:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je n'ai pas préparé d'exposé comme tel et n'ai en main que quelques notes. Comme vous disposez d'une heure, j'ai pensé vous épargner la description livresque de l'évolution des crédits. Sachez toutefois que j'ai traité de la question quand j'ai témoigné devant les comités précédents, en septembre 1995 et février 1997. Nul doute que vos brillants agents de recherche peuvent trouver rapidement cette information, qui résume l'évolution des travaux des subsides depuis les débuts de la Confédération.
Pour aujourd'hui, j'ai pensé traiter de certaines questions ou tendances que j'ai relevées dans les témoignages que vous avez déjà recueillis auprès de spécialistes, d'universitaires, de divers intervenants et du directeur parlementaire du budget.
J'aimerais peut-être déboulonner ce que je qualifie actuellement de mythes et vous proposer une intervention très concrète que l'on peut faire dans le Règlement. Cette proposition comprend deux mesures, dont l'une n'exige pas de fonds et l'autre nécessite de l'argent neuf. Je sais qu'il est délicat de demander de nouveaux fonds ces jours-ci, mais je crois qu'il pourrait s'agir d'un investissement judicieux.
Tout d'abord,...
[Français]
ce qui émane des témoignages du professeur Franks, de M. Wehner et du directeur parlementaire du budget semble tourner essentiellement autour de la perception des députés selon laquelle ils n'ont pas assez d'information, que celle-ci n'est pas émise de façon pertinente et que leur capacité d'examiner l'information soumise au Parlement est limitée.
Le deuxième point soulevé est le suivant. Les prévisions budgétaires sont déposées le 1er mars, le tout est réputé adopté au plus tard le 31 mai et il y a trois semaines d'ajournement au cours de cette période, ce qui ne laisse pas beaucoup de temps au comité pour étudier les dépenses. Cela dit, des analyses ont été faites sur la flexibilité que le pouvoir exécutif s'est donnée récemment relativement à l'approbation de transferts de crédits.
[Traduction]
Permettez-moi d'abord de traiter de la question des comités réputés avoir fait rapport. Je sais que M. McCallum a écrit récemment un article dans la Revue parlementaire canadienne dans lequel il recommande la modification du Règlement.
Le principe des comités réputés avoir fait rapport figurant au Règlement est une question d'équilibre dans le processus des subsides, un équilibre qui serait réduit à néant si on éliminait simplement cette disposition. En effet, quand elle a été adoptée à titre provisoire en 1968, puis est devenue permanente au début des années 1970, on y a prévu une période de 25 jours afin de satisfaire l'opposition, qui dispose de ce délai pour déposer une motion — de confiance ou de défiance — et établir l'ordre du jour. Cette mesure a compensé la perte des jours de subsides pour le comité plénier.
Selon ce compromis, le gouvernement devait, en échange, recevoir ses crédits au plus tard le 30 juin. En éliminant une mesure sans réexaminer l'autre, on causerait un déséquilibre dans le processus des subsides.
L'autre mythe auquel je voudrais m'attaquer, sans vouloir offenser quiconque, monsieur le président, est l'allégation voulant que les documents qui vous sont présentés sont incomplets et insuffisants. Eh bien, je considère qu'ils sont exhaustifs et suffisent amplement, et ce, grâce aux améliorations apportées dans les années 1980 et à la rectification progressive des marges découlant des concepts de rapports sur les plans et les priorités et des rapports ministériels sur le rendement, auxquels s'ajoute le dépôt des prévisions budgétaires à un haut niveau le 1er mars.
Ces trois rapports examinés concurremment sont plus que suffisants. J'ai déjà participé à la préparation des rapports sur les plans et les priorités et débattu de l'architecture de programme et d'autres questions avec le Conseil du Trésor. Ce rapport est fort détaillé, peut-être même trop dans certains cas; je crois toutefois que vous disposez de toute l'information dont vous avez besoin pour effectuer une étude approfondie du budget.
Je considère également comme un mythe le fait que les comités ne peuvent formuler de recommandations de fond dans le rapport qu'ils soumettent à la Chambre. Le DPB a fait référence à une décision rendue en 1979 qui a changé la donne. Ce n'était pas en 1979, en fait, mais bien le 18 juin 1973, date à laquelle le président Lamoureux a déclaré pour la première fois qu'en ce qui concerne les prévisions budgétaires, les comités n'ont hérité que des anciens pouvoirs du Comité des subsides, qui consistent à adopter, rejeter ou réduire les prévisions, et ne pouvaient donc faire de recommandations de fond dans leurs rapports, puisque le Comité des subsides n'en avait pas le pouvoir.
