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Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, l'Institut pour le partenariat public-privé est heureux de participer aux audiences de ce comité relatives aux partenariats publics-privés. Vous me permettrez d'exposer brièvement ce qu'est l'institut ainsi que le rôle qu'il joue au Québec.
L'Institut pour le partenariat public-privé est un organisme indépendant, sans but lucratif, créé il y a 17 ans, qui encourage le dialogue sur le partenariat public-privé. L'institut poursuit des objectifs de sensibilisation et de diffusion des connaissances sur le partenariat public-privé. Par exemple, nous nous efforçons de surveiller les grandes tendances mondiales et canadiennes dans le développement des infrastructures, de même que la prestation des services publics et l'émergence des nouveaux modèles d'organisation.
L'institut propose des forums de discussion multisectoriels permettant d'analyser et de comparer différents modes de réalisation de projets sur tous les plans: conception, processus de réalisation, organisation et financement. D'ailleurs, il y quelques semaines, nous avons tenu un grand forum sur les partenariats publics-privés. La réalisation en PPP du nouveau pont sur le Saint-Laurent a fait partie de nos discussions, notamment sous l'angle du développement et de l'intégration des transports en commun pour la grande région de Montréal.
L'institut n'a pas une position dogmatique à l'égard des PPP. Nous sommes d'avis que l'alternative de réaliser un projet en partenariat public-privé doit faire partie d'un processus normal d'analyse de faisabilité d'un projet et s'appuyer sur un réel partage des risques entre les partenaires publics et privés. Dans cette optique, la privatisation des services publics n'est nullement une forme de partenariat public-privé.
En fait, l'option du PPP ne devrait être retenue que si elle présente une véritable valeur ajoutée permettant à la fois d'améliorer l'accessibilité, la qualité et la continuité des services aux citoyens, de rendre les services publics plus efficaces et d'assurer un maximum de transparence et d'intégrité au processus suivi. Pour nous, un partenariat public-privé doit être une solution gagnante, autant pour les partenaires privés et publics que pour la population et les utilisateurs des services.
Nos sociétés modernes, peu importe leur niveau, font face à des enjeux complexes dont le plus important est certes d'assurer à ses citoyens le développement et le maintien d'une offre de services publics de qualité. Le partenariat public-privé n'est ni un remède miracle ni une panacée. Cependant, il peut être un puissant outil d'optimisation et d'amélioration des services publics s'il est bien utilisé et s'il respecte des règles strictes de transparence.
Revenons sur l'enjeu des travaux menés par ce comité. Nous espérons attirer votre attention sur le fait que les partenariats publics-privés devraient être vus comme un bien collectif, c'est-à-dire un instrument de développement au service des communautés nationales, provinciales et locales qu'il peut être avantageux d'utiliser, selon le cas, pour la réalisation des projets comme, par exemple, dans le domaine des infrastructures et de la prestation des services.
Ces dernières années, au Québec, plusieurs grands projets en partenariat public-privé ont été livrés avec succès ou sont sur le point de l'être. Par exemple, le pont sur l'autoroute A-25 reliant l'est de Montréal à la ville de Laval a été inauguré au printemps 2011. Il n'a pas coûté plus cher que prévu et a été mis en service à la date prévue. Il en est de même pour la nouvelle salle de l'Orchestre symphonique de Montréal qui a accueilli ses premiers concerts, il y a un an. Dans quelques semaines, l'autoroute 30 et le pont sur la Voie maritime du Saint-Laurent seront ouverts à la circulation, comme le prévoyait le calendrier des réalisations, contribuant ainsi à désengorger la circulation autour de l'Île de Montréal. Il s'agit de projets importants pour notre communauté.
D'autres partenariats publics-privés de moindre envergure ont aussi été réalisés avec le même succès, notamment des complexes multifonctionnels à Lévis, au sud de Québec, des haltes routières sur différentes autoroutes et un centre d'hébergement de soins de longue durée à Saint-Lambert, en Montérégie. Ce sont des projets tout aussi vitaux pour les résidants de ces localités que les méga-centres hospitaliers en construction dans la région de Montréal, soit le CUSM de McGill, le CHUM et le Centre de recherche du CHUM, qui cheminent dans les délais prévus, à l'exception de l'un d'entre eux. Ce projet est révisé à cause de nouvelles demandes du partenaire public, selon les budgets établis.
