Bienvenue à la 102e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Bonne Saint-Valentin à tous. C'est une merveilleuse façon de passer la soirée de la Saint-Valentin. Je ressens déjà l'affection qui règne ici.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement.
Pour les participants en mode virtuel, des services d'interprétation sont à votre disposition. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais et le français. Veuillez ne pas prendre de captures d'écran ou de photos de votre écran pendant la réunion.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les participants à distance, sauf une, ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion. Nous effectuerons les tests avec Mme Long, si nécessaire, quand son tour viendra.
L'objet de cette réunion est le projet de loi . Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 13 février 2024, le Comité entreprend l'étude de la Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins.
Nous accueillons le Dr Pierre Gagnon, psychiatre, par vidéoconférence, et le Dr K. Sonu Gaind, professeur de psychiatrie à la faculté de médecine de l'Université de Toronto, qui est avec nous en personne. Les deux comparaissent à titre personnel.
[Français]
Nous recevons également le Dr Georges L'Espérance, président de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, qui témoigne par vidéoconférence.
[Traduction]
Helen Long, la directrice générale de Mourir dans la dignité Canada, se joint aussi à nous en mode virtuel.
Merci à tous de prendre le temps de comparaître aujourd'hui. Comme on vous l'a expliqué, vous disposerez de cinq minutes chacun pour votre déclaration liminaire.
[Français]
Docteur Gagnon, c'est vous qui allez commencer.
Vous disposez de cinq minutes.
:
Bonsoir, messieurs les députés. Je suis heureux de pouvoir exposer quelques réflexions sur ce projet de loi.
La première chose que je peux dire, en tant que psychiatre québécois, est que certains documents ou certaines rumeurs ont circulé. On a dit que la communauté psychiatrique québécoise serait largement en faveur de cette expansion, ce qui n'est pas exact, ou que l'implantation de la pratique de l'euthanasie pour patients avec troubles psychiatriques se ferait sans problème ou controverse, ce qui n'est pas le cas non plus.
Pour résumer les quelques éléments dont j'aimerais vous faire part ce soir, il faudrait d'abord reconnaître que les idées suicidaires font partie des symptômes principaux et intrinsèques associés à la plupart des troubles psychiatriques graves. De plus, il n'est pas possible, sur une base clinique, même pour les meilleurs psychiatres, de différencier les idées suicidaires de ce que l'on considérerait comme étant une demande authentique d'euthanasie ou d'aide médicale à mourir en interviewant un patient et en l'évaluant.
Par ailleurs, toutes les maladies sont différentes. On ne peut pas appliquer à toutes les mêmes critères. Les troubles psychiatriques sont caractérisés par un processus au long cours où le désir de vivre est atteint au premier plan. Le désir de vivre et de mourir est un processus fluide et fluctuant; cela a été démontré par plusieurs études. Contre toute attente, les patients finissent par s'adapter et vouloir vivre. Le principe de non-discrimination ou d'équité à l'égard des personnes atteintes de troubles psychiatriques commande de fournir le traitement approprié à la condition personnalisée du patient, et non pas d'offrir le même traitement à toutes les personnes et pour toutes les maladies. Le principe d'équité est donc davantage, selon nous, de bien adapter les traitements à la situation de la personne.
L'incertitude pronostique est toujours présente dans les troubles psychiatriques. Le caractère irrémédiable de la pathologie n'est donc pas présent dans le cas des troubles psychiatriques. Par conséquent, ce critère nécessaire à l'aide médicale à mourir est absent.
De même, le refus de traitement est aussi une composante intrinsèque des troubles mentaux. Il n'y a aucune autre discipline où l'on obtient aussi fréquemment des ordonnances de traitement de la cour pour obliger les patients à se faire soigner, parce qu'ils perdent leur capacité de jugement à l'égard de leur état. Il est donc inconcevable de laisser le patient décider qu'un médecin doit mettre fin à ses jours, alors que la science confirme jour après jour que ces personnes peuvent être soulagées, que leur état peut être amélioré et qu'elles peuvent même être relancées sur une trajectoire de vie gratifiante.
De plus, dans le contexte du traitement des troubles mentaux, la relation entre les patients et les soignants, ainsi que l'attitude des soignants, peuvent jouer un rôle particulièrement important. Le devoir du psychiatre et des autres professionnels de la santé demeure de tenter d'instiller l'espoir, qui est un ingrédient thérapeutique très précieux.
Il est également important de mentionner que, lors des présentations favorables et militantes en faveur de l'aide médicale à mourir ou de l'euthanasie pour les personnes atteintes primairement de troubles mentaux, on donne souvent l'exemple de troubles psychiatriques rares ou très graves qui résistent à tous les traitements. En fait, les études publiées sur les cohortes de patients qui ont subi l'euthanasie dans des pays comme la Belgique ou les Pays‑Bas démontrent au contraire que des troubles beaucoup plus courants et traitables sont représentés dans les patients qui ont reçu l'euthanasie.
En fait, une étude notamment publiée dans JAMA Psychiatry démontrait que, dans 55 % des cas, les troubles dépressifs constituaient le diagnostic psychiatrique principal. La majorité des patients qui avaient subi l'euthanasie avaient un trouble de personnalité ou étaient solitaires et isolés socialement; et 70 % pour cent de ces personnes étaient des femmes, alors qu'en matière de suicide, on observe normalement l'inverse.
Une autre étude chez des patients belges atteints de troubles mentaux et demandant l'euthanasie démontrait l'élargissement idiosyncrasique et excessif du concept de souffrance intolérable.
Cette étude révélait que des psychiatres avaient accepté qu'une composante importante de la souffrance intolérable admissible à l'euthanasie puisse provenir d'aspects sociaux, économiques, et même existentiels, tels que la perte d'un être cher, d'un ami ou d'un animal de compagnie, les problèmes financiers, ou le sentiment d'être un fardeau pour la société.
Ainsi, on constate que ce sont les personnes les plus vulnérables, et non les personnes atteintes de troubles mentaux sévères et réfractaires, qui sont habituellement l'objet de l'euthanasie.
Je vais m'arrêter ici. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Sonu Gaind. Je suis psychiatre, professeur et membre du conseil d'administration à l'Université de Toronto, chef du service de psychiatrie à Sunnybrook, ancien président des associations de psychiatrie du Canada et de l'Ontario et actuel président de la nouvelle Society of Canadian Psychiatry. Je ne suis pas un objecteur de conscience et dans mon ancien hôpital, j'étais le médecin président de l'équipe qui s'est penchée sur l'aide médicale à mourir. Mes rôles éclairent mon expertise, mais je suis ici à titre personnel. Je ne représente aucun groupe.
Je tiens tout d'abord à exprimer ma gratitude pour la décision de suspendre l'élargissement prévu de l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale. En toute honnêteté, c'était le seul choix responsable parce qu'il reste trois enjeux critiques à régler.
Tout d'abord, l'aide médicale à mourir est destinée aux personnes ayant une affection irrémédiable, c'est-à-dire une affection dont on peut prédire qu'elle ne s'améliorera pas. Il est prouvé dans le monde entier que nous ne pouvons pas prédire la nature irrémédiable d'une maladie mentale — ce qui signifie que la principale garantie qui sous-tend l'aide médicale à mourir est déjà contournée — et il est prouvé que ces prédictions sont erronées plus de la moitié du temps. Deuxièmement, des données scientifiques montrent qu'il n'est pas possible de distinguer la suicidabilité découlant d'une maladie mentale des motivations conduisant à des demandes d'aide médicale à mourir psychiatriques. Les caractéristiques qui se recoupent donnent à penser qu'il n'y a peut-être pas de distinction à faire.
Si l'on combine ces vérités gênantes avec le fait que les personnes atteintes d'une maladie mentale présentent des taux plus élevés de souffrance sociale, comme l'itinérance et la pauvreté, cela signifie que les évaluateurs de demandes d'aide médicale à mourir se tromperaient la plupart du temps en prédisant le caractère irrémédiable. Ils croiraient à tort qu'ils filtrent la suicidabilité et donneraient plutôt la mort, en mars prochain, à des Canadiens marginalisés et suicidaires aux prises avec une détresse sociale dont l'état aurait pu s'améliorer.
Des gens parlent de faux espoirs. Dans ce cas, les évaluateurs seraient de connivence avec les symptômes de la maladie mentale du patient et lui donneraient un faux désespoir. Ils renforceraient à tort l'idée que la situation est désespérée pour les personnes les plus marginalisées qui auraient pu aller mieux. Il s'agirait là de la discrimination ultime.
Comment en sommes-nous arrivés là, deux fois sur le point d'autoriser l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale et deux fois à dire que nous ne sommes pas prêts? Je pense que c'est parce que les personnes chargées de témoigner en tant qu'experts ont préféré défendre une idéologie.
La disposition de temporisation présentée par le sénateur Kutcher en 2021 n'a jamais posé la question de savoir si nous pouvions offrir de manière responsable l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale, mais elle a établi un ordre du jour prédéfinissant que nous le ferions. Le module sur la maladie mentale de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, l'ACEPA, prétend former les évaluateurs à éliminer la suicidabilité des demandes d'aide médicale à mourir psychiatriques, mais il ne fait rien de tel et rien n'indique que nous puissions réellement le faire.
Le groupe d'experts chargé de proposer des garanties a refusé de recommander des garanties législatives supplémentaires, bien que le Canada n'ait pas l'obligation de faire preuve de vigilance avant de donner la mort par aide médicale à mourir. Un sixième des membres de ce groupe d'experts a démissionné, mais la présidente du groupe a continué à promouvoir l'élargissement, déclarant qu'elle n'était pas préoccupée par l'écart de deux à un entre les hommes et les femmes, qui sont plus nombreuses que les hommes à obtenir l'aide médicale à mourir psychiatrique là où elle est autorisée. C'est remarquable.
Par ailleurs, les sénateurs dissidents, mécontents de la suspension de l'élargissement, cherchent à convaincre le Sénat de ne pas tenir compte de l'appel à la suspension du projet de loi , le sénateur Kutcher affirmant qu'ils doivent s'interposer comme un rempart contre la tyrannie de la majorité. Wow!
Tout en citant leurs titres de compétence en médecine et en affirmant qu'ils traitent des enjeux médicaux et procéduraux mis en évidence dans le rapport, les sénateurs dissidents négligent de fournir des données probantes pour régler les principaux enjeux médicaux liés à l'incapacité à prédire la nature irrémédiable, l'incapacité à filtrer la suicidabilité et les risques pour les personnes marginalisées lors de l'octroi d'une aide médicale à mourir en cas de maladie mentale.
Nous sommes une exception parmi les pays pairs, car nous n'avons même pas de stratégie nationale de prévention du suicide et ces sénateurs dissidents prônent une mort plus facile en cas de maladie mentale. Avec tout le respect que je dois aux sénateurs dissidents, le fanatisme ne doit pas l'emporter sur la réalité.
Je suis convaincu que le Comité et, je l'espère, le reste du Sénat ne suivront pas les sénateurs dissidents dans leur marche contre les données probantes.
Je dois souligner les conséquences que l'activisme expansionniste a déjà eues. Après l'élargissement de l'aide médicale à mourir prévu dans le projet de loi pour toute forme de handicap en 2021, les décès dus à l'aide médicale à mourir ont augmenté de 30 % pour atteindre plus de 13 000 Canadiens en 2022, et le chiffre sera sans aucun doute plus élevé en 2023. Parmi ces dizaines de milliers de Canadiens, plus d'un tiers déclarent que le sentiment d'être un fardeau est une souffrance qui les pousse à demander l'aide médicale à mourir. Près d'un cinquième d'entre eux citent la solitude, et pour plus de la moitié d'entre eux, leur motivation était la perte de dignité.
Le débat entourant l'octroi d'une mort plus rapide et plus facile a aspiré tout l'oxygène de la pièce. Pourquoi donnons-nous la mort?
