Bienvenue à la réunion no 133 du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Avant de commencer, j'aimerais demander à tout le monde, dans la salle, de consulter les lignes directrices qui figurent sur cette carte. On a mis en place des mesures pour prévenir les incidents de rétroaction acoustique et protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Je vous remercie de votre coopération.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que l'on a procédé à tous les tests de connexion nécessaires pour les participants à distance. Nous avons un problème avec M. May, mais cela ne va pas retarder davantage le début de la réunion. Je m'attends à ce que tout se passe bien. Je veux que vous sachiez que c'est fait.
Avant de commencer, j'aimerais rappeler aux députés que l'étude article par article du projet de loi , concernant les lésions cérébrales, aura lieu jeudi. Il reste 51 minutes pour présenter des amendements. À midi aujourd'hui, la liste des amendements sera distribuée, dès que possible, après ce délai.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et de la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude sur l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques au Canada.
J'aimerais accueillir le premier groupe de témoins. Nous accueillons aujourd'hui M. Jean‑Sébastien Fallu, professeur agrégé de l'Université de Montréal, qui comparaît en ligne.
Nous accueillons Mme Masha Krupp, qui est dans la salle. Elle est une mère dont la fille est morte d'une surdose de méthadone et dont le fils souffre d'une dépendance aux opioïdes.
Nous accueillons la Dre Eileen de Villa, cheffe en santé publique, de la Ville de Toronto.
Merci à tous d'être parmi nous, aujourd'hui. Comme on vous l'a expliqué, vous aurez cinq minutes pour présenter votre déclaration préliminaire.
[Français]
Je donne maintenant la parole à M. Jean-Sébastien Fallu, qui comparaît devant nous par vidéoconférence.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs les vice-présidents, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'offrir l'occasion de témoigner dans le cadre de l'étude sur l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques au Canada. C'est un sujet que je surveille, et je milite dans des organisations qui se consacrent à ces problèmes depuis 10 ans.
Je suis professeur agrégé à l'Université de Montréal depuis 20 ans. Je suis également rédacteur en chef de la revue Drogues, santé et sociétéet chercheur régulier au Centre de recherche en santé publique, à l'Institut universitaire sur les dépendances ainsi qu'au groupe Recherche et intervention sur les substances psychoactives — Québec, ou RISQ. De plus, je suis fondateur du Groupe de recherche et d'intervention psychosociale, ou GRIP, qui est bien connu au Québec et qui se consacre depuis près de 30 ans à la réduction des méfaits en milieux festifs. Enfin, je suis une personne ayant une expérience concrète et continue dans le domaine de la consommation de drogues.
Cela m'aurait fait plaisir d'être parmi vous en personne, aujourd'hui, mais je me trouve actuellement à Lisbonne pour deux événements scientifiques, soit la conférence Lisbon Addictions 2024 et la réunion annuelle de l'International Society of Addiction Journal Editors. J'y ai d'ailleurs fait une présentation, hier matin, avec M. Carl Hart, un neuropharmacologue de renommée mondiale. Il a écrit plusieurs livres, et le dernier, Drug Use for Grown-Ups: Chasing Liberty in the Land of Fear, est une lecture essentielle.
La crise des surdoses de drogues, ou plutôt celle du marché empoisonné, est avant tout une crise de politiques publiques et de stigmatisation. Mon témoignage se concentrera principalement sur la stigmatisation des personnes utilisatrices de drogues, sur les politiques en la matière et sur leurs effets délétères. J'accorderai une attention particulière à l'importance d'un débat éclairé en mettant l'accent sur les déterminants sociaux de la santé.
L'épidémie actuelle a été exacerbée par la pandémie de COVID‑19. En effet, le nombre de décès est passé d'environ 3 700 décès en 2019 à plus de 7 300 en 2022. La contamination du marché par des opioïdes comme le fentanyl et d'autres substances analogues, les nitazènes, les benzodiazépines, et j'en passe, joue également un rôle central dans cette aggravation. Il est crucial de reconnaître que la criminalisation et la punition des personnes utilisatrices de drogues sont inefficaces et stigmatisantes et qu'elles aggravent la situation. En dépit de la complexité de la situation, une chose reste claire: la stigmatisation des personnes utilisatrices de drogues entrave leur accès aux soins, ce qui amplifie ainsi la crise.
Il est donc nécessaire de recentrer notre analyse sur les causes fondamentales de cette crise, soit la contamination d'un marché non réglementé due aux politiques de prohibition, les défaillances des déterminants sociaux de la santé ainsi que la stigmatisation et l'exclusion sociale qui en découlent.
La stigmatisation se manifeste sous au moins trois formes: l'autostigmatisation, la stigmatisation sociale et la stigmatisation structurelle. Elle est associée à un nombre incroyable d'effets délétères. Il y a d'abord la déshumanisation, ce qui est mauvais, parce qu'on parle d'humains. Il y a aussi la honte, la perte d'estime de soi, la détresse, l'anxiété, la dépression, l'isolement social et l'augmentation de la consommation, ce qui crée exactement les effets contraires de ce qu'on cherche avec cette stigmatisation. Il y a également la diminution des demandes d'aide, la discrimination dans l'accès au logement, aux soins et à l'emploi. Tout cela mène à la pauvreté, à la détérioration de l'état de santé, à l'incarcération, et même au suicide. En somme, et ce n'est pas un slogan, la stigmatisation tue.
La stigmatisation est un déterminant social de la santé. La réduire est un objectif essentiel, malgré certains discours idéologiques qui avancent le contraire. Cela inclut l'utilisation d'un langage axé sur les personnes, précis, équilibré et sans jugement, ainsi que l'éducation des personnes et la transformation des représentations sociales. Le but ultime est la transformation des lois et des politiques sur les drogues.
La consommation de substances psychoactives fait partie intégrante de l'expérience humaine et animale depuis toujours. Tenter d'éradiquer ces comportements revient à combattre la nature même de l'humain et de l'animal, ou à combattre le vent. En conséquence, non seulement la prohibition et la criminalisation échouent-elles à atteindre leurs objectifs, mais elles aggravent aussi la situation et accentuent la crise.
En outre, nos politiques néolibérales contribuent à accroître la misère et la pauvreté. Les politiques de prohibition créent un marché toxique qui aggrave la crise. C'est le paradoxe de la prohibition. De plus, les déterminants sociaux de la santé sont loin d'être optimaux. Malgré le constat qui est fait quant au marché toxique et à la défaillance des déterminants sociaux, on persiste dans cette voie en stigmatisant, en excluant et en blâmant les individus, ce qui ne fait qu'aggraver le problème.