Cette décision a toutefois perdu de sa pertinence, selon moi, à cause de l'article 108 du Règlement. Si vous le lisez, vous constaterez qu'il indique que tous les plans de dépenses du gouvernement, par ministère, se trouvent en permanence devant les comités, le vôtre et les autres. Ainsi, pour ce qui est de dire que vous ne pouvez présenter de recommandations de fond du gouvernement sur les dépenses ou les subsides, vous ne pouvez peut-être pas le faire dans un rapport sur le budget, mais vous avez amplement accès à toutes les ressources nécessaires pour recommander tout ce que vous voulez. Ceux qui s'accrochent à la décision que le président a prise en 1973 sont dépassés, si je puis dire.
Il faut enfin compter avec le DPB. Vous vous souviendrez, monsieur le président, que lorsque vous faisiez partie du comité quand il a examiné le projet de loi , la Loi fédérale sur la responsabilité, j'ai été invité à témoigner à titre d'expert. Je ne voyais pas d'un très bon oeil le concept de DPB, que je crois avoir qualifié de « phénomène insidieux d'imitation de ce qui se fait au Congrès américain », résultant d'une tendance à emprunter à d'autres cultures politiques ou constitutionnelles des éléments qui, croit-on, pourraient convenir.
À cet égard, je vous conseille de faire preuve de prudence au sujet de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande quand vous entendrez mes bons amis Harry Evans et David McGee témoigner la semaine prochaine. Ces pays ont une culture politique différente de la nôtre. En Australie, le sénat est élu selon le principe de la représentation proportionnelle, alors que la Nouvelle-Zélande a adopté un régime monocaméral, très transparent au chapitre de l'accès à l'information, des documents confidentiels du cabinet et d'autres questions connexes.
J'avais, à l'époque, conseillé au comité de conférer au DPB un mandat relatif au budget, conseil que le comité avait bien accueilli. De fait, la loi a été modifiée afin d'accorder au DPB un tel mandat. Je ne crois pas que le titulaire ou le comité aient tellement exploité ce mandat.
Ce poste, inspiré de ce qui se fait au Congrès américain, ne dispose pas des fonds, de la taille et de l'effectif nécessaires pour agir. Comme je l'ai souligné à l'époque, il relève de la Bibliothèque, et, en ce qui me concerne, ce n'est pas sa place.
Voilà les mythes que je voulais mettre en lumière dans l'espoir de vous faire entrevoir mon point de vue, c'est-à-dire que je considère qu'il n'y a pas d'obstacle à l'examen des prévisions budgétaires.
Si vous me le permettez, je ferais une proposition, inspirée de quelque chose que je n'ai pas vu dans votre document. Il s'agit d'un article écrit au début des années 1980, alors que l'étude était en cours, par Ron Huntington et Claude-André Lachance, deux anciens députés fort d'une dizaine d'années d'expérience sur la présentation de budget aux comités. Ils y proposaient quelques concepts sur des comités de macro-estimation, qui se chargeraient expressément de cet examen. Ce que je vous propose vient de là.
Les députés dépensent au lieu d'économiser. Vous venez tous ici parce que vous avez un plan d'action, et peu d'entre vous se sont fait élire en promettant de réduire les dépenses prévues du gouvernement.
Au début, il est difficile, pour le député moyen, de comprendre les prévisions budgétaires et d'y apporter des changements. Vous pouvez les réduire ou les rejeter. Au cours des 40 dernières années, les députés ont fini par jeter l'éponge. Le dernier rapport que le comité a déposé en 2003, quand M. Alcock était président, commençait en reprenant mes propos, où je disais essentiellement que je considérais que la Chambre avait abandonné sa responsabilité constitutionnelle d'examiner les prévisions budgétaires. J'ignorais que le comité ouvrirait son rapport en utilisant ma déclaration, mais il l'a fait.