Comme je l'ai écrit récemment dans le Toronto Star, j'espère que le débat nous permettra de nous concentrer sur les véritables enjeux liés à la souffrance de nos concitoyens et que cela nous orientera vers une voie meilleure que celle qui consiste à pousser à la mort pour soulager les souffrances de la vie. Comme je l'écrivais dans cet article, si nous voulons vraiment nous attaquer à ces problèmes, le Canada a la possibilité d'être un précurseur dans le monde en créant le premier portefeuille de ministre responsable de la vie dans la dignité, au lieu de s'efforcer d'être le numéro un mondial du suicide assisté.
Je vous remercie de nouveau pour votre examen approfondi de cette question.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés du Comité permanent de la santé.
L'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité vous remercie de votre invitation.
Je suis neurochirurgien retraité, prestataire actif de l'aide médicale à mourir et président de l'Association.
En ce qui concerne le projet de loi , je m'en tiendrai à quelques éléments principaux sur le nouveau report de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale, et je poursuivrai avec le sujet des demandes anticipées pour les maladies neurodégénératives cognitives.
Exclure la santé mentale ne peut que conduire à des contestations juridiques, des processus lourds et inacceptables pour les patients touchés. Cette décision politique va à l'encontre de l'intérêt des quelques patients qui auraient pu être évalués, comme c'est leur droit.
Pourtant, l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes touchées permettrait le respect de la décision de la Cour suprême du Canada du 6 février 2015, comme l'avait souligné le Sénat en 2021. En effet, à l'unanimité, les juges n'ont jamais exclu les pathologies mentales. Cette exclusion impose ainsi à des patients, déjà brisés dans leur vie depuis des décennies, de devoir retourner devant les tribunaux pour pousser le gouvernement à respecter leur droit constitutionnel.
Il importe, pour la mise en contexte, de rappeler les écrits de la juge Baudouin dans sa décision du 11 septembre 2019, à la Cour supérieure du Québec, au paragraphe 252, qui dit ceci:
[252] La vulnérabilité ne doit pas être comprise ni évaluée en fonction de l’appartenance d’une personne à un groupe défini, mais au cas par cas, du moins dans le cadre de l’analyse de l’article 7 de la Charte.
Ce projet de loi signifie la prolongation de trois années supplémentaires des souffrances des personnes atteintes de troubles mentaux en plus des trois années déjà écoulées depuis mars 2021.
De nouveaux retards continuent de stigmatiser les personnes souffrant de troubles mentaux, alors que le rapport, déposé en mai 2022, du Groupe d'experts pancanadien sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale, mandaté par le gouvernement fédéral, explique très clairement les recommandations.
Au sujet des demandes anticipées pour les maladies neurodégénératives cognitives, le , a déclaré ne pas avoir prévu agir pour les demandes anticipées prochainement. Pourtant, au Québec, ce droit a maintenant force de loi depuis juin 2023, et une harmonisation du Code criminel est nécessaire afin que les patients qui veulent s'en prévaloir puissent être évalués par des prestataires qui n'auront pas à craindre une poursuite criminelle. L'Association presse donc le gouvernement fédéral de prendre des mesures pour faire avancer concrètement ce dossier.
Pendant qu'Ottawa tarde, les patients souffrent. Chaque année, il y a 14 nouveaux cas par 1 000 personnes âgées de 65 ans et plus, et 70 nouveaux cas d'Alzheimer pour 1 000 personnes de 90 ans et plus. Chaque jour, les troubles neurocognitifs touchent plus de 15 personnes toutes les heures. D'ici 2030, le Canada pourrait compter près de 1 million de personnes vivant avec des troubles neurocognitifs.
Retarder l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les demandes anticipées, c'est briser les espoirs de bien des citoyens. Ceux qui sont aux prises avec cette terrible déchéance de la personnalité se voient obligés de raccourcir leurs jours pendant qu'ils sont aptes à décider afin de ne pas se retrouver enfermés dans l'indignité.
Dans son rapport de février 2023, le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir vous a déjà recommandé d'aller de l'avant en approuvant les demandes anticipées.
L'approbation envers cette mesure est majoritaire dans tout le territoire canadien.
Le Québec a élaboré sa loi sur les demandes anticipées d'aide médicale à mourir après un processus consultatif approfondi qui reflète les valeurs et les préoccupations spécifiques de notre province, qui sont aussi celles de plus de 80 % des Canadiens.
Nous vous demandons d'envisager toute piste qui permettrait au Québec d'activer sa législation humaniste, dès ce printemps, et ainsi de répondre aux attentes de milliers de Québécois et de Québécoises. En autorisant les demandes anticipées, vous avez l'occasion de démontrer votre engagement envers la démocratie participative, les institutions du Québec et le respect des droits individuels en matière de fin de vie, en plus de faire preuve d'humanité et de compassion.
Il importe de souligner que l'admissibilité à une aide médicale à mourir apporte sérénité et paix d'esprit, et permet aux personnes atteintes de vivre pleinement le moment présent sans l'angoisse d'un long chemin de souffrance et de pertes multiples de dignité d'une maladie qui les mène inéluctablement à la mort.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci beaucoup de m'accueillir.
Bonsoir, chers membres du Comité.
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de témoigner sur un enjeu qui préoccupe profondément les personnes de tout le pays qui sont affligées de troubles mentaux graves et résistants aux traitements. Je m'appuie sur un mémoire que nous avons présenté au comité mixte spécial en novembre 2023.
C'est un enjeu qui nous préoccupe profondément à Mourir dans la dignité Canada parce qu'il concerne les droits des personnes qui, dans le passé et encore aujourd'hui, ont été privées des droits garantis par les articles 7 et 15 de la Charte de prendre des décisions autonomes et légales concernant leurs choix de fin de vie, simplement parce que leur maladie est de nature psychiatrique et non physique.
Le projet de loi dont vous êtes saisis prolongerait de trois ans, jusqu'en mars 2027, le refus d'accès à l'évaluation de l'aide médicale à mourir pour les personnes dont la seule affection sous-jacente est un trouble mental.
Comme le projet de loi , qui a introduit le droit à une évaluation de l'aide médicale à mourir pour les personnes dont le décès n'est pas prévisible dans l'immédiat, a été adopté en 2021 avec une disposition de temporisation excluant pendant deux ans cet accès pour les personnes atteintes d'un trouble mental, un délai qui a été prolongé d'une année, cela signifie que les personnes de cette catégorie se seront vu refuser pendant six ans le même ensemble de droits à l'aide médicale à mourir dont jouissent les personnes atteintes d'une maladie physique.
Il est scandaleux de suggérer qu'il faut six ans pour élaborer un régime pour l'aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué. C'est d'autant plus scandaleux que tous les critères fixés par le gouvernement lors de son dernier report ont été respectés. Nous disposons d'un programme d'études accrédité à l'échelle nationale et d'évaluateurs compétents et volontaires. Nous disposons de normes de pratique sur la base desquelles les organismes de réglementation des médecins et des infirmières et infirmiers praticiens peuvent superviser cette conduite.
Le projet de loi ne prévoit aucun nouveau paramètre. Que reste-t‑il à faire? Nous devons nous tourner vers ceux qui effectuent le travail d'évaluation et de prestation de l'aide médicale à mourir, soit les organismes de réglementation chargés de surveiller la conduite des cliniciens; les 127 médecins et infirmières et infirmiers praticiens du pays qui ont confirmé par écrit que le système d'aide médicale à mourir, les évaluateurs et prestataires de ce service et les psychiatres qui souhaitent participer à l'aide médicale à mourir pour les personnes lorsqu'un trouble mental est le seul problème médical invoqué qui ont déclaré qu'ils sont prêts; les organismes de réglementation et, surtout, les patients souffrant d'affections graves et réfractaires aux traitements qui sont prêts pour l'aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué.
Aucun nouveau critère n'a été établi pour ce report. Des garanties adéquates sont en place, notamment l'exigence d'une période d'évaluation d'au moins 90 jours, la nécessité de consulter un spécialiste compétent, un psychiatre dans ces cas, etc.
Nous approuvons l'entrée en vigueur de l'aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué parce que nous avons le devoir de protéger les droits de tous les Canadiens. Dans le cas présent, il s'agit d'un petit groupe de personnes tragiquement affligées de troubles mentaux sérieux et résistants aux traitements qui, malgré de nombreuses interventions sur de longues périodes, ont éprouvé dans leur vie des souffrances ininterrompues qui ne peuvent être soulagées.
Chez Mourir dans la dignité Canada, nous entendons parler de ceux qui, par peur, gêne ou stigmatisation, sont réticents à parler publiquement de leurs afflictions, mais qui ne savent que trop bien ce que signifie une souffrance profonde et ininterrompue. Ce qui est encore plus regrettable, nous entendons parler de ceux qui ne veulent pas s'exprimer publiquement par crainte d'être ostracisés par leur propre communauté. Souvent, leurs voix sont étouffées par ceux qui prétendent parler en leur nom.
Vous connaissez probablement tous l'histoire de John Scully, qui parle publiquement depuis plusieurs années de ses troubles mentaux, mais j'entends aussi parler de Jane, de Cathy et d'autres personnes qui ne sont pas en mesure de s'exprimer publiquement.
Il est malheureux que le Canada ait une longue histoire de paternalisme et de déni arbitraire des droits des personnes souffrant de troubles mentaux, et nous avons souvent fait un amalgame injuste entre la maladie mentale et l'incapacité. Dans l'arrêt Starson c. Swayze, en évoquant la nécessité de remédier à des décennies de présomption injuste d'incapacité à l'égard des malades mentaux, la Cour suprême du Canada a écrit: « C’est pourquoi il faut accorder une importance toute particulière aux principes de l’autonomie et de l’autodétermination lorsqu’il s’agit d’évaluer les personnes de cette catégorie. »
Chaque année, nous recevons des milliers de personnes à travers le Canada qui cherchent des renseignements ou qui naviguent dans le programme de coordination de l'aide médicale à mourir à travers le pays. Depuis l'adoption du projet de loi , la proportion de ces personnes qui s'identifient comme ayant un trouble mental, soit comme seul problème médical sous-jacent, soit comme comorbidité, ne cesse d'augmenter.
Nous prévoyons qu'un grand nombre de ces personnes ne seront probablement jamais jugées admissibles à l'aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est le seul problème médical invoqué, mais nous ne pouvons pas continuer à leur refuser le droit d'en faire la demande. Cela ne fait qu'accroître leur détresse et leur angoisse. Ces personnes sont laissées pour compte dans une position intenable, incapables de présenter une demande et souffrant cruellement.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence en cette soirée difficile.
Il est certain qu'on parle depuis extrêmement longtemps de l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale, mais il est incroyable de pouvoir compter sur des témoins du calibre de ceux que nous accueillons ce soir dans un si court préavis.
Docteur Gaind, je vais commencer par vous pour essayer de rendre les choses plus concrètes pour les Canadiens qui nous regardent.
Vous avez parlé de la différence entre la suicidabilité et le désir d'obtenir l'aide médicale à mourir. En effet, si je ne m'abuse, la suicidabilité est souvent l'un des critères de diagnostic de la dépression et vous avez évoqué l'incapacité à la distinguer du désir d'obtenir l'aide médicale à mourir.
Pour les Canadiens ordinaires, pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, monsieur?
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Je vous remercie de votre question. Je pense qu'elle est très importante, car à mon avis, les Canadiens ont été faussement rassurés en pensant qu'il est possible de distinguer d'une quelconque façon le type de suicidabilité dont vous parlez — qui découle des symptômes de la maladie mentale — des autres motivations conduisant à des demandes d'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale.
Les données recueillies dans les rares pays européens qui autorisent et prodiguent l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale montrent que ce n'est pas le cas. En fait, les caractéristiques de ces populations se recoupent. Le principal enjeu ici est que, lorsque des personnes suicidaires à cause d'une maladie mentale tentent de se suicider, en général, elles ne réussissent pas et ne tentent pas non plus de recommencer.
