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Chers collègues, je déclare la séance ouverte.
Il s'agit de la 65e séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Soixante-cinq, c'est un chiffre important, mais nous ne pouvons pas prendre notre retraite, nous devons poursuivre notre travail.
Chers collègues, concernant l'examen en cours du projet de loi , nous allons commencer par Michèle Audette et Teresa Edwards de l'Association des femmes autochtones du Canada.
Je vous remercie d'être parmi nous ce matin. Nous sommes ravis de vous accueillir et d'entendre vos témoignages.
Vous aurez la parole pendant les 10 premières minutes pour faire votre déclaration préliminaire, puis nous passerons aux questions. Merci encore de votre présence.
[Le témoin s'exprime en langue autochtone.]
Je souhaite dire merci à la nation hôte, la nation Anishinabe, de nous accueillir sur son territoire maintenant partagé où, maintes fois, plusieurs mocassins de partout au Canada sont venus rappeler au gouvernement fédéral la réalité des peuples autochtones.
C'est avec fierté que je suis accompagnée de mes collègues Mme Claudette Dumont Smith, directrice générale de l'Association des femmes autochtones du Canada, et Mme Teresa Edwards, responsable du dossier des droits de la personne et avocate de l'Association des femmes autochtones du Canada.
L'Association des femmes autochtones du Canada existe depuis 1974 et est très active dans plusieurs dossiers, notamment celui de la discrimination à l'égard des femmes, dont une des causes premières est la Loi sur les Indiens.
L'histoire vous a sûrement appris que nous, les peuples autochtones, étions présents ici depuis des millénaires. Il est important de réitérer que cela veut dire que nous étions des sociétés extrêmement organisées, des sociétés dans lesquelles la gouvernance était très structurée sur les plans politique, social, culturel et économique.
Je me permets de donner un petit cours d'histoire sur la Loi sur les Indiens. L'Acte pourvoyant à l'émancipation graduelle des Sauvages avait pour objectif — et c'est malheureusement encore le cas aujourd'hui, en 2013 — que les enfants du ministre des Affaires indiennes, c'est-à-dire les Indiens statués, puissent être émancipés et devenir des Canadiens en bonne et due forme. Je m'excuse, mais nous sommes encore très vivants, très actifs et très fiers de nos origines, de notre histoire, de notre présent et de nos aspirations pour demain.
Il est important de mentionner que le 28 janvier, j'ai participé à l'ouverture de vos débats à la Chambre des communes. Selon les médias, il y a eu 5 000 consultations auprès des peuples autochtones ici, au Canada. Je ne crois pas que des périodes de 5 ou 10 minutes en comité parlementaire constituent une consultation. On parle ici du présent et de l'avenir de nos nations. Ceci n'est pas une consultation, mais un endroit où je peux me permettre, au nom d'une organisation, de partager avec vous des solutions ou des préoccupations.
Je tiens quand même à saluer le courage et la volonté d'un membre du comité, M. Rob Clarke, de dénoncer l'aspect archaïque de la Loi sur les Indiens. Oui, la loi est archaïque, paternaliste et désuète. Rappelons que cette loi nous a été imposée. Aucun de nos leaders autochtones, de nos aînés ou de nos jeunes n'a participé à l'élaboration de cette loi. Vous en voyez les résultats aujourd'hui: lorsque nous ne participons pas au bien-être des nations, nous faisons face à des échecs. Nous sommes dans un état de survivance, et la loi est une des causes importantes de cette réalité.
Pourquoi alors, monsieur le député, ne pas faire les choses autrement en 2013, avec ce projet qui va peut-être faire en sorte de changer notre présent et notre avenir? Je vous invite donc, monsieur le député, à vous assurer que nous allons travailler ensemble, en étroite collaboration. Il ne suffit pas de nous accorder 10 minutes pour vous dire si nous sommes d'accord ou pas. Non, l'Association des femmes autochtones du Canada n'est pas favorable au projet de loi. Or, j'estime que nous pourrions faire un travail remarquable ensemble.
Les femmes autochtones sont les plus touchées par la Loi sur les Indiens.
[Traduction]
Je vais passer à l'anglais. Mon café est maintenant à la bonne température.
Les femmes autochtones sont les plus touchées par la Loi sur les Indiens, et nous savons tous pourquoi. C'est triste à dire, devant le comité, qu'en 2013, dans tout le Canada, les femmes autochtones sont les plus marginalisées. À l'heure où nous parlons, la Loi sur les Indiens ne protège pas les droits de la personne de ces femmes, ni leurs droits individuels, ni même leurs droits collectifs, et la Loi sur les Indiens ne garantit pas leur sécurité.
Je connais la situation. Je sais. Mais pourquoi reproduisons-nous ce que nos ancêtres ont fait — mon père est blanc — lorsqu'ils ont imposé la Loi sur les Indiens? Il n'y a pas eu de réelle consultation, ni de consentement. Selon moi, consultation et consentement doivent aller de pair, deux êtres humains qui s'engagent dans un échange et se demandent: « Qu'est-ce qui sera le mieux pour moi aujourd'hui et à l'avenir? » Il me semble qu'aujourd'hui nous sommes encore dans la vieille approche paternaliste qui consiste à imposer ce que nous pensons être le mieux pour autrui.
J'ai 41 ans et je sais ce qui est le mieux pour ma famille, pour moi et pour mon peuple. Les gens diront la même chose, je l'espère, que chaque personne, que chaque organisation qui s'exprime ici... Il nous faut travailler ensemble, plutôt que d'imposer les choses comme l'ont fait nos ancêtres.
Il y a une occasion à saisir. J'en appelle à chacun d'entre vous, écoutez votre cœur et votre esprit, pouvons-nous faire les choses différemment cette fois? Les femmes autochtones du Canada seraient si fières de travailler avec vous si nous procédions autrement, si nous pouvions être impliquées, avoir une voix, ajouter des choses merveilleuses à cette loi. Oui, il nous faut supprimer la Loi sur les Indiens, mais pas de cette manière, pas comme cela a été proposé.