Depuis des décennies, notre approche est stigmatisante et déconnectée de la réalité, mais, plutôt que la remettre en question, on continue dans cette voie en espérant obtenir des résultats différents.
En terminant, je veux dire que, selon certaines personnes, la décriminalisation en Oregon et en Colombie‑Britannique a été un échec, mais c'est faux. La décriminalisation n'est qu'une partie infime de la solution. Elle ne résout pas les problèmes liés à la pauvreté ou à l'accès au logement, aux soins de santé, aux services sociaux et au traitement. Il en va de même pour ce qui est de l'accès à des emplois décents. En matière de solution, on avance souvent plusieurs propositions insuffisantes ou périphériques.
Cependant, ayant pris connaissance des mémoires et des témoignages présentés au Comité, j'observe que la grande majorité des experts recommandent la même chose que moi, c'est-à-dire repenser les politiques en matière de drogues en privilégiant des approches axées sur la santé publique et les droits de la personne; promouvoir les services de réduction des méfaits et l'accès aux soins de santé et aux services sociaux pour les personnes utilisatrices; investir dans tous les déterminants sociaux de la santé, y compris l'accès aux soins et la réduction de la stigmatisation; décriminaliser, encadrer et éventuellement légaliser les drogues; mettre en œuvre des politiques axées sur la réduction des méfaits; et, enfin, mettre au point davantage de services et les décentraliser pour éviter leur concentration.
Je pourrai définir et préciser ces recommandations au cours de la période des questions.
Merci de votre attention. Je demeure disponible pour répondre à vos questions.
Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui et de me donner l'occasion de raconter mon expérience des programmes de traitement à la méthadone et d'approvisionnement sécuritaire.
J'aimerais aborder très brièvement un point.
Ma fille, Larisa, est décédée en septembre 2020 des suites d'une intoxication à la méthadone, 12 jours après le début de son traitement à la méthadone. Je tenais à mettre ce point en relief parce qu'il existe d'autres moyens de mourir. Cette dose mortelle de méthadone a été administrée par un médecin de l'un des emplacements de Recovery Care, situé ici à Ottawa. Il n'a pas procédé à un essai de tolérance aux opioïdes pour ma fille avant qu'elle commence le programme de traitement à la méthadone. Malheureusement, 12 jours après le début du programme, elle a fait une surdose en raison de la dose que le médecin lui avait prescrite deux jours plus tôt.
Je crois qu'il est important de savoir que la méthadone est un outil formidable pour mettre une personne sur la voie du rétablissement, mais on doit également examiner la façon dont elle est administrée et prescrite et vérifier si les médecins qui la prescrivent savent ce qu'ils font et qu'ils ne sautent aucune étape.
Aujourd'hui, je veux parler de l'expérience négative prolongée et vécue par mon fils toxicomane. Il est suivi par le Dr Charles Breau à l'établissement de Recovery Care du Marché By sur la rue Rideau, depuis juin 2021, et reçoit un approvisionnement sécuritaire sous les soins de ce médecin depuis 2022. L'ordonnance de mon fils est de 28 comprimés d'hydromorphone par jour, en plus de sa dose actuelle de 45 milligrammes de méthadone; c'était 165 milligrammes, il y a un an. Il consomme encore des drogues illicites. Trois ans plus tard, mon fils consomme encore du fentanyl, du crack et de la méthadone, même s'il est suivi par le Dr Breau et l'établissement de Recovery Care depuis plus de trois ans.
Dès que mon fils a eu doit à un approvisionnement sécuritaire, il a commencé à le détourner. Je vois la plupart des patients qui sortent de la clinique, sur la rue Rideau — je les vois, en face de moi —, qui sortent du cabinet du Dr Breau, de la pharmacie, juste en face de l'endroit où je me gare. J'ai pris des photos. Je les vois compter des pilules blanches. Des revendeurs sortent de nulle part et leur remettent un petit objet emballé dans du plastique. Ils se déplacent ensuite de quelques pieds et commencent à fumer ou à s'injecter, en pleine rue. C'est mon expérience avec l'approvisionnement sécuritaire et c'est mon expérience avec mon fils.
Au cours des deux dernières années et demie, je suis allée personnellement voir le Dr Breau, et le père de mon fils l'a fait aussi, pour lui demander un plan de traitement et du counselling, et je lui ai dit que mon fils consommait du fentanyl, du crack, et que nous avions peur qu'il fasse une surdose.
Le Dr Breau n'a répondu à aucune de mes demandes. Il m'a répondu que c'est à mon fils de demander un plan de traitement, pas à moi. J'ai passé les deux ou trois dernières années à essentiellement surveiller mon fils. J'ai emménagé chez lui. En fait, il y a trois ou quatre semaines, j'ai dû appeler le 911 parce qu'il a fait une surdose. Le tout en étant suivi par le Dr Breau et les cliniques Recovery Care. Cela fait maintenant plus de trois ans. Pourquoi est‑ce que j'appelle encore les premiers intervenants, alors que ces cliniques, d'après ce que je comprends, reçoivent du Programme sur l'usage et les dépendances aux substances, le PUDS, un financement de plusieurs millions de dollars, plus de 10 millions de dollars, jusqu'à présent? Sur leur site Internet, ils prétendent que leur programme comprend un plan de traitement et du counselling en santé mentale personnalisés pour chaque patient. À ma connaissance, il n'y a qu'un conseiller en santé mentale dans les quatre cliniques, qui n'est disponible que virtuellement la plupart du temps.
En tant que personne qui a vécu l'expérience et qui a observé ce qui se passe à l'extérieur de la clinique Recovery Care, sur la rue Rideau, depuis les trois dernières années, en ce qui concerne le détournement dont j'ai été témoin, pas seulement avec mon fils, mais avec les gens en dehors de la clinique, cela ne marche pas. J'estime que l'approvisionnement sécuritaire a sa place et qu'il peut être utile, mais la dose doit être prise devant témoin. On peut donner aux toxicomanes 28 pilules et leur dire, voilà. Ils les vendront 3 $ la pilule, dans la rue. Il y a des trafiquants de drogues… Je le sais très bien, par l'intermédiaire de mon fils. Je l'ai vu. Ils viennent chez vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept. On peut les appeler à 2 heures du matin. Ils viennent chercher vos pilules d'hydromorphone et vous fournissent du crack.
