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Bienvenue à la 114
e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Avant de commencer, j'aimerais rappeler à tous les députés et aux autres participants à la réunion qui sont présents dans la salle les importantes mesures préventives suivantes.
Pour prévenir les incidents potentiellement nuisibles de rétroaction acoustique, qui peuvent perturber les travaux et causer des blessures, je rappelle à tous les participants en personne de ne jamais approcher leur oreillette des micros. Comme indiqué dans le communiqué que le Président a envoyé à tous les députés le lundi 29 avril, les mesures suivantes ont été prises pour prévenir les incidents de rétroaction acoustique.
Toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui réduit considérablement le risque de rétroaction acoustique. Les nouvelles oreillettes sont noires, tandis que les anciennes étaient grises. Veuillez utiliser seulement une oreillette noire approuvée. Par défaut, toutes les oreillettes inutilisées sont débranchées au début de la réunion. Quand vous n'utilisez pas votre oreillette, veuillez la placer à l'envers au milieu de l'autocollant prévu à cette fin, qui se trouve sur la table, comme indiqué. Consultez les cartes sur la table pour connaître les directives sur la prévention des incidents de rétroaction acoustique.
Aussi, la disposition de la salle a été modifiée pour augmenter la distance entre les micros et réduire le risque de rétroaction causé par une oreillette se trouvant à proximité.
Ces mesures ont été mises en place afin que nous puissions faire nos travaux sans interruption et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Je vous remercie de votre coopération.
En conformité avec notre motion de régie interne, j'aimerais informer le Comité que toutes les personnes qui participent à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons, ici dans la salle, la docteure Sharon Koivu, médecin en toxicologie; nous accueillons aussi, en ligne, Mme Bernadette Pauly, professeure et scientifique, Canadian Institute for Substance Use Research, École des sciences infirmières, Université de Victoria. Par vidéoconférence, représentant la Thunderbird Partnership Foundation, nous accueillons Mme Carol Hopkins, directrice générale. Enfin, aussi par vidéoconférence, représentant la Première Nation des Vuntut Gwitchin, nous accueillons la cheffe Pauline Frost.
Merci à toutes les témoins d'être avec nous.
Il y a toujours des rumeurs qui circulent sur la Colline du Parlement. J'ai entendu une rumeur aujourd'hui selon laquelle il y aura un vote dans environ 45 minutes. Le cas échéant, la réunion sera probablement interrompue, alors nous allons vous demander de bien vouloir rester un peu plus tard que prévu. Si vous pouvez rester, afin que tout le monde ait l'occasion de discuter pleinement de ces enjeux, vous devrez probablement rester avec nous plus tard que 17 h 30, jusqu'à 18 heures ou même un peu plus tard. Je vous avertirai.
Vous pouvez nous présenter vos déclarations préliminaires, en commençant par la docteure Koivu.
Vous avez la parole pour cinq minutes. Bienvenue au Comité.
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Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité.
Je suis médecin depuis 39 ans. J'ai obtenu un certificat de compétence additionnelle en soins palliatifs et en médecine des toxicomanies du Collège des médecins de famille du Canada. J'ai commencé à travailler dans le domaine des toxicomanies en 2012 et, jusqu'en 2021, j'étais la seule prestataire de soins de santé à proposer des consultations complètes en médecine des toxicomanies au Centre des sciences de la santé de London, où, en 2023, une équipe interprofessionnelle en toxicomanies a été mise en place. Je propose également des consultations sur les toxicomanies à Saint-Thomas.
J'ai décidé de prendre la parole pour faire connaître les horribles souffrances dont j'ai été témoin dans le cadre de « l'approvisionnement plus sécuritaire ».
Au début de ma carrière de médecin spécialiste des toxicomanies, j'ai découvert un lien entre l'injection de capsules d'hydromorphone à action prolongée et le développement d'une infection de la valve cardiaque. Un spécialiste des maladies infectieuses avec qui j'ai travaillé a découvert un lien entre l'injection de ces capsules et l'infection par le VIH. Lorsque ce spécialiste et le président du service ont fait part de leurs conclusions aux organismes communautaires, ils ont d'abord été critiqués et traités d'alarmistes.
Heureusement, nous avons mis en œuvre une mobilisation communautaire et élaboré une mesure intégrée. Dans le cadre de cette mesure, en 2016, le Centre de santé intercommunautaire de London a mis en œuvre un programme visant à fournir des comprimés d'hydromorphone à action brève, également appelés Dilaudid, aux personnes à haut risque travaillant dans l'industrie du sexe et utilisant des comprimés d'hydromorphone. C'est ainsi qu'est né le programme « L'approvisionnement plus sécuritaire » à London. J'ai d'abord soutenu le programme. Il est important de souligner que nous n'avions pas encore de problème avec le fentanyl illicite, à ce moment.
Avant le programme « L'approvisionnement plus sécuritaire », je voyais rarement des patients souffrant d'infections de la colonne vertébrale. L'été suivant, j'ai vu cinq patients en un mois! Les chiffres ont continué à augmenter. Le point commun entre ces patients est qu'ils s'injectaient des comprimés de Dilaudid. Plusieurs m'ont dit qu'ils achetaient du Dilaudid détourné du programme « L'approvisionnement plus sécuritaire ».
Certains patients participaient au programme. J'ai vu des patients hébergés, utilisant du matériel propre et ne s'injectant que du Dilaudid, développer d'horribles infections. Les infections de la colonne vertébrale provoquent sans doute les pires souffrances que j'aie vues. Non seulement elles sont insupportablement douloureuses, mais elles peuvent également provoquer une paraplégie ou une quadriplégie.
En juin 2018, mon premier patient m'a dit qu'il avait quitté son appartement pour vivre dans une tente près de la pharmacie, à proximité de la clinique offrant « L'approvisionnement plus sécuritaire », dans laquelle plusieurs détournements ont eu lieu parce que les pilules de « l'approvisionnement plus sécuritaire » étaient moins chères et plus abondantes près de la source. Je vivais dans ce quartier et j'ai vu ce campement se développer.
Depuis « L'approvisionnement plus sécuritaire », j'ai participé à une centaine d'hospitalisations de personnes atteintes d'infections de la colonne vertébrale. Nous voyons environ un patient par mois. Cependant, les infections de la colonne vertébrale ne représentent qu'une petite partie des souffrances que nous voyons. Environ 30 personnes par mois sont hospitalisées pour une autre infection grave. Parmi les patients hospitalisés pour un trouble lié à l'usage d'opioïdes, 25 % recevaient une ordonnance de « L'approvisionnement plus sécuritaire » et 25 % ont déclaré avoir utilisé du Dilaudid détourné. Seulement 4 % de nos consultations concernaient une surdose non intentionnelle.
En général, à l'hôpital, nous redonnons aux patients des médicaments à prendre à la maison. Si nous faisions cela pour des patients du programme « L'approvisionnement plus sécuritaire », les résultats pourraient être mortels. Cette situation est dangereuse pour les patients et stressante pour les prestataires de soins de santé.
Par exemple: Le patient 1 a reçu une ordonnance de Dilaudid à 8 mg, D8, 40 comprimés par jour et de la morphine à action prolongée à 100 mg, 9 comprimés par jour. Lorsqu'il a reçu moins de la moitié de la dose prescrite, il a souffert d'une grave dépression respiratoire, c'est‑à‑dire d'une toxicité. Le patient 2 est fréquemment hospitalisé et doit être intubé. Il a reçu une ordonnance de 28 comprimés D8 par jour, mais il en a toléré environ six à huit et a dit qu'il n'en prenait jamais plus de 12 par jour.
La population de patients a changé. Je vois plus de jeunes adultes et beaucoup plus d'hommes, et maintenant, la plupart ont commencé à prendre des opioïdes à des fins récréatives, et non pas avec une ordonnance contre la douleur comme c'était le cas en 2012. J'entends régulièrement des histoires inquiétantes selon lesquelles les personnes qui reçoivent des ordonnances sont vulnérables à la violence.
Il est important de préciser, comme je l'ai mentionné précédemment, que, lorsque « L'approvisionnement plus sécuritaire » a commencé en 2016, nous n'avions pas de problème avec le fentanyl illicite. C'est le cas aujourd'hui. Plusieurs patients m'ont dit qu'ils vendaient ou échangeaient une grande partie de leur ordonnance de « L'approvisionnement plus sécuritaire » pour acheter du fentanyl. D'autres, qui ne participent pas au programme, m'ont dit que leur fournisseur prétendait ne plus avoir de Dilaudid et qu'il leur avait vendu du fentanyl, ce qui les avait entraînés sur cette voie.
« L'approvisionnement plus sécuritaire » semble contribuer à la crise du fentanyl illicite. « L'approvisionnement plus sécuritaire » ne permet pas de réduire l'offre de fentanyl illicite ou ses effets néfastes au sein d'une communauté. L'expérience de notre hôpital montre que « L'approvisionnement plus sécuritaire » empêche également les patients de choisir un traitement par agonistes opioïdes et de se rétablir.
Je voudrais mentionner un programme qui présente des avantages importants. Le Community Health Centre de Saint-Thomas a adopté une approche à faible barrière en utilisant la buprénorphine à administration par voie sous-cutanée, également appelée Sublocade. Il réussit à desservir une population similaire à celle du Centre de santé intercommunautaire de London sans en subir les effets secondaires involontaires. Il devrait s'agir d'un modèle à envisager.