Je vais maintenant donner la parole à ma collègue et je reviendrai à la fin.
Bonjour.
[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Je m'appelle Teresa Edwards, comme l'a dit Michèle.
Je fais partie de la Première nation Mi'mac à Listuguj, au Québec.
Comme l'a si bien dit Michèle, le député Rob Clarke a dit avoir présenté cette mesure parce que la Loi sur les Indiens est une loi archaïque qui considère les Autochtones comme des pupilles de l'État, sans aucun pouvoir. Pourtant il n'y a eu aucune démarche approfondie de rencontre avec nos dirigeants, nos gouvernements ou les gens des collectivités afin d'entendre la voix des femmes et leur avis sur la meilleure manière d'amender la Loi sur les Indiens.
Convoquer des témoins à un comité ne constitue aucunement un processus consultatif rigoureux. Nous devons nous assurer que les changements apportés à la loi soient élaborés par les Premières nations elles-mêmes. Si elles ne font pas partie de la solution, il n'y aura pas de mise en œuvre réussie. Il y a des siècles que nous assistons à cela. Les Autochtones ont besoin de clauses qui protègent leurs droits. Mais le gouvernement continue d'avancer unilatéralement, comme avant, et continue de nous traiter comme des pupilles de l'État et à prendre des décisions selon ce qu'il pense être notre intérêt, même en 2013.
Il est désormais clair pour tous le canadiens que ce gouvernement ne consulte pas notre peuple, et la résistance s'exprime à chaque manifestation du mouvement Idle No More, dans chaque communauté du pays.
Il y a eu peu, ou pas d'occasions pour les femmes autochtones d'exprimer leur point de vue, d'établir une stratégie ou de défendre leurs idées concernant des amendements à la Loi sur les Indiens.
Malgré le fait que les droits autochtones soient protégés par la Constitution et que la Cour suprême du Canada ait mis en place des processus spéciaux pour que les gouvernements consultent, tiennent compte des besoins et obtiennent un consentement pour les lois qui touchent les Autochtones, le gouvernement actuel a systématiquement fait passer des lois qui nous dépouillent de nos droits et de nos protections, en ne nous consultant quasiment pas, en violation des lois de ce pays.
Toute tentative de modification de la Loi sur les Indiens doit se fonder sur une collaboration entre les Premières nations et le gouvernement, et non sur l'action isolée d'un député ou du gouvernement seul.
L'AFAC s'oppose à ce projet de loi pour plusieurs raisons. Par exemple, les pensionnats ont créé des générations de personnes exclues qui dès leur plus jeune âge ont été arrachées à leurs familles et à leurs communautés, ont subi un racisme profond et des mauvais traitements. Au total, environ 150 000 enfants autochtones ont été placés dans 130 pensionnats indiens entre le XIXe siècle et 1996 lorsque le dernier a été fermé. C'est une histoire qui a duré plus d'un siècle, puisque le dernier pensionnat a fermé en 1996. Les conséquences sont très fortes et très présentes, pour les générations passées, présentes et futures de notre peuple.
Les traditions culturelles honorant les enfants et les aînés ont été remplacées par des pratiques euro-canadiennes, infligeant une violence physique, émotionnelle et sexuelle tout en instillant profondément la notion de honte et d'infériorité. La violence était banalisée et l'impunité complète pour ses auteurs. Au même titre que la violence est un symptôme qui se manifeste contre nos femmes et dans nos communautés, elle est au cœur du traumatisme intergénérationnel actuel résultant des pensionnats indiens et elle occupe une place centrale parmi les défis qui nous attendent désormais.
Les conséquences actuelles sont visibles dans les niveaux d'instruction, les problèmes de toxicomanie, la protection de l'enfance, la surcriminalisation, la pauvreté, la vulnérabilité des femmes et des filles vis-à-vis des prédateurs, et la hausse des indicateurs de mauvaise santé mentale.
Au regard de ces nombreux faits, il serait plus approprié d'instaurer une loi qui garantirait que tous les élèves canadiens apprennent à l'école la véritable histoire de nos peuples afin que l'on puisse enfin s'attaquer au racisme grâce à une éducation appropriée, que l'on puisse déboulonner ces mythes.
Il faut de toute urgence s'attaquer au contexte inégalitaire et au traumatisme intergénérationnel qui touche les femmes et les filles autochtones. Il faut en particulier prêter attention à la permanence de la violence et de la pauvreté face auxquelles les filles autochtones sont sans défense, re-victimisées et ensuite criminalisées.
Les mesures et les processus tels que ceux-ci ne sont pas une bonne manière d'avancer. D'autres lois pourraient bien mieux servir nos intérêts et être bénéfiques pour les générations futures. Cette loi, ainsi que les autres réformes législatives du même acabit qui sont proposées, posent les fondements pour qu'il y ait à l'avenir davantage de dépossessions de terres, de pertes de ressources et de bénéfices; mettant en péril notre sécurité socio-économique, mais aussi l'environnement, l'eau et les animaux, tout en permettant aux gouvernements, à la fois fédéraux et provinciaux, d'avoir plus de pouvoir sur notre avenir et sur nos ressources. En aucun cas ces mesures ne seront bénéfiques pour notre peuple.
Je vous parle de cette législation en particulier mais aussi de toutes les autres mesures législatives qui sont menées de la même manière.
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En conclusion, je vous dirais encore une fois que vous avez maintenant une occasion unique de faire en sorte que nous travaillions ensemble. Je parle ici des organisations, et notamment de l'Association des femmes autochtones du Canada. Vous manifestez la volonté de changer la réalité des Autochtones. Pourquoi ne pas le faire avec nous?
Ensemble, nous pourrions nous assurer de faire diminuer les statistiques en matière de pauvreté à laquelle les femmes font face dans les communautés et les centres urbains. Nous pourrions aussi faire diminuer les statistiques en matière de violence, de disparition ou d'assassinat, autant de problèmes auxquels font face les femmes autochtones du Canada. J'appellerais cela un réel partenariat. Pourrions-nous, cette fois-ci, avoir un réel partenariat?