Le fentanyl coûte aujourd'hui 60 $ le gramme. Il coûtait auparavant à 120 $ ou 170 $. Les toxicomanes sont comme mon fils, qui veut toujours se désintoxiquer grâce au type de soins qu'il reçoit à la clinique Recovery Care, en particulier, parce que c'est l'expérience que j'ai vécue.
Selon moi, le Dr Breau sait ce qui se passe, parce que je lui ai dit que je soupçonne mon fils de détourner son approvisionnement. Je veux comprendre pourquoi il reçoit autant de pilules. Où est le plan de traitement? Où est le counselling en santé mentale? Je dois lui sauver la vie. Après trois ans plus tard, je ne devrais pas appeler le 911; ils sont déjà débordés.
Pour terminer, ce que je veux dire, c'est que rien ne prouve que tous les fonds reçus du PUDS — qui est l'argent des contribuables, le vôtre et le mien — sont consacrés au traitement et au rétablissement des patients des cliniques Recovery Care. Je crois qu'il faut s'éloigner de ce que je considère comme un modèle légal néfaste en matière de stupéfiants pour adopter un modèle porteur d'espoir et axé sur le rétablissement, avec des traitements de désintoxication, des traitements de santé mentale, de l'aide pour acquérir des compétences professionnelles et un logement. Je crois que l'approvisionnement sécuritaire ne peut fonctionner que s'il est fait en présence de témoins, qu'il est administré et qu'il est accompagné d'un plan de traitement.
Comme je l'ai dit, j'ai passé les trois dernières années à essayer de maintenir mon fils en vie. Il a participé au programme d'approvisionnement sécuritaire. J'ai passé des heures, des semaines et des mois — et son père aussi — à chercher un programme de traitement axé sur le rétablissement. À ce stade, tous les chemins semblent pointer vers le modèle albertain.
Merci.
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Merci beaucoup. Bonjour. J'apprécie avoir la possibilité de comparaître devant le Comité, aujourd'hui.
Comme vous l'avez entendu, je suis la Dre Eileen de Villa, et je suis la cheffe en santé publique de la Ville de Toronto.
Le Comité le sait, je pense, j'ai contribué à la rédaction d'un exposé conjoint, avec des collègues de Montréal et de Vancouver, qui a été présenté au Comité plus tôt cette année. Cet exposé portait sur la nature de la crise des drogues toxiques dans les grandes villes du Canada; je suis donc très contente d'être ici, aujourd'hui, avec vous et de pouvoir vous donner des détails sur les informations qui ont déjà été fournies et, certainement, pour répondre à toutes vos questions.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à préciser que, quand je parle des données liées à la crise et à l'épidémie que nous connaissons aujourd'hui, je le fais dans le respect et avec une profonde compréhension de ce que ces données signifient. Comme les autres témoins viennent de le dire, nous parlons de personnes. Nous parlons des personnes qui nous sont chères, de nos amis, de nos familles et de nos collègues.
L'une des raisons pour lesquelles je suis ici, aujourd'hui, c'est pour vous raconter quelques histoires de notre clinique, où j'ai une équipe de collègues incroyables qui soutiennent des centaines de clients tous les jours.
Je ne saurais trop insister sur les efforts héroïques de nos partenaires de la prestation de services de première ligne; certains travaillent directement avec moi, et d'autres travaillent un peu partout dans tout le système, à Toronto. Ils ont vu l'épidémie flamber, au cours de la dernière décennie, comme l'a mentionné un autre témoin, M. Fallu. Mes collègues ont ressenti un chagrin incommensurable, tout comme de nombreuses collectivités dans tout le Canada. Mes collègues ont sauvé des milliers de vies, et ils continuent de se présenter tous les jours au travail, malgré les énormes pertes qu'ils ont connues et la nature persistante de l'épidémie dont nous sommes témoins.
J'aimerais vous parler de notre clinique, au cœur du centre-ville de Toronto, qui est gérée par Toronto Public Health, le bureau de la santé publique de Toronto. Nous offrons toute une gamme de services et de références, et nous recevons chaque année un très grand nombre de clients. L'année dernière, nous avons reçu 18 575 clients, et, en 2022, plus de 21 000 clients se sont présentés au service de consommation supervisée de Toronto Public Health.
Comme vous le savez, les sites de consommation supervisée sont des espaces cliniques où les gens peuvent apporter leur propre drogue pour la consommer en présence de professionnels de la santé formés. Je sais que le Comité a entendu dire que les preuves recueillies au Canada et à l'étranger, ainsi que notre propre expérience, à Toronto, ont montré que ces centres sauvent des vies et, oui, nous mettons les gens en contact avec les services sociaux et nous sommes une voie d'accès au traitement pour de nombreuses personnes.
Actuellement, 10 de ces centres se trouvent à Toronto; ils sont dirigés par divers fournisseurs de soins de santé, et sont financés par diverses sources. La demande — et le besoin — pour ces services est élevée.
Dans les 10 sites de consommation supervisée de Toronto, il y a eu un peu plus de 96 000 visites, en 2022, et un peu moins de 95 000 visites en 2023. Parmi ces visites, le personnel de ces services est intervenu près de 2 000 fois, en 2022, pour une surdose, et presque 2 300 fois, en 2023. Nous avons eu toutes ces surdoses, et nous sommes intervenus.
En plus d'assurer une intervention médicale en cas de surdose, les sites offrent également chaque année des milliers de références vers des services sociaux et de santé; il y en a eu environ 6 500, en 2022, et presque 10 000, en 2023. En plus de fournir des soins médicaux directs, nous savons que les sites constituent un point d'entrée important vers un système de soins de santé fragmenté, bien que bien intentionné. Nous aidons les personnes à accéder à d'autres sources de soins et de services et, bien sûr, à établir un lien, ce qui est un élément important des soins.
Quand les gens parlent de la réduction des méfaits, c'est à cela que ça ressemble, dans nos espaces cliniques. Ces efforts de réduction des méfaits sont conçus pour aller de pair avec la mise en relation des clients avec une série d'options de traitements.
À Toronto Public Health, nous gérons la seule clinique de traitement par agonistes opioïdes injectables de la ville. Nous avons actuellement un financement pour offrir cette option de traitement à environ 35 clients en tout temps, mais je peux vous dire que ce financement est limité dans le temps.