Le rapport de 2 pour 1 entre les femmes et les hommes que j'ai mentionné est un écart stupéfiant entre les sexes sur lequel je n'ai pas entendu un seul partisan de l'élargissement s'exprimer clairement. Je serais très reconnaissant à l'un ou l'autre des autres témoins présents ce soir de bien vouloir en parler. Cependant, nous pensons que cet écart stupéfiant entre les hommes et les femmes, qui est de 2 pour 1 dans les pays européens, illustre une marginalisation fondée sur le sexe. Pour tout psychiatre, cette statistique devrait être terrifiante, car elle est le pendant de l'écart de 2 pour 1 entre les femmes et les hommes qui tentent de se suicider lorsqu'ils souffrent d'une maladie mentale. La plupart ne mettent pas fin à leur vie en se suicidant, et la plupart ne font pas de nouvelle tentative.
Cela montre que pour les personnes suicidaires à cause d'une maladie mentale, nous essayons d'offrir des interventions et des mesures de prévention du suicide qui peuvent aider, mais nous n'avons aucun moyen de savoir si nous devrions le faire ou dire non et les faire passer plutôt par la porte B où nous allons faciliter leur suicide.
À mon avis, comme je l'ai dit ouvertement, les lignes directrices de l'ACEPA rassurent dangereusement les gens en leur disant qu'elles font quelque chose qu'elles ne font pas et ne peuvent pas faire. J'ai examiné ces lignes directrices, et c'est effectivement presque littéralement ce qu'elles disent sur le suicide. On parle de 10 diapositives. On dit qu'il faut environ 10 minutes pour les parcourir, et cela comprend un clip audio de quatre minutes. Rien dans ce contenu n'aide réellement à distinguer la suicidabilité que nous voulons aider à prévenir des demandes d'aide médicale à mourir psychiatriques, exception faite de l'impulsivité. Les lignes directrices se concentrent sur l'impulsivité. En réalité, les données probantes montrent, et je cite le rapport du Conseil des académies canadiennes, que « dans les pays occidentaux comme le Canada, les suicides impulsifs représentent un faible pourcentage de tous les décès par suicide, et ils surviennent souvent lorsque la personne a consommé de l’alcool ou des drogues illicites ».
Le rapport continue, mais le fait est que de nombreux suicides ne sont pas impulsifs, et ce n'est donc pas une caractéristique distinctive utile. La seule autre caractéristique distinctive, lorsqu'on parcourt toute la liste des questions, est littéralement: « La personne prévoit-elle de passer à l'acte elle-même, ou est-elle venue vous voir en tant qu'évaluateur de demande d'aide médicale à mourir? »
Est‑ce ainsi que nous décidons ce qui est suicidaire et ce qui ne l'est pas?
:
Merci beaucoup, docteur Gaind.
Vous avez parlé des lignes directrices ou du programme d'études de l'ACEPA. Pour ceux qui ne le savent pas, il s'agit de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM. Vous avez dit très clairement que ces lignes directrices et ce programme d'études n'aident pas à distinguer les personnes suicidaires des personnes qui souhaitent obtenir l'aide médicale à mourir.
Pourriez-vous nous reparler un peu de ces lignes directrices? Je les ai parcourues moi-même, mais nous parlons d'évaluer la nature irrémédiable ce qui, bien sûr, est une impossibilité à mon avis. Je me demande si vous avez examiné ce programme d'études pour voir comment il pourrait apprendre aux médecins ou au personnel infirmier à le faire.
Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps, mais j'aimerais planter le germe d'une idée dans votre esprit. À mon avis, le programme d'études de l'ACEPA s'adresse aux médecins ou aux infirmières et infirmiers praticiens de première ligne. La probabilité que des psychiatres effectuent ces évaluations, compte tenu de l'impossibilité actuelle de consulter un psychiatre, est presque nulle.
Je tiens à me faire l'écho de M. Ellis pour remercier les témoins de s'être réunis, non seulement le jour de la Saint-Valentin, mais aussi en soirée et dans un court préavis, et d'avoir été en mesure de nous présenter ce témoignage fort utile.
De toute évidence, il y a eu des années de délibérations à ce sujet, y compris lors de récentes réunions du Comité. J'essaie de situer mes questions dans le cadre de la question: « et maintenant? ». Que faisons-nous après avoir adopté le projet de loi en ce qui concerne les étapes suivantes? Comment pouvons-nous le mieux nous préparer?
J'aimerais m'adresser d'abord au Dr L'Espérance. J'aimerais mieux comprendre les leçons que nous pouvons tirer de l'expérience du Québec et ce que vous pensez de l'orientation adoptée au Québec, surtout en ce qui a trait à l'admissibilité à l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale. D'après le projet de loi 11, je comprends qu'on parle d'une exclusion permanente. Pouvons-nous tirer des leçons à l'échelle nationale des débats qui ont eu lieu au Québec?
Où voyez-vous le réseau de la santé au Québec en ce qui concerne la préparation à la maladie mentale comme seul problème médical sous-jacent? Comment conciliez-vous cela avec l'orientation du cadre législatif au Québec?
:
En fait, il n'y a pas d'expérience au Québec concernant les problèmes de santé mentale parce que nous sommes sous le parapluie du Code criminel, comme le reste du Canada.
Le comité du Québec qui s'est penché sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir a mis de côté la question des patients dont la seule condition est un problème de santé mentale parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments sous-tendant un certain consensus sociétal. Par contre, il faut dire que le rapport de ce comité a été fait avant le rapport du comité des experts mandatés par le gouvernement fédéral, qui a été déposé en mai 2022. Il y a donc un décalage ici.
Quelle serait la position du Québec maintenant que le rapport du comité des experts a été déposé? Je ne peux pas vous le dire. Je ne suis pas psychiatre, heureusement pour les patients. Cependant, je me base sur ce qui est présenté par les experts, en particulier dans le rapport des experts pancanadiens mandatés par le gouvernement fédéral.
On ne peut pas exclure totalement la problématique de la santé mentale, car on dénierait certains droits, mais il faut des balises très sévères, très serrées, qui s'étalent dans le temps. Dans nos discussions, nous parlons toujours d'une pathologie qui s'étire sur 20, 30 ou 40 ans avec des patients dont la situation s'est extrêmement détériorée en raison d'un trouble de santé mentale.
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Merci, monsieur le président.
Dans un premier temps, je vais faire un commentaire au sujet de nos deux psychiatres.
Ce que je comprends de ce qu'ils sont venus nous dire ce soir, c'est qu'ils ont la même opinion. Ils viennent à titre personnel nous dire qu'ils sont en porte-à-faux avec l'Association des psychiatres du Canada, l'Association du Barreau canadien, l'Association des médecins psychiatres du Québec, la Fédération des ordres des médecins du Canada, l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM — nous avons beaucoup de commentaires là-dessus — et le Collège des médecins du Québec.
Selon le Dr Gaind, ces gens sont des militants idéologiques. On voyait cela dans l'ancienne Union soviétique: la science contre l'idéologie. Quand on n'était pas d'accord sur l'opinion de l'autre, on disait qu'il faisait de l'idéologie. On appelle cela du « scientisme ». Cela étant dit, on pourrait tenir un débat sur cette question épistémologique dans un autre lieu.
Toujours est-il que, ce qui m'intéresse, c'est le projet de loi . Je n'ai pas entendu de commentaire là-dessus. Il y a un aspect fort important dans ce projet de loi. Êtes-vous d'accord que ce soit reporté indéfiniment? Êtes-vous d'accord sur la période de trois ans? C'est simple, j'aimerais entendre votre réponse.
Docteur Gagnon, vous avez la parole.
Docteur L'Espérance, le Comité a déposé un premier rapport en février 2023. Nous devions regarder tous les cas de figure quant à l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, et le Comité a fait une recommandation fortement majoritaire en faveur des demandes anticipées. C'était peut-être judicieux pour le gouvernement d'attendre de voir ce qu'on pouvait faire à propos des personnes atteintes de troubles mentaux, mais, in extremis, il a décidé de ne pas introduire cette recommandation dans le projet de loi , alors qu'il y a introduit, mot pour mot, la recommandation du Groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale.
Cela vous a-t-il surpris? Comment l'expliquez-vous?
Pourriez-vous nous éclairer sur la façon dont fonctionnent les demandes anticipées au Québec, afin que les gens comprennent de quoi il retourne?
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Précisons que la question de la santé mentale est une chose. Celle des demandes anticipées est une tout autre chose. Il est vrai que, dans le cas de la santé mentale, il n'y a pas un consensus ni médical ni sociétal. Chez les psychiatres, on nous dit que c'est moitié-moitié.
Cela étant dit, pour les demandes anticipées liées à des maladies neurodégénératives, la plus connue étant l'Alzheimer, il y a un consensus très large dans tout le Canada. En effet, 82 % des Canadiens sont en faveur des demandes anticipées. Tel que je l'ai mentionné, les maladies neurodégénératives cognitives vont être un poids énorme sur les épaules des patients, d'abord, ainsi que sur les épaules des familles, par la suite. C'est de plus en plus important, de plus en plus prévalent à mesure que l'âge avance.
La demande anticipée permet à une personne ayant un diagnostic établi de dire, alors qu'elle est encore apte à prendre une décision, qu'elle veut obtenir l'aide médicale à mourir lorsqu'elle aura perdu cette aptitude, dans telle ou telle condition. C'est l'essence de la loi du Québec, non seulement pour permettre à cette personne de conserver sa dignité, mais aussi pour lui donner des jours, des mois, et même une année ou deux de plus, entourée de sa famille, avec ses proches, même si elle a perdu une certaine partie de son aptitude. C'est le principe des demandes anticipées: respecter la dignité des gens jusqu'au bout de leur cheminement.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous nos témoins de nous avoir guidés dans cette partie de l'étude du projet de loi .
J'ai fait partie du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir depuis le début et je connais très bien le sujet dont nous sommes saisis.
Madame Long, j'aimerais commencer par vous, si vous le permettez.
Je vous remercie de votre déclaration liminaire et de représenter Mourir dans la dignité. Bien entendu, depuis que notre comité mixte spécial a déposé le rapport à la Chambre des communes et au Sénat en formulant une seule recommandation, nous avons reçu une lettre signée par les ministres de la Santé de sept des dix provinces et des trois territoires.
Vers le milieu de cette lettre, on peut lire: « L'échéance actuelle du 17 mars 2024 ne laisse pas suffisamment de temps pour préparer pleinement et de façon appropriée toutes les provinces et tous les territoires du Canada ». Plus loin, ils demandent au et au de « suspendre indéfiniment la mise en œuvre des critères d'admissibilité élargis à l'aide médicale à mourir afin de permettre une collaboration accrue entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral ».
Madame Long, en parcourant la liste des signataires, je constate qu'elle comprend des ministres de la Santé et des ministres responsables de la Santé mentale et des Dépendances. On peut voir qu'ils représentent tout le spectre politique, notamment le gouvernement néo-démocrate de la Colombie‑Britannique et plusieurs gouvernements conservateurs d'autres provinces.
J'aimerais que vous me parliez de la réaction de Mourir dans la dignité à cette lettre, étant donné qu'il s'agit de ministres, qu'ils exercent des fonctions exécutives au sein de leur gouvernement respectif et qu'ils sont responsables des systèmes de santé qui seront chargés de superviser ce processus. S'ils affirment publiquement que leur système n'est pas prêt, comment réagissez-vous, considérant votre déclaration liminaire dans laquelle vous avez dit que nous sommes prêts?
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Merci pour cette question.
À l'écoute des témoignages présentés au Comité, je pense qu'il est clair qu'entre autres, les autorités réglementaires ont dit qu'elles sont prêtes. Différents cliniciens, psychiatres et personnel infirmier ont dit qu'ils sont prêts. Même si les provinces ne se sentent pas tout à fait prêtes, il est certain que les conversations que nous avons eues et les témoignages que nous avons entendus, comme tous les membres du Comité, révèlent que des gens sont prêts à aller de l'avant.