Rappelons-nous que cette approche telle qu'elle est proposée par M. le député va à l'encontre des droits de la personne et de plusieurs droits autochtones, ainsi que de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, que le Canada a signée.
En terminant, je répète que nous avons la chance de travailler ensemble. Pourquoi ne pas abandonner ce projet de loi et en bâtir un ensemble pour le présent et l'avenir des Premières Nations au Canada?
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Merci madame Audette, merci madame Edwards, il me semble que vous avez défini votre position très clairement.
Nous sommes d'accord pour dire que, quelques soient les bonnes intentions d'un projet de loi proposé par un député, en l'occurrence un projet de loi d'initiative parlementaire, s'il continue à modifier petit à petit la Loi sur les Indiens, il faut l'abandonner. Nous sommes également d'accord que d'après la déclaration de l'ONU sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, il devrait y avoir un processus de collaboration avec les Autochtones pour amender ou supprimer la Loi sur les Indiens.
Vous avez raison: nous sommes tous d'avis qu'il s'agit d'une mesure législative colonialiste et qu'elle doit changer. Tout le monde au Canada n'est pas d'accord sur la façon dont cela doit se faire, ce processus est donc nécessaire.
J'ai deux questions et je vais poser la première. Par deux fois lors de votre exposé vous avez utilisé le mot « collaboration ». Dans son préambule, le projet de loi dit: « pour le développement de cette nouvelle législation en collaboration avec les organisations des Premières nations », et dans l'article 2, on lit — et c'est là que le ministre est censé rendre compte à la Chambre — « concernant le travail entrepris par son ministère en collaboration avec les organisations des Premières nations ».
De notre point de vue, collaboration n'équivaut pas à consultation et n'est pas égal à consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Pourriez-vous commenter ces deux articles du projet de loi qui parlent de collaboration et nous dire si selon vous collaboration équivaut à consultation.
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Merci beaucoup, madame la députée.
En effet, ce sont des approches fragmentaires.
[Traduction]
J'exhorte le comité à abandonner cette législation ou ce projet. Je vous exhorte à le faire. Nous pouvons faire autre chose, en collaboration avec les femmes autochtones du Canada — je ne parlerai pas au nom des autres organisations. Nous avons tant à apprendre des évènements passés. Pourquoi sommes-nous en train de refaire les mêmes erreurs alors que nous pourrions débattre de tout ceci ensemble, avoir un échange?
De mon point de vue, la collaboration, c'est lorsque qu'il y a consultation, quand on a le temps non seulement d'intégrer ce qui est proposé, mais aussi de faire des contre-propositions. C'est ce que j'appelle une relation d'égalité qui fonctionne. Dans le cas présent, nous avons appris voici quelques jours que nous étions invitées ici et que nous aurions 10 minutes pour donner notre point de vue. Cela aura des conséquences durant la prochaine décennie, durant je ne sais combien de décennies. Je ne veux pas porter cette responsabilité, ni même la faire porter à l'AFAC.
Pour répondre à votre question, madame la députée, mon point de vue, le point de vue de l'AFAC, c'est qu'il ne s'agit pas ici d'une consultation. La collaboration, c'est quand nous avons le temps de parcourir le Canada à la rencontre des femmes pour qu'elles puissent comprendre la situation et le projet de loi qui est proposé, mais ce n'est pas le cas ici.
[Français]
En ce qui concerne l'indice de développement humain, le Canada a déjà été le meilleur pays au monde. Aujourd'hui, il se trouve au 11e rang. En matière d'égalité entre les hommes et les femmes, il est tombé à la 18e place. Alors, imaginez ce qu'il en est de la question autochtone. On doit être rendu au 80e rang.
Dans le cadre de ce projet de loi, nous pourrions peut-être renverser la tendance si nous travaillions à améliorer ces statistiques ensemble.
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Je vous remercie beaucoup.
Il est extrêmement important de faire en sorte d'outiller notre organisation nationale et toutes nos régions pour que nous puissions, dans nos communautés, parler librement et confortablement de ce que pourrait être un projet de société ou un projet dans une région.
Il faut aussi, selon nous, arrêter de faire des projets de manière uniforme, dans lesquels tous les Autochtones sont pareils. C'est faux. Parmi les Premières Nations, il y a une diversité culturelle riche et incroyable partout au Canada.
Je vous dirais que la Loi sur les Indiens a créé une violence latérale au sein de nos nations et de nos communautés. Selon la façon dont cela a été bâti au fil des années, les femmes ont été les plus touchées. Alors, il faudrait s'assurer d'avoir des forums et des endroits où l'on peut rédiger, nous aussi, des recommandations ou bâtir une vision de ces choses. Les femmes ont un mot à dire, qu'elles soient dans une communauté extrêmement isolée ou dans un centre urbain parce qu'elles ne peuvent plus retourner dans leur communauté pour telle ou telle raison.
Lors de cette consultation, il faudrait faire en sorte aussi d'appliquer toute la question de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. On y parle clairement de l'éducation, de la culture, de l'identité, de la protection, de la sécurité, du droit individuel, du droit collectif, du droit de la femme, du droit de l'enfant, etc. Tout est beau dans ce projet. On pourrait avoir une bonne base.
Il faut s'assurer d'avoir le financement nécessaire et les experts autochtones nécessaires. Il faut pouvoir disposer d'une période de temps intelligente, et non pas seulement de 10 minutes. Je parle ici d'une période d'un an ou deux au cours de laquelle cette réflexion et cette mobilisation provenant de la base nous mèneront vers un projet de société grâce auquel, enfin, nous ne serons plus traités comme des enfants.
Madame Edwards, vous vouliez dire quelque chose.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Quelques précisions méritent peut-être d'être apportées.
Teresa, lors de votre exposé vous avez insinué par deux fois au moins, qu'il s'agissait d'un projet de loi gouvernemental, je veux préciser qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire. De plus, ce projet de loi d'initiative parlementaire est proposé par un député membre d'une Première nation, qui, c'est important pour éclairer ces débats, est soumis dans sa vie quotidienne aux conditions et aux modalités prévues par la Loi sur les Indiens. J'en reviens donc à ma clarification initiale sur la différence entre projet de loi gouvernemental et projet de loi d'initiative parlementaire.
