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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 094 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 6 décembre 2023

[Enregistrement électronique]

(1830)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 94e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
    Nous nous réunissons en mode hybride, conformément au Règlement. Toutefois, comme personne dans ce premier groupe ne participe à la réunion à distance, je vous fais grâce des consignes à cet égard.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude de l'accord d'achat anticipé de vaccins conclu par le gouvernement avec Medicago.
    Je souhaite la bienvenue au ministre de la Santé, l'honorable Mark Holland, et à ses collaborateurs. Mme Celia Lourenco, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale des produits de santé et des aliments, est ici pour représenter le ministère de la Santé. Nous recevons aussi, de l'Agence de la santé publique du Canada, Mme Heather Jeffrey, la présidente, et le Dr Donald Sheppard, qui est vice-président, Direction générale des programmes sur les maladies infectieuses et de la vaccination.
    Merci à vous de prendre le temps de comparaître devant le Comité.
    Avant de donner la parole au ministre Holland afin qu'il nous présente sa déclaration liminaire, je rappelle à mes collègues que nous avons pour pratique au sein du Comité d'accorder aux témoins autant de temps pour répondre aux questions que le temps pris pour les poser. Il vous est bien entendu loisible de leur laisser plus de temps. Je vais m'assurer qu'ils disposent d'au moins le même laps de temps, mais vous pouvez décider de leur en accorder davantage.
    Sur ce, je vous souhaite la bienvenue devant le Comité, monsieur le ministre. Vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux de prendre de nouveau la parole devant le comité de la santé. Je remercie les membres de me donner la possibilité de parler de l'accord conclu avec Medicago, et plus précisément des mesures que le gouvernement a prises durant la pandémie pour que l'ensemble des Canadiens aient accès à la vaccination.
    Je vais commencer par parler du contexte mondial, de la situation dans laquelle le fléau de la COVID‑19 a plongé le pays. Vous vous souvenez sans doute de l'incertitude au sujet de la découverte d'un vaccin. Il était question d'un horizon de 5 ou 10 ans. Le fait que divers vaccins aient été mis au point est un véritable miracle de la science. Je remercie infiniment, du fond du cœur, les fonctionnaires de l'Agence de la santé publique du Canada, l'ASPC, et de Santé Canada pour leur travail acharné durant cette période extrêmement difficile.
    En avril 2020, le Canada a créé le Groupe de travail sur les vaccins contre la COVID‑19, qui était composé d'experts multidisciplinaires et de chefs de file de l'industrie en matière de vaccins et d'immunologie. Leur mandat consistait à examiner les options viables de vaccins, et ils en ont retenu sept. Ces sept options, compte tenu des données scientifiques et de la capacité technique de les produire, ont été retenues par le Canada en vue d'assurer l'accès des Canadiens aux vaccins qui seraient éventuellement développés.
    Des accords d'achat anticipé ont été conclus. L'objectif de ces accords était d'atténuer le risque, de garantir une livraison en temps opportun et, bien franchement, de nous assurer que tous les Canadiens pourraient recevoir les doses de vaccin nécessaires pour sauver leur vie.
    La nature même de ces accords faisait en sorte qu'ils étaient très souples. Dès le départ, il a été tenu pour acquis que les sept options ne donneraient pas forcément des résultats concluants. Personne ne pouvait prédire lesquelles parmi ces options seraient efficaces, ne l'oublions pas. Nous savions qu'il existait sept options viables, mais absolument rien ne permettait de savoir laquelle finirait par sauver des vies, ce qui représentait évidemment l'essentiel pour les Canadiens.
    Je trouve important de reconnaître que la stratégie des accords d'achat anticipé… Je tiens à le souligner, parce que c'est important. On estime que 800 000 vies ont été sauvées au Canada, et que 1,9 million d'hospitalisations et 34 millions de cas de COVID ont été évités. Je le répète, nous ne savions pas au début quelle solution serait efficace.
    Dans le cas de Medicago, qui fait l'objet des délibérations aujourd'hui et qui a proposé une des sept options… Cette entreprise canadienne proposait une technologie novatrice et fort enthousiasmante à base de plantes. C'était une première, car, comme vous le savez, les autres étaient principalement à base d'œufs. C'était une première mondiale, et la capacité… Comme de raison, nous ne savons pas comment cette technologie pourra être utilisée à l'avenir. Il s'agit d'une innovation d'une grande importance, et j'espère qu'elle pourra faire une grande différence.
    Avec le soutien du gouvernement du Canada, Medicago a pu mettre au point un vaccin sûr et efficace. Le 24 février 2022, son utilisation a été autorisée au Canada. Si d'autres vaccins n'avaient pas été approuvés et mis en marché à ce moment — des vaccins basés non plus sur la souche ancestrale, mais sur la plupart des variants les plus récents et les plus actifs —, le monde aurait très bien pu avoir besoin de Medicago.
    Comme la campagne de vaccination au moyen de plusieurs autres produits efficaces allait bon train au Canada, la production du vaccin Medicago n'était plus vraiment nécessaire. Cela n'empêchait pas que nous devions honorer l'accord conclu de façon anticipée pour garantir l'obtention d'au moins une des options.
    J'ajouterai que, pour ce qui est de la transparence — je sais que beaucoup de questions ont été posées au sein du Comité à ce sujet —, l'Agence de la santé publique du Canada et Services publics et Approvisionnement Canada ont communiqué tous les détails de ce contrat, ainsi que ceux des autres accords d'achat anticipé, au comité permanent des comptes publics et au Bureau du vérificateur général, en prévoyant les dispositions appropriées en matière de non-divulgation.
    Je précise en dernier lieu que l'Agence de la santé publique a divulgué publiquement le montant payé aux fins des Comptes publics.
     Après le dépôt des Comptes publics, l'entreprise a accepté la divulgation de renseignements supplémentaires afin d'identifier l'entreprise et le montant du paiement anticipé non remboursable, et confirmer que les modalités du paiement ont été respectées et que le contrat a été résilié par consentement mutuel.
    J'aimerais aussi souligner que le Bureau du vérificateur général a récemment terminé la vérification des transactions financières de l'Agence de la santé publique du Canada pour le troisième exercice financier de suite et a confirmé l'exactitude et la fiabilité de ces renseignements financiers.
(1835)
    Les membres du Comité se rappelleront également qu'en décembre 2022, la vérificatrice générale a publié un rapport sur les vaccins contre la COVID‑19 couvrant la période du 1er janvier 2020 au 31 mai 2022. Ce rapport a révélé que l'approvisionnement en vaccins ainsi que l'autorisation, la répartition et la distribution des vaccins avaient été efficaces.
    En conclusion, alors qu'une grande confusion régnait et que personne ne savait si une solution efficace serait trouvée, le Canada a misé sur sept options, et il faut en remercier le ciel. Il était absolument impossible de prédire laquelle serait efficace et, dès le départ, les accords d'achat anticipé prévoyaient la possibilité qu'une option ne donne aucun résultat. La proposition de Medicago a été parmi celles qui ont été concluantes, mais le projet a abouti à un moment où le vaccin n'était plus nécessaire en raison de l'efficacité d'autres vaccins.
    Je termine en remerciant de nouveau les fonctionnaires extraordinaires qui ont abattu un travail colossal. Grâce à eux, la réponse du Canada à la COVID‑19 a été parmi les meilleures dans le monde et nos taux de décès ont été parmi les plus faibles dans le monde.
    Monsieur le président, je serai heureux de répondre aux questions du Comité.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Nous passons aux questions du Comité. C'est M. Ellis, du Parti conservateur, qui va commencer. Vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre, d'être venu à notre rencontre.
    Il est notoire que ce gouvernement libéral a gaspillé des millions de dollars. Ce dont il est question ce soir, c'est de l'entente avec Medicago et du gaspillage de 323 millions de dollars de l'argent des contribuables canadiens.
    Quelles modalités ont été prévues au contrat signé avec Medicago pour protéger l'argent des contribuables canadiens?
     Je tiens à préciser que nous parlons aujourd'hui d'une somme de 150 millions de dollars pour réserver des doses de vaccin, à ne pas confondre avec les sommes qui concernent Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE. Je crois que le ministre Champagne va avoir des nouvelles — de bonnes nouvelles — à annoncer bientôt à ce sujet.
    Pour ce qui est du contrat à l'étude aujourd'hui, ce qui nous est apparu responsable, c'était de conclure un accord d'achat anticipé pour réserver des doses. J'aimerais savoir, si vous me le permettez, ce que vous auriez fait si Medicago avait offert la seule option viable?
    Merci beaucoup, monsieur le ministre, mais c'est mon temps de parole, pas le vôtre. Mais merci quand même. C'est du temps qui m'est accordé à moi, pas à vous, pour poser des questions. Vous êtes ici pour répondre aux questions. Nous allons y parvenir.
    Ce que vous nous dites, c'est que le contrat ne comporte aucune mesure pour protéger les Canadiens.
    Non, ce n'est pas ce que je dis. Il y avait des garanties explicites. Cependant, pour nous assurer d'obtenir les vaccins nécessaires, nous devions conclure des accords d'achat anticipé, en ayant conscience de la possibilité qu'une option ne donne pas de résultat concluant.
    Nous avions conscience qu'il y aurait un coût. Je ne suis pas devin, et vous non plus, je crois. Personne ne savait ce qui allait se passer. À ce moment, il était impossible de prédire quelles options fonctionneraient ou non.
    Par prudence, il fallait investir dans chacune pour nous assurer que celle qui fonctionnerait serait accessible aux Canadiens. C'est exactement ce qui s'est passé, et c'est exactement pour cette raison que notre programme de vaccination a été aussi efficace.
(1840)
    Je vous ramène à Medicago, monsieur le ministre, parce que vous tournez autour du pot pour ne pas avoir à admettre qu'aucune mesure, absolument aucune, n'a été prévue pour protéger les Canadiens. Le gouvernement libéral a d'abord investi 173 millions de dollars dans Medicago, et il a versé 150 millions de dollars à l'entreprise, qui ne lui a livré aucun vaccin. C'était stipulé dans un contrat qui — si je ne m'abuse, monsieur le ministre — a été signé après que les États-Unis ont autorisé l'utilisation du vaccin du géant pharmaceutique Pfizer.
    Ce que je dis, c'est qu'au moment où les accords d'achat anticipé ont été conclus, le Canada avait la responsabilité — du moins, je pense — de s'assurer que les doses et le bon vaccin seraient accessibles. Si, par exemple, le vaccin de Medicago s'était révélé l'unique option efficace, ce que nous n'avions absolument aucun moyen de savoir, vous ne seriez pas assis ici au sein de ce comité en train de poser des questions puisque ce vaccin aurait sauvé énormément de vies.
    Vous posez ces questions aujourd'hui parce que d'autres vaccins ont été efficaces.
    Je dois là encore vous interrompre parce qu'il était notoire qu'une compagnie de tabac était parmi les principaux investisseurs dans Medicago. Tout le monde le savait. Il devait bien y avoir quelqu'un à Santé Canada qui savait que le Canada avait signé la convention pour la lutte antitabac et que la communauté internationale n'accepterait jamais cette association.
    Monsieur, j'ai été traité de radical antitabac par Imperial Tobacco. J'ai été président de la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC. J'ai participé à la campagne ontarienne de lutte contre le tabagisme. Cependant, ce qui ne s'est jamais produit, et je…
    Monsieur le ministre, vos états de service n'ont rien à voir là‑dedans.
    Au contraire, ils ont tout à voir parce que…
    Ils n'ont absolument rien à voir avec la question.
    … une participation minoritaire…
    Si vous ne voulez pas répondre aux questions, vous pouvez dire que vous ne connaissez pas la réponse. Aucun souci.
    Vous ne semblez pas vouloir entendre la réponse.
    À moins que quelqu'un ait manqué à son devoir de diligence ou que tout le monde s'en fichait, il y a bien quelqu'un qui savait que le Canada avait signé la convention pour la lutte antitabac.
    Monsieur, j'ai donné d'autres éléments de contexte pour expliquer que je suis loin d'être un défenseur des compagnies de tabac. J'ai travaillé toute ma vie à la réduction du tabagisme.
    Ce n'est pas vrai. Vous avez donné le feu vert à l'approbation d'autres produits à base de nicotine au Canada.
    Ce que je dis… Je ne sais pas si vous voulez entendre ma réponse. Apparemment, ce n'est pas le cas.
    Je veux une réponse, mais vous tournez…
    Si vous voulez vraiment que je réponde à la question… La participation minoritaire ne favorisait pas les intérêts liés à la nicotine ou au tabac à Medicago…
    Permettez-moi de vous poser la question. Utiliseriez-vous…
    Ici, ce n'est pas vous qui posez les questions.
    Pourquoi pas?
    Savez-vous quoi? Dans deux ans, monsieur le ministre, vous pourrez poser toutes les questions que vous voulez. Quand vous serez assis de l'autre côté, vous vous en donnerez à cœur joie.
    J'ai été de l'autre côté et…
    Quand je serai de l'autre côté, alors vous pourrez poser les questions…
    Monsieur le président, je ne sais plus… Comment voyez-vous les choses?
    Allez‑y, monsieur Ellis. Vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ce qui est très clair, c'est que 2 millions de Canadiens fréquentent les banques alimentaires, et votre gouvernement a encore gaspillé 323 millions de dollars sans rendre de comptes. La vraie réponse, c'est que vous vous fichez de ces gens.
    Je vais vous dire comment je vois la situation. Si nous n'avions pas misé sur les 7 options, nous n'aurions pas pu sauver 800 000 vies.
    Quel est le prix de 800 000 vies selon vous? Pour ma part, je crois que 800 000 vies valent très cher.
    Le fait est que nous n'avions pas de boule de cristal. Je ne sais pas quelles étaient vos capacités psychiques à ce moment, mais ni moi ni le ministère n'avions la capacité psychique nécessaire pour savoir quel vaccin fonctionnerait. Nous n'avions pas le choix de miser sur les sept options.
    Nous savions, à la signature de ces accords d'achat anticipé, que certaines options risquaient de ne pas fonctionner, et qu'il y aurait effectivement un coût à cela, mais nous l'avons fait pour nous assurer de sauver 800 000 vies. Nous l'avons fait également pour éviter 1,9 million d'hospitalisations.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Monsieur le président, c'est évident que le ministre ne répond pas aux questions.
    Mitsubishi est la plus importante société au Japon. Santé Canada, votre ministère, a signé un contrat avec la plus grande société japonaise — et, si je ne me trompe pas, la 45e plus grande société dans le monde — et vous lui avez aussi versé 323 millions de dollars sans offrir de protection aux Canadiens. Vous lui avez en plus cédé les droits de propriété intellectuelle. En contrepartie, vous n'avez reçu aucun vaccin et 400 emplois ont été perdus au Québec.
    Selon vous, est‑ce que nous en avons eu pour notre argent? Pouvez-vous dire aux Canadiens qu'ils en ont eu pour leur argent?
    Ce que je pense, monsieur Ellis, c'est que si le Canada n'avait pas conclu d'accords d'achat anticipé de vaccins — je vous donne raison sur ce point —, nous aurions économisé un peu d'argent. En revanche, nous n'aurions pas eu de vaccins à offrir à la population canadienne. Il y aurait eu…
    M. Stephen Ellis: Est‑ce que vous êtes en train de dire que 323 millions de dollars, c'est un peu d'argent?
    L'hon. Mark Holland: … 800 000 personnes décédées. Il y aurait eu des pertes d'activités économiques qui se seraient chiffrées à des dizaines de milliards de dollars. Il y aurait eu des millions de personnes hospitalisées en plus, des hôpitaux fermés et des personnes mortes d'autres maladies évitables.
    Monsieur, sans ces investissements, la situation aurait été catastrophique.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Ellis. Merci, monsieur le ministre.
    Je donne maintenant la parole à M. Jowhari. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue au Comité, monsieur le ministre.
    J'aimerais que nous commencions à parler de faits. Il y a eu un investissement de 172 millions de dollars, et un autre de 150 millions de dollars.
    Pouvez-vous nous expliquer rapidement à quoi était destiné l'investissement de 172 millions de dollars et quel a été le résultat?
(1845)
    Cet investissement a été versé à ISDE pour la production de la propriété intellectuelle.
    L'investissement de 150 millions de dollars visait l'achat et la distribution de vaccins.
    Si le Canada et Medicago avaient réussi à mettre le produit en marché, pas seulement à l'échelle nationale, mais également à l'échelle internationale, à quoi les 150 millions de dollars ont-ils servi? L'investissement de 172 millions de dollars, comme nous le savons, a permis de financer la recherche et le développement, la construction d'installations et la mise en place d'une capacité de production.
    Le produit est maintenant homologué, après quelques embûches — nous allons y revenir —, mais à quoi les 150 millions de dollars ont-ils été affectés exactement?
    C'est ce que j'essaie d'expliquer. J'aurais aimé avoir une boule de cristal. Si nous avions pu lire l'avenir dans une boule de cristal, nous n'aurions pas eu à prendre de telles décisions. Bien entendu, nous n'en avions pas.
    Sept options ont été jugées réalisables sur le plan technique et selon une analyse scientifique en vue de la production d'un vaccin. Les accords d'achat anticipé qui ont été conclus pour les sept options visaient à garantir au Canada, peu importe laquelle s'avérerait efficace, l'obtention des vaccins dont il avait besoin.
    C'est très facile, avec le recul, de dire que nous aurions dû investir seulement dans l'option qui a fonctionné. C'est un peu comme si on nous disait que nous aurions dû acheter le billet de loterie gagnant. Si on sait quel billet sera le gagnant, pourquoi acheter les autres?
    La réalité, c'est que nous n'avions aucun moyen de savoir à ce moment quelle option fonctionnerait, et nous avons versé un acompte de 150 millions de dollars pour nous assurer que des vaccins nous seraient livrés et que les Canadiens y auraient accès.
    Monsieur le ministre, je suis content de vous entendre parler de la notion d'acompte.
    Toutefois, avant de parler de cela, j'aimerais revenir à un autre élément de mésinformation qui circule actuellement comme quoi le Canada aurait contrevenu à la convention-cadre pour la lutte antitabac de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS.
    Si nous revenons à l'objectif précis de garantir l'approvisionnement en vaccins, pensez-vous qu'il y a eu contravention à la convention?
    Non, pas du tout. La participation minoritaire de Philip Morris dans Medicago, à mon avis…
    Si vous me le permettez, je vais poser une question. Les conservateurs ne m'ont pas permis de poser cette question, mais je vais la poser quand même parce qu'elle soulève une hypothèse très valable selon moi. Si Medicago avait mis au point le seul vaccin efficace — ce qui était à ce moment très probable puisque nous n'avions aucune idée de l'avenir —, est‑ce que les conservateurs auraient choisi de ne pas permettre au Canada d'utiliser ce vaccin pour sauver des centaines de milliers de vies en raison d'une participation minoritaire de Philip Morris qui ne favorisait pas les intérêts liés à la nicotine ou au tabac? Bien entendu, ce n'est pas ce qu'ils auraient choisi. Ils auraient voulu s'assurer que le vaccin… Il aurait été inacceptable de faire autrement.
    Le contexte nous imposait de considérer toutes les options techniquement viables. La participation minoritaire dans Medicago ne favorisait d'aucune façon les intérêts liés à la nicotine ou au tabac.
    Je suis content que vous ayez utilisé le terme « acompte ». Nous avons versé un acompte de 150 millions de dollars à Medicago en vue de la production de son vaccin une fois qu'il serait homologué, comme cela se fait au Canada et au sein du gouvernement fédéral.
     Est‑ce qu'une provision… L'expression « fabrication à risque » a été utilisée à tort et à travers. Lundi, j'ai demandé à Mme Andrachuk ce que signifie cette expression. Je présume que l'acompte… C'est un peu comme celui que nous versons pour une police d'assurance.
    Est‑ce que les sept autres accords d'achat anticipé que nous avons conclus comportent aussi ce genre de clause?
    Oui, tout à fait.
    D'accord. Excellent.
    Nous avons versé un acompte. Là encore, je suis un profane. Disons que je veux acheter une maison et que je verse un acompte. Si, ultérieurement, je décide de ne plus acheter la maison, pour une raison quelconque, et que l'entente est rompue par consentement mutuel, je perds mon acompte. Est‑ce que cette analogie est trop simpliste?
    Je crois qu'il serait plus juste de dire que si vous souscrivez une police d'assurance et qu'il s'avère plus tard que vous n'en avez plus besoin, vous n'allez pas demander à l'assureur de rembourser les primes que vous avez déjà payées.
    En fait, vous prenez un pari parce que vous voulez vous protéger. C'est exactement ce que le Canada a fait. Nous avons misé sur sept options parce que nous ne savions absolument pas laquelle allait donner des résultats concrets, et ce pari nous a permis d'obtenir les vaccins dont les Canadiens avaient besoin.
    L'investissement dans chacune des options a donné au Canada l'assurance d'obtenir les vaccins dont il avait besoin. Si nous avions misé sur une ou deux options — comme les conservateurs semblent le suggérer —, la probabilité aurait été très forte que le Canada ne puisse pas se procurer de vaccins efficaces et que les pertes humaines se comptent par centaines de milliers.
(1850)
    Sur les sept options, selon ce que j'ai compris, trois ou quatre ont été homologuées par l'Organisation mondiale de la santé. Les sept accords comportaient une clause de fabrication à risque. Nous ne parlons jamais des autres accords, seulement de celui qui a été conclu avec Medicago.
    Vous venez de confirmer que, dans ce contexte, le Canada n'a contrevenu à aucune convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé. Alors pourquoi avons-nous cette discussion selon vous?
    Je crois que c'est très facile de répandre de la mésinformation dans ce contexte.
    Envisageons un monde où Medicago aurait été la première à mettre un vaccin au point et où ce vaccin aurait été utilisé pour immuniser les Canadiens. Dans un tel cas de figure, nous serions peut-être ici en train de nous faire interroger sur nos investissements dans Pfizer ou dans AstraZeneca. C'est exactement ce qu'ils prétendent. Ils prétendent que les investissements dans les options qui n'ont pas fonctionné ont été du gaspillage. C'est exactement ce qu'ils prétendent. Ils prétendent que tout ce qui n'a pas fonctionné était du gaspillage d'argent, comme si le gouvernement avait pu prédire quelle option allait être la bonne.
    Si Medicago avait mis au point un vaccin efficace, nous serions certainement ici, devant ce comité, à nous faire critiquer parce que nous aurions investi dans Pfizer, AstraZeneca ou Moderna.
    Merci.
    Monsieur le ministre, monsieur Jowhari, merci.