Ce programme offre de l'hydromorphone injectable à des clients ayant des problèmes médicaux et sociaux complexes et qui pourraient bénéficier de cette approche de traitement, qui est fourni sur place, dans notre clinique, et de manière contrôlée. Ce programme particulier comprend également des services de soutien intégrés pour les clients, des doses contrôlées et une surveillance, un réseau de références coordonné, une gestion des cas et une éducation sur les surdoses et la prévention.
L'admissibilité à ce programme suit les lignes directrices cliniques nationales et est axée sur les personnes qui sont exposées à un risque accru de surdose. Je dois souligner que la durée moyenne du traitement dans ce programme est d'un peu plus de 50 jours — 53 jours environ —, même si chaque client aura une expérience différente, par exemple si nous voyons qu'il y a d'autres problèmes et d'autres questions de santé. On peut établir une moyenne, mais l'expérience sera légèrement différente pour chaque personne.
En ce qui concerne ce type de traitement, nous avons noté que certaines personnes commenceront et arrêteront le traitement plusieurs fois. C'est pourquoi il est extrêmement important d'avoir un éventail d'options pour répondre aux besoins des personnes en fonction de leur parcours.
Quand on regarde nos données, on voit que, depuis que nous avons ouvert nos portes, le programme a servi un large éventail de clients âgés de 24 à 62 ans, dont 73 % s'identifient comme étant des hommes.
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Je crois certainement que l'approvisionnement sécuritaire, tel qu'il lui a été administré ces deux dernières années et demie, a certainement joué un rôle, parce qu'il… Le terme est « détourner », mais utilisons le vrai mot: cela s'appelle du « trafic ».
J'ai demandé à la police de venir lui parler de ce qu'il faisait. Il craint suffisamment les forces de l'ordre pour ne pas vouloir aller en prison. Il n'a pas de casier judiciaire.
Oui, selon moi et d'après mon expérience, l'approvisionnement sécuritaire, dans le cas de mon fils, n'était associé à aucun traitement. Le médecin lui donne simplement toutes ces pilules. Mon fils les détourne, se procure les drogues dont il a besoin, et il est toujours toxicomane.
D'après moi, s'il n'avait pas ces pilules et qu'il ne recevait pas de méthadone, et s'il recevait son hydromorphone et devait prendre sa dose devant témoin et qu'un plan de traitement y était associé, je pense que ce serait une réussite.
Dans l'état actuel des choses, je pense que c'est un échec. Il faut revoir tout cela, il faut une surveillance réglementaire.
Avec l'argent des contribuables, on inonde le marché avec des opioïdes mortels qui commencent à pénétrer dans les écoles secondaires. Les adolescents paient jusqu'à 10 $ pour une pilule d'hydromorphone.
Comment cela pourrait‑il nous aider?
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Je vais répondre dans l'autre langue, cette fois‑ci.
Pour commencer, je suis moi aussi profondément attristé par les décès liés à la drogue, car il y a de nombreux facteurs en jeu. Je demande au président et aux membres du Comité de mettre fin à la politisation du débat. J'ai dit dans mes observations que le débat doit être fondé sur les faits.
Les politiques sont plus ou moins restées les mêmes. Aucun changement majeur n'a été apporté aux politiques dans les neuf dernières années. Nous sommes encore sous un régime de criminalisation et de prohibition, et nous continuons de stigmatiser les gens, ce qui les empêche d'accéder à un traitement. Ce n'est pas nous qui inondons les rues de drogues; c'est la prohibition qui inonde les rues. Bien sûr, il peut y avoir du détournement, mais cela ne représente qu'une infime partie des problèmes majeurs causés par des décennies de prohibition, qui sont à l'origine de l'approvisionnement en drogues toxiques. C'est un fait. Les experts s'accordent pour le dire.
Si nous ne changeons pas notre façon de penser, la crise se prolongera et les décès continueront. Des gens meurent. Lorsque j'entends dire que nous devons adopter un modèle de rétablissement, je suis désolé, mais nous utilisons déjà un modèle de rétablissement depuis des décennies. C'est ce qui est le plus profitable — ce l'est beaucoup plus que la prévention ou la réduction des méfaits. Dans les dernières années, il y a eu un tout petit changement, dont nous avions grandement besoin, afin d'ajouter d'autres outils à la gamme offerte — un spectre de services pour répondre aux différents besoins des différentes couches de la société.
Le modèle de l'Alberta... C'est un faux dilemme. C'est un sophisme, et le modèle ne fait pas de prévention, ne réduit pas les méfaits et n'offre pas de traitements. Nous avons besoin de toutes ces choses. Nous avons besoin de tout cela. Toutes les personnes que je connais, qui défendent sérieusement la réduction des méfaits, s'entendent également sur le rétablissement. Dans son témoignage, la Dre de Villa a dit que la réduction des méfaits accélère l'accès au traitement et au rétablissement, parce que c'est un premier point de contact avec les gens. Je suis désolé, mais, pour ce qui est du modèle de rétablissement de l'Alberta, nous venons tout juste d'apprendre qu'ils sous-déclarent les décès, donc ce n'est pas un modèle à suivre.
Bien sûr, nous avons besoin de plus d'options de rétablissement, mais nous devons changer notre manière d'envisager le problème. C'est mon opinion.
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La stigmatisation structurelle est attribuable aux politiques et aux règlements, qu'il s'agisse de lois générales ou de règlements provenant des organisations. À la base, ce sont nos lois qui vont dicter ce qu'on fait relativement à la question des drogues.
Au fond, la stigmatisation est un processus par lequel on étiquette les individus comme étant hors normes et immoraux. Tant que la législation fera en sorte de punir et d'interdire de facto la consommation de substances, il y aura assurément de la stigmatisation.
Ma présentation d'hier portait sur l'importance de réduire la stigmatisation de l'usage de drogues plutôt que de réduire l'usage à proprement parler. Des gens, et même des idéologues qui se prétendent experts de la question, se sont prononcés sur la question. C'est le cas, par exemple, de M. Keith Humphreys, qui a écrit un article dans The Atlantic contenant beaucoup de faux arguments, de faux-fuyants. Ces gens tournent les coins ronds.
La stigmatisation structurelle est causée par nos lois. En interdisant un comportement normal humain qui existe depuis la nuit des temps — et qui existera toujours —, on stigmatise, on exclut et on tue des personnes. Comme je l'ai dit, la stigmatisation a tellement d'effets négatifs que, au bout du compte, elle tue des personnes.