Les députés ont la possibilité de proposer des projets de loi présentant un intérêt particulier pour eux, indépendamment du parti politique qu'ils représentent. Cela peut être personnel, ou au nom d'un électeur, d'un groupe de personnes de leur circonscription ou de n'importe quelle partie du pays. C'est pourquoi, ayant vécu et travaillé toute ma carrière dans les collectivités des Premières nations, je suis très heureux qu'un de mes collègues de ces collectivités propose une mesure législative — laquelle, dois-je ajouter pour votre gouverne, était initialement fort différente de la mesure dont nous débattons aujourd'hui dans ce comité.
Le travail de Rob ces deux dernières années est à l'origine d'un débat au sujet de certains éléments de la Loi sur les Indiens qui le concernent, à travers notamment l'histoire de sa famille, et la ou les collectivités dans lesquelles il a grandi. Michèle et Teresa, c'est le reflet de ses propres expériences, dont beaucoup sont très personnelles, expériences que je voudrais respectueusement vous soumettre, et qui ont eu sur lui un effet profond et l'ont amené à inscrire ces articles en particulier dans le projet de loi d'initiative parlementaire qu'il propose.
Par exemple, en matière de testaments et de successions, avant d'être député, Rob a effectué une carrière au sein de la Gendarmerie royale du Canada. Il a accumulé des prestations de retraite et divers actifs. Cela ressemblait tout a fait à ce que les autres canadiens accumulent. Une nuit, il a perdu un collègue, tué par un coup de feu. C'est alors que Rob s'est rendu compte qu'à la différence de son collègue il lui faudrait faire signer son testament, le transfert de ses actifs et de son legs à sa famille, par le ministre délégué aux Affaires autochtones, selon les dispositions prévues par la Loi sur les Indiens.
Sur ce point très précis, Michèle, êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a là un problème? Oui ou non?
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Ce n'est pas que je m'oppose à ce que l'on retire les mots « pensionnat indien » de la loi. Je crains simplement que l'on retire des vérités historiques de la Loi sur les Indiens, vérités qui témoignent de ce qui s'est passé dans les pensionnats indiens au moment où la Commission de vérité et de réconciliation fait son travail et émet des recommandations sur la mise en œuvre de stratégies qui pourraient guérir les générations actuelles.
Je ne voudrais pas que la Loi sur les Indiens soit amendée par petits bouts, en supprimant l'article concernant les pensionnats indiens, pour que nous puissions nous tourner vers le passé, sans qu'une solution de rechange soit en place, et dire que cela n'a jamais eu lieu. Nombreux sont les députés et les canadiens qui disent que cela s'est passé voici 100 ans, alors que c'est faux. Le dernier pensionnat a fermé en 1996. C'est un enjeu crucial.
Je suggère respectueusement que, malgré l'expérience personnelle du député, Michèle et moi, en tant que femmes des Premières nations, avons l'expérience de 30 années de militantisme et avons été personnellement affectées par les pensionnats indiens. Nous avons été touchées par les projets de loi et . Cependant je n'ai pas la prétention de dire que j'ai la solution, et je n'irai jamais bricoler la Loi sur les Indiens par petits bouts dans mon intérêt personnel alors que je sais, même en tant qu'avocate, qu'une affaire qui va jusqu'à la Cour suprême du Canada constitue un risque énorme parce qu'il ne s'agit pas seulement de mon cas personnel mais aussi des 633 collectivités des Premières nations et de centaines de milliers, de millions de gens qui seront touchés par cette législation et par les affaires qui sont tranchées par la Cour suprême du Canada.
Avec tout le respect que je vous dois, et en écartant les considérations personnelles, il nous faut procéder d'une manière qui soit en cohérence avec la déclaration de l'ONU, qui soit conforme à la décision de la Cour suprême du Canada.
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En effet, je le crois, et ce, pour des raisons personnelles. J'habite dans une communauté où j'élève mes cinq enfants, et je vois de l'injustice, de la violence, de la discrimination. C'est une belle communauté, mais je n'ai même pas le droit de voter, parce que je ne suis pas membre. Il y a mille et une raisons.
De plus, je dirais non à ce projet de loi pour des raisons liées au mieux-être. Je ne peux pas parler au nom de toutes les femmes au Canada, mais je peux facilement dire une chose, du fait que je défends les intérêts de ces femmes. Si nous avons la chance de nous départir d'une loi archaïque, pouvons-nous, les femmes autochtones, être au premier plan et apporter des solutions? Nous sommes celles qui sont touchées.
[Traduction]
Pouvons-nous être en premier ligne et participer à la modification de la loi? Dans le cas présent, non.
Alors, non. Mesdames et messieurs les députés, je vous en prie, retirez ou abandonnez ce projet de loi et faites que nous puissions participer à de tels changements, en tant que membres de collectivités, que mères, pour toutes les autres femmes au Canada. Nous sommes fabuleuses. Nous avons des avocats, des médecins, des travailleurs sociaux et des policiers. Nous disposons de toutes sortes de personnes capables de construire un projet magnifique pour nos sociétés. De grâce...
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Non, ce n'est pas de cela que je parlais. Je ne parlais pas d'une protection contre les hommes des Premières nations. Michèle a également mentionné à quel point nous sommes marginalisées dans la Loi sur les Indiens, même aujourd'hui, sur des sujets comme le statut. Je sais que ce n'est pas de cela qu'il est question, mais puisque nous parlons de protection... Le statut d'Indien a un effet direct sur l'appartenance, les avantages, le logement, l'éducation; tous les droits issus de traités ou de l'appartenance à une bande dont jouit une personne. En ce moment, même avec l'adoption des projets de loi C-31 et , nous demeurons dans la situation problématique où une femme et un homme ayant les mêmes parents n'ont pas le même statut d'Indien, ce qui fait que les droits qu'ils lèguent à leurs enfants et à leurs petits-enfants sont aussi différents.