Selon nos informations, une quarantaine d'autres projets qui pourraient être réalisés en mode de partenariat public-privé sont présentement évalués à Québec. Plusieurs d'entre eux doivent bénéficier de la contribution du gouvernement fédéral pour leur réalisation. Comme nous vous le disions précédemment, c'est au mérite que chaque projet doit être considéré. Il est clair qu'il y a des projets qui ne passeront pas la rampe des exigences du mode PPP, alors que d’autres, au contraire, en tireront un avantage indéniable. Notez que cela vaut également pour le mode traditionnel de réalisation de projets.
Le partenariat public-privé est relativement nouveau en Amérique du Nord. On en parle depuis une quinzaine d’années. Certaines provinces canadiennes ont recours au PPP plus que d’autres. C’est le cas, par exemple, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Au Québec, une forte résistance au PPP s'est créée au milieu des années 2000, alimentée essentiellement par les organismes syndicaux qui craignaient pour d'éventuelles pertes d’emplois. Ces craintes ne sont pas matérialisées.
Dans la population, les appuis aux partenariats publics-privés dépassent 60 p. 100, voire 70 p. 100, en ce qui a trait à certains secteurs, comme dans les infrastructures routières, par exemple. Les dizaines de milliers d'automobilistes qui empruntent le nouveau pont sur l'autoroute 25, s’évitant de 45 minutes à une heure de route supplémentaire, diraient aisément que sans le PPP, il n'y aurait pas eu de pont. Les arguments négatifs sont connus: coûts d’emprunts plus élevés pour le secteur privé que pour les gouvernements, perte de contrôle des projets par le public, processus de PPP beaucoup plus longs, complexes et plus onéreux que les processus traditionnels.
Par contre, les preuves répondent à ces craintes. Au Québec comme ailleurs au Canada et dans plusieurs pays du monde, les échéanciers sont d'une grande rigueur: les projets sont livrés à temps et sans coûts supplémentaires, ni extras; les modes de réalisation sont gérés conjointement par tous les partenaires publics et privés en toute transparence; il y a la garantie d'entretien de l'infrastructure et de continuité des services sur une longue période et la rétrocession au secteur public de l'infrastructure et de la gestion des services au terme de l'entente de partenariat, et ce, dans le meilleur des états possibles.
L'Institut pour le partenariat public-privé croit fermement que le partenariat public-privé est un moyen d'assurer l'intégrité des processus, tant sur le plan de la conception, de l'adjudication, de la réalisation et de la gestion de projets dans le domaine des infrastructures. Partout au Canada et au Québec, les gouvernements de même qu’un très grand nombre de municipalités doivent moderniser leurs infrastructures, voire les reconstruire. Ce sont là des défis majeurs pour toutes les collectivités. Le partenariat public-privé est un outil pour y parvenir.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Si vous le voulez bien. Je vous remercie.
Il y a un article qui vient à point nommé de paraître dans la presse québécoise — je ne sais pas si certains d'entre vous qui ont eu l'occasion de le lire — au sujet de ce qui est arrivé avec certains projets d'infrastructure. On apprend que certains de nos projets d'investissement donnent lieu à des dépassements de coût pouvant atteindre 80 p. 100. Était notamment évoqué un projet de construction routière actuellement en cours, un projet d'ailleurs tout à fait classique. Il n'est qu'à moitié terminé, mais déjà, nous avons dépassé deux fois le budget alors que la moitié du projet reste à réaliser.
Je souhaitais vous dire quelque chose de cela, après m'être penchée sur les divers témoignages livrés ici au cours des dernières semaines. On a longuement évoqué le transfert de risques auquel donnent lieu les PPP. Or, personne ne veut participer à un projet qui entraîne des surcoûts de deux, trois, voire quatre fois le budget prévu. Ce n'est nullement une question de compétence; il s'agit simplement d'atténuer les risques en faisant en sorte que le projet soit bien piloté et que soient mis en place les contrôles qui conviennent.
Un des avantages des PPP est qu'ils imposent au processus de planification une certaine rigueur. Quelles que soient les raisons portant un gouvernement à annoncer le lancement d'un projet avant d'avoir bien calculé les coûts, avant de l'avoir correctement planifié, les PPP servent à attirer l'attention sur le besoin de bien définir les objectifs. Je m'explique. Étant donné que, dans le cadre d'un PPP, nous demandons à des intervenants tels que Fengate et ses partenaires un engagement ferme au niveau du prix, il nous faut définir de manière très précise quels vont être nos besoins. Il nous faut réfléchir à la manière dont nous allons employer les équipements en question, au genre d'installations qu'il nous faut, et à ceux qui vont les utiliser. Notre réflexion doit, en outre, englober les 30 prochaines années.
