacrés?
C'est une question à laquelle il est difficile de répondre, quel que soit le gouvernement visé, tout simplement parce qu'il y a tellement de facteurs en plus du système d'éducation qui entrent dans une bonne éducation. Ce n'est pas seulement les enseignants dans les salles de cours, il y a beaucoup d'autres facteurs, les parents, entre autres, qui ont un impact sur l'efficacité du système. La responsabilisation ne va pas de soi.
L'autre caractéristique de la responsabilisation, c'est que, malheureusement, ce n'est pas une donnée absolue. Si on donne trop d'importance à la responsabilisation, cela peut en fait avoir des répercussions négatives sur d'autres principes d'une bonne gouvernance. Par exemple, si on mise trop sur la responsabilisation, le rendement en souffrira probablement. Il y a tellement de gens qui craignent d'être accusés d'avoir dépassé les bornes qu'on tue l'esprit entrepreneurial au sein de la fonction publique. Ce n'est pas un principe absolu.
Un autre problème lié à la responsabilisation, c'est l'impact négatif qu'elle peut avoir sur la légitimité. On entend tellement d'histoires d'horreur racontées par les institutions qui voient à la responsabilisation selon lesquelles tous les politiciens sont, d'une façon ou d'une autre, soit stupides, soit corrompus. C'est l'autre aspect négatif de la responsabilisation. Si on met trop l'accent sur cette notion, on en vient à remettre en question la légitimité des politiciens et de la fonction publique. C'est pourquoi, d'une certaine façon, c'est une question épineuse. Ce n'est pas une notion absolue, et ce type de gestion axée sur les résultats fait en sorte qu'il est très difficile de prouver de façon convaincante la responsabilisation.
En résumé, la transparence est évidemment essentielle à une bonne responsabilisation. Nous sommes tous d'accord, j'en suis sûr. Elle est au service d'une bonne responsabilisation. Ce n'est cependant pas une panacée qui mène soudainement au Nirvana ou à la terre promise.
Merci.
Merci, monsieur Graham, de votre commentaire sur le fait que, si on mise trop sur la responsabilisation, cela peut nuire à la productivité ou aux résultats.
Bien sûr, la responsabilisation et la transparence sont des principes que tout le monde ici trouve importants. Cependant, je veux revenir à la question des revenus autonomes.
Je sais que certaines Premières nations en zone urbaine ont décidé d'utiliser une partie de leurs actifs pour investir dans des entreprises qui produisent de la richesse et sont bénéfiques pour la collectivité. Ça ressemble beaucoup à une entreprise du secteur privé. Les actionnaires sont les membres de la bande. Ils ont des gestionnaires qui, en leur nom, créent de la richesse pour la collectivité. Si je suis propriétaire d'une entreprise privée, je dois rendre des comptes aux actionnaires — les actionnaires minoritaires, les partenaires. Je n'ai pas de compte à rendre au grand public concernant les investissements que je fais et les fonds qui découlent de ces investissements.
Ce que vous demandez ici, c'est-à-dire l'affichage des revenus autonomes pour qu'absolument tout le monde puisse les consulter, semble être une norme totalement différente de celle qui devrait s'appliquer dans le cas d'une bande qui exploite sa propre entreprise dont elle s'est portée acquéreur ou dans laquelle elle a investi ses propres actifs, et non des paiements de transfert du gouvernement.
J'essaie encore de comprendre la logique. Vous avez vous-même reconnu que cela peut avoir un impact sur la productivité. Si l'un des principaux moyens de combler l'écart entre les Premières nations et les autres, sur le plan des mesures économiques et de toutes les mesures connexes, c'est la capacité de participer à l'économie du XXIe siècle, en quoi favorisons-nous un tel résultat en exigeant ce niveau d'examen, qui est supérieur à ce qu'on exige de ce genre d'entreprises qui n'appartiennent pas à des Autochtones?
Ne vous méprenez pas sur ce que j'ai dit. Un petit renforcement de la responsabilisation ne signifie pas nécessairement qu'il y aura des répercussions négatives sur le rendement. Je dis qu'il faut trouver un juste équilibre. Tous les principes de saine gestion ne sont pas des notions absolues, alors il faut s'assurer que, lorsqu'on cible un principe, on ne nuit pas à un autre. Je crois que c'est ce dont vous parlez.
Tout ce que je veux dire, c'est que, encore une fois, si on regarde la relation entre le gouvernement fédéral et les provinces — les relations intergouvernementales au sein d'une fédération —, les revenus autonomes sont un facteur central des paiements de péréquation. Ça fait partie de la structure du pays, et, en fait, c'est prévu dans notre constitution. Je crois que, inévitablement, on s'en va vers une ère où les revenus autonomes des Premières nations seront un élément important des mécanismes de transfert entre le gouvernement fédéral et les Premières nations.
Êtes-vous d'accord?
Je comprends ce que vous venez de dire. Cependant, ça ne m'explique pas pourquoi il est impératif que le gouvernement fédéral s'assure que chaque citoyen du Canada qui le désire peut consulter les renseignements sur une entreprise privée qui appartient aux membres d'une bande.
La question que je pose est la suivante: si les avantages économiques et la participation à l'économie du XXIe siècle sont des facteurs clés du bien-être des Premières nations — je crois que nous le reconnaissons presque tous —, en quoi cela améliore-t-il l'économie des Premières nations? Et en quoi les aide-t-on ainsi à participer, d'elles-mêmes, à l'économie du XXIe siècle, en leur demandant de respecter des exigences supérieures à tout ce qu'on voit ailleurs dans le secteur privé en matière de communication publique du fonctionnement interne de leur entreprise?