Même si le projet de loi C-3 semble rectifier cette situation, le cas de Sharon McIvor, qu'elle porte devant les Nations Unies, montre qu'elle n'a toujours pas la même « Cadillac des droits » que son frère. Ils ont les mêmes parents, mais elle a moins de droits parce qu'elle est une femme. Cela a une importance par rapport aux droits qu'ils vont léguer à leur tour. C'est plutôt de protections à cet égard que je parlais.
En 2013, la moitié des femmes autochtones ne sont pas mariées, et 80 p. 100 des femmes sont monoparentales. Lorsqu'elles vont enregistrer leur enfant pour qu'il soit Indien inscrit au sein de sa bande, la décision n'appartient pas à la bande, mais au registraire des Affaires indiennes. La mère doit inscrire le nom du père sur le certificat de naissance pour s'assurer que son enfant soit Indien inscrit. Or, une fois rendu au registraire à Ottawa — un seul registraire —, si le père n'a pas signé le document, le bureau le rejette. C'est une pratique qui a cours en ce moment. Dans beaucoup de cas, la mère n'est pas avec le père. Il est possible qu'elle ait été violée, il peut s'agir d'inceste ou peut-être que le père est un homme marié. Il va évidemment refuser de signer le certificat de naissance. La femme est à la merci de l'homme. Il y a donc une présomption négative que l'enfant n'est pas autochtone, ce qui prive ensuite la mère du droit d'accéder à un logement où elle pourrait élever cinq enfants. On lui accordera alors un logement pour elle seule, puisque, selon les ententes de financement, on ne compte que les Indiens inscrits. C'est à cela que je fais référence quand je dis que les femmes sont encore plus marginalisées et manquent de protection sous la Loi sur les Indiens. Il s'agit surtout des conséquences de l'imposition de la Loi sur les Indiens et des inégalités liées aux procédés gouvernementaux, ça n'a pas tant à voir avec les agissements des hommes autochtones.
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Tout changement n'est pas nécessairement bon, n'est-ce pas?
M. Ray Boughen: Non, non.
Mme Teresa Edwards: Parfois les changements se font à notre détriment, comme nous l'avons vu. L'adoption de la loi elle-même était un changement. L'adoption de la politique sur les pensionnats indiens était un changement. Je dirais qu'elles ont eu des effets très dévastateurs sur nos nations.
Pour ma part, comme je l'ai déjà dit, je recommanderais l'utilisation d'un modèle consensuel rigoureux, indépendant, informé et préliminaire, tel que décrit dans la déclaration des Nations Unies. Le gouvernement a signé cette déclaration. Il est donc possible d'en exercer les dispositions dans un partenariat complet.
Vous demandiez avec qui nous voudrions traiter. Ce serait avec les dirigeants — le premier ministre devrait évidemment prendre part à ce mouvement de changement positif, de partenariat et de collaboration —, mais il faudrait aussi faire participer activement tous les groupes touchés: l'Assemblée des Premières Nations, les dirigeants, la gouvernance et les gens des collectivités.
Il s'agirait d'un processus rigoureux, qui pourrait durer cinq ou dix ans, avec des buts et des objectifs clairs définis par les deux parties et qui serait dirigé par un membre des Premières nations, pas d'un processus précipité. Le gouvernement essaie toujours d'imposer des processus précipités. Cela donne lieu à de la résistance, et ensuite les gens se demandent pourquoi il y a résistance. Procédons comme il faut pour une fois, et évitons de faire dépenser des milliards de dollars aux contribuables pour des travaux juridiques. La tenue de petites réunions ne constitue pas une consultation.
Faisons-le comme il faut pour la première fois. En fait, ce ne serait pas la première fois, mais procédons comme il faut pour faire changement, avec rigueur et en se fondant sur la déclaration des Nations Unies.
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Bonjour, mesdames. Il est rafraîchissant de vous avoir avec nous ce matin.
J'ai vu, au cours des deux dernières années, les tentatives à peine voilées de ce gouvernement pour se délester du poids qui lui incombe face aux nations aborigènes un peu partout au pays. Ce sont des tentatives voilées parce qu'on les fait en présentant des projets de loi qui peuvent sembler anodins à première vue, mais on voit que les projets de loi émanant des députés ne font pas exception à la règle.
J'ai particulièrement apprécié la partie de votre intervention qui portait sur l'étendue du concept de consultation et sur la recherche du consentement des parties. J'aimerais que vous approfondissiez la matière en nous parlant de la possibilité qui s'offre aux nations, d'abord et avant tout à leurs membres à titre individuel, de ne pas donner leur assentiment à une initiative donnée.
De plus, j'aimerais que vous nous parliez de la nécessité pour ce gouvernement d'aller consulter les membres des communautés, d'abord et avant tout, et de ne pas se contenter de rencontrer les 9 dirigeants d'une communauté. À Uashat-Maliotenam, pour prendre un exemple connu, il y a 9 dirigeants pour 3 000 individus. On ne peut pas considérer qu'une consultation a été faite en bonne et due forme si on consulte seulement ces 9 individus.
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Merci, monsieur le député. Je souligne que vous êtes le député de mon comté.
Comme l'a bien expliqué Mme Edwards, pour nous, la consultation est étroitement liée à un consentement. Lorsqu'on va dans les communautés pour voir ce qui se passe au quotidien, on remarque que la consultation, qu'elle relève du fédéral, du provincial ou des structures de nos communautés, est un processus nouveau. Ce type de démocratie arrive tranquillement, et c'est tant mieux.
Notre organisation milite depuis 1974. Nous trouvons extrêmement important que nous puissions, si évidemment il y avait une collaboration avec le gouvernement conservateur dans le but de changer ou de modifier la Loi sur les Indiens, avoir une réelle consultation. Nous pourrions être outillés, que ce soit en ressources humaines, en expertise ou en financement, pour pouvoir faire de l'éducation populaire dans les communautés, car ce sont ces gens qui seront touchés directement. Il s'agirait d'aller sur le terrain. Pourquoi ne pas le faire en collaboration avec le ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien? Il faut que les organisations puissent aller présenter leurs propositions et informer le gouvernement de ce qui se dessine, pour que celui-ci puisse à son tour leur dire ce qu'il en pense. Car les solutions émanent des communautés. Selon moi, dans un cas semblable, on pourrait parler de consultation.
