Bienvenue à la 94e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Nous nous réunissons en mode hybride, conformément au Règlement. Toutefois, comme personne dans ce premier groupe ne participe à la réunion à distance, je vous fais grâce des consignes à cet égard.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude de l'accord d'achat anticipé de vaccins conclu par le gouvernement avec Medicago.
Je souhaite la bienvenue au ministre de la Santé, l'honorable Mark Holland, et à ses collaborateurs. Mme Celia Lourenco, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale des produits de santé et des aliments, est ici pour représenter le ministère de la Santé. Nous recevons aussi, de l'Agence de la santé publique du Canada, Mme Heather Jeffrey, la présidente, et le Dr Donald Sheppard, qui est vice-président, Direction générale des programmes sur les maladies infectieuses et de la vaccination.
Merci à vous de prendre le temps de comparaître devant le Comité.
Avant de donner la parole au ministre Holland afin qu'il nous présente sa déclaration liminaire, je rappelle à mes collègues que nous avons pour pratique au sein du Comité d'accorder aux témoins autant de temps pour répondre aux questions que le temps pris pour les poser. Il vous est bien entendu loisible de leur laisser plus de temps. Je vais m'assurer qu'ils disposent d'au moins le même laps de temps, mais vous pouvez décider de leur en accorder davantage.
Sur ce, je vous souhaite la bienvenue devant le Comité, monsieur le ministre. Vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de prendre de nouveau la parole devant le comité de la santé. Je remercie les membres de me donner la possibilité de parler de l'accord conclu avec Medicago, et plus précisément des mesures que le gouvernement a prises durant la pandémie pour que l'ensemble des Canadiens aient accès à la vaccination.
Je vais commencer par parler du contexte mondial, de la situation dans laquelle le fléau de la COVID‑19 a plongé le pays. Vous vous souvenez sans doute de l'incertitude au sujet de la découverte d'un vaccin. Il était question d'un horizon de 5 ou 10 ans. Le fait que divers vaccins aient été mis au point est un véritable miracle de la science. Je remercie infiniment, du fond du cœur, les fonctionnaires de l'Agence de la santé publique du Canada, l'ASPC, et de Santé Canada pour leur travail acharné durant cette période extrêmement difficile.
En avril 2020, le Canada a créé le Groupe de travail sur les vaccins contre la COVID‑19, qui était composé d'experts multidisciplinaires et de chefs de file de l'industrie en matière de vaccins et d'immunologie. Leur mandat consistait à examiner les options viables de vaccins, et ils en ont retenu sept. Ces sept options, compte tenu des données scientifiques et de la capacité technique de les produire, ont été retenues par le Canada en vue d'assurer l'accès des Canadiens aux vaccins qui seraient éventuellement développés.
Des accords d'achat anticipé ont été conclus. L'objectif de ces accords était d'atténuer le risque, de garantir une livraison en temps opportun et, bien franchement, de nous assurer que tous les Canadiens pourraient recevoir les doses de vaccin nécessaires pour sauver leur vie.
La nature même de ces accords faisait en sorte qu'ils étaient très souples. Dès le départ, il a été tenu pour acquis que les sept options ne donneraient pas forcément des résultats concluants. Personne ne pouvait prédire lesquelles parmi ces options seraient efficaces, ne l'oublions pas. Nous savions qu'il existait sept options viables, mais absolument rien ne permettait de savoir laquelle finirait par sauver des vies, ce qui représentait évidemment l'essentiel pour les Canadiens.
Je trouve important de reconnaître que la stratégie des accords d'achat anticipé… Je tiens à le souligner, parce que c'est important. On estime que 800 000 vies ont été sauvées au Canada, et que 1,9 million d'hospitalisations et 34 millions de cas de COVID ont été évités. Je le répète, nous ne savions pas au début quelle solution serait efficace.
Dans le cas de Medicago, qui fait l'objet des délibérations aujourd'hui et qui a proposé une des sept options… Cette entreprise canadienne proposait une technologie novatrice et fort enthousiasmante à base de plantes. C'était une première, car, comme vous le savez, les autres étaient principalement à base d'œufs. C'était une première mondiale, et la capacité… Comme de raison, nous ne savons pas comment cette technologie pourra être utilisée à l'avenir. Il s'agit d'une innovation d'une grande importance, et j'espère qu'elle pourra faire une grande différence.
Avec le soutien du gouvernement du Canada, Medicago a pu mettre au point un vaccin sûr et efficace. Le 24 février 2022, son utilisation a été autorisée au Canada. Si d'autres vaccins n'avaient pas été approuvés et mis en marché à ce moment — des vaccins basés non plus sur la souche ancestrale, mais sur la plupart des variants les plus récents et les plus actifs —, le monde aurait très bien pu avoir besoin de Medicago.
Comme la campagne de vaccination au moyen de plusieurs autres produits efficaces allait bon train au Canada, la production du vaccin Medicago n'était plus vraiment nécessaire. Cela n'empêchait pas que nous devions honorer l'accord conclu de façon anticipée pour garantir l'obtention d'au moins une des options.
J'ajouterai que, pour ce qui est de la transparence — je sais que beaucoup de questions ont été posées au sein du Comité à ce sujet —, l'Agence de la santé publique du Canada et Services publics et Approvisionnement Canada ont communiqué tous les détails de ce contrat, ainsi que ceux des autres accords d'achat anticipé, au comité permanent des comptes publics et au Bureau du vérificateur général, en prévoyant les dispositions appropriées en matière de non-divulgation.
Je précise en dernier lieu que l'Agence de la santé publique a divulgué publiquement le montant payé aux fins des Comptes publics.
Après le dépôt des Comptes publics, l'entreprise a accepté la divulgation de renseignements supplémentaires afin d'identifier l'entreprise et le montant du paiement anticipé non remboursable, et confirmer que les modalités du paiement ont été respectées et que le contrat a été résilié par consentement mutuel.
J'aimerais aussi souligner que le Bureau du vérificateur général a récemment terminé la vérification des transactions financières de l'Agence de la santé publique du Canada pour le troisième exercice financier de suite et a confirmé l'exactitude et la fiabilité de ces renseignements financiers.
Les membres du Comité se rappelleront également qu'en décembre 2022, la vérificatrice générale a publié un rapport sur les vaccins contre la COVID‑19 couvrant la période du 1er janvier 2020 au 31 mai 2022. Ce rapport a révélé que l'approvisionnement en vaccins ainsi que l'autorisation, la répartition et la distribution des vaccins avaient été efficaces.
En conclusion, alors qu'une grande confusion régnait et que personne ne savait si une solution efficace serait trouvée, le Canada a misé sur sept options, et il faut en remercier le ciel. Il était absolument impossible de prédire laquelle serait efficace et, dès le départ, les accords d'achat anticipé prévoyaient la possibilité qu'une option ne donne aucun résultat. La proposition de Medicago a été parmi celles qui ont été concluantes, mais le projet a abouti à un moment où le vaccin n'était plus nécessaire en raison de l'efficacité d'autres vaccins.
Je termine en remerciant de nouveau les fonctionnaires extraordinaires qui ont abattu un travail colossal. Grâce à eux, la réponse du Canada à la COVID‑19 a été parmi les meilleures dans le monde et nos taux de décès ont été parmi les plus faibles dans le monde.
Monsieur le président, je serai heureux de répondre aux questions du Comité.
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Je vais vous dire comment je vois la situation. Si nous n'avions pas misé sur les 7 options, nous n'aurions pas pu sauver 800 000 vies.
Quel est le prix de 800 000 vies selon vous? Pour ma part, je crois que 800 000 vies valent très cher.
Le fait est que nous n'avions pas de boule de cristal. Je ne sais pas quelles étaient vos capacités psychiques à ce moment, mais ni moi ni le ministère n'avions la capacité psychique nécessaire pour savoir quel vaccin fonctionnerait. Nous n'avions pas le choix de miser sur les sept options.
Nous savions, à la signature de ces accords d'achat anticipé, que certaines options risquaient de ne pas fonctionner, et qu'il y aurait effectivement un coût à cela, mais nous l'avons fait pour nous assurer de sauver 800 000 vies. Nous l'avons fait également pour éviter 1,9 million d'hospitalisations.
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C'est ce que j'essaie d'expliquer. J'aurais aimé avoir une boule de cristal. Si nous avions pu lire l'avenir dans une boule de cristal, nous n'aurions pas eu à prendre de telles décisions. Bien entendu, nous n'en avions pas.
Sept options ont été jugées réalisables sur le plan technique et selon une analyse scientifique en vue de la production d'un vaccin. Les accords d'achat anticipé qui ont été conclus pour les sept options visaient à garantir au Canada, peu importe laquelle s'avérerait efficace, l'obtention des vaccins dont il avait besoin.
C'est très facile, avec le recul, de dire que nous aurions dû investir seulement dans l'option qui a fonctionné. C'est un peu comme si on nous disait que nous aurions dû acheter le billet de loterie gagnant. Si on sait quel billet sera le gagnant, pourquoi acheter les autres?
La réalité, c'est que nous n'avions aucun moyen de savoir à ce moment quelle option fonctionnerait, et nous avons versé un acompte de 150 millions de dollars pour nous assurer que des vaccins nous seraient livrés et que les Canadiens y auraient accès.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le ministre, mesdames Lourenco et Jeffrey et monsieur Sheppard, je vous remercie de votre présence.
Le montant de 150 millions de dollars, qui a été inscrit dans les pertes des Comptes publics du Canada, est un paiement effectué pour la réception de vaccins commandés par le Canada. Nous nous entendons là-dessus. Ce sont des vaccins qui auraient été homologués aux États‑Unis et qui l'étaient aussi au Canada. Cependant, l'Organisation mondiale de la santé a décidé de ne pas les inclure dans les solutions possibles, parce qu'un des actionnaires minoritaires était un cigarettier.
Le Canada a adhéré en 2005 à la Convention-cadre pour la lutte antitabac. Tout à l'heure, vous nous avez dit qu'on ne pouvait pas deviner ce que ferait l'Organisation mondiale de la santé. En fait, on pouvait se douter que l'OMS allait rejeter le vaccin s'il y avait des solutions de rechange. Par contre, si ce vaccin avait été le seul de disponible, on peut prétendre que l'OMS l'aurait accepté.
Avez-vous fait une enquête, avant que l'OMS prenne sa décision, sur les possibilités que Mitsubishi Tanabe Pharma se débarrasse de l'actionnaire Philip Morris avant l'homologation du vaccin par l'OMS? Était-ce une des exigences que vous auriez demandées à Medicago?
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Merci beaucoup de la question. Permettez-moi d'y répondre en anglais, parce que c'est plus facile pour moi lorsqu'il s'agit de questions techniques.
[Traduction]
Tout d'abord, la réponse à la question de savoir s'il était possible de prévoir qui allait refuser quoi comporte deux éléments.
Le premier élément a trait au pouvoir exclusif du Canada d'homologuer le vaccin. L'homologation du vaccin en février 2022 permettait son utilisation au Canada. La décision de l'OMS n'avait aucune incidence à cet égard.
Le second élément est que je rejette entièrement l'idée voulant que l'OMS ait adopté cette position… ou qu'il y ait eu une incidence sur notre position. Ce sont deux choses distinctes. Quand la décision de l'OMS est tombée, d'autres vaccins étaient disponibles et ils avaient été mis à jour. Ces vaccins étaient basés sur les variants actifs à ce moment plutôt que sur la souche ancestrale. L'OMS a pris cette décision à un moment où beaucoup d'autres options étaient accessibles dans le monde.