Voici ce que je propose. Le comité devrait recevoir un nouveau mandat aux responsabilités élargies. Il devrait également changer de nom pour s'appeler désormais le comité des affectations; il pourrait peut-être garder les opérations gouvernementales dans le titre. Le mandat devrait figurer dans le Règlement, lequel indiquerait que le comité doit présenter à la Chambre, dans les 60 jours suivant sa constitution, un plan quinquennal pour l'examen des affectations et des prévisions budgétaires du gouvernement.
Vous devez étudier le passé pour comprendre ce que je vous propose. Le comité ne peut dire que les prévisions ont disparu une fois qu'il est réputé avoir fait rapport. Elles sont bien là, elles existent et vous y avez accès.
Le comité devrait être constitué de membres permanents. Il faut cependant être réaliste. Il n'y a que 308 députés. Il y a trop de comités et trop peu de députés et de salles de réunion. Il y a toutes sortes de problèmes, comme le système de créneaux qui fait que vous ne pouvez vous réunir que deux fois semaine et ne pouvez tenir de séance à l'extérieur de votre... Tous ces obstacles ne sont peut-être pas pertinents aujourd'hui, mais ils contribuent au problème.
Les whips constituent le principal problème au sein des comités, et ce, depuis les années 1990, quand les libéraux ont repris le pouvoir. M. Mulroney accordait bien plus de pouvoir aux comités et à leurs membres. Certains d'entre vous se souviendront peut-être de Don Blenkarn, qui a présidé le Comité des finances pendant des années. La tentative visant à le démettre de ses fonctions a suscité un tollé à la Chambre, et pas seulement de la part de l'opposition.
Les membres du comité devraient être nommés de manière permanente, c'est-à-dire pour toute la session, et les whips ne devraient pas être autorisés à intervenir. Le président serait élu pour la durée de la législature, à l'instar du vice-président de la Chambre, qui est élu pour la durée de la législature.
Les présidents devraient appartenir au parti de l'opposition, quel qu'il soit, et les vices-présidents, au parti au pouvoir. Ces derniers devraient également être nommés pour la durée de la législature. Ainsi, si un changement de garde survient à la Chambre, il s'y trouve des vice-présidents et des présidents expérimentés de part de d'autre, et le comité pourrait continuer de jouer son rôle.
Ils devraient conserver les pouvoirs habituels d'envoyer des documents et des personnes pour présenter des rapports et des recommandations à la Chambre, ainsi que le pouvoir de constituer des sous-comités. Chaque vice-président pourrait avoir son propre sous-comité, conformément au plan d'examen quinquennal, lequel serait publié et déposé à la Chambre. La bureaucratie saurait exactement à quoi s'attendre au sujet des macro-études.
Concurremment, les comités seraient, chaque année, saisis des prévisions budgétaires pour effectuer les examens habituels des subsides.
Certains d'entre vous ne le savez peut-être pas encore, mais le Comité des textes réglementaires a accès aux débats de la Chambre chaque mercredi à 13 heures, pouvoir dont il ne se prévaut pas très souvent. Il est habilité à révoquer un règlement. Le ministre se présente devant le comité plénier et doit expliquer pourquoi il ne révoquera pas le règlement. S'il ne comparaît pas, le règlement est automatiquement révoqué.
Vous disposez donc d'une heure, de 13 à 14 heures, qui n'empiéterait pas sur le temps réservé aux affaires du gouvernement. Cette période, qui vous appartient, n'est jamais utilisée. Votre comité devrait s'en prévaloir et discuter de ses rapports et recommandations avec le ministre en personne dans le cadre de séances plénières — pas en présence de 40 bureaucrates, mais peut-être du sous-ministre, qui le conseillerait — afin de connaître les raisons pour lesquelles le gouvernement accepte ou rejette les recommandations d'une étude en particulier.
Il pourrait y avoir un vote, sans qu'il s'agisse nécessairement d'un vote de confiance. Comme il serait possible de le différer, le gouvernement n'aurait pas de surprise. Ainsi, vous pourriez donner un nouveau souffle au processus et ranimer l'intérêt des députés. Faites participer le ministre au processus. Quand ils témoignent au sujet des prévisions budgétaires, la plupart des ministres font une déclaration d'usage, après quoi ils cèdent la parole à leur directeur des finances ou leur sous-ministre et ne reparaissent parfois plus jamais.
