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Merci, monsieur le président. Nous sommes heureux de comparaître devant vous par vidéoconférence à partir d'Edmonton.
Vous avez reçu je crois un document qui donne un bref aperçu de notre processus des budgets des dépenses. Nous avons envoyé ce document au greffier du comité la semaine dernière. Je vais vous expliquer brièvement l'essentiel de ce que nous faisons ici.
Depuis les années 1990, le processus du Budget des dépenses du gouvernement de l'Alberta a subi un certain nombre de modifications en ce qui concerne la participation des comités, mais ce qui est demeuré constant, c'est qu'il y a en février ou en mars un discours du budget. Le Budget principal des dépenses est déposé au même moment. Il y a eu quelques écarts à cette règle les années où il y avait des élections, ou encore lorsqu'il y a eu un changement de chef du gouvernement.
Le processus commence par le dépôt, par le ministre des Finances, du Budget principal des dépenses pour les ministères. Ce budget principal est déposé immédiatement avant que le ministre ne prononce le discours du budget. Selon l'année et la date du discours du budget, on peut déposer également à ce moment des budgets provisoires ou supplémentaires. Un certain nombre d'autres documents sont également déposés, et ils doivent être rendus publics lorsque le ministre dépose le Budget principal des dépenses. Ces documents sont le plan stratégique du gouvernement, les plans d'activités des ministères, qui sont des plans triennaux, un plan budgétaire consolidé et un plan consolidé d'immobilisations. Il s'agit des documents qui sont exigés aux termes de la Loi sur la responsabilité gouvernementale.
Selon nos règles, une fois le Budget principal des dépenses déposé, celui-ci est renvoyé au comité de l'assemblée qu'on appelle les comités des secteurs politiques. L'attribution d'un ministère à un comité dépend du portefeuille ou du mandat de chacun de ces comités. À l'heure actuelle, il y a cinq comités des secteurs politiques et 21 ministères du gouvernement. Le seul ministère qui n'a pas été attribué à un comité du domaine des politiques est le conseil exécutif, dont les budgets sont examinés par le Comité des subsides. Comme vous le savez, le comité plénier est composé des 87 députés de l'assemblée.
Notre règlement autorise certaines divergences à cette façon de procéder sous réserve de l'approbation d'une formule différente par les leaders à la Chambre. Par exemple, ce printemps, 16 des 21 budgets des dépenses de ministères ont été examinés par des comités des secteurs politiques et les 5 autres, par le Comité des subsides. Durant l'examen des budgets des dépenses par les comités, les membres du comité disposent d'un maximum de trois heures pour examiner le budget des dépenses d'un ministère. Une fois que tous les budgets des dépenses de tous les ministères ont été examinés, ils sont renvoyés au Comité des subsides et font l'objet d'un vote final.
Parmi les questions proposées par le greffier de votre comité, on demandait si tous les budgets des dépenses étaient examinés ou si certains pouvaient être réputés avoir été renvoyés. Je puis répondre à cela qu'ils sont en fait tous examinés soit par un comité des secteurs politiques, pendant trois heures — pour chaque ministère — ou pendant deux heures dans le cas du conseil exécutif. Tous ces budgets des dépenses sont renvoyés avant le vote final.
Des règles particulières s'appliquent à l'examen en comité des Budgets principaux des dépenses. Voici quelles sont ces règles. L'examen commence par l'allocution d'ouverture du ministre. Pendant l'heure qui suit, les députés de l'opposition officielle peuvent poser des questions. Il y a ensuite deux blocs de 20 minutes pour les membres des autres partis d'opposition. On prévoit que cette attribution du temps pourrait changer compte tenu des résultats des dernières élections. Il y a maintenant plus de partis d'opposition reconnus.
Contrairement aux autres réunions des comités, les fonctionnaires des ministères ne peuvent pas s'adresser directement au comité, seul le ministre y est autorisé. Un comité peut proposer une modification, mais le vote sur la modification est reporté à la date à laquelle est prévu le vote sur le Budget principal des dépenses par le Comité des subsides.
En théorie, le Budget principal des dépenses peut être voté en bloc ou, si un député le demande avec un jour de préavis, les prévisions se rapportant à un ministère en particulier peuvent faire l'objet d'un vote distinct. Les autres votes portent sur les modifications qui ont été proposées durant l'examen en comité.