On doit donner aux gens le temps de réfléchir et d'absorber tout cela, parce que de tels projets de loi sont lourds. Ensuite, il faut s'assurer de pouvoir bâtir tout cela ensemble. Le Québec le fait avec ses états généraux. Pourquoi ne pas le faire cette fois-ci?
Les histoires de cas personnels comme celles que j'ai entendues tout à l'heure, on pourrait les multiplier par 1 million d'un bout à l'autre du Canada. Chaque personne a un vécu. Si ce projet de loi est maintenu, on va se trouver à dire les mêmes choses dans 10 ans ou dans 20 ans.
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D'accord. J'aimerais poursuivre sur ce sujet.
Vous croyez, et avec raison, à mon avis, que les Autochtones devraient être consultés en ce qui a trait à la modification de la Loi sur les Indiens. Veuillez m'excuser — je viens de me joindre à ce comité et je suis encore en rattrapage —, mais ce qui me préoccupe, ou plutôt ce que je remarque, c'est que je ne comprends pas bien qui le Parlement ou le gouvernement doit consulter. Ce que je veux dire, c'est que j'ignore qui représente les Autochtones et qui représente les Premières nations.
J'ai participé à une discussion sur certains de ces sujets pendant la pause de février. Il m'a semblé clair que certains membres de la collectivité autochtone croient que le grand chef Shawn Atleo ne parle pas toujours en leur nom. Alors, j'aimerais savoir qui, selon vous, devrait être consulté et invité à participer aux travaux pour la suite du processus en cours?
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Merci, monsieur le président.
Je vous demande pardon à l'avance, j'ai un petit rhume. Alors si je me mets à tousser, quittez la pièce, vous ne voudriez pas l'attraper.
Des voix: Ha, ha!
Le chef Betty Ann Lavallée: Kwey, hello et bonjour.
Bonjour, monsieur le président Warkentin, ainsi qu'à vous, membres du comité. C'est un plaisir pour moi de me retrouver sur le territoire traditionnel des peuples algonquins pour vous parler du projet de loi , la .
Je suis la cheffe nationale du Congrès des Peuples Autochtones. Depuis 1971, le Congrès des Peuples Autochtones, anciennement connu sous le nom de Conseil national des autochtones du Canada, représente les intérêts des Indiens hors réserve, des Indiens avec ou sans statut, des Inuits du Sud du Labrador et des Métis de partout au Canada. Le congrès sert aussi de voix nationale à ses organisations partenaires qui défendent les Autochtones vivant hors réserve.
Depuis plus de 43 ans, le congrès exprime fermement son désir que la Loi sur les Indiens soit amendée. Aujourd'hui, plus de 60 p. 100 des Autochtones vivent hors réserve. Les dispositions de cette loi sont ancrées dans une ordonnance coloniale visant à imposer des restrictions et des règles à des fins d'assimilation. Ce sont ces restrictions qui ont en premier lieu entraîné le retrait des Métis et des Indiens sans statut de leurs collectivités historiques.
Notre organisme souhaite le retrait des dispositions archaïques créées en vertu de la Loi sur les Indiens, dont le pouvoir ministériel en ce qui a trait aux testaments et aux successions. Le gouvernement canadien n'est pas maître du testament et de la succession du citoyen ordinaire. Les Autochtones devraient eux aussi avoir la possibilité de s'occuper de leurs propres affaires sans être sujets à une surveillance infantilisante et à une ingérence de la Couronne qu'aucun autre Canadien ne tolérerait.
Le retrait du terme « pensionnats indiens » des clauses du projet de loi qui portent sur l'éducation est un important pas en avant. En juin 2008, le s'est excusé pour les pensionnats indiens, mais personne n'oubliera jamais les tragédies et les injustices qu'ont vécues tant de nos peuples autochtones. Notre circonscription a souffert du système des pensionnats. En fait, beaucoup de gens de notre peuple ont renoncé à leur statut pour éviter que leur enfant ne soit forcé de quitter la maison pour aller dans un pensionnat.
La Commission de vérité et réconciliation du Canada est maintenant un gros morceau de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Cet amendement pourrait faire partie du processus de guérison de tous ceux qui ont été personnellement victimes du système des pensionnats indiens.
Des représentants du Congrès des Peuples Autochtones et d'autres participants se sont joints au gouvernement fédéral dans le cadre du comité consultatif ministériel mixte pour contribuer à la rédaction d'amendements à apporter à la Loi sur les Indiens. Ce comité a déposé son rapport final le 8 mars 2002. Il comprenait des recommandations et des options législatives pour la rédaction d'une Loi sur la gouvernance des Premières nations. À cette époque, notre organisme appuyait cette initiative.
Certaines des propositions faites dans le projet de loi ressemblent à des propositions qui avaient été faites par le comité consultatif ministériel mixte et dans le cadre de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Par exemple, le projet de loi C-428 abroge l'article 85.1, « Règlements administratifs sur les boissons alcoolisées », de cette loi. La loi sur la gouvernance traite elle aussi de l'article 85.1 à l'effet que ces restrictions font depuis longtemps l'objet de critiques de la part de bandes et d'organismes de représentation parce qu'elles dérogent à la façon traditionnelle de faire des lois.
Le projet de loi demande également que les conseils de bandes soient habilités à élaborer et à promulguer des règlements. Cette mesure facilite l'inclusion de tous les membres des collectivités, peu importe leur statut résidentiel. Les Autochtones devraient être informés au sujet de leur collectivité. Depuis la décision Corbiere, les Autochtones qui vivent hors réserve ont le droit de voter aux élections s'ils souhaitent le faire, et ils ont également le droit de participer, en exerçant leur droit de vote, aux décisions concernant des revendications et des enjeux relatifs aux ressources.