Le DPB devrait constituer le pivot du comité, quitter l'égide de la Bibliothèque pour devenir un fonctionnaire à part entière de la Chambre et de la Division des comités. La moitié de son budget — dont j'ignore l'ampleur — devrait être mis à la disposition de votre comité pour réaliser des études, l'autre moitié allant aux autres comités chargés d'examiner les prévisions budgétaires à mesure qu'ils en font la demande. Gardez-vous de laisser le comité de liaison intervenir, car il n'est plus qu'un outil dont le whip se sert pour contrôler les travaux et les dépenses des comités. Ce n'est pas que le gouvernement actuel qui agit ainsi, car la situation remonte à l'ère du premier ministre Chrétien.
Le Bureau de régie interne vient de réduire les dépenses des comités de 3,8 millions de dollars, ce qui est bien dommage. C'est d'autant plus déplorable que le plan que Galiano a proposé dans les années 1990 a réduit ce budget de quatre millions de dollars. Ce n'est donc pas que le gouvernement au pouvoir qui sabre dans les dépenses. On observe une évolution. Au moins 12 millions de dollars ont disparu de l'escarcelle des comités ces 10 dernières années, des fonds qui pourraient servir au DPB ou aux études des comités sur les prévisions budgétaires.
Cette modification peut facilement être apportée au Règlement. Vous n'avez pas besoin du feu vert du gouvernement, vous n'avez qu'à faire le changement. Il faut que le chef du gouvernement fasse preuve de leadership. Mais ce n'est qu'une modification du Règlement; vous n'avez pas à toucher au rendement de la bureaucratie ou à l'échéancier du budget. Il suffit de modifier le Règlement.
Si vous tenez à investir dans l'aventure, versez au président du comité le même salaire que le vice-président de la Chambre. Si le titulaire du poste est nommé pour toute la durée de la législature, il n'y a qu'une façon de faire...
:
Je peux traiter des deux questions.
En ce qui concerne le terme « réputé », je considère qu'il devrait rester dans le Règlement, pas pour les raisons que j'ai évoquées, mais parce que vous êtes tout de même tenus d'adopter, de réduire ou de rejeter les prévisions dans le délai prescrit. Une fois de délai échu, vous n'êtes plus en mesure d'intervenir.
Je crois qu'il s'agit d'une dynamique nécessaire qu'on a héritée de l'ancien Comité des subsides. Comme je l'ai souligné, le 1er juin, vous pouvez, en vertu de l'article 108 du Règlement, reprendre l'exercice exactement là où vous l'avez laissé le 31. La seule différence, c'est que vous ne pouvez plus réduire les prévisions.
La plus grande partie du travail relatif au budget se passe avant le comité. Pour ce qui est de continuer d'influencer le processus, je considère que la croyance voulant que tout disparaît le 31 mai est un mythe.
En ce qui concerne votre seconde question sur le cycle budgétaire, si vous envisagez de modifier les principales composantes de la préparation de budget au Canada, votre rapport risque de prendre le même chemin que les deux autres.
Je ne préconiserais pas de déposer le Budget principal des dépenses après le budget pour qu'il témoigne de la teneur de ce dernier. Dans les modèles inspirés du régime de Westminster, particulièrement au Canada, la culture veut que le budget soit un énoncé stratégique du gouvernement sur ce qu'il compte faire au cours du prochain cycle. Le Budget principal des dépenses déposé le 1er mars s'inspire largement du dernier budget. Sans avoir fait d'analyse, je dirais qu'il correspond à 60 ou 70 p. 100 au dernier budget.
Le gouvernement a la possibilité de s'adresser au Parlement pour lui présenter les Budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C) afin de modifier les prévisions déposées le 1er mars en fonction des nouvelles initiatives lancées dans le cadre du budget. La Chambre est donc saisie à nouveau de la question. Ce processus me semble fonctionnel.
Ce serait bien pratique d'avoir un document indiquant, ligne par ligne, comment tout concorde, mais un pays ne se gère pas comme une entreprise. Il importe peu aux parlementaires qu'il s'agisse d'imputations ou d'espèces.
Le gouvernement au pouvoir doit rendre des comptes à la Chambre. Vous êtes là pour vous assurer qu'il soit comptable, car c'est lui qui est l'instigateur des dépenses. Nous disposons, selon moi, de tous les outils pour procéder dans les règles de l'art. Je ne laisse pas entendre que le budget devrait cadrer parfaitement avec les prévisions. Je doute que ce soit possible.