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Je pourrais parler de plusieurs choses, mais je vais essayer d'être bref.
Si on ne fait que décriminaliser les drogues, comme l'ont fait certains États ou certaines provinces, sans régler la question de l'accès aux soins et aux traitements ou sans améliorer l'accès au logement et à des emplois décents, rien ne va changer. Je parle ici des déterminants sociaux. On n'a jamais prétendu que la décriminalisation permettrait de régler la crise des surdoses.
En fait, la décriminalisation fait en sorte que les gens ne fassent pas l'objet d'un dossier criminel. Elle permet aussi la déstigmatisation, mais ce n'est pas suffisant. Comme tout le monde le disait, il s'agit d'une demi-mesure et, comme celle-ci n'aura pas les effets escomptés, on va dire qu'il s'agit d'un échec et on va faire marche arrière. C'est exactement ce qu'on avait prédit, moi le premier.
La décriminalisation ne réglera pas les problèmes qui ont surgi à cause du capitalisme ou de la pauvreté. Il y a des gens qui vivent dans la rue, qui sont sans emploi, qui sont sans logement et qui ont des problèmes liés à la santé mentale. En effet, les politiques doivent avoir une portée beaucoup plus vaste. Il ne s'agit que d'un petit pas. Il faut aller plus loin et encadrer le marché. Évidemment, il ne s'agit que d'un outil de l'arsenal.
Selon des experts, le nombre de décès ou de personnes qui ont des problèmes liés à la consommation est similaire, qu'il y ait eu décriminalisation ou non. Dans ce cas, pourquoi continue-t-on à criminaliser les personnes? Pourquoi enfreindre les droits de la personne et continuer à criminaliser les gens, si ça n'a pas d'effet?
Je vais maintenant parler du traitement obligatoire. Les données scientifiques ont leurs limites, comme toujours. Certains experts disent que le traitement obligatoire est à peu près aussi efficace que le traitement volontaire. Selon ma lecture de la littérature scientifique, le traitement obligatoire est moins efficace. Surtout, il faut savoir comment gérer le risque de décès ou le traumatisme. Or, on ne parle pas de ça.
Comme on le sait, les personnes qui ont des dépendances ont souvent des traumatismes. Comment fait-on pour décider du seuil à partir duquel on impose le traitement? Ne devrait-on pas commencer par examiner les causes fondamentales de la dépendance, soit les déterminants sociaux de la santé et la pauvreté, ainsi que les traumatismes, par exemple? Ne devrait-on pas assurer l'accès aux soins plutôt que d'imposer un traitement obligatoire?
Pour terminer, je vais poser une dernière question. Pourrait-on rendre le traitement volontaire accessible avant de le rendre obligatoire? Il n'est même pas accessible, et il fait encore l'objet d'une stigmatisation. Autrement dit, il ne s'agit pas d'un service auquel la population et les politiciens accordent la priorité lors de l'allocation des ressources publiques.
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Je crois, comme M. Fallu, que la réponse, la solution, c'est un vaste éventail d'interventions. Je crois que nous avons besoin de tout: plus de prévention, plus de réduction des méfaits et plus de traitements et, oui, de meilleures politiques en matière de drogues. Les données probantes montrent que cela fait une différence et que la criminalisation de la consommation de drogues ne fonctionne pas. Cela n'a pas fonctionné pour l'alcool; cela ne fonctionnera pas pour les autres types de drogues. Je crois que c'est la version courte de l'histoire.
Je trouve regrettable que notre demande ait été perçue comme ne soutenant pas assez — et vous avez utilisé ces mots — « la sécurité communautaire et publique ». Je vous assure que la demande a été faite en tenant compte des consommateurs de drogues, bien entendu, et en visant à protéger le plus possible leur santé, mais il est également question du reste de la communauté, n'est‑ce pas? Je suis médecin en santé publique. Mon travail concerne la santé de la population, et cela inclut tout le monde. La demande a été élaborée avec une vaste gamme de parties prenantes, avec des consultations publiques et, oui, avec les forces de l'ordre — même si nous reconnaissons et soutenons toujours que, comme le montrent les données probantes, au bout du compte, lorsque nous parlons de consommation de drogue, cela doit être traité comme un problème de santé. Toutefois, les politiques font certainement une différence, l'environnement dans lequel nous menons nos activités fait une différence et, comme l'a dit M. Fallu plusieurs fois, aujourd'hui, devant le Comité, nous devons absolument tenir compte de l'ensemble des déterminants sociaux de la santé. La consommation de substances et les enjeux liés à la consommation de substances ne se produisent pas en dehors de tout contexte.
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... des raisons que Masha a mentionnées et des préoccupations sur le détournement, et pour beaucoup de personnes qui consomment des drogues dures, le Dilaudid ne suffit plus, parce qu'ils se mettent à consommer des drogues encore plus dures. Je tiens également à dire que je ne suis pas vraiment un partisan de la décriminalisation. Je crois que la police doit avoir les moyens juridiques de contrôler les personnes qui consomment et vendent publiquement de la drogue.
Ce que vous avez dit, Masha, c'est que vous croyez que c'est une tout autre chose, lorsque vous voyez ce qui se passe avec l'approvisionnement sécuritaire, où l'on distribue des drogues à une personne et qu'elle ne les apporte pas chez elle, mais qu'elle les vend, possiblement. C'est certainement ce dont la Dre de Villa a parlé pour une clinique en particulier.
Nous avons beaucoup entendu parler des données probantes sur l'approvisionnement sécuritaire. Lorsque j'ai lu la littérature, je me suis aperçu qu'une grande partie des données probantes viennent d'endroits comme l'Europe, où il y a beaucoup de sites d'injection supervisée, pour l'héroïne, et c'est exactement cela: un traitement devant témoin. C'est aussi le modèle suisse, où les gens peuvent se présenter deux à trois fois par jour pour obtenir une dose de drogue injectable, sous supervision. Dans la plupart des cas, ils ne rapportent pas la drogue chez eux. Quelqu'un a dit que notre approvisionnement sécuritaire et l'utilisation massive de Dilaudid est la version du pauvre de ce modèle, parce qu'il est plus coûteux d'avoir un programme de supervision. Je crois que vous avez déjà dit quelque chose à ce sujet, mais aux fins du compte-rendu, si vous avez l'option d'amener votre fils à la clinique de la Toronto Public Health pour qu'il reçoive une dose de médicament injectable, devant témoin, est‑ce que vous pensez que ce serait un meilleur traitement que celui qu'il reçoit présentement?