J'irais jusqu'à dire que la décision de l'OMS aurait été différente si Medicago avait mis au point les seuls vaccins efficaces. C'est la concurrence des autres options qui était en jeu, et non le fait que Philip Morris était un actionnaire minoritaire de Medicago.
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Il y a deux éléments importants.
Tout d'abord, comme je l'ai dit, la décision de l'OMS était totalement indépendante de celle du Canada. Si Medicago avait été la première à offrir un vaccin efficace, c'est celui qui aurait été utilisé au Canada.
Ensuite, sur la question du rejet des actionnaires, cela a été possible parce qu'à ce moment, plusieurs autres options étaient basées sur les variants les plus récents plutôt que sur la souche ancestrale.
Votre dernier point concernant Philip Morris, je précise que la société s'est départie de la totalité de ses actions. C'était un actionnaire minoritaire de Medicago et elle n'a plus aucune participation dans l'entreprise. Par conséquent, je suppose que l'exercice est purement théorique.
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Cela semble une explication légitime de la part du gouvernement canadien, mais voici ce qui s'est réellement passé.
En mars 2022, l'OMS a décidé de ne pas autoriser l'utilisation d'urgence de Covifenz en raison des liens de Medicago avec l'industrie du tabac. Sa conclusion était donc différente de celle du gouvernement du Canada.
C'est là où le bât blesse. Si le Covifenz n'a pas été produit, ce n'est pas parce que le Canada a décidé de ne pas aller de l'avant.
En février 2023, dans un communiqué de presse, le Mitsubishi Chemical Group a annoncé qu'« à la suite d'une analyse complète de la demande actuelle à l'échelle mondiale, du contexte économique en ce qui concerne les vaccins contre la COVID‑19 et des défis auxquels Medicago est confrontée dans sa transition vers une production commerciale, le groupe a décidé de ne pas poursuivre la commercialisation de COVIFENZ ».
N'est‑il pas vrai, monsieur le ministre, que le vaccin de Medicago n'a pas été produit parce que l'absence de débouché mondial faisait en sorte qu'il n'était pas commercialement viable? L'entreprise n'aurait certainement pas décidé de commercialiser un vaccin qui aurait trouvé preneur seulement au Canada.
Est‑ce que je me trompe?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie le ministre et ses collaborateurs de leur présence ce soir. Il se fait tard.
Je suis très heureuse de cette conversation pour de nombreuses raisons, surtout, je crois, parce que le pire de la pandémie est maintenant derrière nous. Nous avons tiré de nombreux enseignements de cette période très difficile. J'ai eu des centaines de conversations avec des concitoyens au sujet de cette période et des répercussions que nous ressentons encore dans la collectivité. Nous avons parlé de certaines craintes et de la désinformation. Nous avons parlé de l'approvisionnement. Nous avons également parlé de notre capacité de réagir à l'avenir.
On m'interroge souvent sur notre capacité de production de vaccins interne ou nationale. Je sais que dans son rapport sur les vaccins contre la COVID‑19, la vérificatrice générale mentionnait que la capacité de production de vaccins du Canada était limitée et qu'il était donc tributaire de produits étrangers importés.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là?
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C'est un point important, car les Canadiens doivent bien comprendre le rôle du gouvernement. Quand un gouvernement est élu et que vous avez l'honneur d'être ministre, il ne vous est pas permis de dicter les termes d'un contrat. Ce serait tout à fait inapproprié.
Vous approuvez un contrat, mais il serait tout à fait inapproprié de se mêler des détails d'un contrat, de dicter à un ministère la façon de procéder et de s'immiscer dans la rédaction du contrat. Il est très inquiétant, selon moi, d'entendre les conservateurs dire qu'ils n'auraient pas signé d'accords d'achat anticipé et qu'ils n'auraient pas investi dans ces différentes options. Je ne les entends pas dire qu'ils auraient attribué le marché à une seule entreprise. Ce que j'entends, c'est qu'ils n'auraient conclu aucune sorte d'accord. Ils n'auraient pas écouté les experts sur les conditions à accepter pour réussir à conclure ces accords d'achat anticipé.
Ce que nous entendons très clairement de la part des conservateurs, c'est que s'ils avaient été au pouvoir — et Dieu merci, ce n'était pas le cas —, ils n'auraient pas signé d'accords d'achat anticipé. Autrement dit, ce pays n'aurait pas eu de vaccins, ce qui aurait été catastrophique pour la santé publique. Dieu merci, cela ne s'est pas produit.
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Tout d'abord, faisons l'éloge de la science. Le nombre de vaccins qui ont fini par être disponibles et efficaces témoigne de l'ingéniosité humaine et est tout à fait incroyable. Ce qui est finalement arrivé, c'est que nous avons disposé de différents vaccins pour les Canadiens et que nous avons donc pu déployer exactement ceux qui étaient nécessaires, en fonction de la situation sanitaire, et ce, de différentes manières.
Bien entendu, si nous n'avions pas conclu ces accords d'achat anticipé et si nous n'avions pas parié sur ces sept options, toutes examinées par un groupe d'experts indépendants... D'ailleurs, il a finalement eu raison, puisqu'il a choisi plusieurs des vaccins qui ont marché. S'il ne l'avait pas fait, nous n'aurions pas connu ce succès.
Dans les collectivités autochtones, comme vous le soulignez, parce que nous disposions de la bonne combinaison et que nous avions l'approbation des vaccins, nous avons atteint un taux de vaccination très élevé, ce qui a permis de sauver un nombre incalculable de vies. C'est une réussite remarquable.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le ministre. Bonjour, monsieur Sheppard et mesdames Lourenco et Jeffrey.
Monsieur le ministre, lorsque les ententes ont été conclues avec les sept compagnies, vous saviez qu'il y avait un problème. Quand le vaccin de Medicago a été autorisé et que l'OMS l'a refusé, nous avons posé des questions, mais tout le monde s'esquivait et personne ne voulait répondre.
On sait maintenant que le gouvernement savait pertinemment qu'il y avait un problème, car il avait signé la Convention-cadre pour la lutte antitabac du 27 février 2005. La semaine passée, les fonctionnaires de Travaux publics et services gouvernementaux Canada l'ont confirmé. La directrice générale et la directrice générale adjointe ont confirmé que le gouvernement savait qu'il y avait un problème. Aujourd'hui, on apprend qu'on perd 323 millions de dollars et que le gouvernement a pris un risque.
Est-ce que vous êtes prêt à admettre aujourd'hui que c'était un risque qui était connu et que vous êtes quand même allé de l'avant?
:
Je vous remercie, monsieur.
[Français]
J'ai une dernière question, qui concerne les contrats.
Lorsque j'étais au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, nous avons fait l'ensemble des vérifications sur Pfizer et Moderna pour avoir les prix. La ministre de la Santé de l'époque, Mme Anand, disait tout le temps que c'était secret. Pendant ce temps, les États‑Unis, Israël et l'Union européenne dévoilaient le prix de leurs vaccins. On sait que les Américains payaient 7 $ la dose. Au Canada, nous avons fait des calculs, et nous en sommes arrivés à environ 25 $.
Pourquoi, aujourd'hui encore, sommes-nous incapables de savoir combien ont coûté les vaccins?
:
Je vous remercie, monsieur Hanley.
Je vous remercie, monsieur le ministre.
Voilà qui conclut nos séries de questions.
Nous vous remercions sincèrement de vous être rendu disponible. Je dois dire que je partage les paroles aimables que vous avez adressées à votre équipe pour le travail qu'elle a accompli durant toute cette période. Merci à toutes et à tous. Vous pouvez rester, mais vous êtes libres de partir.
Chers collègues, nous allons suspendre la séance, car nous devons vérifier la qualité du son pour le prochain groupe.
La séance est suspendue pendant cinq minutes environ.
:
Nous reprenons nos travaux.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 16 mai 2022, le Comité reprend à présent son étude sur la santé des femmes.
Comme nous avons quelques participants à distance, je préciserai ces quelques points à leur intention.
Vous avez accès à l'interprétation en bas de votre écran. Vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Veuillez ne pas faire des captures d'écran ou prendre de photos.
Je vais accueillir notre groupe de témoins. Nous recevons aujourd'hui, à titre personnel, le Dr Steven Narod, scientifique principal.
[Français]
Nous accueillons aussi Jacques Simard, qui est professeur titulaire au Département de médecine moléculaire de l'Université Laval.
[Traduction]
Nous recevons également la Dre Anna Wilkinson, docteure en médecine. Nous recevons Jennie Dale, cofondatrice et directrice exécutive de Dense Breasts Canada, qu'elle représente, et la Dre Paula Gordon, qui comparaissent toutes deux par vidéoconférence.
Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour présenter vos observations préliminaires.
Nous allons commencer par le Dr Narod.
Vous avez la parole. Soyez le bienvenu.
Je suis professeur à l'École de santé publique Dalla Lana de l'Université de Toronto et je suis reconnaissant envers le gouvernement fédéral. Je suis titulaire de la chaire de recherche du Canada sur le cancer du sein, que j'occupe depuis 21 ans. Je suis professeur au Women's College Hospital et, depuis 25 ans, je me consacre presque exclusivement au cancer du sein.
La détection précoce et le dépistage font partie de mes centres d'intérêt. En 2014, j'ai publié un article considéré comme faisant date, en quelque sorte. Je suis l'auteur principal responsable de l'analyse statistique et de la rédaction de l'étude nationale canadienne sur le dépistage du cancer du sein, qui portait sur la mammographie.
Dans cette étude, qui a débuté en 1983, nous avons pris 90 000 femmes dans tout le Canada et nous avons constitué, à partir de ce groupe, un échantillon aléatoire de 45 000 femmes — donc choisies au hasard — qui passeraient une mammographie tous les cinq ans. Les 45 000 autres ont subi un examen physique. Nous les avons suivies pendant 25 ans, et j'ai publié un article en 2014 avec mon mentor, le Dr Tony Miller. Après 25 ans de suivi, nous avons constaté que le nombre de décès dus au cancer du sein était presque exactement le même chez les femmes qui avaient passé cinq mammographies, soit 500 décès, que chez celles qui n'en avaient pas passé, soit 505 décès.
J'en ai conclu que la mammographie permettait une détection précoce. Les cancers détectés par mammographie étaient plus petits. Ils étaient moins susceptibles d'être des cancers avec atteinte ganglionnaire. En outre, la survie des femmes dont le cancer avait été détecté par mammographie était bien meilleure, mais malheureusement, sans que cela réduise le nombre de décès.
En fait, 177 femmes dont le cancer du sein non palpable a été détecté par la mammographie — autrement dit, le cancer du sein a été découvert par la mammographie — étaient encore en vie au bout de 30 ans. Je crois que ces 177 femmes pensaient que la mammographie leur avait sauvé la vie et elles en témoignaient en disant: « Nous croyons vraiment aux mammographies. J'ai passé une mammographie et elle a détecté mon cancer du sein avant qu'il ne soit palpable, avant que l'on sente une masse. » Pourtant, le nombre de décès restait le même.
L'étude a été critiquée. Dans une large mesure, les gens critiquent ce qu'ils n'aiment pas. J'ai écrit plusieurs centaines d'articles — 730 articles sur le cancer du sein —, et c'est probablement celui qui a suscité le plus de réactions, en grande partie, selon moi, parce que nous avons montré que nous ne croyions pas que la mammographie pouvait réduire la mortalité due au cancer du sein. L'article a fait l'objet de nombreuses allégations, généralement dans la presse non spécialisée.