:
Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation à témoigner devant le Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, qui étudie présentement le processus par lequel le Parlement examine les prévisions budgétaires, ou les fonds, demandés par le gouvernement.
C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à m'exprimer devant vous. C'est ici même que les affaires du pays se décident, et je suis heureux d'être là.
Dans une démocratie, chacun est en droit de s'attendre à ce que ses impôts soient utilisés à des fins acceptables. La Chambre des communes a la responsabilité de défendre les volontés et les désirs de la population et de s'assurer, au moyen de l'approbation des prévisions budgétaires, que le gouvernement dépense prudemment et dans le meilleur intérêt des Canadiens. Et puisque rien ne se passe sans dépense d’argent, l'approbation des crédits est le rôle le plus important de la Chambre des communes.
Le contrôle des fonds publics par le Parlement trouve son origine dans la Magna Carta signée par le roi Jean sans Terre, en 1215. Le roi avait alors accepté d'établir un « grand conseil du royaume » pour la détermination et la perception des aides et de l'écuage, ce qu'on appelle aujourd'hui l'impôt. Le Parlement a gardé le contrôle des fonds publics au fil des siècles, et ce pouvoir est toujours au coeur de n'importe quel gouvernement démocratique.
Aujourd'hui, l'article 80 du Règlement indique clairement que la Chambre des communes conserve ce pouvoir: « Il appartient à la Chambre des communes seule d'attribuer des subsides et crédits parlementaires au Souverain. »
Voilà qui met les choses au clair, monsieur le président. Le gouvernement n'a d'autre argent que celui que lui accorde la Chambre des communes.
Au cours de l'exercice qui s'est terminé le 31 mars 2011, le gouvernement a dépensé, selon les états financiers vérifiés par le vérificateur général, 270,5 milliards de dollars, somme que la Chambre des communes lui a accordée en approuvant les crédits demandés.
Un montant de cette ampleur présente une difficulté aux députés. Compte tenu de la taille et de la complexité des dépenses proposées par le gouvernement, comment peuvent-ils faire l'examen nécessaire? Quiconque veut aller dans les détails risque de se décourager avant même de commencer, la quantité de documents étant astronomique. Mais celui qui veut se limiter à une quantité gérable de documents obtient des renseignements tellement peu détaillés qu'il ne trouve aucune question à poser.
N'oublions pas, non plus, que le gouvernement considère les prévisions budgétaires comme une question de confiance. Comment un député d'arrière-ban oserait, dans ce contexte, assumer la responsabilité de nouvelles élections?
Et ce n'est pas tout. Supposons qu'un comité parlementaire recommande une réduction dans les prévisions budgétaires. La recommandation ne peut faire l'objet d'un débat et d'un vote que lors d'un jour de l'opposition. Si elle est adoptée et que les prévisions sont réduites, le gouvernement pourrait y voir une perte de confiance et déclencher des élections.
Cependant, même si aucun vote ne se tient lors d'un jour de l'opposition, toute réduction recommandée par un comité amène le président du Conseil du Trésor à présenter une motion visant à rétablir le montant original si la réduction en question est inacceptable pour le gouvernement. Le vote sur le rétablissement de la demande de fonds du gouvernement serait un vote sur un « poste auquel on s'oppose », et l'adoption de la motion aurait préséance sur la réduction recommandée par le comité, ce qui signifie que rien ne va bouger.
En juin 1995, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a créé un sous-comité chargé de l'étude des crédits, dont j'ai eu le privilège de faire partie. Le rapport dont vous avez tous reçu un exemplaire est, à mon sens, le meilleur rapport, le plus complet aussi, à avoir été produit au Canada, à l'ère moderne, sur la question des crédits.
Monsieur le président, j'aimerais à cet égard souligner le travail remarquable de M. Brian O’Neal, de la Bibliothèque du Parlement, qui était le recherchiste principal du sous-comité et qui a grandement contribué à la qualité du rapport.
En plus d'inscrire l'examen des crédits dans une perspective historique, le rapport contient des recommandations en six points: un, création d'un comité des prévisions budgétaires ayant un pouvoir déterminant sur l'examen des crédits; deux, convention sur la confiance et examen des crédits; trois, attribution aux comités de la capacité de réaffecter jusqu'à 5 p. 100 des crédits au sein du ministère concerné; quatre, examen périodique à long terme des dépenses législatives, qu'on appelle dépenses des programmes; cinq, examen des sociétés d'État qui ne relèvent pas d'un ministre; et six, examen des dépenses fiscales et des garanties de prêt.