En ce qui concerne la préparation du système à l'échelle provinciale, les mesures à prendre ne sont pas claires et je pense donc que la question que je poserais aux auteurs de cette lettre est la suivante: quelles conditions voulons-nous voir réunies avant que les provinces se déclarent prêtes?
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Avec plaisir, et cela nous ramène un peu à la question de M. Thériault qui essayait de fixer un délai préétabli pour l'obtention de données probantes, sans savoir si nous les obtiendrons.
Les failles sont les suivantes. Si nous disons aux gens que nous prévoyons que leur santé mentale ne s'améliorera pas, nous devons avoir des preuves que nous pourrons faire une telle affirmation honnêtement, et nous n'en avons pas. Les données dont nous disposons sur la première ou la deuxième voie ne permettent pas de répondre à cette question.
De même, la distinction entre la suicidabilité et les demandes d'euthanasie psychiatrique n'est pas non plus démontrée, de sorte que des personnes peuvent dire qu'elles pensent pouvoir faire quelque chose, ce qui ne veut pas dire qu'elles le peuvent. Des médecins nous disent qu'ils pensent qu'il faut prendre de l'Ivermectine pour guérir de la COVID. Cela ne signifie pas que nous devrions établir un cadre réglementaire pour le faire. C'est ridicule.
Je parle des données probantes, pas de ce qu'une personne donnée affirme.
En passant, je dirai aussi qu'en ce qui concerne mon ancienne association professionnelle, l'Association des psychiatres du Canada dont j'ai été le président, je trouve que la contribution qu'elle a apportée à ce dossier a été honteuse, en réalité.
Vous avez posé une question sur la deuxième voie. Lors des consultations qui ont précédé le dépôt du projet de loi , des consultations sur la maladie mentale et la mort, il n'a jamais été question de prévention du suicide. Il n'a jamais été question une seule fois des données relatives aux risques de suicide liés à la maladie mentale ou aux populations marginalisées. C'est comme si une association de pneumologues ne mentionnait jamais le tabagisme comme facteur de risque pour la santé pulmonaire.
Prenez le temps de réfléchir à ce que cela signifie. Je ne sais pas ce que cela signifie, alors...
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Merci, monsieur le président.
Docteur Gaind, les partisans de cet élargissement, y compris la présidente du groupe d'experts nommée par le gouvernement, la Dre Gupta, ont prétendu que très peu de personnes seraient admissibles à l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale. En fait, elle a déclaré qu'au cours de ses nombreuses années de pratique comme psychiatre, seules deux ou trois personnes, voire une poignée d'entre elles, seraient admissibles.
Elle cite la norme de pratique type pour démontrer que ce serait le cas. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
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Je trouve ce genre de déclarations, venant de personnes qui étaient en position de proposer des garanties législatives potentielles, assez étranges, car c'est ce que la Dre Gupta a affirmé alors qu'elle présidait le même groupe d'experts qui a littéralement dit qu'il ne recommandait pas une seule garantie législative pour l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale.
Pour ce qui est de prédire la nature irrémédiable de la maladie mentale, le même groupe d'experts — ou les 10 membres restants, car un sixième d'entre eux ont démissionné, y compris les représentants du réseau de la santé — a déclaré qu'il ne donnerait pas ou ne pourrait pas donner d'orientations sur la durée, le nombre ou les types de traitements auxquels une personne devrait avoir accès avant d'obtenir l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale. À mon sens, cela en dit long sur certains points que Mme Long et d'autres ont soulevés. Le groupe d'experts dresse le portrait de personnes qui souffrent depuis des dizaines d'années et qui ont reçu de nombreux traitements. Rien dans notre cadre législatif ne l'exige. C'est un portrait artificiel.
Si vous voulez avoir une idée des chiffres réels fondés sur des données probantes, Scott Kim, un chercheur au NIH, a mené une analyse fondée sur des données probantes et il estime qu'il y a plusieurs milliers de personnes par an.
Les éléments contenus dans la norme de pratique type et les autres éléments qui ne sont pas prescrits par la loi et qui ne constituent pas des garanties réelles sont essentiellement des suggestions. Les suggestions ne sont pas des garanties. Les assurances sans données probantes sont dangereuses, à mon avis. C'est sérieux. Nous donnons la mort à des personnes qui ne sont pas en train de mourir autrement, et des garanties sérieuses s'imposent.
Si Kenneth Law était médecin au lieu d'être chef cuisinier, dans quelle mesure accepteriez-vous qu'il soit l'évaluateur de l'aide médicale à mourir de votre mère s'il n'y avait que des suggestions non contraignantes et des assurances vides de sens plutôt que des garanties prescrites par la loi?
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À ma connaissance et en me basant encore une fois sur les données fournies par des experts, je constate que certaines données indiquent que des médecins psychiatres ou des médecins prestataires de l'aide médicale à mourir peuvent évaluer les patients.
Par ailleurs, il est très important de comprendre que, parmi tous les patients qui demandent l'aide médicale à mourir ou qui y sont admissibles actuellement en raison de maladies physiques, certains ont des problèmes de santé mentale. Leur aptitude à prendre des décisions pour eux-mêmes est alors évaluée à sa juste valeur.
Qui plus est, dans ma pratique clinique, en particulier en chirurgie, nous avons aussi régulièrement affaire à des patients qui ont des problèmes de santé mentale. Il faut aussi évaluer l'aptitude de ces patients à prendre des décisions et leur état suicidaire.
Par exemple, si un patient de 40 ans souffrant d'une douleur abdominale dit à son médecin qu'il ne veut aucune intervention chirurgicale et qu'il aime mieux mourir, il est évident que ce patient sera évalué en psychiatrie et sera traité. Par la suite, on va le traiter sur le plan physique. Il en va de même pour toutes les maladies physiques.
De façon générale, les médecins ont donc l'habitude d'évaluer l'aptitude des patients dans la pratique clinique de tous les jours, lorsque c'est nécessaire, bien sûr.
En ce qui concerne les patients en santé mentale qui demanderaient l'aide médicale à mourir, je suis tout à fait convaincu qu'il y en aurait très peu, pour la simple raison que des balises importantes ont été établies à la suite des recommandations du comité d'experts.
On ne peut pas accorder l'aide médicale à mourir à une personne qui se présente un matin en disant qu'elle veut la recevoir. Pour y être admissible, le patient doit souffrir de maladie mentale depuis de nombreuses décennies et tous les traitements doivent avoir été tentés.
Cependant, il faut faire attention: une personne n'est pas obligée d'essayer tous les traitements. Elle peut très bien en refuser. Cela est inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Bien sûr, si on parle d'un patient ou d'une patiente ayant des problèmes de santé mentale uniquement qui demande l'aide médicale à mourir, il ou elle devra avoir reçu un certain nombre de traitements. Cependant, il est faux de dire qu'il faut tenter tous les traitements possibles, parce que cela va à l'encontre de la Charte.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Docteur Gaind, à l'origine de tous les problèmes que nous pose cette question particulière des troubles mentaux comme seul problème de santé invoqué se trouve l'amendement sénatorial de dernière minute au projet de loi . J'étais là pendant la 43e législature. J'étais là pendant la 42e législature pour le premier débat sur l'aide médicale à mourir. Je me souviens du moment où la Charte a été la première fois invoquée au sujet du projet de loi C‑7, ce qui, à mon sens, expliquait raisonnablement la position initiale du gouvernement favorable à l'exclusion des troubles mentaux des critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Il reconnaissait les risques inhérents et les difficultés qui en découleraient pour les citoyens. Il soulignait que les éléments probants donnent à penser qu'il est particulièrement difficile d'évaluer l'aptitude à prendre des décisions. Il faisait observer que les maladies mentales sont généralement moins prévisibles que les maladies physiques. Cependant, il a inexplicablement accepté un amendement sénatorial lourd de conséquences.
Il semble que nous ne cessons de repousser l'échéance. Le premier report a été de deux ans. Le projet de loi l'a encore repoussée d'une autre année. Et nous voici avec le projet de loi où il est question d'un nouveau report de trois ans.
Je me demande, tout d'abord, comment vous avez réagi à la volte-face du gouvernement. Par ailleurs, même si vous avez plus ou moins répondu sur ce point, j'aimerais que vous en disiez un peu plus. Serons-nous un jour prêts à prendre cette décision ou nous préparons-nous à un échec en 2027?
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Pour répondre à votre dernière question, sans vouloir être désinvolte, je pense que la seule réponse honnête est que nous ne savons pas si nous y serons prêts ou pas dans trois ans. C'est pourquoi il est problématique de dire que nous le serons, alors que nous ne savons pas.
Si nous ne savons pas, c'est à cause du processus très boiteux dès le départ, que vous évoquiez dans vos premiers points. Nous n'avons jamais posé ces questions. Nous ne les avons, en fait, jamais posées. Dès le premier jour, avec la disposition de caducité proposée par le sénateur Kutcher, il était couru d'avance que nous allions proposer cela, sans poser les questions auxquelles il faut d'abord répondre. Pour moi, cela revient à mettre la charrue avant les bœufs.
Je ferai également remarquer que sur les questions clés de l'irrémédiabilité et de la suicidalité, je trouve assez frappant que les personnes qui expriment une certaine prudence ne soient pas les seules à citer ces aspects. Même celles qui sont les premières à dire que nous devrions adopter cette mesure en reconnaissent l'importance.
La Dre Gupta a présidé un certain nombre de ces groupes d'experts. Elle est également coauteure d'un rapport de l'Association des médecins psychiatres du Québec datant de 2019, je crois. Je ne me souviens plus de l'année. Dans ce rapport, l'AMPQ reconnaît littéralement qu'en ce qui concerne l'irrémédiabilité, une personne qui a recours à l'aide médicale à mourir, quelle que soit sa maladie, aurait peut-être pu retrouver un jour le goût de vivre. Elle le reconnaît, mais dit ensuite que ce devrait être chaque fois une question éthique.
Lorsque l'on demande l'avis d'experts médicaux, l'éthique est une bonne chose, mais selon moi, les gens pensent qu'ils obtiennent leur avis médical et pas leur jugement éthique personnel. En ce qui concerne la suicidalité, cet élément a également été reconnu par le groupe d'experts.
Je travaille dans un hôpital. Je discute avec des médecins d'autres disciplines qui sont habitués à l'aide médicale à mourir. Quand je leur parle de cette ouverture, ils disent que cela n'a aucun sens et se demandent comme c'est possible. Ils soulignent que notre métier consiste justement à traiter les patients suicidaires.
Je parle à certains de mes collègues psychiatres très expérimentés qui ont vu des cas très lourds. Ils me disent qu'ils ne seraient jamais capables, avec la cohorte de leurs patients, de distinguer un suicide d'une demande authentique.
Il y a eu une discussion à l'Association des médecins psychiatres du Québec. Un psychiatre extrêmement expérimenté et astucieux a dit qu'il ne ferait jamais cela. Il demanderait à un collègue de le faire. Il n'était pas contre, théoriquement, mais il disait ne pas voir comment il pourrait être capable de faire cela dans sa carrière, malgré le fait qu'il avait une expérience extrêmement vaste avec des cas très difficiles et très complexes.
Malheureusement, on n'est pas capable de faire cette distinction présentement.
Mme Long a parlé de personnes souffrant sans cesse. Vous avez expliqué qu'il est difficile de déterminer l'irrémédiabilité, de savoir si des personnes ne vont vraiment pas aller mieux. Par ailleurs, en qualité de médecin, j'ai vu quelqu'un que je connaissais à Noël, lorsque je travaillais dans une clinique sans rendez-vous. Dès qu'il m'a vu, il m'a salué et m'a demandé comment j'allais. Au fil des ans, je l'ai vu à plusieurs reprises pour des tentatives de suicide ou des idées suicidaires. Dans une salle d'urgence, il aurait été le type même de personne dont Mme Long aurait peut-être dit qu'elle souffrait sans cesse. Je l'ai revu avec plaisir, et il semblait très heureux. Je lui ai demandé ce qui avait changé et il m'a raconté tout un tas de choses.
Avez-vous fait la même expérience avec des personnes dont on pensait que leur état ne s'améliorerait jamais et qui, en fait, vont mieux?
Peut-être que je poserai ensuite la même question au Dr Gagnon.
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Oui, j'ai vu des patients dans ce cas, et mes collègues parlent toujours de patients dont l'état s'améliore. Souvent, ils ne comprennent pas pourquoi. Souvent, il s'agit d'une relation, d'un événement de la vie ou d'un changement thérapeutique.
J'ai un exemple. En tant que psychiatre, je suis également des patients atteints de cancer lorsqu'ils sont dépressifs. J'ai eu une patiente de ce type qui souffrait d'un trouble de la personnalité limite grave et de dépression. Elle était suicidaire depuis des décennies et se rendait toujours aux urgences, comme certains patients que vous avez vus, peut-être. Puis, soudain, elle a souffert d'un cancer métastatique et elle a cessé d'être suicidaire. Elle m'a dit qu'avant d'avoir le cancer, elle voulait toujours mourir, mais qu'elle ne pouvait pas, et que maintenant qu'elle pouvait mourir, elle voulait vivre. Elle a connu cinq années d'un bonheur très productif et fructueux. C'est ce que nous voyons tout le temps avec nos collègues. C'est très difficile à prévoir.
Je voulais ajouter aussi que nous oublions toujours qu'il existe maintenant de nouveaux traitements. Je suis directeur du département de psychiatrie de l'Université Laval, et mon travail consiste à recruter de jeunes médecins qui utilisent de nouvelles techniques et de nouvelles procédures. Ils se forment dans le monde entier et reviennent dans notre centre de Québec. Ils s'intéressent à différents types de psychothérapie, comme la neuromodulation et la stimulation magnétique transcrânienne. Il existe de nouveaux traitements très prometteurs, comme les traitements à base de kétamine ou de psilocybine. Tous ces nouveaux traitements pourraient changer la donne. Nous oublions parfois de parler de ces nouveaux traitements qui pourraient vraiment donner de l'espoir et changer le cours de la maladie.
Je vous remercie.
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C'est bien ce que mes collègues et moi craignons le plus. Vous avez mis le doigt sur l'essentiel. C'est exactement ce qui va se passer, et le problème est que nous ne saurons pas quelles personnes parmi elles auraient guéri. Elles feront toutes partie du lot dont les évaluateurs de l'aide médicale à mourir diront que leur état ne se serait jamais amélioré. Nous supposerons qu'elles n'auraient jamais guéri, alors que plus de la moitié d'entre elles auraient guéri.
En fait, des patients m'ont dit qu'ils ont peur de l'avenir et qu'ils ne voudront peut-être pas demander d'aide s'ils sont de nouveau dépressifs. Pourquoi? Parce qu'ils redoutent que quelqu'un leur propose de recourir à l'aide médicale à mourir au lieu d'un traitement.
Nous parlons de la norme de pratique modèle. Étonnamment, elle dit que vous devez informer tout adulte susceptible d'y être admissible de l'option éventuelle de l'aide médicale à mourir — sauf si vous savez déjà, pour une raison ou une autre, que celle‑ci ne fait pas partie son système de valeurs ou de ses objectifs de soins. Cela concerne, en fait, tout adulte handicapé, car l'aide médicale à mourir pourrait être une option pour eux.
Je ne connais pas d'autre pays qui ait dit quelque chose d'aussi permissif, au fond. La plupart disent que le médecin ne peut pas être celui qui aborde le sujet, car cela peut être perçu comme une suggestion de la part du corps médical.
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Je vous remercie, monsieur le président. Merci.
Docteur Gaind, je siégeais au comité spécial. Nous nous sommes déjà rencontrés.
En fait, je siégeais à la dernière édition du comité spécial et à la précédente. Je siégeais aussi au comité de la justice qui a examiné le projet de loi . Le sujet m'est donc familier. Cependant, je ne prétends être à la hauteur d'aucun de vous pour ce qui est de ma capacité de comprendre certains des problèmes que nous traitons, et c'est la raison de ma question.
Nous étudions un projet de loi sur un point très particulier. Nous ne discutons pas de la moralité de l'aide médicale à mourir. Nous ne débattons pas de sa constitutionnalité. Nous ne parlons pas de demandes anticipées. Nous cherchons à savoir si ce projet de loi doit être adopté dans sa forme actuelle et pourquoi.
Je ne suis pas médecin. Il n'existe pas de consensus sur la question. Comme je l'ai dit, j'ai siégé aux comités. Écoutez, nous avons trois médecins à ce comité, et je crois pouvoir dire que, selon moi, nous n'avons pas de consensus autour de cette table, et ce, en vous excluant, docteur Gaind.
Voici ma question. Nous recevons quatre témoins aujourd'hui, dont deux, si j'ai bien compris, ont déclaré que nous ne devrions pas retarder l'adoption de cette mesure législative. Les deux autres estiment que nous le devrions.
Je commencerai par vous, madame Long. Voici mon dilemme. Nous avons pour tâche, en tant que législateurs, de décider si le système est prêt ou pas. J'ai eu l'occasion d'entendre de nombreux témoins, d'examiner de nombreux mémoires et de passer en revue toutes sortes d'articles et de données sur le sujet, et il n'y a pas de consensus.
Vous nous dites qu'il ne faut pas attendre parce que nous devons protéger les droits des citoyens — et j'y reviendrai dans un instant —, mais mettez-vous à ma place. J'ai entendu toutes ces personnes et lu toutes ces données, et il n'y a pas de consensus. On est loin d'un consensus. Je ne suis ni juge ni juré. Je n'ai pas à décider qui a raison et qui a tort. Ce que je dois faire, c'est décider si le système est prêt.
Mettez-vous à ma place, face à cette situation — avec bien des personnes qui disent que le système n'est pas prêt et qui sont des professionnels hautement qualifiés —, est‑ce que je n'agis pas de manière responsable en disant que nous devrions attendre afin de discuter plus avant du projet?
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Docteur Gagnon, l'ACEPA, soit l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir, ainsi que les experts du groupe d’experts sur l’aide médicale à mourir et la maladie mentale, disent que les personnes en crise suicidaire ne sont pas admissibles à l'aide médicale à mourir.
Vous avez parlé, plus tôt, des tentatives de suicide et de la prévention du suicide. Or ces experts disent qu'un état suicidaire est un état réversible. La question ne se pose donc pas. Il n'est pas question qu'une personne en état de crise soit admissible à l'aide médicale à mourir.
Pourquoi confondez-vous cela? Si un évaluateur voit un lien entre une demande et des vulnérabilités structurelles, il n'est pas question d'accepter la demande d'aide médicale à mourir.
Vous dites qu'il n'y a pas de balises, mais il y en a. Ces gens se sont donné des balises. Ils font des évaluations et ils disent à leurs pairs qu'il n'est pas question qu'un patient puisse être admissible dans une telle situation. Vous en convenez, j'imagine.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Docteur Gaind, je vais prendre du recul et aborder la question sous l'angle de la Charte des droits et libertés.
Je sais que vous et moi ne sommes pas spécialistes du droit constitutionnel, mais vous savez ce qui est invoqué lorsque nous examinons l'article 7, qui concerne la sécurité de la personne, le droit à la vie, etc. En gros, l'interprétation du profane est que chacun a le droit de prendre des décisions sur ce qu'il advient de son propre corps. Bien entendu, l'article 15 prévoit l'égalité de tous devant la loi. L'article 1 précise qu'une société libre et démocratique peut légitimement porter atteinte à certains droits énoncés dans la Charte.
Tout au long de mon travail au sein du comité mixte spécial, j'ai toujours cherché à trouver un équilibre entre les droits d'une personne de prendre des décisions concernant son propre corps et la nécessité pour la société d'intervenir parfois pour protéger les personnes les plus vulnérables. Je ne mentirai pas, j'ai trouvé cela très difficile.
En ce qui concerne la question particulière des troubles mentaux comme seul problème médical invoqué, comment est‑ce que vous et d'autres médecins abordez cette question et comment est‑ce que vous trouvez cet équilibre?
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Comme vous le soulignez, je ne suis pas juriste. Il ne s'agit donc que de ma compréhension de la question et, évidemment, je n'ai pas compétence juridiquement.
Je me rappelle avoir pensé que, même dans l'arrêt Carter original et l'argument relatif à l'article 7, il s'agissait en partie de la question d'une vie que l'on abrège. Autrement dit, si quelqu'un est dans un état où il peut prévoir qu'il arrivera un moment où il ne pourra pas agir pour mettre fin à ses jours et qu'il choisit d'y mettre fin avant cette période de souffrances intolérables, il abrège sa vie. C'est l'une des raisons pour lesquelles, d'après ce que j'ai compris, l'aide médicale à mourir devait être une option.
Cet argument ne s'applique pas aux maladies mentales, car, bien qu'elles causent d'énormes souffrances et qu'elles diminuent parfois les capacités — même si la plupart du temps, les gens conservent leur pleine capacité juridique —, elles privent très rarement la personne du pouvoir d'agir pour mettre fin à sa vie ou de faire d'autres choses. C'est là que l'on voit des différences entre certains des arguments avancés dans l'affaire Carter. On oublie un peu cela.
C'est une question importante en raison, comme je l'ai déjà mentionné, de la différence entre faire quelque chose pour quelqu'un et le faire soi-même. Lorsque nous parlons du droit à son propre choix, je le comprends de manière simpliste comme étant mon droit de faire des choses pour moi-même. Lorsque je m'attends à ce que l'on me fournisse quelque chose, d'autres éléments interviennent. Si nous attendons de l'État qu'il permette de mourir plus facilement en offrant une aide médicale à mourir, je pense qu'il nous incombe de réfléchir aux conséquences pour tout le monde — pas seulement pour une personne, mais pour tout le monde, y compris les populations vulnérables.
Nous savons que nos lois ont une incidence différente sur différentes personnes. Comme l'a dit le poète Anatole France, la loi, dans sa majestueuse égalité, interdit aux riches comme aux pauvres de mendier dans les rues, de voler du pain et de dormir sous les ponts.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos invités de leur présence aujourd'hui.
Docteur Gagnon et docteur Gaind, vous avez dit certaines choses qui me rejoignent. Hier soir, dans mon intervention sur le projet de loi , j'ai dévoilé pour la première fois quelque chose que je n'avais jamais partagé auparavant. Même si, depuis huit ans et demi, j'ai passé chaque minute de mon mandat de député à lutter pour la mise en place de soutiens en santé mentale pour notre personnel de première ligne, qu'il s'agisse de personnes souffrant de trouble de stress post-traumatique ou de blessure de stress opérationnel, et même si je me suis battu bec et ongles pour que le pays instaure une ligne d'écoute téléphonique nationale à trois chiffres pour les personnes à risque de suicide, j'ai connu dans ma vie une période très difficile. Tout mon être était envahi par des pensées de mort. J'ai fait deux tentatives de suicide. Aujourd'hui, je suis la preuve vivante que la vie vaut la peine d'être défendue.
Lorsque je parle de lutter pour les sans-voix et que je m'inquiète des propos de Mme Long, je ne crois pas qu'il soit possible de prévoir suffisamment de mesures de sauvegarde pour faire en sorte qu'une personne qui, comme c'était mon cas, traverse une période sombre et cherche une solution permanente à un problème temporaire...
Je vous suis reconnaissant de vos commentaires et de vos témoignages. Je respecte toutes les interventions. Ce qui m'inquiète, si nous élargissons les dispositions aux individus qui sont aux prises avec la maladie mentale, c'est que beaucoup de personnes qui disent vouloir mourir ne veulent pas, en fait, être mortes. C'est un geste tellement définitif.
J'ai également un proche qui a récemment choisi l'aide médicale à mourir. Même si on nous parle des mesures de sauvegarde qui sont en place — une période de réflexion, et tout cela —, je sais aussi que si cet être cher voulait obtenir tout de suite l'aide médicale à mourir, il l'obtiendrait.
Je m'inquiète pour les personnes en situation de maladie mentale et qui veulent mourir, à cause de la situation qu'elles traversent. Si seulement nous pouvons donner de l'espoir aux personnes désemparées et leur offrir des soins au lieu du désespoir, je pense que nous pourrions vraiment changer les choses.
Merci de votre témoignage.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
De toute évidence, nous discutons aujourd'hui d'une question éminemment sensible, émotionnelle et, pour beaucoup, personnelle.
Je n'ai pas la prétention de connaître cet enjeu aussi profondément que beaucoup de mes collègues du Comité, considérant le travail considérable déjà effectué par le Comité, notamment en ce qui concerne l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant des troubles mentaux. Ma participation au dossier de l'aide médicale à mourir remonte à 2016 et 2017, époque où la décision Carter a été mise en application. À titre de procureur général de la province de l'Ontario, j'ai alors travaillé avec le ministre de la Santé de l'époque pour appliquer la loi fédérale dans l'espace provincial.
Ce que cette expérience m'a appris, c'est que le réseau de la santé était loin d'être prêt à appliquer l'aide médicale à mourir d'une manière qui protège les droits des personnes sur le plan juridique, tout en garantissant du point de vue sanitaire que soit donnée une formation adéquate et que soient mis en place le programme d'études et les garanties nécessaires pour prévenir tout abus.
C'est ce que je pense. Pour moi, le débat entourant le projet de loi consiste à savoir si le réseau est prêt à appliquer les lois adoptées par le Parlement. Le gouvernement est d'avis, d'après ce que nous ont dit les experts et d'après les demandes que nous avons reçues des provinces et des territoires, que le système n'est pas prêt et que nous avons besoin de plus de temps; d'où la prolongation de trois ans.
Je m'adresserai d'abord au Dr L'Espérance, puis à Mme Long.
À votre avis, le réseau de la santé est‑il prêt à administrer dès le 17 mars de cette année l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux, ou bien serait‑il bon et prudent d'attendre d'avoir l'assurance que le réseau de la santé partout au pays, et j'insiste, partout au pays et pas seulement dans certaines parties des provinces, est suffisamment prêt pour administrer l'aide médicale à mourir aux personnes ayant des troubles mentaux?
Je commencerai par le Dr L'Espérance.
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Je vous remercie de votre question.
Je vais y répondre simplement: ce n'est pas le système qui administre l'aide médicale à mourir, ce sont les cliniciens.
Tous les cliniciens qui font partie de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM, soit l'ACEPA, ont travaillé très fort, depuis deux ans, pour établir des balises. Pour ce faire, au cours de la dernière année, ils ont suivi les recommandations du rapport d'experts, entre autres. Nous sommes d'accord sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une question simple. Toutefois, déjà trois années se sont écoulées, et ce n'est pas en reportant cela de trois autres années qu'on sera plus avancé, à mon avis.
La question repose sur un élément de décision clinique, avec toutes les balises nécessaires, comme le recommande le rapport d'experts. Cependant, je répète qu'il ne s'agit pas d'une question simple. À mon avis, reporter cela de trois ans ne changera absolument rien à la situation. Cela ne fera que reporter indéfiniment la décision, comme on l'a mentionné plus tôt.
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Madame Long, je m'adresserai d'abord à vous.
Je reviens sur ce dont parlait M. MacGregor, lorsqu'il citait la lettre signée par la plupart des provinces et tous les territoires qui indique explicitement que leur système de santé respectif — et dont ils sont ultimement responsables — n'est pas prêt, et où les signataires demandent au gouvernement fédéral, ou à ce Parlement, d'accorder une prolongation.
Cela ne nous indique‑t‑il pas — et encore une fois, comme le disait M. Maloney, mettez-vous à notre place pour ce qui est des options disponibles — la nécessité d'une prolongation d'au moins trois ans, pour que les provinces et les territoires soient prêts à dispenser ces soins de santé particuliers aux individus qui pourraient en avoir besoin?
Cela conclut trois tours de questions complets. Il est neuf heures moins cinq. Comme nous attendons les ministres pour neuf heures, nous allons suspendre la séance pour passer à l'autre groupe de témoins.
Au nom du Comité, je tiens à remercier ce groupe de témoins pour ses passionnantes contributions. Nous apprécions au plus haut point votre expertise et la célérité avec laquelle vous avez répondu à notre invitation. Nous vous avons donné le meilleur préavis possible, ce qui était beaucoup moins que d'habitude, mais vous avez répondu présents. Vous avez fait preuve de beaucoup de patience et de professionnalisme tout au long de la soirée dans vos réponses, et nous vous en sommes profondément reconnaissants.
Sur ce, nous allons suspendre la séance et attendre l'arrivée des deux ministres.
Encore une fois merci à nos témoins. Vous pouvez rester, mais vous êtes libres de partir si vous le préférez.
La séance est suspendue.
Avant de commencer, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'honorable Mark Holland, ministre de la Santé, ainsi qu'à l'honorable Arif Virani, ministre de la Justice.
Nous souhaitons également la bienvenue aux fonctionnaires qui les accompagnent, à savoir, du ministère de la Santé, Mme Jocelyne Voisin, sous-ministre adjointe, Direction générale de la politique stratégique, et Mme Katarina Pintar, directrice, Direction des programmes et des politiques de soins de santé; et du ministère de la Justice, M. Robert Brookfield, directeur général et avocat général principal, Section de la politique en matière de droit pénal, et Mme Jeanette Ettel, avocate-conseil, Section des droits de la personne.
Avant de vous inviter à présenter vos exposés, je dirai simplement, monsieur le ministre Virani, que je sais qu'il s'agit aujourd'hui de votre première comparution devant ce comité. Dans ce comité, nous avons adopté une convention qui à mon avis fonctionne bien pour nous, et je tiens à vous en informer. En bref, vous aurez autant de temps pour répondre à la question que la personne qui la pose en a pris pour la formuler. L'auteur de la question a la prérogative de vous autoriser à continuer plus longtemps, mais s'il pose une question de quatre secondes et que vous parlez pendant dix secondes, il vous interrompra probablement et je ne l'en empêcherai pas.
Sur ce, nous allons commencer les exposés liminaires, d'abord avec celui du ministre Holland. Je sais que la soirée a été longue pour vous deux, après quelques heures au Sénat. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence.
Alors vous avez la parole, monsieur le ministre Holland.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis content d'être de retour devant le comité de la santé.
Nous venons effectivement d'avoir une rencontre très productive avec le Sénat, où nous avons parlé d'une question très délicate et sensible qui mérite d'être abordée avec beaucoup de calme et de patience.
Je remercie les membres du Comité pour leur contribution et leur travail. J'apprécie le travail réalisé par le comité mixte dans la discussion de cet enjeu très difficile.
Tout d'abord, je commencerai par faire une distinction très claire et très importante entre santé mentale et maladie mentale. La santé mentale, non seulement au Canada, mais dans le monde entier, est en état de crise. Au sortir d'une pandémie et face au déclenchement de guerres très dévastatrices, à une incertitude économique mondiale et à la crise existentielle du changement climatique, la condition d'être humain est aujourd'hui difficile.
Cependant, la santé mentale nous pose des défis complètement distincts des enjeux de maladie mentale dont il est question dans le projet de loi . C'est là une distinction importante, car il serait à la fois dangereux et d'après moi irresponsable d'amalgamer les deux notions.
Quand on parle de santé mentale, il faut prendre en compte les investissements historiques que nous y consacrons dans tout le pays, en collaboration avec les gouvernements de toutes tendances. Hier encore, j'ai eu l'occasion de me rendre dans les Territoires du Nord-Ouest pour annoncer nos accords bilatéraux Vieillir dans la dignité et Travailler ensemble. La veille, j'étais en Colombie-Britannique pour annoncer notre accord Vieillir dans la dignité. Bien sûr, j'ai déjà annoncé la conclusion d'accords Travailler ensemble avec la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard, et bien d'autres à venir, des accords assortis de plans précis et détaillés sur la façon dont nous allons relever les défis de santé mentale qui nous confrontent.
Lorsqu'il s'agit de maladie mentale, nous devons reconnaître que certaines personnes sont piégées dans un état irréversible auquel aucune intervention médicale ne peut remédier. Nous devons donc, en tant que société et au Parlement, nous poser la question suivante: à quel moment devons-nous permettre à un individu, de son propre chef, s'il est atteint d'une maladie irrémédiable, de faire le choix d'obtenir l'aide médicale à mourir.
Lorsqu'une personne a souffert pendant 10, 20, 30 ou 40 ans, qu'elle a absolument tout essayé, qu'elle a consulté médecin après clinicien après expert sans jamais pouvoir échapper à cette maladie mentale — et non à une crise passagère de santé mentale —, que faisons-nous en tant que société? C'est cet enjeu que nous essayons de décortiquer.
La décision qui nous est soumise maintenant, c'est de demander plus de temps pour préparer le système. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec les ministres de la Santé. Lors de ma rencontre avec tous les ministres de la Santé à Charlottetown, monsieur le président, dans votre province, nous avons eu une conversation très constructive sur la manière de naviguer parmi cet enjeu et de préparer le système.
Franchement, nous avons besoin de plus de temps.
Nous avons besoin de plus de temps pour consulter les populations autochtones. Nous avons besoin de plus de temps pour travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de nous assurer qu'ils disposent des mesures de sauvegarde appropriées. Avec le Conseil des ministres des sciences et de la technologie, nous voulons nous assurer que, s'il fallait établir des lignes directrices cliniques garantissant une uniformité nationale, nous aurions l'occasion d'explorer cette question. Nous avons besoin de plus de temps pour travailler avec la communauté des personnes handicapées et avec la communauté des personnes ayant une expérience vécue. Il convient donc d'opérer une pause de trois ans pour pouvoir discuter de la maladie mentale, qui est une notion distincte et séparée.
J'apprécierais grandement avoir la conversation sur la santé mentale, mais j'espère que ce soir, nous ne ferons pas l'amalgame, car il s'agit de deux conversations distinctes.
Nous avons besoin de temps, et je remercie le Comité de m'accueillir ce soir pour avoir cette conversation et répondre à vos questions.
Je vous remercie.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi , qui propose de reporter de trois ans, soit jusqu'au 17 mars 2027, l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale. Et comme vous le savez, le projet de loi prévoit également l'examen de la question par un comité parlementaire mixte de sénateurs et de députés environ une année après la nouvelle date fixée pour l'élargissement.
Je tiens d'abord à exprimer ma sympathie aux personnes affligées par des souffrances intolérables. Il est clair à mes yeux que la maladie mentale peut causer des souffrances aussi intenses que la maladie physique, et que les personnes atteintes d'un trouble mental ne sont pas forcément inaptes à prendre des décisions. Tout le monde a droit à la dignité et au respect.
Les membres du comité de la santé savent aussi que l'arrêt Carter de la Cour suprême du Canada a conduit à la légalisation de l'aide médicale à mourir au Canada. Dans cet arrêt, la Cour suprême a statué que la prohibition absolue du recours à l'aide d'un médecin pour mourir est inconstitutionnelle, et que cette aide devrait être accessible à toute personne adulte capable qui consent clairement à mettre fin à sa vie et qui est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables. C'est cet arrêt qui a mené à la première loi canadienne sur l'aide médicale à mourir, en 2016. Tout comme moi, plusieurs membres du Comité étaient présents lors de l'adoption de la loi de 2016, qui limitait l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort naturelle était « raisonnablement prévisible ».
[Français]
Quelques années plus tard, dans la décision Truchon, un tribunal de première instance du Québec a jugé inconstitutionnelle l'exigence d'une mort naturelle raisonnablement prévisible.
Le gouvernement fédéral n'a pas interjeté appel de cette décision. Il a plutôt pris la décision de politique générale de déposer le projet de loi afin d'élargir l'admissibilité de l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible. Lors de son dépôt, ce projet de loi excluait de façon permanente à l'admissibilité à l'aide médicale à mourir les personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale.
Pendant l'étude du projet de loi, le Sénat a apporté un amendement afin de rendre cette exclusion temporaire. La Chambre des communes a appuyé l'amendement, et le projet de loi, tel qu'adopté, aurait automatiquement annulé l'exclusion visant la santé mentale deux ans plus tard.
[Traduction]
Je tiens à ce qu'il soit bien clair que la décision du gouvernement d'aller de l'avant et d'élargir les critères d'admissibilité relevait d'une politique sociale. Cela dit, je sais que d'aucuns estiment que nous étions tenus par la Charte de prendre des mesures à l'égard de la maladie mentale, et je voudrais aborder directement ce point.
L'aide médicale à mourir est un sujet complexe et extrêmement sensible, qui met en cause des droits garantis par la Charte d'une grande importance. D'une part, il faut protéger l'autonomie et la dignité des personnes eu égard à leur décision de fin de vie et, de l'autre, il faut protéger les personnes vulnérables, qui risquent d'être mises en danger par un régime permissif. Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême reconnaît à quel point il est complexe de légiférer en la matière et elle fait valoir que les solutions avancées par le Parlement pour concilier ces intérêts opposés commandent une grande déférence.
La complexité est encore plus grande lorsque la maladie mentale entre en ligne de compte. Comme il a été abondamment répété dans les énoncés concernant la Charte relatifs à l'aide médicale à mourir, ces complexités inhérentes servent de fondement à l'exclusion de la maladie mentale. Parmi ces complexités se trouvent la plus grande difficulté de prédire l'évolution d'une maladie mentale que celle d'une maladie physique, de même que la possibilité d'amélioration malgré un pronostic pessimiste, du moins pour ce qui a trait aux souffrances qui peuvent altérer ou influencer la volonté de mourir d'une personne. Il est de plus particulièrement difficile de faire une distinction entre la suicidabilité courante et la suicidabilité comme symptôme d'une maladie mentale pour laquelle une demande d'aide médicale à mourir serait légitime.
L'exclusion de la maladie mentale des critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir n'est pas fondée sur des présomptions pernicieuses ou des stéréotypes concernant la santé mentale. Nous reconnaissons, comme le ministre Holland vient de l'expliquer, que les souffrances attribuables à la maladie mentale et à la maladie physique sont comparables. L'exclusion n'est pas le fruit d'un déni de cette réalité. Nous reconnaissons aussi, comme je l'ai dit d'entrée de jeu et comme je tiens à le répéter, qu'il a été bien établi que les personnes atteintes d'une maladie mentale peuvent être aptes à prendre des décisions.
Comme nous l'avons dit, nous sommes d'avis que l'exclusion pourra être levée lorsque le système de santé sera prêt à composer avec les complexités et les risques inhérents à l'évaluation des demandes d'aide médicale à mourir motivées uniquement par la maladie mentale. Nos partenaires provinciaux et territoriaux estiment comme nous que plus de temps sera nécessaire. Les experts en médecine sont du même avis. L'absence de consensus sur la question est un autre motif pour prendre plus de temps.
L'approche de prudence adoptée dans ce projet de loi vise à protéger les Canadiens et à nous assurer de faire les choses correctement. Monsieur le président, compte tenu de l'importance des intérêts en jeu et du caractère permanent des conséquences, nous n'avons pas droit à l'erreur.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, que je suis celui qui pose les questions. Si je vous pose une question en tant que membre de ce comité, vous devez y répondre.
Le deuxième élément dont il faut absolument parler, de toute évidence, concerne l'insuffisance des mesures de sauvegarde dans le programme que vous proposez. Les problèmes de toxicomanie, de santé mentale, de stress post-traumatique — pour lesquels votre gouvernement a proposé l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les vétérans — sont tous des troubles de santé mentale, au même titre que l'autisme.
Pour ces maladies, comment comptez-vous résoudre la quadrature du cercle pour ce qui concerne l'irrémédiabilité?
Merci à vous deux, messieurs les ministres, et merci également à vos collaborateurs de comparaître devant le Comité. Merci pour vos déclarations liminaires.
J'aimerais poursuivre brièvement sur les thèmes de l'irréversibilité et de la suicidabilité.
Selon ce que vous en comprenez, monsieur le ministre, la détection de l'idéation suicidaire et la distinction avec la suicidabilité ne font-elles pas déjà partie de l'évaluation des demandes d'aide médicale à mourir, même actuellement si la personne présente à la fois une maladie physique et une maladie mentale?
:
C'est une bonne question, et je l'apprécie beaucoup.
Il est certain que des personnes souffrent beaucoup. Je déteste cela, et cela m'inquiète beaucoup.
En même temps, il est indéniable que nous devons nous assurer que le système en général est prêt pour un changement relatif à l'aide médicale à mourir. En effet, si le système n'est pas prêt, les conséquences seront très graves.
Au cours de la dernière année, nous avons fait beaucoup de progrès. C'est remarquable, comme je l'ai expliqué à M. Hanley, mais ce n'est pas suffisant.
La question des demandes anticipées est extrêmement complexe. Par exemple, si une personne est dans un mauvais état et qu'un membre de sa famille considère que c'est le temps d'administrer l'aide médicale à mourir alors qu'un autre membre de famille considère que ce n'est pas le temps de le faire, ce sont des médecins qui devront prendre une décision. La personne elle-même ne sera pas capable de prendre sa décision. Alors il y a beaucoup de complexité, et nous allons parler avec les autres…
:
Non, je vous arrête ici. Arrêtez cela, vous faites de la mésinformation. Arrêtez cela!
Lisez la loi québécoise. Vous n'êtes pas rigoureux. Je vais me calmer, mais votre réponse n'a pas d'allure.
Il n'est pas question d'un membre de la famille ou d'un autre membre de la famille. Dans la loi québécoise, il y a l'évaluation par un tiers. Un tiers sera nommé, et ce tiers n'aura pas le pouvoir de dire à l'équipe de soins d'administrer l'aide médicale à mourir. Ce tiers sera le garant de la volonté de la personne, en fonction des critères qu'elle aura établis, et ce tiers dira à l'équipe de soins qu'il pense que la personne est rendue là et il demandera qu'on fasse une évaluation.
De quoi parlez-vous? Nous vous avons fait cette recommandation il y a un an, et vous me servez une réponse vraiment farfelue ce soir. Je vais me calmer, mais je comprends pourquoi il n'y a pas de projet de loi si c'est ainsi que vous comprenez les demandes anticipées au Québec. L'Assemblée nationale du Québec est unanime à cet égard et il y a un taux d'approbation de 85 % d'un océan à l'autre. Les gens attendent cela, parce que les gens souffrent.
Qu'attendez-vous? Allez-vous au moins vous engager, ce soir, à ce qu'il y ait un projet de loi avant la fin de cette législature?
Allez vous informer.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, messieurs les ministres.
Monsieur Holland, je vais commencer par vous. Je vais poursuivre sur le sujet de la lettre qui a été signée par 7 des 10 provinces et les 3 territoires.
Des témoins du premier groupe ont parlé de l'état de préparation du système. J'imagine que les ministres concernés n'auraient pas signé la lettre s'ils avaient reçu l'assurance de leurs sous-ministres ou de leurs sous-ministres adjoints qu'en fait, leur système était prêt.
Vous avez eu des discussions approfondies avec ces personnes, et probablement aussi avec leurs sous-ministres. Quelles conditions auriez-vous exigées pour apposer votre signature sur cette lettre? Vous auriez probablement consulté votre sous-ministre pour obtenir ce genre de certitudes au sujet du système de santé dont vous êtes responsable?
Je voudrais revenir sur deux de vos déclarations avec lesquelles je ne suis pas d'accord.
Je pense, contrairement à vous, que la question a été pelletée par en avant. Elle a été pelletée par en avant pendant deux ans à cause de l'amendement du Sénat. Elle a été pelletée par en avant pendant un an à cause du projet de loi . Et aujourd'hui, il est question de trois autres années de pelletage par en avant.
Je ne suis pas d'accord non plus… J'ai fait partie du comité mixte spécial dès le début. Je suis d'accord avec la recommandation que nous avons formulée, mais le temps qui nous a été accordé pour étudier ce sujet en profondeur était ridiculement insuffisant. En tout et pour tout, nous avons eu trois réunions de trois heures chacune.
Comment pouvez-vous affirmer que ce n'était pas du pelletage par en avant? Comment pouvez-vous affirmer que le comité mixte spécial a eu suffisamment de temps alors que c'est tout à fait faux?
:
Comme nous le savons, c'était la deuxième fois que le comité mixte se saisissait du dossier. Lors de son premier mandat, il a consacré énormément de temps au sujet. C'était une deuxième ronde pour le comité mixte spécial, si on peut dire. Nous sommes très satisfaits du travail accompli. Le comité a abattu un travail colossal durant la première ronde, il n'y a pas si longtemps.
Par ailleurs, il semblait y avoir unanimité parmi les membres du comité mixte quant à la nécessité de prendre plus de temps. Je ne sais pas combien de temps il faut pour étudier… Une fois qu'il a été établi que plus de temps est nécessaire, je ne vois pas vraiment l'intérêt de prolonger les travaux.
Pour ce qui est du pelletage par en avant, ou peu importe la manière dont vous voulez décrire… Ce qu'il faut retenir, c'est que nous devons absolument nous assurer que le système est prêt. Si on m'en donne la possibilité, je pourrais énumérer tout ce qui a été réalisé au cours de cette année et expliquer pourquoi nous avons eu l'impression que c'était suffisant. Nous nous sommes trompés. Ce n'était pas suffisant et nous avions besoin de plus de temps. Si j'avais eu un don de clairvoyance, je m'en serais aperçu, mais ce n'est pas le cas.
J'aimerais m'adresser au ministre Virani, si vous le permettez.
Vous avez mentionné, pour paraphraser la Cour suprême, que celle‑ci allait faire preuve d'une grande déférence à l'endroit du Parlement lorsqu'elle légiférerait dans ce domaine en raison de la sensibilité de la question. Lorsque le projet de loi a été présenté pour la première fois, j'ai pensé qu'une déclaration de charte très raisonnable avait été publiée pour expliquer les raisons initiales du gouvernement d'exclure cette question. Puis, à la dernière minute, un amendement sénatorial très important a été accepté. Je pense que c'est vraiment l'origine de tous les ennuis qui nous accablent aujourd'hui.
En tant que ministre, regrettez-vous cette décision?
Je crois vraiment que cette décision a mis la charrue devant les bœufs — et je parle en tant que membre du comité mixte spécial. Depuis lors, nous faisons du rattrapage. La loi a été modifiée avant l'importante consultation et avant les auditions du Comité. Par conséquent, nous avons dû constamment modifier le calendrier.
Encore une fois, pourquoi le gouvernement ne s'est‑il pas prévalu, en premier lieu, de la marge de manœuvre que lui accordait cette grande déférence, comme vous dites, que la Cour suprême lui a accordée, pour agir?
:
Je pense qu'il y a deux aspects, monsieur MacGregor. L'un concerne la déférence accordée par la Cour suprême, et l'autre est votre condamnation de notre réponse entre 2019 et 2021 en ce qui concerne la maladie mentale.