En tout cas, j'ai pris les allégations au sérieux, j'ai repris les données, je les ai toutes examinées pour voir si les allégations concordaient avec les résultats et je suis arrivé à la conclusion que non. Je considère que l'article répond à la norme en matière de recherche scientifique. Je pense que l'étude reste la meilleure réalisée sur le dépistage du cancer du sein, et je pense que les résultats sont valides.
Je pourrais continuer, mais est‑ce que mes cinq minutes sont terminées?
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Il me reste une minute? D'accord.
Cela fait 25 ans que j'étudie le cancer du sein sous toutes ses formes. J'étudie surtout la détection précoce. Nous devons réfléchir à l'idée que la mammographie est efficace. La mammographie détecte des cancers lorsqu'ils sont petits et sans atteinte ganglionnaire. Il n'y a aucun doute à cet égard. Le pronostic est alors bon.
J'ai consacré les cinq dernières années à essayer de comprendre pourquoi la mammographie ne sauve pas de vies. Je suis arrivé à une conclusion différente de celle de la plupart des autres médecins de la planète qui est que, si le cancer du sein doit se propager, il le fera très tôt. Il y a un type de cancer du sein qui devient métastatique très tôt et un autre qui ne devient pas métastatique au cours de son évolution clinique.
Au cours de l'année écoulée, j'ai écrit un ouvrage de 300 pages sur le sujet. Je le terminerai demain dans le train de retour. J'ai relu la première moitié aujourd'hui. Je relirai l'autre moitié demain en rentrant à la maison.
Quoi qu'il en soit, je remercie le Comité de m'avoir invité à exprimer mes opinions.
Je remercie le Comité de nous donner l'occasion d'exposer une partie de nos travaux.
Depuis 21 ans, je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada en génétique du cancer. Je suis également membre de la Société royale du Canada.
Un programme de dépistage sera viable s'il présente plus d'avantages que d'inconvénients, s'il est rentable, s'il peut être mis en œuvre, s'il est accepté par les utilisatrices et les prestataires de services, et si un accès équitable est garanti.
À l'heure actuelle, les programmes de dépistage du cancer du sein décident de l'admissibilité en fonction de l'âge et ciblent principalement les femmes âgées de 50 à 74 ans en leur proposant une mammographie tous les deux ans. Cependant, le risque de développer un cancer du sein varie beaucoup d'une femme à l'autre. Il n'existe pas de lignes directrices nationales pour le dépistage des personnes considérées comme à haut risque. Les protocoles de dépistage varient d'une province à l'autre, tout comme la définition d'un risque élevé de développer un cancer du sein.
Généralement, les femmes sont considérées comme étant à haut risque en fonction des antécédents familiaux de cancer du sein, suivis d'un test de dépistage des mutations des gènes BRCA1 et BRCA2. Souvent, ce sont la personne concernée et son prestataire de soins qui prennent l'initiative ponctuelle d'entamer ce processus d'identification, plutôt qu'il y ait des stratégies systémiques d'identification axées sur la population. Cette approche ne tient pas compte des femmes qui n'ont pas d'antécédents familiaux connus, mais qui ont une prédisposition génétique significative, ni des femmes à haut risque en raison de la combinaison d'autres facteurs de risque, comme le risque polygénique, le mode de vie, les facteurs hormonaux et la densité mammographique du sein.
Les scores de risque polygénique représentent l'effet combiné de multiples variantes génétiques sur le risque de cancer identifié par des études d'association à l'échelle du génome — c'est‑à‑dire l'approche génomique — et ils fournissent une solide approche de la prédiction du risque qui peut permettre de repérer beaucoup plus de personnes à risque élevé ou faible de cancer que le dépistage fondé uniquement sur l'âge. À cet égard, des outils complets de prédiction du risque, incluant des facteurs de risque génétiques et non génétiques, se sont révélés prometteurs pour fournir une prédiction personnalisée du risque et éclairer les stratégies de dépistage du cancer.
Un programme de stratification des risques suppose d'évaluer le risque de cancer du sein pour chaque femme dans la population, de stratifier la population en plusieurs groupes de risque, de classer les personnes par groupes de risque correspondants et d'adapter la stratégie de dépistage à chaque groupe de risque. Avec cette approche, certaines femmes pourraient commencer le dépistage mammographique plus jeunes, avoir des intervalles de dépistage différents ou subir un dépistage complémentaire par une autre modalité d'imagerie, comme l'IRM. En outre, les femmes considérées comme présentant le risque le plus élevé de cancer du sein pourraient se voir proposer un traitement préventif prophylactique.
Les études de simulation réalisées jusqu'à présent montrent que le dépistage stratifié en fonction du risque permet un meilleur compromis entre avantages et inconvénients. En concentrant des efforts de dépistage plus intensifs sur les personnes à haut risque, il est possible de détecter les cancers plus tôt dans ce groupe, tout en réduisant les dépistages inutiles dans les populations à faible risque. Cette approche ciblée pourrait conduire à une détection plus précoce et à de meilleurs résultats, tout en réduisant le surdiagnostic et le surtraitement. En outre, ces études ont montré que les programmes de dépistage stratifiés en fonction du risque sont plus rentables que le dépistage actuel fondé sur l'âge, ce qui permettrait une utilisation plus efficace des ressources des systèmes de santé.
Depuis 25 ans, je suis le chercheur principal d'une équipe internationale interdisciplinaire. Notre dernier projet à grande échelle s'intitule « Évaluation personnalisée du risque pour la prévention et le dépistage précoce du cancer du sein: intégration et mise en œuvre ». Il s'agit de la première étude qui fournira des données concrètes sur la mise en œuvre optimale des approches dans le système de santé canadien. L'étude PERSPECTIVE I&I utilise les ressources disponibles dans le cadre du programme de dépistage existant, y compris l'infrastructure, la collecte de données, les méthodes et les outils d'analyse. Cela permettra une intégration transparente dans l'infrastructure de soins de santé existante et facilitera l'adoption dans la pratique clinique.
Notre projet éclairera sur la collecte d'échantillons de salive et de données, à partir d'un questionnaire, sur les risques à l'échelle de la population, les préférences en matière de communication relative aux risques, les conséquences psychologiques et émotionnelles de la communication de renseignements relatifs aux risques de cancer du sein, l'adhésion aux recommandations de dépistage fondées sur les risques, les résultats du dépistage — taux de détection du cancer, taux de faux positifs, stade du diagnostic —, en utilisant des niveaux de risque multifactoriels, ainsi que la contribution relative des facteurs de risque autodéclarés, de la densité mammographique et du score de risque polygénique aux estimations du niveau de risque de cancer du sein par l'outil de prédiction complet CanRisk.
Cette évaluation vise à concilier la précision de l'évaluation des risques et l'aspect pratique de la collecte de ces données dans la population.
La définition de protocoles de dépistage permettra d'optimiser le rapport coût-efficacité et l'équilibre entre les avantages et les inconvénients d'un programme de dépistage fondé sur la stratification des risques. Nous cherchons également une stratégie pour améliorer la préparation organisationnelle de soins de santé à la mise en œuvre d'un programme de dépistage du cancer du sein fondé sur les risques.
Pour l'instant, nous avons appris qu'il est possible de collecter des échantillons et des données pour l'estimation des risques. Plus de 4 000 femmes en Ontario et au Québec ont participé à cette étude de mise en œuvre en situation réelle. Le dépistage fondé sur le risque est acceptable pour la femme et pour le prestataire de soins de santé. L'utilisation de niveaux de risque multifactoriels par rapport à l'âge, aux antécédents familiaux ou à la densité mammaire seule peut permettre d'arriver à des recommandations plus appropriées en réduisant le surdépistage chez les femmes présentant un risque moyen et en augmentant le dépistage chez les femmes présentant un risque plus élevé.
Merci de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le comité pour l'important travail qu'il accomplit, en particulier aujourd'hui, Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes.
Très peu de gens constatent autant que moi l'impact des lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein. Je suis médecin de famille; je forme les futurs médecins de famille et je suis un médecin généraliste oncologue qui traite dans les services de cancérologie les patients trop malades pour rester à la maison. Je collabore avec Statistique Canada pour comprendre à quel point les lignes directrices canadiennes influent sur les résultats observés au sujet du cancer du sein. Si je suis devenue chercheuse, c'est presque par accident. Je ne comprenais pas pourquoi, en tant que médecin de famille, on me disait de ne pas faire passer de tests de dépistage aux femmes dans la quarantaine, alors que dans ma pratique de généraliste oncologue je voyais mourir d'un cancer un grand nombre de mes patientes dans la quarantaine et au début de la cinquantaine.
Si vous preniez ma place, vous sauriez ce que c'est que d'annoncer à une femme dans la quarantaine qu'elle est atteinte d'un cancer incurable. Je parle avec ces femmes et leurs familles, je m'assois avec elles, je les accompagne dans leur cheminement vers les soins palliatifs. Ce n'est pas quelque chose qu'on oublie. Le souvenir de ces femmes demeure avec moi, tout comme celui des enfants et des conjoints qui les ont accompagnées.
Au Canada, les recommandations en matière de dépistage sont formulées par le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs. En 2011, cette instance s'est prononcée contre le dépistage pour les femmes dans la quarantaine. Certaines provinces ont continué à offrir des programmes de dépistage, et d'autres non, ce qui permet de mener une expérience à l'échelle nationale. En collaboration avec Statistique Canada, Dre Seely et moi-même avons utilisé ces différences provinciales dans les pratiques de dépistage pour analyser l'impact des lignes directrices du groupe d'étude canadien.
Après avoir examiné plus de 55 000 cas de cancer du sein sur une période de sept ans, nous avons constaté qu'après la modification des lignes directrices en 2011, la proportion de cancers du sein incurables ou métastatiques avait crû de 10 % chez les femmes dans la quarantaine et la cinquantaine. Une comparaison entre les provinces qui pratiquaient le dépistage et celles qui ne le faisaient pas a révélé que les femmes dans la quarantaine présentaient des cancers beaucoup plus avancés et un taux de survie beaucoup plus faible lorsqu'il n'y avait pas eu de dépistage. Nous avons également constaté un effet d'induction, en vertu duquel les cancers étaient beaucoup plus avancés chez les femmes dans la cinquantaine qui n'avaient pas eu de dépistage dans la quarantaine. Nous avons observé que le nombre total de cas de cancer du sein diagnostiqués chez les femmes dans la cinquantaine était sensiblement plus élevé lorsqu'elles n'avaient pas bénéficié de dépistage dans la quarantaine.
J'ai également étudié le coût du traitement du cancer du sein. Le traitement d'un seul cas de cancer du sein métastatique coûte un demi-million de dollars. À titre de comparaison, une mammographie coûte 68 $.
Dans ma collaboration avec Statistique Canada, j'ai constaté que c'est dans la quarantaine qu'on diagnostique le plus de cancers du sein chez les femmes non blanches — noires, autochtones, chinoises, sud-asiatiques et philippines —, et dans la soixantaine chez les femmes blanches. Autrement dit, la majorité des cancers du sein chez les femmes non blanches sont diagnostiqués avant même que le dépistage ne commence. Enfin, nous avons constaté que l'incidence du cancer du sein a fortement augmenté depuis quelques années chez les femmes plus jeunes.
Actuellement, je suis membre experte de l'équipe d'examen des données probantes, dans le cadre du processus de mise à jour des lignes directrices. Notre équipe crée la base de données probantes à partir de laquelle le groupe d'étude établit ses lignes directrices. Notre équipe s'était prononcée contre l'utilisation des essais remontant à 40 à 60 ans qui étaient effectués auprès de populations essentiellement blanches à l'aide de technologies primitives et aujourd'hui obsolètes. Cette recommandation correspond aux nouvelles lignes directrices du groupe d'étude qui existe des États-Unis.