Enfin, le Budget principal des dépenses contient trois catégories de crédits. La première est la catégorie des dépenses, ou des dépenses de fonctionnement. La seconde est celle des dépenses en immobilisations, et la troisième celle des dépenses non budgétaires. En Alberta, ces trois catégories de crédits existent depuis 1993. Auparavant, les crédits étaient établis pour chaque programme.
Histoire de boucler la boucle, après le vote sur le Budget principal des dépenses, le Comité des subsides présente à la Chambre son rapport contenant les détails de chaque dépense approuvée pour tous les ministères.
On nous a demandé si les parlementaires pouvaient réattribuer des fonds entre des crédits. En Alberta, ce n'est pas autorisé. On pourrait par contre envisager de transférer des fonds, ce qui nécessiterait un Budget supplémentaire des dépenses.
Une fois que le Comité des subsides a présenté son rapport, le gouvernement dépose son projet de loi de crédits, généralement le jour de séance suivant. Le projet de loi est ensuite examiné à raison d'une étape par jour de séance. Cela signifie que dans une année normale, le projet de loi de crédits reçoit la sanction royale environ une semaine après le vote sur le Budget des dépenses.
C'est ce qui conclut mes remarques, monsieur le président. Je suis maintenant prête à répondre à vos questions et à celles des membres du comité.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos invités.
Je vais structurer et vulgariser ma question plus longuement. On a l'habitude d'entendre des réponses plus longues, mais on va s'y faire.
Un peu plus tôt, vous avez mentionné une chose intéressante en ce qui a trait au budget. Je sais que vous ne pouvez pas vous prononcer sur certains points. Par ailleurs, je ne vous demanderai pas d'aller dans le passé ou même de parler de la situation actuelle, mais de faire une projection dans l'avenir.
On peut comprendre que lorsqu'un budget est déposé, il est fait d'une façon centrale sous prétexte d'accélérer les choses. Cependant, vous avez mentionné qu'en Alberta, dans le passé, le budget avait été divisé en trois parties.
Sur le plan technique, est-il possible de faire en sorte que le budget soit divisé en plusieurs points? Y aurait-il un ralentissement excessif si on étudiait le budget point par point? Était-ce le cas en Alberta, et serait-ce le cas de façon générale?
En fait, on a un problème. Lorsqu'un budget est présenté comme un tout, on doit se prononcer sur son ensemble sans pouvoir voir le contenu, alors que ce dernier a beaucoup d'effets. On voit cette tendance, de plus en plus. C'est comme un cheval de Troie. Lorsqu'on se rend compte des mauvaises surprises qui auraient pu être corrigées au départ, s'il y avait eu une consultation point par point, on est déjà au prochain budget, l'année suivante.
Pourriez-vous me répondre?
C'est un privilège d'être ici. Je suis heureux de pouvoir vous faire part de mon point de vue et des observations que j'ai commencé à recueillir en 1972, alors que j'étais stagiaire parlementaire, en 1972, dois-je préciser, et non pas en 1872. Je suis heureux d'être ici.
J'ai remis au comité un court mémoire comprenant deux parties: le diagnostic et le remède que je prescris. J'ai donné à vos très compétents attachés de recherche un document plus long et plus théorique sur le processus d'examen des prévisions budgétaires et des crédits de l'Australie, car je sais que vous avez entendu des témoins d'autres administrations.
Mon exposé sera bref afin que vous ayez le plus de temps possible pour me poser des questions, auxquelles j'ai bien hâte de répondre.
Je dirai d'abord qu'il n'y a jamais eu d'âge d'or au cours duquel le Parlement du Canada a réellement passé en revue son processus de prévisions budgétaires de façon systématique, détaillée et complète. Le Parlement du Canada ne fait pas exception à cet égard. Un peu partout dans le monde, les assemblées législatives ont dû mal à exiger des comptes de l'exécutif politique et de la bureaucratie permanente et à s'assurer que les dépenses de deniers publics ajoutent de la valeur à la société dans un monde de finances publiques devenues extrêmement complexes.
Toutefois, le Congrès américain fait exception. Dans mon mémoire, j'ajoute qu'il faut se méfier de ce que l'on souhaite car le Congrès a aussi du mal à s'assurer que les finances publiques sont bien gérées.
Les imperfections du processus budgétaire du Canada sont attribuables à plusieurs facteurs. J'en dresserai une liste générale et, si vous le souhaitez, je vous donnerai plus de détails.