Cela veut dire qu'il faut achever la planification avant même de s'adresser au marché. Un des meilleurs moyens d'atténuer les risques de dépassement de coût et de retards est la discipline ainsi imposée au niveau de la planification. Certains diront que cette rigueur peut être obtenue sans recourir à un PPP, mais c'est un fait que les PPP sont un moyen très efficace de parvenir à cette discipline.
Je voudrais maintenant prendre deux minutes pour vous dire quelque chose du cycle de vie d'un équipement. C'est, je sais, un sujet que d'autres témoins ont abordé devant le comité. Les PPP s'accompagnent d'un engagement de 30 ans au niveau de l'attention et du cycle de vie, mais un autre aspect de la question est que, comme nous avons pu le constater... vous êtes au courant des chiffres concernant le déficit des municipalités en matière d'infrastructures. Cela vaut pour l'ensemble des infrastructures publiques. Nous n'avons en effet, pas très bien su affecter les sommes nécessaires à l'entretien des équipements publics. La raison en est le manque d'argent.
Voici, donc, les problèmes auxquels nous sommes actuellement confrontés. Lorsqu'on a décidé de l'affectation des crédits disponibles, il est très tentant de faire l'impasse sur l'entretien et de parer au plus pressé. Cela n'est pas difficile à comprendre. Ce qu'on ne doit pas ignorer, cependant, c'est qu'il ne s'agira plus alors des modestes sommes nécessaires à l'entretien, car nous devrons complètement reconstruire des installations qui auraient dû durer encore 20, 30 ou 40 ans.
D'une part, donc, il y a le fait que le paiement est gagé sur les résultats. Les promoteurs privés, vos partenaires du secteur privé, s'engagent à assurer un entretien conforme aux normes fixées par le secteur public, et, en cas de carence, ils s'exposent à des conséquences financières. L'envers de la médaille est que le secteur public s'engage contractuellement à affecter les sommes nécessaires à l'entretien et à la maintenance afin qu'il ne soit pas nécessaire, au bout de 30 ans, de complètement reconstruire l'installation. En effet, les installations vous sont alors rendues en bon état.
Je sais que j'ai épuisé mon temps de parole, mais laissez-moi terminer en disant que ce sont là les deux meilleurs arguments en faveur des PPP. Cela veut dire, cependant, qu'il faut être prêt à se lancer dans ce genre de partenariat, car cela exige un grand effort de délibération, de planification et de réflexion sur l'usage qui sera fait de l'infrastructure en question au cours des 30 prochaines années. Cela va par ailleurs entraîner des changements au sein de la fonction publique fédérale. Il va falloir que les gens repensent le rôle qui leur revient en tant que gestionnaires de biens et en tant que promoteurs.
Je vous remercie.
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Oui. Merci beaucoup, monsieur le président.
Permettez-moi de commencer en vous disant quelques mots à mon sujet et au sujet de l'organisation à laquelle j'appartiens, afin que vous puissiez voir un peu où nous nous situons dans le secteur des PPP.
Nous sommes une société de gestion de trésorerie. Nous gérons la trésorerie de régimes de pension canadiens. Nous comptons, parmi nos clients, plusieurs universités, leurs fonds de pension, plus précisément. Nous gérons également les fonds de pension de diverses entreprises canadiennes. Nous comptons aussi parmi nos clients des syndicats de la construction et nous assurons la gestion de fonds syndicaux tels que le Labourers' Pension Fund ou l'Operating Engineers' Pension Plan. Il s'agit des ouvriers de la construction qui travaillent à la réalisation de ces projets.
J'oeuvre dans le secteur depuis environ 15 ans. J'ai pu voir comment il s'est développé au Canada, notamment au niveau provincial, à partir des premières opérations effectuées en Ontario et en Colombie-Britannique. Nous sommes des concessionnaires qui investissons, à titre de capital-risque, l'argent de fonds de pension dans ces divers projets en vertu d'accords de concession conclus avec les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral.
Je suis moi-même un professionnel de la transaction, ce qui veut dire que j'interviens au moment où le gouvernement annonce le marché public, après avoir opté pour un PPP, au moment, donc, où il lance une demande de qualification, une demande de propositions. Je réunis le consortium qui va soumissionner, présenter une proposition et puis, s'il obtient le contrat, assurer la mise en oeuvre de cette proposition, développer l'infrastructure et l'exploiter pendant la durée de la concession.
Voilà dans quelle optique je me situe. Ce n'est pas moi qui conseille le gouvernement quant à savoir s'il devrait ou non opter pour un PPP. Je n''interviens qu'à partir du moment où le gouvernement s'est prononcé en ce sens.