[Français]

     Madame Vignola, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, mesdames Lourenco et Jeffrey et monsieur Sheppard, je vous remercie de votre présence.
    Le montant de 150 millions de dollars, qui a été inscrit dans les pertes des Comptes publics du Canada, est un paiement effectué pour la réception de vaccins commandés par le Canada. Nous nous entendons là-dessus. Ce sont des vaccins qui auraient été homologués aux États‑Unis et qui l'étaient aussi au Canada. Cependant, l'Organisation mondiale de la santé a décidé de ne pas les inclure dans les solutions possibles, parce qu'un des actionnaires minoritaires était un cigarettier.
    Le Canada a adhéré en 2005 à la Convention-cadre pour la lutte antitabac. Tout à l'heure, vous nous avez dit qu'on ne pouvait pas deviner ce que ferait l'Organisation mondiale de la santé. En fait, on pouvait se douter que l'OMS allait rejeter le vaccin s'il y avait des solutions de rechange. Par contre, si ce vaccin avait été le seul de disponible, on peut prétendre que l'OMS l'aurait accepté.
    Avez-vous fait une enquête, avant que l'OMS prenne sa décision, sur les possibilités que Mitsubishi Tanabe Pharma se débarrasse de l'actionnaire Philip Morris avant l'homologation du vaccin par l'OMS? Était-ce une des exigences que vous auriez demandées à Medicago?
    Merci beaucoup de la question. Permettez-moi d'y répondre en anglais, parce que c'est plus facile pour moi lorsqu'il s'agit de questions techniques.

[Traduction]

    Tout d'abord, la réponse à la question de savoir s'il était possible de prévoir qui allait refuser quoi comporte deux éléments.
    Le premier élément a trait au pouvoir exclusif du Canada d'homologuer le vaccin. L'homologation du vaccin en février 2022 permettait son utilisation au Canada. La décision de l'OMS n'avait aucune incidence à cet égard.
    Le second élément est que je rejette entièrement l'idée voulant que l'OMS ait adopté cette position… ou qu'il y ait eu une incidence sur notre position. Ce sont deux choses distinctes. Quand la décision de l'OMS est tombée, d'autres vaccins étaient disponibles et ils avaient été mis à jour. Ces vaccins étaient basés sur les variants actifs à ce moment plutôt que sur la souche ancestrale. L'OMS a pris cette décision à un moment où beaucoup d'autres options étaient accessibles dans le monde.
    J'irais jusqu'à dire que la décision de l'OMS aurait été différente si Medicago avait mis au point les seuls vaccins efficaces. C'est la concurrence des autres options qui était en jeu, et non le fait que Philip Morris était un actionnaire minoritaire de Medicago.

[Français]

     Nous sommes d'accord là-dessus.
    En fait, je pense que l'OMS n'a même pas évalué le vaccin, mais seulement les actionnaires. En fin de compte, elle n'a pas rejeté le vaccin, elle a rejeté les actionnaires.
    Avant de conclure l'accord, et avant même que l'OMS décide de se pencher sur la situation, le gouvernement du Canada a-t-il exigé que Medicago retire Philip Morris International de ses actionnaires? Est-ce que le gouvernement du Canada a offert des pistes de solution pour permettre le retrait de Philip Morris International en tant qu'actionnaire?
(1855)

[Traduction]

    Il y a deux éléments importants.
    Tout d'abord, comme je l'ai dit, la décision de l'OMS était totalement indépendante de celle du Canada. Si Medicago avait été la première à offrir un vaccin efficace, c'est celui qui aurait été utilisé au Canada.
    Ensuite, sur la question du rejet des actionnaires, cela a été possible parce qu'à ce moment, plusieurs autres options étaient basées sur les variants les plus récents plutôt que sur la souche ancestrale.
    Votre dernier point concernant Philip Morris, je précise que la société s'est départie de la totalité de ses actions. C'était un actionnaire minoritaire de Medicago et elle n'a plus aucune participation dans l'entreprise. Par conséquent, je suppose que l'exercice est purement théorique.

[Français]

     À qui appartiennent les droits de propriété intellectuelle de Medicago maintenant?

[Traduction]

    C'est une question sur laquelle le ministre Champagne continue de se pencher. Cette question ne concerne pas les 150 millions de dollars dont nous parlons aujourd'hui, mais elle est quand même importante. Le ministre s'occupe de ce dossier, et je crois que de plus amples informations seront communiquées à ce sujet sous peu.

[Français]

    Le siège social de Medicago, à Sainte‑Foy, a été racheté par Aramis Biotechnologies. Savez-vous si ce rachat incluait les droits de propriété intellectuelle, ou s'agit-il d'un autre aspect de la discussion sur lequel M. Champagne finira un jour par nous donner des nouvelles?

[Traduction]

     C'est effectivement le ministre Champagne qui peut répondre à cette question.
    Je trouve important de souligner que la technologie novatrice que Medicago a mise au point, qui permet de produire des vaccins à base de plantes plutôt qu'à base d'œufs, offre un potentiel extraordinaire en matière de vaccins. Il s'agit donc d'une propriété intellectuelle d'une grande valeur.

[Français]

    En effet, la technologie à base de plantes est complètement nouvelle et permet aux personnes allergiques aux œufs d'être vaccinées, ce qui était impossible jusqu'ici.
    Dans les négociations avec Medicago, est-ce qu'il y avait des clauses spéciales concernant la résiliation et la protection des droits de propriété intellectuelle?

[Traduction]

    Je peux parler de certains aspects, mais d'autres sont protégés par les clauses de confidentialité. Je dois demander l'avis de mes collaborateurs pour m'assurer de ne pas donner de réponse inappropriée.
    Madame Jeffrey, pouvez-vous nous donner une réponse brève?
    Les dispositions des contrats sont visées par des modalités de non-divulgation et de confidentialité. Elles ont été communiquées au comité des comptes publics, mais nous ne pouvons pas parler publiquement des détails des contrats.
    Merci.
    Merci, madame Vignola.
    Monsieur Davies, c'est à vous. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre, de vous joindre à nous.
    Monsieur le ministre, est‑ce que le gouvernement fédéral était au courant que Philip Morris International possédait 21 % des actions de Medicago quand il a signé l'accord d'achat anticipé?
    Oui, il était au courant.
    Le fait que Medicago était dirigé par l'ancien vice-président des affaires réglementaires et scientifiques du géant du tabac était‑il connu du gouvernement quand il a signé l'accord d'achat anticipé?
    Oui, c'était connu.
    Merci.
    L'OMS a affirmé qu'elle désapprouvait la participation de l'industrie du tabac dans les sociétés pharmaceutiques, et elle a déclaré qu'il « y a un conflit fondamental et inconciliable entre les intérêts de l'industrie du tabac et ceux de la santé publique ».
    Souscrivez-vous à cette vision?
    Oui, tout à fait.
    Nous avons déjà parlé de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac. Les directives pour l'application de ce traité prévoient que les gouvernements « ne devraient ni accepter, ni soutenir, ni agréer les partenariats […] avec l'industrie du tabac ou une entité ou personne qui s'attache à promouvoir ses intérêts ».
    Considérant que Philip Morris International possédait 21 % des actions de Medicago au moment de la signature d'un accord d'achat anticipé entre celle‑ci et le gouvernement du Canada, pouvez-vous nous expliquer comment il est arrivé à la conclusion que cette entité ne faisait pas la promotion des intérêts de l'industrie du tabac?
    Je souscris entièrement à tout ce que vous avez dit concernant le fait qu'il ne faut pas promouvoir les intérêts liés à la nicotine et au tabac.
    Ce n'était pas ce qui était en jeu à ce moment. Ce qui était en jeu, c'était une entreprise canadienne qui proposait une solution novatrice. Certes, un des actionnaires minoritaires était Philip Morris, mais l'intérêt lié à la capacité de production d'un vaccin pour le Canada et la nature novatrice de cette technologie ont eu la préséance sur la participation minoritaire, qui n'avait pas pour effet de favoriser les intérêts liés au tabac ou à la nicotine, et le groupe d'experts a conclu qu'il fallait aller de l'avant avec cette option très importante.
(1900)
    Quand le gouvernement a signé l'accord d'achat anticipé, a‑t‑il considéré la possibilité que l'OMS rejette le vaccin de Medicago en raison de ses liens avec l'industrie du tabac?
    Là encore, cette question soulève deux points importants.
    Le premier est que, dans le contexte canadien, la décision de l'OMS n'aurait eu aucune incidence sur la capacité du pays à distribuer et à homologuer le vaccin. D'ailleurs, l'utilisation du vaccin a été approuvée pour le Canada en février 2022. C'est le premier point.
    Le second point tient à mon intime conviction que si la proposition de Medicago avait été la seule qui avait été viable, la décision de l'OMS aurait été différente. Elle a rendu sa décision à un moment où il n'y avait plus seulement des vaccins basés sur la souche ancestrale, mais également des vaccins basés sur des souches évoluées du coronavirus. Il y avait à ce moment une vaste gamme de vaccins disponibles.
    Cela semble une explication légitime de la part du gouvernement canadien, mais voici ce qui s'est réellement passé.
    En mars 2022, l'OMS a décidé de ne pas autoriser l'utilisation d'urgence de Covifenz en raison des liens de Medicago avec l'industrie du tabac. Sa conclusion était donc différente de celle du gouvernement du Canada.
    C'est là où le bât blesse. Si le Covifenz n'a pas été produit, ce n'est pas parce que le Canada a décidé de ne pas aller de l'avant.
    En février 2023, dans un communiqué de presse, le Mitsubishi Chemical Group a annoncé qu'« à la suite d'une analyse complète de la demande actuelle à l'échelle mondiale, du contexte économique en ce qui concerne les vaccins contre la COVID‑19 et des défis auxquels Medicago est confrontée dans sa transition vers une production commerciale, le groupe a décidé de ne pas poursuivre la commercialisation de COVIFENZ ».
    N'est‑il pas vrai, monsieur le ministre, que le vaccin de Medicago n'a pas été produit parce que l'absence de débouché mondial faisait en sorte qu'il n'était pas commercialement viable? L'entreprise n'aurait certainement pas décidé de commercialiser un vaccin qui aurait trouvé preneur seulement au Canada.
    Est‑ce que je me trompe?
    La vérité, c'est que Medicago avait de la difficulté à stabiliser son vaccin en vue de la production de masse, si j'ai bien compris. D'autres investissements auraient été nécessaires pour parvenir à un produit adéquat pour la distribution à grande échelle.
    C'est certain que si cette option avait été la seule viable et que le contexte avait été différent, ces investissements auraient été faits. On ne peut pas faire abstraction du fait qu'un grand nombre de vaccins très efficaces avaient déjà été déployés à grande échelle et que ces investissements n'auraient eu aucun sens.
    Je comprends tout cela.
    Monsieur le ministre, je ne fais pas abstraction de ce qui aurait pu se passer si cette option avait été la seule, mais cela reste hypothétique.
    Ce que j'essaie de mettre en évidence, c'est que Medicago n'aurait pas pu vendre son vaccin à cause de la décision de l'OMS de ne pas l'autoriser pour une utilisation d'urgence à l'échelle mondiale. Après une telle décision, aucun fabricant n'aurait décidé de produire des vaccins si son seul marché avait été celui du Canada, et encore.
    Le problème, c'est que ce n'est pas hypothétique. Durant la période en question, beaucoup de vaccins homologués n'étaient plus basés sur la souche ancestrale, mais sur les souches plus récentes du virus qui étaient actives à ce moment. Comme il n'était plus nécessaire, qu'est‑ce qui aurait justifié d'investir dans ce vaccin?
    Ce que je veux dire, c'est que dans un autre contexte, s'il n'y avait eu aucun autre vaccin, les choses auraient été fort différentes. C'est clair que la situation aurait été très différente.
    Je vais résumer l'essentiel.
    Votre gouvernement a signé un traité qui l'engage à ne pas accepter et à ne pas soutenir l'industrie du tabac ou une entité qui s'attache à en promouvoir les intérêts. Vous avez par la suite signé un contrat avec une société pharmaceutique dont 21 % des actions appartenaient à l'industrie du tabac.
    Pouvez-vous m'expliquer ce raisonnement?
    Il s'agissait de la seule entreprise canadienne qui possédait une capacité technologique et scientifique avérée de mettre au point un vaccin. La participation minoritaire de Philip Morris n'avait pas pour effet de favoriser les intérêts liés au tabac ou à la nicotine. Il s'agissait sans l'ombre d'un doute d'une option viable pour sauver des centaines de millions de vies durant la période dont nous parlons, durant laquelle nous ne savions pas encore si un vaccin serait découvert. Nous étions tous inquiets pour nos familles et nos êtres chers.
    Je pense que la décision de garantir l'approvisionnement en vaccins était la bonne pour notre pays.
    Votre temps est échu. Merci, monsieur Davies.
    Merci, monsieur le ministre.
    C'est de nouveau au tour des conservateurs, pour des segments de cinq minutes, avec M. Ellis en premier. Vous avez la parole.
    En fait, c'est au tour de M. Perkins.
    Monsieur Perkins, allez‑y. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, vous nous parlez de situations hypothétiques pour justifier une perte de 323 millions de dollars pour les contribuables canadiens.
    Avant la signature de ce contrat pour la mise au point d'un vaccin ou l'achat d'un nombre fabuleux de 76 millions de doses, les États-Unis avaient déjà homologué le vaccin Pfizer. Vous parlez d'une situation hypothétique parce que vous ne saviez pas si un vaccin serait découvert ou non, alors que la réalité était que les États-Unis avaient homologué un vaccin depuis des mois.
(1905)
    C'est carrément faux. Je n'ai pas la chronologie des événements sous les yeux, mais je pourrais demander…
    L'homologation a été donnée au cours de l'été. Le contrat était…
    Si la réponse vous intéresse, je peux demander à M. Sheppard de vous la donner. Si votre intention est purement politique et que la réponse ne vous intéresse pas, je vais passer à autre chose.
    S'il a cette information à portée de main, il peut nous la donner. Autrement, vous pourrez la transmettre au Comité par écrit.
    C'est carrément faux. Si la vérité vous intéresse, nous allons vous transmettre cette information. Je peux toutefois affirmer que ce que vous avez dit n'est pas conforme aux faits. C'est faux quant au fond et c'est faux quant aux faits.
    L'autre chose qui est fausse, puisque… Avez-vous lu le contrat?
    Vous me demandez si j'ai lu le contrat? Voyez-vous…
    Je vous demanderais de répondre par oui ou par non.
    Est‑ce que j'ai lu le contrat?
    Avez-vous lu le contrat portant sur l'achat de vaccins?
    Non, je n'ai pas lu le contrat dans son intégralité.
    Si vous l'aviez lu, vous sauriez, contrairement aux députés du gouvernement libéral, que les 323 millions de dollars qui ont été gaspillés et les 150 millions de dollars de pénalité qui ont été payés ne sont pas des acomptes. Il ne s'agit pas de polices d'assurance ou de prêts hypothécaires. Cela n'a rien à voir. Aucune clause du contrat ne stipule qu'une somme doit être versée à l'avance. Vous avez plutôt payé une pénalité parce que vous n'avez pas respecté vos engagements au titre du contrat.
    N'est‑ce pas la réalité?
    Non. J'ai déjà expliqué la nature des accords d'achat anticipé. Je peux demander à…
    Où se trouve la clause qui vous obligeait à verser un paiement…
    Laissez‑le terminer, monsieur Perkins.
    Là encore, si votre seule intention est de m'attaquer, c'est réussi. Par contre, si vous voulez une réponse, je vais demander à Mme Jeffrey de vous la donner.
    La somme de 150 millions de dollars était un paiement anticipé pour la fabrication à risque de vaccins afin de garantir l'accès des Canadiens aux doses produites par Medicago.
    Le contrat ne comporte aucune clause qui stipule le versement d'un paiement anticipé.
    D'ailleurs, allez-vous publier le contrat? Devant le comité des comptes publics, le président de Mitsubishi a déclaré qu'il rendrait publique une version non caviardée du contrat. Si le président rend ce contrat public, êtes-vous prêt à en faire autant?
    Je peux répondre à cette question.
    La version intégrale et non caviardée du contrat a été communiquée. Le comité des comptes publics, à la demande de la vérificatrice générale…
    Il a dit qu'il le rendrait public.
    La publication de contrats compromettrait fortement la capacité du Canada de conclure des contrats avec des entreprises. Vous le savez déjà, bien entendu, mais vous persistez à jouer votre petit jeu.
    C'est la même raison pour laquelle vous ne rendez pas public le contrat passé avec Stellantis...
    Non. C'est le petit jeu auquel vous vous livrez pour essayer de créer de la désinformation.
    ... parce que vous cachez le fait que ce que vous dites là n'est tout simplement pas vrai. Vous n'étiez pas obligé de payer cette somme. Il s'agit d'une pénalité parce que vous avez conclu un contrat stipulant que vous deviez acheter 76 millions de doses.
    Je vous le demande encore une fois: qui détient la propriété intellectuelle?
    La question de la propriété intellectuelle n'est pas close et ce n'est pas l'objet de la discussion au Comité.
    Mais si, parce que vous dépensez 323 millions de dollars de fonds publics et que le président de Mitsubishi a déclaré publiquement, devant le comité des comptes publics, qu'il rendrait le contrat public. Il a également déclaré que c'est Mitsubishi, et pas le gouvernement du Canada, qui détient la propriété intellectuelle.
    Est‑ce que Mitsubishi a vendu la propriété intellectuelle?
    Je ne répondrai pas aujourd'hui aux questions concernant la propriété intellectuelle. Elles sont du ressort du ministre Champagne. Il y répondra, mais je vous dirai qu'avec ce que vous savez maintenant de ce qui a fonctionné ou pas, il est très curieux de revenir en arrière.
    J'espère, en tout cas, qu'aucun gouvernement n'aura à l'avenir à prendre le genre de décision que vous insinuez que nous aurions dû prendre.
    Oui, c'est vrai. Nous ne signerions jamais un contrat qui ne garantirait pas que 200 millions de dollars de l'argent des contribuables canadiens... Les Canadiens ne détiennent pas la propriété intellectuelle. Nous ne signerions jamais un contrat qui stipule que je vais devoir payer 150 millions de dollars de pénalité, alors que je n'ai pas reçu un seul flacon d'un vaccin. Nous ne signerions jamais un contrat autorisant la plus grande entreprise du Japon à vendre à n'importe qui dans le monde une propriété intellectuelle financée par le Canada.
    Le niveau d'incompétence du gouvernement dans la signature de ces contrats... Quand les ministres ne lisent même pas les contrats... Vous ne les avez pas lus. Vous n'étiez pas ministre à l'époque, mais j'aurais pensé qu'en préparation à cette réunion, vous auriez lu le contrat.
    Monsieur, les fonctionnaires qui gèrent... Un jour — et j'espère que cela n'arrivera pas —, si vous êtes au gouvernement... Les experts et les personnes sur lesquels nous nous appuyons pour conclure ces contrats nous conseillent en toute indépendance. Nous ne décidons pas — je ne décide pas en tant que ministre — de leur dire comment conclure des contrats.
    Je n'ai pas dit que vous aviez...
    Si vous laissez entendre que vous seriez allé dire...
    Non. Ce que je dis, c'est que je lirais un contrat.
    Monsieur Perkins...
    ... aux fonctionnaires comment conclure des contrats, il n'y aurait eu aucun contrat, selon moi...
    Il a bénéficié du même temps de parole.
    ... et vous n'auriez pas protégé ce pays.
    Non, pas encore.
    Je n'ai pas eu de temps pour répondre à cette question.
    Je ne sais pas, monsieur le président.
    Ce que je dis, c'est que je lirais un contrat avant de le signer et de gaspiller 323 millions de dollars de l'argent des contribuables canadiens.
    Monsieur Perkins, votre question a pris 40 secondes. Vous l'avez interrompu au bout de huit secondes environ, et il n'a pas fini sa réponse. Vous n'avez pas le temps de poser une autre question parce que votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur le ministre, vous avez le temps de finir de répondre. Je vous en prie.
    Je vous remercie.
    Ce que je dirai, monsieur le président, c'est réfléchissons à ce qui vient d'être dit. Le député vient de laisser entendre que, s'il avait été au gouvernement, il aurait outrepassé les pouvoirs du gouvernement pour dicter aux fonctionnaires la façon dont ils devaient conclure des contrats.
    Évidemment, ils vont invoquer le Règlement parce qu'ils ne veulent pas que je soulève ce point.
(1910)
    Un instant, monsieur le ministre.
    Oui.
    Je demande qu'il soit précisé que le temps de parole est lié à la personne qui pose la question. Je ferai remarquer à la présidence qu'aucune convention ne dit que le ministre peut continuer de répondre au‑delà du temps attribué par séance pour répondre à la question. Je vous dirai, monsieur le président, qu'il serait extrêmement bénéfique que les temps de parole attribués pour les séries de questions soient respectés.
    Je vous remercie, monsieur Ellis.
    M. Perkins a posé sa question alors qu'il lui restait une minute et 19 secondes de temps de parole. Il a terminé sa question à 40 secondes de la fin de son temps de parole. Autrement dit, les 40 secondes restantes étaient pour le ministre Holland. Il a été sans cesse interrompu au cours de ces 40 secondes.
    Le ministre Holland peut finir de répondre. Ensuite, nous poursuivrons.
    J'invoque le Règlement. Les cinq minutes qui m'étaient attribuées l'étaient pour que je pose des questions et fasse des commentaires. J'aurais pu parler pendant la totalité de ces cinq minutes.
    Monsieur le président, je pense que votre interprétation est erronée. Ces cinq minutes se terminent à cinq minutes, que ce soit moi qui parle ou le témoin.
    Je vous remercie, monsieur Perkins.
    S'il y a un autre tour de table, j'attendrai avec plaisir que l'on me pose la question. On dirait qu'ils ne veulent pas entendre ma réponse, mais je serais heureux de répondre si des membres souhaitent entendre ma réponse.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Madame Atwin, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie le ministre et ses collaborateurs de leur présence ce soir. Il se fait tard.
    Je suis très heureuse de cette conversation pour de nombreuses raisons, surtout, je crois, parce que le pire de la pandémie est maintenant derrière nous. Nous avons tiré de nombreux enseignements de cette période très difficile. J'ai eu des centaines de conversations avec des concitoyens au sujet de cette période et des répercussions que nous ressentons encore dans la collectivité. Nous avons parlé de certaines craintes et de la désinformation. Nous avons parlé de l'approvisionnement. Nous avons également parlé de notre capacité de réagir à l'avenir.
    On m'interroge souvent sur notre capacité de production de vaccins interne ou nationale. Je sais que dans son rapport sur les vaccins contre la COVID‑19, la vérificatrice générale mentionnait que la capacité de production de vaccins du Canada était limitée et qu'il était donc tributaire de produits étrangers importés.
    Pourquoi en sommes-nous arrivés là?
    Je pense que nous n'avons pas fait les investissements nécessaires dans le passé et que c'est là une erreur des gouvernements successifs.
    J'ai eu l'occasion de visiter, en banlieue de Montréal, l'installation que Moderna construit pour que nous ayons cette capacité nationale. C'est ce que nous faisons pour les vaccins à ARNm. Sanofi construit également au Canada un centre qui produira le vaccin antigrippal.
    J'aimerais, si vous le permettez, souligner ce que je n'ai pas été autorisé à souligner plus tôt.
    Je vous en prie.
    C'est un point important, car les Canadiens doivent bien comprendre le rôle du gouvernement. Quand un gouvernement est élu et que vous avez l'honneur d'être ministre, il ne vous est pas permis de dicter les termes d'un contrat. Ce serait tout à fait inapproprié.
     Vous approuvez un contrat, mais il serait tout à fait inapproprié de se mêler des détails d'un contrat, de dicter à un ministère la façon de procéder et de s'immiscer dans la rédaction du contrat. Il est très inquiétant, selon moi, d'entendre les conservateurs dire qu'ils n'auraient pas signé d'accords d'achat anticipé et qu'ils n'auraient pas investi dans ces différentes options. Je ne les entends pas dire qu'ils auraient attribué le marché à une seule entreprise. Ce que j'entends, c'est qu'ils n'auraient conclu aucune sorte d'accord. Ils n'auraient pas écouté les experts sur les conditions à accepter pour réussir à conclure ces accords d'achat anticipé.
    Ce que nous entendons très clairement de la part des conservateurs, c'est que s'ils avaient été au pouvoir — et Dieu merci, ce n'était pas le cas —, ils n'auraient pas signé d'accords d'achat anticipé. Autrement dit, ce pays n'aurait pas eu de vaccins, ce qui aurait été catastrophique pour la santé publique. Dieu merci, cela ne s'est pas produit.
    À ce propos, qu'a fait le Canada pour exercer une diligence raisonnable à l'égard des sept fabricants de vaccins avec lesquels il a conclu des accords d'achat anticipé?
    Ce serait peut-être une question à poser aux hauts fonctionnaires.
    Il y avait un groupe de conseillers indépendant — le comité consultatif d'experts et le groupe de travail sur les vaccins. Ils ont évalué toutes les différentes technologies disponibles. Ils ont recommandé que le Canada constitue un portefeuille et conclue des accords d'achat anticipé. Ce portefeuille, composé des sept accords d'achat anticipé que nous avons conclus, comprenait une grande variété de technologies allant de l'ARNm aux sous-unités protéiques, en passant par les vaccins à base de vecteurs viraux et différentes plateformes, y compris la technologie novatrice de Medicago à base de plantes.
(1915)
    Monsieur le ministre, dans vos observations préliminaires, vous avez notamment souligné que le processus décisionnel visait en réalité à faire en sorte que tout le monde ait accès à ces vaccins vitaux. Je pense aux populations vulnérables dans tout le pays. Je pense aux collectivités autochtones, et je suis particulièrement fière de la façon dont le gouvernement a réagi en ce qui concerne les collectivités des Premières Nations.
    Pouvez-vous nous expliquer comment cette diversification de portefeuille nous a vraiment aidés à réagir, à inclure toutes les populations potentiellement plus vulnérables ou plus à risque?
    Tout d'abord, faisons l'éloge de la science. Le nombre de vaccins qui ont fini par être disponibles et efficaces témoigne de l'ingéniosité humaine et est tout à fait incroyable. Ce qui est finalement arrivé, c'est que nous avons disposé de différents vaccins pour les Canadiens et que nous avons donc pu déployer exactement ceux qui étaient nécessaires, en fonction de la situation sanitaire, et ce, de différentes manières.
    Bien entendu, si nous n'avions pas conclu ces accords d'achat anticipé et si nous n'avions pas parié sur ces sept options, toutes examinées par un groupe d'experts indépendants... D'ailleurs, il a finalement eu raison, puisqu'il a choisi plusieurs des vaccins qui ont marché. S'il ne l'avait pas fait, nous n'aurions pas connu ce succès.
    Dans les collectivités autochtones, comme vous le soulignez, parce que nous disposions de la bonne combinaison et que nous avions l'approbation des vaccins, nous avons atteint un taux de vaccination très élevé, ce qui a permis de sauver un nombre incalculable de vies. C'est une réussite remarquable.
    Me reste‑t‑il du temps, monsieur le président?
    Il vous reste une vingtaine de secondes, si vous avez une question courte.
    Je remercie les représentants du ministère, en particulier, de tout leur travail pendant cette période.
    Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence aujourd'hui.
    Je vous remercie, madame Atwin.