Cependant, le groupe d'étude canadien a imposé l'inclusion de ces essais obsolètes, garantissant ainsi que les lignes directrices demeureraient inchangées. Nous avons écrit au pour exiger que la base de données probantes soit établie de manière indépendante. Je doute que les nouvelles lignes directrices soient modifiées, car j'estime qu'il s'agit d'un processus déficient, avec des coprésidents qui font publiquement état de leur parti pris contre le dépistage, qui accordent une importance excessive à ses préjudices et qui sont peu enclins à adapter leurs méthodologies aux données modernes.
Les États-Unis et plusieurs provinces canadiennes ont recommandé le dépistage pour les femmes de 40 à 49 ans. Cependant, les médecins de famille respectent profondément les lignes directrices du groupe d'étude canadien et en suivent les prescriptions, même si elles vont à l'encontre des désirs de la patiente. Tant que le groupe d'étude ne recommandera pas le dépistage chez les femmes dans la quarantaine, la majorité des médecins de famille canadiens ne le conseilleront pas à leurs patientes, même quand il existe un programme provincial de dépistage.
Voici ce que je demande au comité.
Voir à ce que le groupe d'étude suive un processus transparent qui repose sur des données inclusives et modernes. Nous ne pouvons pas fonder nos recommandations de 2023 sur des essais qui remontent à 1963.
Faire en sorte que les experts puissent voter et que le processus soit supervisé, de manière à empêcher que les préjugés individuels en dictent le résultat.
En outre, à plus long terme, il faudrait que les lignes directrices soient élaborées selon un processus qui tienne compte des nouvelles données, soient fréquemment révisées et soient assujetties à un mécanisme qui en évalue l'efficacité après leur mise en place.
Merci.
Mon nom est Dre Paula Gordon; je vais commencer.
Tout d'abord, merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je suis radiologiste du sein. J'exerce depuis plus de 40 ans, j'interprète des mammographies et des échographies, je fais des biopsies à l'aiguille et d'autres interventions sur le sein. J'ai travaillé bénévolement pendant sept ans comme conseillère médicale auprès de Jennie Dale et Dense Breasts Canada, en militant en faveur d'un dépistage optimal du cancer du sein.
Le cancer du sein est fréquent. Une Canadienne sur huit en recevra le diagnostic durant sa vie. Les mammographies sont des radiographies à faible dose des seins, qui nous permettent de détecter précocement les cancers, avant l'apparition de symptômes. Le diagnostic à un stade précoce permet de proposer des traitements moins intensifs et d'obtenir de meilleurs résultats. Le taux de survie sur cinq ans pour un cancer du sein de stade 1 est de 99 %, mais il n'est que de 22 % au stade 4.
Certains seins contiennent plus de tissu glandulaire normal que de graisse; on parle alors de « seins denses ». Ces personnes ont un risque plus élevé de développer un cancer, et les mammographies sont moins efficaces pour détecter leurs cancers. Selon le risque encouru par la patiente, ces personnes peuvent profiter d'une imagerie supplémentaire, généralement une échographie ou une imagerie par résonance magnétique.
Les lignes directrices actuelles du groupe d'étude recommandent de ne pas faire de dépistage chez les femmes de moins de 50 ans et de plus de 74 ans, de ne pas faire de dépistage supplémentaire pour les personnes ayant des seins denses et de ne pas pratiquer l'autoexamen des seins. Les experts ne sont pas d'accord avec ces lignes directrices, qui ont été élaborées à partir d'une méthode d'évaluation des risques déficiente. Ce même processus a nui à la formulation d'autres lignes directrices sur la santé des femmes. Le groupe d'étude canadien est un organisme indépendant qui ne rend de comptes à personne et qui n'est pas tenu de surveiller l'impact de ses lignes directrices.
Dans le passé, le groupe d'étude a délibérément exclu les experts en la matière de ses comités chargés d'élaborer les lignes directrices. En l'absence d'experts, le groupe d'étude a fondé ses recommandations sur des essais vieux de plusieurs décennies qui portaient presque exclusivement sur des femmes blanches, et qui sont donc discriminatoires envers les femmes racisées. Les lignes directrices sont discriminatoires à l'égard des femmes ayant des seins denses et des femmes de plus de 74 ans, qui affichent le plus haut taux de mortalité par cancer du sein. Les lignes directrices ont entraîné une inégalité d'accès interprovinciale. L'accès d'une femme canadienne à un test de dépistage précoce du cancer du sein ne devrait pas dépendre de son lieu de résidence.
Le groupe chargé de la mise à jour de 2024 inclut des médecins de famille, une infirmière praticienne, un gastro-entérologue et un spécialiste des reins. Pour la première fois, il comprend quatre experts; cependant, le manuel des méthodes du groupe d'étude précise que les experts cliniques et les experts en contenu ne donnent pas leur avis et ne votent pas sur l'orientation ou la force des recommandations.
Pour faire en sorte que les Canadiennes aient accès de manière équitable et optimale au dépistage du cancer du sein, nous demandons qu'on réforme le processus d'élaboration des lignes directrices afin d'y incorporer une supervision appropriée, l'utilisation des recherches courantes et une contribution significative des experts.
Je cède la parole à Mme Dale.
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Je me nomme Jennie Dale, et je suis une patiente atteinte d'un cancer du sein. En 2016, j'ai cofondé Dense Breasts Canada, un organisme sans but lucratif qui fait valoir l'importance et qui milite en faveur d'un dépistage optimal du cancer du sein. J'ai parlé avec des centaines de patientes ayant un cancer du sein un peu partout au Canada, et c'est un honneur pour moi de les représenter ce soir.
Je pourrais passer des heures à vous parler des préjudices causés par les lignes directrices actuelles sur le dépistage du cancer du sein. Je pourrais vous parler de Jennifer et Carolyn, présentes ici ce soir. Toutes deux ont reçu un diagnostic de cancer du sein à stade avancé, après que les lignes directrices actuelles les eurent empêchées d'obtenir un dépistage dans la quarantaine. Au lieu d'une lumpectomie et d'une radiothérapie, elles ont subi des traitements agressifs: mastectomie, chimiothérapie et dissection des ganglions lymphatiques. Je pourrais vous dire qu'elles ont toutes deux manqué des années de travail cruciales, que leurs familles ont eu peur de les perdre et qu'elles craignent aujourd'hui l'apparition de métastases. Je pourrais vous dire qu'elles vivent avec des douleurs persistantes et des effets secondaires débilitants, et je pourrais vous dire qu'aux yeux des membres du groupe d'étude qui ont établi ces lignes directrices, il s'agit là de coûts acceptables pour Jennifer et Carolyn, au nom d'un non-dépistage.
Je pourrais également vous dire que si Jennifer et Carolyn avaient habité la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard ou le Yukon, elles auraient pu elles-mêmes demander des mammographies dans la quarantaine et se voir en bonne partie épargner la pénible expérience qu'elles ont vécue. Je pourrais vous dire que même si les recherches actuelles montrent clairement les avantages d'un dépistage précoce, les membres du groupe d'étude ne croient pas qu'un dépistage précoce engendre de meilleurs résultats pour un nombre suffisant de femmes. Au lieu de cela, ils s'accrochent aux conclusions erronées d'études vieilles de 40 à 60 ans, comme l'Étude nationale canadienne sur le cancer du sein, qui sont maintenant discréditées.
Je pourrais vous en dire plus, mais le seul message que je souhaite vous transmettre est que les directives actuelles nuisent à la population canadienne et causent des décès évitables. Ces lignes directrices, dont on s'attend à ce qu'elles protègent les Canadiennes, font le contraire. Le groupe d'étude nous prive de la possibilité d'accéder à des soins de santé préventifs qui donnent de meilleurs résultats. La surestimation des préjudices et la sous-estimation des avantages ne sont pas fondées sur la science moderne. Leur préoccupation paternaliste au sujet de l'anxiété causée par le dépistage n'est pas confirmée par les expériences des patientes. Leur insistance sur une décision partagée perpétue les déséquilibres de pouvoir entre le médecin et la patiente. Enfin, leur indifférence quant à l'impact des lignes directrices sur la qualité de vie des patientes est au mieux réductrice, et au pire insensible.
S'il vous plaît, faites entrer le Canada dans la modernité en utilisant des données probantes pertinentes, actuelles et inclusives. Ne permettez pas à un groupe de non-experts en la matière biaisés de continuer à détruire la vie des Canadiennes en leur refusant des soins de santé.
Je vous remercie.
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Normalement, j'évite de politiser les enjeux de santé féminine parce qu'ils revêtent à mes yeux une importance cruciale, mais le gouvernement a dit qu'il assujettirait toute son activité à des analyses comparatives entre les sexes. Je suis extrêmement inquiète. Nous entendons parler des divergences.
J'aimerais discuter de ce sujet, avec vous, madame Wilkinson, parce que vous avez mentionné la présence de disparités. Pour les personnes non blanches, on parle de la quarantaine, et pour les personnes blanches, de la soixantaine. On parle également de disparités régionales.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, car ça m'intéresse au plus haut point. Il faut manifestement agir, car des femmes meurent et nous savons qu'il existe des disparités. Que souhaiteriez-vous que le gouvernement fasse, et comment pouvons-nous assurer la survie d'un plus grand nombre de femmes?
Merci.
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Vous faites référence aux inégalités que nous observons. Ces inégalités découlent de ces lignes directrices. Les inégalités créées par les lignes directrices du groupe de travail se manifestent à tellement de niveaux.
Elles se manifestent à l'échelle provinciale parce qu'elles créent des différences entre les provinces. Certaines provinces disposent des ressources nécessaires pour créer leurs propres programmes, d'autres pas. Elles créent des inégalités entre les patientes, car lorsque le groupe de travail dit: « Ne faites pas de dépistage », les médecins de famille en tiennent vraiment compte. Le Collège des médecins de famille fait vraiment la promotion de cette directive. Les patientes doivent vraiment savoir plaider leur cause.
L'existence de ces lignes directrices nationales est un facteur d'inégalité, surtout pour les personnes marginalisées; les personnes noires, qui s'en tirent moins bien en cas de cancer du sein; et les personnes au statut économique plus faible — ce que nous constatons avec le cancer du poumon, car ces lignes directrices font également référence à de nombreux domaines de soins préventifs, y compris le dépistage du cancer du poumon.
Qu'est‑ce que j'aimerais voir? Bien que les soins de santé relèvent de la compétence des provinces, ces lignes directrices nationales orientent réellement les décisions des provinces. Tant que nous n'aurons pas un mécanisme clair et transparent pour établir des lignes directrices fondées sur des données probantes modernes et pertinentes, en tant que pays, nous resterons à la traîne, nous continuerons à nous référer à de très vieilles données et à ne pas progresser de manière innovante.
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Ce n'est pas tant que nous devrions faire un dépistage, mais que nous devrions faire des examens.
À mon avis, l'une des mesures les plus importantes est que la politique en vigueur en Ontario et dans la plupart des provinces consiste à effectuer des analyses génétiques lorsqu'une femme a développé un cancer du sein ou de l'ovaire. À ce moment‑là, je pense qu'il est un peu tard.
Au Women's College Hospital, j'ai mis en place un programme — le seul au monde — dans le cadre duquel nous mettons les analyses génétiques à la disposition de toutes les femmes du Canada à partir de 18 ans, sur la base d'un paiement à l'acte. Nous en avons fait plusieurs milliers. Le principe est que, si nous trouvons les femmes avant qu'elles n'aient un cancer, nous pouvons leur offrir un dépistage spécial.