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Merci, monsieur le président.
Je vais poursuivre sur le même sujet. Nous savons que, en Alaska, l'année dernière seulement, il y a eu une augmentation de 45 % des décès causés par les drogues toxiques, et que le taux de mortalité est maintenant plus élevé là‑bas qu'en Colombie-Britannique. D'ailleurs, le taux de Lethbridge est le triple de celui de la Colombie-Britannique, où ils ont fermé les sites de consommation sécuritaire. À Regina, où il n'y a pas de sites de consommation sécuritaire, le taux de mortalité est 50 % plus élevé — en fait il est un peu plus élevé que cela — qu'en Colombie-Britannique. Le taux de Baltimore est 400 fois celui de la Colombie-Britannique. Le taux de mortalité au Tennessee et en Virginie-Occidentale sont tous deux plus élevés. Ils n'ont pas d'approvisionnement sécuritaire. Ils n'ont pas de décriminalisation.
Monsieur Fallu, vous avez entendu des politiciens dire que l'approvisionnement sécuritaire qui inonde les rues ou la décriminalisation sont responsable de ces taux de mortalité. Peut-être que vous pourriez nous en dire plus. En Colombie-Britannique, le taux de mortalité est passé de 7,9 % à 30,3 % sous le gouvernement de Mme Clark et de M. Rustad, dans les trois ans précédant le gouvernement du NPD, et il est passé de 30,3 % à 46 % sous le NPD de la Colombie-Britannique, avant de descendre à 41 % depuis la décriminalisation.
Pourriez-vous me donner votre opinion là‑dessus, parce que le gouvernement provincial n'avait pas l'approvisionnement sécuritaire et il n'avait pas la décriminalisation.
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Je ne dis pas « approvisionnement sécuritaire ». C'est très injuste de parler et de continuer de parler d'approvisionnement sécuritaire. Permettez-moi de politiser légèrement le discours, mais j'entends plus souvent des conservateurs parler contre la réduction des méfaits et les défenseurs de l'approvisionnement plus sécuritaire parlent d'« approvisionnement sécuritaire ». Nous utilisons le terme « plus sécuritaire », parce que c'est plus sécuritaire que les substances non réglementées et non contrôlées qui se trouvent sur le marché. C'est de la prohibition. La prohibition empêche l'adoption de règles et le contrôle de la qualité. Elle stigmatise les gens.
L'approvisionnement plus sécuritaire est une tentative de faire quelque chose, parce que le problème est, essentiellement, un problème de décès. Si les personnes décèdent d'une surdose, c'est parce qu'elles ne savent pas ce qu'elles consomment. J'ai pris du fentanyl à l'hôpital. Je savais ce que je consommais. Cela a été fait sous une supervision médicale. Le fentanyl n'est pas une drogue dangereuse. Le danger est de ne pas savoir ce que vous consommez. Si vous allez, par exemple, à un magasin de vins et spiritueux et que vous achetez de l'alcool, vous devez savoir ce que contient la bouteille. Est‑ce que c'est de l'alcool à 5 % ou à 95 %? Comment consommer de manière responsable? C'est impossible.
L'approvisionnement plus sécuritaire revient à mettre un pansement sur une jambe de bois, pour un problème beaucoup plus profond. Le problème, c'est l'absence de contrôle dans un contexte où les gens consomment et continueront de consommer, donc nous devons trouver des solutions nuancées, comme l'a dit ma collègue, la Dre de Villa.
Le concept d'approvisionnement plus sécuritaire est peut-être nouveau. Nous devons continuer de l'évaluer, mais, d'après ce que nous savons jusqu'à présent, la balance penche vers le positif.
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Merci, monsieur le président.
Madame Krupp, pour ce qui est du terme « approvisionnement sécuritaire », ou « approvisionnement plus sécuritaire », comme l'a mentionné l'intervenant précédent, les conservateurs n'ont pas inventé le terme. C'est en écoutant des gens comme vous raconter leur l'expérience que nous voyons que cette approche est tout sauf sécuritaire.
À entendre votre description de l'expérience de votre fils et de votre expérience, rien de cela ne semble sécuritaire. Rien de cela ne semble plus sécuritaire. Vous avez dit que son soi-disant approvisionnement sécuritaire était une monnaie d'échange, et vous avez parlé de son omniprésence dans les écoles secondaires, de son détournement et du manque de traçabilité de ce soi-disant approvisionnement sécuritaire ou plus sécuritaire.
Pourriez-vous nous donner votre opinion là‑dessus? Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que votre fils consomme encore du crack et du fentanyl. Est‑ce qu'il consomme encore des drogues dures tout en détournant son approvisionnement plus sécuritaire?
À votre avis, qu'est‑ce qui est sécuritaire dans tout cela?
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Je ne connaissais pas les détails du projet de loi , donc merci de m'avoir éclairée. Je vais me renseigner à ce sujet.
Il y a eu des changements. En fait, la méthadone était... Je veux parler de cela parce que je sais que le médecin a dit que la méthadone était très réglementée par Santé Canada jusqu'à 2015 ou 2016 si je ne me trompe pas.
Pourquoi est‑ce que soudainement tout le monde peut prescrire de la méthadone à n'importe quelle clinique? Un médecin qui n'a pas été formé pour prescrire de la méthadone a tué ma fille. C'est un fait.
En ce qui concerne la détention à domicile, c'est la chose la plus ridicule que j'aie jamais entendue. Autrement dit, vous pouvez produire du crack et n'importe quoi d'autre, vous pouvez être libéral dans un pays progressif, mais vous ne pouvez pas... Il n'est pas normal de consommer des drogues dures. On ne devrait pas encourager les gens à croire que c'est normal. Ce comportement devrait être traité, et on devrait aider les gens à se rétablir. Mon fils ne veut pas être toxicomane. Il ne veut pas consommer de la méthadone, du crack ou du fentanyl. Il veut être normal, mais il est toxicomane et nous avons tenté de lui trouver de l'aide.
Oui, c'est très nuancé, comme le médecin l'a dit. Tout d'abord, si vous produisez des stupéfiants et que vous les vendez sur la rue, vous allez en prison. Cela envoie un message. Peut-être que les gens devraient commencer à arpenter les rues, un peu comme un groupe de justiciers, et nous nous occuperons des trafiquants de stupéfiants en tant que parents.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais aussi offrir mes condoléances à Mme Krupp.