L'un des plus importants aspects du projet de loi est que chaque année, le ministre devra faire rapport sur les travaux entrepris par son ministère, avec les organismes autochtones et les autres parties prenantes, pour rédiger de nouvelles législations servant à remplacer la Loi sur les Indiens. Au congrès, nous croyons qu'il s'agit d'une initiative utile et positive qui tiendra toutes les parties informées des progrès réalisés.
Comme je l’ai dit plus tôt, la Loi sur les Indiens a été l’une des premières mesures législatives à définir et à créer des classes arbitraires d’Autochtones comme les Indiens inscrits, les Indiens non inscrits et les Métis. Avant cela, on considérait que les Indiens non inscrits et les Métis étaient inclus dans le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. On nous l’a confirmé dernièrement. Ce paragraphe confère au gouvernement du Canada le pouvoir exclusif de légiférer sur les Indiens et sur les territoires qui leur sont réservés.
L’application de la Loi sur les Indiens a graduellement retiré aux Indiens non inscrits et aux Métis les droits et les privilèges dont jouissent les Indiens inscrits. Dernièrement, un tribunal fédéral a jugé que les Métis et les Indiens non inscrits du Canada sont des Indiens aux termes du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Ce jugement établit une nouvelle relation avec le gouvernement du Canada.
À titre d’organisme autochtone national, nous nous attendons à ce que le gouvernement s’acquitte de son devoir de mener des consultations.
C’est exactement ce qu’a fait M. Clarke. Il a consulté à plusieurs reprises le Congrès des peuples autochtones au sujet du projet de loi qu’il présente et il a accepté l’invitation de toutes les communautés autochtones hors réserves qui lui demandaient d’expliquer ce projet de loi. Il a participé à notre assemblée générale annuelle et il a rencontré les membres de mon conseil d’administration pour en discuter. Il a consacré plus de temps encore à participer aux réunions de chacun de nos conseils d’administration tenues pendant cette assemblée et pour rencontrer des représentants des communautés.
En gros, ce projet de loi propose de modifier des articles désuets de la Loi sur les Indiens et offre une meilleure participation aux membres vivant hors des réserves. Comme je suis Micmac, je suis Indienne inscrite en vertu de la Loi sur les Indiens et je suis liée à une bande en vertu de cette loi. Même si je vis en dehors d’une réserve, je suis reconnue comme micmaque et je jouis des droits de traités conférés aux Autochtones. La plus grande partie de la relation entre la Couronne et les peuples autochtones est régie par les traités et les rapports fondés sur des traités et non par la Loi sur les Indiens. Notre circonscription comprend des membres qui sont Indiens non inscrits et qui jouissent de droits conférés par traité et non de la protection de la Loi sur les Indiens.
Les traités ont été conclus avant l’entrée en vigueur de la Loi sur les Indiens. Ils ne faisaient pas de discrimination contre les Métis. Ils incluaient les Indiens inscrits et non inscrits ainsi que les Métis.
Le Congrès des peuples autochtones demande respectueusement l’ajoute d’un élément utile à ce projet de loi. Selon nous, le rapport annuel du ministre devrait être amendé de façon à comprendre l’application des traités. La plupart des non-Autochtones, et même les médias, semblent penser que la relation entre la Couronne et les peuples autochtones est régie par la Loi sur les Indiens. Ce n’est pas le cas. Cette relation dépend des traités et pas uniquement de la Loi. Tout autre point de vue nous limiterait aux seuls enjeux prévus à l’heure actuelle dans la Loi sur les Indiens en négligeant des enjeux qui ont une plus grande portée.
Ce projet de loi est crucial, et il est important de régler la question des différences faites entre ceux qui vivent dans les réserves et ceux qui hors réserves, ainsi que les principes de plus grande portée.
We lalioq. Thank you. Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier les témoins d’être venus aujourd’hui. Je suppose qu’ils ont fait une promenade divertissante en essayant de trouver l’édifice.
Tout d’abord, j’ai entendu dire qu’il fallait abroger la Loi sur les Indiens dans sa totalité. C’est drôle, parce que c’était mon intention en rédigeant une des premières versions de mon projet de loi. J’avais l’intention de déposer un projet de loi abrogeant la Loi sur les Indiens après avoir consulté les Premières nations, puis après une période de deux ans, de mettre en vigueur un libellé tout nouveau, moderne et respectueux. Après avoir rencontré des dirigeants, des organismes et des personnes des Premières nations, nous avons rédigé trois versions, puis nous avons produit ma version définitive, la quatrième, celle que nous avons ici devons nous et que j’ai déposée en juin 2012. Mon collègue, M. Bevington, a mentionné ce qui est vraiment intéressant dans ce cas. Pour mémoire, je vais citer l’ancien juge de la Cour suprême, Ian Binnie, qui a affirmé que…
la Loi sur les Indiens regorge de dispositions archaïques, mais que le Parlement serait plus avisé de la réformer graduellement au lieu de l’abroger complètement pour la rédiger à partir de rien
Et que...
le gouvernement devra aborder chaque domaine séparément avec l’aide des communautés autochtones et de divers intervenants, puis choisir les enjeux qu’il pourra résoudre tout de suite, abolir les aspects connexes de la Loi sur les Indiens, puis poursuivre la refonte point par point.
Il a dit cela le 12 avril 2012. Cette entrevue est affichée sur le site Web de CBC News Saskatchewan. C’est intéressant, parce que le juge s’exprime avec une grande conviction. Voilà un juge de la Cour suprême qui comprend les lois de notre pays et qui a dû prendre ou appliquer des décisions ayant une incidence sur tous les Canadiens et les membres des Premières nations au Canada.
Il y a un autre article publié par David P. Ball le 1er mars 2013 lorsqu’on a entamé l’enquête sur les femmes disparues et assassinées. Il écrit que…
l’Assemblée des Premières Nations exhorte les politiciens à aborder ce que le chef national Shawn A-in-chut Atleo appelle « un enjeu crucial ». Il ajoute qu’Atleo a déclaré qu’il espérait que les peuples indigènes auraient leur mot à dire au cours des travaux du comité et que le comité discuterait en priorité et avant tout des moyens de garantir que « nos gens puissent vivre en sécurité, où qu’ils habitent ».