Pour les femmes à haut risque, nous proposons des IRM. Ces examens sont couverts par le gouvernement de l'Ontario, le Programme ontarien de dépistage du cancer du sein. Nous offrons des interventions chirurgicales préventives. Nous offrons aussi des mammographies.
Je dois simplement dire que, dans une étude sur la santé des femmes, j'espère que nous serons en mesure d'examiner plus à fond les déterminants sociaux, mais aussi la responsabilité des femmes comme prestataires de soins de santé pour leur famille et le fait que nous avons besoin d'avoir une vue d'ensemble de la situation, à mon avis.
J'aimerais poser une question au Dr Narod du Women's College. Je pense que l'un des éléments nécessaires dans la recherche sur la santé des femmes est de les écouter pour savoir ce qui les préoccupe. Au début, je pense que les femmes s'inquiétaient du fait que leurs soeurs, leurs nièces ou leurs filles allaient avoir un cancer du sein, et je pense que la découverte du gène BRCA a été évidemment très importante.
J'aimerais que vous nous disiez comment vous entrevoyez l'avenir par rapport à la génétique du cancer et sa prévention, aux analyses par rapport au dépistage et à la manière dont cela pourrait éventuellement évoluer vers un traitement en médecine de précision.
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Oui, c'est une très bonne question.
J'ai travaillé en prévention. J'ai travaillé en dépistage. Je travaille sur le traitement depuis 25 ans. J'ai codécouvert les gènes BRCA1 et BRCA2. J'ai passé beaucoup de temps à réfléchir.
En 1991, lorsque nous avons publié le premier article sur le BRCA1 dans The Lancet, je pensais qu'en 2023, nous aurions quelque chose de mieux à offrir que l'ablation des seins. À ce jour, ce n'est pas le cas. Nous venons de publier un article selon lequel l'utilisation du tamoxifène chez plusieurs milliers de femmes présentant des mutations du gène BRCA1 réduit le risque d'environ 20 %. C'est loin d'être suffisant.
Je pourrais parler de prévention toute la journée. Je ne suis pas de ceux qui pensent que nous pouvons résoudre le problème du cancer du sein dans une large mesure au Canada par les moyens préventifs actuels. Nous déconseillons l'alcool. Nous recommandons de lutter contre l'obésité, de perdre du poids, etc. Il est intéressant de constater que pour les femmes de moins de 40 ans, le surpoids a un effet protecteur. Personne n'en parle jamais, mais l'effet protecteur est très puissant.
Ayant travaillé dans ces 3 domaines pendant 30 ans, je mettrais l'accent sur le traitement. C'est ce que je pense. Je veux dire, c'est une question de financement.
En ce qui concerne la prévention, nous avons une idée de la manière dont nous pensons pouvoir la mettre en œuvre, mais elle n'a pas encore reçu de financement.
Je pense que bon nombre des points soulevés par les autres intervenants sont valables. Je tiens cependant à préciser que, dans notre étude, le point final était le décès. Il y a eu 500 décès dans un groupe et 505 décès dans l'autre. Je félicite M. Simard pour les efforts qu'il a déployés en vue de changer cette situation, mais son étude n'a pas pour point final le décès. Aucune des autres études n'a le décès comme point final.
Monsieur Simard, montrez-moi que votre programme réduit le nombre de décès, et je m'y convertirai.
Il est intéressant de souligner que M. Simard — mon ami depuis toujours — recommande une étude fondée sur le risque plutôt qu'une étude fondée sur l'âge. C'est vraiment intéressant. Actuellement, la fourchette de référence est comprise entre 50 et 70 ans. Si nous ramenons l'âge de référence à 40 ans plutôt qu'à 50 ans, les scores de risque génétique disparaissent probablement, car même pour les personnes ayant un score de risque élevé, la recommandation serait de commencer le dépistage à 40 ans plutôt qu'à 50 ans.
Voyez-vous, j'ai entendu tout ce qui s'est dit à propos des données obsolètes de l'étude nationale sur le dépistage du cancer du sein... Oui, elles sont obsolètes, mais il y a quand même 170 femmes dont le cancer du sein a été dépisté et qui sont encore en vie. Cela ne veut pas dire... Montrez-moi les données actuelles. D'après ce que j'ai compris, et après avoir lu tous les articles sur le sujet, je ne vois aucune donnée actuelle qui soutienne l'utilisation de la mammographie dans la mesure où les autres témoins pensent que c'est le cas.
On peut parler de ceci et de cela de manière anecdotique. La seule autre étude que l'on oublie toujours de mentionner est une étude britannique sur l'âge réalisée par Stephen Duffy et ses collègues, publiée en 2022. Dans le cadre d'un dépistage aléatoire au Royaume-Uni, l'étude a révélé que lorsque les femmes commençaient à 40 ans plutôt qu'à 50 ans — et qu'elles étaient suivies jusqu'à leur décès ou 60 ans — cela ne changeait rien au taux de mortalité, mais vous ne verrez jamais cet article cité.
Cet article a été rédigé en 2020, et j'ai communiqué avec le Dr Duffy. C'est lui qui m'a fourni l'information. Vous ne verrez jamais l'étude britannique sur l'âge qui a révélé que le dépistage à partir de 40 ans donnait exactement les mêmes résultats que le dépistage à partir de 50 ans.
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Merci, monsieur le président.
Il est très intéressant d'entendre ce que nos témoins nous disent ce soir dans le cadre de cette étude. Je crois que nous sommes plusieurs à avoir connu des gens qui ont souffert du cancer du sein. Ici, je voudrais avoir une pensée en mémoire de Nathalie, une amie qui a reçu un diagnostic de cancer du sein il y a plusieurs années. Elle était alors à la fin de la quarantaine, et elle en est décédée quelques années plus tard, à peine au début de la cinquantaine.
Ce cancer touche beaucoup trop de femmes et nous les enlève beaucoup trop tôt. Cela m'amène à parler de toute la question du dépistage et des traitements.
Monsieur Narod, vous avez parlé d'une étude menée en Grande‑Bretagne. C'est intéressant. Beaucoup de questions ont été posées par mes collègues au sujet de l'âge et des lignes directrices à l'échelle nationale, mais qu'est-ce qui se passe à l'échelle internationale?
Monsieur Simard, vous faites partie d'un groupe de recherche international, alors je vous invite également à faire un commentaire là-dessus. Que pourrait-on apprendre du travail qui se fait à l'international?
Madame Gordon, dans votre mémoire, vous parlez de statistiques et de données qui viennent d'autres pays. Qu'est-ce que ces études qui sont faites ailleurs peuvent nous apporter, ici?
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J'ai la chance de faire partie d'un consortium international qui étudie des données provenant de 400 000 femmes dans plus de 35 pays sur les 6 continents. Grâce à ces participantes, nous avons pu concevoir de nouveaux outils d'évaluation du risque qu'on appelle le risque polygénique et qui a été validé dans plus d'une douzaine d'études prospectives.
Il faut savoir qu'environ 1 femme sur 200 ou 300 est porteuse d'une mutation d'un gène de prédisposition rare. C'est donc quand même assez rare. Nous avons aussi étudié la fréquence des mutations dans les gènes BRCA1 et BRCA2, dont j'ai participé à la découverte, chez certains groupes ethniques.
Ce que nous proposons, c'est l'utilisation d'environ 300 marqueurs qui sont très fréquents. En combinant cette signature avec les autres facteurs de risque, comme la densité mammaire, certaines habitudes de vie et les facteurs hormonaux, nous pourrions évaluer les risques personnels et les stratifier en trois groupes.
Par exemple, dans notre étude, nous avons suivi 4 000 femmes. De ce nombre, 80 % présentaient un risque équivalent ou presque équivalent à celui que l'on retrouve dans la population générale, 15 % d'entre elles présentaient un risque intermédiaire, ce qui veut dire qu'elles devraient commencer à faire une mammographie annuelle à l'âge de 40 ans, et 5 % d'entre elles présentaient un risque élevé. Dans le cas de ces dernières, elles devraient commencer à faire une mammographie annuelle immédiatement, en plus de recourir à l'imagerie par résonance magnétique, car, en effet, il n'y a pas que la mammographie. Par ailleurs, vous connaissez les statistiques mieux que moi, mais on sait que 17 % de tous les diagnostics de cancer du sein sont posés avant l'âge de 50 ans. Il est donc très important d'agir.
Sur le plan international, on travaille aussi sur des modèles de prédiction des risques ou des outils, comme des signatures génomiques, qui sont spécifiques aux différents groupes ethniques, comme les Asiatiques et les Hispaniques. C'est très important.
J'aimerais que les membres du Comité sachent à quel point le travail de M. Simard est futuriste et merveilleux, mais il est futuriste. Il est certain que la découverte du gène du cancer du sein par le Dr Narod a été déterminante, mais nous nous penchons sur des lignes directrices qui concernent les femmes ayant un risque moyen, car 5 % seulement des femmes présentent un risque élevé et la grande majorité des femmes qui contractent un cancer du sein n'ont aucun facteur de risque, pas même une mère ayant eu un cancer du sein. En réalité, le fait d'avoir des seins denses est le facteur de risque le plus répandu.
Ce que les membres du Comité devraient comprendre — et je suis désolée d'apprendre que le Dr Narod n'est pas au courant — c'est que l'étude à laquelle le Dr Narod était associé, l'étude nationale canadienne sur le dépistage du cancer du sein, a été discréditée. L'étude était censée être un essai randomisé, mais la randomisation était défectueuse — corrompue, pourrait‑on dire — cela explique pourquoi cette étude a été le seul essai randomisé parmi huit autres qui n'a pas montré de réduction de la mortalité. Nous savons pourquoi cette étude n'a pas montré de réduction de la mortalité chez les femmes du groupe avec mammographies.
Les femmes présentant un risque moyen devraient faire l'objet d'une évaluation du risque. À l'heure actuelle, les femmes ne peuvent pas toutes obtenir le score de risque polygénique dont M. Simard a si bien parlé, mais il faudrait évaluer le risque pour toutes les femmes. Il existe des outils d'évaluation du risque en ligne qui sont gratuits et faciles à utiliser, et les femmes présentant un risque moyen devraient commencer à 40 ans. Si une femme présente un risque accru ou très élevé, elle pourrait commencer plus tôt, mais sinon, le dépistage doit commencer à 40 ans et, idéalement, être annuel, car chez les femmes préménopausées, les hormones produites par leurs ovaires provoquent une croissance plus rapide des cancers du sein.
C'est pourquoi nous devons commencer à soumettre les femmes à un dépistage, surtout les femmes noires, asiatiques et hispaniques... En fait, les femmes autochtones présentent des inégalités analogues à celles que nous observons chez les femmes noires américaines. Elles ont tendance à avoir des cancers plus agressifs et elles sont plus susceptibles de mourir de leur cancer. Ces inégalités doivent être corrigées.
L'autre grande inégalité concerne les femmes aux seins denses. Évidemment, c'est une chose que personne ne peut contrôler. On ne peut pas contrôler la densité des seins, mais les femmes qui ont des seins denses sont plus susceptibles d'avoir un cancer, et nous avons plus de mal à détecter ces cancers sur leurs mammographies. Nous savons que nous pouvons les détecter grâce aux échographies. Si elles présentent un risque vraiment élevé, nous pouvons les détecter par IRM, mais bien sûr, les IRM sont beaucoup plus chères et moins accessibles. Ce n'est pas de leur faute si elles ont des seins denses. Elles méritent les mêmes chances de dépistage précoce que les femmes aux seins non denses.