Est‑ce que je regrette cette décision? Pas du tout, car je pense que le Sénat a incité une discussion active sur la maladie mentale, l'évolution de cette loi et son éventuel élargissement. La conception du programme d'aide médicale à mourir, les normes et les mécanismes de surveillance qui sont en cours d'élaboration sont tous des sous-produits de cette fonction. Je pense que c'est adéquat pour ce qui est de démontrer que la souffrance mentale est tout aussi éprouvante que la souffrance physique et arrêter la perpétuation de stéréotypes négatifs comme l'opinion que la souffrance mentale ne mérite pas le même degré de traitement ou même d'être traitée, et arrêter aussi la perpétuation de suppositions péjoratives quant à la mesure dans laquelle les personnes souffrant de troubles mentaux sont capables de prendre des décisions.
En ce qui concerne la déférence, monsieur MacGregor, la Cour a déclaré qu'une certaine déférence est due dans le dialogue entre les tribunaux et le Parlement. Il y a une déférence supplémentaire dans le cas d'une politique sociale complexe, et la Cour l'a souligné dans la décision Carter, précisant que, lorsqu'il s'agit d'aide médicale à mourir, cette déférence est directement applicable.
Ce qu'elle veut dire par là, c'est qu'elle laissera une marge de manœuvre au Parlement pour qu'il puisse tenter de faire les choses correctement pour ce qui est d'équilibrer des intérêts sensibles. Je vous répète ce que j'ai dit au début. Lorsqu'il est question de l'imprévisibilité de l'évolution d'une maladie mentale et de la possibilité que les idées suicidaires soient un symptôme de l'état d'une personne — même si je suis fermement convaincu qu'il est possible de faire la distinction entre les idées suicidaires et une demande d'aide médicale à mourir mûrement réfléchie —, il faut veiller à ce que cette différence et cette distinction puissent être faites. Il faut également s'assurer que tous les professionnels de la santé, les prestataires de l'aide médicale à mourir et les évaluateurs sont en mesure de le faire.
Si seules 40 personnes ont reçu cette formation, je crois que ce n'est pas suffisant.
:
Permettez-moi de commencer par les mesures de sauvegarde prévues dans la loi appelée le Code criminel du Canada. Nous parlons de la deuxième voie, c'est‑à‑dire lorsque la mort n'est pas raisonnablement prévisible.
La demande doit être faite par écrit. Deux médecins ou infirmiers praticiens indépendants doivent procéder à une évaluation. La personne doit être renseignée sur le fait qu'elle peut retirer sa demande n'importe quand et de n'importe quelle manière. La personne doit être informée, comme le disait M. Cooper, des moyens disponibles et appropriés pour soulager ses souffrances, notamment les services de conseils, les services de santé mentale et d'aide aux personnes handicapées, les services communautaires et les soins palliatifs, et elle doit se voir offrir des consultations auprès des professionnels qui fournissent ces services. La personne et les praticiens doivent avoir parlé des moyens raisonnables et disponibles pour soulager la souffrance de la personne et convenir que la personne a sérieusement envisagé ces moyens. Cette évaluation doit durer au moins 90 jours et la personne peut la suspendre. D'après ce que j'ai entendu dire, dans le cas où la maladie mentale est le seul problème médical invoqué, il est probable que cela prenne beaucoup plus que 90 jours. Enfin, la personne doit donner un dernier consentement immédiatement avant que l'aide médicale à mourir ne soit administrée.
Toutes ces mesures de sauvegarde sont prévues par la loi. Ce ne sont pas des directives, des normes de pratique ou d'autres choses du genre. Elles figurent dans le Code criminel du Canada, dans les dispositions relatives à l'aide médicale à mourir.
Je laisse la parole au ministre Holland.
Lorsque j'ai l'occasion de parler avec des cliniciens, des médecins et des infirmiers dans tout le pays, je vois qu'ils essaient tous de faire ce qu'il faut et sont profondément préoccupés par le sort de leurs patients. Voilà pourquoi je suis si contrarié, car je pense qu'en tant que parlementaires, il est profondément irresponsable de dénigrer les motivations des gens et d'essayer d'insinuer que, d'une manière ou d'une autre, quelqu'un ne se préoccupe pas de la vie humaine.
D'après mon expérience, les personnes qui ont élaboré le programme de formation sur l'aide médicale à mourir, celles qui ont élaboré les normes de pratique et celles qui sont dans le système essaient profondément de travailler avec des personnes dont la souffrance est extraordinaire. Lorsqu'un médecin reçoit un patient qu'il voit depuis des dizaines d'années dans des souffrances indicibles et qu'il dit: « Je ne peux rien faire pour ce patient; nous avons tout essayé », et que ce patient demande une issue, c'est extraordinairement douloureux de l'entendre.
On peut avoir la position idéologique de ne pas vouloir s'occuper de cela, mais il est important, à mon avis, de comprendre et d'explorer cette question et d'essayer de travailler avec les provinces et les territoires pour qu'ils aient les mesures de sauvegarde appropriées, et de prendre connaissance des directives cliniques que recommande le Centre de toxicomanie et de santé mentale, parce que nous devons nous assurer que ces mesures de sauvegarde sont aussi solides que possible et que nous ne visons que les cas les plus exceptionnels et les plus inhabituels.
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Effectivement, il y a les balises légales et les balises cliniques dont il faut tenir compte.
Dans le règlement qui va suivre la loi ou dans la loi, n'y aurait-il pas lieu de spécifier la recommandation 10 du rapport du Groupe d'experts? Il me semble qu'il serait important de le faire. Je sais que ce que nous allons adopter éventuellement n'a rien à voir avec ce que nous avons présentement, parce que nous ne sommes pas rendus au projet de loi définitif. Toutefois, il me semble que si nous voulons avoir une discussion et faire un travail intéressant à court terme, il faudrait mentionner la recommandation 10.
L'autre recommandation qui me semble importante en matière de troubles mentaux est la recommandation 16, qui porte sur une surveillance prospective et non pas une surveillance rétrospective. Le Québec a mis en place une commission pour surveiller les actes d'aide médicale à mourir et en faire rapport annuellement d'une manière rétrospective.
Or, dans le cas des troubles mentaux, il faudrait qu'il y ait une disposition prospective, donc une étape de plus avant d'agir. Admettons que la demande est admissible et que le patient a franchi toutes les étapes, il y aurait un comité qui reverrait le processus pour voir s'il est adéquat et s'il respecte toutes les balises, les balises cliniques comme les balises légales. Il m'apparaît important de le faire strictement dans les cas de troubles mentaux, compte tenu du fait que les experts sont divisés sur cette question. Si nous voulons implanter un système de manière sereine, il va falloir procéder ainsi.
La question que je vous poserais est la suivante.
C'est beau de dire qu'on va reporter l'adoption de ce projet de loi, mais, dès son adoption, quand il aura été adopté par le Sénat, quelles seront les étapes immédiates à suivre? Que devrons-nous faire tout de suite après l'adoption de ce projet de loi? C'est le problème que nous avons depuis le début de la présente étude sur l'aide médicale à mourir. Nous avons tardé, tardé et encore tardé à agir, et nous sommes arrivés avec des délais trop courts et des demandes de reports.
Qu'allez-vous faire au lendemain de la sanction royale pour que nous puissions poursuivre notre travail?
:
Merci d'avoir répondu à cette question.
Monsieur Holland, je comprends la différence entre santé mentale et maladie mentale, mais lorsque je me rends dans ma circonscription de Cowichan—Malahat—Langford, dans des sections et des collectivités particulières, il est tout à fait évident que de nombreuses personnes souffrent d'une maladie mentale. On peut le voir jusque dans les rues.
Je comprends l'argument des mesures de sauvegarde législatives qui existent dans le Code criminel, mais il y a toujours le problème très réel de la possibilité que, en raison des circonstances d'une personne, comme le fait qu'elle peut venir d'une population défavorisée et peut ne pas avoir eu le même accès aux services tout au long de sa vie, cette personne peut encore être en mesure de satisfaire aux mesures de sauvegarde législatives du Code criminel, mais peut avoir été aiguillée sur cette voie en raison des circonstances de la vie dans lesquelles elle se trouve.
En tant que ministre de la Santé, compte tenu des besoins considérables que nous avons et qui sont très évidents dans tout le pays, comment résolvez-vous ce problème en tant que ministre et compte tenu du fait qu'il s'agit d'une question très sensible?
:
Merci beaucoup pour cette question. Je reconnais que c'est vrai. Il y a souvent une corrélation directe entre ceux qui ont le plus souffert et ceux qui sont dans le pire état de santé mentale. Parfois, lorsqu'une personne souffre d'une maladie mentale — ce qui, encore une fois, est différent —, celle-ci peut certainement être fortement exacerbée par un traumatisme ou par les circonstances très difficiles dont vous parlez.
Une des raisons pour lesquelles je pense que nous avons besoin de temps, c'est que nous devons nous assurer que nous faisons correctement la part des choses. Comme vous le dites, nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où quelqu'un qui souffre d'une maladie mentale pousse, et où nous aurions pu faire quelque chose.
Nous devons tout épuiser, et cela ne peut être qu'au bout du chemin, après avoir tout essayé. Si nous n'avons pas pu trouver de solution, je pense qu'il nous reste la question de savoir ce que nous pouvons faire en tant que société si quelqu'un a absolument tout essayé, qu'il est au bout du rouleau sur le plan de la douleur et qu'il souhaite, de son plein gré, y mettre un terme. C'est une question compliquée et difficile. C'est pourquoi je pense que nous devons disposer de temps.
Cependant, je reconnais les circonstances dont vous parlez. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai dit d'emblée qu'il est indispensable d'avoir de telles conversations avec un grand nombre de collectivités défavorisées, afin de nous assurer qu'elles sont pleinement convaincues que les contrôles sont en place et que nous procédons de la manière appropriée.
:
Merci, monsieur le président.
Merci aux deux ministres.
Ma question s'adresse au ministre Holland. C'est un débat chargé d'émotion. Je ne crois pas que quiconque doive s'excuser de faire preuve de passion lorsqu'il parle de cette question.
Je participe à ce processus depuis le début, avec M. MacGregor, M. Cooper et d'autres. Nous traitons d'une question très précise, à savoir s'il convient de reporter la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir demandée uniquement pour cause de maladie mentale. Nous ne sommes pas ici pour débattre de la constitutionnalité. Nous ne sommes pas ici pour débattre des demandes anticipées. Nous pouvons débattre de la moralité, mais ces débats se dérouleront dans un autre contexte.
Ma question est la suivante, et je l'ai posée à un témoin tout à l'heure. J'estime que, quel que soit mon point de vue, la seule chose responsable que je puisse faire en tant que législateur en l'absence d'un consensus de la part des professionnels — et je crois que les gens autour de cette table seraient d'accord avec moi —, c'est de reporter la question pour permettre un débat plus approfondi.
Ma question comporte deux parties. C'était la première partie. Êtes-vous d'accord avec moi? La deuxième partie concerne le calendrier. Vous avez présenté un projet de loi qui reporte la question de trois ans au lieu d'une durée indéterminée. Monsieur le ministre, vous avez brièvement abordé cet aspect tout à l'heure, mais la raison de cette démarche n'est-elle pas, non pas de faire avancer un programme, mais de le maintenir à l'ordre du jour, car sinon, il pourrait tout simplement disparaître à jamais dans les nues?
Je vous remercie.
:
Ce n'était pas un rappel au Règlement, mais l'expression de votre point de vue.
[Traduction]
Tout d'abord — et je sais que vous le savez —, la motion qui a donné lieu à cette réunion indiquait que nous pourrions avoir un ministre, et deux ministres se sont présentés.
Je sais que la journée a été longue pour vous. Elle a été difficile pour tout le monde. Il est clair que cette question est importante et difficile, mais il est également évident qu'elle vous tient à coeur. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence et de votre travail.
Le comité souhaite‑t‑il lever la séance?
Des députés: D'accord.
Le président: La séance est levée.