Monsieur le président, le sous-comité a présenté son rapport au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, qui l'a adopté à la fin de 1996 ou au début de 1997. Le rapport a ensuite été déposé à la Chambre des communes, mais des élections ont été déclenchées en avril 1997 et le rapport est mort au Feuilleton. À la législature suivante, j'ai tenté en vain de convaincre le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre de lui redonner vie. J'ai ensuite présenté une motion d'initiative parlementaire visant l'adoption du rapport.
La Chambre a adopté la motion, mais puisque le rapport n'avait pas été déposé au cours de cette législature, la motion était un conseil plutôt qu'un ordre à la Chambre. Rien n'a donc été fait.
À la lecture de l'alinéa 108(3)c) du Règlement, toutefois, on se rend compte que la première recommandation du sous-comité, qui porte sur la création d'un comité des prévisions budgétaires, a déjà été appliquée. C'est elle qui a donné naissance au Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires — et qui explique votre présence ici, aujourd'hui.
Je crois que c'est en 2002 que j'ai pris connaissance de changements qui allaient être apportés aux mandats des comités. J'ai donc fait des démarches en faveur d'un comité des prévisions budgétaires investi d'un mandat conforme à celui recommandé dans le rapport du sous-comité, et vous voici donc.
Si vous examinez le mandat du comité exposé à l'alinéa 108(3)c) du Règlement, vous verrez qu'il est à peu près identique à celui qu'avait recommandé le sous-comité; cette partie du travail a donc été réalisée. À ce que je sache, toutefois, le Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires ne remplit pas encore complètement le mandat que lui confère le Règlement en ce qui concerne l'examen des crédits et des dépenses gouvernementales qui sortent du cadre des prévisions budgétaires. Je crois que 30 p. 100 environ des dépenses totales du gouvernement sont couvertes par les crédits accordés. Le reste consiste en dépenses législatives que la Chambre des communes autorise par voie législative sous la forme de dépenses de programmes.
Grâce au nouveau mandat, le Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires peut maintenant examiner les dépenses faites à l'échelle du gouvernement. Le rapport du sous-comité propose —recommandations 35 à 39 — que le Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires examine les dépenses législatives de façon périodique à l'aide de l'évaluation des programmes. Tous les programmes gouvernementaux devraient être évalués une fois tous les 10 ans au moins. Cela permettrait: un, d'exposer les objectifs de politique générale de chaque programme législatif; deux, de vérifier si les objectifs sont atteints; trois, de déterminer si le programme est géré efficacement; quatre, de voir s'il y a d'autres façons d'atteindre les mêmes objectifs.
Ces éléments sont pratiquement identiques au contenu du projet de loi qui a été inscrit à mon nom au Feuilleton pendant des années, sans qu'il ait pu faire l'objet d'un débat à la Chambre. Quoi qu'il en soit, le Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a maintenant le pouvoir, en vertu du sous-alinéa 108(3)c)(x) du Règlement, d'examiner les dépenses législatives. Pour ce faire, il peut s'adresser à la Chambre pour demander au gouvernement d'évaluer des programmes — tel qu'il est indiqué ci-dessus — afin de l'aider dans son travail.
Le Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires peut aussi se pencher sur les garanties de prêt et les dépenses fiscales qui ne sont enregistrées nulle part et sur les sociétés d'État qui ne font rapport à aucun autre comité. Ces organisations peuvent représenter des sommes d'argent considérables et appliquer des politiques publiques importantes; la Chambre doit donc avoir la possibilité de les examiner attentivement. Tel est le rôle du Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires. La Commission de la fonction publique, qui est indépendante du gouvernement et ne peut donc faire rapport à la Chambre par l'entremise d'un ministre, rend maintenant des comptes à la Chambre par le biais du Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires.