[Français]

     Madame Vignola, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, y avait-il des clauses de résiliation dans les contrats, que ce soit dans celui conclu avec Medicago ou dans tout autre contrat, oui ou non?

[Traduction]

[Français]

    Merci. Ces clauses font-elles partie des dispositions confidentielles de tout contrat?

[Traduction]

    Oui, nous demandons qu'elles soient confidentielles.

[Français]

    D'accord.
    Monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir exigé le remboursement des sommes par Mitsubishi?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit, compte tenu de la manière dont l'accord d'achat anticipé était structuré, nous savions que ces sommes seraient perdues. Soyons très clairs. Les accords d'achat anticipé étaient structurés avec sept fournisseurs différents. S'ils ne produisaient pas de vaccins, ce serait de l'argent perdu. Nous les avons conclus en connaissance de cause.

[Français]

    Merci.
    Une analyse des risques concernant Medicago a-t-elle été faite avant de procéder à l'octroi de sommes? Le cas échéant, serait-il possible de la fournir au Comité?

[Traduction]

    J'ai parlé du Groupe de travail sur les vaccins contre la COVID‑19. Il s'agissait d'une équipe multidisciplinaire indépendante composée d'experts externes et de chefs de file de l'industrie. C'est ce groupe qui a déterminé ce qui était scientifiquement viable. Encore une fois, je pense qu'il est tout à fait remarquable qu'ils aient identifié les vaccins qui ont marché, y compris celui de Medicago.

[Français]

    Cette analyse peut-elle être déposée au Comité?

[Traduction]

    Non, ce n'est pas possible.

[Français]

    Monsieur Sheppard, qu'est-ce qui fait que cette analyse ne peut pas être déposée au Comité?

[Traduction]

    À ma connaissance, les détails des délibérations et des recommandations étaient des communications ministérielles et ils sont donc confidentiels à l'heure actuelle

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame Vignola.
    La parole est maintenant à M. Davies pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, le 24 février 2022, Santé Canada a annoncé, dans un communiqué de presse, qu'il autorisait le vaccin contre la COVID‑19 de Medicago. Le même jour, Medicago a publié un communiqué de presse, et Takashi Nagao, l'actuel PDG de Medicago, a déclaré que l'entreprise était reconnaissante au gouvernement du Canada pour son soutien à la mise au point de ce nouveau vaccin et qu'elle fabriquait des doses pour commencer à honorer sa commande.
    Pourquoi n'avons-nous pas reçu les doses?
    Comme je l'ai indiqué, après l'approbation, il est devenu évident que nous disposions des doses nécessaires. Avec les autres vaccins disponibles, les doses de Medicago, division de Mitsubishi, n'étaient pas nécessaires.
    Le gouvernement a‑t‑il informé Medicago que nous n'aurions pas besoin des doses?
(1920)
    Je ne suis pas certain de pouvoir répondre sur ce genre de détail. Je vais céder la parole au Dr Sheppard.
    Les discussions se poursuivaient avec Mitsubishi, et plus particulièrement avec Medicago, sur nos besoins et sa capacité de production. Elles se sont poursuivies du moment de l'approbation jusqu'à, comme vous l'avez déjà...
    Est‑ce que le Canada leur a dit que nous n'avions pas besoin des doses de vaccin parce que nous en avions déjà assez?
    Comme vous l'avez mentionné, la production commerciale a d'abord posé des problèmes. Quand ils ont été en mesure de fournir le vaccin à l'échelle commerciale, ils ont été informés que nous n'en avions pas besoin, car nous avions tous les autres vaccins.
    En février 2023, Mitsubishi Chemical Group a annoncé sa décision de cesser toutes ses activités chez Medicago. N'avions-nous pas une clause dans le contrat qui disait que si Medicago fermait ses portes et ne produisait pas les vaccins que nous avions payés, nous serions remboursés?
    Je peux répondre.
    Encore une fois, la nature des accords d'achat anticipé veut que l'on prenne un risque, parce qu'il y avait sept options viables, toutes avec de grandes entreprises, options dont nous nous attendions à ce qu'elles restent viables, mais il y avait un risque. Étant donné ce risque, nous avons veillé à ce que...
    Monsieur le ministre, si l'entreprise cesse son activité et ne remplit pas sa part du marché, il ne s'agit pas d'un risque. Il s'agit d'une rupture de contrat par une des parties.
    Si elle a cessé ses activités, c'est à cause du succès des autres vaccins.
    Ce n'est pas ce qui a été dit. Mitsubishi a déclaré que Medicago cessait ses activités en raison de difficultés rencontrées pour passer à une production commerciale. C'est ce que disait son propre communiqué de presse sur les raisons de la fermeture.
    C'est exact, car comme sur tout marché, il y a la concurrence. Si Medicago n'avait pas eu de concurrents, si elle avait été la seule sur le marché, elle aurait continué. En réalité, il y avait plein d'options de vaccin sur le marché.
    N'aurait‑il pas mieux valu au moins avoir les doses? Au moins, nous aurions quelque chose pour notre argent...
    Nous n'en avions pas besoin, et nos fournisseurs nous livraient les doses dont nous avions besoin.
    Je vous remercie.

[Français]

    C'est au tour de M. Paul-Hus de prendre la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre. Bonjour, monsieur Sheppard et mesdames Lourenco et Jeffrey.
    Monsieur le ministre, lorsque les ententes ont été conclues avec les sept compagnies, vous saviez qu'il y avait un problème. Quand le vaccin de Medicago a été autorisé et que l'OMS l'a refusé, nous avons posé des questions, mais tout le monde s'esquivait et personne ne voulait répondre.
    On sait maintenant que le gouvernement savait pertinemment qu'il y avait un problème, car il avait signé la Convention-cadre pour la lutte antitabac du 27 février 2005. La semaine passée, les fonctionnaires de Travaux publics et services gouvernementaux Canada l'ont confirmé. La directrice générale et la directrice générale adjointe ont confirmé que le gouvernement savait qu'il y avait un problème. Aujourd'hui, on apprend qu'on perd 323 millions de dollars et que le gouvernement a pris un risque.
    Est-ce que vous êtes prêt à admettre aujourd'hui que c'était un risque qui était connu et que vous êtes quand même allé de l'avant?

[Traduction]

    Tous les accords d'achat anticipé, sans exception, comportaient un risque connu, et d'abord, nous savions que les sept accords n'aboutiraient pas tous.
    Ensuite, comme je l'ai indiqué précédemment, le vaccin de Medicago a été autorisé le 24 février 2022. La décision de l'OMS est distincte de l'utilisation dans un contexte canadien, mais 100 %, les sept, comportaient des risques. Nous avons dû procéder ainsi parce qu'il était impossible de convaincre les entreprises d'accepter de conclure des accords d'achat anticipé sans mettre de l'argent sur la table pour garantir que leurs investissements seraient couverts.

[Français]

    Vous saviez pertinemment qu'il y avait un problème. Cela a été confirmé. Premièrement, vous saviez que Medicago n'aurait pas l'autorisation de l'OMS et que le Canada contrevenait à la Convention-cadre pour la lutte antitabac. Deuxièmement, après que le gouvernement fédéral y a investi 323 millions de dollars, cette compagnie est partie, sans rembourser le moindre argent.
    De son côté, le gouvernement du Québec avait également conclu une entente avec cette compagnie, mais il avait prévu des dispositions de remboursement et Mitsubishi a confirmé qu'elle rembourserait le gouvernement du Québec. Pourquoi le gouvernement fédéral n'a-t-il pas prévu ce genre de clauses ou, s'il y en avait, pourquoi ne les divulguez-vous pas?

[Traduction]

    Tout d'abord, je réfute totalement que nous ayons su qu'il y avait un problème. Le fait est que, comme je l'ai dit, la décision de l'OMS s'inscrivait dans le contexte de la disponibilité de toutes sortes d'autres vaccins. Cette décision était tout à fait distincte de celle prise au Canada, qui a été d'autoriser le vaccin, qui était, en fait, disponible. En réalité, le vaccin était disponible. La décision de l'OMS n'y a rien changé.
    Ensuite, la décision de l'OMS a été prise alors que toutes sortes d'autres vaccins avaient déjà été autorisés. Il ne convient pas de tenter de simplifier ainsi les choses.

[Français]

    C'est bon, monsieur le ministre.
    Le vaccin a été approuvé par le Canada. Vous avez dit tantôt que même si l'OMS n'était pas d'accord, on aurait pu s'en servir au Canada. Plusieurs citoyens ne voulaient pas avoir les autres vaccins, dont ceux de Pfizer et de Moderna, car c'étaient des vaccins à ARN messager, mais ces gens auraient voulu avoir celui de Medicago. Pourquoi ne pas avoir rendu ce vaccin disponible pour les citoyens qui aimaient mieux avoir un autre type de vaccin?
(1925)

[Traduction]

    Parce que nous avions déjà ce dont nous avions besoin. Vous avez raison — certains hésitaient à recevoir un vaccin à ARNm, mais nous disposions déjà d'autres options. En fait, c'est une des réussites de l'accord d'achat anticipé que nous avons conclu, car nous avions non seulement le vaccin à ARNm, mais aussi d'autres options. À ce moment‑là, le Canada disposait des vaccins dont il avait besoin et n'avait donc pas besoin de poursuivre avec Medicago. C'était, par conséquent, la bonne décision.