J'aimerais tous vous remercier du fond du cœur d'être présents.
Ma question s'adresse à M. Fallu.
[Français]
Bonjour, monsieur Fallu.
[Traduction]
Plus tôt, quelqu'un a mentionné quelque chose au sujet du modèle de l'Alberta. Je l'ai consulté parce que j'en ai entendu parler, mais, quand vous l'avez mentionné, j'ai pensé: « Laissez-moi creuser davantage ».
La première ministre de l'Alberta a dit que le modèle de la province fonctionnait, or, nous voyons que la crise des opioïdes a contribué à près de 90 % des décès en Alberta.
Que pensez-vous du modèle de l'Alberta et que pouvons-nous apprendre des faits?
Tout d'abord, encore une fois, j'aimerais souligner que nous devons avoir un débat fondé sur les faits. Je n'ai jamais dit, comme le prétend M. Moore, que rien n'avait changé. J'ai dit qu'il y avait eu de tout petits changements. S'il vous plaît, parlons de la réalité.
En passant, j'ai dit que j'étais une personne qui avait déjà consommé des drogues, et je suis une personne ordinaire. Je ne suis pas toxicomane. Je consomme depuis l'âge de 15 ans. Je dois modifier mon comportement. Tout le monde ici consomme sans doute de l'alcool dans la vie aussi. L'alcool, c'est une drogue dure.
En ce qui concerne le modèle de rétablissement, le rétablissement est très important, mais la toxicomanie ou une maladie liée à la consommation de drogues est le comportement humain le plus difficile à modifier. Nous appelions cela un problème de santé chronique. Même après trois ans, le taux de gens qui ont réussi à se débarrasser de leur dépendance est vraiment infime.
Nous devons aussi nous en remettre aux données probantes sur le rétablissement. C'est très difficile d'aider quelqu'un à arrêter de consommer. Aider les gens à mener une vie plus saine réduit la consommation, mais les gens font des rechutes, et recommencent à consommer. Parfois, la vie est longue pour se rétablir. Parfois, c'est plus facile, ou plus rapide, mais dans l'ensemble, le rétablissement est très important. Nous avons besoin de tous les outils. Ils pourraient être efficaces, dans certains cas, surtout quand les gens sont prêts et qu'ils ont d'autres facteurs pour les aider, mais si la stratégie repose seulement sur le rétablissement, nous allons tuer des gens.
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C'est une très bonne question.
Tout d'abord, vous avez raison; ce n'est pas tout le monde. C'est presque tout le monde lorsque vous incluez les médicaments au fil du temps sur toute une vie. C'est très rare que quelqu'un ne consomme pas d'alcool, de café, de tabac ou de médicaments, mais ce n'est pas tout le monde qui consomme.
Oui, j'y ai pensé. Je n'ai pas assez de temps pour vous expliquer mon parcours, mais ce n'est certainement pas pour glorifier les stupéfiants. Je veux vraiment travailler sur la déstigmatisation et le changement de représentation. Je dis cela parce que tout ce que nous voyons ne reflète pas du tout la réalité, parce qu'il y a beaucoup de gens qui consomment. Même des gens en santé et actifs de notre société, des contribuables, des juges, des agents de police, des avocats, des journalistes et des politiciens consomment des drogues. Nous n'arriverons pas à faire ce que nous voulons faire pour traiter cette réalité complexe tant que nous ne dirons pas la vérité.
Comme la Dre de Villa l'a dit, c'est complexe. Nous avons besoin de solutions complexes et d'une discussion nuancée. Je ne veux pas non plus dire... Et c'est peut-être le problème qui touche ces débats. Nous ne sommes pas nuancés; c'est soit bon, soit mauvais. Nous devons être nuancés. Ce n'est pas une question de glorifier la consommation de drogues.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à vous tous d'être présents. J'ai deux ou trois commentaires.
Tout d'abord, M. Fallu a parlé du fait qu'il fallait dépolitiser la situation. J'aimerais attirer toute votre attention sur une publication sur les médias sociaux datant de mai où il est indiqué « Bonjour tout le monde, @PierrePoilievre est un #dangerpublic. Il est beaucoup plus toxique pour la société que toutes les drogues. » Selon moi, ce n'est pas dépolitiser ce débat si important à mes yeux.
Cela dit, madame Krupp, merci beaucoup de votre témoignage. J'ai eu l'occasion de le lire et j'apprécie beaucoup que vous soyez ici. Excusez-moi de ne pas avoir pu être là dès le début.
Nous avons parlé un peu de la méthadone et, bien entendu, de la tragédie qui s'est produite dans votre famille à cet égard. J'ai déjà été médecin de famille et je pouvais prescrire de la méthadone. À l'époque, il était nécessaire de montrer que vous aviez les compétences nécessaires pour prescrire ce produit avant que l'on vous autorise à le faire. À la lumière de mes lectures, ces règles ont changé en 2017.
Selon vous, si ce règlement était toujours en vigueur, est‑ce que cela aurait changé quelque chose pour votre famille si une personne compétente avait prescrit le produit?
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Merci de poser cette question, car j'estime qu'il est important de l'expliquer, étant donné que Twitter — ou X — ne nous permet pas de dire bien des choses.
La raison pour laquelle j'ai dit cela, c'est qu'après que a fait quelques déclarations publiques sur la réduction des méfaits, la politique en matière de drogue et la crise des drogues à laquelle nous sommes confrontés, en toute honnêteté, il y a eu beaucoup de demi-vérités et même de mensonges. J'étais d'avis que, si nous voulons une démocratie, fonctionnelle de surcroît, nous devons avoir un débat informé, fondé sur des faits, et non pas sur des arguments émotifs et des demi-vérités. C'est pourquoi j'ai mentionné cela.
Je ne veux pas nécessairement personnaliser le débat, mais toutes les politiques qui tentent d'aller vers la prohibition, la répression et le langage stigmatisant, et les politiques applicables aux personnes qui sont des êtres humains, qui existent et qui ont des droits de la personne fondamentaux... Toute politique allant dans ce sens — qui poursuit ce que nous avons fait pendant des décennies et qui nous a menés là où nous sommes — est une politique en matière de drogues vraiment mauvaise et infondée.
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Je ne suis pas politicienne. Je suis une médecin qui tente de fournir les meilleurs conseils possible.