Je crois que, quel que soit le gouvernement provincial ou quelle que soit l'administration municipale, les exigences redditionnelles incluent très certainement la communication de renseignements sur les entreprises commerciales. Par exemple, le gouvernement du Canada a plusieurs initiatives commerciales très rentables. La Banque du Canada, pour laquelle j'ai déjà travaillé, fait quand même beaucoup d'argent de différentes façons, et cela fait partie des comptes du gouvernement du Canada.
Je conteste ce que vous venez de dire. En effet, on n'a qu'à penser à l'entente de partenariat entre le Canada et la Chine qui vient d'être signée. Il n'y a aucune transparence. On n'en parle pas au Parlement. Rien n'a été divulgué. En fait, quand j'ai posé une question aujourd'hui, le ministre...
Non. Je crois que c'est une réponse tout à fait juste aux derniers propos de M. Graham. Le ministre a fait valoir que c'était nécessaire pour...
Madame Murray, votre temps est écoulé.
Peut-être que vous et M. Graham pourrez continuer cette discussion plus tard. Nous allons passer à M. Rickford, qui a cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais simplement souligner aux témoins et, bien sûr, à la Fédération canadienne des contribuables, que, des quatre suggestions ou modifications éventuelles formulées, l'une, selon moi, touche ce dont la députée a commencé à parler avant qu'on aborde les accords de libre-échange — elle fait peut-être partie d'un autre comité, je ne sais pas, et ça lui est tout simplement revenu à l'esprit tout d'un coup.
Il est important de souligner, avec tout le respect que je vous dois, que ce qui est visé, c'est l'argent que les chefs et les conseillers reçoivent lorsqu'ils siègent à des conseils tribaux, ou qu'ils font partie d'organismes provinciaux ou d'autres partenariats de bande. On a parlé de la Première nation de Whitecap Dakota, une collectivité florissante qui mise beaucoup sur le milieu des affaires. Elle a déposé certaines modifications que, ma collègue, en toute franchise, n'a peut-être pas consultées et qui portent sur certaines des questions touchant les entreprises commerciales, et qui ciblent directement, bien sûr, les avantages que tirent les élus en ce qui a trait à leurs exigences redditionnelles.
En outre, ce comité précis que j'ai mentionné a élaboré une commission ou un comité chargé de définir les salaires. Je crois qu'un des témoins en a parlé dans sa déclaration. Tout ça est intéressant.
Joseph ou Colin, dans le cadre de vos travaux, avez-vous été mis au fait de situations — je crois que vous en avez mentionné une — où le projet de loi, s'il avait été promulgué, aurait été bénéfique ou aurait eu un impact positif sur un ensemble de circonstances dans une collectivité des Premières nations? Pouvez-vous donner des exemples concrets?
Joe, je vais commencer par vous. Je sais que vous avez parlé à beaucoup de monde.
Le premier exemple que j'ai concerne la bande de la nation Dakota de Sioux Valley, au Manitoba. Il y a eu un conflit dans la collectivité au sujet de la constitution de la bande, qui exige la divulgation des salaires et des avantages, entre autres. Le chef et les membres du conseil élus refusaient de s'y conformer. Si les renseignements avaient déjà figuré sur un site Web, il n'y aurait pas eu de problème.
La même situation se produit dans d'autres Premières nations. Il y a un potentiel de conflit, habituellement durant les élections des bandes. Ce serait bien d'avoir ces renseignements d'entrée de jeu, évidemment, lorsqu'on tente d'évaluer le leadership ou les décisions prises.
J'ai beaucoup de bons exemples de la façon dont le projet de loi pourrait vraiment aider. J'ai déjà mentionné deux exemples dans les provinces de l'Atlantique du Canada où, à une certaine époque, les membres de la bande savaient ce qui se passait. Ils ont élu un nouveau groupe de représentants. Dans un cas, ils ont élu la chef Janette Peterson, parce qu'ils appréciaient sa plateforme en matière de responsabilisation et de transparence. Ils n'aimaient pas ce qui se tramait, et ils n'avaient aucun renseignement.
Ce sont deux exemples précis de la façon dont le projet de loi pourrait certainement aider.
Cependant, monsieur Craig, en toute sincérité, il y a peut-être eu des situations où, si les gens avaient eu les renseignements, ils auraient alors compris qu'il n'y avait peut-être pas de problème, à un moment donné. Ça ne me surprendrait pas. Toute ma vie, j'ai travaillé avec des dirigeants des Premières nations. Je dois dire que, selon moi, beaucoup étaient crédibles. Ils l'étaient certainement par leur respect des exigences redditionnelles. La question est de savoir si les renseignements sont rendus publics.
Partagez-vous l'opinion dominante, puisque vous êtes vous-même un expert, selon laquelle, parfois, le meilleur exercice dans ces cas-là — pour finir si c'est possible sur une bonne note —, c'est justement cela...? Phyllis, si les renseignements sont là, ça permet souvent de tirer au clair des situations qui, sinon, semblent obscures pour les membres de la collectivité des Premières nations et peut-être pour les citoyens en général. Est-ce qu'on peut dire ça?
Oui, exactement.
Quand les renseignements sont communiqués, c'est tout à l'avantage des nombreux chefs et conseillers légitimes qui font du très bon travail dans leur collectivité.
Merci, monsieur Rickford.
Je veux remercier les témoins d'aujourd'hui. Malheureusement, nous n'avons plus de temps, et nous avons terminé notre troisième série de questions. Nous allons donc mettre fin à la réunion.
Je remercie à nouveau nos témoins, Mme Sutherland, M. Quesnel, M. Graham et M. Craig. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous rencontrer aujourd'hui pour participer à notre étude du projet de loi. Nous savons que vous êtes tous très occupés et que vous aviez d'autres choses à faire probablement tout aussi importantes. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus ici pour nous fournir un important témoignage. Merci beaucoup.
La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication