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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 133 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 octobre 2024

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la réunion no 133 du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
    Avant de commencer, j'aimerais demander à tout le monde, dans la salle, de consulter les lignes directrices qui figurent sur cette carte. On a mis en place des mesures pour prévenir les incidents de rétroaction acoustique et protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Je vous remercie de votre coopération.
    Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que l'on a procédé à tous les tests de connexion nécessaires pour les participants à distance. Nous avons un problème avec M. May, mais cela ne va pas retarder davantage le début de la réunion. Je m'attends à ce que tout se passe bien. Je veux que vous sachiez que c'est fait.
     Avant de commencer, j'aimerais rappeler aux députés que l'étude article par article du projet de loi C‑277, concernant les lésions cérébrales, aura lieu jeudi. Il reste 51 minutes pour présenter des amendements. À midi aujourd'hui, la liste des amendements sera distribuée, dès que possible, après ce délai.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et de la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude sur l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques au Canada.
    J'aimerais accueillir le premier groupe de témoins. Nous accueillons aujourd'hui M. Jean‑Sébastien Fallu, professeur agrégé de l'Université de Montréal, qui comparaît en ligne.
    Nous accueillons Mme Masha Krupp, qui est dans la salle. Elle est une mère dont la fille est morte d'une surdose de méthadone et dont le fils souffre d'une dépendance aux opioïdes.
    Nous accueillons la Dre Eileen de Villa, cheffe en santé publique, de la Ville de Toronto.
    Merci à tous d'être parmi nous, aujourd'hui. Comme on vous l'a expliqué, vous aurez cinq minutes pour présenter votre déclaration préliminaire.

[Français]

    Je donne maintenant la parole à M. Jean-Sébastien Fallu, qui comparaît devant nous par vidéoconférence.
    Monsieur le président, pourrais-je demander aux interprètes de parler plus près du micro?
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Thériault.
    Je pense que ce n'est pas nécessaire pour moi de répéter votre demande. Je suis sûr que les interprètes vont respecter cela.
    Monsieur Jean-Sébastien Fallu, bienvenue au Comité.
    Vous avez la parole.
    Messieurs les vice-présidents, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'offrir l'occasion de témoigner dans le cadre de l'étude sur l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques au Canada. C'est un sujet que je surveille, et je milite dans des organisations qui se consacrent à ces problèmes depuis 10 ans.
    Je suis professeur agrégé à l'Université de Montréal depuis 20 ans. Je suis également rédacteur en chef de la revue Drogues, santé et sociétéet chercheur régulier au Centre de recherche en santé publique, à l'Institut universitaire sur les dépendances ainsi qu'au groupe Recherche et intervention sur les substances psychoactives — Québec, ou RISQ. De plus, je suis fondateur du Groupe de recherche et d'intervention psychosociale, ou GRIP, qui est bien connu au Québec et qui se consacre depuis près de 30 ans à la réduction des méfaits en milieux festifs. Enfin, je suis une personne ayant une expérience concrète et continue dans le domaine de la consommation de drogues.
    Cela m'aurait fait plaisir d'être parmi vous en personne, aujourd'hui, mais je me trouve actuellement à Lisbonne pour deux événements scientifiques, soit la conférence Lisbon Addictions 2024 et la réunion annuelle de l'International Society of Addiction Journal Editors. J'y ai d'ailleurs fait une présentation, hier matin, avec M. Carl Hart, un neuropharmacologue de renommée mondiale. Il a écrit plusieurs livres, et le dernier, Drug Use for Grown-Ups: Chasing Liberty in the Land of Fear, est une lecture essentielle.
     La crise des surdoses de drogues, ou plutôt celle du marché empoisonné, est avant tout une crise de politiques publiques et de stigmatisation. Mon témoignage se concentrera principalement sur la stigmatisation des personnes utilisatrices de drogues, sur les politiques en la matière et sur leurs effets délétères. J'accorderai une attention particulière à l'importance d'un débat éclairé en mettant l'accent sur les déterminants sociaux de la santé.
     L'épidémie actuelle a été exacerbée par la pandémie de COVID‑19. En effet, le nombre de décès est passé d'environ 3 700 décès en 2019 à plus de 7 300 en 2022. La contamination du marché par des opioïdes comme le fentanyl et d'autres substances analogues, les nitazènes, les benzodiazépines, et j'en passe, joue également un rôle central dans cette aggravation. Il est crucial de reconnaître que la criminalisation et la punition des personnes utilisatrices de drogues sont inefficaces et stigmatisantes et qu'elles aggravent la situation. En dépit de la complexité de la situation, une chose reste claire: la stigmatisation des personnes utilisatrices de drogues entrave leur accès aux soins, ce qui amplifie ainsi la crise.
    Il est donc nécessaire de recentrer notre analyse sur les causes fondamentales de cette crise, soit la contamination d'un marché non réglementé due aux politiques de prohibition, les défaillances des déterminants sociaux de la santé ainsi que la stigmatisation et l'exclusion sociale qui en découlent.
    La stigmatisation se manifeste sous au moins trois formes: l'autostigmatisation, la stigmatisation sociale et la stigmatisation structurelle. Elle est associée à un nombre incroyable d'effets délétères. Il y a d'abord la déshumanisation, ce qui est mauvais, parce qu'on parle d'humains. Il y a aussi la honte, la perte d'estime de soi, la détresse, l'anxiété, la dépression, l'isolement social et l'augmentation de la consommation, ce qui crée exactement les effets contraires de ce qu'on cherche avec cette stigmatisation. Il y a également la diminution des demandes d'aide, la discrimination dans l'accès au logement, aux soins et à l'emploi. Tout cela mène à la pauvreté, à la détérioration de l'état de santé, à l'incarcération, et même au suicide. En somme, et ce n'est pas un slogan, la stigmatisation tue.
    La stigmatisation est un déterminant social de la santé. La réduire est un objectif essentiel, malgré certains discours idéologiques qui avancent le contraire. Cela inclut l'utilisation d'un langage axé sur les personnes, précis, équilibré et sans jugement, ainsi que l'éducation des personnes et la transformation des représentations sociales. Le but ultime est la transformation des lois et des politiques sur les drogues.
    La consommation de substances psychoactives fait partie intégrante de l'expérience humaine et animale depuis toujours. Tenter d'éradiquer ces comportements revient à combattre la nature même de l'humain et de l'animal, ou à combattre le vent. En conséquence, non seulement la prohibition et la criminalisation échouent-elles à atteindre leurs objectifs, mais elles aggravent aussi la situation et accentuent la crise.
    En outre, nos politiques néolibérales contribuent à accroître la misère et la pauvreté. Les politiques de prohibition créent un marché toxique qui aggrave la crise. C'est le paradoxe de la prohibition. De plus, les déterminants sociaux de la santé sont loin d'être optimaux. Malgré le constat qui est fait quant au marché toxique et à la défaillance des déterminants sociaux, on persiste dans cette voie en stigmatisant, en excluant et en blâmant les individus, ce qui ne fait qu'aggraver le problème.
(1115)
    Depuis des décennies, notre approche est stigmatisante et déconnectée de la réalité, mais, plutôt que la remettre en question, on continue dans cette voie en espérant obtenir des résultats différents.
    En terminant, je veux dire que, selon certaines personnes, la décriminalisation en Oregon et en Colombie‑Britannique a été un échec, mais c'est faux. La décriminalisation n'est qu'une partie infime de la solution. Elle ne résout pas les problèmes liés à la pauvreté ou à l'accès au logement, aux soins de santé, aux services sociaux et au traitement. Il en va de même pour ce qui est de l'accès à des emplois décents. En matière de solution, on avance souvent plusieurs propositions insuffisantes ou périphériques.
    Cependant, ayant pris connaissance des mémoires et des témoignages présentés au Comité, j'observe que la grande majorité des experts recommandent la même chose que moi, c'est-à-dire repenser les politiques en matière de drogues en privilégiant des approches axées sur la santé publique et les droits de la personne; promouvoir les services de réduction des méfaits et l'accès aux soins de santé et aux services sociaux pour les personnes utilisatrices; investir dans tous les déterminants sociaux de la santé, y compris l'accès aux soins et la réduction de la stigmatisation; décriminaliser, encadrer et éventuellement légaliser les drogues; mettre en œuvre des politiques axées sur la réduction des méfaits; et, enfin, mettre au point davantage de services et les décentraliser pour éviter leur concentration.
    Je pourrai définir et préciser ces recommandations au cours de la période des questions.
    Merci de votre attention. Je demeure disponible pour répondre à vos questions.
     Merci, monsieur Fallu.

[Traduction]

    C'est ensuite au tour de Mme Krupp, bienvenue au Comité. Merci d'être ici parmi nous. Vous avez la parole.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui et de me donner l'occasion de raconter mon expérience des programmes de traitement à la méthadone et d'approvisionnement sécuritaire.
    J'aimerais aborder très brièvement un point.
    Ma fille, Larisa, est décédée en septembre 2020 des suites d'une intoxication à la méthadone, 12 jours après le début de son traitement à la méthadone. Je tenais à mettre ce point en relief parce qu'il existe d'autres moyens de mourir. Cette dose mortelle de méthadone a été administrée par un médecin de l'un des emplacements de Recovery Care, situé ici à Ottawa. Il n'a pas procédé à un essai de tolérance aux opioïdes pour ma fille avant qu'elle commence le programme de traitement à la méthadone. Malheureusement, 12 jours après le début du programme, elle a fait une surdose en raison de la dose que le médecin lui avait prescrite deux jours plus tôt.
    Je crois qu'il est important de savoir que la méthadone est un outil formidable pour mettre une personne sur la voie du rétablissement, mais on doit également examiner la façon dont elle est administrée et prescrite et vérifier si les médecins qui la prescrivent savent ce qu'ils font et qu'ils ne sautent aucune étape.
    Aujourd'hui, je veux parler de l'expérience négative prolongée et vécue par mon fils toxicomane. Il est suivi par le Dr Charles Breau à l'établissement de Recovery Care du Marché By sur la rue Rideau, depuis juin 2021, et reçoit un approvisionnement sécuritaire sous les soins de ce médecin depuis 2022. L'ordonnance de mon fils est de 28 comprimés d'hydromorphone par jour, en plus de sa dose actuelle de 45 milligrammes de méthadone; c'était 165 milligrammes, il y a un an. Il consomme encore des drogues illicites. Trois ans plus tard, mon fils consomme encore du fentanyl, du crack et de la méthadone, même s'il est suivi par le Dr Breau et l'établissement de Recovery Care depuis plus de trois ans.
    Dès que mon fils a eu doit à un approvisionnement sécuritaire, il a commencé à le détourner. Je vois la plupart des patients qui sortent de la clinique, sur la rue Rideau — je les vois, en face de moi —, qui sortent du cabinet du Dr Breau, de la pharmacie, juste en face de l'endroit où je me gare. J'ai pris des photos. Je les vois compter des pilules blanches. Des revendeurs sortent de nulle part et leur remettent un petit objet emballé dans du plastique. Ils se déplacent ensuite de quelques pieds et commencent à fumer ou à s'injecter, en pleine rue. C'est mon expérience avec l'approvisionnement sécuritaire et c'est mon expérience avec mon fils.
    Au cours des deux dernières années et demie, je suis allée personnellement voir le Dr Breau, et le père de mon fils l'a fait aussi, pour lui demander un plan de traitement et du counselling, et je lui ai dit que mon fils consommait du fentanyl, du crack, et que nous avions peur qu'il fasse une surdose.
    Le Dr Breau n'a répondu à aucune de mes demandes. Il m'a répondu que c'est à mon fils de demander un plan de traitement, pas à moi. J'ai passé les deux ou trois dernières années à essentiellement surveiller mon fils. J'ai emménagé chez lui. En fait, il y a trois ou quatre semaines, j'ai dû appeler le 911 parce qu'il a fait une surdose. Le tout en étant suivi par le Dr Breau et les cliniques Recovery Care. Cela fait maintenant plus de trois ans. Pourquoi est‑ce que j'appelle encore les premiers intervenants, alors que ces cliniques, d'après ce que je comprends, reçoivent du Programme sur l'usage et les dépendances aux substances, le PUDS, un financement de plusieurs millions de dollars, plus de 10 millions de dollars, jusqu'à présent? Sur leur site Internet, ils prétendent que leur programme comprend un plan de traitement et du counselling en santé mentale personnalisés pour chaque patient. À ma connaissance, il n'y a qu'un conseiller en santé mentale dans les quatre cliniques, qui n'est disponible que virtuellement la plupart du temps.
    En tant que personne qui a vécu l'expérience et qui a observé ce qui se passe à l'extérieur de la clinique Recovery Care, sur la rue Rideau, depuis les trois dernières années, en ce qui concerne le détournement dont j'ai été témoin, pas seulement avec mon fils, mais avec les gens en dehors de la clinique, cela ne marche pas. J'estime que l'approvisionnement sécuritaire a sa place et qu'il peut être utile, mais la dose doit être prise devant témoin. On peut donner aux toxicomanes 28 pilules et leur dire, voilà. Ils les vendront 3 $ la pilule, dans la rue. Il y a des trafiquants de drogues… Je le sais très bien, par l'intermédiaire de mon fils. Je l'ai vu. Ils viennent chez vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept. On peut les appeler à 2 heures du matin. Ils viennent chercher vos pilules d'hydromorphone et vous fournissent du crack.
(1120)
    Le fentanyl coûte aujourd'hui 60 $ le gramme. Il coûtait auparavant à 120 $ ou 170 $. Les toxicomanes sont comme mon fils, qui veut toujours se désintoxiquer grâce au type de soins qu'il reçoit à la clinique Recovery Care, en particulier, parce que c'est l'expérience que j'ai vécue.
    Selon moi, le Dr Breau sait ce qui se passe, parce que je lui ai dit que je soupçonne mon fils de détourner son approvisionnement. Je veux comprendre pourquoi il reçoit autant de pilules. Où est le plan de traitement? Où est le counselling en santé mentale? Je dois lui sauver la vie. Après trois ans plus tard, je ne devrais pas appeler le 911; ils sont déjà débordés.
    Pour terminer, ce que je veux dire, c'est que rien ne prouve que tous les fonds reçus du PUDS — qui est l'argent des contribuables, le vôtre et le mien — sont consacrés au traitement et au rétablissement des patients des cliniques Recovery Care. Je crois qu'il faut s'éloigner de ce que je considère comme un modèle légal néfaste en matière de stupéfiants pour adopter un modèle porteur d'espoir et axé sur le rétablissement, avec des traitements de désintoxication, des traitements de santé mentale, de l'aide pour acquérir des compétences professionnelles et un logement. Je crois que l'approvisionnement sécuritaire ne peut fonctionner que s'il est fait en présence de témoins, qu'il est administré et qu'il est accompagné d'un plan de traitement.
    Comme je l'ai dit, j'ai passé les trois dernières années à essayer de maintenir mon fils en vie. Il a participé au programme d'approvisionnement sécuritaire. J'ai passé des heures, des semaines et des mois — et son père aussi — à chercher un programme de traitement axé sur le rétablissement. À ce stade, tous les chemins semblent pointer vers le modèle albertain.
    Merci.
    Merci, madame Krupp.
    C'est ensuite au tour de la Dre Eileen de Villa, cheffe en santé publique, de la Ville de Toronto.
    Je vous souhaite la bienvenue au Comité, docteure de Villa. Vous avez la parole.
    Merci beaucoup. Bonjour. J'apprécie avoir la possibilité de comparaître devant le Comité, aujourd'hui.
    Comme vous l'avez entendu, je suis la Dre Eileen de Villa, et je suis la cheffe en santé publique de la Ville de Toronto.
    Le Comité le sait, je pense, j'ai contribué à la rédaction d'un exposé conjoint, avec des collègues de Montréal et de Vancouver, qui a été présenté au Comité plus tôt cette année. Cet exposé portait sur la nature de la crise des drogues toxiques dans les grandes villes du Canada; je suis donc très contente d'être ici, aujourd'hui, avec vous et de pouvoir vous donner des détails sur les informations qui ont déjà été fournies et, certainement, pour répondre à toutes vos questions.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à préciser que, quand je parle des données liées à la crise et à l'épidémie que nous connaissons aujourd'hui, je le fais dans le respect et avec une profonde compréhension de ce que ces données signifient. Comme les autres témoins viennent de le dire, nous parlons de personnes. Nous parlons des personnes qui nous sont chères, de nos amis, de nos familles et de nos collègues.
    L'une des raisons pour lesquelles je suis ici, aujourd'hui, c'est pour vous raconter quelques histoires de notre clinique, où j'ai une équipe de collègues incroyables qui soutiennent des centaines de clients tous les jours.
    Je ne saurais trop insister sur les efforts héroïques de nos partenaires de la prestation de services de première ligne; certains travaillent directement avec moi, et d'autres travaillent un peu partout dans tout le système, à Toronto. Ils ont vu l'épidémie flamber, au cours de la dernière décennie, comme l'a mentionné un autre témoin, M. Fallu. Mes collègues ont ressenti un chagrin incommensurable, tout comme de nombreuses collectivités dans tout le Canada. Mes collègues ont sauvé des milliers de vies, et ils continuent de se présenter tous les jours au travail, malgré les énormes pertes qu'ils ont connues et la nature persistante de l'épidémie dont nous sommes témoins.
    J'aimerais vous parler de notre clinique, au cœur du centre-ville de Toronto, qui est gérée par Toronto Public Health, le bureau de la santé publique de Toronto. Nous offrons toute une gamme de services et de références, et nous recevons chaque année un très grand nombre de clients. L'année dernière, nous avons reçu 18 575 clients, et, en 2022, plus de 21 000 clients se sont présentés au service de consommation supervisée de Toronto Public Health.
    Comme vous le savez, les sites de consommation supervisée sont des espaces cliniques où les gens peuvent apporter leur propre drogue pour la consommer en présence de professionnels de la santé formés. Je sais que le Comité a entendu dire que les preuves recueillies au Canada et à l'étranger, ainsi que notre propre expérience, à Toronto, ont montré que ces centres sauvent des vies et, oui, nous mettons les gens en contact avec les services sociaux et nous sommes une voie d'accès au traitement pour de nombreuses personnes.
    Actuellement, 10 de ces centres se trouvent à Toronto; ils sont dirigés par divers fournisseurs de soins de santé, et sont financés par diverses sources. La demande — et le besoin — pour ces services est élevée.
    Dans les 10 sites de consommation supervisée de Toronto, il y a eu un peu plus de 96 000 visites, en 2022, et un peu moins de 95 000 visites en 2023. Parmi ces visites, le personnel de ces services est intervenu près de 2 000 fois, en 2022, pour une surdose, et presque 2 300 fois, en 2023. Nous avons eu toutes ces surdoses, et nous sommes intervenus.
    En plus d'assurer une intervention médicale en cas de surdose, les sites offrent également chaque année des milliers de références vers des services sociaux et de santé; il y en a eu environ 6 500, en 2022, et presque 10 000, en 2023. En plus de fournir des soins médicaux directs, nous savons que les sites constituent un point d'entrée important vers un système de soins de santé fragmenté, bien que bien intentionné. Nous aidons les personnes à accéder à d'autres sources de soins et de services et, bien sûr, à établir un lien, ce qui est un élément important des soins.
    Quand les gens parlent de la réduction des méfaits, c'est à cela que ça ressemble, dans nos espaces cliniques. Ces efforts de réduction des méfaits sont conçus pour aller de pair avec la mise en relation des clients avec une série d'options de traitements.
(1125)
    À Toronto Public Health, nous gérons la seule clinique de traitement par agonistes opioïdes injectables de la ville. Nous avons actuellement un financement pour offrir cette option de traitement à environ 35 clients en tout temps, mais je peux vous dire que ce financement est limité dans le temps.
    Ce programme offre de l'hydromorphone injectable à des clients ayant des problèmes médicaux et sociaux complexes et qui pourraient bénéficier de cette approche de traitement, qui est fourni sur place, dans notre clinique, et de manière contrôlée. Ce programme particulier comprend également des services de soutien intégrés pour les clients, des doses contrôlées et une surveillance, un réseau de références coordonné, une gestion des cas et une éducation sur les surdoses et la prévention.
    L'admissibilité à ce programme suit les lignes directrices cliniques nationales et est axée sur les personnes qui sont exposées à un risque accru de surdose. Je dois souligner que la durée moyenne du traitement dans ce programme est d'un peu plus de 50 jours — 53 jours environ —, même si chaque client aura une expérience différente, par exemple si nous voyons qu'il y a d'autres problèmes et d'autres questions de santé. On peut établir une moyenne, mais l'expérience sera légèrement différente pour chaque personne.
    En ce qui concerne ce type de traitement, nous avons noté que certaines personnes commenceront et arrêteront le traitement plusieurs fois. C'est pourquoi il est extrêmement important d'avoir un éventail d'options pour répondre aux besoins des personnes en fonction de leur parcours.
    Quand on regarde nos données, on voit que, depuis que nous avons ouvert nos portes, le programme a servi un large éventail de clients âgés de 24 à 62 ans, dont 73 % s'identifient comme étant des hommes.
(1130)
    Je dois vous demander de conclure, docteure de Villa. Certaines personnes sont impatientes de vous poser des questions.
    Je vais conclure. Permettez-moi de vous raconter une petite histoire.
    Rapidement, s'il vous plaît.
    En ce qui concerne ce service, nous avons obtenu des résultats vraiment incroyables.
    Avant le début de la réunion du Comité, je parlais à un autre témoin, ici, d'une cliente qui s'était présentée à notre service. Elle était enceinte au moment où elle s'est présentée à notre programme de traitement par agonistes opioïdes injectables. Sa grossesse s'est bien passée et elle a donné naissance à un bébé en bonne santé; elle a réussi à terminer le traitement et est aujourd'hui logée. Elle a obtenu la garde de ses autres enfants et mène une vie heureuse et saine.
    Je pense qu'il y a beaucoup de possibilités, ici. Il existe toute une série de problèmes, et toute une série d'options doivent être accessibles. Nous avons entendu parler de l'importance des politiques, mais il faut également des approches solides — la prévention, la réduction des méfaits, les traitements — qui prennent en considération toutes les conditions qui optimisent la santé et qui donnent aux gens les meilleures chances de réaliser leur plein potentiel.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à nos séries de questions, en commençant par les conservateurs, pour six minutes.
    Madame Goodridge, allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je vais commencer.
    Madame Krupp, toutes mes condoléances pour la perte de votre fille. Vous êtes merveilleuse d'apporter votre soutien à votre fils pour l'aider à se rétablir.
     Après neuf ans de changements marqués des politiques en matière de dépendances, où le premier ministre, Justin Trudeau, a décidé d'inonder les rues avec des opioïdes dangereux et de créer…
    Monsieur le président, merci. Le micro du témoin n'était pas en sourdine.
    Pourriez-vous prolonger mon temps de parole?
    Oui, allez‑y.
    Merci.
    Après neuf ans de changements marqués des politiques en matière de dépendances des libéraux, qui ont inondé les rues avec des opioïdes dangereux, ont légalisé des drogues, comme le crack et l'héroïne en Colombie-Britannique, et ont normalisé la consommation de drogues pour toute une nouvelle génération, pensez-vous que cela a joué un rôle dans le fait qu'il est plus difficile pour votre fils de se rétablir de la toxicomanie?
    Je crois certainement que l'approvisionnement sécuritaire, tel qu'il lui a été administré ces deux dernières années et demie, a certainement joué un rôle, parce qu'il… Le terme est « détourner », mais utilisons le vrai mot: cela s'appelle du « trafic ».
    J'ai demandé à la police de venir lui parler de ce qu'il faisait. Il craint suffisamment les forces de l'ordre pour ne pas vouloir aller en prison. Il n'a pas de casier judiciaire.
    Oui, selon moi et d'après mon expérience, l'approvisionnement sécuritaire, dans le cas de mon fils, n'était associé à aucun traitement. Le médecin lui donne simplement toutes ces pilules. Mon fils les détourne, se procure les drogues dont il a besoin, et il est toujours toxicomane.
    D'après moi, s'il n'avait pas ces pilules et qu'il ne recevait pas de méthadone, et s'il recevait son hydromorphone et devait prendre sa dose devant témoin et qu'un plan de traitement y était associé, je pense que ce serait une réussite.
    Dans l'état actuel des choses, je pense que c'est un échec. Il faut revoir tout cela, il faut une surveillance réglementaire.
    Avec l'argent des contribuables, on inonde le marché avec des opioïdes mortels qui commencent à pénétrer dans les écoles secondaires. Les adolescents paient jusqu'à 10 $ pour une pilule d'hydromorphone.
    Comment cela pourrait‑il nous aider?
(1135)
    Eh bien, je pense que cela nous amène à ma prochaine question. Pensez-vous que, quand le gouvernement appelle cela de l'« approvisionnement sécuritaire », qu'il utilise ce terme et qu'il fasse croire qu'il est en quelque sorte sûr, cela en fait un mot responsable?
    D'après moi, c'est un approvisionnement non sécuritaire, en tant que mère qui a vécu l'expérience de voir comment la clinique de Recovery Care distribue son approvisionnement sécuritaire. Ce n'est pas sécuritaire. Ça l'est seulement lorsque cela se fait devant un témoin ou, comme le médecin, ici, dans leur clinique, lorsque c'est une dose injectable ou une dose prise devant témoin.
    Dans ce cas, je suis d'accord, mais il faut une surveillance. Il faut que cela fasse l'objet d'une vérification. On ne peut pas distribuer ce genre de drogues à des toxicomanes et s'attendre à ce qu'ils les prennent comme on leur a prescrit… comme, allons donc…
    C'est intéressant. Croyez-vous que le gouvernement est effectivement devenu le trafiquant de drogues, dans des cas comme celui de votre fils?
    Eh bien, voyons voir. Le médecin distribue des pilules d'hydromorphone en vertu d'une loi, une loi du gouvernement fédéral. On a le gouvernement fédéral. On a les médecins concernés. On a les pharmacies. Ensuite, on a les vendeurs de drogues illicites. Je dois dire que, à un échelon plus élevé, oui, le gouvernement libéral agit en ce moment comme un baron de la drogue, peut-être: voici votre hydromorphone, le médecin vous la donne ici, voici mon fils et voilà les revendeurs. C'est une chaîne, donc, oui.
    C'est terriblement inquiétant.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que votre fils va à une clinique de Recovery Care. Vous devez l'emmener chaque semaine, mais tout ce qu'on lui donne, c'est une ordonnance, et on lui fait passer un test de dépistage de drogues. Il n'a aucun service de counselling.
    J'ai consulté le site Web des cliniques de Recovery Care. Ils parlent de santé mentale, et ils semblent dire que cela existe, mais vous dites que, pendant les deux années où votre fils a participé à ce programme, il n'a reçu aucun soutien en santé mentale. C'est bien cela?
    Non, la seule chose, c'est que, quand j'ai envoyé par télécopieur des lettres au Dr Breau, ou le peu de fois où mon fils m'a permis d'aller lui parler, il rentrait à la maison avec une feuille de photocopie de tout ce à quoi tout le monde peut avoir accès, vous savez: Narcotiques Anonymes, la ligne d'écoute téléphonique pour urgences en santé mentale, la ligne téléphonique sur la prévention du suicide.
    C'est presque un affront pour moi, en tant que contribuable et en tant que mère d'un toxicomane, parce que je sais qu'ils reçoivent un financement. Êtes-vous en train de me dire qu'avec vos plus de 10 millions de dollars vous ne pouvez pas avoir un conseiller de plus dans votre clinique, sur place?
    D'après mon expérience sur trois ans, rien de ce qu'ils prétendent offrir, sur leur site Web, n'a jamais été offert à mon fils.
    D'après vous, a‑t‑il reçu les conseils d'un conseiller de la clinique Recovery Care?
    Non.
    Selon vous, a‑t‑il déjà reçu du counselling virtuel d'un conseiller associé à la clinique Recovery Care?
    Une fois, je crois. Le conseiller s'appelle Jimmy. Ma fille avait le même, même si elle était suivie dans une autre clinique de Recovery Care. Jimmy était conseiller pour les quatre cliniques.
    Parce que c'était pendant la COVID; au début, pendant la COVID, tout était fait virtuellement. Mon fils était d'accord, au début du programme, avant que l'approvisionnement sécuritaire n'entre en scène, pour parler à… Parce que nous, en tant que parents, nous lui avons donné des ultimatums: si tu ne fais pas du counselling, nous devrons… Vous savez, nous voulions qu'il pense aux conséquences. Il a parlé à Jimmy une fois. Pour le deuxième rendez-vous, Jimmy a annulé. Pour le troisième rendez-vous, mon fils a annulé. C'est tout.
    C'est extrêmement perturbant. Merci beaucoup de partager votre histoire.
    Ma prochaine question s'adresse à la Dre de Villa, très rapidement.
    Vous dites que les clients ont des témoins, à Toronto. C'est ce que vous vouliez, n'est‑ce pas, qu'il y ait toujours un témoin…? Est‑ce la raison pour laquelle vous avez demandé à Toronto de décriminaliser et de légaliser des drogues comme le crack, pour avoir davantage de programmes en présence de témoins? Ou était‑il question que tout soit permis?
    Par l'entremise de la présidence, ce que nous essayons de faire, c'est de donner des conseils fondés sur des données probantes sur la façon de gérer une situation vraiment très difficile sur le terrain…
(1140)
    En présence de témoins, oui ou non?
    Nous offrons un service clinique en présence de témoins, mais je reconnais qu'il faut tout un éventail d'options pour répondre aux différents besoins des différentes personnes.
    Merci, docteure de Villa.
    Merci, madame Goodrich.

[Français]

    Madame Brière, vous avez la parole pour six minutes.
     Je remercie tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.

[Traduction]

    Merci, madame Krupp, de nous avoir raconté votre histoire.

[Français]

     Dre de Villa, vous avez entendu les questions posées par des députés du Parti conservateur et les réponses que Mme Krupp a fournies.
    Dans quelles circonstances devrait-on permettre l'injection ou l'utilisation de drogues sans témoin?
    Y a-t-il des situations où on devrait exclure cette possibilité?

[Traduction]

    Par l'entremise de la présidence, j'aimerais vous remercier de votre question.
    Je pense que chaque rencontre avec un patient, comme cela se fait dans toute consultation médicale, commence par une évaluation des besoins de la personne et de la meilleure façon d'y répondre. Je vais être très franche avec le Comité: je suis médecin en santé publique et je ne participe donc pas activement aux soins individuels des patients, mais, d'après ma formation, lorsque je fournissais des soins individuels, il est extrêmement important de comprendre le diagnostic unique de la personne en face de vous. Quelles sont ses conditions de vie? Comment fournir alors la meilleure intervention thérapeutique fondée sur des données probantes et choisir le meilleur traitement médical? Comment faire en sorte que le traitement médical soit le plus efficace possible, compte tenu des conditions de vie uniques de cette personne?
    Que l'on traite l'hypertension artérielle ou le diabète, nous savons que chaque personne nécessitera une version légèrement adaptée du traitement. Il y a des lignes directrices générales, mais la façon de les appliquer dépend de la personne et de ce qui convient en fait.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Fallu, je vous remercie de participer à la réunion, même si vous vous trouvez outre-mer.
    Vous avez entendu les questions et les réponses. Ma question est très simple: qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je vais répondre dans l'autre langue, cette fois‑ci.
    Pour commencer, je suis moi aussi profondément attristé par les décès liés à la drogue, car il y a de nombreux facteurs en jeu. Je demande au président et aux membres du Comité de mettre fin à la politisation du débat. J'ai dit dans mes observations que le débat doit être fondé sur les faits.
    Les politiques sont plus ou moins restées les mêmes. Aucun changement majeur n'a été apporté aux politiques dans les neuf dernières années. Nous sommes encore sous un régime de criminalisation et de prohibition, et nous continuons de stigmatiser les gens, ce qui les empêche d'accéder à un traitement. Ce n'est pas nous qui inondons les rues de drogues; c'est la prohibition qui inonde les rues. Bien sûr, il peut y avoir du détournement, mais cela ne représente qu'une infime partie des problèmes majeurs causés par des décennies de prohibition, qui sont à l'origine de l'approvisionnement en drogues toxiques. C'est un fait. Les experts s'accordent pour le dire.
    Si nous ne changeons pas notre façon de penser, la crise se prolongera et les décès continueront. Des gens meurent. Lorsque j'entends dire que nous devons adopter un modèle de rétablissement, je suis désolé, mais nous utilisons déjà un modèle de rétablissement depuis des décennies. C'est ce qui est le plus profitable — ce l'est beaucoup plus que la prévention ou la réduction des méfaits. Dans les dernières années, il y a eu un tout petit changement, dont nous avions grandement besoin, afin d'ajouter d'autres outils à la gamme offerte — un spectre de services pour répondre aux différents besoins des différentes couches de la société.
    Le modèle de l'Alberta... C'est un faux dilemme. C'est un sophisme, et le modèle ne fait pas de prévention, ne réduit pas les méfaits et n'offre pas de traitements. Nous avons besoin de toutes ces choses. Nous avons besoin de tout cela. Toutes les personnes que je connais, qui défendent sérieusement la réduction des méfaits, s'entendent également sur le rétablissement. Dans son témoignage, la Dre de Villa a dit que la réduction des méfaits accélère l'accès au traitement et au rétablissement, parce que c'est un premier point de contact avec les gens. Je suis désolé, mais, pour ce qui est du modèle de rétablissement de l'Alberta, nous venons tout juste d'apprendre qu'ils sous-déclarent les décès, donc ce n'est pas un modèle à suivre.
    Bien sûr, nous avons besoin de plus d'options de rétablissement, mais nous devons changer notre manière d'envisager le problème. C'est mon opinion.
(1145)

[Français]

    Je vous remercie de votre réponse.
    Pouvez-vous proposer des solutions ou des recommandations?
    Les solutions et les propositions sont celles que j'ai mentionnées dans mon allocution. Je pourrais les préciser, mais, effectivement, on ne réglera jamais une question qui pose autant de problèmes sans faire beaucoup de choses. Il faut investir dans tous les déterminants sociaux de la santé. Nous avons d'excellents soins, au Canada, mais ils sont très peu accessibles. Les gens ont de la difficulté à avoir accès aux soins de santé et aux services sociaux. Il y a une crise liée à l'accès au logement, et les politiques en place stigmatisent les gens et les excluent. Cela crée un marché toxique. Arrêtons de nous conter des histoires.
    Le Canada a d'abord interdit le thé de pavot et l'opium, puis sont apparus la morphine, l'héroïne et le fentanyl. Chaque fois qu'on interdit une substance, d'autres drogues plus dangereuses et inconnues apparaissent. C'est à cause de nos politiques qu'un marché toxique existe.
    Nous refusons de réaliser que la consommation de substances fait partie de la nature humaine. Je l'ai déjà dit: cela ne disparaîtra jamais. Il faut donc trouver une façon d'encadrer le marché. Il existe, et il va toujours exister. Il faut choisir: soit on laisse le crime organisé accaparer le marché, soit on laisse cela aux multinationales, soit on laisse l'État s'en charger. Il y a bien sûr des risques, car il n'y aura jamais de politique parfaite. Il y a assurément des inconvénients liés à chacune d'entre elles, mais il faut trouver la meilleure. La meilleure politique, ce n'est pas de reculer sur le plan de la prohibition, c'est d'encadrer la politique.
    Merci, monsieur Fallu.
    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Mme Bruyère a déjà posé les questions que je voulais vous poser, monsieur Fallu. Je vais maintenant essayer de préciser certains points.
    Quand vous parlez de stigmatisation structurelle, pourriez-vous préciser à quoi vous faites allusion?
    La stigmatisation structurelle est attribuable aux politiques et aux règlements, qu'il s'agisse de lois générales ou de règlements provenant des organisations. À la base, ce sont nos lois qui vont dicter ce qu'on fait relativement à la question des drogues.
    Au fond, la stigmatisation est un processus par lequel on étiquette les individus comme étant hors normes et immoraux. Tant que la législation fera en sorte de punir et d'interdire de facto la consommation de substances, il y aura assurément de la stigmatisation.
    Ma présentation d'hier portait sur l'importance de réduire la stigmatisation de l'usage de drogues plutôt que de réduire l'usage à proprement parler. Des gens, et même des idéologues qui se prétendent experts de la question, se sont prononcés sur la question. C'est le cas, par exemple, de M. Keith Humphreys, qui a écrit un article dans The Atlantic contenant beaucoup de faux arguments, de faux-fuyants. Ces gens tournent les coins ronds.
    La stigmatisation structurelle est causée par nos lois. En interdisant un comportement normal humain qui existe depuis la nuit des temps — et qui existera toujours —, on stigmatise, on exclut et on tue des personnes. Comme je l'ai dit, la stigmatisation a tellement d'effets négatifs que, au bout du compte, elle tue des personnes.
    Vous avez mentionné brièvement tout à l'heure que l'Alberta ne donnait pas les vrais chiffres sur le taux de mortalité. Vous avez dit avoir appris que l'Alberta avait déclaré un nombre de décès inférieur au nombre réel.
    Par quelle voie, avez-vous appris cela?
    C'est un auteur indépendant qui a fait cette observation. Je pourrais retrouver la source de ce document, qui vient d'être publié, il y a deux jours.
(1150)
    Cette information serait effectivement très utile au Comité pour la rédaction de son rapport final.
    Vous avez dit qu'il fallait décriminaliser, encadrer et légaliser les drogues. Cependant, on constate une polarisation du débat. D'une part, l'Oregon fait marche arrière, de même que la Colombie‑Britannique. D'autre part, l'Alberta prétend que la désintoxication est volontaire et que c'est le nec plus ultra.
    Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné en Oregon et en Colombie‑Britannique?
    Pourquoi dites-vous que ce n'est pas un échec? À quelles conditions, cela aurait-il pu fonctionner?
    Je pourrais parler de plusieurs choses, mais je vais essayer d'être bref.
    Si on ne fait que décriminaliser les drogues, comme l'ont fait certains États ou certaines provinces, sans régler la question de l'accès aux soins et aux traitements ou sans améliorer l'accès au logement et à des emplois décents, rien ne va changer. Je parle ici des déterminants sociaux. On n'a jamais prétendu que la décriminalisation permettrait de régler la crise des surdoses.
    En fait, la décriminalisation fait en sorte que les gens ne fassent pas l'objet d'un dossier criminel. Elle permet aussi la déstigmatisation, mais ce n'est pas suffisant. Comme tout le monde le disait, il s'agit d'une demi-mesure et, comme celle-ci n'aura pas les effets escomptés, on va dire qu'il s'agit d'un échec et on va faire marche arrière. C'est exactement ce qu'on avait prédit, moi le premier.
    La décriminalisation ne réglera pas les problèmes qui ont surgi à cause du capitalisme ou de la pauvreté. Il y a des gens qui vivent dans la rue, qui sont sans emploi, qui sont sans logement et qui ont des problèmes liés à la santé mentale. En effet, les politiques doivent avoir une portée beaucoup plus vaste. Il ne s'agit que d'un petit pas. Il faut aller plus loin et encadrer le marché. Évidemment, il ne s'agit que d'un outil de l'arsenal.
    Selon des experts, le nombre de décès ou de personnes qui ont des problèmes liés à la consommation est similaire, qu'il y ait eu décriminalisation ou non. Dans ce cas, pourquoi continue-t-on à criminaliser les personnes? Pourquoi enfreindre les droits de la personne et continuer à criminaliser les gens, si ça n'a pas d'effet?
    Je vais maintenant parler du traitement obligatoire. Les données scientifiques ont leurs limites, comme toujours. Certains experts disent que le traitement obligatoire est à peu près aussi efficace que le traitement volontaire. Selon ma lecture de la littérature scientifique, le traitement obligatoire est moins efficace. Surtout, il faut savoir comment gérer le risque de décès ou le traumatisme. Or, on ne parle pas de ça.
    Comme on le sait, les personnes qui ont des dépendances ont souvent des traumatismes. Comment fait-on pour décider du seuil à partir duquel on impose le traitement? Ne devrait-on pas commencer par examiner les causes fondamentales de la dépendance, soit les déterminants sociaux de la santé et la pauvreté, ainsi que les traumatismes, par exemple? Ne devrait-on pas assurer l'accès aux soins plutôt que d'imposer un traitement obligatoire?
    Pour terminer, je vais poser une dernière question. Pourrait-on rendre le traitement volontaire accessible avant de le rendre obligatoire? Il n'est même pas accessible, et il fait encore l'objet d'une stigmatisation. Autrement dit, il ne s'agit pas d'un service auquel la population et les politiciens accordent la priorité lors de l'allocation des ressources publiques.
    Merci, monsieur Fallu.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, je tiens à offrir mes sincères condoléances à Mme Kurpp pour la perte de sa fille. Je tiens également à souligner le courage dont vous faites preuve en aidant votre fils et en défendant ses intérêts. C'est notre rôle, à nous tous, de vous aider à soutenir votre fils. Le but du Comité et de l'étude est de fournir des recommandations pour qu'il reste en vie et qu'il trouve un chemin vers une meilleure vie.
    Vous avez parlé de l'utilité de la thérapie de remplacement des drogues. Pourriez-vous nous dire quelle place elle devrait avoir?
    Parlez-vous de l'approvisionnement sécuritaire et de la manière dont est distribuée l'hydromorphone?
    Oui.
    J'ai vécu l'expérience, j'entends toutes ces réponses aux questions, tout ce bavardage, et je peux le comprendre, mais je voudrais savoir combien de personnes ici, au Comité, ont vécu la même expérience que moi. Vous pouvez parler de références. Je mentionne le modèle de l'Alberta simplement parce que, en tant que parents, nous cherchons désespérément un moyen de lui sauver la vie. Là‑bas, ils sont surveillés. Cela doit être surveillé.
    Nous devons cesser de distribuer des drogues qui se retrouvent ensuite dans les rues. C'est une monnaie d'échange pour les toxicomanes et les gens comme mon fils. L'hydromorphone demeurera une monnaie d'échange, à moins qu'elle soit strictement réglementée, peut-être dans un contexte pharmaceutique ou peut-être dans le contexte décrit par la docteure ici présente, mais on ne peut pas leur donner 28 pilules à la fois, quotidiennement, qu'ils vont échanger ensuite pour des drogues illégales. Cela va à l'encontre du but de l'approvisionnement sécuritaire.
(1155)
    Pensez-vous que le gouvernement provincial de l'Ontario déploie suffisamment d'efforts pour soutenir les personnes en difficulté — le gouvernement conservateur en place là‑bas — vu la crise de drogues toxiques à laquelle nous faisons face présentement?
    Je ne sais pas vraiment ce qui se passe en Ontario — je pense plutôt à Ottawa —, mais, de ce que j'ai appris aujourd'hui de la Dre de Villa, je dirais que je souhaiterais amener mon fils aux cliniques dont elle a parlé, où la consommation se fait devant témoin. Peut-être que cela aidera. Je ne veux plus qu'il soit capable de faire de la vente. La seule autre option qu'il me reste est d'appeler la police pour qu'il soit mis en prison, et ce n'est pas une option. Je ne veux plus qu'il puisse détourner son approvisionnement sécuritaire, lui et tous les autres patients que je vois faire. Ces personnes sont en situation d'itinérance et sont marginalisées, mais elles méritent d'être traitées, plutôt que de vendre leur stock, se promener dans un état de torpeur et s'effondrer sur le trottoir 12 pâtés de maisons plus loin. Vous pouvez tous vous y rendre et vous y promener, et voir ce que je vois tous les vendredis.
    Quelque chose doit être fait, et je ne sais pas sur quel... Je ne veux pas politiser le débat, mais ce que j'ai entendu la Dre de Villa dire, aujourd'hui, me permet d'espérer qu'il y aura des changements. Quelque chose doit être fait. Vous ne faites que créer d'autres toxicomanes. Vous faites entrer l'hydromorphone dans les écoles secondaires — c'est un fait —, et si tout le monde est d'accord, alors ne politisons pas le débat, faisons semblant que tout va bien.
    Je vous remercie encore du courage que vous avez démontré pour défendre votre fils.
    Docteure de Villa, plus tôt cette année, le gouvernement fédéral a rejeté la demande de Toronto, qui voulait décriminaliser la possession de drogue pour usage personnel dans les limites de la ville. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial de l'Ontario ont tous deux dit que c'est une question de santé, et non pas une question de criminalité. La ministre de la Santé mentale et des Dépendances a dit, dans une déclaration, que la demande de la Ville ne protégeait pas adéquatement la santé et la sécurité publique. Nous savons que cela fait débat en Colombie-Britannique, où les forces de l'ordre réclament davantage d'outils, mais où également, la coroner en chef de la Colombie-Britannique et l'administratrice en chef de la santé publique restent favorables à la décriminalisation. Croyez-vous que la décriminalisation est un outil important pour lutter contre la crise de drogues toxiques? Pensez-vous que la demande aurait pu être modifiée et tenir compte de ces préoccupations en matière de sécurité publique, comme cela a été fait en Colombie-Britannique, et si oui, de quelle façon?
    Je crois, comme M. Fallu, que la réponse, la solution, c'est un vaste éventail d'interventions. Je crois que nous avons besoin de tout: plus de prévention, plus de réduction des méfaits et plus de traitements et, oui, de meilleures politiques en matière de drogues. Les données probantes montrent que cela fait une différence et que la criminalisation de la consommation de drogues ne fonctionne pas. Cela n'a pas fonctionné pour l'alcool; cela ne fonctionnera pas pour les autres types de drogues. Je crois que c'est la version courte de l'histoire.
    Je trouve regrettable que notre demande ait été perçue comme ne soutenant pas assez — et vous avez utilisé ces mots — « la sécurité communautaire et publique ». Je vous assure que la demande a été faite en tenant compte des consommateurs de drogues, bien entendu, et en visant à protéger le plus possible leur santé, mais il est également question du reste de la communauté, n'est‑ce pas? Je suis médecin en santé publique. Mon travail concerne la santé de la population, et cela inclut tout le monde. La demande a été élaborée avec une vaste gamme de parties prenantes, avec des consultations publiques et, oui, avec les forces de l'ordre — même si nous reconnaissons et soutenons toujours que, comme le montrent les données probantes, au bout du compte, lorsque nous parlons de consommation de drogue, cela doit être traité comme un problème de santé. Toutefois, les politiques font certainement une différence, l'environnement dans lequel nous menons nos activités fait une différence et, comme l'a dit M. Fallu plusieurs fois, aujourd'hui, devant le Comité, nous devons absolument tenir compte de l'ensemble des déterminants sociaux de la santé. La consommation de substances et les enjeux liés à la consommation de substances ne se produisent pas en dehors de tout contexte.
(1200)
    Merci, docteure de Villa.
    Pouvez-vous confirmer que la police était d'accord...
    Merci, monsieur Johns.
    Monsieur Doherty, allez‑y, vous avez cinq minutes.
    Je remercie les témoins de s'être présentés ici aujourd'hui.
    Pour répondre à Mme Krupp, notre famille a vécu l'expérience. Mon frère vit dans la rue, depuis des années, et est aux prises avec une dépendance. Mon beau-frère est décédé d'une surdose, tout comme un de mes oncles, alors je suis réellement très reconnaissant du témoignage que vous avez donné aujourd'hui.
    Docteure de Villa, est‑ce que votre opinion aujourd'hui est la même qu'en 2018, lorsque votre bureau a publié un rapport dans lequel vous recommandiez la légalisation de drogues mortelles qui créent une forte dépendance, comme l'héroïne, la méthamphétamine, la cocaïne et le fentanyl? Est‑ce que c'est encore votre opinion?
    Merci, monsieur le président.
    Mon opinion est que nous devons employer une approche fondée sur les données probantes pour la consommation de substances...
    D'accord.
    ... et que la criminalisation actuelle des consommateurs de drogue nuit à notre objectif commun...
    Donc, la légalisation de ces...
    ... une société meilleure et en meilleure santé.
    Donc, vous êtes d'accord pour dire que nous devons légaliser l'héroïne, la méthamphétamine, la cocaïne et le fentanyl.
    Je crois que la consommation de substances doit être vue comme un problème de santé, et nous devons moderniser nos stratégies existantes sur la consommation de substances.
    Vous êtes médecin en santé publique. Est‑ce bien cela? Vous n'êtes pas activement impliquée dans ces centres; vous êtes médecin en santé publique et vous rédigez des politiques. Est‑ce bien cela?
    Je ne fournis pas de traitement clinique directement.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Fallu, j'apprécie le témoignage que vous avez donné aujourd'hui.
    Vous avez dit que la décriminalisation en Colombie-Britannique est une réussite. Saviez-vous que la principale cause de décès chez les enfants de 10 à 18 ans est la surdose?
    Oui, je suis au courant, mais...
    Est‑ce que cela est une réussite à vos yeux?
    Voulez-vous que je réponde à votre question?
    Oui, s'il vous plaît.
    D'accord. Vous savez, je suis un scientifique, et je sais qu'établir un lien entre la cause et l'effet est très complexe. Vous ne pouvez pas, parce qu'un nombre est plus élevé maintenant qu'avant la décriminalisation, attribuer cela à la décriminalisation. Il y a d'autres facteurs en jeu...
    D'accord.
    ... comme l'inflation et les problèmes de logement.
    Merci de la réponse.
    Merci.
    [Inaudible] a été une réussite.
    Merci de la réponse.
    Depuis 2016, 47 000 Canadiens ont perdu la vie. J'ai de la difficulté à voir comment cela pourrait être considéré comme une réussite pour le Canada.
    Je vais revenir au commentaire de Mme Krupp sur l'approvisionnement sécuritaire.
    Les parents de Brianna MacDonald ont comparu ici il y a deux ou trois semaines. Brianna avait 13 ans et elle est décédée d'une surdose, toute seule, dans un camp pour personnes en situation d'itinérance. Dans leur témoignage percutant, ses parents ont dit que les mots « sécuritaire » et « drogues » ne pouvaient pas être dits « dans la même phrase ».
    Êtes-vous d'accord?
    Tout à fait.
    Quel âge avait votre quand elle est décédée?
    Ma fille est décédée à 46 ans.
    Quel âge a votre fils, aujourd'hui?
    Il a 30 ans.
    Croyez-vous que le gouvernement fédéral, avec son message sur les programmes de réduction des méfaits, a berné les gens et leur a fait croire que les opioïdes et les autres drogues sont sécuritaires?
    Je crois qu'il y a un manque d'éducation. J'ai dû m'éduquer moi-même sur l'approvisionnement sécuritaire, la méthadone, des choses comme la demi-vie de la méthadone et les doses recommandées lorsque vous commencez un programme.
    Dans le cas de ma fille, le médecin lui avait prescrit 30 milligrammes, pour commencer, alors que la littérature du Canada et des États-Unis que j'ai lue, y compris celle des associations médicales, recommande une dose de 10 à 20 milligrammes. Il a commencé par des doses de 30 milligrammes, et il n'a pas fait de test de tolérance aux opiacés. Les parents doivent être au courant de beaucoup de choses différentes.
    Dans le cas de Brianna, la tragédie me dépasse. C'est une fille de 13 ans, et le fait que ses parents n'ont pas pu obtenir l'aide qu'ils ont désespérément essayé d'obtenir pour elle... Leurs mains sont liées par les politiques, par les dispositions législatives et l'ignorance générale... Vous devez le vivre quotidiennement.
    Laissez-moi vous raconter ce que j'ai fait de mon dimanche.
(1205)
    S'il vous plaît, attendez une seconde. Je veux simplement attirer l'attention sur quelque chose.
    Avez-vous vu l'approvisionnement sécuritaire être détourné et se retrouver dans les mains d'enfants?
    Non, je n'ai pas vu cela pour les enfants, mais je l'ai vu pour les adolescents.
    Pour les adolescents?
    Oui, je l'ai vu une fois, j'ai vu des adolescents, au centre-ville.
    C'était au centre-ville.
    Un adolescent a cogné sur la fenêtre de notre voiture. Mon fils venait tout juste de revenir de sa visite du vendredi. Le garçon avait l'air d'avoir environ 19 ans, et il a cogné sur la fenêtre. J'ai dit à mon fils de baisser la fenêtre, et le garçon nous a demandé de l'hydromorphone. Il nous a suppliés de lui donner deux pilules. Il a dit: « Je vais vous donner 20 $. » J'ai dit: « Je suis vraiment désolée. Tu peux aller à la clinique », et nous sommes partis.
    Eh oui; cela s'est produit à quelques pâtés de maisons d'ici.
    Merci.
    Merci, madame Krupp.
    Merci, monsieur Doherty.
    Monsieur Powlowski, vous avez cinq minutes, allez‑y.
    C'est intéressant, je crois qu'il y a une certaine convergence des opinions. Je ne suis pas un adepte de l'approvisionnement sécuritaire pour des raisons que — puis‑je vous appeler madame Krupp?
    Appelez-moi Masha.
     ... des raisons que Masha a mentionnées et des préoccupations sur le détournement, et pour beaucoup de personnes qui consomment des drogues dures, le Dilaudid ne suffit plus, parce qu'ils se mettent à consommer des drogues encore plus dures. Je tiens également à dire que je ne suis pas vraiment un partisan de la décriminalisation. Je crois que la police doit avoir les moyens juridiques de contrôler les personnes qui consomment et vendent publiquement de la drogue.
    Ce que vous avez dit, Masha, c'est que vous croyez que c'est une tout autre chose, lorsque vous voyez ce qui se passe avec l'approvisionnement sécuritaire, où l'on distribue des drogues à une personne et qu'elle ne les apporte pas chez elle, mais qu'elle les vend, possiblement. C'est certainement ce dont la Dre de Villa a parlé pour une clinique en particulier.
    Nous avons beaucoup entendu parler des données probantes sur l'approvisionnement sécuritaire. Lorsque j'ai lu la littérature, je me suis aperçu qu'une grande partie des données probantes viennent d'endroits comme l'Europe, où il y a beaucoup de sites d'injection supervisée, pour l'héroïne, et c'est exactement cela: un traitement devant témoin. C'est aussi le modèle suisse, où les gens peuvent se présenter deux à trois fois par jour pour obtenir une dose de drogue injectable, sous supervision. Dans la plupart des cas, ils ne rapportent pas la drogue chez eux. Quelqu'un a dit que notre approvisionnement sécuritaire et l'utilisation massive de Dilaudid est la version du pauvre de ce modèle, parce qu'il est plus coûteux d'avoir un programme de supervision. Je crois que vous avez déjà dit quelque chose à ce sujet, mais aux fins du compte-rendu, si vous avez l'option d'amener votre fils à la clinique de la Toronto Public Health pour qu'il reçoive une dose de médicament injectable, devant témoin, est‑ce que vous pensez que ce serait un meilleur traitement que celui qu'il reçoit présentement?
    Oui, et je crois que je vous en ai fait part avant que nous commencions: si je pouvais l'amener à la clinique, ici à Ottawa, où il peut avoir une injection, que ce soit deux ou trois fois par jour, je le ferais certainement.
    Je tiens à préciser que je ne soutiens pas la décriminalisation [Inaudible] c'est seulement un autre chemin. Je ne soutiens pas cela non plus. La police doit avoir les moyens... J'ai vu la prolifération sur la rue Rideau et au marché By, tous ces gens, parce qu'il y a un site d'injection sécuritaire juste à côté de la clinique de Recovery Care. C'est un échec; vous ne pouvez pas normaliser la consommation de drogues.
    J'y étais, vendredi dernier, car je devais aller à la pharmacie pour me procurer quelque chose. Je ne suis pas une personne peureuse et j'en suis venue à connaître toutes ces personnes qui détournent la drogue et en consomment juste devant les portes de la clinique, devant tous les touristes et les parents qui passent avec leurs enfants. Il y a là un homme, qui a toujours un gros bâton à la main, et il est complètement dans les vapes, c'est très visible, et il fait tourner son bâton et il se fâche, parfois. J'analyse la situation: est‑ce que je le contourne? Est‑ce que j'attends? Est‑ce que je vais à un autre endroit? Pourquoi est‑ce que c'est à moi de gérer cela? Est‑ce que c'est ça, l'approvisionnement sécuritaire? Est‑ce que c'est l'effet de la décriminalisation? Je suis en faveur de l'injection sécuritaire, mais pourquoi est‑ce que la consommation se fait au grand jour si l'injection supervisée et l'approvisionnement sécuritaire sont une réussite?
    Docteure de Villa, votre clinique qui fournit du Dilaudid par injection, si je comprends bien, traite seulement 35 patients. Je sais qu'avec le modèle suisse, l'injection d'héroïne supervisée est offerte à des milliers de personnes... et ce sont des consommateurs de drogues dures; ce ne sont pas des adolescents. Ce ne sont pas des personnes qui consomment depuis quelques mois et qui commencent leur descente aux enfers. Ce sont des consommateurs de longue date, des personnes qui, souvent, vont régulièrement en prison, et elles acceptent en quelque sorte leur sort et sont à court d'options. Des milliers de personnes ont suivi le traitement. C'est seulement 35 personnes à Toronto.
    Devrions-nous envisager d'étendre l'accès aux cliniques? Par exemple, dans le cas du fils de Masha, l'option était offerte pour les cas très difficiles, pour les personnes qui ne peuvent pas arrêter de consommer. Devrions-nous ouvrir plus de cliniques comme la vôtre? Je crois que vous m'avez dit que vous alliez perdre le financement pour la clinique.
(1210)
    Par l'intermédiaire de la présidence, très brièvement, oui, bien sûr, nous devrions élargir les options de traitement comme celles que nous avons à Toronto, et bien d'autres options de traitement. Nous devrions également élargir les options de prévention. Nous devrions élargir les options de réduction des méfaits et nous devrions moderniser nos politiques existantes en matière de drogues. La décriminalisation doit être vue comme un soutien stratégique à l'accès à de meilleurs services, un vrai accès aux services, et tenir compte des conditions sociales dans lesquelles surviennent les enjeux de santé. Il n'est pas question ici de cautionner une consommation généralisée et non réglementée, mais comme l'a dit M. Fallu, la réalité, c'est que c'est un comportement humain. C'est incroyablement complexe, et cela nécessite des discussions nuancées et complexes, et des solutions nuancées et complexes.
    Il est déraisonnable de croire qu'un seul changement, qu'une seule piste ou qu'une seule approche sera la solution. D'ailleurs, cela n'est pas fondé sur les données probantes. Ce que j'ai essayé de faire, à tous les niveaux, que ce soit avec les décideurs ici, au niveau fédéral ou au niveau provincial, ou certainement au niveau local, c'est de vous présenter les meilleures données probantes disponibles sur les enjeux qui ont une incidence négative sur la santé de nos citoyens.
    Merci.
    Merci.
    Merci, docteure de Villa.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Fallu, selon ce que je comprends, vous n'êtes pas le seul à faire valoir ces arguments, soit que la prohibition et la criminalisation induisent la stigmatisation. Cette situation est un frein à l'amélioration des conditions de vie des gens ayant des dépendances, et même au traitement. La déjudiciarisation permet donc de contrer une partie de la stigmatisation. Si quelqu'un perd son emploi à cause de son casier judiciaire, on ne se rapproche pas du traitement.
    La déjudiciarisation n'est-elle pas justement un premier degré de décriminalisation?
    Puisqu'on parle des corps policiers, ceux-ci me semblent être des parties prenantes de cette approche, notamment au Québec et à Montréal.
    Est-ce le cas?
    La déjudiciarisation, c'est ce qu'on a fait au Québec récemment ainsi qu'au Portugal, où je me trouve en ce moment. Cette approche a été adoptée en 2000, et elle a été mise en œuvre en 2001. Cela fait 25 ans.
    C'est assurément un pas dans la bonne direction. C'est faux de dire que la décriminalisation ne permet pas à la police d'intervenir. Encore une fois, il faut avoir un débat éclairé là-dessus. La police intervient, ici, au Portugal. Elle intervient partout au Canada relativement au cannabis. Il y a des règles. Cependant, la décriminalisation crée une zone grise qui permet à la stigmatisation de continuer. C'est certainement un premier pas, mais elle ne règle pas tout. Il faut arrêter de critiquer la décriminalisation au sujet de choses que cette approche ne peut pas régler.
    Puisque le député M. Doherty a mis des mots dans ma bouche, je vais rectifier le tir. Je n'ai jamais dit que la décriminalisation en Colombie‑Britannique était un succès. C'est probablement mieux que la prohibition, mais c'est une demi-mesure. Ce n'est pas suffisant. Elle ne permet pas de régler tous les problèmes, mais elle permet d'en régler au moins quelques-uns.
    Merci, monsieur Fallu.

[Traduction]

    Monsieur Gord Johns, allez‑y, s'il vous plaît; vous avez deux minutes et demie.
(1215)
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poursuivre sur le même sujet. Nous savons que, en Alaska, l'année dernière seulement, il y a eu une augmentation de 45 % des décès causés par les drogues toxiques, et que le taux de mortalité est maintenant plus élevé là‑bas qu'en Colombie-Britannique. D'ailleurs, le taux de Lethbridge est le triple de celui de la Colombie-Britannique, où ils ont fermé les sites de consommation sécuritaire. À Regina, où il n'y a pas de sites de consommation sécuritaire, le taux de mortalité est 50 % plus élevé — en fait il est un peu plus élevé que cela — qu'en Colombie-Britannique. Le taux de Baltimore est 400 fois celui de la Colombie-Britannique. Le taux de mortalité au Tennessee et en Virginie-Occidentale sont tous deux plus élevés. Ils n'ont pas d'approvisionnement sécuritaire. Ils n'ont pas de décriminalisation.
    Monsieur Fallu, vous avez entendu des politiciens dire que l'approvisionnement sécuritaire qui inonde les rues ou la décriminalisation sont responsable de ces taux de mortalité. Peut-être que vous pourriez nous en dire plus. En Colombie-Britannique, le taux de mortalité est passé de 7,9 % à 30,3 % sous le gouvernement de Mme Clark et de M. Rustad, dans les trois ans précédant le gouvernement du NPD, et il est passé de 30,3 % à 46 % sous le NPD de la Colombie-Britannique, avant de descendre à 41 % depuis la décriminalisation.
    Pourriez-vous me donner votre opinion là‑dessus, parce que le gouvernement provincial n'avait pas l'approvisionnement sécuritaire et il n'avait pas la décriminalisation.
    Je ne dis pas « approvisionnement sécuritaire ». C'est très injuste de parler et de continuer de parler d'approvisionnement sécuritaire. Permettez-moi de politiser légèrement le discours, mais j'entends plus souvent des conservateurs parler contre la réduction des méfaits et les défenseurs de l'approvisionnement plus sécuritaire parlent d'« approvisionnement sécuritaire ». Nous utilisons le terme « plus sécuritaire », parce que c'est plus sécuritaire que les substances non réglementées et non contrôlées qui se trouvent sur le marché. C'est de la prohibition. La prohibition empêche l'adoption de règles et le contrôle de la qualité. Elle stigmatise les gens.
    L'approvisionnement plus sécuritaire est une tentative de faire quelque chose, parce que le problème est, essentiellement, un problème de décès. Si les personnes décèdent d'une surdose, c'est parce qu'elles ne savent pas ce qu'elles consomment. J'ai pris du fentanyl à l'hôpital. Je savais ce que je consommais. Cela a été fait sous une supervision médicale. Le fentanyl n'est pas une drogue dangereuse. Le danger est de ne pas savoir ce que vous consommez. Si vous allez, par exemple, à un magasin de vins et spiritueux et que vous achetez de l'alcool, vous devez savoir ce que contient la bouteille. Est‑ce que c'est de l'alcool à 5 % ou à 95 %? Comment consommer de manière responsable? C'est impossible.
    L'approvisionnement plus sécuritaire revient à mettre un pansement sur une jambe de bois, pour un problème beaucoup plus profond. Le problème, c'est l'absence de contrôle dans un contexte où les gens consomment et continueront de consommer, donc nous devons trouver des solutions nuancées, comme l'a dit ma collègue, la Dre de Villa.
    Le concept d'approvisionnement plus sécuritaire est peut-être nouveau. Nous devons continuer de l'évaluer, mais, d'après ce que nous savons jusqu'à présent, la balance penche vers le positif.
    Merci, monsieur Fallu.
    Monsieur Moore, allez‑y, s'il vous plaît; vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Krupp, pour ce qui est du terme « approvisionnement sécuritaire », ou « approvisionnement plus sécuritaire », comme l'a mentionné l'intervenant précédent, les conservateurs n'ont pas inventé le terme. C'est en écoutant des gens comme vous raconter leur l'expérience que nous voyons que cette approche est tout sauf sécuritaire.
    À entendre votre description de l'expérience de votre fils et de votre expérience, rien de cela ne semble sécuritaire. Rien de cela ne semble plus sécuritaire. Vous avez dit que son soi-disant approvisionnement sécuritaire était une monnaie d'échange, et vous avez parlé de son omniprésence dans les écoles secondaires, de son détournement et du manque de traçabilité de ce soi-disant approvisionnement sécuritaire ou plus sécuritaire.
    Pourriez-vous nous donner votre opinion là‑dessus? Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que votre fils consomme encore du crack et du fentanyl. Est‑ce qu'il consomme encore des drogues dures tout en détournant son approvisionnement plus sécuritaire?
    À votre avis, qu'est‑ce qui est sécuritaire dans tout cela?
    Encore une fois, je vais m'appuyer sur mon expérience vécue avec mon fils. Je ne vois pas en quoi cela est sécuritaire. Comment est‑ce que cela peut être appelé approvisionnement sécuritaire alors que, après plus de trois ans, il fréquente encore la clinique. Il voit encore le même médecin. Tout ce qu'il a arrêté de consommer, c'est la méthadone, et il a fait ça par lui-même. Je crois que la méthadone n'aurait jamais dû être arrêtée, parce que la méthadone doit être... Selon ce que j'ai lu, vous ne pouvez pas arrêter de prendre de la méthadone si vous consommez encore du fentanyl.
    Tout ça pour dire que, trois ans plus tard, on lui donne encore de la méthadone. On lui donne du Dilaudid. Le Dilaudid est une monnaie d'échange qui lui permet de continuer à consommer du crack, donc ce n'est pas sécuritaire, parce qu'il continue de consommer des drogues illicites et dangereuses. L'objectif du programme d'approvisionnement plus sécuritaire était d'empêcher les toxicomanes de consommer des drogues illicites dangereuses.
    Selon mon expérience, ce n'est pas ce qui se produit. Non seulement il continue de consommer des drogues illicites dangereuses, mais l'approvisionnement sécuritaire que le médecin lui prescrit quotidiennement se retrouve dans des lieux où il ne devrait pas l'être, dans ce cas‑ci, le planchodrome; mon fils était planchiste. Les adolescents ont les moyens d'acheter de l'hydromorphone pure. Je ne peux pas dire que c'est sécuritaire. Autrement, mon fils n'en serait pas là. Nous ne parlons pas d'un mois ou de 30 jours; nous parlons de trois ans et demi. Ce projet pilote a débouché sur mon expérience avec l'approvisionnement plus sécuritaire. Croyez-moi sur parole, c'est certainement fondé sur des données probantes et sur des faits.
(1220)
    Merci.
    M. Fallu a fait remarquer que rien n'avait changé au cours des 10 dernières années. En fait, il y a eu d'énormes changements dans la loi. Je pense surtout au projet de loi C‑5 du gouvernement libéral actuel qui permet maintenant à ceux qui importent, exportent et produisent — comme dans un laboratoire de fabrication de méthamphétamine — des drogues figurant à l'annexe 1, les drogues les plus dangereuses, de ne pas aller en prison, mais plutôt d'être détenus à domicile, ce qui les réintègre dans la collectivité.
    En ce qui concerne nos données probantes qui montrent que votre fils peut se procurer ces drogues, quel message croyez-vous que cela envoie aux jeunes si les gens qui travaillent dans un laboratoire de fabrication de méthamphétamine ou qui importent de la cocaïne dans notre pays ne subissent aucune conséquence pendant que, comme vous l'avez dit, le gouvernement fédéral fournit ce soi-disant approvisionnement sécuritaire?
    Je ne connaissais pas les détails du projet de loi C‑5, donc merci de m'avoir éclairée. Je vais me renseigner à ce sujet.
    Il y a eu des changements. En fait, la méthadone était... Je veux parler de cela parce que je sais que le médecin a dit que la méthadone était très réglementée par Santé Canada jusqu'à 2015 ou 2016 si je ne me trompe pas.
    Pourquoi est‑ce que soudainement tout le monde peut prescrire de la méthadone à n'importe quelle clinique? Un médecin qui n'a pas été formé pour prescrire de la méthadone a tué ma fille. C'est un fait.
    En ce qui concerne la détention à domicile, c'est la chose la plus ridicule que j'aie jamais entendue. Autrement dit, vous pouvez produire du crack et n'importe quoi d'autre, vous pouvez être libéral dans un pays progressif, mais vous ne pouvez pas... Il n'est pas normal de consommer des drogues dures. On ne devrait pas encourager les gens à croire que c'est normal. Ce comportement devrait être traité, et on devrait aider les gens à se rétablir. Mon fils ne veut pas être toxicomane. Il ne veut pas consommer de la méthadone, du crack ou du fentanyl. Il veut être normal, mais il est toxicomane et nous avons tenté de lui trouver de l'aide.
    Oui, c'est très nuancé, comme le médecin l'a dit. Tout d'abord, si vous produisez des stupéfiants et que vous les vendez sur la rue, vous allez en prison. Cela envoie un message. Peut-être que les gens devraient commencer à arpenter les rues, un peu comme un groupe de justiciers, et nous nous occuperons des trafiquants de stupéfiants en tant que parents.
    Eh bien, malheureusement...
    Merci, monsieur Moore.
    Merci, madame Krupp.
    Est‑ce que mon temps est écoulé, monsieur le président?
    Oui, il l'est.
    C'est maintenant au tour de Mme Kayabaga; allez‑y, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais aussi offrir mes condoléances à Mme Krupp.
    J'aimerais tous vous remercier du fond du cœur d'être présents.
    Ma question s'adresse à M. Fallu.

[Français]

    Bonjour, monsieur Fallu.

[Traduction]

    Plus tôt, quelqu'un a mentionné quelque chose au sujet du modèle de l'Alberta. Je l'ai consulté parce que j'en ai entendu parler, mais, quand vous l'avez mentionné, j'ai pensé: « Laissez-moi creuser davantage ».
    La première ministre de l'Alberta a dit que le modèle de la province fonctionnait, or, nous voyons que la crise des opioïdes a contribué à près de 90 % des décès en Alberta.
    Que pensez-vous du modèle de l'Alberta et que pouvons-nous apprendre des faits?
(1225)
    Merci.
    Tout d'abord, encore une fois, j'aimerais souligner que nous devons avoir un débat fondé sur les faits. Je n'ai jamais dit, comme le prétend M. Moore, que rien n'avait changé. J'ai dit qu'il y avait eu de tout petits changements. S'il vous plaît, parlons de la réalité.
    En passant, j'ai dit que j'étais une personne qui avait déjà consommé des drogues, et je suis une personne ordinaire. Je ne suis pas toxicomane. Je consomme depuis l'âge de 15 ans. Je dois modifier mon comportement. Tout le monde ici consomme sans doute de l'alcool dans la vie aussi. L'alcool, c'est une drogue dure.
    En ce qui concerne le modèle de rétablissement, le rétablissement est très important, mais la toxicomanie ou une maladie liée à la consommation de drogues est le comportement humain le plus difficile à modifier. Nous appelions cela un problème de santé chronique. Même après trois ans, le taux de gens qui ont réussi à se débarrasser de leur dépendance est vraiment infime.
    Nous devons aussi nous en remettre aux données probantes sur le rétablissement. C'est très difficile d'aider quelqu'un à arrêter de consommer. Aider les gens à mener une vie plus saine réduit la consommation, mais les gens font des rechutes, et recommencent à consommer. Parfois, la vie est longue pour se rétablir. Parfois, c'est plus facile, ou plus rapide, mais dans l'ensemble, le rétablissement est très important. Nous avons besoin de tous les outils. Ils pourraient être efficaces, dans certains cas, surtout quand les gens sont prêts et qu'ils ont d'autres facteurs pour les aider, mais si la stratégie repose seulement sur le rétablissement, nous allons tuer des gens.
    Merci.
    J'aimerais seulement dire, aux fins du compte rendu, que ce n'est pas tout le monde qui consomme. C'est très important de le souligner parce qu'il serait trompeur de dire que tous les gens ici présents ou dans le pays consomment. Ce n'est pas vrai.
    J'ai une question au sujet du fait que vous êtes très ouvert au sujet de votre consommation de drogue passée, et vous êtes enseignant. Évidemment, il y a beaucoup de jeunes qui vous écoutent parler de prévention. En même temps, vous avez été très ouvert au sujet de votre consommation de drogue passée.
    Comment parvenez-vous à rester pertinent lorsque vous parlez de prévention en matière de drogue tout en étant si ouvert sans glorifier la consommation de drogue? C'est quelque chose qui a affligé de nombreuses collectivités et de nombreuses familles.
    C'est une très bonne question.
    Tout d'abord, vous avez raison; ce n'est pas tout le monde. C'est presque tout le monde lorsque vous incluez les médicaments au fil du temps sur toute une vie. C'est très rare que quelqu'un ne consomme pas d'alcool, de café, de tabac ou de médicaments, mais ce n'est pas tout le monde qui consomme.
    Oui, j'y ai pensé. Je n'ai pas assez de temps pour vous expliquer mon parcours, mais ce n'est certainement pas pour glorifier les stupéfiants. Je veux vraiment travailler sur la déstigmatisation et le changement de représentation. Je dis cela parce que tout ce que nous voyons ne reflète pas du tout la réalité, parce qu'il y a beaucoup de gens qui consomment. Même des gens en santé et actifs de notre société, des contribuables, des juges, des agents de police, des avocats, des journalistes et des politiciens consomment des drogues. Nous n'arriverons pas à faire ce que nous voulons faire pour traiter cette réalité complexe tant que nous ne dirons pas la vérité.
    Comme la Dre de Villa l'a dit, c'est complexe. Nous avons besoin de solutions complexes et d'une discussion nuancée. Je ne veux pas non plus dire... Et c'est peut-être le problème qui touche ces débats. Nous ne sommes pas nuancés; c'est soit bon, soit mauvais. Nous devons être nuancés. Ce n'est pas une question de glorifier la consommation de drogues.
    Je vais modifier ma question...
    Excusez-moi. Votre temps est écoulé, madame Kayabaga.
    Je n'ai plus de temps? D'accord.
    C'est maintenant au tour de Mme Goodridge, vous avez cinq minutes, allez‑y.
    C'est au tour de M. Ellis.
    Monsieur Ellis, allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être présents. J'ai deux ou trois commentaires.
    Tout d'abord, M. Fallu a parlé du fait qu'il fallait dépolitiser la situation. J'aimerais attirer toute votre attention sur une publication sur les médias sociaux datant de mai où il est indiqué « Bonjour tout le monde, @PierrePoilievre est un #dangerpublic. Il est beaucoup plus toxique pour la société que toutes les drogues. » Selon moi, ce n'est pas dépolitiser ce débat si important à mes yeux.
    Cela dit, madame Krupp, merci beaucoup de votre témoignage. J'ai eu l'occasion de le lire et j'apprécie beaucoup que vous soyez ici. Excusez-moi de ne pas avoir pu être là dès le début.
    Nous avons parlé un peu de la méthadone et, bien entendu, de la tragédie qui s'est produite dans votre famille à cet égard. J'ai déjà été médecin de famille et je pouvais prescrire de la méthadone. À l'époque, il était nécessaire de montrer que vous aviez les compétences nécessaires pour prescrire ce produit avant que l'on vous autorise à le faire. À la lumière de mes lectures, ces règles ont changé en 2017.
    Selon vous, si ce règlement était toujours en vigueur, est‑ce que cela aurait changé quelque chose pour votre famille si une personne compétente avait prescrit le produit?
(1230)
    Si ces règlements étaient en place, je crois certainement que ma fille serait en vie parce que les médecins qui prescrivaient la substance avant 2017 devaient être formés. Maintenant, ce n'est plus le cas.
    Par exemple, Recovery Care a quatre cliniques à Ottawa. Devinez combien de médecins ont le certificat relatif à la toxicomanie? Un seul. C'est le Dr Charles Breau. Aucun des autres médecins dans les autres emplacements, y compris celui où ma fille s'est rendue n'est formé en matière de toxicomanie.
    Ces commentaires, bien entendu, sont très préoccupants. Je pense que c'est quelque chose dont doit tenir compte notre comité au moment de formuler nos recommandations concernant la façon dont les choses doivent changer dans l'avenir.
    Docteure de Villa, j'ai trouvé ça intéressant. J'ai eu l'occasion de lire certains commentaires que vous avez faits.
    Au nom des Canadiens, ai‑je raison de dire que, lorsque vous parlez de légalisation et de certaines propositions que vous avez présentées, vous ne croyiez pas qu'il y aurait même une limite d'âge en ce qui concerne la consommation de drogues non réglementées dans notre pays? Est‑ce vrai?
    Soyons clairs. Ce que j'ai présenté, et ce que nous avons présenté à la santé publique de Toronto, concerne la décriminalisation et la discussion nuancée que l'on doit tenir pour savoir comment établir une politique sur les stupéfiants qui soutient mieux dans les faits la santé. Cela doit faire partie...
    Ce n'était pas ma question. Ma question était très précise: votre politique inclut-elle le fait qu'il n'y aurait pas de limite d'âge?
    Notre demande de décriminalisation incluait effectivement les jeunes, qui, nous l'avons reconnu, sont aussi beaucoup touchés par la toxicomanie...
    Excusez-moi, mais encore une fois, je vais vous interrompre. Vous nous servez une salade de mots.
    Au nom des Canadiens... votre programme de légalisation ne comportait aucune limite d'âge quelle qu'elle soit.
    Par l'intermédiaire du président, c'était une demande de décriminalisation présentée au gouvernement fédéral, et, oui, elle tenait compte des jeunes qui sont aussi aux prises avec des problèmes de consommation de substances, afin de protéger leur santé.
    Docteure de Villa, je vais vous interrompre ici, parce que vous continuez de répéter encore et toujours la même chose. Je comprends pourquoi vous faites cela. Je présume que c'est parce que vous êtes gênée de venir ici et de dire la vérité.
    Au nom des Canadiens, bien entendu, ceux d'entre eux qui sont de ce côté de la Chambre réalisent effectivement que les jeunes ont des problèmes de consommation d'opioïdes — bien entendu, nous le savons —, mais dans les politiques que nous avons lues et que vous avez présentées, vous parlez de la légalisation, que vous voulez présenter et appeler différemment, mais vous ne voulez pas admettre qu'il n'y a pas de limite d'âge pour les jeunes.
    Par l'intermédiaire du président, c'était une demande destinée au gouvernement fédéral au sujet de la décriminalisation. Oui, elle tenait compte des jeunes, parce qu'ils souffrent réellement et sont stigmatisés en ce qui concerne leur consommation de drogues, et vous remarquerez aussi que notre stratégie à Toronto tient compte effectivement d'un éventail d'approches.
    Nous reconnaissons que ce n'est pas une solution simple qui nous permettra d'accomplir ce que je crois que nous voulons accomplir, soit d'avoir une collectivité plus en santé et prospère.
    Oui, je vous remercie de votre réponse, docteure de Villa, mais je vous dirais...
    Nous devons en fait avoir une meilleure politique sur les drogues. Nous devons faire plus de prévention. Nous devons réduire davantage les risques...
    M. Stephen Ellis: Ce que je...
    Dre Eileen de Villa: ... et nous avons besoin de plus de traitements.
    M. Stephen Ellis: Excusez-moi, madame...
    Monsieur Ellis, allez‑y avec votre dernière question.
    Merci beaucoup. Je vous remercie, monsieur le président.
    Ce que nous voyons ici, c'est que ni l'un ni l'autre des enfants de Mme Krupp n’est né en voulant devenir toxicomane. Tous les gens ici présents réalisent cela, mais je pense, docteure de Villa, que ce que vous ne réalisez pas, et évidemment, c'est pour cela que votre proposition a été rejetée par la province, c'est que personne dans notre pays ne croit maintenant que la légalisation des drogues et que le fait d'offrir des drogues gratuitement, surtout à des enfants, ne changera d'une façon ou d'une autre l'environnement chaotique, les drogues et les perturbations dans nos rues qui découleraient de politiques comme la vôtre.
    Je pense que la question, c'est...
(1235)
    Monsieur le président...
    Monsieur Ellis, votre temps de parole est écoulé.
    Si vous me permettez de terminer rapidement, monsieur le président, j'espère qu'ils se réjouissent de l'existence de villages de tentes...
    Mme Brière invoque le Règlement.
    Allez‑y.
    J'invoque le Règlement.
    Nous parlons ici non pas de légalisation, mais plutôt de décriminalisation.
    Merci, madame Brière.
    Monsieur Ellis, avez-vous terminé? Votre temps de parole est écoulé.
    Pardon...
    Je ne pense pas avoir quoi que ce soit à ajouter, mais merci quand même, monsieur le président. Je vous apprécie. Je n'ai pas terminé, mais effectivement, mon temps de parole est écoulé.
    Merci, monsieur le président. Je vous apprécie.
    Docteure de Villa, vous demandez 30 secondes pour répondre.
    Si je peux me permettre...
    Allez‑y.
    ... encore une fois, je tiens à souligner que, oui, la demande que nous avons présentée en tant que Toronto Public Health...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    M. Ellis invoque le Règlement.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Le temps, comme nous le savons au sein de ce comité... vous avez été très généreux en accordant du temps pour les réponses. Cependant, monsieur le président, je n'ai pas posé de question. Il s'agissait d'une déclaration très claire qu'il est important de présenter, compte tenu du fait que la Dre de Villa veut faire valoir son opinion, quelle qu'elle soit.
    Lorsque la question est posée, les gens disposent, bien sûr, de temps pour répondre. Je n'ai pas posé de question à la Dre de Villa. Je vous dirais, monsieur le président, que lui donner l'occasion d'exprimer son opinion, comme elle l'a déjà fait trois ou quatre fois, n'est pas dans la convention de ce que nous faisons ici. C'est bien au‑delà du temps imparti.
    Vous avez parlé tout au long du temps qui vous était imparti, et la présidence dispose d'une certaine marge de manœuvre.
    En toute honnêteté, j'estime qu'il est dans l'intérêt du Comité de faire preuve de courtoisie à l'égard de la témoin. Il s'agissait d'un monologue assez accablant. Elle demande 30 secondes pour réagir. Je vais faire preuve de courtoisie envers elle.
    Allez‑y.
    Par votre intermédiaire, monsieur le président, je voudrais tout simplement rappeler au Comité que mon rôle en tant que médecin de la santé publique est de prodiguer des conseils fondés sur les meilleures données probantes. C'est ce que j'ai présenté aux décideurs locaux à Toronto, et c'est ce que j'offrirais aux Canadiens et Canadiennes, bien que mon champ de compétence se limite évidemment à Toronto.
    Ce sont des interventions fondées sur des données probantes. Je ne saurais trop insister sur le fait que la demande que nous avons présentée au gouvernement fédéral concernait une approche de décriminalisation, ce qui est différent de la légalisation, et que cette demande plaidait en outre pour la nécessité d'un plus grand nombre de services dans tous les domaines, y compris la prévention, la réduction des risques et le traitement.
    Merci, docteure de Villa.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je souhaite suggérer à la Dre de Villa qu'elle dépose auprès du Comité les éléments de preuve dont elle dispose concernant l'approvisionnement sécuritaire et la décriminalisation.
    Ceci n'est pas un rappel au Règlement. Vous pouvez faire cette demande. Tout député est libre de faire cette demande. Elle est également libre de fournir toute information supplémentaire qu'elle souhaite.
    J'accorde la parole à M. Hanley pour cinq minutes.
    Je vous remercie tous les trois d'être présents.
    Je remercie tout particulièrement Mme Krupp du courage dont elle a fait preuve en comparaissant devant nous. Je vous présente mes condoléances non seulement pour votre perte, mais aussi pour le cauchemar que vous vivez actuellement en essayant d'aider votre fils, qui veut de l'aide et en a besoin.
    Monsieur Fallu, puis‑je commencer avec vous?
    Je ne connaissais pas la citation qu'a mentionnée M. Ellis, mais je l'ai trouvée intéressante. Qu'est‑ce qui vous préoccupe dans une approche conservatrice, au sens politique du terme, de la consommation de drogues?
    Merci de poser cette question, car j'estime qu'il est important de l'expliquer, étant donné que Twitter — ou X — ne nous permet pas de dire bien des choses.
    La raison pour laquelle j'ai dit cela, c'est qu'après que Pierre Poilievre a fait quelques déclarations publiques sur la réduction des méfaits, la politique en matière de drogue et la crise des drogues à laquelle nous sommes confrontés, en toute honnêteté, il y a eu beaucoup de demi-vérités et même de mensonges. J'étais d'avis que, si nous voulons une démocratie, fonctionnelle de surcroît, nous devons avoir un débat informé, fondé sur des faits, et non pas sur des arguments émotifs et des demi-vérités. C'est pourquoi j'ai mentionné cela.
    Je ne veux pas nécessairement personnaliser le débat, mais toutes les politiques qui tentent d'aller vers la prohibition, la répression et le langage stigmatisant, et les politiques applicables aux personnes qui sont des êtres humains, qui existent et qui ont des droits de la personne fondamentaux... Toute politique allant dans ce sens — qui poursuit ce que nous avons fait pendant des décennies et qui nous a menés là où nous sommes — est une politique en matière de drogues vraiment mauvaise et infondée.
(1240)
    Merci.
    C'est intéressant que vous soyez à Lisbonne en ce moment. Nous avons fréquemment invoqué le modèle portugais dans l'étude de notre comité. Pensez-vous que les différences de politiques en matière de drogues au Portugal protègent contre l'incursion du fentanyl en Europe, et au Portugal en particulier? Quelles sont vos observations à cet égard?
    Voilà une autre excellente question.
    Je dois mentionner que le modèle portugais a déjà été évalué. Comme pour toute évaluation politique ou scientifique, il y a des limites, et il est donc difficile d'isoler les causes et les effets. Cependant, nous sommes arrivés, scientifiquement, à un consensus selon lequel le modèle ici comporte plus de bénéfices que d'inconvénients.
    Il faut tout de même admettre que le modèle demeure un modèle punitif. Il s'est amélioré à ce jour, mais il ne rejoint pas tous les consommateurs de drogues ou consommateurs de drogues dures. Il rejoint principalement les consommateurs de cannabis dans les grandes villes. Il n'est pas parfait. Concevoir des politiques qui fonctionnent, c'est très complexe.
    Nous devons tenter quelque chose. Le Portugal l'a fait, et c'est loin d'être la catastrophe. Cela semble être un pas dans la bonne direction.
    Merci.
    Docteure de Villa, pour la minute qui nous reste — j'aimerais disposer de plus de temps pour tous les témoins —, quelle est votre opinion quant au climat politique actuel, surtout en Ontario, où les sites de consommation supervisée risquent d'être fermés de façon imminente?
    Comment le climat politique actuel affecte‑t‑il, que ce soit de façon positive ou négative, l'application de ce que vous décrivez comme une approche nuancée d'une crise extrêmement complexe?
    Je ne suis pas politicienne. Je suis une médecin qui tente de fournir les meilleurs conseils possible.
    Je suis d'avis que lorsque la conversation prend une tournure politique, elle devient émotivement chargée et nous éloigne d'une discussion fondée sur des données probantes, ce qui est incroyablement important lorsque nous traitons de cette question relative à la santé.
    Ce que je peux dire, c'est que les services de consommation supervisée font partie des services qui ont été récemment attaqués et critiqués. Lorsque nous examinons les éléments de preuve disponibles à Toronto concernant la mise en œuvre des services de consommation supervisée, nous constatons une diminution de 67 % des surdoses mortelles dans un rayon de 500 mètres autour des services de consommation supervisée. Nous constatons qu'il y a un impact.
    Ce sont les genres de données qui doivent être communiquées. Il n'y a pas de doute. Il y a de la souffrance ainsi que des défis à relever.
    Mme Krupp a parlé de ses propres expériences personnelles, et celles‑ci sont bien réelles. Comme je l'ai mentionné au début, nous parlons ici de vraies personnes, et c'est une raison de plus pour nous concentrer sur les éléments de preuve, pour réfléchir aux faits et nous engager dans cette discussion très difficile, parce que simplifier à l'excès et...
    Merci.
    ... laisser entendre qu'une méthode est bonne et que l'autre est mauvaise et qu'il n'y a pas...
    Merci.
    ... de zones grises ou d'entre-deux nous désavantage tous.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    La crise des drogues toxiques est complexe et multifactorielle. Elle exige beaucoup de rigueur. Pour trouver des solutions, il faut se baser sur des faits. Je pense effectivement qu'utiliser la souffrance des gens pour faire de la politique est toxique. Je voudrais dire au professeur Fallu que, lors d'un des discours du chef de l’opposition officielle, le Bloc québécois lui a demandé quelle différence il faisait entre la légalisation, la décriminalisation et la judiciarisation. Il a répondu que c'était du pareil au même.
    Dans un contexte comme celui où vous travaillez, où vous avez accès à une tribune internationale, une réponse comme celle-là ne serait pas très crédible. Cependant, ce qui est toxique, c'est le fait de se lever à la Chambre des communes pendant la période des questions, de confondre la légalisation, la décriminalisation et la judiciarisation et d'exacerber la polarisation d'un débat sur la question de la cohabitation à Montréal en affirmant que la mairesse de Montréal veut légaliser les drogues dures.
    Êtes-vous d'accord avec moi, professeur Fallu?
(1245)
    Je suis d'accord pour dire que tout ce qui n'est pas orienté vers des faits et qui confond les concepts et les personnes est effectivement toxique. De tels propos ne tiennent pas du tout la route.
    Bon nombre d'experts, partout dans le monde, étudient la question des politiques sur les drogues. Il existe de nombreuses approches politiques, notamment la déjudiciarisation, la dépénalisation, la décriminalisation de facto, la décriminalisation de jure et la légalisation. Il y a beaucoup de modèles, et ce n'est pas du tout du pareil au même.
    Des modèles comme la décriminalisation ne règlent pas certaines questions. Par exemple, le Portugal est-il à l'abri du fentanyl? La réponse est non, parce que dans le cas d'une décriminalisation, que l'on appelle même parfois une déjudiciarisation, il n'y a pas de contrôle de la qualité. Le fentanyl pourrait donc apparaître là-bas. Il y circule déjà probablement, mais c'est beaucoup moins un problème.
    Je pense qu'il faudrait tenir un débat éclairé, parler des faits, se baser sur l'avis des gens qui passent leur vie à étudier de près ces phénomènes. Dans le domaine des sciences, on retrouve des allégeances politiques très variées, mais on arrive tout de même à des consensus.
    Nous ne sommes évidemment pas tous d'accord. Certains pensent que la décriminalisation suffit. Pour ma part, je ne suis pas de cet avis, parce que la décriminalisation ne règle pas les problèmes fondamentaux liés à la crise de surdoses, notamment le contrôle des produits, la stigmatisation, la corruption et la violence qui s'ensuit.
     Merci.
     Je voudrais simplement préciser, au sujet de la légalisation, que personne ne parle ici d'offrir de la drogue gratuitement aux enfants.
    Je vous remercie, professeur Fallu.

[Traduction]

    La parole est à M. Johns, pour deux minutes et demie.
    Docteure de Villa, le gouvernement provincial de l'Ontario, dirigé par le conservateur Doug Ford, a récemment annoncé qu'il planifiait de fermer certains sites de consommation supervisée et d'empêcher de nouveaux sites d'ouvrir leurs portes. Cela va à l'encontre de ce que nous avons entendu dans le témoignage précédent du sous-commissaire de la GRC et du président de la B.C. Association of Chiefs of Police, provenant de ma province d'origine, qui ont tous les deux dit que nous avons besoin de plus de sites de consommation sécuritaires, et non de moins.
    Pouvez-vous s'il vous plaît nous faire part de votre opinion concernant l'impact potentiel de ces fermetures sur les consommateurs de drogues torontois et sur la sécurité publique? Par exemple, croyez-vous que les fermetures pourraient mener à une hausse des décès ou de la consommation de drogues en public?
    Par l'entremise de la présidence, très brièvement, je crois effectivement qu'il y a un véritable danger associé à l'élimination des services de consommation supervisée.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous constatons que les services de consommation supervisée ont en fait empêché des surdoses fatales. Ils offrent également la possibilité aux gens d'accéder à d'importants services sociaux, et ils constituent des voies d'accès au traitement. Je crois que la perte des services de consommation supervisée se traduira par la perte de ces voies d'accès, que ce soit vers l'amélioration des services sociaux ou vers les services de traitement.
    Je crois aussi que lorsque nous voyons ce que cela représente, nous constatons que des milliers de personnes dans l'ensemble de sites de consommation supervisée ont recours à ces services à Toronto. Si ces services ne sont plus offerts, je crois qu'il y aura encore davantage de personnes, particulièrement compte tenu de la crise du logement abordable, qui consommeront en public et causeront les types de problèmes dont bon nombre de personnes ont parlé ici, sans mentionner le fait que plus de surdoses se produiront en public. Cela sera un fardeau, je dirais, pour les ressources paramédicales, les ressources policières et le personnel des salles d'urgence.
    J'entrevois de véritables problèmes associés à cette possibilité, compte tenu de notre expérience dans les services de consommation supervisée, mais comme je l'ai déjà dit au Comité et à toutes les autres parties qui m'ont posé la question, nous avons besoin de multiples domaines d'intervention. Nous avons besoin de multiples approches. Nous avons absolument besoin de plus de prévention. Oui, nous avons besoin d'une réduction des méfaits, et oui, nous avons besoin de traitements, et il nous faut un meilleur contexte politique qui améliore la santé des gens, qu'ils consomment de la drogue ou non.
(1250)
    Merci, docteure de Villa.
    Merci, monsieur Johns.
    La parole est à Mme Goodridge, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Docteure de Villa, dans le cadre de la demande que vous avez présentée pour légaliser la possession d'un certain nombre de différentes drogues, dont le crack, l'héroïne et la méthamphétamine, il n'y avait pas d'âge limite, donc des enfants pourraient posséder et consommer des drogues légalement selon le modèle que vous avez présenté. Croyez-vous qu'il est responsable de mettre en place un programme qui permette aux enfants de consommer des drogues de manière légale et récréative?
    Par l'entremise de la présidence, la demande que nous avons présentée au Toronto Public Health avait pour objet la décriminalisation, qui, comme nous l'avons entendu, est différente de la légalisation. Je veux faire la distinction entre les deux et je l'ai déjà dit au Comité et je vais le redire, l'idée n'est pas de promouvoir ni d'encourager la consommation non réglementée de drogues à grande échelle. Il s'agit de reconnaître que la consommation de drogue est bien réelle et qu'elle est néfaste pour les gens de notre communauté, y compris les jeunes.
    D'accord...
    L'idée est de tenter de réduire la stigmatisation liée à cela.
    Je vous en remercie. Nous avons très peu de temps.
    En Colombie-Britannique, ils ont élaboré des lignes directrices pour permettre de prescrire du fentanyl aux jeunes de moins de 18 ans selon un modèle récréatif. Appuyez-vous cela?
    Par l'entremise de la présidence, une fois de plus, je ne connais pas le modèle de la Colombie-Britannique, alors il m'est difficile de faire des commentaires à ce sujet.
    D'accord. Appuyez-vous la prescription d'un approvisionnement soi‑disant sécuritaire aux enfants âgés de moins de 18 ans, oui ou non?
    Par l'entremise de la présidence, ce que j'appuie c'est une évaluation individuelle des patients ou des personnes qui reçoivent des soins à l'aide d'un traitement fondé sur les données probantes.
    Si les données probantes...
    Je ne peux pas parler d'une situation en particulier sans effectuer d'abord une évaluation adéquate.
    D'accord. Voudriez-vous que vos enfants se fassent prescrire des opioïdes très puissants, s'ils étaient âgés de moins de 18 ans, sans que vous le sachiez?
    Par l'entremise de la présidence, je voudrais que le système médical fournisse à mes enfants les soins qui conviennent selon la situation dans laquelle ils se trouveraient.
    Bien évidemment, en tant que parents, nous voulons intervenir dans les soins fournis — et je le comprends — et nous avons une loi en particulier qui concerne le consentement au traitement. Je crois que c'est également important.
    À mon avis, ce que nous devons faire, c'est de créer un environnement qui permet vraiment de prodiguer de bons soins médicaux à des personnes, peu importe leur âge, et nous avons besoin d'avoir accès à toutes les approches.
    Vous voulez que cela se fasse, peu importe leur âge. Vous voulez qu'il soit permis de donner à des jeunes de moins de 18 ans du fentanyl et de l'hydromorphone à des fins récréatives sans le consentement de leurs parents, sans que leurs parents étudient la question, tout simplement parce que c'est une bonne idée.
    Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit, c'est que nous avons une loi qui concerne le consentement au traitement. Je crois que nous devons respecter les lois du pays.
    C'est bien.
    Ma dernière intervention... Je vais déblatérer un peu en m'adressant à M. Fallu.
    Je sais que vous êtes un professeur ayant obtenu la permanence. Vous pouvez dire essentiellement ce que vous voulez dire parce que c'est votre droit en tant que professeur ayant la permanence. Un Canadien sur cinq est aux prises avec une dépendance. Cela veut dire que quatre personnes sur cinq peuvent consommer des drogues sans nécessairement tomber dans l'enfer de la dépendance. Cependant, une personne sur cinq n'a pas ce luxe. Une personne sur cinq essaie une drogue et ne peut s'arrêter. Je crois qu'il est très irresponsable de votre part d'être en position de leader et de vous vanter à vos étudiants que les drogues ont fait de vous une meilleure personne. Je ne crois pas que c'est le message qu'il faut envoyer aux étudiants. Je ne crois pas que cela envoie le bon message aux Canadiens. Je ne crois pas que c'est approprié de quelque façon que ce soit.
    Je voudrais simplement que vous compreniez que la dépendance est un problème réel et grave. Le Canadien sur cinq qui est aux prises avec une dépendance n'a pas le luxe de faire des expériences avec des drogues. Il n'a pas le luxe d'aller dans un magasin d'alcools. Il sait qu'un seul verre d'alcool pourrait être le dernier qu'il consomme avant de rentrer chez lui pour retrouver sa famille.
    Honnêtement, monsieur, il y a une épidémie de dépendances dans les universités, et les étudiants en question ont besoin de soutien et d'aide. Je vous demanderais de peser vos mots.
(1255)
    Merci d'avoir expliqué ce qu'est la dépendance. Je vous expliquerais que la stigmatisation des gens et la misère créée par les politiques économiques néo‑libérales sont deux raisons essentielles pour lesquelles un Canadien sur cinq souffre d'une dépendance. Le fait est que, peu importe l'approche que nous adoptons à l'égard de la criminalisation, les gens auront toujours des dépendances. C'est un comportement humain. Cela ne va pas disparaître. Nous devons nous fonder sur la science et sur l'expérience vécue pour aider au mieux les gens et diminuer ce problème, et cela ne se fera pas en les stigmatisant et en les criminalisant.
    Merci, monsieur Fallu.
    Les dernières questions seront posées par Mme Brière pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Aux fins du compte rendu, nous venons tout juste de perdre presque cinq minutes de notre temps à discuter d'une demande refusée.
    Docteure de Villa, si je comprends bien, les provinces décident de la formation offerte aux médecins, de ce qu'ils peuvent prescrire et à quel moment et de ce qui est remboursé. Elles supervisent également les ordres professionnels qui mènent des enquêtes sur les ordonnances interdites. Est‑il exact de dire que les provinces ont un rôle à jouer à cet égard?
    Oui. Pour ce qui est de la réglementation des professionnels de la santé, elles ont clairement un rôle à jouer.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Il existe des organismes de réglementation des professionnels de la santé. Je suis probablement la mieux placée pour parler de celui qui est en place pour les médecins parce que c'est celui que je connais le mieux.
    Les médecins doivent passer par un processus de formation pour obtenir leur permis d'exercice de la médecine. Dans les divers collèges provinciaux de médecins et de chirurgiens, il y a toujours des attentes à respecter pour pratiquer la médecine. De plus, pour ceux d'entre nous qui sont des médecins spécialisés, ils ont des obligations envers leur collège, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Pour ce qui est des médecins de famille, ils relèvent du Collège des médecins de famille du Canada.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Fallu, au cours de la réunion, nous avons entendu plusieurs commentaires de personnes qui sont en faveur d'une approche complète ou globale, même si je n'aime pas ce mot. Cette approche va de la prévention et de la réduction des risques jusqu'au traitement.
    N'est-il pas un peu incongru, à ce stade-ci, de parler de traitements forcés, alors qu'on manque déjà de places pour les traitements volontaires?
    Oui, c'est tout à fait le cas.
    Comme je le disais plus tôt, avant de penser à forcer des gens à suivre des traitements, commençons par élargir l'accès à ces derniers. L'accès est très difficile, justement parce que les personnes sont stigmatisées. C'est beaucoup plus compliqué que cela en a l'air. Il y a beaucoup de choses qui doivent être faites avant d'en arriver là. C'est vraiment une solution de dernier recours.
    Puisqu'on m'attaque personnellement, j'ajouterai une précision. Tant qu'on n'abordera pas la question de la consommation de substances dans notre société du point de vue de la santé, qu'il s'agisse de santé mentale ou de santé sexuelle, on ne fera qu'empirer la situation et tuer des gens.
     C'est d'ailleurs pour cette raison que l'on considère qu'il s'agit davantage d'un problème lié à la santé publique que d'un problème à caractère judiciaire.
    Voulez-vous ajouter des commentaires là-dessus?
    C'est tout à fait vrai. C'est pour cela qu'on abandonne de plus en plus l'idée que c'est un problème lié à la criminalité pour parler plutôt d'un problème lié à la santé publique. Il faut rappeler que la plupart des personnes qui consomment de l'alcool et d'autres drogues n'ont pas de problèmes. La plupart des personnes qui consomment des substances psychoactives ne sont ni criminelles ni malades. C'est un comportement qui existe, et c'est justement pour ça que j'ai voulu en parler. Je voulais souligner le fait que les représentations qu'on nous renvoie sont complètement déformées.
    Il y a une multitude de personnes qui consomment et qui sont bien intégrées dans la société. Malheureusement, le gros problème que pose la prohibition, c'est que son application est totalement discriminatoire. Ce sont les personnes les plus vulnérables, les plus fragiles, celles qui sont à la rue, qui en subissent le plus les conséquences.
(1300)
     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci à tous nos témoins.
    Merci, madame Brière.
    Cela met fin à notre dernière série de questions.
    Chers collègues, je vous rappelle que nous avons une réunion informelle juste après la période de questions, de 15 h 30 jusqu'à 16 h 25, avec une délégation de la Chambre des représentants aux États-Unis. Il s'agit d'une réunion informelle, mais cela ne ferait pas bonne figure si personne ne se présentait, donc si vous pouvez y assister, ce serait formidable de vous y voir. Nous devons nous arrêter sans faute à 16 h 25 parce qu'ils doivent rencontrer le comité de l'agriculture, je crois, après nous.
    Je remercie infiniment tous nos témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
    Madame Krupp, veuillez accepter mes plus sincères condoléances pour le décès de votre fille, et vous avez toute ma sympathie pour les épreuves que vous traversez avec votre fils. Aucun parent ne voudrait vivre cela, et le fait que vous le viviez et ayez le courage d'en parler publiquement... Merci.
    Je remercie également nos témoins experts.
    Le Comité souhaite‑t‑il lever la séance?
    Des députés: D'accord.
    Le président: La séance est levée.
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