Cela dit, je peux vous dire pourquoi, selon moi, les PPP sont avantageux. Je suis naturellement partisan de cette solution, car c'est avec cela que je gagne ma vie, mais c'est également en tant que Canadien que j'entrevois les avantages que présentent les PPP.
Je vais, sur ce point, abonder dans le sens de ce qu'a dit Mme Mullen. Il s'agit essentiellement, de principes qui s'appliquent aux marchés publics portant sur les équipements compliqués... Je précise, en ce qui concerne le recours à des PPP dans diverses régions du monde, et cela vaut pour des gouvernements tels que ceux du Royaume-Uni ou de l'Union européenne, que moins de 10 p. 100 des crédits publics consacrés aux infrastructures vont à des PPP. Il s'agit en effet d'un outil auquel il convient de recourir dans des circonstances très précises, essentiellement pour de nouvelles infrastructures qui sont à la fois vastes et compliquées. On peut également y recourir pour la construction de routes, d'hôpitaux, de prisons, de palais de justice ou de projets d'infrastructure liés à de la technologie d'information.
Je précise que nous avons, dans ces divers secteurs, investi au Canada dans 14 projets. Nous avons investi dans une prison, dans une route, un palais de justice ainsi que dans plusieurs hôpitaux, essentiellement en partenariat avec les gouvernements provinciaux qui, effectivement, sont dans la plupart des cas nos clients.
Il existe plusieurs raisons de recourir à un PPP. La première est que dans le cadre d'un tel projet, le gouvernement décrit le service qu'il entend obtenir au lieu de définir les spécifications précises de l'équipement en question. Ainsi, le gouvernement ne définit que le résultat voulu. Cela permet au secteur privé d'innover au niveau de la conception et, au lieu de partir d'une description précise de l'infrastructure, on va rechercher les moyens de la concevoir de manière à assurer correctement le service en question.
Cela permet d'innover au niveau de la conception. L'équipement sera en effet conçu en tenant compte de son entretien à long terme car le PPP intègre la conception, la construction et l'entretien. Les responsables de la conception et de la construction sont associés à l'exploitant, lui expliquant ce qu'ils sont en train de faire étant donné que l'exploitant — une entreprise du secteur privé — va, une fois la construction terminée, prendre possession de l'équipement et devoir vivre avec pendant 30 ans. C'est, là encore, un des avantages des PPP.
Un autre avantage est que, pour le gouvernement, les coûts resteront les mêmes pendant 30 ans, ce qui veut dire que le gouvernement se porte acquéreur de 30 ans de services, à l'inverse de ce qui se passe lorsque le gouvernement prend possession de l'équipement une fois achevée sa construction. Avec des élections qui ont lieu tous les quatre ans, c'est très utile. En effet, on évoque souvent les difficultés que le gouvernement éprouve à assurer une planification stratégique à long terme. Mais, avec des élections tous les quatre ans, il est très difficile... Les PPP permettent au gouvernement de fixer, pour 30 ans, l'avenir de l'infrastructure en question. Et, au bout de 30 ans, comme le disait Mme Mullen, le gouvernement reprend l'équipement en bon état.
Cela n'est, bien sûr, pas gratuit. Le gouvernement perd sa marge de manoeuvre au niveau de l'établissement des coûts, ou, devrais-je dire au plan de la réduction des coûts, car il s'engage par contrat, pour une période de 30 ans. Il y a des compromis à faire. Vous vous engagez pour une période de 30 ans. Vous obtenez la stabilité des coûts et la certitude que l'équipement vous reviendra en bon état mais, en même temps, vous signez un contrat de 30 ans qui ne vous permet plus d'amputer le capital ou de réduire les sommes que vous vous êtes engagés à verser. Vous êtes tenus, pendant 30 ans, d'effectuer des versements pour acquitter le prix de l'équipement. Je vous ai présenté les avantages et décrit certains des coûts.
C'est toute une philosophie des marchés publics applicables à certains projets, lorsque le gouvernement souhaite plutôt bâtir et exploiter un équipement que de gérer des contrats et des biens. Les gouvernements sont continuellement aux prises avec des questions de ce genre.
Au fait, ne vous laissez jamais, mais jamais convaincre par l'argument voulant qu'il s'agisse d'une sorte de privatisation. Il ne s'agit en effet jamais d'une sorte de privatisation. Nous exploitons et sommes propriétaires de... Non, je ne devrais pas dire que nous sommes propriétaires, car en fait, nous assurons au Canada l'exploitation de prisons, d'hôpitaux ou de palais de justice, mais nous ne sommes pas propriétaire de ces équipements. Ils appartiennent, en effet, au gouvernement. En vertu d'un contrat de concession, nous avons le droit d'intervenir, de construire et d'exploiter ces équipements pour le compte du gouvernement. Or, à tout moment, le gouvernement peut décider de résilier le contrat et de reprendre les installations.