Il y a d'abord des facteurs juridiques et constitutionnels que connaissent bien les membres du comité. Toutes les dépenses découlent de propositions de dépenses faites par la Couronne selon les recommandations des ministres compétents. L'adoption du budget est considérée comme une question de confiance. Il y a aussi d'autres règles et conventions qui s'appliquent à ce processus et qui relèvent du droit et de la Constitution.
La procédure parlementaire limite aussi ce qu'on peut faire dans le cadre de l'examen du Budget des dépenses. Ainsi, les comités ne peuvent modifier les crédits, sauf s'ils les éliminent ou les réduisent. Ils ne peuvent accroître les dépenses. Dans le passé, certaines règles qui n'existent plus interdisaient aux comités de formuler des recommandations de fond; les comités devaient se limiter à des observations et des propositions sur le Budget des dépenses même.
Le facteur temps entre aussi en ligne de compte. La période entre le dépôt des budgets des dépenses et le 30 mai est courte lorsqu'ils doivent avoir fait l'objet d'un rapport à la Chambre et donc, les comités doivent examiner rapidement les budgets des dépenses. D'ailleurs, la plupart des budgets des dépenses font l'objet d'un rapport d'office quand arrive l'échéance.
Le quatrième facteur est celui de la forme sous laquelle sont présentées les informations financières. Vous ne pouvez dire que vous manquez d'information compte tenu de la montagne de documents qui est déposée au Parlement chaque année. Toutes sortes de rapports vous sont présentés, qu'il s'agisse des rapports sur les plans et priorités, des rapports ministériels sur le rendement, des rapports présentés dans le cadre du CRG, des rapports de vérification ou de bien d'autres. Il y a non seulement une multitude de documents, mais une multitude de ministères et d'organismes.
Des questions relatives aux informations comme telles et aux formats donnent lieu à des problèmes, car la plupart de ces documents, soyons honnêtes, ne sont pas lus. Quelqu'un devrait faire une analyse coûts-avantages de la production de tous ces documents, ne serait-ce qu'aux fins de reddition de comptes externes. L'un des problèmes, c'est que bon nombre de ces documents sont produits par des bureaucrates pour d'autres bureaucrates au sein de l'appareil gouvernemental.
Le cinquième facteur, c'est la principale source de difficultés, soit la politique, la culture, l'attitude. Fondamentalement, le Parlement est dominé par des partis politiques rivaux, axés sur la discipline, et les réformes qui négligent ou visent à réduire la partisanerie n'auront forcément qu'un succès limité, à mon avis.
Dans mon mémoire, je fais valoir que, si on veut améliorer le processus d'examen des crédits, il ne s'agit pas d'établir des règles régissant la façon dont sont adoptés les budgets de dépenses, le nombre optimal de comités, le personnel de ces comités et la meilleure façon de présenter des témoignages à ces comités. Tout cela compte, mais seulement de façon marginale. Le plus important, c'est de tenir compte des intérêts divergents des partis politiques rivaux représentés au Parlement.
Il faudrait, selon moi, se pencher sérieusement sur d'éventuelles mesures incitatives et dissuasives pour motiver les députés à prendre leur devoir en matière de finances publiques plus au sérieux. Les députés ministériels et de l'opposition, les chefs de partis et les simples députés peuvent être encouragés à prendre ce processus au sérieux.
La plupart des députés considèrent l'examen des prévisions budgétaires comme un exercice futile. Ils estiment ne pouvoir rien changer. Même quand le gouvernement est minoritaire, quand un comité comme le vôtre, par exemple, a modifié les prévisions budgétaires du gouverneur général ou du Bureau du Conseil privé, il s'agissait de victoire symbolique que les députés tentent rarement de remporter. Notons aussi que les députés préconisent l'austérité de façon abstraite mais prônent des dépenses additionnelles pour leur propre circonscription.
C'était un résumé de mon diagnostic.
Voici le remède que je prescris. Vous devriez envisager la création d'un comité mixte de taille plutôt importante, un comité mixte permanent de la Chambre des communes et du Sénat, qui pourrait s'appeler le Comité sur les finances gouvernementales et de l'administration publique, par exemple ce qui engloberait plus que les simples prévisions budgétaires. Ce comité pourrait compter une quarantaine de membres. On pourrait y prévoir davantage de députés que de sénateurs puisque, à cette étape du moins, c'est la Chambre des communes qui demande des comptes au gouvernement et qui peut le faire tomber si elle le souhaite.