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Comme la Dre Wilkinson vous l'a dit, à ce jour, les procédures du groupe de travail canadien se sont concentrées sur l'évaluation de la qualité des données probantes, pour ainsi dire, et les essais comparatifs randomisés sont toujours les mieux classés. Le problème est que les essais randomisés ont tous été réalisés entre les années 1960 et 1980, à une époque où les mammographies étaient effectuées sur des films radiographiques que l'on plaçait dans un caisson lumineux. Aujourd'hui, les mammographies sont numériques et nous examinons les images sur un écran d'ordinateur. Elles sont beaucoup plus précises. En fait, nous pouvons utiliser des logiciels pour nous aider à déterminer si une femme a des seins denses ou non.
Comme vous l'avez entendu, les anciens essais ont été réalisés sur des populations blanches, de sorte que les lignes directrices sont discriminatoires à l'égard des femmes racisées. Aujourd'hui, certains disent: « Pourquoi ne faites-vous pas simplement un autre essai randomisé? » Parce que ces anciens essais, même imparfaits, prouvent que les mammographies sauvent des vies, il serait contraire à l'éthique de les répéter et de demander à des femmes de faire partie d'un groupe de contrôle qui ne subit aucun dépistage.
Les études d'observation plus récentes... Celle dont votre comité doit entendre parler est l'étude pancanadienne. Elle a été publiée en 2014 et ignorée par notre groupe de travail. Elle a porté sur 2,8 millions de femmes ayant subi des mammographies de dépistage dans le cadre de nos programmes provinciaux de dépistage et elle a révélé que, dans l'ensemble, les femmes qui subissent des mammographies sont 40 % moins susceptibles de mourir que les femmes qui n'en subissent pas. Les résultats sont encore meilleurs pour les femmes dans la quarantaine: elles sont 44 % moins susceptibles de mourir. Cependant, le groupe de travail continue d'utiliser ces anciennes données, affirmant que les essais randomisés l'emportent sur les nouvelles données d'observation modernes.
Nous disposons d'une expérience naturelle dans notre pays, dont la Dre Wilkinson vous a parlé. Les femmes qui vivent dans une province où le dépistage commence à 40 ans sont plus susceptibles de recevoir un diagnostic de cancer du sein à un stade précoce que les femmes qui vivent dans une province où le dépistage commence à 50 ans, et leur taux de survie est plus élevé. Dans les provinces qui ne pratiquent pas le dépistage avant 50 ans, les femmes dans la quarantaine reçoivent plus souvent un diagnostic de cancer à un stade avancé que les femmes dans la cinquantaine dans la même province.
C'est le résultat, et notre groupe de travail n'a jamais vérifié les résultats des lignes directrices actuelles. Ces lignes directrices datent de 2018, mais elles n'ont pratiquement pas changé depuis 2011. De concert avec Statistique Canada, la Dre Wilkinson et ses collègues ont pu montrer les dommages causés par ces lignes directrices. Cependant, d'après ce que nous pouvons voir, l'examen en cours est susceptible de recommander de ne pas modifier ces lignes directrices.
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Docteure Gordon, une des préoccupations que j'ai entendues est celle d'un biais potentiel.
En mai 2023, avant même le début de l'examen accéléré des lignes directrices actuelles, la Dre Guylène Thériault, coprésidente du Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs, a déclaré au Toronto Star qu'elle ne voyait aucune raison de modifier les lignes directrices du Groupe d'étude sur le dépistage du cancer du sein, autrement dit, qu'il convenait de les maintenir à l'âge actuel de 50 ans. De plus, ce mois‑ci, la Dre Thériault a cosigné un article intitulé « Debunking myths about screening », ou Démystifier le dépistage.
En tant que scientifique, chercheuse et partie prenante dans ce dossier, quelle confiance ou manque de confiance cela vous donne‑t‑il dans le fait que la Dre Thériault est capable de prendre une décision équitable fondée sur les données probantes?
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais citer une information que j'ai trouvée sur le site de l'Agence de la santé publique du Canada: «Le taux de mortalité par cancer du sein a atteint un sommet en 1986 et depuis, il diminue. » Cependant, la réduction des taux de mortalité reflète « l'impact du dépistage du cancer du sein et des améliorations apportées aux traitements ». C'est selon l'Agence de la santé publique du Canada.
Ma question s'adresse à vous, docteure Anna. J'aime beaucoup votre nom.
Vous défendez le dépistage structuré pour les femmes de moins de 50 ans. Vous avez souligné que la survie des femmes augmente considérablement si elles vivent dans une province dotée d'un programme de dépistage structuré avec accès direct et rappel annuel pour les femmes dans la quarantaine. Vous dites également que 16 % des cancers du sein surviennent chez des femmes âgées de 40 à 50 ans.
Pouvez-vous nous aider à comprendre l'importance du dépistage? Je sais que vous le défendez. Je vous en suis vraiment reconnaissante en tant que femme, car je pense que nous devons nous assurer que les femmes méritent de vivre et d'avoir accès au dépistage. Sans nous, elles ne seraient pas là. Soyons honnêtes.
J'aime beaucoup ce que vous dites et j'aime beaucoup ce que dit la Dre Gordon. Je pense que vous êtes sur la même longueur d'onde. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi nous pouvons sauver plus de femmes si nous mettons en place un dépistage plus précoce?
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Le dépistage permet de diagnostiquer les cancers plus tôt. Les cancers détectés par le dépistage ne font souvent que quatre millimètres. Ce sont des cancers qui sont détectés avant que l'on puisse les palper. Par définition, les cancers plus petits sont à un stade plus précoce. Par définition, les cancers à un stade plus précoce réagissent mieux aux traitements et nécessitent des traitements moins intensifs.
En ce qui concerne la raison d'être d'un programme structuré, si le dépistage a lieu dans le cadre d'un programme structuré, cela signifie qu'une femme peut y avoir directement accès. C'est un élément clé à notre époque où de nombreuses femmes n'ont pas de médecin de famille, ou le médecin de famille peut être un obstacle au dépistage. Le médecin de famille entend le groupe de travail dire: « Ne faites pas de dépistage. » La femme vient le consulter et demande: « Puis‑je subir un dépistage? », le médecin répond: « Vous n'en avez pas besoin. »
Les femmes qui participent à des programmes structurés reçoivent des rappels. Nous sommes toutes très occupées. La vie nous accapare. Le programme vous envoie une lettre vous demandant de ne pas oublier de venir passer votre mammographie cette année.
Les programmes de dépistage structuré comportent également des contrôles de la qualité. On surveille des indicateurs en ce qui concerne la qualité des mammographies, l'interprétation, le suivi et tous ces éléments. C'est pourquoi les programmes structurés sont si importants. Avec les lignes directrices nationales en vigueur, il n'existe aucun programme structuré pour les femmes dans la quarantaine dans l'ensemble du pays. Cela dépend entièrement de la province où vous vivez.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup à nos témoins d'être avec nous ce soir.
Pour être honnête, j'ai déjà beaucoup appris dans cette seule soirée. Je n'avais pas réalisé à quel point ce genre de conversation m'ouvrirait l'esprit dans différentes directions. Je pense aux conversations que j'ai eues avec ma mère à propos du dépistage et du caractère désagréable de la mammographie, mais aussi de son importance. Il y a aussi le sentiment général dans mon cercle d'amies. Nous arrivons toutes à ce stade où nous devrions envisager de nous faire dépister.
Il y a l'importance de l'autoexamen. Je vois dans les lignes directrices de 2018 qu'elles recommandent en fait de ne pas pratiquer l'autoexamen des seins pour le dépistage du cancer du sein. Il y a d'autres éléments préoccupants dans les lignes directrices de 2018. Il y a aussi des articles sur le risque de faux positifs ou de surdiagnostic, ce qui a piqué ma curiosité. On ne m'a jamais mise en garde contre ces possibilités ou ces risques.
L'une ou l'autre de nos témoins aimerait-elle intervenir sur ce point? Pourriez-vous me préciser quels sont les risques de surdiagnostic ou de faux positifs?
Tout d'abord, même l'expression « faux positif » est péjorative. C'est vraiment de l'alarmisme, car nous ne disons pas aux femmes qu'elles ont un cancer alors qu'elles n'en ont pas. Ils emploient l'expression « faux positif » pour désigner une fausse alerte, c'est‑à‑dire une quelconque anomalie visible sur la mammographie qui, en fin de compte, ne sera probablement pas un cancer, mais qui justifie un examen plus approfondi. Les femmes qui présentent des anomalies ou qui ont besoin d'autres examens — parfois il s'agit simplement de quelques clichés de mammographie supplémentaires — sont rappelées.
C'est ce qui devrait se passer: un rappel ou une fausse alerte. Pour la majorité des femmes, nous pouvons vider la question avec des échographies ou des mammographies. Si l'on prend les chiffres réels dans ce pays, sur 1 000 femmes soumises au dépistage, 70 seront rappelées, et sur ces 70, on recommandera à 11 d'entre elles — nous parlons maintenant de 11 sur 1 000 — de subir une biopsie à l'aiguille.
Je dois vous dire qu'une biopsie à l'aiguille se fait avec une anesthésie locale suffisante et que la plupart des femmes disent que ce n'est pas plus inconfortable qu'une prise de sang au bras. Je sais que personne ne me croit quand je le dis, mais le meilleur commentaire que j'ai entendu de la part d'une patiente était: « Docteure Gordon, j'ai des chaussures qui sont plus inconfortables que ce test. »
Quoi qu'il en soit, sur les 11 femmes qui subiront une biopsie à l'aiguille, 4 apprendront qu'elles ont un cancer. Pour les 11 femmes qui subissent cet examen, le groupe de travail parle d'examens « inutiles ». Eh bien, ce n'est pas un examen inutile tant que la réponse n'est pas trouvée. La plupart des femmes préféreraient subir un test relativement indolore pour avoir une plus grande certitude qu'elles n'ont pas le cancer.
Voilà pour les fausses alertes.
Le surdiagnostic est un peu plus difficile à expliquer. Il y a surdiagnostic lorsque nous trouvons un cancer et qu'il s'agit d'un vrai cancer, mais qui n'aurait pas tué la patiente s'il n'avait pas été traité. Voici le scénario typique: si nous avons affaire à une femme âgée et que nous trouvons un cancer minuscule qui ne posera peut-être pas de problème avant 5 ou 10 ans, mais qu'elle est également atteinte d'un cancer du poumon parce qu'elle est plus âgée et qu'elle présente un risque plus élevé de type de cancer. Ce cancer du poumon la tuera avant son cancer du sein.
Voici un autre exemple: une femme reçoit un diagnostic de cancer, elle est traitée, elle termine son traitement et deux semaines plus tard, elle se fait happer par une voiture et meurt. Il s'agit en fait d'un surdiagnostic, car le cancer n'allait pas la tuer, mais à moins d'avoir une boule de cristal et de savoir que vous n'allez pas avoir une crise cardiaque fatale ou être happée par une voiture, chaque femme qui reçoit un nouveau diagnostic de cancer se voit proposer un traitement.
C'est l'estimation du surdiagnostic qui est délicate. Le groupe de travail a utilisé une estimation de 48 %. Selon lui, près de la moitié des cancers sont surdiagnostiqués, ce qui signifie qu'ils n'auraient pas dû être détectés ou traités. C'est parce qu'ils ont tiré ces données de l'essai canadien vicié dont nous a parlé le Dr Narod, et c'est pourquoi il n'y a pas eu de différence dans le taux de mortalité et que toutes leurs statistiques sont faussées. Les experts internationaux estiment que le surdiagnostic concerne de 1 à 10 % des femmes et qu'il se situe probablement au bas de cette fourchette. N'oubliez pas qu'il s'agit de vrais cancers. Il s'agit simplement de savoir si ce cancer va tuer la femme.