Voilà ce que je souhaitais dire à titre d'entrée en matière.
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Je vous remercie de votre invitation, et vous demande d'excuser mon retard. Je me suis rendu à l'édifice du Centre car je pensais que la séance devait avoir lieu dans la pièce 237 de cet édifice.
Avant de vous présenter les diapositives que j'ai préparées, je souhaiterais dire quelques mots en guise d'introduction. J'occupais auparavant, à la Banque de Montréal, le poste de directeur des services hypothécaires. Au cours des années 1970 et 1980, je travaillais à deux pas d'ici, dans l'immeuble qui est en cours de reconstruction. C'est là, je crois, que sera installé le Comité des finances.
Je suis actuellement professeur titulaire à l'école de commerce de l'Université Carleton.
Je tiens d'emblée à apporter quelques précisions. Je ne travaille pour personne, pour aucune institution, à titre de consultant, que ce soit de manière directe ou indirecte. Mon revenu provient intégralement de l'Université Carlton. C'est dire que mon point de vue ne doit rien à l'influence d'intérêts particuliers.
Je tiens, enfin, à préciser que j'ai été parmi les militants qui ont fondé à Ottawa une organisation non gouvernementale appelée les Amis du parc Lansdowne. Nous sommes fermement opposés au projet de 400 millions de dollars lancé pour le réaménagement du parc Lansdowne dans le cadre d'un PPP. Nous avons attaqué la Ville d'Ottawa en justice, perdu notre procès, puis porté l'affaire devant la Cour d'appel où, là encore, nous avons été déboutés. Nous avons alors cessé nos efforts. Vous serez peut-être tentés de penser que...
Des voix: Oh, oh!
M. Ian Lee: J'estime pour ma part que le parc Lansdowne est l'exemple même d'un PPP raté, mais complètement raté. Vous allez peut-être penser que je suis venu ici pour faire une critique générale des PPP, mais ce n'est pas pour cela que je comparais devant vous.
Malgré cet échec lamentable, j'estime que le ratage de ce PPP est dû non pas à un défaut inhérent aux PPP, mais, plutôt, aux mauvaises décisions prises par les élus. De manière assez paradoxale, je prétends que cet échec confirme la thèse que je vais vous exposer aujourd'hui, l'idée que les PPP constituent, en matière de marchés publics, un outil d'une grande importance.
Je vais maintenant passer à mes diapositives. J'ai déjà fait la première divulgation d'usage. Il est dit... J'ai pris connaissance des témoignages livrés jusqu'ici devant votre comité, et suis donc au courant des discussions qui ont eu lieu. Je rappelle que, comme vous le savez déjà, aux niveaux fédéral, provincial et municipal, le déficit national en matière d'infrastructure s'élève à environ 400 milliards de dollars.
J'entends faire valoir que les PPP ne sont qu'un moyen parmi d'autres de répondre à ce déficit en matière d'infrastructure, déficit qui, d'après moi, pose à notre pays un problème très grave, tant au niveau national qu'au niveau microéconomique. Je rappelle, par exemple, qu'il y a, à Ottawa, des égouts collecteurs qui remontent à plus de 100 ans et que nous déversons des eaux usées directement dans la rivière des Outaouais.
J'entends démontrer que les PPP ne devraient être employés que pour les travaux d'infrastructure, d'équipements de longue durée exigeant de gros investissements. Je ne pense pas qu'il convienne, pour les marchés publics, d'y recourir de manière générale. D'après moi, on ne doit recourir à un PPP que pour ce que j'appelle une infrastructure à but unique, c'est-à-dire un pont, une route, un aéroport, une installation portuaire ou un immeuble. Je ne me prononcerai pas au sujet de prisons ou de bâtiments universitaires, simplement parce que je ne me suis pas encore vraiment penché sur la question. Un PPP peut être un outil très utile, mais on ne devrait y recourir au Canada que dans 10 à 15 p. 100 — voire 20 p. 100 selon le calcul employé — des marchés publics.
Je précise que je me fonde pour affirmer cela sur des travaux évalués par un comité de lecture. Les professeurs Vining et Boardman, de l'Université de la Colombie-Britannique, ont publié de nombreux travaux dans les revues scientifiques arbitrées, certains de leurs travaux étant publiés par la Banque mondiale. Mes propres travaux ne font en réalité que synthétiser les résultats de ces diverses études.
Ce que je veux dire est implicite dans les discussions que vous avez eues au cours des deux ou trois dernières semaines, mais selon moi, il n'y a, dans les PPP, pas vraiment grand-chose de nouveau. Ce ne sont des objets ni mystérieux ni exotiques. Depuis longtemps, dans le cadre des marchés publics, les gouvernements négocient un contrat avec un promoteur, un bâtisseur, en vue de la construction de l'équipement de longue durée. Il peut s'agir d'un immeuble, d'un pont à l'Île-du-Prince-Édouard ou de la route 407. En cela, le gouvernement joue essentiellement le rôle d'entrepreneur général, assurant la gestion du contrat et devenant dès l'achèvement des travaux, propriétaire de l'équipement et responsable de son entretien.
Nous sommes tous également au courant du deuxième modèle. Une grande partie du centre-ville d'Ottawa a été bâti par Robert Campeau, selon ce modèle. L'immeuble Place de Ville, qui héberge Transports Canada, a été, pendant de nombreuses années, occupé en vertu d'un bail à long terme. Autrement dit, par l'intermédiaire du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, le gouvernement du Canada occupait l'immeuble, où il n'était que locataire.
Voilà, en fait, les deux solutions qui existent. Vous construisez un immeuble ou un équipement dont la propriété vous revient, ou vous en avez l'usage aux termes d'un bail à long terme. Il n'y a en cela rien de bien compliqué, et c'est effectivement comme cela que les choses se passent. D'après moi, les PPP représentent simplement une solution intermédiaire entre le modèle A et le modèle B. Il s'agit d'un croisement entre la propriété immédiate des installations et leur prise en location.
Dans le cadre d'un PPP, la situation du gouvernement est, dans un premier temps, un peu celle d'un locataire commercial, où c'est le promoteur, l'entrepreneur — enfin l'entreprise impliquée dans le PPP — qui assure la construction et l'entretien à long terme des installations. À la fin du contrat PPP, le gouvernement les reprend, l'entreprise en question lui transférant le titre de propriété... mais contrairement à ce qu'il en est d'un locataire qui, après avoir acquitté un loyer pendant 20 ans, renouvelle son bail, s'engageant à continuer pendant 20 ans encore à acquitter un loyer, en l'occurrence, en fin de contrat, les équipements en question vous sont acquis.
Quelles sont les conditions devant être réunies pour qu'il y ait lieu de recourir à un PPP? Il faut d'abord de bons contrats qui définissent avec précision les risques assumés de part et d'autre, par le secteur public et le secteur privé. Il faut que tout soit clair et cela exige dès le départ, une grande diligence d'où des frais de transaction élevés. Il faut, en outre, une ferme volonté politique, l'appui du public et des capitaux privés en quantité suffisante.
Quels sont les avantages? Je sais que je vais à l'encontre du Conference Board du Canada et d'autres qui affirment que les PPP de dernière génération sont comptabilisés par le gouvernement, mais des travaux démontrent que, dans certains pays, les PPP ne figurent pas dans les comptes publics et que c'est justement un des avantages qu'ils présentent. Le deuxième avantage provient du fait que le secteur privé est un gestionnaire de projet beaucoup plus efficace car, ses propres capitaux étant engagés, il ne permet pas à des considérations politiques ou bureaucratiques d'entrer en ligne de compte. Troisièmement, les PPP assurent un financement stable et à long terme, prenant notamment en compte les frais d'entretien.
Sans manquer le moindrement de respect envers les élus ici présents, il est bien connu que, partout, les gouvernements, quel qu'en soit le palier, remettent toujours à plus tard les travaux d'entretien, ce qui fait que les ponts et les routes se dégradent. C'est le principal argument que j'entends faire valoir aujourd'hui car, comme l'a dit Pogo, un célèbre personnage de bande dessinée, l'ennemi, c'est nous.
Il me reste deux ou trois diapositives.
Passons maintenant rapidement aux inconvénients, car il y en a. Il s'agit des effets externes. Il est parfois difficile d'évaluer les risques, et cela c'est parfois cela qui mène à l'échec. Cela veut, cependant, surtout dire qu'il faut, dès le début du contrat, faire preuve d'une plus grande diligence. Cet effort de diligence doit en outre s'exercer à l'égard du secteur privé afin de s'assurer qu'il a les moyens et les connaissances nécessaires non seulement pour construire l'installation, mais pour en assurer l'exploitation.
L'avantage principal des PPP n'est pas l'abaissement des coûts. L'argument inverse n'est, d'après moi, pas fondé car le recours à un PPP n'entraîne pas nécessairement des prix plus bas, même si, selon certains travaux parus dans des revues scientifiques à comité de lecture, il y a des PPP qui ont effectivement permis d'accomplir les travaux à moindre coût. Le principal intérêt des PPP est qu'ils soustraient les marchés publics au jeu de considérations politiques. La politique n'intervient plus alors dans la gestion des biens.