[Français]

     Je vais cependant revenir à ma question du début: admettez-vous avoir fait une erreur en concluant une entente avec Medicago?
     Il y avait déjà six autres compagnies dont les vaccins étaient en développement, et vous avez misé 323 millions de dollars sur une entreprise qui, de son prendre aveu, allait prendre beaucoup plus de temps à développer son vaccin et était loin d'être certaine du résultat. Ça lui a pris deux ans, moins de temps que ce qu'elle avait prévu, mais reste à savoir si c'était un risque inutile à ce moment-là.

[Traduction]

    Fondamentalement, non. Si j'avais été ministre de la Santé à l'époque, j'aurais pris cette décision à 100 %. C'était la bonne décision. Nous ne pouvions pas savoir quels accords parmi les sept aboutiraient. Je suis très fier non seulement du gouvernement, mais aussi des fonctionnaires qui ont conclu ces accords et veillé à ce que le Canada en bénéficie.
    Si je pouvais revenir en arrière en sachant ce que je sais aujourd'hui et ne pas signer un contrat, je ne le signerais certainement pas. Cependant, je n'avais pas ces connaissances. Personne ne les avait. Nul n'était devin.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    On aurait pu appeler JoJo Savard, la voyante.
    Je vous remercie, monsieur.

[Français]

    J'ai une dernière question, qui concerne les contrats.
    Lorsque j'étais au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, nous avons fait l'ensemble des vérifications sur Pfizer et Moderna pour avoir les prix. La ministre de la Santé de l'époque, Mme Anand, disait tout le temps que c'était secret. Pendant ce temps, les États‑Unis, Israël et l'Union européenne dévoilaient le prix de leurs vaccins. On sait que les Américains payaient 7 $ la dose. Au Canada, nous avons fait des calculs, et nous en sommes arrivés à environ 25 $.
    Pourquoi, aujourd'hui encore, sommes-nous incapables de savoir combien ont coûté les vaccins?

[Traduction]

    Quand nous concluons des contrats en tant que gouvernement, des ententes de confidentialité sont signées. À vrai dire, elles nous assurent que les entreprises signeront des contrats avec nous. Sans ses ententes, nous ne ferions affaire avec personne. C'est une condition sine qua non pour conclure des marchés, mais ce qui est important, c'est que le comité des comptes publics et le vérificateur général reçoivent les documents en version intégrale, non expurgée. À ce propos — si vous voulez bien m'accorder un instant —, je peux vous lire ce que la vérificatrice générale a dit lorsqu'elle a expliqué exactement... La vérificatrice générale a déclaré:
    Dans ces conditions, des paiements anticipés étaient exigés et des obligations d'achat d'une quantité minimale étaient imposées. En outre, le Canada disposait d'une capacité nationale de production de vaccins très limitée et dépendait donc des produits importés d'ailleurs dans le monde.
    Elle a ajouté:
Nous avons constaté que, bien qu'un processus non concurrentiel ait été utilisé, Services publics et Approvisionnement Canada a fait preuve de diligence raisonnable pour les sept compagnies de vaccins en procédant à des évaluations dans le but d'examiner la capacité financière des sociétés...
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Monsieur Ellis, vous avez la parole.
    Une fois de plus, je tiens à m'élever contre l'attitude démagogique du ministre et contre le fait qu'il dépasse largement les cinq minutes, en fait, de 50 secondes, ce qui va bien au‑delà des cinq minutes dont disposait le député conservateur. Et malheureusement, monsieur le président, cela donne au ministre l'occasion d'essayer d'épater la galerie avec la clairvoyance qu'il aimerait avoir, qu'il n'a pas ou qu'il pense avoir. Cette attitude est totalement inappropriée au Comité.
    Je vous remercie, monsieur Ellis.
    Il me semble qu'il y a un peu de démagogie de tout bord.
    J'ai un autre rappel au Règlement, monsieur le président.
    Vous avez la parole, au sujet d'un autre rappel au Règlement.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Étant donné que le ministre de la Santé libéral a voulu, deux ou trois fois ce soir, faire porter le chapeau au ministre de l'Industrie libéral au sujet de la propriété intellectuelle, il me semble que le Comité doit convoquer d'urgence le ministre de l'Industrie pour qu'il réponde de l'absence de propriété intellectuelle et de l'incapacité dont il a fait preuve de garder la propriété intellectuelle au Canada.
    D'après les propres critères du ministre, il n'est pas responsable. Dans le cadre du rappel au Règlement, pouvez-vous nous dire quand le ministre de l'Industrie comparaîtra devant le Comité?
     Je vous remercie, monsieur Perkins. Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement. Le ministre de l'Industrie a été invité. Nous n'avons pas encore réussi à arrêter de date, mais il a été invité.
    Nous allons passer au dernier intervenant, et il s'agit de M. Hanley, qui dispose de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence.
    Je remercie également les représentants du ministère de leur présence. Merci de répondre à quelques questions difficiles. Vous en avez aussi posé quelques-unes.
    Je reviens sur un thème abordé par ma collègue, Mme Atwin. Comment décririez-vous la capacité nationale de fabrication de vaccins du Canada avant mars 2020?
    C'est simple, elle était inexistante. La COVID‑19 a mis en lumière de nombreux aspects sur lesquels nous devions mieux faire. À l'époque, j'étais whip. Je me rappelle ce moment et je me souviens d'avoir examiné le plan parlementaire de préparation en cas de pandémie. Je l'avais demandé et on m'a donné une simple feuille de papier. Personne n'aurait pu imaginer ce qui allait arriver.
    Nous devons en tirer les leçons et notamment nous assurer de disposer d'une fabrication nationale. C'est pourquoi nous développons actuellement la capacité de mettre au point des vaccins à ARNm et des vaccins antigrippaux ici, au Canada. C'est très important. Pour l'industrie et pour la protection de la santé publique.
(1930)
    En effet.
    Pouvez-vous expliquer comment nous en sommes arrivés à cette situation où nous avons perdu toute capacité de fabrication de vaccins?
    Les gouvernements successifs, et plus particulièrement les conservateurs, ont procédé à des coupes sombres dans ces domaines. Je pense que c'est l'une des choses auxquelles nous devons faire très attention en matière de santé publique. Les conservateurs parlent de réduire les dépenses et ils doivent donc le faire. On peut réduire les dépenses, notamment dans la santé publique, mais on n'en voit pas toujours aussitôt les conséquences.
    Lorsqu'il y a une urgence sanitaire ou lorsque, au fil du temps, on constate les conséquences d'un sous-investissement dans la santé publique... Ces réductions se révèlent, évidemment, être beaucoup plus coûteuses et préjudiciables.
    On pourrait donc dire que les gouvernements plus imprévoyants ont tendance à réduire les dépenses de santé publique lorsqu'ils constatent le succès de programmes, plutôt que d'investir de manière proactive en prévision de situations d'urgence et de crises.
    Si l'on prend au pied de la lettre les commentaires des conservateurs aujourd'hui, ils n'auraient pas conclu d'accords d'achat anticipé. Ils n'auraient pas eu de vaccins pour le pays. On peut donc se demander, avec toutes les réductions de dépenses qu'ils annoncent qu'ils feraient, s'ils investiraient ou pas dans la fabrication nationale.
    Quand ils parlent de réduire encore et encore les dépenses, mais sans préciser de quelles dépenses il s'agit... Nous devons nous pencher sur leur passé. Ils ont décidé de faire des coupes dans des domaines comme la santé publique, ce qui a eu des effets désastreux.
    Je vous remercie.
    En ce qui concerne les sept accords d'achat anticipé, diriez-vous qu'il s'agit, en général, d'une atténuation des risques — le fait d'avoir sept accords portant sur différentes technologies vaccinales?
    Tout à fait. Nous devions, selon moi, prendre un pari sur toutes les options viables. Bien sûr, nous n'avons pas pris cette décision. Il y avait un groupe externe composé d'experts en virologie et en immunologie, ainsi que de dirigeants de l'industrie. Ils ont été réunis pour conseiller le gouvernement sur les options viables pour que nous puissions ensuite conclure des accords d'achat anticipé.
    Encore une fois, c'est facile maintenant. Mme Atwin parlait du contexte actuel où nous nous sentons dans une large mesure en sécurité. Revenons au début de la pandémie. Aucun de nous ne se sentait en sécurité. Nous étions terrifiés à l'idée de ce qui allait arriver à nos êtres chers.
    Si le gouvernement avait décidé de suivre les conseils dont parlaient les conservateurs — ne pas conclure d'accords d'achat anticipé et laisser passer la tempête pour voir ce qui arriverait —, je n'ose imaginer les milliers de vies qui auraient été perdues.
    Je vous remercie.
    J'ai deux ou trois autres questions.
    À votre avis... Je sais que vous n'étiez pas impliqué en tant que ministre. Il est évident que cette décision a été, comme vous l'avez dit, recommandée par un groupe d'experts. Cependant, estimez-vous que Medicago faisait partie des candidats choisis en fonction de leurs propres mérites, ou la constitution d'une capacité de production nationale a‑t‑elle aussi pesé sur cette décision? Ces deux facteurs distincts sont-ils entrés en considération?
    Non. Le choix s'est fait avant tout sur l'aspect technique. Il s'agissait d'une technologie novatrice à base de plantes. La plupart des vaccins sont mis au point à partir d'œufs. Bien sûr, nous disposons maintenant de l'ARNm, mais le fait d'avoir d'autres options... Nous ne pouvons imaginer ce que cela représentera pour nous. Nous n'avons pas besoin de Medicago pour l'instant, mais cette technologie novatrice pourrait très bien sauver quantité de vies un jour. Nous ne savons pas comment cette pandémie, des pandémies futures ou d'autres menaces virales évolueront. Disposer de plus d'options est donc une excellente chose.
    Cependant, la valeur technique et scientifique de Medicago existait, comme en témoigne le fait qu'elle a produit un vaccin viable.
    Je vous remercie, monsieur Hanley.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Voilà qui conclut nos séries de questions.
    Nous vous remercions sincèrement de vous être rendu disponible. Je dois dire que je partage les paroles aimables que vous avez adressées à votre équipe pour le travail qu'elle a accompli durant toute cette période. Merci à toutes et à tous. Vous pouvez rester, mais vous êtes libres de partir.
    Chers collègues, nous allons suspendre la séance, car nous devons vérifier la qualité du son pour le prochain groupe.
    La séance est suspendue pendant cinq minutes environ.
(1935)

(1940)
    Nous reprenons nos travaux.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 16 mai 2022, le Comité reprend à présent son étude sur la santé des femmes.
    Comme nous avons quelques participants à distance, je préciserai ces quelques points à leur intention.
    Vous avez accès à l'interprétation en bas de votre écran. Vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Veuillez ne pas faire des captures d'écran ou prendre de photos.
    Je vais accueillir notre groupe de témoins. Nous recevons aujourd'hui, à titre personnel, le Dr Steven Narod, scientifique principal.

[Français]

    Nous accueillons aussi Jacques Simard, qui est professeur titulaire au Département de médecine moléculaire de l'Université Laval.

[Traduction]

    Nous recevons également la Dre Anna Wilkinson, docteure en médecine. Nous recevons Jennie Dale, cofondatrice et directrice exécutive de Dense Breasts Canada, qu'elle représente, et la Dre Paula Gordon, qui comparaissent toutes deux par vidéoconférence.
    Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour présenter vos observations préliminaires.
    Nous allons commencer par le Dr Narod.
    Vous avez la parole. Soyez le bienvenu.
(1945)
    Je suis professeur à l'École de santé publique Dalla Lana de l'Université de Toronto et je suis reconnaissant envers le gouvernement fédéral. Je suis titulaire de la chaire de recherche du Canada sur le cancer du sein, que j'occupe depuis 21 ans. Je suis professeur au Women's College Hospital et, depuis 25 ans, je me consacre presque exclusivement au cancer du sein.
    La détection précoce et le dépistage font partie de mes centres d'intérêt. En 2014, j'ai publié un article considéré comme faisant date, en quelque sorte. Je suis l'auteur principal responsable de l'analyse statistique et de la rédaction de l'étude nationale canadienne sur le dépistage du cancer du sein, qui portait sur la mammographie.
    Dans cette étude, qui a débuté en 1983, nous avons pris 90 000 femmes dans tout le Canada et nous avons constitué, à partir de ce groupe, un échantillon aléatoire de 45 000 femmes — donc choisies au hasard — qui passeraient une mammographie tous les cinq ans. Les 45 000 autres ont subi un examen physique. Nous les avons suivies pendant 25 ans, et j'ai publié un article en 2014 avec mon mentor, le Dr Tony Miller. Après 25 ans de suivi, nous avons constaté que le nombre de décès dus au cancer du sein était presque exactement le même chez les femmes qui avaient passé cinq mammographies, soit 500 décès, que chez celles qui n'en avaient pas passé, soit 505 décès.
    J'en ai conclu que la mammographie permettait une détection précoce. Les cancers détectés par mammographie étaient plus petits. Ils étaient moins susceptibles d'être des cancers avec atteinte ganglionnaire. En outre, la survie des femmes dont le cancer avait été détecté par mammographie était bien meilleure, mais malheureusement, sans que cela réduise le nombre de décès.
    En fait, 177 femmes dont le cancer du sein non palpable a été détecté par la mammographie — autrement dit, le cancer du sein a été découvert par la mammographie — étaient encore en vie au bout de 30 ans. Je crois que ces 177 femmes pensaient que la mammographie leur avait sauvé la vie et elles en témoignaient en disant: « Nous croyons vraiment aux mammographies. J'ai passé une mammographie et elle a détecté mon cancer du sein avant qu'il ne soit palpable, avant que l'on sente une masse. » Pourtant, le nombre de décès restait le même.
    L'étude a été critiquée. Dans une large mesure, les gens critiquent ce qu'ils n'aiment pas. J'ai écrit plusieurs centaines d'articles — 730 articles sur le cancer du sein —, et c'est probablement celui qui a suscité le plus de réactions, en grande partie, selon moi, parce que nous avons montré que nous ne croyions pas que la mammographie pouvait réduire la mortalité due au cancer du sein. L'article a fait l'objet de nombreuses allégations, généralement dans la presse non spécialisée.
    En tout cas, j'ai pris les allégations au sérieux, j'ai repris les données, je les ai toutes examinées pour voir si les allégations concordaient avec les résultats et je suis arrivé à la conclusion que non. Je considère que l'article répond à la norme en matière de recherche scientifique. Je pense que l'étude reste la meilleure réalisée sur le dépistage du cancer du sein, et je pense que les résultats sont valides.
    Je pourrais continuer, mais est‑ce que mes cinq minutes sont terminées?
    Il vous reste une minute, si vous voulez l'utiliser.
    Il me reste une minute? D'accord.
    Cela fait 25 ans que j'étudie le cancer du sein sous toutes ses formes. J'étudie surtout la détection précoce. Nous devons réfléchir à l'idée que la mammographie est efficace. La mammographie détecte des cancers lorsqu'ils sont petits et sans atteinte ganglionnaire. Il n'y a aucun doute à cet égard. Le pronostic est alors bon.
    J'ai consacré les cinq dernières années à essayer de comprendre pourquoi la mammographie ne sauve pas de vies. Je suis arrivé à une conclusion différente de celle de la plupart des autres médecins de la planète qui est que, si le cancer du sein doit se propager, il le fera très tôt. Il y a un type de cancer du sein qui devient métastatique très tôt et un autre qui ne devient pas métastatique au cours de son évolution clinique.
    Au cours de l'année écoulée, j'ai écrit un ouvrage de 300 pages sur le sujet. Je le terminerai demain dans le train de retour. J'ai relu la première moitié aujourd'hui. Je relirai l'autre moitié demain en rentrant à la maison.
    Quoi qu'il en soit, je remercie le Comité de m'avoir invité à exprimer mes opinions.
(1950)
    Je vous remercie, docteur Narod.
    Ce sont des opinions. Autrement dit, il n'y a pas de faits. Il y a des interprétations scientifiques. Il y a les faits et ensuite l'interprétation de ces faits. Nous avons tous notre propre façon d'interpréter les données.
    Je vous remercie, docteur Narod. Je suis sûr que nous aurons l'occasion d'approfondir le sujet au cours des séries de questions.

[Français]