Le rôle premier du Parlement demeure cependant l'examen des prévisions budgétaires. Il s'agit de la fonction la plus importante du Parlement, et pourtant, le contrôle des fonds publics est loin de recevoir toute l'attention qu'il exige. Une bonne partie des députés ne comprennent pas le processus d'examen et préfèrent défendre des dossiers plus rentables politiquement. Le grand problème est qu'il faut comprendre une quantité astronomique d'information, et si la personne comprend l'information et veut apporter un changement, le Règlement et la convention sur la confiance l'empêchent de le faire. Comme le travail acharné n'est pas récompensé, personne ne s'attaque aux prévisions budgétaires, qui demeurent un mystère pour bon nombre. Les journées de l'opposition donnent lieu à du football politique; on n'y parle jamais de crédits.
Lors de mes débuts au Parlement, en 1993, la dernière journée de l'opposition, en juin, était consacrée tout entière à un débat sur les prévisions budgétaires. Mais même cette pratique a changé: maintenant, le débat sur le budget ne commence pas avant 18 h 30 et finit à 22 h. Trois heures et demie pour examiner 270,5 milliards de dollars. Bientôt, la Chambre examinera le budget à une vitesse de 100 milliards à l'heure. Cela en dit long sur le piteux état de notre démocratie.
Mais si vous lisez le rapport attentivement, vous verrez que le sous-comité a proposé une méthode qui permet aux comités de la Chambre des communes de recommander une réaffectation maximale de 5 p. 100 des crédits au sein d'un ministère, et même la réduction des prévisions budgétaires, sans qu'on ait à utiliser la convention sur la confiance. Le rapport établit un échéancier clair pour l'examen des prévisions budgétaires par les comités. Si un comité recommande de procéder à un changement ou à une réduction, il doit en donner la raison. Dans ce cas, le président du Conseil du Trésor peut accepter ou rejeter la recommandation du comité.
Si le Conseil du Trésor accepte la recommandation du comité, une recommandation royale modifiée peut être présentée, mais s'il la rejette, il doit fournir une justification. Cette façon de faire permettrait de tenir un débat raisonné sur les prévisions budgétaires à la Chambre. Bien entendu, monsieur le président, il serait bon de modifier le Règlement pour que le débat à la Chambre puisse durer plus de trois heures et demie.
Peu importe l’enjeu, si vous changez les sources de motivation, vous changez les résultats. Les journées de l’opposition ont pris une tournure politique parce que les députés ne peuvent pas influencer le résultat final. S’il y avait un processus qui permettait de réduire l’ampleur des prévisions budgétaire, je crois — du moins, j’espère — que les députés y porteraient plus attention et tiendraient un certain nombre de réunions afin d’en discuter sérieusement avec de hauts fonctionnaires.
Si vous le voulez bien, monsieur le président, j'aimerais maintenant parler plus précisément des rapports sur les plans et les priorités, ou RPP.
J’ai fait partie d’un comité qui a révisé les anciens documents de la « partie III » et qui a mis en place les RPP, qui présentent les dépenses proposées pour l’année à venir dans le cadre de prévisions s’échelonnant sur trois ans. C'était nouveau.
Le comité a également recommandé l’introduction de rapports ministériels sur le rendement, ou RMR, que le gouvernement dépose à l’automne. Les deux rapports, soit les RPP orientés vers l'avenir à présenter au printemps, ainsi que les RMR orientés vers le passé à présenter à l’automne, devraient être structurés de la même façon. Les RPP donnent les prévisions pour les trois années à venir, tandis que les RMR donnent les renseignements des trois dernières années.
Monsieur le président, les RMR sont malheureusement devenus, selon moi, des coquilles vides qui ne servaient que les intérêts des organismes concernés. Pour cette raison, je voulais que deux d’entre eux soient choisis au hasard chaque année et soumis à l’examen du vérificateur général. Nous saurions ainsi si les RMR exposent la situation des ministères telle qu’elle est.
Le vérificateur général a déposé un rapport au Parlement en 2007, je crois, dans lequel il explique comment les RMR pourraient être vérifiés, mais comme j’ai quitté la Colline il y a quelques années, je ne sais pas si le vérificateur général a bel et bien vérifié certains de ces rapports.
Monsieur le président, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a un mandat très large, et j’espère qu’il profitera de cet atout pour faire de l’examen des prévisions budgétaires un exercice véritablement productif.
Le contrôle des fonds publics demeure la fonction la plus importante du Parlement; en fait, c’est ce qui a mené à la création du Parlement.
Merci, monsieur le président.