Bien que j'aie le dos large, je trouve que les commentaires à mon égard et à l'égard des chirurgiens cardiologues de la part de la Dre Sereda le 26 février étaient trompeurs, et j'ai hâte d'y répondre.
Je vous remercie de votre travail et de votre temps. Meegwetch.
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Bonjour; merci de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
Je m'appelle Bernadette Pauly. Je suis professeure en sciences infirmières à l'Université de Victoria et scientifique au Canadian Institute for Substance Use Research. Je fais partie du groupe de recherche qui évalue le programme de l'approvisionnement plus sécuritaire prescrit dans la province de la Colombie-Britannique.
Avant l'introduction de la politique sur l'approvisionnement plus sécuritaire prescrit, les données reflétaient bien la nécessité de ce genre d'intervention, en raison des morts par surdose dans le marché de la drogue non réglementé. Cependant, il est essentiel de générer des données sur les interventions justifiées d'un point de vue éthique pour savoir si l'approvisionnement plus sécuritaire prescrit réduit le risque de surdose. Pour répondre à cette question, notre équipe a élaboré une étude fondée sur de rigoureuses méthodes mixtes et tirant parti d'approches de pointe, combinant des données administratives et des données primaires.
En janvier 2024, l'équipe dirigée par Mme Slaunwhite et M. Nosyk, le scientifique principal, a publié la toute première étude au niveau de la population dans le British Medical Journal, une revue très influente. Tous les participants au programme d'atténuation des risques de l'approvisionnement plus sécuritaire prescrit ont été inclus dans l'étude et ont été soigneusement jumelés à des personnes ne participant pas au programme, selon plusieurs variables, comme le fait de suivre un traitement par agonistes opioïdes. Pour ceux qui recevaient des opioïdes dans le cadre du programme, le risque de mort, toutes causes confondues, était réduit de 61 %, et le risque de mort par surdose était réduit de moitié. Chez les personnes qui en recevaient pour quatre jours ou plus, le risque de surdose était réduit davantage, de 89 %. C'est ce qu'on appelle une relation dose-effet, et la conclusion était indépendante de tout traitement par agonistes opioïdes. Nous avons observé une tendance similaire pour les stimulants, mais, comme l'échantillon était plus petit, les résultats sont moins certains. L'effet de protection se poursuit semaine après semaine, tant et aussi longtemps que les patients ont accès à une ordonnance.
Cependant, seuls 7,6 % des patients ayant un trouble lié à l'utilisation d'opioïdes et moins de 3 % de ceux ayant un trouble lié à l'usage de stimulants ont bénéficié de l'intervention au cours de la période de l'étude. La mise en œuvre était limitée, et elle a surtout visé des régions urbaines comme Vancouver et Victoria ainsi que les prescripteurs qui avaient un grand nombre de cas de personnes ayant des troubles de consommation ou des problèmes plus complexes. Même si l'intervention n'a pas réglé tous leurs problèmes — et ce n'en était pas le but —, elle les protégeait tout de même en réduisant le risque de décès par surdose ou de toute autre cause.
Lors d'une analyse qualitative, nous avons découvert que les prescripteurs hésitaient à recourir à l'intervention, par crainte d'un audit de leurs ordres ainsi que des critiques et de la censure de leurs collègues. Là où il y avait des réseaux de prescripteurs qui avaient du soutien, la continuité de la prescription était supérieure. Cependant, la prescription à elle seule n'est pas une réponse adéquate à un problème systémique, c'est‑à‑dire la prohibition et un approvisionnement non réglementé et non sécuritaire en drogues.
Il était souvent difficile d'accéder à l'intervention. Les participants, dans la partie qualitative de l'étude, ont rapporté qu'ils devaient grimper un escalier très raide comptant de nombreuses marches. Souvent, les participants potentiels ne savaient rien à propos de l'orientation sur l'atténuation des risques ou de l'approvisionnement sécuritaire. Quand ils commençaient à avoir un espoir, ils devaient trouver un prescripteur et s'orienter dans des systèmes fortement médicalisés pour obtenir une ordonnance appropriée, puis aller chercher leur médicament chaque jour pour la conserver. Cela demande de l'autonomie et du courage. Dans un sondage primaire auprès de 197 personnes, moins de la moitié des participants ont reçu une ordonnance suffisante pour atténuer le sevrage. Comme l'atténuation du sevrage est une exigence minimale, il y a place à l'amélioration.
L'approvisionnement plus sécuritaire prescrit n'entre pas en compétition avec les traitements par agonistes opioïdes ni avec n'importe quelle autre forme de traitement. C'est une voie qui permet aux gens d'accéder à une intervention qui sauve des vies dans le cadre de leur processus de guérison personnel. Cela ne remplace pas les traitements nécessaires, et ne les menace pas non plus. À dire vrai, dans un système de santé, il doit y avoir des options de traitement offertes aux gens si et quand ils sont prêts. Malgré cela, le nombre de personnes en Colombie-Britannique qui ont obtenu une ordonnance diminue.
Les craintes de détournement causant la mort ne sont pas fondées. De l'hydromorphone a été détectée dans 3 % des cas de décès par surdose en 2023. C'est le fentanyl non réglementé qui est responsable de 85 % des décès par intoxication. La cause profonde de cette crise tient aux drogues toxiques, qui sont une conséquence de la prohibition. Autant les personnes ayant un trouble de consommation que celles qui n'en ont pas peuvent accéder au marché non réglementé.
Nous devons élargir l'accès à ces autres solutions, au‑delà du système de soins, pour assurer l'accès à des substances sécuritaires et réglementaires, dont l'innocuité, la qualité et la composition ont été vérifiées. Nous devrions non pas réduire, mais bien augmenter l'accès aux autres solutions sécuritaires au marché de la drogue non réglementée et envisager de lever l'interdiction.
Merci. Je suis impatiente d'entendre vos questions et vos commentaires.
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[
La témoin s'exprime en langue lunaape.]
[Traduction]
Je m'appelle Carol Hopkins et j'appartiens à la nation Lenape, du Sud-Ouest de l'Ontario. J'aimerais reconnaître les terres où vous vous trouvez et sur lesquelles nous nous réunissons aujourd'hui.
En 2023, le nombre de décès dans les Premières Nations dus à l'empoisonnement aux drogues était 36 fois plus élevé que dans la population générale, en Ontario. En seulement huit ans, de 2016 à 2023, les décès dans les Premières Nations dus à l'approvisionnement toxique en drogues a augmenté 33 fois plus rapidement que dans la population de l'Ontario.
Durant la pandémie, de 2019 à 2022, 28 % des gens des Premières Nations ont consommé des opioïdes de façon néfaste et 18 % ont consommé des méthamphétamines pour survivre dans un environnement où ils n'avaient aucune ressource pour se loger, aucune sécurité alimentaire ni aucune sécurité du revenu. Les gens qui disaient vivre de l'insécurité alimentaire étaient deux fois plus susceptibles de consommer de la méthamphétamine, selon une enquête menée par Thunderbird. Parmi les membres des Premières Nations qui disaient consommer de la méthamphétamine, 40 % ont déclaré n'avoir aucun espoir de changer leur vie. C'est ce désespoir qui augmentait le risque de consommer des opioïdes de façon néfaste.
Cette population fait aussi état d'un taux élevé de traumatismes, de deuils et de pertes et d'un manque de ressources à proximité pour soutenir son bien-être mental. La consommation de fentanyl, de benzodiazépines et de xylazine est en hausse dans toutes les régions du Canada, y compris chez les Premières Nations. Ces drogues sont au cœur de la crise des opioïdes et des drogues toxiques dont il est question ici aujourd'hui. Pour atténuer l'impact de ces drogues, des ressources communautaires en santé sont nécessaires, mais celles-ci manquent souvent dans les Premières Nations. Les communautés des Premières Nations qui déclarent l'état d'urgence signalent n'avoir aucune capacité pour prévenir les décès causés par l'approvisionnement en drogues toxiques. Elles signalent aussi qu'elles sont vulnérables aux gangs, à la violence armée et aux meurtres ainsi qu'à la traite de personnes, qui sévit maintenant pour la première fois dans bon nombre de communautés des Premières Nations.
La guerre contre la drogue, y compris la criminalisation des gens en raison de leurs besoins sociaux et en santé, est une expérience que vivent depuis longtemps les Premières Nations du Canada; elles ne représentent que 5 % de la population, mais 32 % de la population carcérale. Les femmes autochtones représentent 50 % de la population carcérale. La guerre contre la drogue et l'incarcération n'ont pas rendu plus sécuritaire l'approvisionnement en drogues toxiques, n'ont pas réduit les crimes de survie commis par les gens qui ont une dépendance aux opioïdes et n'ont pas éliminé l'approvisionnement illicite et toxique.