    Monsieur Simard, je vous souhaite la bienvenue au Comité. Vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Je remercie le Comité de nous donner l'occasion d'exposer une partie de nos travaux.
    Depuis 21 ans, je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada en génétique du cancer. Je suis également membre de la Société royale du Canada.
    Un programme de dépistage sera viable s'il présente plus d'avantages que d'inconvénients, s'il est rentable, s'il peut être mis en œuvre, s'il est accepté par les utilisatrices et les prestataires de services, et si un accès équitable est garanti.
    À l'heure actuelle, les programmes de dépistage du cancer du sein décident de l'admissibilité en fonction de l'âge et ciblent principalement les femmes âgées de 50 à 74 ans en leur proposant une mammographie tous les deux ans. Cependant, le risque de développer un cancer du sein varie beaucoup d'une femme à l'autre. Il n'existe pas de lignes directrices nationales pour le dépistage des personnes considérées comme à haut risque. Les protocoles de dépistage varient d'une province à l'autre, tout comme la définition d'un risque élevé de développer un cancer du sein.
    Généralement, les femmes sont considérées comme étant à haut risque en fonction des antécédents familiaux de cancer du sein, suivis d'un test de dépistage des mutations des gènes BRCA1 et BRCA2. Souvent, ce sont la personne concernée et son prestataire de soins qui prennent l'initiative ponctuelle d'entamer ce processus d'identification, plutôt qu'il y ait des stratégies systémiques d'identification axées sur la population. Cette approche ne tient pas compte des femmes qui n'ont pas d'antécédents familiaux connus, mais qui ont une prédisposition génétique significative, ni des femmes à haut risque en raison de la combinaison d'autres facteurs de risque, comme le risque polygénique, le mode de vie, les facteurs hormonaux et la densité mammographique du sein.
    Les scores de risque polygénique représentent l'effet combiné de multiples variantes génétiques sur le risque de cancer identifié par des études d'association à l'échelle du génome — c'est‑à‑dire l'approche génomique — et ils fournissent une solide approche de la prédiction du risque qui peut permettre de repérer beaucoup plus de personnes à risque élevé ou faible de cancer que le dépistage fondé uniquement sur l'âge. À cet égard, des outils complets de prédiction du risque, incluant des facteurs de risque génétiques et non génétiques, se sont révélés prometteurs pour fournir une prédiction personnalisée du risque et éclairer les stratégies de dépistage du cancer.
    Un programme de stratification des risques suppose d'évaluer le risque de cancer du sein pour chaque femme dans la population, de stratifier la population en plusieurs groupes de risque, de classer les personnes par groupes de risque correspondants et d'adapter la stratégie de dépistage à chaque groupe de risque. Avec cette approche, certaines femmes pourraient commencer le dépistage mammographique plus jeunes, avoir des intervalles de dépistage différents ou subir un dépistage complémentaire par une autre modalité d'imagerie, comme l'IRM. En outre, les femmes considérées comme présentant le risque le plus élevé de cancer du sein pourraient se voir proposer un traitement préventif prophylactique.
    Les études de simulation réalisées jusqu'à présent montrent que le dépistage stratifié en fonction du risque permet un meilleur compromis entre avantages et inconvénients. En concentrant des efforts de dépistage plus intensifs sur les personnes à haut risque, il est possible de détecter les cancers plus tôt dans ce groupe, tout en réduisant les dépistages inutiles dans les populations à faible risque. Cette approche ciblée pourrait conduire à une détection plus précoce et à de meilleurs résultats, tout en réduisant le surdiagnostic et le surtraitement. En outre, ces études ont montré que les programmes de dépistage stratifiés en fonction du risque sont plus rentables que le dépistage actuel fondé sur l'âge, ce qui permettrait une utilisation plus efficace des ressources des systèmes de santé.
    Depuis 25 ans, je suis le chercheur principal d'une équipe internationale interdisciplinaire. Notre dernier projet à grande échelle s'intitule « Évaluation personnalisée du risque pour la prévention et le dépistage précoce du cancer du sein: intégration et mise en œuvre ». Il s'agit de la première étude qui fournira des données concrètes sur la mise en œuvre optimale des approches dans le système de santé canadien. L'étude PERSPECTIVE I&I utilise les ressources disponibles dans le cadre du programme de dépistage existant, y compris l'infrastructure, la collecte de données, les méthodes et les outils d'analyse. Cela permettra une intégration transparente dans l'infrastructure de soins de santé existante et facilitera l'adoption dans la pratique clinique.
    Notre projet éclairera sur la collecte d'échantillons de salive et de données, à partir d'un questionnaire, sur les risques à l'échelle de la population, les préférences en matière de communication relative aux risques, les conséquences psychologiques et émotionnelles de la communication de renseignements relatifs aux risques de cancer du sein, l'adhésion aux recommandations de dépistage fondées sur les risques, les résultats du dépistage — taux de détection du cancer, taux de faux positifs, stade du diagnostic —, en utilisant des niveaux de risque multifactoriels, ainsi que la contribution relative des facteurs de risque autodéclarés, de la densité mammographique et du score de risque polygénique aux estimations du niveau de risque de cancer du sein par l'outil de prédiction complet CanRisk.
(1955)
    Cette évaluation vise à concilier la précision de l'évaluation des risques et l'aspect pratique de la collecte de ces données dans la population.
    La définition de protocoles de dépistage permettra d'optimiser le rapport coût-efficacité et l'équilibre entre les avantages et les inconvénients d'un programme de dépistage fondé sur la stratification des risques. Nous cherchons également une stratégie pour améliorer la préparation organisationnelle de soins de santé à la mise en œuvre d'un programme de dépistage du cancer du sein fondé sur les risques.
    Pour l'instant, nous avons appris qu'il est possible de collecter des échantillons et des données pour l'estimation des risques. Plus de 4 000 femmes en Ontario et au Québec ont participé à cette étude de mise en œuvre en situation réelle. Le dépistage fondé sur le risque est acceptable pour la femme et pour le prestataire de soins de santé. L'utilisation de niveaux de risque multifactoriels par rapport à l'âge, aux antécédents familiaux ou à la densité mammaire seule peut permettre d'arriver à des recommandations plus appropriées en réduisant le surdépistage chez les femmes présentant un risque moyen et en augmentant le dépistage chez les femmes présentant un risque plus élevé.
    Merci de votre attention.
    Je vous remercie, professeur Simard.
    La parole est maintenant à la Dre Wilkinson.
    Bienvenue au Comité. Vous avez la parole.
     Je remercie le comité pour l'important travail qu'il accomplit, en particulier aujourd'hui, Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes.
     Très peu de gens constatent autant que moi l'impact des lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein. Je suis médecin de famille; je forme les futurs médecins de famille et je suis un médecin généraliste oncologue qui traite dans les services de cancérologie les patients trop malades pour rester à la maison. Je collabore avec Statistique Canada pour comprendre à quel point les lignes directrices canadiennes influent sur les résultats observés au sujet du cancer du sein. Si je suis devenue chercheuse, c'est presque par accident. Je ne comprenais pas pourquoi, en tant que médecin de famille, on me disait de ne pas faire passer de tests de dépistage aux femmes dans la quarantaine, alors que dans ma pratique de généraliste oncologue je voyais mourir d'un cancer un grand nombre de mes patientes dans la quarantaine et au début de la cinquantaine.
     Si vous preniez ma place, vous sauriez ce que c'est que d'annoncer à une femme dans la quarantaine qu'elle est atteinte d'un cancer incurable. Je parle avec ces femmes et leurs familles, je m'assois avec elles, je les accompagne dans leur cheminement vers les soins palliatifs. Ce n'est pas quelque chose qu'on oublie. Le souvenir de ces femmes demeure avec moi, tout comme celui des enfants et des conjoints qui les ont accompagnées.
     Au Canada, les recommandations en matière de dépistage sont formulées par le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs. En 2011, cette instance s'est prononcée contre le dépistage pour les femmes dans la quarantaine. Certaines provinces ont continué à offrir des programmes de dépistage, et d'autres non, ce qui permet de mener une expérience à l'échelle nationale. En collaboration avec Statistique Canada, Dre Seely et moi-même avons utilisé ces différences provinciales dans les pratiques de dépistage pour analyser l'impact des lignes directrices du groupe d'étude canadien.
     Après avoir examiné plus de 55 000 cas de cancer du sein sur une période de sept ans, nous avons constaté qu'après la modification des lignes directrices en 2011, la proportion de cancers du sein incurables ou métastatiques avait crû de 10 % chez les femmes dans la quarantaine et la cinquantaine. Une comparaison entre les provinces qui pratiquaient le dépistage et celles qui ne le faisaient pas a révélé que les femmes dans la quarantaine présentaient des cancers beaucoup plus avancés et un taux de survie beaucoup plus faible lorsqu'il n'y avait pas eu de dépistage. Nous avons également constaté un effet d'induction, en vertu duquel les cancers étaient beaucoup plus avancés chez les femmes dans la cinquantaine qui n'avaient pas eu de dépistage dans la quarantaine. Nous avons observé que le nombre total de cas de cancer du sein diagnostiqués chez les femmes dans la cinquantaine était sensiblement plus élevé lorsqu'elles n'avaient pas bénéficié de dépistage dans la quarantaine.
     J'ai également étudié le coût du traitement du cancer du sein. Le traitement d'un seul cas de cancer du sein métastatique coûte un demi-million de dollars. À titre de comparaison, une mammographie coûte 68 $.
     Dans ma collaboration avec Statistique Canada, j'ai constaté que c'est dans la quarantaine qu'on diagnostique le plus de cancers du sein chez les femmes non blanches — noires, autochtones, chinoises, sud-asiatiques et philippines —, et dans la soixantaine chez les femmes blanches. Autrement dit, la majorité des cancers du sein chez les femmes non blanches sont diagnostiqués avant même que le dépistage ne commence. Enfin, nous avons constaté que l'incidence du cancer du sein a fortement augmenté depuis quelques années chez les femmes plus jeunes.
     Actuellement, je suis membre experte de l'équipe d'examen des données probantes, dans le cadre du processus de mise à jour des lignes directrices. Notre équipe crée la base de données probantes à partir de laquelle le groupe d'étude établit ses lignes directrices. Notre équipe s'était prononcée contre l'utilisation des essais remontant à 40 à 60 ans qui étaient effectués auprès de populations essentiellement blanches à l'aide de technologies primitives et aujourd'hui obsolètes. Cette recommandation correspond aux nouvelles lignes directrices du groupe d'étude qui existe des États-Unis.
     Cependant, le groupe d'étude canadien a imposé l'inclusion de ces essais obsolètes, garantissant ainsi que les lignes directrices demeureraient inchangées. Nous avons écrit au ministre Holland pour exiger que la base de données probantes soit établie de manière indépendante. Je doute que les nouvelles lignes directrices soient modifiées, car j'estime qu'il s'agit d'un processus déficient, avec des coprésidents qui font publiquement état de leur parti pris contre le dépistage, qui accordent une importance excessive à ses préjudices et qui sont peu enclins à adapter leurs méthodologies aux données modernes.
     Les États-Unis et plusieurs provinces canadiennes ont recommandé le dépistage pour les femmes de 40 à 49 ans. Cependant, les médecins de famille respectent profondément les lignes directrices du groupe d'étude canadien et en suivent les prescriptions, même si elles vont à l'encontre des désirs de la patiente. Tant que le groupe d'étude ne recommandera pas le dépistage chez les femmes dans la quarantaine, la majorité des médecins de famille canadiens ne le conseilleront pas à leurs patientes, même quand il existe un programme provincial de dépistage.
     Voici ce que je demande au comité.
     Voir à ce que le groupe d'étude suive un processus transparent qui repose sur des données inclusives et modernes. Nous ne pouvons pas fonder nos recommandations de 2023 sur des essais qui remontent à 1963.
     Faire en sorte que les experts puissent voter et que le processus soit supervisé, de manière à empêcher que les préjugés individuels en dictent le résultat.
(2000)
    En outre, à plus long terme, il faudrait que les lignes directrices soient élaborées selon un processus qui tienne compte des nouvelles données, soient fréquemment révisées et soient assujetties à un mécanisme qui en évalue l'efficacité après leur mise en place.
     Merci.
    Merci, docteure Wilkinson.
     Nous allons maintenant entendre les représentantes de Dense Breasts Canada, Mme Dale et Dre Gordon.
     Je crois que vous avez une déclaration commune; vous disposez donc de cinq minutes, que vous pouvez utiliser à votre guise.
     Je vous souhaite la bienvenue.
    Mon nom est Dre Paula Gordon; je vais commencer.
    Tout d'abord, merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
     Je suis radiologiste du sein. J'exerce depuis plus de 40 ans, j'interprète des mammographies et des échographies, je fais des biopsies à l'aiguille et d'autres interventions sur le sein. J'ai travaillé bénévolement pendant sept ans comme conseillère médicale auprès de Jennie Dale et Dense Breasts Canada, en militant en faveur d'un dépistage optimal du cancer du sein.
     Le cancer du sein est fréquent. Une Canadienne sur huit en recevra le diagnostic durant sa vie. Les mammographies sont des radiographies à faible dose des seins, qui nous permettent de détecter précocement les cancers, avant l'apparition de symptômes. Le diagnostic à un stade précoce permet de proposer des traitements moins intensifs et d'obtenir de meilleurs résultats. Le taux de survie sur cinq ans pour un cancer du sein de stade 1 est de 99 %, mais il n'est que de 22 % au stade 4.
     Certains seins contiennent plus de tissu glandulaire normal que de graisse; on parle alors de « seins denses ». Ces personnes ont un risque plus élevé de développer un cancer, et les mammographies sont moins efficaces pour détecter leurs cancers. Selon le risque encouru par la patiente, ces personnes peuvent profiter d'une imagerie supplémentaire, généralement une échographie ou une imagerie par résonance magnétique.
     Les lignes directrices actuelles du groupe d'étude recommandent de ne pas faire de dépistage chez les femmes de moins de 50 ans et de plus de 74 ans, de ne pas faire de dépistage supplémentaire pour les personnes ayant des seins denses et de ne pas pratiquer l'autoexamen des seins. Les experts ne sont pas d'accord avec ces lignes directrices, qui ont été élaborées à partir d'une méthode d'évaluation des risques déficiente. Ce même processus a nui à la formulation d'autres lignes directrices sur la santé des femmes. Le groupe d'étude canadien est un organisme indépendant qui ne rend de comptes à personne et qui n'est pas tenu de surveiller l'impact de ses lignes directrices.
     Dans le passé, le groupe d'étude a délibérément exclu les experts en la matière de ses comités chargés d'élaborer les lignes directrices. En l'absence d'experts, le groupe d'étude a fondé ses recommandations sur des essais vieux de plusieurs décennies qui portaient presque exclusivement sur des femmes blanches, et qui sont donc discriminatoires envers les femmes racisées. Les lignes directrices sont discriminatoires à l'égard des femmes ayant des seins denses et des femmes de plus de 74 ans, qui affichent le plus haut taux de mortalité par cancer du sein. Les lignes directrices ont entraîné une inégalité d'accès interprovinciale. L'accès d'une femme canadienne à un test de dépistage précoce du cancer du sein ne devrait pas dépendre de son lieu de résidence.
     Le groupe chargé de la mise à jour de 2024 inclut des médecins de famille, une infirmière praticienne, un gastro-entérologue et un spécialiste des reins. Pour la première fois, il comprend quatre experts; cependant, le manuel des méthodes du groupe d'étude précise que les experts cliniques et les experts en contenu ne donnent pas leur avis et ne votent pas sur l'orientation ou la force des recommandations.