Mais surtout, notre groupe de travail invoque le surdiagnostic comme raison de ne pas dépister les femmes dans la quarantaine. Ces femmes sont beaucoup moins susceptibles d'avoir une cause de décès concurrente et le surdiagnostic dans ce groupe d'âge est négligeable, ce n'est donc absolument pas une raison pour ne pas dépister les femmes. En ce qui concerne les fausses alertes, nous devrions non seulement informer les femmes des surdiagnostics et des fausses alertes, mais aussi leur faire savoir qu'il est possible qu'elles soient rappelées et que, la plupart du temps, il s'avère qu'il n'y a rien de grave.
Il est condescendant de la part du groupe de travail de décider au nom des femmes qu'elles sont trop fragiles pour supporter une petite anxiété passagère. Les femmes devraient pouvoir décider elles-mêmes. Si elles disent « Non, cela ruinerait ma vie et je préfère risquer d'avoir un cancer », c'est leur choix. Lorsqu'elles comprennent les principes du surdiagnostic et les fausses alertes, la plupart des femmes souhaiteraient se faire dépister.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais continuer dans la même veine que la question de ma collègue Mme Atwin.
Depuis le début de la réunion, nous posons énormément de questions sur la prévention de ces cancers. Un des contre-arguments, c'est qu'il y a des faux positifs ou un surdiagnostic.
Madame Gordon, vous avez expliqué la différence entre un faux positif et un surdiagnostic. Quels sont vraiment les risques d'un surdiagnostic? Est-ce que ce sont les effets sur la santé mentale des femmes ou les effets secondaires des traitements? Est-ce parce qu'on retire des médecins, des spécialistes ou des salles d'autres cas de prévention et d'autres traitements? Quelles sont vraiment les critiques sur les surdiagnostics et quels sont les risques réels pour les femmes, autres que la question de la santé mentale? Cela dit, si vous voulez aborder la question de la santé mentale, vous pouvez le faire.
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Je ne peux parler que de ce que j'ai vécu. Il est certain que je n'ai pas vu de transparence jusqu'à présent.
En tant qu'experts, notre recommandation était de ne pas utiliser d'anciennes données. Cependant, au moment où nous étions en train d'établir la base de données, il semble que le groupe de travail travaillait déjà sur des données — bien que je ne sache pas d'où elles provenaient, puisque nous n'avions pas terminé notre examen. Lorsque nous avons voulu mettre la dernière main à la base de données et que nous avons constaté que toutes les anciennes données figuraient dans la preuve, on nous a dit que c'était parce que le groupe de travail avait exigé que ces données soient incluses.
J'ai demandé d'où venait le taux de surdiagnostic, car c'est un chiffre clé. Comme nous l'avons vu, si vous dites que le taux de surdiagnostic est de 50 %, cela signifie que, si vous vous fiez à un ancien essai montrant un bénéfice de 15 % et que vous dites que 50 % de ces essais n'ont pas d'importance, alors vous n'êtes plus qu'à 7 %. Si vous prenez les nouveaux essais avec un bénéfice de 40 % et que vous dites qu'il n'y a pas de surdiagnostic, vous avez alors un bénéfice de 40 %. Le comité d'examen des données probantes ne sait pas d'où vient ce chiffre. Ce n'est pas un chiffre qu'il a communiqué au groupe de travail.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier tous d'être ici, ainsi que les personnes présentes dans l'auditoire. Je les félicite d'être venues.
Une partie de mon propos et de ma préoccupation réside dans le fait que des gens nous regardent. Des femmes suivent cette conversation et elles sont inquiètes. La situation leur paraît très inquiétante, pour elles-mêmes et pour l'avenir des femmes dans ce pays. Il est formidable d'entendre les différents aspects de la question. Je reconnais les difficultés que nous avons éprouvées. Les questions que je voulais poser allaient dans tous les sens.
En fin de compte, je reconnais les difficultés que nous éprouvons pour réaliser des essais comparatifs randomisés dans ce domaine et le risque que quelqu'un puisse les concevoir. Docteure Wilkinson, à mon avis, vos observations sur le travail auprès des patientes sont formidables, de même que sur la façon de traiter les femmes et de comprendre ce problème.
Au cours de mes années de pratique... Je viens d'une région rurale du Canada où de nombreuses femmes sont venues me consulter avec des signes et des symptômes qui ne relevaient pas de mon champ de compétence. Elles venaient me voir parce qu'elles savaient que je les dirigerais au moins vers une structure que j'estimerais appropriée, pour qu'elles soient au moins évaluées. J'habite à 20 kilomètres du Dakota du Nord. Dans cet État, ils ont essentiellement des semi-remorques avec des unités de mammographie, et ils se déplacent dans tout l'État pour faire du dépistage.
Lorsque je vois les recommandations des États-Unis, qui préconisent un dépistage tous les deux ans pour les femmes âgées de 40 à 74 ans, je m'interroge sur la recherche et la science sur lesquelles ils auraient fondé cette recommandation.
Docteure Wilkinson, qu'en pensez-vous? S'ils disposent de recherches pour étayer cette recommandation, pourquoi pas nous?
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C'est une très bonne question. Je pense que c'est le coeur du problème. Nous devons aller au‑delà des anciennes données. Nous devons aller au‑delà des données vieilles de 60 ans. Nous ne pouvons pas utiliser des données datant d'avant que l'homme marche sur la lune pour établir nos lignes directrices sur le cancer du sein. Nous avançons en terrain inconnu.
Je ne suis pas spécialiste de la méthodologie. Je ne suis pas experte en lignes directrices. Je ne vais pas prétendre que je sais m'y prendre, mais je pense que nous devons réfléchir à des méthodologies différentes et tenir compte de différentes catégories de données. À l'heure actuelle, même si des données différentes sont prises en compte, s'il existe un essai comparatif randomisé, même s'il s'agit d'un essai comparatif randomisé très ancien et mal fait, il l'emporte toujours sur une étude non randomisée. Ces chiffres provenant de ces études randomisées emportent toujours la manche.
Nous devons examiner ce que font les États-Unis. Je pense que nous devons utiliser des données de modélisation. Un nouvel article vient de paraître qui montre que le dépistage chez les femmes dans la quarantaine permet d'éviter 3,3 décès par millier de femmes soumises au dépistage. Il faut passer à la modélisation et à l'utilisation d'une grande partie des données épidémiologiques, car notre société évolue, l'incidence évolue et la composition ethnique de notre société évolue. En conséquence, nous devons mener une enquête plus holistique.
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Merci. Merci de cette réponse.
Lorsque nous entendons parler de lignes directrices qui laissent entendre essentiellement qu'elles sont contre l'autodépistage, cela me préoccupe, surtout pour les zones rurales — pas seulement les zones rurales, les zones urbaines aussi — où il peut être plus difficile d'accéder à un médecin même pour cela. L'autodépistage permettrait au moins de comprendre les choses un peu mieux. Je pense que c'est une information que les femmes doivent comprendre. Elles doivent être prêtes à apprendre comment le faire, et à le faire, de sorte qu'elles sachent au moins quand elles doivent consulter un médecin.
À ce propos, ce qui me préoccupe, ayant été un responsable de la réglementation dans la profession et ayant traité de ces questions, c'est qu'il y a une différence entre les lignes directrices et les normes. Lorsque nous parlons de lignes directrices qui sont présentées, les praticiens qui les voient ne les considèrent pas forcément de la même manière que s'il s'agissait de normes. Je me demande si vous estimeriez qu'il y a peut-être lieu d'aller encore plus loin que les lignes directrices et d'en faire des normes.
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C'est ce que nous disons. En fait, 28 anciens membres du personnel se sont manifestés en apportant des preuves de dérogation au protocole. C'est ainsi qu'on les appelle. Ce n'était pas le seul problème de l'essai canadien. En fait, il a permis à des femmes de participer même si elles avaient une grosseur connue dans le sein. Le dépistage s'adresse aux femmes qui n'ont pas de grosseur.
Tout d'abord, ils ont permis à ces femmes de participer. Les chercheurs avaient du mal à recruter suffisamment de femmes pour l'étude et ils ont demandé aux chirurgiens du sein d'envoyer des patientes à l'étude. Si une femme consulte un chirurgien du sein, c'est parce qu'elle présente une grosseur ou un symptôme.
Ils ont donc permis à ces femmes de participer à l'étude. Ce qui était censé se passer, c'est que chaque femme qui venait participer — il s'agissait de volontaires — subissait un examen clinique des seins par une infirmière hautement qualifiée, puis allait voir le coordinateur, qui décidait de la placer soit dans le groupe d'étude, où elle passait une mammographie, soit dans le groupe témoin, où elle n'en passait pas.
Aujourd'hui, lorsque nous procédons à ces études, c'est un bureau central qui fait la répartition aléatoire, par ordinateur. À l'époque, les coordonnatrices avaient devant elles une feuille de papier avec des lignes. Les lignes disaient « mammographie, témoin, mammographie, mammographie, témoin, témoin », et au bas de la feuille, il y avait un nombre égal de femmes dans les deux groupes.
Ce que nous savons, parce que des témoins sont venus nous le dire — et cela figure dans trois articles publiés et évalués par des pairs —, c'est que les infirmières disaient: « Cette femme doit faire partie du groupe mammographie », de sorte que la coordonnatrice pouvait écrire son nom sur la ligne vide suivante pour la mammographie, puis les autres femmes qui arrivaient plus tard dans la journée pouvaient se retrouver sur les lignes vierges qui restaient. Elles n'avaient même pas besoin de rayer qui que ce soit.
Cette pratique a été reprise en 1992, lors de la première publication de l'Étude nationale canadienne sur le dépistage du cancer du sein, parce qu'il y avait un déséquilibre important des cancers avancés. Au cours de la première année de l'étude, il y a eu 25 cancers avancés, définis comme un cancer avec plus de ganglions lymphatiques positifs dans l'aisselle. Il y en avait 19 dans le groupe mammographie et seulement 5 dans le groupe témoin.
Cet aspect a été relevé il y a plusieurs dizaines d'années, et les principaux investigateurs de l'étude l'ont toujours nié. Ils affirment qu'il n'y avait rien d'anormal dans la répartition aléatoire. Il y a même eu un examen médico-légal...
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C'est mon étude. Les données sont sur mon ordinateur.
Lorsque la Dre Gordon et d'autres ont porté plainte pour inconduite scientifique à l'Université de Toronto l'an dernier, j'ai préparé un rapport sur ce qu'elle prétend exactement. Ce rapport a été soumis au doyen des sciences de la santé publique et à un comité international qui a examiné l'étude et s'est prononcé entièrement en ma faveur.
Permettez-moi de vous présenter quelques faits. Lors du premier cycle de dépistage, il y a eu 270 cancers palpables dans le groupe mammographie et 274 cancers palpables dans le groupe témoin. Si nous avions transféré dans le groupe mammographie les femmes présentant un cancer palpable, ces chiffres seraient différents. Il y en avait 270 dans le groupe mammographie et 274 dans le groupe témoin.
Deuxièmement, j'ai retiré toutes ces femmes de la première série. J'ai retiré de l'analyse toutes les femmes dont le cancer était palpable et j'ai refait l'analyse. Le rapport de risque est de 1,01.