Ce comité aurait pour mandat de se pencher, de façon cyclique, peut-être au cours d'un cycle de cinq ans, sur les dépenses du gouvernement; chaque année, il examinerait non seulement les dépenses de quelques ministères et organismes gouvernementaux, mais aussi les rapports sur le rendement et les questions administratives soulevées par des organismes comme le Bureau du vérificateur général. Plutôt que de s'attarder aux détails des prévisions budgétaires, le comité travaillerait à déterminer si les politiques et programmes en ont donné pour leur argent aux contribuables canadiens.
Les membres affectés à ce comité le seraient de façon plus ou moins permanente. À l'heure actuelle, il y a trop de changements dans la composition des comités. Les députés, en particulier, devraient pouvoir s'ancrer dans leurs comités. Ainsi, ils acquerraient les connaissances dont ils ont besoin pour bien comprendre les finances publiques. En outre, le comité pourrait planifier ses études sur plusieurs années. La présence de sénateurs serait utile car les sénateurs [Note de la rédaction: Inaudible] du moins, jusqu'à ce que le souhait de M. Harper se concrétise et que le Sénat soit élu. La partisanerie est généralement moindre dans les comités sénatoriaux que dans ceux de la Chambre.
Dans mon mémoire, je recommande que le personnel de soutien du comité provienne du Bureau du directeur parlementaire du budget, dont je note que le mandat reste flou et qu'il ne devrait pas faire partie de la Bibliothèque du Parlement. Peu de temps après sa création, le Bureau du directeur parlementaire du budget a été aspiré dans une succession de gouvernements minoritaires et de campagnes électorales constantes si bien que le bureau et son chef, Kevin Page, sont devenus sujets à controverse. Manifestement, M. Page a des opinions bien arrêtées.
M. Page a déclaré à un de mes étudiants qui faisait une maîtrise sur l'évolution du Bureau du directeur parlementaire du budget que son bureau n'avait su aider les comités dans l'examen des prévisions budgétaires. Le DPB devrait créer un service qui se consacrerait exclusivement au nouveau comité mixte dont je recommande la création. Ce comité serait alors le foyer parlementaire du DPB. Le DPB relèverait du comité mixte; c'est à ce comité qu'il rendrait des comptes sur les études qu'il confère et ses propres prévisions budgétaires annuelles.
Selon le nombre de membres qu'il compterait, le comité mixte pourrait se diviser en sous-comités qui, avec le temps, pourraient se spécialiser dans divers domaines des politiques publiques.
Les études serviraient alors à influencer la vision à long terme du gouvernement. Comme je le dis dans mon mémoire, le délai de 12 mois n'a pas de signification particulière pour les dépenses publiques. La plupart des gouvernements planifient leurs dépenses sur plusieurs années et le Parlement devrait aussi adopter cet horizon à long terme.
Les changements d'attitude et de culture auxquels je fais allusion nécessiteraient l'appui des chefs des partis représentés à la Chambre des communes et au Sénat. Il faudrait limiter les manoeuvres partisanes qui ont cours au comité et permettre aux députés et sénateurs membres du comité mixte de se concentrer sur leur examen dans leur recherche d'efficience, d'efficacité et d'équité dans les dépenses publiques. L'idéal serait que tous les chefs de partis soutiennent cette initiative.
Rien ne garantit que vous réaliserez ce changement de culture et d'attitude. J'ai participé aux travaux du comité McGraw, en 1985 et aux travaux menés par feu Ron Duhamel en 2003 sur la réforme de l'examen des prévisions budgétaires. Nous avons débattu de la question de savoir si les changements de structure et de procédure menaient à des changements d'attitude ou si c'était plutôt l'inverse.
Je crois que c'est les deux à la fois. Toutefois, si les chefs de partis ne donnent pas leur appui et ne permettent pas aux députés de travailler de façon non partisane, cela ne marchera pas. Les députés et les sénateurs devraient être conscients du fait que leurs comités ne généreraient pas beaucoup de publicité et leur apporteraient peu de gloire, mais qu'ils contribueraient à créer un gouvernement plus solide et à améliorer le rendement des recettes fiscales.
Nous savons que le public a peu de respect pour le Parlement et les parlementaires. C'est une institution à laquelle on porte moins d'estime qu'auparavant. Voilà pourquoi il faut délaisser les manoeuvres politiques et se consacrer à des études constructives.