     Pour faire en sorte que les Canadiennes aient accès de manière équitable et optimale au dépistage du cancer du sein, nous demandons qu'on réforme le processus d'élaboration des lignes directrices afin d'y incorporer une supervision appropriée, l'utilisation des recherches courantes et une contribution significative des experts.
     Je cède la parole à Mme Dale.
(2005)
    Je me nomme Jennie Dale, et je suis une patiente atteinte d'un cancer du sein. En 2016, j'ai cofondé Dense Breasts Canada, un organisme sans but lucratif qui fait valoir l'importance et qui milite en faveur d'un dépistage optimal du cancer du sein. J'ai parlé avec des centaines de patientes ayant un cancer du sein un peu partout au Canada, et c'est un honneur pour moi de les représenter ce soir.
     Je pourrais passer des heures à vous parler des préjudices causés par les lignes directrices actuelles sur le dépistage du cancer du sein. Je pourrais vous parler de Jennifer et Carolyn, présentes ici ce soir. Toutes deux ont reçu un diagnostic de cancer du sein à stade avancé, après que les lignes directrices actuelles les eurent empêchées d'obtenir un dépistage dans la quarantaine. Au lieu d'une lumpectomie et d'une radiothérapie, elles ont subi des traitements agressifs: mastectomie, chimiothérapie et dissection des ganglions lymphatiques. Je pourrais vous dire qu'elles ont toutes deux manqué des années de travail cruciales, que leurs familles ont eu peur de les perdre et qu'elles craignent aujourd'hui l'apparition de métastases. Je pourrais vous dire qu'elles vivent avec des douleurs persistantes et des effets secondaires débilitants, et je pourrais vous dire qu'aux yeux des membres du groupe d'étude qui ont établi ces lignes directrices, il s'agit là de coûts acceptables pour Jennifer et Carolyn, au nom d'un non-dépistage.
     Je pourrais également vous dire que si Jennifer et Carolyn avaient habité la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard ou le Yukon, elles auraient pu elles-mêmes demander des mammographies dans la quarantaine et se voir en bonne partie épargner la pénible expérience qu'elles ont vécue. Je pourrais vous dire que même si les recherches actuelles montrent clairement les avantages d'un dépistage précoce, les membres du groupe d'étude ne croient pas qu'un dépistage précoce engendre de meilleurs résultats pour un nombre suffisant de femmes. Au lieu de cela, ils s'accrochent aux conclusions erronées d'études vieilles de 40 à 60 ans, comme l'Étude nationale canadienne sur le cancer du sein, qui sont maintenant discréditées.
     Je pourrais vous en dire plus, mais le seul message que je souhaite vous transmettre est que les directives actuelles nuisent à la population canadienne et causent des décès évitables. Ces lignes directrices, dont on s'attend à ce qu'elles protègent les Canadiennes, font le contraire. Le groupe d'étude nous prive de la possibilité d'accéder à des soins de santé préventifs qui donnent de meilleurs résultats. La surestimation des préjudices et la sous-estimation des avantages ne sont pas fondées sur la science moderne. Leur préoccupation paternaliste au sujet de l'anxiété causée par le dépistage n'est pas confirmée par les expériences des patientes. Leur insistance sur une décision partagée perpétue les déséquilibres de pouvoir entre le médecin et la patiente. Enfin, leur indifférence quant à l'impact des lignes directrices sur la qualité de vie des patientes est au mieux réductrice, et au pire insensible.
     S'il vous plaît, faites entrer le Canada dans la modernité en utilisant des données probantes pertinentes, actuelles et inclusives. Ne permettez pas à un groupe de non-experts en la matière biaisés de continuer à détruire la vie des Canadiennes en leur refusant des soins de santé.
     Je vous remercie.
    Merci, madame Dale et docteure Gordon.
     Nous allons maintenant commencer les tours de questions, en commençant par les conservateurs et Mme Vecchio, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Madame Dale, je commencerai par vous, car une des premières choses que je vois ici est une note où vous dites que le gouvernement Trudeau n'a pas tenu sa promesse d'actualiser les lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
     Pouvez-vous me dire pourquoi vous croyez que le gouvernement a rompu sa promesse?
    Au cours de la campagne électorale, les libéraux s'étaient engagés à bonifier les lignes directrices, et après les élections ils ne l'ont pas fait. Ce n'est qu'en juin dernier que l'engagement a été respecté.
    Normalement, j'évite de politiser les enjeux de santé féminine parce qu'ils revêtent à mes yeux une importance cruciale, mais le gouvernement a dit qu'il assujettirait toute son activité à des analyses comparatives entre les sexes. Je suis extrêmement inquiète. Nous entendons parler des divergences.
     J'aimerais discuter de ce sujet, avec vous, madame Wilkinson, parce que vous avez mentionné la présence de disparités. Pour les personnes non blanches, on parle de la quarantaine, et pour les personnes blanches, de la soixantaine. On parle également de disparités régionales.
     Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, car ça m'intéresse au plus haut point. Il faut manifestement agir, car des femmes meurent et nous savons qu'il existe des disparités. Que souhaiteriez-vous que le gouvernement fasse, et comment pouvons-nous assurer la survie d'un plus grand nombre de femmes?
    Merci.
    Vous faites référence aux inégalités que nous observons. Ces inégalités découlent de ces lignes directrices. Les inégalités créées par les lignes directrices du groupe de travail se manifestent à tellement de niveaux.
     Elles se manifestent à l'échelle provinciale parce qu'elles créent des différences entre les provinces. Certaines provinces disposent des ressources nécessaires pour créer leurs propres programmes, d'autres pas. Elles créent des inégalités entre les patientes, car lorsque le groupe de travail dit: « Ne faites pas de dépistage », les médecins de famille en tiennent vraiment compte. Le Collège des médecins de famille fait vraiment la promotion de cette directive. Les patientes doivent vraiment savoir plaider leur cause.
     L'existence de ces lignes directrices nationales est un facteur d'inégalité, surtout pour les personnes marginalisées; les personnes noires, qui s'en tirent moins bien en cas de cancer du sein; et les personnes au statut économique plus faible — ce que nous constatons avec le cancer du poumon, car ces lignes directrices font également référence à de nombreux domaines de soins préventifs, y compris le dépistage du cancer du poumon.
     Qu'est‑ce que j'aimerais voir? Bien que les soins de santé relèvent de la compétence des provinces, ces lignes directrices nationales orientent réellement les décisions des provinces. Tant que nous n'aurons pas un mécanisme clair et transparent pour établir des lignes directrices fondées sur des données probantes modernes et pertinentes, en tant que pays, nous resterons à la traîne, nous continuerons à nous référer à de très vieilles données et à ne pas progresser de manière innovante.
(2010)
    Je veux poursuivre avec vous, parce que vous avez parlé du dépistage avant 50 ans, à cause de la quarantaine. Je suis une femme heureuse de 52 ans, mais vous abordez la question... Selon vous, quelle est la meilleure méthode de dépistage? Faut‑il commencer par une mammographie? Faut‑il faire des biopsies? Quelle est la procédure à suivre si une femme est inquiète, ou si elle a la quarantaine et que nous envisageons un dépistage?
     Quel devrait être le protocole pour nous assurer de bien faire les choses pour sa santé?
    C'est très simple. La mammographie est le point de départ. En matière de dépistage, une mammographie est une radiographie du sein.
    Comme beaucoup d'autres experts, j'estime que le dépistage devrait commencer à 40 ans. Les femmes dans la quarantaine devraient probablement passer une mammographie annuelle, puis tous les deux ans. Si une femme est vraiment en bonne santé et a une bonne espérance de vie au‑delà de ses 70 ans, le dépistage devrait se poursuivre, probablement jusqu'à 80 ans.
     Les biopsies... les interventions de cette nature n'entrent en jeu qu'en cas d'anomalies ou de soupçons de cancer signalés par la mammographie.
    Merveilleux. Il me reste deux minutes.
     Dans cette veine, lorsque nous parlons de génétique, parce que la génétique est évidemment un élément important de ce... Je pense l'avoir entendu de la part de chacun des témoins aujourd'hui.
     Docteur Narod, j'aimerais commencer par vous. Quand nous parlons de génétique et de dépistage, quand devrions-nous commencer à faire le dépistage approprié si nous savons que le cancer du sein fait partie des antécédents familiaux?
    Il y a trois niveaux de génétique. Le premier, comme M. Simard l'a souligné, est le score de risque polygénique, qui vous donne un risque fondé sur 313 variantes. C'est l'étude de M. Simard. Il y a aussi les principaux gènes BRAC1, BRAC2 et PALB2. M. Simard et moi avons travaillé ensemble sur le sujet dans les années 1980. Enfin, il y a les antécédents familiaux.
    Devrions-nous le faire à un âge donné? Quand une femme a 20, 30 ou 40 ans...? Y a‑t‑il un certain âge auquel nous devrions commencer à faire un dépistage spécial pour les femmes qui ont des antécédents?
    Ce n'est pas tant que nous devrions faire un dépistage, mais que nous devrions faire des examens.
     À mon avis, l'une des mesures les plus importantes est que la politique en vigueur en Ontario et dans la plupart des provinces consiste à effectuer des analyses génétiques lorsqu'une femme a développé un cancer du sein ou de l'ovaire. À ce moment‑là, je pense qu'il est un peu tard.
    Au Women's College Hospital, j'ai mis en place un programme — le seul au monde — dans le cadre duquel nous mettons les analyses génétiques à la disposition de toutes les femmes du Canada à partir de 18 ans, sur la base d'un paiement à l'acte. Nous en avons fait plusieurs milliers. Le principe est que, si nous trouvons les femmes avant qu'elles n'aient un cancer, nous pouvons leur offrir un dépistage spécial.
     Pour les femmes à haut risque, nous proposons des IRM. Ces examens sont couverts par le gouvernement de l'Ontario, le Programme ontarien de dépistage du cancer du sein. Nous offrons des interventions chirurgicales préventives. Nous offrons aussi des mammographies.
    Merci beaucoup, docteur Narod.
     Je crois que mon temps est écoulé. Je vous remercie beaucoup.
    En effet. Je vous remercie.
     Nous cédons la parole à Mme Bennett, pour six minutes.
    Je dois simplement dire que, dans une étude sur la santé des femmes, j'espère que nous serons en mesure d'examiner plus à fond les déterminants sociaux, mais aussi la responsabilité des femmes comme prestataires de soins de santé pour leur famille et le fait que nous avons besoin d'avoir une vue d'ensemble de la situation, à mon avis.
    J'aimerais poser une question au Dr Narod du Women's College. Je pense que l'un des éléments nécessaires dans la recherche sur la santé des femmes est de les écouter pour savoir ce qui les préoccupe. Au début, je pense que les femmes s'inquiétaient du fait que leurs soeurs, leurs nièces ou leurs filles allaient avoir un cancer du sein, et je pense que la découverte du gène BRCA a été évidemment très importante.
     J'aimerais que vous nous disiez comment vous entrevoyez l'avenir par rapport à la génétique du cancer et sa prévention, aux analyses par rapport au dépistage et à la manière dont cela pourrait éventuellement évoluer vers un traitement en médecine de précision.
(2015)
    Oui, c'est une très bonne question.
     J'ai travaillé en prévention. J'ai travaillé en dépistage. Je travaille sur le traitement depuis 25 ans. J'ai codécouvert les gènes BRCA1 et BRCA2. J'ai passé beaucoup de temps à réfléchir.
     En 1991, lorsque nous avons publié le premier article sur le BRCA1 dans The Lancet, je pensais qu'en 2023, nous aurions quelque chose de mieux à offrir que l'ablation des seins. À ce jour, ce n'est pas le cas. Nous venons de publier un article selon lequel l'utilisation du tamoxifène chez plusieurs milliers de femmes présentant des mutations du gène BRCA1 réduit le risque d'environ 20 %. C'est loin d'être suffisant.
     Je pourrais parler de prévention toute la journée. Je ne suis pas de ceux qui pensent que nous pouvons résoudre le problème du cancer du sein dans une large mesure au Canada par les moyens préventifs actuels. Nous déconseillons l'alcool. Nous recommandons de lutter contre l'obésité, de perdre du poids, etc. Il est intéressant de constater que pour les femmes de moins de 40 ans, le surpoids a un effet protecteur. Personne n'en parle jamais, mais l'effet protecteur est très puissant.
     Ayant travaillé dans ces 3 domaines pendant 30 ans, je mettrais l'accent sur le traitement. C'est ce que je pense. Je veux dire, c'est une question de financement.
     En ce qui concerne la prévention, nous avons une idée de la manière dont nous pensons pouvoir la mettre en œuvre, mais elle n'a pas encore reçu de financement.
     Je pense que bon nombre des points soulevés par les autres intervenants sont valables. Je tiens cependant à préciser que, dans notre étude, le point final était le décès. Il y a eu 500 décès dans un groupe et 505 décès dans l'autre. Je félicite M. Simard pour les efforts qu'il a déployés en vue de changer cette situation, mais son étude n'a pas pour point final le décès. Aucune des autres études n'a le décès comme point final.
     Monsieur Simard, montrez-moi que votre programme réduit le nombre de décès, et je m'y convertirai.
     Il est intéressant de souligner que M. Simard — mon ami depuis toujours — recommande une étude fondée sur le risque plutôt qu'une étude fondée sur l'âge. C'est vraiment intéressant. Actuellement, la fourchette de référence est comprise entre 50 et 70 ans. Si nous ramenons l'âge de référence à 40 ans plutôt qu'à 50 ans, les scores de risque génétique disparaissent probablement, car même pour les personnes ayant un score de risque élevé, la recommandation serait de commencer le dépistage à 40 ans plutôt qu'à 50 ans.
    Voyez-vous, j'ai entendu tout ce qui s'est dit à propos des données obsolètes de l'étude nationale sur le dépistage du cancer du sein... Oui, elles sont obsolètes, mais il y a quand même 170 femmes dont le cancer du sein a été dépisté et qui sont encore en vie. Cela ne veut pas dire... Montrez-moi les données actuelles. D'après ce que j'ai compris, et après avoir lu tous les articles sur le sujet, je ne vois aucune donnée actuelle qui soutienne l'utilisation de la mammographie dans la mesure où les autres témoins pensent que c'est le cas.
     On peut parler de ceci et de cela de manière anecdotique. La seule autre étude que l'on oublie toujours de mentionner est une étude britannique sur l'âge réalisée par Stephen Duffy et ses collègues, publiée en 2022. Dans le cadre d'un dépistage aléatoire au Royaume-Uni, l'étude a révélé que lorsque les femmes commençaient à 40 ans plutôt qu'à 50 ans — et qu'elles étaient suivies jusqu'à leur décès ou 60 ans — cela ne changeait rien au taux de mortalité, mais vous ne verrez jamais cet article cité.
     Cet article a été rédigé en 2020, et j'ai communiqué avec le Dr Duffy. C'est lui qui m'a fourni l'information. Vous ne verrez jamais l'étude britannique sur l'âge qui a révélé que le dépistage à partir de 40 ans donnait exactement les mêmes résultats que le dépistage à partir de 50 ans.
    Vous avez constaté la présence de certaines mutations dans les populations diversifiées sur le plan ethnique. Pensez-vous que ces mutations modifieront le traitement réservé aux différents cancers ou aux différentes patientes?
    Parlez-vous des mutations?
    S'il s'agit d'un cancer muté, faudra-t‑il...? Une fois que l'on constate que la génétique est différente, je suppose que le traitement pourrait être différent.
    Ce sont de bonnes questions. Elles ne portent pas vraiment sur le dépistage, mais vous avez tout à fait raison.
     Je mène une étude internationale sur 8 000 femmes porteuses de la mutation BRCA1 et je recueille des renseignements complets sur leurs traitements. M. Simard a publié un article il y a deux semaines dans le JNCI, dans lequel il examine les mutations BRCA1 et BRCA2 chez 2 500 femmes de nombreux pays, dont le Canada. Nous étudions la question. Nous constatons effectivement que les traitements ont des effets différents, c'est certain.
     Néanmoins, je pense qu'il vaut mieux prévenir que traiter. Le mieux que nous puissions faire avec le traitement... Comme médecin travaillant à la guérison du cancer du sein, mon objectif est d'atteindre un taux de survie de 90 %. Comme médecin en prévention travaillant dans le domaine du dépistage, mon objectif est d'atteindre un taux de survie de 100 %.
(2020)
    Je vous remercie.
     Merci, docteur.