C'est un tort de confier les marchés publics à des élus. S'ils sont, dans ce domaine, si mauvais, c'est parce qu'il est trop facile, face à des exigences budgétaires à brève échéance, de remettre à plus tard les travaux d'entretien. Or, les PPP permettent une approche plus professionnelle, donc préférable, des marchés publics. Les PPP assurent la stabilité du financement et de la gestion, les partenaires privés étant de réelles parties prenantes alors que les élus et les fonctionnaires emploient, eux, l'argent du contribuable.
Encore une fois, je n'entends pas par cela dénigrer l'action des élus. Mon père, depuis disparu, a été fonctionnaire pendant 40 ans et j'ai pour la fonction publique et pour vous, les représentants élus, la plus grande estime.
Cela dit, les PPP ont pour avantage essentiel de supprimer les interférences politiques, de permettre une gestion professionnelle des biens, non seulement au niveau de la conception et de la construction, mais également au plan de l'entretien et de l'exploitation de l'équipement tout au long de son cycle de vie.
Je vous remercie.
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Nous suivons actuellement à Ottawa un projet du gouvernement sur la possibilité de recourir à un PPP pour moderniser le système énergétique de divers immeubles fédéraux et d'en assurer l'entretien pour d'assez longues années. Il s'agira, en l'occurrence, pour le gouvernement de définir les services énergétiques qu'il entend obtenir. C'est une question d'efficacité.
Le gouvernement, il est clair, a pour mission de trouver les moyens plus efficaces de répondre à ses besoins énergétiques, plus efficaces aussi et plus respectueux de l'environnement, et il va ainsi devoir définir les services énergétiques qu'il lui faut. Il va donc dire « Il nous faut pour nos immeubles, telle et telle capacité de réfrigération, telle et telle capacité de chauffage, et nous nous attendons à ce que le secteur privé nous la fournisse avec tel et tel taux d'efficacité » — ce qui veut essentiellement dire la quantité de carburant nécessaire pour alimenter le système.
Le gouvernement peut ainsi simplement annoncer un contrat définissant les capacités énergétiques dont il a besoin, avec tel et tel taux d'efficacité, et demander au secteur privé d'assurer, pendant 30 ans, avec l'efficacité voulue, cette capacité énergétique. Quant à savoir, maintenant, comment le secteur privé va s'y prendre — il s'agit d'une décision qui relève du secteur privé. C'est à lui qu'il appartient d'assurer l'approvisionnement énergétique avec l'efficacité voulue.
Je simplifie, bien sûr, mais c'est à peu près cela. Vous permettez aux entreprises du secteur privé, en concurrence les unes avec les autres, de faire une offre et vous retenez les groupes qui ont les qualités voulues. Le gouvernement retiendra les entreprises qui ont déjà fait leurs preuves dans le domaine en question, et ces entreprises vont ainsi pouvoir innover et assurer le service voulu au meilleur coût.
L'autre solution est, pour le gouvernement, de contacter les ingénieurs et autres spécialistes, de lancer un appel d'offres, et assurer lui-même la gestion du système énergétique en espérant que tout ira comme prévu, au lieu de procéder dans le cadre d'un contrat contenant des exigences très précises et lui donnant la possibilité de dire, « Vous n'avez pas assuré notre alimentation énergétique à un taux suffisant d'efficacité, voici les pénalités qui vont vous être imposées ». Les pénalités représentent bien sûr, pour l'investisseur, un risque financier.
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Je suis heureux de vous l'entendre dire. C'est même rassurant parce qu'on entend souvent que les PPP traditionnels, dans plusieurs pays et même chez nous au Québec, présentent le même problème, soit un manque de succès à cause de mauvaises applications ou de mauvaise gestion.
Ma prochaine question va s'adresser à M. Lee.
Un peu plus tôt, vous parliez de la motivation des gens élus. Je comprends parfaitement. Cependant, je pense que le but d'un gouvernement est de se responsabiliser et non pas de faire le contraire. Malheureusement, je vois qu'avec les PPP, on reporte les problèmes à plus tard. Qu'est-ce qu'une bonne planification? Va-t-on constater s'il y a eu une bonne planification 30 ans plus tard? Là est la question. On se retrouve toujours avec des trous. On parle de prendre des risques, mais bizarrement, toutes les fois qu'un PPP semble échouer c'est toujours nous qui ramassons la facture, les problèmes et la gestion.