Cela met fin à ma déclaration préliminaire, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Thomas.
Je dois vous dire d'emblée, et je crois pouvoir me faire la porte-parole de mon parti, je ne suis pas emballée à l'idée d'un comité comptant des sénateurs.
Si le nombre de membres est égal, certains partis seront beaucoup mieux représentés que d'autres. Je trouve étrange que l'on inclue le Sénat, la Chambre non élue, dans cet examen des budgets de la Chambre des communes. Cela me semble étrange.
Vous n'êtes pas le premier à préconiser la continuité au sein de ce comité, du super comité, comme l'appelle M. Wallace. Le problème, c'est que cela ne dépend pas de nous. La composition du comité pourrait rester la même pendant quatre ans, mais on ne pourrait garantir que les députés qui siègent à ce comité seraient réélus. Peut-être devrait-on choisir uniquement de jeunes députés. Je ne sais pas.
C'est une belle théorie, mais heureusement le processus reste démocratique et, tant qu'il le sera, le comité que vous suggérez sera en quelque sorte une anomalie.
Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut un certain temps pour bien comprendre ce domaine. Il serait donc souhaitable — même préférable — de choisir pour y siéger des parlementaires qui aiment ce genre de dialogues, qui se passionnent pour la bonne gestion des finances publiques et qui ne veulent pas se limiter à ce qui relève d'un seul ministère.
J'ai trouvé encourageant ce que vous avez dit sur les directeurs parlementaires du budget, car vous vous êtes écarté un peu de ce que vous avez déclaré dans votre article « Parliamentary Scrutiny and Redress of Grievances », que vous avez eu l'amabilité de nous transmettre ou que nos attachés de recherche ont trouvé, article très intéressant où vous sembliez toutefois être plus sceptique à l'égard des organes consultatifs établis aux termes de la Loi sur la responsabilité.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Par exemple, le Bureau du directeur parlementaire du budget vous semble-t-il utile?
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Permettez-moi de faire des observations sur les deux premiers points.
Le Sénat fait un travail très utile et je ne suis pas de ceux qui disent qu'il s'agit d'une institution complètement inutile. Il effectue la majeure partie de son bon travail en comités, et dans un livre publié par le sénateur Joyal, je défends le rôle que jouent les comités pour ce qui est d'examiner les politiques et les programmes en cours. Étant donné que ses membres ne sont pas élus, je pense que le Sénat est un anachronisme, mais il existe. Puisque nous payons pour qu'il fonctionne, aussi bien essayer d'en tirer quelque chose. Une entité comme le Comité sénatorial des finances nationales fait du bon travail. C'est la raison pour laquelle je l'ai inclus. Il est difficile, même si la Chambre va passer à 330 députés, de trouver suffisamment de députés intéressés à faire le travail ennuyeux et pénible qui consiste à comprendre les finances du gouvernement afin de créer un super-méga-comité constitué uniquement de députés.
Pour ce qui est du roulement des députés, vous avez raison. Nous devons respecter la démocratie et nous connaissons l'un des plus hauts taux de roulement, l'un des plus élevés de tous les parlements occidentaux. Après chaque élection, je pense qu'environ 45 p. 100 des députés sont nouveaux. Nous perdons donc un certain nombre de députés qui détiennent de l'expérience, et les députés compliquent davantage le problème en se déplaçant d'un comité à l'autre. Du moins, cela était particulièrement le cas par le passé.
Pour ce qui est du rôle des hauts fonctionnaires du Parlement, je pense que le document que vous citez est en fait un discours. J'avais le droit de faire preuve de théâtralité et d'être provocateur, et c'était mon intention. Mais le DPB existe. Je pense que si l'on veut avoir un directeur parlementaire du budget, il faut trouver le juste équilibre entre son indépendance et sa responsabilité, tout en s'assurant qu'il sert le comité plutôt que l'inverse. Parfois, des transferts ont lieu au Comité des comptes publics car le vérificateur général ou la vérificatrice générale, grâce à la force de son expertise et à la portée de son rôle, peut orienter le comité dans certaines directions, et le comité n'exerce pas pleinement sa capacité à déterminer ses propres démarches.