[Français]

     Madame Larouche, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Il est très intéressant d'entendre ce que nos témoins nous disent ce soir dans le cadre de cette étude. Je crois que nous sommes plusieurs à avoir connu des gens qui ont souffert du cancer du sein. Ici, je voudrais avoir une pensée en mémoire de Nathalie, une amie qui a reçu un diagnostic de cancer du sein il y a plusieurs années. Elle était alors à la fin de la quarantaine, et elle en est décédée quelques années plus tard, à peine au début de la cinquantaine.
    Ce cancer touche beaucoup trop de femmes et nous les enlève beaucoup trop tôt. Cela m'amène à parler de toute la question du dépistage et des traitements.
    Monsieur Narod, vous avez parlé d'une étude menée en Grande‑Bretagne. C'est intéressant. Beaucoup de questions ont été posées par mes collègues au sujet de l'âge et des lignes directrices à l'échelle nationale, mais qu'est-ce qui se passe à l'échelle internationale?
    Monsieur Simard, vous faites partie d'un groupe de recherche international, alors je vous invite également à faire un commentaire là-dessus. Que pourrait-on apprendre du travail qui se fait à l'international?
    Madame Gordon, dans votre mémoire, vous parlez de statistiques et de données qui viennent d'autres pays. Qu'est-ce que ces études qui sont faites ailleurs peuvent nous apporter, ici?
    J'ai la chance de faire partie d'un consortium international qui étudie des données provenant de 400 000 femmes dans plus de 35 pays sur les 6 continents. Grâce à ces participantes, nous avons pu concevoir de nouveaux outils d'évaluation du risque qu'on appelle le risque polygénique et qui a été validé dans plus d'une douzaine d'études prospectives.
    Il faut savoir qu'environ 1 femme sur 200 ou 300 est porteuse d'une mutation d'un gène de prédisposition rare. C'est donc quand même assez rare. Nous avons aussi étudié la fréquence des mutations dans les gènes BRCA1 et BRCA2, dont j'ai participé à la découverte, chez certains groupes ethniques.
    Ce que nous proposons, c'est l'utilisation d'environ 300 marqueurs qui sont très fréquents. En combinant cette signature avec les autres facteurs de risque, comme la densité mammaire, certaines habitudes de vie et les facteurs hormonaux, nous pourrions évaluer les risques personnels et les stratifier en trois groupes.
    Par exemple, dans notre étude, nous avons suivi 4 000 femmes. De ce nombre, 80 % présentaient un risque équivalent ou presque équivalent à celui que l'on retrouve dans la population générale, 15 % d'entre elles présentaient un risque intermédiaire, ce qui veut dire qu'elles devraient commencer à faire une mammographie annuelle à l'âge de 40 ans, et 5 % d'entre elles présentaient un risque élevé. Dans le cas de ces dernières, elles devraient commencer à faire une mammographie annuelle immédiatement, en plus de recourir à l'imagerie par résonance magnétique, car, en effet, il n'y a pas que la mammographie. Par ailleurs, vous connaissez les statistiques mieux que moi, mais on sait que 17 % de tous les diagnostics de cancer du sein sont posés avant l'âge de 50 ans. Il est donc très important d'agir.
    Sur le plan international, on travaille aussi sur des modèles de prédiction des risques ou des outils, comme des signatures génomiques, qui sont spécifiques aux différents groupes ethniques, comme les Asiatiques et les Hispaniques. C'est très important.
     Merci.
    Madame Gordon, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
     J'aimerais que les membres du Comité sachent à quel point le travail de M. Simard est futuriste et merveilleux, mais il est futuriste. Il est certain que la découverte du gène du cancer du sein par le Dr Narod a été déterminante, mais nous nous penchons sur des lignes directrices qui concernent les femmes ayant un risque moyen, car 5 % seulement des femmes présentent un risque élevé et la grande majorité des femmes qui contractent un cancer du sein n'ont aucun facteur de risque, pas même une mère ayant eu un cancer du sein. En réalité, le fait d'avoir des seins denses est le facteur de risque le plus répandu.
     Ce que les membres du Comité devraient comprendre — et je suis désolée d'apprendre que le Dr Narod n'est pas au courant — c'est que l'étude à laquelle le Dr Narod était associé, l'étude nationale canadienne sur le dépistage du cancer du sein, a été discréditée. L'étude était censée être un essai randomisé, mais la randomisation était défectueuse — corrompue, pourrait‑on dire — cela explique pourquoi cette étude a été le seul essai randomisé parmi huit autres qui n'a pas montré de réduction de la mortalité. Nous savons pourquoi cette étude n'a pas montré de réduction de la mortalité chez les femmes du groupe avec mammographies.
     Les femmes présentant un risque moyen devraient faire l'objet d'une évaluation du risque. À l'heure actuelle, les femmes ne peuvent pas toutes obtenir le score de risque polygénique dont M. Simard a si bien parlé, mais il faudrait évaluer le risque pour toutes les femmes. Il existe des outils d'évaluation du risque en ligne qui sont gratuits et faciles à utiliser, et les femmes présentant un risque moyen devraient commencer à 40 ans. Si une femme présente un risque accru ou très élevé, elle pourrait commencer plus tôt, mais sinon, le dépistage doit commencer à 40 ans et, idéalement, être annuel, car chez les femmes préménopausées, les hormones produites par leurs ovaires provoquent une croissance plus rapide des cancers du sein.
     C'est pourquoi nous devons commencer à soumettre les femmes à un dépistage, surtout les femmes noires, asiatiques et hispaniques... En fait, les femmes autochtones présentent des inégalités analogues à celles que nous observons chez les femmes noires américaines. Elles ont tendance à avoir des cancers plus agressifs et elles sont plus susceptibles de mourir de leur cancer. Ces inégalités doivent être corrigées.
     L'autre grande inégalité concerne les femmes aux seins denses. Évidemment, c'est une chose que personne ne peut contrôler. On ne peut pas contrôler la densité des seins, mais les femmes qui ont des seins denses sont plus susceptibles d'avoir un cancer, et nous avons plus de mal à détecter ces cancers sur leurs mammographies. Nous savons que nous pouvons les détecter grâce aux échographies. Si elles présentent un risque vraiment élevé, nous pouvons les détecter par IRM, mais bien sûr, les IRM sont beaucoup plus chères et moins accessibles. Ce n'est pas de leur faute si elles ont des seins denses. Elles méritent les mêmes chances de dépistage précoce que les femmes aux seins non denses.
(2025)
    Merci, docteure Gordon. C'est tout le temps dont nous disposons pour ce tour de parole.
     Je donne maintenant la parole à M. Davies, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie tous les témoins de leur présence.
     Docteure Gordon, j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi, à votre avis, les lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein doivent s'appuyer sur des données inclusives et plus modernes.
    Comme la Dre Wilkinson vous l'a dit, à ce jour, les procédures du groupe de travail canadien se sont concentrées sur l'évaluation de la qualité des données probantes, pour ainsi dire, et les essais comparatifs randomisés sont toujours les mieux classés. Le problème est que les essais randomisés ont tous été réalisés entre les années 1960 et 1980, à une époque où les mammographies étaient effectuées sur des films radiographiques que l'on plaçait dans un caisson lumineux. Aujourd'hui, les mammographies sont numériques et nous examinons les images sur un écran d'ordinateur. Elles sont beaucoup plus précises. En fait, nous pouvons utiliser des logiciels pour nous aider à déterminer si une femme a des seins denses ou non.
     Comme vous l'avez entendu, les anciens essais ont été réalisés sur des populations blanches, de sorte que les lignes directrices sont discriminatoires à l'égard des femmes racisées. Aujourd'hui, certains disent: « Pourquoi ne faites-vous pas simplement un autre essai randomisé? » Parce que ces anciens essais, même imparfaits, prouvent que les mammographies sauvent des vies, il serait contraire à l'éthique de les répéter et de demander à des femmes de faire partie d'un groupe de contrôle qui ne subit aucun dépistage.
     Les études d'observation plus récentes... Celle dont votre comité doit entendre parler est l'étude pancanadienne. Elle a été publiée en 2014 et ignorée par notre groupe de travail. Elle a porté sur 2,8 millions de femmes ayant subi des mammographies de dépistage dans le cadre de nos programmes provinciaux de dépistage et elle a révélé que, dans l'ensemble, les femmes qui subissent des mammographies sont 40 % moins susceptibles de mourir que les femmes qui n'en subissent pas. Les résultats sont encore meilleurs pour les femmes dans la quarantaine: elles sont 44 % moins susceptibles de mourir. Cependant, le groupe de travail continue d'utiliser ces anciennes données, affirmant que les essais randomisés l'emportent sur les nouvelles données d'observation modernes.
     Nous disposons d'une expérience naturelle dans notre pays, dont la Dre Wilkinson vous a parlé. Les femmes qui vivent dans une province où le dépistage commence à 40 ans sont plus susceptibles de recevoir un diagnostic de cancer du sein à un stade précoce que les femmes qui vivent dans une province où le dépistage commence à 50 ans, et leur taux de survie est plus élevé. Dans les provinces qui ne pratiquent pas le dépistage avant 50 ans, les femmes dans la quarantaine reçoivent plus souvent un diagnostic de cancer à un stade avancé que les femmes dans la cinquantaine dans la même province.
     C'est le résultat, et notre groupe de travail n'a jamais vérifié les résultats des lignes directrices actuelles. Ces lignes directrices datent de 2018, mais elles n'ont pratiquement pas changé depuis 2011. De concert avec Statistique Canada, la Dre Wilkinson et ses collègues ont pu montrer les dommages causés par ces lignes directrices. Cependant, d'après ce que nous pouvons voir, l'examen en cours est susceptible de recommander de ne pas modifier ces lignes directrices.
(2030)
    Docteure Gordon, une des préoccupations que j'ai entendues est celle d'un biais potentiel.
     En mai 2023, avant même le début de l'examen accéléré des lignes directrices actuelles, la Dre Guylène Thériault, coprésidente du Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs, a déclaré au Toronto Star qu'elle ne voyait aucune raison de modifier les lignes directrices du Groupe d'étude sur le dépistage du cancer du sein, autrement dit, qu'il convenait de les maintenir à l'âge actuel de 50 ans. De plus, ce mois‑ci, la Dre Thériault a cosigné un article intitulé « Debunking myths about screening », ou Démystifier le dépistage.
     En tant que scientifique, chercheuse et partie prenante dans ce dossier, quelle confiance ou manque de confiance cela vous donne‑t‑il dans le fait que la Dre Thériault est capable de prendre une décision équitable fondée sur les données probantes?
    Il est clair qu'elle a déclaré son parti pris et sa conclusion.
     Vous serez peut-être intéressés d'apprendre que dans cet article où elle démystifie le dépistage, elle a affirmé qu'une détection plus précoce ne produisait pas de meilleurs résultats. Selon elle, c'est un mythe. Elle a dit que c'est un mythe que la technologie la plus récente produit plus de bénéfices, et que c'est un mythe que le dépistage sauve des vies.
     Je viens de vous dire que, d'après l'étude pancanadienne, nous savons qu'il y a 40 % de décès en moins chez les femmes qui passent des mammographies.
    Je vous remercie. Je crois savoir que les États-Unis ont récemment abaissé l'âge du dépistage à 40 ans.
     Est‑ce exact?
    C'est exact. C'est ce qui a suscité cette conversation. Normalement, le groupe de travail réédite ses lignes directrices. Les deux ou trois dernières fois, il l'a fait tous les sept ans. Il faut que quelque chose...
     La recherche est très rapide et ces lignes directrices doivent être plus agiles. Elles doivent pouvoir être modifiées plus fréquemment lorsque d'autres recherches sont publiées.
    Docteure Wilkinson, selon vous, pourquoi les États-Unis ont-ils modifié leurs lignes directrices et abaissé l'âge du dépistage de 50 à 40 ans?
    Les États-Unis ont présumé que le dépistage est bénéfique et ils n'ont donc pas examiné les données avant 2016. Ils ont tourné la page. Ils n'ont pas trouvé de nouveaux essais comparatifs randomisés, comme ceux dont nous avons parlé. Ces essais ont tous ou presque tous été réalisés il y a longtemps.
     Ils ont présumé un bénéfice et ils ont dû prendre en compte d'autres données. Ils ont pris en compte d'autres essais non randomisés. Ils ont également pris en compte des données de modélisation, car nous savons que nous ne pouvons pas nous fier aux anciens essais. Les anciens essais ont été réalisés avant la mammographie numérique. Ils ont été réalisés avant même l'arrivée du tamoxifène. Nous parlons d'un traitement très rudimentaire.
     Ces anciens essais ne montrent qu'un bénéfice de 15 % en mortalité, par rapport aux 40 ou 44 % dont nous entendons parler.
     Les États-Unis ont également pris en compte l'impact sur les groupes minoritaires et l'âge plus jeune au moment du diagnostic pour les femmes noires et asiatiques. L'augmentation de l'incidence, la modification de l'âge du diagnostic et les données de modélisation sont à l'origine de ce changement.
    Merci, docteure Wilkinson.
     Je suis désolé, monsieur Davies, votre temps est écoulé.
     Madame Roberts, allez‑y, je vous en prie, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je voudrais citer une information que j'ai trouvée sur le site de l'Agence de la santé publique du Canada: «Le taux de mortalité par cancer du sein a atteint un sommet en 1986 et depuis, il diminue. » Cependant, la réduction des taux de mortalité reflète « l'impact du dépistage du cancer du sein et des améliorations apportées aux traitements ». C'est selon l'Agence de la santé publique du Canada.
     Ma question s'adresse à vous, docteure Anna. J'aime beaucoup votre nom.
     Vous défendez le dépistage structuré pour les femmes de moins de 50 ans. Vous avez souligné que la survie des femmes augmente considérablement si elles vivent dans une province dotée d'un programme de dépistage structuré avec accès direct et rappel annuel pour les femmes dans la quarantaine. Vous dites également que 16 % des cancers du sein surviennent chez des femmes âgées de 40 à 50 ans.
     Pouvez-vous nous aider à comprendre l'importance du dépistage? Je sais que vous le défendez. Je vous en suis vraiment reconnaissante en tant que femme, car je pense que nous devons nous assurer que les femmes méritent de vivre et d'avoir accès au dépistage. Sans nous, elles ne seraient pas là. Soyons honnêtes.
     J'aime beaucoup ce que vous dites et j'aime beaucoup ce que dit la Dre Gordon. Je pense que vous êtes sur la même longueur d'onde. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi nous pouvons sauver plus de femmes si nous mettons en place un dépistage plus précoce?
(2035)
    Le dépistage permet de diagnostiquer les cancers plus tôt. Les cancers détectés par le dépistage ne font souvent que quatre millimètres. Ce sont des cancers qui sont détectés avant que l'on puisse les palper. Par définition, les cancers plus petits sont à un stade plus précoce. Par définition, les cancers à un stade plus précoce réagissent mieux aux traitements et nécessitent des traitements moins intensifs.
     En ce qui concerne la raison d'être d'un programme structuré, si le dépistage a lieu dans le cadre d'un programme structuré, cela signifie qu'une femme peut y avoir directement accès. C'est un élément clé à notre époque où de nombreuses femmes n'ont pas de médecin de famille, ou le médecin de famille peut être un obstacle au dépistage. Le médecin de famille entend le groupe de travail dire: « Ne faites pas de dépistage. » La femme vient le consulter et demande: « Puis‑je subir un dépistage? », le médecin répond: « Vous n'en avez pas besoin. »
    Les femmes qui participent à des programmes structurés reçoivent des rappels. Nous sommes toutes très occupées. La vie nous accapare. Le programme vous envoie une lettre vous demandant de ne pas oublier de venir passer votre mammographie cette année.
     Les programmes de dépistage structuré comportent également des contrôles de la qualité. On surveille des indicateurs en ce qui concerne la qualité des mammographies, l'interprétation, le suivi et tous ces éléments. C'est pourquoi les programmes structurés sont si importants. Avec les lignes directrices nationales en vigueur, il n'existe aucun programme structuré pour les femmes dans la quarantaine dans l'ensemble du pays. Cela dépend entièrement de la province où vous vivez.
    J'ai oublié de le mentionner tout à l'heure. Je tiens à vous remercier d'aller au chevet de patients. Je l'ai fait comme dans un établissement de soins de longue durée. C'est vraiment important pour le patient. Je vous remercie de le faire.
     Mon autre question s'adresse à vous ou à la Dre Gordon.
     Devons-nous réaliser une étude sur l'élaboration des lignes directrices par le Groupe de travail canadien sur les soins de santé préventifs pour les femmes, afin de repartir de zéro en constatant que nous pouvons sauver plus de femmes? Peut-être devrions-nous commencer dès maintenant à le faire pour toutes les femmes, quelle que soit leur race.
    Notre groupe de travail a été considéré comme la norme. Pourquoi est‑ce la norme si les experts s'opposent aux lignes directrices? Pourquoi est‑ce la norme si les provinces font ce qu'elles veulent et ne suivent pas les lignes directrices?
     La portée du groupe de travail et de ses lignes directrices est très large et touche de nombreux aspects de la santé des femmes. Elles incluent le dépistage du cancer du poumon et du col de l'utérus. La dernière mise à jour des lignes directrices sur le dépistage du cancer du col de l'utérus remonte à 10 ans. Entretemps, le monde entier est passé au dépistage basé sur le VPH. C'est là où nous devrions en être. Or, nous sommes menottés par les anciennes lignes directrices d'il y a 10 ans.
     Il existe d'autres exemples de lignes directrices. Nos lignes directrices nous disent de ne pas faire de dépistage de la dépression post-partum. Nous sommes l'un des seuls pays au monde à le suggérer. Les lignes directrices posent de nombreux problèmes...
    Je tiens à vous remercier rapidement, ainsi que la Dre Gordon. Je pense que vous rendez justice aux femmes. Merci de veiller à nous protéger. Il n'y a pas beaucoup de gens...
    Puis‑je intervenir et poursuivre dans cette veine...
    Bien sûr, allez‑y.
    Non, je crains que vous ne puissiez le faire, docteure Gordon. Nous n'avons plus de temps.
     Si Mme Atwin veut vous accorder un peu de son temps, libre à elle. Mme Atwin a la parole pour les cinq prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci beaucoup à nos témoins d'être avec nous ce soir.
     Pour être honnête, j'ai déjà beaucoup appris dans cette seule soirée. Je n'avais pas réalisé à quel point ce genre de conversation m'ouvrirait l'esprit dans différentes directions. Je pense aux conversations que j'ai eues avec ma mère à propos du dépistage et du caractère désagréable de la mammographie, mais aussi de son importance. Il y a aussi le sentiment général dans mon cercle d'amies. Nous arrivons toutes à ce stade où nous devrions envisager de nous faire dépister.
     Il y a l'importance de l'autoexamen. Je vois dans les lignes directrices de 2018 qu'elles recommandent en fait de ne pas pratiquer l'autoexamen des seins pour le dépistage du cancer du sein. Il y a d'autres éléments préoccupants dans les lignes directrices de 2018. Il y a aussi des articles sur le risque de faux positifs ou de surdiagnostic, ce qui a piqué ma curiosité. On ne m'a jamais mise en garde contre ces possibilités ou ces risques.
     L'une ou l'autre de nos témoins aimerait-elle intervenir sur ce point? Pourriez-vous me préciser quels sont les risques de surdiagnostic ou de faux positifs?
    Docteure Gordon, vous aimeriez peut-être vous lancer?
    Avec plaisir.
     Tout d'abord, même l'expression « faux positif » est péjorative. C'est vraiment de l'alarmisme, car nous ne disons pas aux femmes qu'elles ont un cancer alors qu'elles n'en ont pas. Ils emploient l'expression « faux positif » pour désigner une fausse alerte, c'est‑à‑dire une quelconque anomalie visible sur la mammographie qui, en fin de compte, ne sera probablement pas un cancer, mais qui justifie un examen plus approfondi. Les femmes qui présentent des anomalies ou qui ont besoin d'autres examens — parfois il s'agit simplement de quelques clichés de mammographie supplémentaires — sont rappelées.
     C'est ce qui devrait se passer: un rappel ou une fausse alerte. Pour la majorité des femmes, nous pouvons vider la question avec des échographies ou des mammographies. Si l'on prend les chiffres réels dans ce pays, sur 1 000 femmes soumises au dépistage, 70 seront rappelées, et sur ces 70, on recommandera à 11 d'entre elles — nous parlons maintenant de 11 sur 1 000 — de subir une biopsie à l'aiguille.
     Je dois vous dire qu'une biopsie à l'aiguille se fait avec une anesthésie locale suffisante et que la plupart des femmes disent que ce n'est pas plus inconfortable qu'une prise de sang au bras. Je sais que personne ne me croit quand je le dis, mais le meilleur commentaire que j'ai entendu de la part d'une patiente était: « Docteure Gordon, j'ai des chaussures qui sont plus inconfortables que ce test. »
     Quoi qu'il en soit, sur les 11 femmes qui subiront une biopsie à l'aiguille, 4 apprendront qu'elles ont un cancer. Pour les 11 femmes qui subissent cet examen, le groupe de travail parle d'examens « inutiles ». Eh bien, ce n'est pas un examen inutile tant que la réponse n'est pas trouvée. La plupart des femmes préféreraient subir un test relativement indolore pour avoir une plus grande certitude qu'elles n'ont pas le cancer.
     Voilà pour les fausses alertes.
     Le surdiagnostic est un peu plus difficile à expliquer. Il y a surdiagnostic lorsque nous trouvons un cancer et qu'il s'agit d'un vrai cancer, mais qui n'aurait pas tué la patiente s'il n'avait pas été traité. Voici le scénario typique: si nous avons affaire à une femme âgée et que nous trouvons un cancer minuscule qui ne posera peut-être pas de problème avant 5 ou 10 ans, mais qu'elle est également atteinte d'un cancer du poumon parce qu'elle est plus âgée et qu'elle présente un risque plus élevé de type de cancer. Ce cancer du poumon la tuera avant son cancer du sein.
     Voici un autre exemple: une femme reçoit un diagnostic de cancer, elle est traitée, elle termine son traitement et deux semaines plus tard, elle se fait happer par une voiture et meurt. Il s'agit en fait d'un surdiagnostic, car le cancer n'allait pas la tuer, mais à moins d'avoir une boule de cristal et de savoir que vous n'allez pas avoir une crise cardiaque fatale ou être happée par une voiture, chaque femme qui reçoit un nouveau diagnostic de cancer se voit proposer un traitement.
     C'est l'estimation du surdiagnostic qui est délicate. Le groupe de travail a utilisé une estimation de 48 %. Selon lui, près de la moitié des cancers sont surdiagnostiqués, ce qui signifie qu'ils n'auraient pas dû être détectés ou traités. C'est parce qu'ils ont tiré ces données de l'essai canadien vicié dont nous a parlé le Dr Narod, et c'est pourquoi il n'y a pas eu de différence dans le taux de mortalité et que toutes leurs statistiques sont faussées. Les experts internationaux estiment que le surdiagnostic concerne de 1 à 10 % des femmes et qu'il se situe probablement au bas de cette fourchette. N'oubliez pas qu'il s'agit de vrais cancers. Il s'agit simplement de savoir si ce cancer va tuer la femme.
     Mais surtout, notre groupe de travail invoque le surdiagnostic comme raison de ne pas dépister les femmes dans la quarantaine. Ces femmes sont beaucoup moins susceptibles d'avoir une cause de décès concurrente et le surdiagnostic dans ce groupe d'âge est négligeable, ce n'est donc absolument pas une raison pour ne pas dépister les femmes. En ce qui concerne les fausses alertes, nous devrions non seulement informer les femmes des surdiagnostics et des fausses alertes, mais aussi leur faire savoir qu'il est possible qu'elles soient rappelées et que, la plupart du temps, il s'avère qu'il n'y a rien de grave.
     Il est condescendant de la part du groupe de travail de décider au nom des femmes qu'elles sont trop fragiles pour supporter une petite anxiété passagère. Les femmes devraient pouvoir décider elles-mêmes. Si elles disent « Non, cela ruinerait ma vie et je préfère risquer d'avoir un cancer », c'est leur choix. Lorsqu'elles comprennent les principes du surdiagnostic et les fausses alertes, la plupart des femmes souhaiteraient se faire dépister.
(2040)
    Merci, docteure Gordon.

[Français]

     Madame Larouche, vous avez maintenant la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais continuer dans la même veine que la question de ma collègue Mme Atwin.
    Depuis le début de la réunion, nous posons énormément de questions sur la prévention de ces cancers. Un des contre-arguments, c'est qu'il y a des faux positifs ou un surdiagnostic.
    Madame Gordon, vous avez expliqué la différence entre un faux positif et un surdiagnostic. Quels sont vraiment les risques d'un surdiagnostic? Est-ce que ce sont les effets sur la santé mentale des femmes ou les effets secondaires des traitements? Est-ce parce qu'on retire des médecins, des spécialistes ou des salles d'autres cas de prévention et d'autres traitements? Quelles sont vraiment les critiques sur les surdiagnostics et quels sont les risques réels pour les femmes, autres que la question de la santé mentale? Cela dit, si vous voulez aborder la question de la santé mentale, vous pouvez le faire.
(2045)

[Traduction]