Cela concerne les règlements et le développement économique et les tentatives destinées à faire sortir les Premières nations de la pauvreté dans laquelle la Loi sur les Indiens les a jetées. Dans mon projet de loi, nous parlons aussi de nous rencontrer chaque année. Le ministre doit faire rapport au comité des progrès qu’il accomplit.
À titre de chef national, pouvez-vous préciser qui vous représentez?
Merci de vous être déplacée, madame.
Vous avez parlé de l’importance du devoir de consulter. Bien entendu, il était important que le député vous consulte, vous et les membres de votre conseil. Vous aurez entendu d’autres témoins dire et vous aurez vu dans les médias, j’en suis sûre, que les gens sont convaincus que le devoir de consulter n’a pas été respecté aussi sérieusement qu’on l’aurait espéré ou qu’on aurait dû le faire dans le cas d’un projet de loi qui est arrivé ici en seconde lecture, qui a été adopté en principe, qui est arrivé devant un comité parlementaire sans se heurter à une rétroaction négative et sans qu’on comprenne que cette démarche fragmentaire fâche les gens parce que nous consacrons notre temps et notre énergie à faire cela au lieu de suivre ce que beaucoup considèrent comme la seule manière de nous débarrasser de la Loi sur les Indiens, c’est-à-dire que le premier ministre dirige réellement un processus visant à la remplacer, y compris en ce qui concerne les responsabilités fiduciaires.
Alors, ce que je veux savoir, c’est si vous estimez, même si on vous a consulté, que la consultation a été suffisante pour justifier que le projet de loi se trouve ici, devant ce comité. Ce comité ne peut pas vraiment faire beaucoup plus que de corriger d’éventuelles lacunes fatales, puisque le projet de loi a déjà été adopté en principe. Les dirigeants qui ont comparu devant nous nous ont dit que, tel qu’il est rédigé maintenant, ce projet de loi ne permettrait pas à une bande d’imposer une prohibition dans leur communauté. On aurait pu corriger de graves lacunes s’il y avait eu des consultations mais vous savez que le temps et l’énergie consacrés à ce projet de loi seraient plus utiles si le Parlement et d’importants intervenants comme vous s’attaquaient au vrai gros travail sous la direction du premier ministre du pays.
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Je vous remercie beaucoup d'être là et des commentaires exprimés à ce sujet. Je suis contente que vous ayez pu rencontrer M. Clarke, parce que ce n'est pas le cas pour tout le monde.
Un chef qui fait partie de ma circonscription a écrit à M. Clarke et à M. Rickford pour les inviter à une rencontre à ce sujet, et malgré cette invitation dans leur communauté, la réserve indienne Whitefish River, la réponse a été un laconique accusé de réception, sans mention de l'intention ou non d'assister à la réunion pour débattre de ce projet de loi en particulier. Il n'a pas non plus été invité à se rendre à Ottawa. J'espère qu'il aura l'occasion de venir faire part de ses préoccupations en ce qui concerne ce genre de loi.
Autre chose: comme vous l'avez mentionné, vous n'êtes pas une parlementaire, mais étant donné le poste que vous occupez, je suppose que vous pourriez vous dire politique d'une certaine manière, puisque vous devez prendre position dans certains dossiers.
Vous avez aussi parlé de l'élément consultation et de l'élément traités. Dans le passé, il y a eu deux tentatives importantes de supprimer la Loi sur les Indiens. La première fois, un livre blanc signé de la main de Jean Chrétien, en 1969, a cherché à intégrer les Premières nations dans la société canadienne normale en supprimant la Loi sur les Indiens et les réserves.
Pour la petite histoire, Harold Cardinal et d'autres chefs de Premières nations ont publié un « livre rouge », intitulé Citizens Plus, dans lequel ils ont exposé les grandes lignes de leur réponse:
Il n'est ni possible ni souhaitable de supprimer la Loi sur les Indiens. Il est essentiel de la réviser, mais pas avant d'avoir réglé la question des traités.
Comme vous l'avez signalé, ces problèmes de traités ne sont pas encore réglés.
Il faut bien reconnaître que ce projet de loi comporte des aspects qui font problème. Nous avons parlé des consultations. J'essaie de comprendre. Vous avez dit que vous aviez eu une rencontre et que vous aviez transmis de l'information à votre conseil; ensuite, vous avez organisé une réunion et je suis certaine que tous vos membres n'ont pas été en mesure d'y assister, si on tient compte de la taille du territoire canadien, n'est-ce pas?
Quel pourcentage de vos membres ont été capables de participer à la réunion?
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Certains le font. L'ennui avec les projets de loi d'initiative parlementaire, c'est qu'ils sont très contraignants quant au moment où des personnes peuvent comparaître et avoir voix au chapitre et quant au nombre de ces personnes. C'est ça l'ennui avec les projets de loi d'initiative parlementaire.
M. Clarke a laissé entendre que le projet de loi, au fond, offre un certain cadre, un processus législatif permettant un dialogue sérieux d'année en année. Il a aussi parlé d'un important débat sur la possibilité de se débarrasser de la Loi ainsi que sur l'impossibilité de tenir une consultation de grande envergure et d'engager une conversation franche et ouverte.
Je suis consciente que M. Clarke admet que son gouvernement ne se montre pas digne de ses responsabilités fiduciaires envers les membres des Premières nations et que le gouvernement adopte une approche « paternaliste ». Il a répété cela je ne sais combien de fois dans son exposé.
Le fait est que le gouvernement n'assume pas une responsabilité fiduciaire. Croyez-vous que M. Clarke aurait dû collaborer avec le gouvernement en vue du dépôt d'un projet de loi d'initiative gouvernementale qui aurait permis une consultation appropriée et que, dans ce cas, il assumerait alors sa responsabilité fiduciaire?