Je pense donc que le DPB doit être mis à la disposition des députés et c'est la raison pour laquelle j'ai proposé qu'on lui donne la possibilité de se présenter pour répondre à des questions sur son budget une fois par an. Ces gens peuvent parfois se prendre pour des super-héros. Ils ont l'occasion de souligner les problèmes du gouvernement, et étant donné la taille du gouvernement du Canada, il y en aura toujours. Ils peuvent donc s'arroger le droit de critiquer les fonctionnaires pour les problèmes qu'ils décèlent. Mais je pense qu'ils doivent répondre de leur jugement, et ce, devant les représentants élus.
Je ne suis donc pas entièrement sceptique. Il y avait un autre comité qui étudiait le passé, le présent et l'avenir des hauts fonctionnaires du Parlement, où j'ai énoncé cinq conditions structurelles permettant de s'assurer qu'un bon équilibre est atteint entre indépendance et responsabilité.
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C'est très difficile. Ce n'est pas comme une culture organisationnelle dans une institution.
Le Parlement, comme je le dis dans mon mémoire, n'a pas vraiment d'identité collective et d'objectif collectif. Il est dominé par des partis. Au cours des 10 à 20 dernières années, nous nous sommes trouvés dans des conditions presque similaires à celles d'une campagne électorale permanente. Par conséquent, les partis de l'opposition cherchent toutes les brèches possibles pour remettre en question le parti au pouvoir, et le gouvernement est donc sur la défensive concernant ses dossiers et tente de vanter les activités du gouvernement du mieux qu'il le peut. Aucun apprentissage ne se fait au cours de ces processus.
J'ai observé des députés siéger à des groupes de travail et des comités permanents, des comités spéciaux, pendant les témoignages, surtout lorsque nous voyagions ensemble. Ils parvenaient à un consensus général et laissaient de côté la petite partisanerie négative. Les partis, voyant ce que les Canadiens disent du processus parlementaire, et de leur déception vis-à-vis de ce qui se passe au Parlement, récompenseraient des députés qui diraient: « Je travaille à ce comité avec des libéraux et des néo-démocrates, le Parti conservateur du Canada, et nous avons une recommandation qui fait consensus. »
Cela inciterait fortement les ministres et la fonction publique à écouter. Les ministres peuvent être tenus responsables par les comités et les fonctionnaires qui viennent témoigner peuvent donner des réponses plus complètes lorsque le comité travaille de façon harmonieuse et efficace.
Cela doit venir du haut de la hiérarchie, des dirigeants des partis. Et cela va prendre du temps. C'est un processus lent et cela ne se produira pas du jour au lendemain.
Il y a aussi un autre problème: les médias n'assistent au comité que lorsqu'il y a un scandale. Ceci vient appuyer le fait que l'on recherche des détails négatifs.
Il n'y a pas de réponse facile. Cela est peut-être lié au roulement des députés, à l'arrivée de nouveaux députés. Il se peut qu'ils veuillent jouer un rôle plus significatif, et de ne pas se contenter d'être dans la Chambre des communes à livrer des discours percutants mais en devant travailler sur les détails de la gouvernance.
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Parfait, nous allons commencer par la Constitution. L'un des principes constitutionnels est que toute dépense doit provenir de la Couronne. En d'autres termes, sur les recommandations des ministres responsables au Cabinet, le gouvernement met de l'avant ses projets de dépenses par l'intermédiaire du gouverneur général. Parallèlement, les gouvernements considèrent l'approbation ou la désapprobation de leurs projets de dépenses comme une question de confiance. Par conséquent, on ne peut voter contre le budget ou contre un poste budgétaire sans que le gouvernement ne menace d'en faire une question de confiance, et exigeant ainsi que ses députés votent du côté du gouvernement. Cela limite donc les paramètres dans lesquels les comités peuvent faire preuve de créativité pour ce qui est de critiquer le gouvernement et de tenter de modifier des dépenses publiques.
Il y a aussi la question qui consiste à savoir si l'on veut adopter un système comme le système américain, dans lequel les comités du Congrès sont très puissants, plus particulièrement du côté du Sénat par opposition à la Chambre des représentants, et rejettent régulièrement le budget du président, le modifient, ou le retardent, ce qui crée des impasses et de l'instabilité. Cela consiste à se renvoyer la balle entre institutions. Personne ne sait sur qui jeter le blâme, que ce soit le président ou un autre élément du Congrès. Si l'on donnait véritablement aux comités le pouvoir de recommander des modifications, seriez-vous inquiet, les Canadiens seraient-ils inquiets, du fait que des députés relativement peu expérimentés — et peut-être pas entièrement informés des choix budgétaires qui ont été faits au sein du gouvernement, de leur difficulté et de tout ce dont il a été tenu compte pour y parvenir — puissent avoir le droit de modifier les budgets de cette façon? Je ne dis pas que les gouvernements sont parfaits ou totalement rationnels pour ce qui est de leurs décisions budgétaires, je dis seulement qu'ils bénéficient de l'appui de l'ensemble de la fonction publique.