Je suis d'avis que lorsque la conversation prend une tournure politique, elle devient émotivement chargée et nous éloigne d'une discussion fondée sur des données probantes, ce qui est incroyablement important lorsque nous traitons de cette question relative à la santé.
Ce que je peux dire, c'est que les services de consommation supervisée font partie des services qui ont été récemment attaqués et critiqués. Lorsque nous examinons les éléments de preuve disponibles à Toronto concernant la mise en œuvre des services de consommation supervisée, nous constatons une diminution de 67 % des surdoses mortelles dans un rayon de 500 mètres autour des services de consommation supervisée. Nous constatons qu'il y a un impact.
Ce sont les genres de données qui doivent être communiquées. Il n'y a pas de doute. Il y a de la souffrance ainsi que des défis à relever.
Mme Krupp a parlé de ses propres expériences personnelles, et celles‑ci sont bien réelles. Comme je l'ai mentionné au début, nous parlons ici de vraies personnes, et c'est une raison de plus pour nous concentrer sur les éléments de preuve, pour réfléchir aux faits et nous engager dans cette discussion très difficile, parce que simplifier à l'excès et...
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Merci, monsieur le président.
La crise des drogues toxiques est complexe et multifactorielle. Elle exige beaucoup de rigueur. Pour trouver des solutions, il faut se baser sur des faits. Je pense effectivement qu'utiliser la souffrance des gens pour faire de la politique est toxique. Je voudrais dire au professeur Fallu que, lors d'un des discours du officielle, le Bloc québécois lui a demandé quelle différence il faisait entre la légalisation, la décriminalisation et la judiciarisation. Il a répondu que c'était du pareil au même.
Dans un contexte comme celui où vous travaillez, où vous avez accès à une tribune internationale, une réponse comme celle-là ne serait pas très crédible. Cependant, ce qui est toxique, c'est le fait de se lever à la Chambre des communes pendant la période des questions, de confondre la légalisation, la décriminalisation et la judiciarisation et d'exacerber la polarisation d'un débat sur la question de la cohabitation à Montréal en affirmant que la mairesse de Montréal veut légaliser les drogues dures.
Êtes-vous d'accord avec moi, professeur Fallu?
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Je suis d'accord pour dire que tout ce qui n'est pas orienté vers des faits et qui confond les concepts et les personnes est effectivement toxique. De tels propos ne tiennent pas du tout la route.
Bon nombre d'experts, partout dans le monde, étudient la question des politiques sur les drogues. Il existe de nombreuses approches politiques, notamment la déjudiciarisation, la dépénalisation, la décriminalisation de facto, la décriminalisation de jure et la légalisation. Il y a beaucoup de modèles, et ce n'est pas du tout du pareil au même.
Des modèles comme la décriminalisation ne règlent pas certaines questions. Par exemple, le Portugal est-il à l'abri du fentanyl? La réponse est non, parce que dans le cas d'une décriminalisation, que l'on appelle même parfois une déjudiciarisation, il n'y a pas de contrôle de la qualité. Le fentanyl pourrait donc apparaître là-bas. Il y circule déjà probablement, mais c'est beaucoup moins un problème.
Je pense qu'il faudrait tenir un débat éclairé, parler des faits, se baser sur l'avis des gens qui passent leur vie à étudier de près ces phénomènes. Dans le domaine des sciences, on retrouve des allégeances politiques très variées, mais on arrive tout de même à des consensus.
Nous ne sommes évidemment pas tous d'accord. Certains pensent que la décriminalisation suffit. Pour ma part, je ne suis pas de cet avis, parce que la décriminalisation ne règle pas les problèmes fondamentaux liés à la crise de surdoses, notamment le contrôle des produits, la stigmatisation, la corruption et la violence qui s'ensuit.
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Par l'entremise de la présidence, très brièvement, je crois effectivement qu'il y a un véritable danger associé à l'élimination des services de consommation supervisée.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous constatons que les services de consommation supervisée ont en fait empêché des surdoses fatales. Ils offrent également la possibilité aux gens d'accéder à d'importants services sociaux, et ils constituent des voies d'accès au traitement. Je crois que la perte des services de consommation supervisée se traduira par la perte de ces voies d'accès, que ce soit vers l'amélioration des services sociaux ou vers les services de traitement.
Je crois aussi que lorsque nous voyons ce que cela représente, nous constatons que des milliers de personnes dans l'ensemble de sites de consommation supervisée ont recours à ces services à Toronto. Si ces services ne sont plus offerts, je crois qu'il y aura encore davantage de personnes, particulièrement compte tenu de la crise du logement abordable, qui consommeront en public et causeront les types de problèmes dont bon nombre de personnes ont parlé ici, sans mentionner le fait que plus de surdoses se produiront en public. Cela sera un fardeau, je dirais, pour les ressources paramédicales, les ressources policières et le personnel des salles d'urgence.
J'entrevois de véritables problèmes associés à cette possibilité, compte tenu de notre expérience dans les services de consommation supervisée, mais comme je l'ai déjà dit au Comité et à toutes les autres parties qui m'ont posé la question, nous avons besoin de multiples domaines d'intervention. Nous avons besoin de multiples approches. Nous avons absolument besoin de plus de prévention. Oui, nous avons besoin d'une réduction des méfaits, et oui, nous avons besoin de traitements, et il nous faut un meilleur contexte politique qui améliore la santé des gens, qu'ils consomment de la drogue ou non.
Cela met fin à notre dernière série de questions.
Chers collègues, je vous rappelle que nous avons une réunion informelle juste après la période de questions, de 15 h 30 jusqu'à 16 h 25, avec une délégation de la Chambre des représentants aux États-Unis. Il s'agit d'une réunion informelle, mais cela ne ferait pas bonne figure si personne ne se présentait, donc si vous pouvez y assister, ce serait formidable de vous y voir. Nous devons nous arrêter sans faute à 16 h 25 parce qu'ils doivent rencontrer le comité de l'agriculture, je crois, après nous.
Je remercie infiniment tous nos témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
Madame Krupp, veuillez accepter mes plus sincères condoléances pour le décès de votre fille, et vous avez toute ma sympathie pour les épreuves que vous traversez avec votre fils. Aucun parent ne voudrait vivre cela, et le fait que vous le viviez et ayez le courage d'en parler publiquement... Merci.
Je remercie également nos témoins experts.
Le Comité souhaite‑t‑il lever la séance?
Des députés: D'accord.
Le président: La séance est levée.