J'ai eu l'honneur d'aller au Mexique où j'ai pu circuler sur une autoroute qui avait été construite en PPP. Mais, finalement, après m'être renseigné correctement, j'ai su que cela n'en n'était pas un. L'autoroute a été construite par le secteur privé, qui a assumé les coûts de l'autoroute de A à Z. Le gouvernement a un pouvoir de rachat vers la fin de l'entente. Donc, 30 ans plus tard, le gouvernement rachètera peut-être l'autoroute ou non. Donc, il y a d'autres formules qui existent qui sont tout aussi intéressantes.
Le problème avec les PPP, c'est qu'on se retrouve toujours un peu comme dans le cas du pont de l'autoroute 25 avec une espèce de taxe cachée. En fait, initialement, les coûts devaient être la moitié de ce que cela a finalement coûté. Par ailleurs, le projet a été livré à temps. Il y a aussi le fait que les taux devaient être bas et qu'il y aurait une faible utilisation. La planification a été très mauvaise parce qu'avec les deux jonctions, on ne se rend pas dans une municipalité, mais bien vers deux autoroutes. On part de l'autoroute 40 et on se rend à l'autoroute 25 pour atteindre l'autoroute 440. On s'aperçoit qu'il y a eu une très mauvaise planification parce que l'autoroute n'a pas été modifiée selon le nombre de véhicules qui y circulent. Plus il y a de véhicules qui y circulent, plus le taux va augmenter. C'est tout un succès, c'est incroyable!
Les contribuables se retrouvent à payer 500 millions de dollars pour le pont, ce qui est beaucoup plus coûteux que prévu. On se retrouve avec des taux qui vont toujours être à la hausse et où la population n'a pas un mot à dire parce que les gens élus ont des comptes à rendre.
Considérez-vous que le fait de déresponsabiliser le gouvernement serait une façon de faire en sorte — c'est un paradoxe — d'augmenter sa capacité de planification pour les futurs projets au niveau des PPP?
Je sais que vous ne voulez pas que je revienne sur l'exemple du parc Lansdowne, et je n'entrerai donc pas dans le détail. Je ne vous citerai aucun nom, mais, de manière générale, ce que je critique c'est que je lui reproche, c'est son mécanisme trop compliqué. Ce projet a trop de volets disparates, chacun comportant des exigences distinctes et appelant une appréciation distincte du risque commercial. On avait prévu un bâtiment de stationnement, une patinoire, un stade de football, un centre d'achat, tout cela dans le cadre d'un même PPP.
Je vais maintenant tenter de répondre à votre question. Je vais citer, en cela, les études menées par les professeurs Vining et Boardman. Les PPP qui ont donné les meilleurs résultats sont ce que j'appelle, faute d'une meilleure expression, des projets à but unique. Ainsi, un PPP ne regrouperait pas tout un ensemble d'activités. Il pourrait s'agir d'un hôpital, ou de l'immeuble du SCRS, ou d'un pont à l'Île-du-Prince-Édouard. Le projet n'engloberait pas, par exemple, la construction d'un hôtel installé sur le pont que l'on va construire avec, à côté, un stade de hockey.
Ce que je veux dire, c'est que plus le projet est complexe, c'est-à-dire plus il englobe de multiples activités commerciales ou d'unités stratégiques sectorielles, plus il devient lourd et difficile à gérer et plus sont nombreuses les chances d'échec.
Pour répondre à votre question de manière encore plus concrète, je crois pouvoir dire que les PPP qui on le plus de chances de succès sont ceux qui visent un objet très clairement défini — une route, une aérogare, un pont, un hôpital. D'abord, on possède, pour ce genre de construction, une longue expérience qui permet de mieux évaluer les risques. Le secteur privé a, en effet, accumulé au cours des ans, une vaste expérience de ce genre de construction.
Il faut que le gouvernement fasse dès le départ preuve d'une extrême diligence à l'égard du secteur privé, afin, justement, de préciser quels sont les risques qui se posent, et d'essayer de prévoir les problèmes qui pourraient surgir. Nous allons devoir recourir davantage à des PPP afin de combler le déficit en matière d'infrastructure car le vieillissement de la population entraîne des dépenses croissantes, comme vous le savez, et il faudra trouver de nouveaux moyens de financement.
J'espère que nous allons en même temps recourir plus souvent aux péages, là où il est possible de prévoir des routes à péage, et adopter, pour les infrastructures qui constituent des « biens privés », une politique de facturation des utilisateurs. J'entends par biens privés les installations divisibles dont peuvent être exclus ceux qui n'acquittent pas le droit d'utilisation.