Services aux Autochtones Canada ne fournit aucun service médical ou pharmaceutique dans les collectivités des Premières Nations. Nous savons que ces dossiers relèvent des provinces et des territoires. Dans ce contexte, la crise des opioïdes et des drogues toxiques n'est pas une question de géographie. Les collectivités rurales et éloignées des Premières Nations ne sont pas à l'abri de l'approvisionnement en drogues toxiques et de la crise des opioïdes. La crise découle de l'absence de soins de santé équitables et accessibles pour les Premières Nations, qui devraient avoir accès à des soins de santé de première ligne, à des services médicaux, à des pharmacies et à des ressources en santé publique. Tous ces éléments sont nécessaires pour réagir à la crise des drogues toxiques. Les données probantes montrent que le traitement de la toxicomanie en établissement, qui est fondé sur l'abstinence, n'est pas la manière de lutter contre les opioïdes, et, toujours selon les données probantes, il ne s'agit pas d'une intervention de première ligne. Les programmes fondés sur l'abstinence ne changent rien à la dépendance aux drogues et ne tiennent pas compte des symptômes physiques du sevrage des opioïdes.
Quand les programmes de traitement en établissement se doublent de ressources supplémentaires — par exemple, par le truchement des autorités sanitaires provinciales, des réseaux de réduction des méfaits et des services adaptés à la culture et au territoire dirigés par les Premières Nations — et qu'ils offrent des options pour la réadmission ou pour l'hébergement continu des membres des Premières Nations, les clients réussissent à se trouver un emploi et un logement et à s'occuper de leur bien-être.
Les traitements utilisant la buprénorphine sont offerts par le médecin de première ligne dans la collectivité, si la collectivité a été assez chanceuse pour obtenir un partenariat; par des médecins en toxicomanie, par télémédecine; ou par des médecins suppléants qui doivent être transportés par avion, et qui distribueront les médicaments quotidiennement sous supervision. Le traitement est efficace quand il est offert avec un programme de rétablissement avec des professionnels de la santé mentale dans la collectivité, qui fournissent des services de counselling traditionnels et des pratiques de guérison adaptés à la culture. Cette approche globale a permis à bon nombre de patients ou membres des Premières Nations d'arrêter ou de gérer leur consommation d'opioïdes et de reprendre le travail ou l'école et de retrouver leur famille. Une année après le lancement de ce genre de programmes, les infractions criminelles et les transports d'évacuation médicale avaient diminué, le programme de distribution de seringues avait réduit de moitié son volume précédent et le taux de fréquentation scolaire avait augmenté.
Il a été difficile pour les collectivités des Premières Nations de lutter contre la crise des opioïdes, surtout en raison de l'instabilité du soutien et des ressources pour les traitements dirigés par la communauté et adaptés à la culture. Selon une étude sur l'abus des opioïdes dans la collectivité, 28 % des adultes de 20 à 50 ans prenaient de la buprénorphine ou de la naloxone, le double du taux des adultes de la collectivité qui ont le diabète de type 2.
Les membres des Premières Nations ont le droit de vivre et de vivre leur vie. Ils ont droit au souffle sacré de la vie, et nous devons faire de cela notre priorité dans toutes les politiques en matière de drogue, pour qu'elles soient humaines et raisonnables pour les collectivités des Premières Nations.
Les collectivités des Premières Nations ont besoin de plus de capacités pour réduire les méfaits liés aux opioïdes et aux analogues, aux méthamphétamines et à la xylazine, par exemple un soutien continu, l'accès à des prescripteurs, à des pharmacies, à des logements sécuritaires, à la sécurité alimentaire et à des médicaments pour atténuer les symptômes de sevrage; elles veulent un choix sécuritaire pour ceux qui continueront à consommer des drogues. Nous avons besoin de trousses et de ressources de réduction des méfaits. Nous avons besoin de ressources humaines pour...
À l'époque où j'étais ministre de la Santé et des Services sociaux au gouvernement du Yukon, j'ai eu la responsabilité de faire la lumière sur la crise des opioïdes ainsi que sur la pandémie de COVID. Je travaillais aussi en même temps comme négociatrice principale pour ma Première Nation, une petite collectivité autochtone éloignée dans le nord du Yukon. Nous avons signé un accord d'autonomie gouvernementale il y a une trentaine d'années. Nous exerçons notre droit inhérent à l'autodétermination. Nous assumons la responsabilité du bien-être général de tous nos citoyens, de notre collectivité, de la terre et des ressources. Puisque nous sommes une collectivité isolée, nous sommes un peuple résilient, en ce sens que nous sommes connectés à nos racines, à nos traditions. En même temps, nous sommes profondément affectés par la crise des opioïdes et les surdoses de drogues toxiques au Yukon et dans le reste du pays.
Nous faisons face à de grands défis, et le coût de la vie est élevé... La sécurité alimentaire est un énorme défi. La capacité financière limitée dans nos collectivités nous empêche de lutter contre les problèmes de santé mentale. Les défis liés à la toxicomanie ont émergé au fil de notre histoire, à cause du colonialisme, du racisme et des traumatismes intergénérationnels. Tout cela est une priorité pour ma collectivité.
En avril 2020 et en 2023, nous avons déclaré l'état d'urgence et une crise liée à la consommation de substances dans la collectivité, car nous avions subi des pertes importantes à cause de la consommation et de l'abus d'opioïdes, d'alcool et de drogue. Au cours des cinq dernières années, nous avons perdu 15 citoyens de la Première Nation des Gwitchin Vuntut, en lien avec la consommation de substances.
Comme nous sommes une petite collectivité, il s'agit d'un problème très complexe qui touche tout le monde et dont les impacts et les effets sont décuplés. Tout le monde dans ma collectivité a été touché d'une manière ou d'une autre. Comme nous sommes une collectivité éloignée, nos citoyens doivent se déplacer pour avoir accès à des installations et à des soins médicaux. Par conséquent, nous en voyons souvent les conséquences et les effets quand ils arrivent en ville. En moyenne, les centres urbains ont un effet sur les gens isolés dans le Nord.
Nous avons travaillé sans relâche pour soutenir nos citoyens du mieux que nous pouvons en misant sur la guérison et le bien-être. Nous adoptons une approche globale et sans jugement. Nous nous sommes engagés à faciliter l'accès aux services de traitement. Nous avons réservé l'année dernière près de 1 million de dollars pour soutenir nos citoyens, afin qu'ils aient accès à des programmes de traitement. Cet argent provient des fonds de base de notre entente de transfert financier que nous recevons pour nos programmes et services.
Pour moi, en tant que cheffe, il est prioritaire d'assurer un accès en tout temps à des conseillers, localement et à distance. Nous sommes aussi en train d'élaborer un programme de suivi pour fournir du soutien à notre collectivité.
Ce que j'essaie de dire, ici, c'est que nous travaillons dur pour lutter contre la consommation de substances dans nos collectivités. Nous avons recours à la Loi du Yukon visant à accroître la sécurité des collectivités et des quartiers pour lutter contre le trafic de drogue et la contrebande. Nous avons demandé que soit modifiée la désignation de sécurité de nos aéroports dans le Nord, pour qu'il soit possible de contrôler les bagages des passagers et le fret dans les trajets vers le nord, comme cela se fait déjà pour les trajets vers le sud. En d'autres mots, les trafiquants de drogue peuvent librement entrer dans notre collectivité, parce que nous sommes une collectivité éloignée accessible par voie aérienne.
Nos outils sont limités, mais nous avons fait d'immenses progrès; avons envoyé plus de 70 personnes dans un centre de traitement dans le sud de la Colombie-Britannique, parce que le Yukon n'est pas équipé pour les recevoir. Nous n'avons pas d'options de traitement, au Yukon; l'accès y est limité. Nous avons besoin de plus d'options. Ma Première Nation a besoin de soutien pour mettre en œuvre des programmes et améliorer le bien-être de ses membres.
Comme nous sommes sur le terrain, nous savons ce qui se passe. Nous avons la souplesse nécessaire, mais nous essayons aussi d'atténuer la crise. Ce n'est pas du financement adéquat et garanti, pour des interventions vitales, qui va nous sauver. Cela ne va pas nous aider. Nous avons besoin de plus de soutiens pour lutter contre les surdoses de drogue illicite et pour offrir des programmes et des services.
Nous avons examiné le programme de financement irrégulier auquel nous avons accès par le truchement du gouvernement fédéral et du gouvernement territorial, et il est insuffisant. Nous venons de demander, l'année dernière, au forum du , un accès direct à des fonds et à du soutien. Intégrez ces fonds à nos fonds de base, et laissez-nous fournir les services. Nous n'avons pas cette souplesse. Il faut que les pressions politiques, sociales, économiques et culturelles auxquelles nous faisons face soient prises en considération.
Très rapidement, je veux dire que nous venons de conclure une enquête du coroner à Whitehorse, au Yukon, sur quatre décès par surdose dans un refuge d'urgence. Deux de ces personnes étaient des résidantes de ma collectivité.
Nous sommes fiers de notre collectivité, parce que nous sommes résilients. Nous avons fait des choses extraordinaires. Nous avons notre propre ligne aérienne. Nous n'avons pas de crise du logement. Cependant, nos gens sont directement touchés. Il faut changer profondément les services offerts, et la seule façon de le faire est de travailler ensemble et de lutter conjointement. Nous avons examiné les options, comme un programme d'échange sécuritaire dans notre collectivité. Nous avons sensibilisé nos citoyens. Nous avons exploré d'autres solutions. Nous envisageons de mettre en place des mesures de soutien pour le sevrage dans notre collectivité. Nous devons aussi songer à un programme de distribution.
Tout ce que nous faisons, nous le faisons pour améliorer la santé de nos familles et de nos collectivités. Pour la première fois, nous priorisons réellement nos jeunes, et nous avons un programme de bien-être jeunesse. Nous mobilisons nos jeunes, et des formateurs viennent...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins de leur patience.
Docteure Koivu, j'ai écouté votre déclaration très attentivement. En ce qui concerne les patients — vous en avez décrit quelques-uns —, il semble que nous ne leur offrons pas d'autres traitements que le traitement aux opioïdes. Il y a peut-être autre chose.
Pour les gens qui nous écoutent à la maison, nous savons tous que les gens qui prennent des opioïdes finiront par s'y habituer ou par s'habituer à la dose qu'ils prennent et qu'ils auront besoin de doses de plus en plus fortes. Si c'est le genre de médicaments que nous allons fournir, ne serait‑il pas juste de dire que ce que nous donnons à ces gens, ce sont des soins palliatifs?
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Absolument. C'est l'un des problèmes les plus importants avec les opioïdes. Quand vous en prenez, des changements neurochimiques s'opèrent dans votre cerveau. Votre cerveau s'habitue à ce que vous en preniez. Cela devient votre état normal. Pour avoir le même effet, vous devez accroître la dose que vous prenez. Pour avoir le même effet euphorique, vous devez continuer d'augmenter la dose.
Le plus important, peut-être, c'est que, quand votre cerveau se réadapte à ce nouvel état normal, vous êtes obligé de prendre des opioïdes. Si vous en manquez, votre cerveau va en manquer et vous allez entrer dans ce que l'on appelle le sevrage, une expérience horrible. Vous avez des douleurs atroces, de l'anxiété, des nausées, des vomissements et de la diarrhée. Vous pouvez littéralement avoir l'impression de mourir. Vous n'arrêtez pas de penser que vous en avez besoin de plus et que vous avez besoin d'une dose plus forte. Quand vous êtes dans un scénario où vous prenez des opioïdes régulièrement, vous recherchez toujours l'euphorie, la dose continue d'augmenter, et vous cherchez toujours à rester sous médication pour éviter le sevrage.
Une chose importante qui n'est pas toujours mentionnée, et que je voudrais ajouter, c'est que, à mesure que votre cerveau se régule et s'habitue à une certaine dose d'opioïdes, vous êtes généralement incapable de la tolérer si vous allez bien. Mais, si vous faites une pneumonie ou que vous avez une endocardite ou n'importe quelle autre maladie qui touche votre système cardiorespiratoire, la même dose peut être toxique ou fatale. Quand vous prenez des opioïdes, et même si vous prenez toujours la même dose de Dilaudid ou de fentanyl, et que vous attrapez une pneumonie ou développez une septicémie, cette même dose pourrait devenir toxique, parce que votre cerveau veut plus que ce que votre organisme peut tolérer.
Quand vous pouvez recevoir un traitement qui vous est donné quotidiennement pour vous éviter de vivre un sevrage après l'autre, vous ne laissez pas à votre cerveau l'occasion de guérir. Vous êtes piégé dans un cycle où vous êtes totalement dépendant du médicament, et vous risquez de développer une tolérance, d'avoir besoin d'une dose plus élevée et d'avoir besoin d'une dose qui sera finalement trop forte. Dans les cas que j'ai mentionnés, à l'hôpital, on prescrivait aux patients des doses beaucoup plus fortes que ce qu'ils pouvaient tolérer, quand nous pouvions savoir ce qu'ils prenaient. Si nous leur avions donné la dose qui leur avait été prescrite, les conséquences auraient été fatales pour eux.
Merci à tous les témoins d'être ici.
Je vous parle aujourd'hui depuis le territoire ancestral de la Première Nation Kwanlin Dün et du Conseil Ta'an Kwäch'än à Whitehorse, au Yukon.
Madame Hopkins, la plupart de mes questions s'adresseront à vous.
Malheureusement, la cheffe Frost a dû partir plus tôt, quand nous sommes allés voter, mais j'ai remarqué que vous écoutiez attentivement son témoignage et que vous faisiez oui de la tête. Je me demandais, si vous me le permettez, s'il y avait quoi que ce soit qui vous a particulièrement touchée, d'après ce que vous savez et votre expérience, dans le témoignage de la cheffe Frost en tant que cheffe d'une collectivité nordique isolée?
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On tient habituellement pour acquis que le problème, par rapport aux ressources et à la capacité d'intervenir à l'égard de l'approvisionnement de drogues toxiques, c'est l'éloignement, que c'est un problème d'ordre géographique. Nous ne demandons pas — et nous ne nous y attendons pas non plus — à ce que des hôpitaux soient construits dans chacune de nos collectivités, mais la Loi canadienne sur la santé dit qu'il devrait y avoir un accès universel à la santé, et son objectif est que les soins de santé soient accessibles sans obstacle pour notre bien-être.
Si je mentionne cela, c'est parce que beaucoup de Canadiens vivent dans des collectivités rurales et éloignées, mais nous discutons précisément des membres des Premières Nations. Ils ont le droit d'accéder à des soins de santé près de chez eux, quand ils en ont besoin. Quand ils n'y ont pas accès là‑bas, ils doivent aller les chercher ailleurs, ce qui les amène souvent dans des environnements urbains.
Dans ces environnements urbains, ils n'ont pas toujours accès aux soins de santé appropriés dont ils ont besoin, quand ils ont une dépendance aux opioïdes ou une dépendance à la méthamphétamine ou à d'autres stimulants ou même à des sédatifs comme les benzodiazépines, dont j'ai déjà parlé, ou à un tranquillisant comme la xylazine, qui n'est pas une substance contrôlée. Toutes ces substances ont de graves effets sur les gens quand ils n'ont aucune ressource en santé près de chez eux.
Ce n'est pas seulement une question de géographie. C'est aussi une question de prise de décisions. S'il est dit dans la Loi canadienne sur la santé qu'il devrait y avoir un accès universel aux soins de santé pour tous les résidents du Canada, peu importe où ils vivent, alors, où sont les politiques qui assureraient un accès aux médecins, aux prescripteurs, aux infirmières praticiennes, aux pharmacies, aux ressources de santé publique et aux ressources de réduction des méfaits, qui existent pour le reste de la population? Pourquoi ne fait‑on pas en sorte que ces ressources soient accessibles aux Canadiens et aux populations des Premières Nations, peu importe où ils vivent?
Souvent, on dit que c'est une question de compétence. Qui est responsable? La Loi canadienne sur la santé est claire: nos droits, tels qu'ils sont définis dans les traités, dans la Constitution, et à présent dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, n'effacent pas les droits que nous avons en vertu de la Loi canadienne sur la santé. Il s'agit d'une décision, une décision politique, et pas seulement d'une question de géographie.
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Si vous me le permettez, je vais vous interrompre, parce que le temps m'est compté.
Une chose que la cheffe Frost a mentionnée, c'est que des millions de dollars du fonds de base de la Première Nation Vuntut Gwitchin ont dû être dépensés pour, dans ce cas‑ci, transporter des gens pour qu'ils reçoivent un traitement. Je ne peux pas dire de combien de gens il s'agissait précisément, mais je pense qu'elle avait dit 70.
Nous savons que, souvent, quand les gens vont à l'extérieur pour suivre un traitement et qu'ils reviennent ensuite dans leur collectivité, leur risque de surdose, mais aussi de rechute, est plus élevé parce qu'il n'y a pas de soutien — de ressources de suivi — dans la collectivité. Pour revenir sur votre dernier point, connaissez-vous, ou pourriez-vous décrire des modèles de soins qui fonctionnent dans les petites collectivités? Peut-être que vous connaissez ou que vous avez observé des histoires de réussite, sur la façon dont les soins peuvent être fournis, dans une collectivité, afin qu'il y ait des ressources de suivi pour la continuité des soins.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous.
Personnellement, je n'ai pas d'idée préconçue relativement à la crise que nous essayons de comprendre et de résoudre au moyen de recommandations. Toutefois, quand j'écoute les propos des différents témoins, je finis par être un peu mélangé. Il ne semble pas y avoir de consensus scientifique. En effet, il se dégage de plus en plus une division au sein de la communauté scientifique ou des personnes qui exercent leur profession sur le terrain.
Professeure Pauly, vous avez parlé de l'approvisionnement sécuritaire, qui fait en sorte que des vies sont sauvées. J'imagine que c'était le but principal.
Premièrement, l'approvisionnement sécuritaire doit-il être nécessairement temporaire? Si oui, comment peut-on évaluer cela?
Deuxièmement, pourquoi l'accès à des traitements par agonistes opioïdes s'oppose-t-il aux effets de l'approvisionnement sécuritaire?
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Ce sont deux questions très importantes.
J'aimerais prendre une seconde pour parler de la division des données scientifiques, dont la députée a parlé. Il n'y a pas vraiment de division, quand vous regardez ce qui est considéré comme étant des données probantes évaluées par les pairs ou des données probantes examinées par de multiples scientifiques du domaine.
Notre équipe a réalisé une étude et examiné toutes les données probantes sur l'approvisionnement sécuritaire. Il y a près de 40 articles de ce genre, des articles évalués par les pairs, et les données sont très majoritairement favorables: cela offre aux gens une option plus sécuritaire et réduit les surdoses; cela les met en relation avec le système de santé et d'autres types de soutiens, selon leurs besoins, comme le logement; et cela leur permet de renouer avec leur famille et leur collectivité. Je voulais seulement mentionner ces données.
L'approvisionnement sécuritaire devrait‑il être temporaire? C'est une bonne question, parce que, quand cela a été introduit en Colombie-Britannique, cela devait être une mesure temporaire. Cependant, il est devenu clair que cela devait faire partie des interventions du système. Je veux vraiment insister sur cela: une intervention systémique. En Colombie-Britannique, très tôt, nous avons eu des données montrant que, avec une combinaison d'interventions multiples, comme des trousses de naloxone à emporter avec un traitement par agonistes opioïdes et la prévention des surdoses, on obtenait de très bons résultats. Cependant, ce n'est pas suffisant. L'approvisionnement sécuritaire est une autre forme d'intervention dans le cadre d'une approche globale.
Pour répondre à votre question sur les raisons pour lesquelles il y a de l'opposition, pour ma part je ne comprends pas pourquoi on cherche à blâmer l'approvisionnement sécuritaire, parce que les véritables méfaits, ici, sont attribuables au marché des drogues non réglementées et très toxiques. Voilà ce qui tue les gens.
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Je voulais m'assurer que c'était bien au compte rendu.
Merci beaucoup.
Je vais maintenant m'adresser à Mme Hopkins.
Vous étiez coprésidente du Groupe d'experts sur la consommation de substances. Ce groupe a recommandé à l'unanimité d'augmenter l'approvisionnement sécuritaire, de cesser de criminaliser les consommateurs de substances et d'offrir davantage le traitement sur demande, en plus de cibler le rétablissement, la prévention et l'éducation.
Vous aviez vraiment un éventail d'experts au sein du Groupe d'experts sur la consommation de substances. Pourriez-vous nous parler de votre déception, peut-être, lorsque vous avez su que le gouvernement ne suivrait pas les recommandations? Pourriez-vous aussi nous dire, étant donné votre expérience, pourquoi il est important de reformer le groupe d'experts et de mettre en œuvre ces recommandations?
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J'aimerais seulement souligner l'importance de l'approvisionnement sécuritaire. C'est un outil qui doit être accessible à tous.
Il faut non seulement comprendre le contexte des membres des Premières Nations, comme je l'ai dit plus tôt, mais il faut aussi savoir que nous n'avons pas dans la communauté les ressources nécessaires pour faire face aux conséquences de la toxicité des opioïdes ou de l'approvisionnement en drogues toxiques. Nous n'avons pas les services près de chez nous, là où les gens en ont besoin et lorsqu'ils en ont besoin. Ils doivent donc souvent déménager, s'installer à l'extérieur de la réserve pendant un certain temps. Souvent, ils trouveront plus accueillants les vendeurs de drogues illégales. Puis, ils reviennent dans leur collectivité, et maintenant nous créons une nouvelle relation qui a une incidence importante sur les familles et toute la collectivité.
Pour la toute première fois, des communautés des Premières Nations signalent des morts; ce n'est pas parce que des membres des Premières Nations en tuent d'autres, mais parce que des gangs venus de grands environnements urbains entrent dans les réserves et commettent ces crimes. La violence armée et la traite de personnes ont augmenté.
Les perceptions par rapport à ce phénomène nous amèneraient à dire que, compte tenu du racisme au Canada, on reprochera ce genre d'activités aux membres des Premières Nations en disant qu'ils ont créé leur propre malheur. On pense la même chose à propos des consommateurs de drogues. Ils n'ont qu'à arrêter; ils peuvent simplement décider de le faire. Pourquoi ne choisissent-ils pas quelque chose d'autre lorsqu'ils perdent tout cela? Nous rejetons la faute sur les victimes sans soutenir leur droit aux services de santé et aux services sociaux.
Les Nations unies...
Je ne sais pas comment répondre très rapidement, mais la première chose que je vais dire c'est que, en 2016, notre taux de morts par surdose était égal à celui de la province. En 2022, année pour laquelle nous avons de l'information, le taux provincial a augmenté d'environ 2,7 % et celui de London a presque quadruplé. Il y a une augmentation importante des morts par surdose comparativement à la moyenne provinciale. Il y a eu aussi une augmentation non négligeable des morts par surdose comparativement à l'autre collectivité où je travaille, juste au sud, dont le taux était exactement le même que la moyenne provinciale en 2016 et qui l'est toujours.
Je vois aussi un changement important chez les jeunes. Prenez la population de jeunes — ces données sont toutes disponibles sur l'outil sur les opioïdes du ministère de la Santé publique de l'Ontario; pour les gens de 15 à 24 ans, le taux à London était inférieur à la moyenne provinciale en 2016, et il est aujourd'hui vraiment plus élevé. C'est la même chose pour les gens de 25 à 44 ans. Lorsque je regarde les gens que je qualifierais de jeunes, je trouve qu'il y a eu une augmentation des décès.
L'autre chose, c'est que l'hydromorphone est ce qu'il y a de plus commun. Elle est deux fois plus souvent liée à la cause d'un décès à London que dans la moyenne provinciale. Souvent, les moyennes provinciales diluent les choses. Si vous allez en Ontario, vous remarquerez que, là où l'approvisionnement sécuritaire est accessible, il y a une augmentation par rapport aux moyennes provinciales.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'apprécie les commentaires de ma collègue sur la nécessité de continuer cette discussion. Il est important de faire savoir aux Canadiens qu'il y a une controverse à ce sujet. Tout n'est pas fondé sur la science et une bonne partie est fondée sur des opinions, ce qui n'aide pas nécessairement lorsque vous savez qu'il y a des arguments fondés sur la science. Bon nombre de mes collègues n'aiment peut-être pas qu'il y en ait, mais c'est le cas.
Il est important de poursuivre sur cette voie pour permettre au Comité de comprendre que certaines données scientifiques qui ont été présentées ici ne répondent pas aux questions auxquelles il faut répondre. Il est aussi important de comprendre que le gouvernement de la Colombie-Britannique a demandé que l'on mette un terme à l'expérience de la décriminalisation, ce que des collectivités comme New Westminster, Richmond, Campbell River, Kamloops et Sicamous ont certainement souligné. Plus les Canadiens entendent parler de l'expérience, plus ils ont peur pour leurs propres collectivités. Ils ont peur de la contamination du matériel utilisé pour la consommation de drogues. Ils sont préoccupés par la possibilité que les enfants soient exposés à de la drogue, et nous avons même entendu parler d'animaux, dans certaines régions.
Ce que j'ai aussi entendu directement de la bouche des Canadiens, c'est qu'ils craignent de ne plus pouvoir accéder à leurs centres-villes. C'est ce que nous a dit clairement une cheffe de police adjointe de Vancouver, qui a comparu devant notre comité il n'y a pas si longtemps. Elle a dit clairement que l'expérience de décriminalisation a entraîné la perte de l'accès aux centres-villes. Les gens consomment des substances à l'extérieur des commerces, des résidences, dans les transports en commun et près des écoles, des parcs et des plages. La cheffe de police adjointe a dit dans son témoignage que la police ne pouvait rien faire pour mettre un terme à ce genre d'activités.
La ministre de la Santé mentale et des Dépendances a parlé de cela avec fermeté à la Chambre des communes et dans les médias pour tenter d'expliquer la demande du gouvernement de la Colombie-Britannique de mettre fin à l'expérience. Je trouve cela intéressant, parce que c'est le gouvernement de la Colombie-Britannique qui avait demandé au gouvernement fédéral de mener cette expérience, mais nous savons tous, même si d'une certaine façon ce n'est pas scientifique, que lorsque nous perdons le contrôle de l'expérience et que les gens responsables disent qu'il faut l'arrêter, on doit le faire. Dans le cadre des expériences scientifiques, comme des essais contrôlés randomisés, si les chercheurs en chef comprennent que quelque chose ne tourne pas rond, ils ne poursuivent pas l'expérience. Ils l'arrêtent et ils n'attendent pas des jours et des jours pour le faire. Ils l'arrêtent immédiatement lorsque ces signaux apparaissent.
Je suis très déçu par le gouvernement NPD-Libéral et surtout par la ministre de la Santé mentale et des Dépendances. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a demandé à ce que l'on mette fin à l'expérience, et maintenant le gouvernement NPD-Libéral négocie pour la poursuivre. Si nous voulons en parler et que nous utilisons ma métaphore, même si je réalise que ce n'est pas scientifique, nous savons donc clairement que l'expérience doit cesser maintenant dans l'intérêt de notre pays parce que c'est une expérience ratée. Nous l'avons entendu encore et encore. Nous savons que c'est une expérience ratée. Le gouvernement de la Colombie-Britannique sait que c'est une expérience ratée.
Ma question, c'est...
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Merci, monsieur le président.
Premièrement, le Dr Ellis confond clairement la décriminalisation et l'utilisation des drogues dans les lieux publics.
Deuxièmement, le gouvernement de la Colombie‑Britannique n'a pas demandé la fin de la décriminalisation. Il a plutôt demandé la révision de sa demande.
Considérant la motion, étant donné que la est déjà venue au Comité et qu'il va y avoir un comité plénier de quatre heures à la Chambre d'ici la fin du mois, considérant aussi le voyage que nous nous apprêtons à faire, la semaine prochaine, au cours duquel nous aurons l'occasion de rencontrer des gens sur le terrain et de poser toutes nos questions, je propose de modifier la motion, et qu'elle soit ainsi libellée: « Que l'étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada soit prolongée de deux réunions pour inviter d'autres témoins. »
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Merci, monsieur le président.
Je ne prendrai pas beaucoup de temps. Je suis Britanno-Colombien, et je suis heureux de vous revoir. Cela fait quelques années.
Le a mentionné l'Association de soccer d'Abbotsford durant la période de questions, aujourd'hui. Mon fils jouait en fin de semaine, et j'ai demandé à l'entraîneur, Gill, le coordinateur jeunesse du premier programme kicks, ce qui se passait et pourquoi une lettre circulait dans tous nos médias locaux et régionaux.
La décriminalisation en Colombie-Britannique a entraîné un chaos généralisé. Des enfants ont vu une femme se faire violer sur le terrain de soccer l'année dernière, et elle avait consommé de la drogue lorsque c'est arrivé. Ces substances sont dévastatrices. Mon bureau est situé à côté de Haven in the Hollow, un refuge pour sans-abri qui est devenu un centre d’injection supervisé. Durant la pandémie, c'est devenu un endroit où les gens pouvaient consommer ouvertement toutes les drogues qu'ils voulaient ainsi que de l'alcool. Cela a créé du chaos dans le quartier où se situe mon bureau. Des membres de The Legion sont venus me voir il y a quelques semaines. C'est à moins d'un pâté de maisons du centre, et tous les jours, ils doivent demander aux gens de ne pas consommer de la meth, du crack ou d'autres drogues dures sur les lieux.
L'ordonnance de décriminalisation prise par le gouvernement disait clairement que cela ne s'appliquerait pas à ce genre d'endroits, mais, depuis le début de l'expérience, il y a eu des conséquences graves pour les résidents de la vallée du Fraser. J'aimerais souligner aussi, dans le contexte de décriminalisation, que dans la région sanitaire où j'habite, la région sanitaire de Fraser, je crois que vous avons eu, l'année dernière — et ne me citez pas là‑dessus —, l'un des taux de décès par habitant les plus élevés, après celui des services de santé dans le Nord de la Colombie-Britannique. Alors que, proportionnellement, nous avons eu un nombre de décès record par rapport au reste de la population de la Colombie-Britannique — au deuxième ou au troisième rang —, nous n'avons pas reçu plus de financement pour aider les gens à se sevrer et à obtenir une place dans un centre de désintoxication ou pour mettre sur pied un établissement offrant le traitement dont ils ont besoin.
La décriminalisation tue beaucoup de Britanno-Colombiens, et j'encouragerais tout le monde à voter en faveur de cette motion. Je pense que c'est une bonne motion.
Merci de votre temps.
Tout d'abord, il y a beaucoup de raisons pour lesquelles nous devrions augmenter le nombre de réunions.
Prenez Fort McMurray. Le taux de décès par empoisonnement à la drogue a atteint un sommet l'année dernière. En Alberta, le taux de décès dus à des drogues a augmenté de 17 % l'année dernière. La province va dépasser la Colombie-Britannique d'ici le mois de juin. Il y a 43,3 décès par 100 000 habitants. En Colombie-Britannique, c'est 46,6 décès par 100 000. À Lethbridge, le taux de décès dus à des drogues est trois fois plus élevé qu'en Colombie-Britannique. Tout ça, c'est sans la décriminalisation et sans l'approvisionnement sécuritaire. À Regina, le taux de décès par 100 000 habitants est plus élevé qu'en Colombie-Britannique de 43 %.
Ce qui se passe dans les provinces sans approvisionnement sécuritaire et sans décriminalisation est une véritable tragédie. Nous voyons littéralement le désastre se produire sous nos yeux. C'est une urgence sanitaire. En fait, en Alaska, qui est voisin de ces provinces, il y a eu une augmentation de 45 % des décès dus à des drogues toxiques l'année dernière. C'est un État républicain où il n'y a ni approvisionnement sécuritaire, ni décriminalisation.
Nous entendons toujours dire que l'on a besoin de... Nous avons entendu l'association des chefs de police dire que ce n'est pas le détournement de l'approvisionnement sécuritaire qui tue les gens; c'est le fentanyl meurtrier. Mme Pauly a dit aujourd'hui que 85 % des décès sont causés par le fentanyl et que l'on a retrouvé des traces d'hydromorphone pour seulement 3 % des décès.
La police a dit clairement que la criminalisation de la consommation de substances est plus néfaste. C'est qu'ont dit le groupe d'experts et l'association des chefs de police, et ce que continuent de nous dire les médecins hygiénistes en chef, et chacun des médecins hygiénistes en chef de l'île de Vancouver. Ils n'auraient pas pu dire plus clairement que la criminalisation des gens entraîne plus de problèmes et que l'approvisionnement sécuritaire diminue le nombre de morts.
Des données examinées par les pairs indiquent que la très petite quantité d'approvisionnement sécuritaire qui sert à remplacer les substances toxiques que l'on se procure dans les rues — qui ne sont pas réglementées et qui sont produites, mises en marché et vendues par le crime organisé — diminue le risque de décès par surdose toxique. Nous avons eu une multitude de rapports. Je crois que le médecin hygiéniste en chef de Toronto demande aussi au gouvernement d'envisager la décriminalisation.
L'association des chefs de police nous a dit et répété que l'on ne peut pas revenir en arrière lorsqu'il est question de la décriminalisation des gens. « Il est trop tard. » C'est une citation du président de l'association des chefs de police de la Colombie-Britannique. Là‑bas, ils cherchaient des outils pour amener les gens à quitter les espaces publics pour que le public se sente en sécurité. En même temps, la province a dit clairement qu'elle voulait plus de sites de consommation supervisée.
Je suis déçu que nous ne puissions pas être à Lethbridge, parce que c'est là que l'on a fermé un centre de consommation supervisée, et Lethbridge est l'endroit le plus touché en Alberta. Cette ville compte le taux de décès le plus élevé de la province. Il y a trois fois plus de décès par substances toxiques qu'en Colombie-Britannique. À Medicine Hat, il y a 63 décès par 100 000 habitants. C'est 40 % de plus qu'en Colombie-Britannique, et c'est probablement le taux de décès le plus élevé jamais observé par n'importe laquelle des autorités sanitaires de la Colombie-Britannique.
Je voulais seulement souligner ces raisons très importantes pour lesquelles nous devons avoir plus de réunions. Je suis d'accord pour avoir deux réunions supplémentaires. J'espère que nous pourrons passer une de ces réunions uniquement pour entendre la perspective des Autochtones. Je pense que nous devrions inviter Mme Hopkins de nouveau, par respect, puisque cette réunion‑ci pourrait devoir s'arrêter bientôt et que son témoignage pourrait être écourté aussi. Je serais déçu si cela devait arriver, surtout que nous savons qu'il est sept fois plus probable qu'un Autochtone de ma province d'origine meure à la suite d'une surdose de substance toxique. Dans sa province à elle, c'est 36 fois plus.
Nous avons également entendu Mme Petra Schulz, de Moms Stop the Harm, dire, lorsqu'elle a témoigné, que le modèle thérapeutique de l'Alberta n'est qu'un nom. Nous avons entendu dire que, pour une nation vivant au sud de Lethbridge à qui l’on avait promis un centre de traitement thérapeutique, le seul projet entamé était la construction d'un centre cérémonial, il y a trois ans. Les gens attendent. Ils peuvent attendre jusqu'à six mois pour obtenir de l'aide dans certaines régions de l'Alberta. S'ils veulent de l'aide.
Le but devrait être de garder les gens en vie. La réduction des méfaits, le traitement et le rétablissement vont de pair. Il n'est pas nécessaire d'en avoir un si nous n'avons pas l'autre. Il s'agit d'une crise qui ravage l'Amérique du Nord. Elle explose dans les provinces conservatrices et dans les États républicains. Nous devons changer de cap. Nous devons travailler ensemble.
Au Portugal, les politiciens ont obtenu des résultats lorsqu'ils ont laissé la voie libre et permis aux experts de prendre les choses en main à l'aide de politiques fondées sur des données probantes, de politiques générées par des données probantes et de recherches examinées par les pairs. C'est ainsi qu'ils ont fait avancer les choses. Je ne vois aucun autre vrai problème de santé au sujet duquel les politiciens ont leur mot à dire et avec lequel ils interfèrent.
J'appuie la tenue de deux séances. Je voulais également m'assurer que mes commentaires avaient été consignés au compte rendu.
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Monsieur le président, je trouve assez ironique qu'on dépose une motion afin d'avoir plus de réunions pour entendre les témoignages de témoins, alors qu'on met de côté nos témoins aujourd'hui. Nous avions plein de questions à leur poser.
Je ne vais pas prendre trop de temps, pour ne pas entrer en contradiction avec mon premier énoncé, mais j'ai dit que j'étais prêt à prolonger cette étude. Je pense que nous pouvons nous faire confiance. Nous voulons arriver à des recommandations qui vont porter, pas juste être mises sur une tablette. Nous, nous allons voir ce qui se passe sur le terrain. J'aurais été très à l'aise à l'idée de prolonger notre étude. Si, un jour, nous constatons que nous avons besoin de quatre réunions, nous en prendrons quatre.
Cependant, aujourd'hui, j'aimerais entendre ce que les témoins ont à dire. Cela fait plusieurs fois qu'une étude est interrompue à cause d'une motion. Nous devrions peut-être revoir le fonctionnement du Comité. Je préférerais que les discussions liées à l'orientation de nos travaux se fassent au sein d'un sous-comité plutôt que pendant une étude en se donnant en spectacle devant les témoins au sujet de notre compréhension de la thématique. Je trouve que c'est un manque de respect. Je m'arrête ici.
Je suis prêt à recevoir toutes les propositions. Par contre, quand nous avons des témoins, posons-leur des questions afin qu'ils nous éclairent.
En deux minutes et demie, je voudrais demander aux témoins qui restent ce qu'ils pensent de la situation à Vancouver, justement, et ce qu'ils pensent du retour de la criminalisation en Colombie‑Britannique.
:
Merci, monsieur Thériault.
[Traduction]
Il n'y a aucun autre intervenant sur la liste. Je suppose que nous sommes prêts à nous prononcer.
Le vote porte sur l'amendement. Pour que les choses soient claires, l'amendement vise à supprimer les mots suivants de la motion: « Que le Comité invite la Ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé devant le Comité pour au moins deux heures. » On remplacerait également le mot « six » par le mot « deux ».
L'amendement serait le suivant: « Que l'étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada soit prolongée de deux réunions pour inviter d'autres témoins. »
Tous ceux en faveur de l'amendement?
(L'amendement est adopté.)
(La motion modifiée est adoptée.)
Le président: La motion est adoptée à l'unanimité.
Merci, tout le monde. Nous allons maintenant revenir aux témoins.
Madame Goodridge, il vous reste 47 secondes.
:
Madame Pauly, je suis désolé de vous mettre sur la sellette, mais le comité a besoin de votre aide. En réponse à M. Thériault, qui a dit que les experts semblent avoir des opinions différentes sur les données relatives à l'approvisionnement sécuritaire, vous avez dit que vous aviez passé en revue des articles examinés par les pairs et qu'ils semblaient confirmer de façon convaincante les avantages de l'approvisionnement sécuritaire.
Voici ce que le Comité a entendu d'autre. Nous avons demandé à Santé Canada de comparaître devant le Comité. Nous avons reçu les experts qui, je crois, ont approuvé la demande de la Colombie-Britannique, et ils semblaient être en faveur de l'approvisionnement sécuritaire. Ils ont reconnu eux-mêmes que les données probantes sur les avantages de l'approvisionnement sécuritaire n'étaient pas très bonnes. Je soulignerais que, dans le cadre d'un examen de l'approvisionnement sécuritaire prescrit, la médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique a dit ce qui suit:
La plupart des rares études publiées et examinées par les pairs n'ont pas de groupe témoin ou de groupe de référence, et l'intervention dont avaient bénéficié les participants à l'étude, dans la plupart des cas, combinait un accès plus large à des soins de service globaux, y compris l'approvisionnement sécuritaire, et des soins de santé primaires, ce qui fait en sorte qu'il est difficile d'attribuer un avantage quelconque uniquement à l'approvisionnement sécuritaire prescrit.
Ils ont laissé entendre qu'ils ont besoin de plus d'études.
Selon l'étude de la commission Stanford-Lancet sur la crise des opioïdes — et je soulignerais qu'il ne s'agit pas de fanatiques d'extrême droite —, « les données indiquent clairement qu'il est absurde de supposer que la santé de la population s'améliore fondamentalement lorsque les systèmes de santé fournissent la plus grande quantité possible d'opioïdes avec le moins de contraintes réglementaires possible ». Ils étaient, eux aussi, contre l'approvisionnement sécuritaire. Nous avons parlé au dirigeant de la commission, et il a dit que le problème, c'est que l'approvisionnement supplémentaire reproduit essentiellement la cause du problème, c'est‑à‑dire que les médecins prescrivent beaucoup trop de stupéfiants et que les personnes qui s'en font prescrire ont de la difficulté à cesser de les consommer.
Affirmez-vous toujours, néanmoins, que les données probantes indiquent clairement que l'approvisionnement sécuritaire est une bonne chose?
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Je vous remercie de votre question concernant la science, parce qu'il a été très déroutant et perturbant de voir la tournure qu'ont prise certains débats.
Tout d'abord, bon nombre des citations que vous avez fournies étaient antérieures à 2020 et datent du tout début de la collecte de données probantes sur l'approvisionnement sécuritaire. Depuis 2020, ces données ont doublé. En fait, certaines des données probantes les plus convaincantes ont émergé au cours des six à douze derniers mois environ. Notre équipe est, bien entendu, à l'avant-plan de la collecte de données probantes en Colombie-Britannique, où nous observons des répercussions positives.
Oui, je maintiens ce que j'ai dit. Après un examen de plus de 40 études, les conclusions étaient très positives. Ce que j'exhorte vraiment le comité à faire, c'est de séparer l'idéologie des données probantes. Je ne crois pas que mes collègues diraient que nous n'avons pas besoin de plus de traitements, mais nous savons que les traitements posent encore problème. Les gens cessent leur traitement et rechutent. Nous devrions regarder le type de système global que nous sommes en train de construire au lieu de créer ces tensions constantes.
Je vais m'arrêter ici si vous avez d'autres questions.
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Le rapport de la médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique est assez récent, tout comme celui de Santé Canada, et, après avoir examiné les données probantes, je n'étais certainement pas convaincu. Mais changeons de sujet.
Votre étude n'était pas un essai contrôlé randomisé, ce qui est la norme de référence, et la validité de vos résultats dépend de la qualité du jumelage des personnes qui reçoivent d'un approvisionnement sécuritaire avec celles qui n'en reçoivent pas.
Une de mes préoccupations concernant votre étude — et corrigez-moi si je me trompe —, c'est le groupe témoin, soit les personnes qui ne recevaient pas d'un approvisionnement sécuritaire. Vous avez obtenu le nom de ces personnes auprès de différentes sources, entre autres la base de données sur les congés, laquelle, selon ce que je comprends, provient des dossiers d'hospitalisation de personnes qui ont été admises en raison d'un diagnostic ou en lien avec la consommation d'opioïdes. Ce qui me préoccupe, c'est que votre groupe témoin comprend des personnes plus malades, parce qu'elles sont allées à l'hôpital récemment, soit parce qu'elles ont fait une surdose...
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Merci, monsieur le président.
Lors d'une réunion précédente, nous avons reçu la Dre Morin. Selon elle, les dépendances sont des maladies chroniques multifactorielles. Cela complique les choses, car il faut agir à plusieurs égards. De plus, on dit que la rechute fait partie du processus. D'ailleurs, la Colombie-Britannique veut rectifier le tir, d'une certaine façon.
Ma question s'adresse à Mme Hopkins, mais Mme Pauly va aussi pouvoir y répondre, s'il reste du temps de parole.
Comment voyez-vous la situation en Colombie-Britannique et que pensez-vous de la volonté du gouvernement de rectifier le tir? Selon vous, cela doit-il mener à la « recriminalisation »?
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Absolument pas. Merci de la question.
Le groupe d'experts sur la consommation de substances et la santé mentale a recommandé l'approvisionnement plus sécuritaire et la décriminalisation, mais a également dit que cela devrait faire partie d'un éventail complet de mesures de soutien pour les personnes qui consomment des drogues ou des substances ou qui souhaitent entamer un processus de rétablissement.
Ce groupe a clairement recommandé un système plus complet et mieux adapté. Lorsque vous fournissez à des gens les médicaments dont ils ont besoin pour vivre au quotidien, mais que ces gens n'ont pas de logement, n'ont aucune sécurité du revenu ni sécurité alimentaire, et qu'ils ne peuvent compter sur personne pour les soutenir... Chaque personne a besoin de quelqu'un qui va la soutenir et l'encourager à croire en sa capacité à réussir dans la vie, peu importe ce que signifie la réussite pour elle. Ces mesures de soutien exhaustives sont un complément absolument nécessaire.
Comme je l'ai dit, il n'y a pas de solution miracle. Il existe de nombreux outils pour soutenir le changement et garder les gens en vie. L'approvisionnement plus sécuritaire et la décriminalisation ne sont pas une solution miracle. Ils ne sont pas conçus pour mettre un terme à la crise des opioïdes et à l'offre de drogues toxiques, mais ils permettront de sauver des vies. Ils permettront à des êtres humains de vivre leur vie. Cela devrait être notre but: nous assurer que des êtres humains peuvent continuer à vivre leur vie. Il y a de nombreux outils. Il doit y avoir de nombreux outils.
Il n'y a pas de réponse facile, et il n'y a pas de solution facile, mais l'on s'attarde à une seule technique, à une seule solution, que l'on critique sans envisager les autres ressources qui sont nécessaires. Lorsque ces autres ressources sont en place, nous observons des changements positifs sur les familles, leurs enfants et leurs collectivités. Elles permettent d'accroître la sécurité, de diminuer le nombre d'enfants pris en charge par les services de protection de l'enfance, d'augmenter le nombre d'enfants qui fréquentent l'école et d'accroître la sécurité dans les collectivités. Je ne saurais trop insister sur le fait qu'une approche exhaustive est nécessaire.
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Ce que je disais, c'est que l'approvisionnement plus sécuritaire n'a pas été étendu, entre autres, parce qu'il a été très politisé. C'est un discours dangereux alors que le vrai problème est le marché non réglementé des drogues toxiques.
Pour ce qui est d'étendre le programme, nous avons beaucoup appris des recherches que nous avons effectuées au sujet des prescripteurs et, plus particulièrement, du fait que les prescripteurs ne devraient pas se faire attaquer ou se sentir critiqués par leurs collègues et de la nécessité de reconnaître l'importance des interventions et du soutien des ordres professionnels. Parmi les découvertes intéressantes, nous avons appris que le personnel infirmier praticien est trois fois plus susceptible de prescrire l'approvisionnement plus sécuritaire. Nous avons également appris qu'il est possible d'éliminer les obstacles, surtout dans les collectivités rurales et éloignées. Je voudrais aussi mentionner que, en Colombie-Britannique, l'Autorité sanitaire des Premières Nations offre un programme virtuel sur l'usage et les dépendances aux substances, qui, comme on a pu le constater, facilite l'accès des personnes vivant dans les collectivités rurales et éloignées.
Nous n'avons pas beaucoup parlé des modèles d'approvisionnement sans prescription, mais je voulais souligner que, en Colombie-Britannique, une partie seulement des personnes décédées d'une surdose avaient en fait un trouble de consommation d'opioïdes ou de substances. Il ne faut pas oublier d'envisager d'autres solutions d'accès qui sont adéquates et bien réglementées pour les personnes qui utilisent le marché des drogues toxiques et qui ne répondent pas nécessairement à ces critères.
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Merci de poser la question.
Le traitement par agonistes opioïdes vise à traiter les gens afin de les stabiliser sur le plan neurochimique, pour éviter qu'ils ne cherchent à soulager leurs symptômes de sevrage — dont nous avons parlé plus tôt — et leur permettre de se rétablir vraiment. Les deux principaux types d'agonistes opioïdes utilisés pour ce traitement sont la méthadone, qui existe depuis des années, et la buprénorphine. La buprénorphine n'était pas disponible au début de l'étude menée à London.
La buprénorphine est un opioïde chimique. Il faut savoir que, si vous en augmentez la dose, les effets négatifs n'augmenteront pas. C'est le médicament le plus éprouvé pour diminuer les risques de surdose. Les gens qui en prennent sont moins susceptibles de faire une surdose s'ils en prennent avec d'autres substances.
La buprénorphine est maintenant offerte sous forme de préparation sublinguale à prise quotidienne. Elle est également offerte sous forme de préparation injectable habituellement connue sous le nom de Sublocade, qui est administrée toutes les quatre semaines. Cela change la donne et permet aux gens de reprendre leur vie en main et de réintégrer leur communauté. Ne pas avoir à se soucier d'un accès quotidien à une pharmacie est certainement utile dans les collectivités éloignées également. Ce médicament assure la guérison du cerveau et permet aux gens de se rétablir et de fonctionner normalement.
Les programmes d'approvisionnement plus sécuritaire visent à continuer de fournir des doses d'opioïdes, sans supervision. Il est important de reconnaître que, lorsque les gens entament un traitement à la méthadone ou au Suboxone, nous vérifions ce qu'ils sont capables de prendre. Nous comprenons leur tolérance. Nous collaborons avec eux étant donné que nous surveillons ce qu'ils prennent et que nous savons ce qu'ils prennent. Lorsque les gens commencent le programme d'approvisionnement sécuritaire, ce n'est pas le cas.
Je vais parler un peu plus de ma propre collectivité. On peut continuer à augmenter la dose sans se demander si cette dose est sécuritaire pour la personne ou pour la collectivité. On donne habituellement la dose de façon quotidienne. On en donne parfois tous les deux ou trois jours. Puis, on augmente la dose. Dans ma collectivité, c'est généralement ce que les gens demandent, sans que l'on ait la preuve que c'est ce dont ils ont besoin. Même lorsqu'on a la preuve qu'une personne ne tolère pas sa dose, celle‑ci n'est pas nécessairement diminuée.
Les gens vont devoir continuer d'aller à la pharmacie, généralement tous les jours. Cela veut dire qu'ils vont continuer, d'un point de vue neurochimique, de contrer les effets du sevrage. On prolonge la dépendance de ces personnes. On maintient leur dépendance. Elles sont maintenues dans un état de dépendance à des médicaments.
C'est une économie de marché. Étant donné qu'il y a davantage de détournement et de disponibilité... Je crois comprendre, selon mes patients et du fait que je vis dans la région, que, en 2016, un comprimé de D8 se vendait environ 20 $. Si vous êtes proche d'un lieu d'approvisionnement — près des endroits où il y a davantage de détournement ou au cœur de London — le prix varie, mais il se vend habituellement environ un à deux dollars. Plus vous vous éloignez, plus c'est cher.
Il est vraiment question de l'offre et de la demande. Étant donné que l'approvisionnement a augmenté et qu'il y a de plus en plus de Dilaudid disponibles à London et compte tenu de la tolérance des gens par rapport à ce qu'ils se font prescrire, il est certain que la quantité, selon ce que j'entends... Il y a certainement plus d'un million de comprimés de D8 qui se vendent en un an, et à mesure que ce chiffre a augmenté, le prix a nettement diminué.
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Bon nombre de spécialistes dans leur domaine ont une expertise et connaissent le fondement scientifique de cette expertise. Ils publient. Ils connaissent très bien leur travail. Nous nous appuyons souvent sur les données probantes qu'ils produisent pour prendre des décisions éclairées. Habituellement, nous ne comprenons pas ou nous ne reconnaissons pas la réalité des gens qui vivent tous les jours avec le genre de conditions dont il est question ici: vivre avec une dépendance aux opioïdes, survivre aux processus visant à trouver le bon dosage, éprouver tous les sentiments que cela suppose. Chaque personne est différente, sur le plan physique, des autres personnes. Le type de médicament nécessaire, la quantité de médicaments nécessaire pour régler les problèmes de dépendance, les neurotransmetteurs qui sont considérablement modifiés par le type de drogues consommées, tout cela fait partie de l'expérience vécue. C'est une source crédible de données probantes.
Si vous parlez aux personnes qui consomment des drogues, vous trouverez des similitudes entre elles. Que vous parliez à une personne du quartier Downtown Eastside de Vancouver ou à une personne d'une communauté autochtone du nord de l'Ontario, et qu'elles ne se sont jamais rencontrées, elles vous décriront les mêmes expériences de sevrage. Elles vous parleront de leur tolérance aux augmentations progressives de leur médicament contre la toxicomanie. Ce sont des données crédibles.
Nous écoutons la voix de ces personnes parce que nous reconnaissons leur expérience, et non pas en raison de leur condition sociale, parce qu'elles consomment des drogues ou parce que nous les jugeons ou les discriminons. Nous les écoutons parce qu'elles peuvent nous parler d'une réalité vécue dans l'ensemble du pays. Ce sont des données probantes importantes. Écouter ces personnes est tout aussi important, sinon plus, que les décisions à prendre sur le système de santé et les services intégrés offerts à toutes les personnes qui en ont besoin pour continuer à vivre leur vie sans avoir à endurer la souffrance mentale et physique qui accompagne le sevrage.
Les gens ne se réveillent pas le matin avec l'envie de mourir. Ils deviennent désespérés lorsque nous prenons des décisions en fonction de nos opinions et sans tenir compte de toutes les variables qui ont une incidence sur ce dont il est question ici: l'approvisionnement plus sécuritaire et la crise des drogues toxiques. Nous pouvons adopter un point de vue et dire qu'il fournit des données probantes crédibles, et cela se peut, mais, si nous les examinons sans tenir compte des déterminants de la santé, par exemple, et de la manière dont les gens ont appris à survivre au quotidien, nous manquons alors de vision et nous finissons par prendre des décisions en nous prenant pour Dieu. Aucun d'entre nous n'a le droit de décider qui peut vivre, qui est remplaçable et qui devrait mourir.
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Absolument. Nous avons besoin de chaque outil et de chaque stratégie utiles pour sauver des vies. Personne ne peut vivre sur cette terre tout seul. Nous vivons en relation avec les autres. Nous vivons en relation avec la terre et l'environnement. Nous devons tenir compte de ces éléments et des quatre piliers.
Nous avons au Canada une stratégie sur la consommation des substances qui comprend la réduction des méfaits. Nous devons maintenant comprendre ce que cela suppose. Nous devons nous assurer de la réduction des méfaits, mais pas seulement pour les gens. Nous devons nous assurer de prendre des décisions, élaborer des politiques et offrir des ressources et des programmes qui réduisent les méfaits pour les familles et les collectivités. Cela ne veut pas dire qu'il faut supprimer le droit à des médicaments, le droit au bien-être mental, le droit de vivre et le droit au souffle sacré de la vie. Nous devons adopter une approche holistique et envisager la vie d'un point de vue global. Nous ne pouvons nous permettre de tenir des propos comme « Vous, en tant que population, n'avez pas le droit de vivre » ou « Vous, en tant que population, vous n'avez pas droit à la santé parce que vous consommez des drogues ».
La déclaration des Nations unies sur le problème mondial de la drogue — que le Canada a soutenu — visait, non pas à entrer en guerre contre les gens, mais à assurer le droit à la prévention et aux traitements. Malheureusement, nous n'avons pas pu inclure la réduction des méfaits dans la déclaration à ce moment‑là. Cependant, cette année, la Commission des stupéfiants des Nations unies a voté en faveur de l'intégration de la réduction des méfaits dans les traités internationaux relatifs aux drogues. Cela correspond maintenant à ce que le Canada a déclaré, et nous devons investir.