Troisièmement, si ce qu'ils disent est vrai, les décès dus au cancer qui étaient plus nombreux dans le groupe mammographie auraient dû survenir au cours des cinq premières années. Cette étude s'étend sur 30 ans. Lorsque j'ai examiné les taux annuels de mortalité au cours des 30 années de suivi, je n'ai constaté aucune différence entre la première année, la deuxième année, la troisième année, la quatrième année et la cinquième année.
Ce que la Dre Gordon prétend, c'est qu'il devrait y avoir un nombre supérieur de décès par cancer du sein chez les personnes qui avaient déjà un cancer du sein prévalent lors du premier cycle de dépistage, et qu'à ce moment‑là, nous aurions observé un taux élevé dans le premier groupe.
Si je supprime tous les cancers palpables, ce qui est possible, j'obtiens un rapport de risque de un. Deuxièmement, le concept d'exclusion d'un cancer palpable est ridicule. Par exemple, parmi les études qui, selon la Dre Gordon, prouvent la nécessité de la mammographie, il y a une étude suédoise portant sur deux comtés. Dans cette étude, la répartition aléatoire a été effectuée dans 16 blocs de comtés à Göteborg et à Östergötland, en Suède.
Qu'ont-ils fait? Ils ont invité la moitié des femmes à passer une mammographie. Les autres n'ont pas été invitées à le faire; elles ont été simplement suivies. Suivre les taux de cancer...
Dans l'essai suédois, des femmes ont été invitées à passer une mammographie et la moitié d'entre elles n'ont pas été invitées.
Comment savez-vous qu'elles n'avaient pas de cancer palpable? Celles qui sont venues auraient pu être exclues en cas de cancer palpable, mais celles du groupe témoin n'ont jamais été examinées. Ils ne savent pas s'ils avaient un cancer palpable ou pas. Cet essai, l'essai suédois, est considéré comme un modèle d'excellence. Je l'ai examiné de très près et j'y ai trouvé de nombreux éléments que je considère comme inadéquats.
La Dre Gordon prétend qu'il existe huit essais, au nombre desquels seul l'essai canadien est aberrant. J'aimerais bien voir les sept autres. Les deux seuls que je connaisse sont les essais suédois. J'aimerais bien voir les références des six autres essais que je ne connais pas. Je ne connais que l'essai britannique sur l'âge, qui n'a montré aucun effet.
Je connais l'essai HIP, qui n'a montré aucun effet après 15 ans de suivi, ainsi que l'essai d'Édimbourg.
Venir devant ce comité et dire qu'il y a huit essais qui montrent un effet pour les essais randomisés et un qui n'en montre pas, c'est... Si je faisais partie de ce comité, je ne voudrais pas avoir ces preuves.
Croyez-moi, elles n'existent pas. Il n'y a pas huit essais qui montrent un avantage. S'il y en a, je serai prêt à m'excuser auprès de la Dre Gordon et des autres.
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Docteure Gordon, si vous pouviez les soumettre au Comité, nous vous en serions très reconnaissants.
Monsieur Simard, vous n'avez pas eu l'occasion de donner votre avis.
Si vous me permettez de résumer, je pense que nous avons entendu la Dre Wilkinson et la Dre Gordon dire que le fait d'avancer l'âge du dépistage pour les femmes asymptomatiques à 40 ans serait approprié et appuyé par la science. Le Dr Narod, si j'ai bien compris, n'est pas pour ce changement. Encore une fois, je ne suis pas du genre à mettre des mots dans la bouche des gens.
Monsieur Simard, je sais que votre objectif est légèrement différent et qu'il s'agit davantage de diagnostics de précision — si je peux utiliser ces mots. Je pense que c'est manifestement la voie de l'avenir.
Si vous avez une opinion, monsieur, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez que le groupe de travail canadien devrait faire? Je pense que ce serait utile.
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Ce que nous avons proposé, c'est de procéder à une évaluation des risques, par exemple, à l'âge de 40 ans. En fonction de leur catégorie de risque — il s'agit d'une stratification du risque —, les femmes dont le risque est équivalent à celui de la population peuvent commencer plus tard. Toutefois, les 20 % de femmes présentant un risque moyen ou élevé devraient commencer à 40 ans. Je pense qu'il est important de procéder à une évaluation exhaustive des risques.
D'ailleurs, ce n'est pas si futuriste que ça. Il nous faut une volonté politique. Nous avons publié l'outil de prévision du risque global, conçu par mon collègue de l'Université de Cambridge au Royaume-Uni. Depuis 2020, cet outil a déjà été utilisé 1,7 million de fois dans 120 pays.
C'est le monde réel. Bien sûr, s'il n'est pas encore disponible, le score de risque polygénique coûtera le même prix qu'une mammographie, soit environ 100 $. Il peut être fait une fois dans la vie. Il suffit d'une volonté politique pour adopter ce test. Tout bon laboratoire de génomique au Canada — parce que nous disposons d'une très bonne plateforme de ces laboratoires, ainsi que de laboratoires cliniques — peut effectuer entre 5 000 et 10 000 tests par semaine. Ce n'est pas tellement futuriste. Il doit y avoir une volonté politique d'adopter l'innovation. L'objectif de notre recherche est de fournir des innovations.
Il y a deux semaines, lors de la réunion annuelle du programme québécois de lutte contre le cancer, le ministère de la Santé nous a décerné un prix pour notre projet de promotion de la santé et de prévention du cancer.
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Merci, monsieur le président.
Bienvenue à tous les témoins.
Hier, j'ai eu l'occasion de rencontrer l'association Agir contre le cancer maintenant. C'était une réunion très intéressante. Elle a été très instructive.
Ils ont parlé de l'absence de normes pancanadiennes sur les programmes de détection précoce qui couvrent un éventail de services dans ce que nous appelons l'aspect technologique. Ils ont parlé de biomarqueurs ou de tests génétiques. Ils ont parlé des différents tests disponibles, tels que le tomodensitogramme, l'imagerie par résonnance magnétique, l'échographie et la mammographie.
Ils ont également évoqué la nécessité d'accéder à un soutien, de réduire les longues attentes et d'avoir accès à des oncologues. Ce qui est apparu très clairement, c'est qu'ils estiment que nous ne disposons pas d'un programme de détection précoce qui tient compte de toute une série de facteurs. Ils ont parlé de certaines administrations et du fait que l'ethnicité, l'âge et les données démographiques — tous ces éléments —jouent un rôle dans la détection précoce.
Ma question s'adresse à tous les témoins qui veulent bien y répondre. Existe-t‑il une administration que nous pourrions prendre comme exemple, pour ce qui est des pratiques exemplaires de programmes de détection précoce qui sont étayés par des données et des modèles et qui couvrent un large éventail d'aspects de la détection du cancer?
Quelqu'un aimerait‑il commenter cela?
Docteure Wilkinson, vous êtes dans la salle.
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Je ne pense pas qu'il y ait un seul pays qui fait tout ce qu'il faut. En France et en Autriche, par exemple, les femmes dont la densité mammaire est élevée sont automatiquement rappelées pour un dépistage supplémentaire. C'est également le cas en Colombie-Britannique. Les femmes dont la densité mammaire est de catégorie C et D peuvent bénéficier d'un dépistage supplémentaire par échographie mammaire pris en charge par leur assurance maladie provinciale.
En Europe, par exemple, on reconnaît que les IRM de dépistage pour les femmes présentant une densité mammaire extrême, dans la catégorie de densité mammaire extrême, sont désormais recommandées pour toutes les femmes, idéalement tous les deux ou trois ans, mais pas plus de quatre ans.
Les États-Unis viennent de reculer l'âge à 40 ans, mais ce n'est pas parfait, car les femmes devraient dès la quarantaine passer des mammographies annuelles et elles n'y ont droit que tous les deux ans.
C'est un méli-mélo de directives dans le monde entier. Je ne crois pas qu'un seul pays soit un exemple. Je crois que le Canada pourrait être un chef de file dans ce domaine. Nous pouvons prendre le meilleur de chacun d'entre eux.
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En fait, lorsque j'ai participé à la codécouverte du gène BRCA1 et, surtout, du gène BRCA2, on aurait dit qu'il était futuriste de tester les femmes pour des prédispositions. Or, nous savons que des millions de femmes ont été testées, et que cela a probablement sauvé des centaines de milliers de vies.
Je pense qu'il faut se fier aux preuves et à la meilleure science possible. Actuellement, la meilleure science nous offre l'occasion de tenir compte de l'ensemble des facteurs de risque. La densité mammaire est l'un des facteurs de risque importants, mais, parfois, lorsqu'on combine ce risque avec les autres facteurs de risque, on voit qu'il peut y avoir une atténuation des risques.
J'aimerais aussi mentionner un fait dont nous n'avons pas beaucoup reparlé, mais que Mme Wilkinson a mentionné plus tôt: il ne faut pas oublier que l'histoire naturelle du cancer du sein diffère selon les groupes ethniques. Chez les femmes d'ascendance africaine ou asiatique, nous savons que le cancer du sein va apparaître presque dix ans plus tôt que chez les femmes européennes, d'où l'intérêt ou la pertinence de toujours prendre en considération l'origine ethnique des femmes, et de leur offrir un dépistage qui va être approprié.
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Je vous remercie. Il ne me reste que deux minutes.
J'aimerais beaucoup que vous nous soumettiez cette étude et peut-être aussi ce que vous avez essayé de soumettre comme observations, mais qui n'a pas été accepté, d'après ce que vous avez dit.
Docteur Narod, j'attends avec impatience votre livre ainsi que l'article dans le JAMA en 2024.
Je voudrais changer un peu de sujet et parler de l'accès.
Docteure Wilkinson, je pense que vous avez un programme sur l'accès au dépistage du cancer du sein chez les femmes qui n'ont pas de médecin de famille. De toute évidence, vous avez cerné un domaine. Je m'inquiète des femmes qui, quel que soit leur âge, sur mon territoire et ailleurs, ne sont pas du tout au courant des directives de dépistage, sont souvent éloignées et n'ont pas accès aux programmes de mammographie qui sont offerts. Ce n'est pas seulement une question de géographie. Il s'agit parfois d'une question d'accès social, de crainte, de traumatisme ou d'accès psychologique.
Je me demande si vous pourriez nous parler de cela et de la manière dont nous pouvons aborder ce problème.
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Nous allons essayer de conclure, s'il vous plaît.
M. Hanley a remercié avec éloquence tous nos témoins. Vous pouvez considérer que cela vient de l'ensemble du Comité.
Je peux également vous dire que nous accueillerons avec plaisir — et encourageons — tout renseignement supplémentaire que vous voudrez soumettre au Comité, indépendamment de ce qui a été précisément demandé et de ce qui a été mentionné. Tous ces renseignements seront pris en considération dans l'étude.
Docteur Narod, nous aimerions voir ce rapport sous embargo lorsqu'il ne le sera plus, par exemple.
En tout état de cause, ce que vous soumettrez au Comité sera pris en compte dans les éléments de preuve de l'étude. Cette conversation a été passionnante et il est clair que je vous ai interrompu à plusieurs reprises lorsque vous aviez quelque chose à ajouter. N'hésitez pas à nous le communiquer par écrit.
Je vous remercie de votre présence. Votre expertise et votre patience sont grandement appréciées.
Chers collègues, notre prochaine réunion aura lieu lundi. Nous avions prévu trois heures, mais nous n'en aurons besoin que de deux, car nous n'avons pas réussi à obtenir la présence du ministre Champagne. Nous nous réunirons de 11 à 13 heures, la première heure étant consacrée à l'étude sur les opioïdes et la seconde aux questions relatives à Medicago.
Le Comité souhaite‑t‑il lever la séance?
Des députés: D'accord.
Le président: Merci. La séance est levée.