Pour ce qui est de l'Australie, j'ai donné au personnel du comité un long document sur le processus des subsides en Australie. J'ai interrogé des membres de la Chambre des représentants et du Sénat élu. Le principal organe au sein duquel le gouvernement doit rendre des comptes dans le système politique australien est le Sénat, qui est élu selon le système de la représentation proportionnelle, ce qui signifie principalement qu'il n'y a jamais eu de majorité du gouvernement au Sénat. En outre, le calendrier parlementaire comporte deux principales périodes fixes, en mai et en octobre, au cours desquelles les comités sénatoriaux examinent les budgets. Le ministre comparaît en premier et passe une journée, peut-être une demi-journée, devant le comité. Cela commence très tôt le matin, soit vers 8 heures, et dure toute la journée. Le Sénat ne siège pas pendant ces séances. On prend cette période de deux semaines pour examiner tous les ministères du gouvernement.
En Australie, il y a deux principaux documents de reddition de comptes. Le premier est l'énoncé du budget parlementaire, et le deuxième est le rapport annuel. L'énoncé du budget parlementaire est celui qui fait l'objet de la plus grande attention. Lorsqu'ils comparaissent devant ces comités, les fonctionnaires doivent répondre à tout un tas de questions. Il n'y a pas de majorité du gouvernement. Les règles de participation sont mieux définies: ce que les sénateurs peuvent demander aux fonctionnaires est mieux défini, de même que ce que les fonctionnaires ont le droit de répondre. Je pense qu'il serait utile dans le contexte canadien d'avoir des règles plus claires dans ce domaine. En Australie, les hauts fonctionnaires, avec la permission de leur ministre, peuvent faire des séances d'information aux caucus des partis, ce qui permet d'éclairer le débat. Ce n'est pas un processus parfait et les Australiens en sont conscients, mais par rapport à ce que j'ai étudié au Canada, on y fait des efforts considérables pour examiner les projets de dépenses des gouvernements.
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C'est un sujet que j'affectionne beaucoup. La façon de trouver des renseignements utiles pour les membres des législatures m'intéresse.
Une information pertinente est une notion subjective. Au Parlement, 308 députés travaillent dans des partis différents. Leurs perspectives sont différentes. Alors ce qui paraît pertinent pour une personne à un moment donné, dans un comité donné, sera très différent pour une autre.
On se pose même la question visant à savoir ce qui constitue des renseignements de qualité. Ce que vous et moi percevons comme une analyse de qualité peut être différente parce que nous avons une perspective différente, et ainsi de suite. En Australie, des comités des travaux de recherche et la fonction publique effectuent souvent de la recherche.
La plupart des rapports dont on a parlé plus tôt sont surtout produits à des fins de reddition de comptes internes, y compris ceux déposés auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor qui est l'agence gouvernementale centrale du budget. Au départ, les rapports ne sont pas produits pour les députés. Donc, comment offrir des services à différents auditoires et comment s'assurer que la bonne quantité de bons renseignement, dans le format approprié, sont entre de bonnes mains?
J'ai signalé l'exposé parlementaire du budget. Le deuxième document de reddition de comptes pour le Parlement s'appelle le rapport annuel. Ce qui rend ce rapport annuel utile pour les parlementaires c'est son caractère narratif. Les fonctionnaires doivent raconter l'histoire du rendement du ministère. Où prévoient-ils dépenser de l'argent? Pourquoi ont-ils trop ou pas assez dépensé? Quels objectifs s'étaient-ils fixés en termes de production, biens et services et programmes qu'ils ont promis d'offrir? Ont-ils des données sur les résultats? Ont-ils apporté des changements au sein de la société?
Toute cette information est contenue dans les rapports annuels. Ils produisent des rapports annuels depuis fort longtemps et ont l'habitude d'apporter un soutien aux députés.
Notre système en est encore à ses balbutiements. Il y a trop d'information. Je crois avoir dit que les députés sont gavés d'information et affamés de compréhension. Vous avez une montagne d'information et vous ne savez pas quoi en faire.