    Le problème est que nous ne savons pas, au moment où nous diagnostiquons un cancer, s'il est surdiagnostiqué, parce que nous ne savons pas encore quand cette femme va mourir. Par exemple, comme vous l'avez entendu tout à l'heure, on pourrait dire que si une femme est en bonne santé et qu'elle a une espérance de vie d'au moins 7 à 10 ans, nous devrions continuer à la soumettre au dépistage. C'est lorsque les femmes sont atteintes d'autres maladies potentiellement mortelles qu'elles peuvent cesser de faire des mammographies. Si elles souffrent d'une maladie cardiaque ou d'une insuffisance rénale terminale et qu'il est peu probable qu'elles vivent encore 10 ans, ne cherchons pas un cancer qui ne les menacera pas avant que leur autre maladie ne les tue.
     C'est une question de jugement. Il n'y a pas de mal à poser un diagnostic. Nous ne savons pas et cette femme mérite d'être traitée, car elle pourrait vivre encore 20 ou 30 ans. Il s'agit davantage d'une question de jugement sur le moment d'arrêter le dépistage.
     De nombreux programmes de dépistage s'arrêtent à 74 ans. Si une femme souhaite poursuivre le dépistage, elle doit obtenir une autorisation de son médecin. Dans plusieurs provinces, les femmes peuvent continuer à avoir un accès direct. Cela suppose qu'elles sont en bonne santé et qu'elles ont une espérance de vie raisonnable.
    Merci, docteure Gordon.
     C'est le tour de M. Davies pour deux minutes et demie.
    Docteure Gordon, je veux m'assurer d'avoir bien compris. Depuis une dizaine d'années, le groupe de travail actuel recommande de ne pas faire de dépistage chez les femmes de moins de 50 ans. Si j'ai bien compris, les critiques formulées à l'encontre de cette recommandation sont les suivantes: le groupe de travail se base sur des données désuètes, sur la minimisation ou l'ignorance des données actuelles, sur un manque de contribution d'experts ou d'expertise en la matière, et sur la partialité potentielle de membres du groupe de travail.
     Est‑ce un résumé exact des préoccupations?
    Cela résume bien la situation.
    Docteure Wilkinson, vous avez mentionné la nécessité de processus transparents. Pouvez-vous nous fournir plus de détails sur votre expérience comme membre du comité d'examen des données probantes?
    Je ne peux parler que de ce que j'ai vécu. Il est certain que je n'ai pas vu de transparence jusqu'à présent.
     En tant qu'experts, notre recommandation était de ne pas utiliser d'anciennes données. Cependant, au moment où nous étions en train d'établir la base de données, il semble que le groupe de travail travaillait déjà sur des données — bien que je ne sache pas d'où elles provenaient, puisque nous n'avions pas terminé notre examen. Lorsque nous avons voulu mettre la dernière main à la base de données et que nous avons constaté que toutes les anciennes données figuraient dans la preuve, on nous a dit que c'était parce que le groupe de travail avait exigé que ces données soient incluses.
     J'ai demandé d'où venait le taux de surdiagnostic, car c'est un chiffre clé. Comme nous l'avons vu, si vous dites que le taux de surdiagnostic est de 50 %, cela signifie que, si vous vous fiez à un ancien essai montrant un bénéfice de 15 % et que vous dites que 50 % de ces essais n'ont pas d'importance, alors vous n'êtes plus qu'à 7 %. Si vous prenez les nouveaux essais avec un bénéfice de 40 % et que vous dites qu'il n'y a pas de surdiagnostic, vous avez alors un bénéfice de 40 %. Le comité d'examen des données probantes ne sait pas d'où vient ce chiffre. Ce n'est pas un chiffre qu'il a communiqué au groupe de travail.
    Je vous remercie.
     Madame Dale, j'aimerais que vous interveniez brièvement.
     Vous avez parlé de la mosaïque actuelle des pratiques de dépistage du cancer du sein à travers le pays. Quelle en est l'incidence sur la capacité des femmes canadiennes à obtenir les soins dont elles ont besoin?
    Cela a une incidence considérable.
     Nous examinons la situation dans les provinces. Dense Breasts Canada compare toutes les provinces par rapport aux pratiques optimales de dépistage du cancer du sein. Nous avons examiné cinq pratiques clés différentes. Une province comme le Québec obtient une note de zéro sur cinq. Puis, vous avez une province comme la Nouvelle-Écosse qui obtient une note de cinq. La plupart des provinces obtiennent une note de deux sur cinq. Cela signifie que les femmes d'une province comme le Québec n'ont pas un accès égal au dépistage précoce du cancer. C'est une loterie des codes postaux. Nous voulons que toutes les femmes du Canada aient le même accès à ce dépistage.
     Même dans les provinces qui autorisent l'accès direct à 40 ans, nous avons constaté que les médecins de famille continuent de dissuader les femmes de se soumettre au dépistage. Les lignes directrices du groupe de travail jouent toujours un rôle clé, indépendamment de l'accès direct. Nous constatons également que cette inégalité est source de confusion à travers le pays. Nous avons sondé 2 500 femmes et 42 % d'entre elles ne savaient pas à quel âge le dépistage commençait dans leur province.
     Au‑delà de la confusion, nous voyons aussi tout le temps des femmes dans les médias sociaux...
(2050)
    Je vous remercie, madame Dale. Je vous ai laissé parler un peu plus longtemps parce que c'était la première question que vous receviez de ce groupe. Nous avons largement dépassé le temps imparti.
     C'est au tour de M. Kitchen, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à vous remercier tous d'être ici, ainsi que les personnes présentes dans l'auditoire. Je les félicite d'être venues.
     Une partie de mon propos et de ma préoccupation réside dans le fait que des gens nous regardent. Des femmes suivent cette conversation et elles sont inquiètes. La situation leur paraît très inquiétante, pour elles-mêmes et pour l'avenir des femmes dans ce pays. Il est formidable d'entendre les différents aspects de la question. Je reconnais les difficultés que nous avons éprouvées. Les questions que je voulais poser allaient dans tous les sens.
     En fin de compte, je reconnais les difficultés que nous éprouvons pour réaliser des essais comparatifs randomisés dans ce domaine et le risque que quelqu'un puisse les concevoir. Docteure Wilkinson, à mon avis, vos observations sur le travail auprès des patientes sont formidables, de même que sur la façon de traiter les femmes et de comprendre ce problème.
     Au cours de mes années de pratique... Je viens d'une région rurale du Canada où de nombreuses femmes sont venues me consulter avec des signes et des symptômes qui ne relevaient pas de mon champ de compétence. Elles venaient me voir parce qu'elles savaient que je les dirigerais au moins vers une structure que j'estimerais appropriée, pour qu'elles soient au moins évaluées. J'habite à 20 kilomètres du Dakota du Nord. Dans cet État, ils ont essentiellement des semi-remorques avec des unités de mammographie, et ils se déplacent dans tout l'État pour faire du dépistage.
     Lorsque je vois les recommandations des États-Unis, qui préconisent un dépistage tous les deux ans pour les femmes âgées de 40 à 74 ans, je m'interroge sur la recherche et la science sur lesquelles ils auraient fondé cette recommandation.
     Docteure Wilkinson, qu'en pensez-vous? S'ils disposent de recherches pour étayer cette recommandation, pourquoi pas nous?
    C'est une très bonne question. Je pense que c'est le coeur du problème. Nous devons aller au‑delà des anciennes données. Nous devons aller au‑delà des données vieilles de 60 ans. Nous ne pouvons pas utiliser des données datant d'avant que l'homme marche sur la lune pour établir nos lignes directrices sur le cancer du sein. Nous avançons en terrain inconnu.
     Je ne suis pas spécialiste de la méthodologie. Je ne suis pas experte en lignes directrices. Je ne vais pas prétendre que je sais m'y prendre, mais je pense que nous devons réfléchir à des méthodologies différentes et tenir compte de différentes catégories de données. À l'heure actuelle, même si des données différentes sont prises en compte, s'il existe un essai comparatif randomisé, même s'il s'agit d'un essai comparatif randomisé très ancien et mal fait, il l'emporte toujours sur une étude non randomisée. Ces chiffres provenant de ces études randomisées emportent toujours la manche.
     Nous devons examiner ce que font les États-Unis. Je pense que nous devons utiliser des données de modélisation. Un nouvel article vient de paraître qui montre que le dépistage chez les femmes dans la quarantaine permet d'éviter 3,3 décès par millier de femmes soumises au dépistage. Il faut passer à la modélisation et à l'utilisation d'une grande partie des données épidémiologiques, car notre société évolue, l'incidence évolue et la composition ethnique de notre société évolue. En conséquence, nous devons mener une enquête plus holistique.
    Merci. Merci de cette réponse.
    Lorsque nous entendons parler de lignes directrices qui laissent entendre essentiellement qu'elles sont contre l'autodépistage, cela me préoccupe, surtout pour les zones rurales — pas seulement les zones rurales, les zones urbaines aussi — où il peut être plus difficile d'accéder à un médecin même pour cela. L'autodépistage permettrait au moins de comprendre les choses un peu mieux. Je pense que c'est une information que les femmes doivent comprendre. Elles doivent être prêtes à apprendre comment le faire, et à le faire, de sorte qu'elles sachent au moins quand elles doivent consulter un médecin.
    À ce propos, ce qui me préoccupe, ayant été un responsable de la réglementation dans la profession et ayant traité de ces questions, c'est qu'il y a une différence entre les lignes directrices et les normes. Lorsque nous parlons de lignes directrices qui sont présentées, les praticiens qui les voient ne les considèrent pas forcément de la même manière que s'il s'agissait de normes. Je me demande si vous estimeriez qu'il y a peut-être lieu d'aller encore plus loin que les lignes directrices et d'en faire des normes.
    Des lignes directrices seraient un très bon début. Il nous faut disposer de quelque chose. Nous avons l'occasion de le faire, et je pense que des lignes directrices nationales sont une responsabilité fédérale, parce qu'elles ont un impact sur tous les résultats dans la province. Nous avons la possibilité de faire les choses différemment, d'être créatifs et de réfléchir à l'impact de ce que nous faisons.
     Par exemple, aux États-Unis, lorsqu'ils se sont prononcés contre le dépistage du cancer de la prostate, le dépistage de l'APS, l'antigène prostatique spécifique, ils ont examiné leurs taux de mortalité, ont constaté qu'ils augmentaient et l'ont rétabli. En revanche, nous avons fait cette recommandation il y a dix ans et je ne pense pas que nous ne l'ayons jamais réexaminée. Ce n'est pas une question de santé féminine, c'est un exemple de portée plus large. Même s'il serait bon d'avoir des normes, je pense qu'il faut d'abord commencer par des lignes directrices bien ancrées. Nous avons vraiment besoin de mises à jour régulières des lignes directrices, étant donné la rapidité à laquelle la littérature médicale évolue de nos jours.
(2055)
    Merci, docteure Wilkinson.
     Nous allons maintenant entendre M. Powlowski, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Je déteste soulever cette question et entrer dans cette controverse, mais docteure Gordon, vous avez laissé entendre, je crois bien, que les recommandations actuelles du groupe de travail sur le dépistage étaient en grande partie fondées sur l'essai clinique randomisé du Dr Narod, dont vous avez dit, je crois, qu'il était imparfait.
     Si je me souviens bien, pour en avoir déjà parlé avec vous, le défaut venait d'une répartition aléatoire incorrecte, car, lorsque les infirmières praticiennes chargées de la répartition aléatoire sentaient une grosseur lors de l'examen de dépistage, au moins certaines d'entre elles plaçaient ces femmes dans le groupe mammographie. Par conséquent, il est vrai qu'en fin de compte, le nombre de décès sera plus élevé dans ce groupe, car plusieurs personnes s'y trouvent parce qu'elles ont déjà un cancer. Le résultat est donc faussé.
     Est‑ce bien ce que vous dites? Qu'est‑ce qui prouve que c'est effectivement ce qui s'est passé?
    C'est ce que nous disons. En fait, 28 anciens membres du personnel se sont manifestés en apportant des preuves de dérogation au protocole. C'est ainsi qu'on les appelle. Ce n'était pas le seul problème de l'essai canadien. En fait, il a permis à des femmes de participer même si elles avaient une grosseur connue dans le sein. Le dépistage s'adresse aux femmes qui n'ont pas de grosseur.
     Tout d'abord, ils ont permis à ces femmes de participer. Les chercheurs avaient du mal à recruter suffisamment de femmes pour l'étude et ils ont demandé aux chirurgiens du sein d'envoyer des patientes à l'étude. Si une femme consulte un chirurgien du sein, c'est parce qu'elle présente une grosseur ou un symptôme.
     Ils ont donc permis à ces femmes de participer à l'étude. Ce qui était censé se passer, c'est que chaque femme qui venait participer — il s'agissait de volontaires — subissait un examen clinique des seins par une infirmière hautement qualifiée, puis allait voir le coordinateur, qui décidait de la placer soit dans le groupe d'étude, où elle passait une mammographie, soit dans le groupe témoin, où elle n'en passait pas.
     Aujourd'hui, lorsque nous procédons à ces études, c'est un bureau central qui fait la répartition aléatoire, par ordinateur. À l'époque, les coordonnatrices avaient devant elles une feuille de papier avec des lignes. Les lignes disaient « mammographie, témoin, mammographie, mammographie, témoin, témoin », et au bas de la feuille, il y avait un nombre égal de femmes dans les deux groupes.
     Ce que nous savons, parce que des témoins sont venus nous le dire — et cela figure dans trois articles publiés et évalués par des pairs —, c'est que les infirmières disaient: « Cette femme doit faire partie du groupe mammographie », de sorte que la coordonnatrice pouvait écrire son nom sur la ligne vide suivante pour la mammographie, puis les autres femmes qui arrivaient plus tard dans la journée pouvaient se retrouver sur les lignes vierges qui restaient. Elles n'avaient même pas besoin de rayer qui que ce soit.
     Cette pratique a été reprise en 1992, lors de la première publication de l'Étude nationale canadienne sur le dépistage du cancer du sein, parce qu'il y avait un déséquilibre important des cancers avancés. Au cours de la première année de l'étude, il y a eu 25 cancers avancés, définis comme un cancer avec plus de ganglions lymphatiques positifs dans l'aisselle. Il y en avait 19 dans le groupe mammographie et seulement 5 dans le groupe témoin.
     Cet aspect a été relevé il y a plusieurs dizaines d'années, et les principaux investigateurs de l'étude l'ont toujours nié. Ils affirment qu'il n'y avait rien d'anormal dans la répartition aléatoire. Il y a même eu un examen médico-légal...
    Docteure Gordon, je suis désolé. Puis‑je vous couper la parole?
     Pour être juste, je veux donner au Dr Narod l'occasion de réagir à cela.
    Vous avez donné mon étude... Vous avez donné tout le temps de votre question à la Dre Gordon, qui... J'ai 30 secondes maintenant.
     D'accord. Laissez-moi...
(2100)
    Je vous donne du temps, et d'autres personnes peuvent aussi vous en donner, mais je veux que vous répondiez à cette accusation.
    C'est mon étude. Les données sont sur mon ordinateur.
    Lorsque la Dre Gordon et d'autres ont porté plainte pour inconduite scientifique à l'Université de Toronto l'an dernier, j'ai préparé un rapport sur ce qu'elle prétend exactement. Ce rapport a été soumis au doyen des sciences de la santé publique et à un comité international qui a examiné l'étude et s'est prononcé entièrement en ma faveur.
     Permettez-moi de vous présenter quelques faits. Lors du premier cycle de dépistage, il y a eu 270 cancers palpables dans le groupe mammographie et 274 cancers palpables dans le groupe témoin. Si nous avions transféré dans le groupe mammographie les femmes présentant un cancer palpable, ces chiffres seraient différents. Il y en avait 270 dans le groupe mammographie et 274 dans le groupe témoin.
     Deuxièmement, j'ai retiré toutes ces femmes de la première série. J'ai retiré de l'analyse toutes les femmes dont le cancer était palpable et j'ai refait l'analyse. Le rapport de risque est de 1,01.
     Troisièmement, si ce qu'ils disent est vrai, les décès dus au cancer qui étaient plus nombreux dans le groupe mammographie auraient dû survenir au cours des cinq premières années. Cette étude s'étend sur 30 ans. Lorsque j'ai examiné les taux annuels de mortalité au cours des 30 années de suivi, je n'ai constaté aucune différence entre la première année, la deuxième année, la troisième année, la quatrième année et la cinquième année.
     Ce que la Dre Gordon prétend, c'est qu'il devrait y avoir un nombre supérieur de décès par cancer du sein chez les personnes qui avaient déjà un cancer du sein prévalent lors du premier cycle de dépistage, et qu'à ce moment‑là, nous aurions observé un taux élevé dans le premier groupe.
     Si je supprime tous les cancers palpables, ce qui est possible, j'obtiens un rapport de risque de un. Deuxièmement, le concept d'exclusion d'un cancer palpable est ridicule. Par exemple, parmi les études qui, selon la Dre Gordon, prouvent la nécessité de la mammographie, il y a une étude suédoise portant sur deux comtés. Dans cette étude, la répartition aléatoire a été effectuée dans 16 blocs de comtés à Göteborg et à Östergötland, en Suède.
     Qu'ont-ils fait? Ils ont invité la moitié des femmes à passer une mammographie. Les autres n'ont pas été invitées à le faire; elles ont été simplement suivies. Suivre les taux de cancer...
    Docteur Narod, M. Ellis peut choisir de vous inviter à poursuivre, mais nous avons dépassé le temps imparti.
     M. Ellis a maintenant la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Il est évident que les deux parties ont des sentiments très forts à l'égard de la discussion qui se déroule ici.
    Docteur Narod, vous pourriez peut-être résumer. Je pense qu'il n'est que juste de vous laisser en parler. Vous travaillez à cela depuis longtemps.
    Je vous remercie.
     Dans l'essai suédois, des femmes ont été invitées à passer une mammographie et la moitié d'entre elles n'ont pas été invitées.
     Comment savez-vous qu'elles n'avaient pas de cancer palpable? Celles qui sont venues auraient pu être exclues en cas de cancer palpable, mais celles du groupe témoin n'ont jamais été examinées. Ils ne savent pas s'ils avaient un cancer palpable ou pas. Cet essai, l'essai suédois, est considéré comme un modèle d'excellence. Je l'ai examiné de très près et j'y ai trouvé de nombreux éléments que je considère comme inadéquats.
    La Dre Gordon prétend qu'il existe huit essais, au nombre desquels seul l'essai canadien est aberrant. J'aimerais bien voir les sept autres. Les deux seuls que je connaisse sont les essais suédois. J'aimerais bien voir les références des six autres essais que je ne connais pas. Je ne connais que l'essai britannique sur l'âge, qui n'a montré aucun effet.
     Je connais l'essai HIP, qui n'a montré aucun effet après 15 ans de suivi, ainsi que l'essai d'Édimbourg.
     Venir devant ce comité et dire qu'il y a huit essais qui montrent un effet pour les essais randomisés et un qui n'en montre pas, c'est... Si je faisais partie de ce comité, je ne voudrais pas avoir ces preuves.
     Croyez-moi, elles n'existent pas. Il n'y a pas huit essais qui montrent un avantage. S'il y en a, je serai prêt à m'excuser auprès de la Dre Gordon et des autres.
    Merci, docteur Narod.
    Je serai heureuse de fournir ces preuves plus tard. Nous fournirons ces preuves.
    Oui, j'en serais ravi.
    Docteure Gordon, si vous pouviez les soumettre au Comité, nous vous en serions très reconnaissants.
     Monsieur Simard, vous n'avez pas eu l'occasion de donner votre avis.
     Si vous me permettez de résumer, je pense que nous avons entendu la Dre Wilkinson et la Dre Gordon dire que le fait d'avancer l'âge du dépistage pour les femmes asymptomatiques à 40 ans serait approprié et appuyé par la science. Le Dr Narod, si j'ai bien compris, n'est pas pour ce changement. Encore une fois, je ne suis pas du genre à mettre des mots dans la bouche des gens.
     Monsieur Simard, je sais que votre objectif est légèrement différent et qu'il s'agit davantage de diagnostics de précision — si je peux utiliser ces mots. Je pense que c'est manifestement la voie de l'avenir.
     Si vous avez une opinion, monsieur, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez que le groupe de travail canadien devrait faire? Je pense que ce serait utile.
(2105)
    Ce que nous avons proposé, c'est de procéder à une évaluation des risques, par exemple, à l'âge de 40 ans. En fonction de leur catégorie de risque — il s'agit d'une stratification du risque —, les femmes dont le risque est équivalent à celui de la population peuvent commencer plus tard. Toutefois, les 20 % de femmes présentant un risque moyen ou élevé devraient commencer à 40 ans. Je pense qu'il est important de procéder à une évaluation exhaustive des risques.
     D'ailleurs, ce n'est pas si futuriste que ça. Il nous faut une volonté politique. Nous avons publié l'outil de prévision du risque global, conçu par mon collègue de l'Université de Cambridge au Royaume-Uni. Depuis 2020, cet outil a déjà été utilisé 1,7 million de fois dans 120 pays.
     C'est le monde réel. Bien sûr, s'il n'est pas encore disponible, le score de risque polygénique coûtera le même prix qu'une mammographie, soit environ 100 $. Il peut être fait une fois dans la vie. Il suffit d'une volonté politique pour adopter ce test. Tout bon laboratoire de génomique au Canada — parce que nous disposons d'une très bonne plateforme de ces laboratoires, ainsi que de laboratoires cliniques — peut effectuer entre 5 000 et 10 000 tests par semaine. Ce n'est pas tellement futuriste. Il doit y avoir une volonté politique d'adopter l'innovation. L'objectif de notre recherche est de fournir des innovations.
     Il y a deux semaines, lors de la réunion annuelle du programme québécois de lutte contre le cancer, le ministère de la Santé nous a décerné un prix pour notre projet de promotion de la santé et de prévention du cancer.
    Je suis désolé. Monsieur Simard, puis‑je vous interrompre un instant?
    En ce qui concerne des lignes directrices canadiennes, recommandez-vous donc qu'on y mentionne le dépistage polygénique sur lequel vous avez fait des recherches, et que celui‑ci doit donc faire partie de ces lignes directrices?
    Une évaluation exhaustive des risques... oui.
    Pouvez-vous déposer cette recherche auprès du Comité, monsieur Simard?
    J'ai fourni un jeu de diapositives. Ils devraient vous donner... Ils cherchent seulement la traduction, je crois.
    C'est parfait. Je vous remercie, monsieur.
    Merci, monsieur Simard.
     Merci, monsieur Ellis.
     Nous passons maintenant à M. Jowhari, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Bienvenue à tous les témoins.
     Hier, j'ai eu l'occasion de rencontrer l'association Agir contre le cancer maintenant. C'était une réunion très intéressante. Elle a été très instructive.
     Ils ont parlé de l'absence de normes pancanadiennes sur les programmes de détection précoce qui couvrent un éventail de services dans ce que nous appelons l'aspect technologique. Ils ont parlé de biomarqueurs ou de tests génétiques. Ils ont parlé des différents tests disponibles, tels que le tomodensitogramme, l'imagerie par résonnance magnétique, l'échographie et la mammographie.
     Ils ont également évoqué la nécessité d'accéder à un soutien, de réduire les longues attentes et d'avoir accès à des oncologues. Ce qui est apparu très clairement, c'est qu'ils estiment que nous ne disposons pas d'un programme de détection précoce qui tient compte de toute une série de facteurs. Ils ont parlé de certaines administrations et du fait que l'ethnicité, l'âge et les données démographiques — tous ces éléments —jouent un rôle dans la détection précoce.
     Ma question s'adresse à tous les témoins qui veulent bien y répondre. Existe-t‑il une administration que nous pourrions prendre comme exemple, pour ce qui est des pratiques exemplaires de programmes de détection précoce qui sont étayés par des données et des modèles et qui couvrent un large éventail d'aspects de la détection du cancer?
     Quelqu'un aimerait‑il commenter cela?
     Docteure Wilkinson, vous êtes dans la salle.
     Parlez-vous d'une administration au Canada?
(2110)
    Je parle d'un programme de détection précoce qui serait normalisé dans tout le Canada. Y a‑t‑il un pays dans le monde qui est à l'avant-garde de l'utilisation des données et de la modélisation, ainsi que de tous ces autres éléments en faisant le meilleur programme de détection précoce, dont nous pourrions nous inspirer?
    Nos programmes de détection précoce sont essentiellement des lignes directrices de groupe de travail. Ces lignes directrices indiquent aux médecins de famille ce qu'ils doivent faire pour leurs patients et quels tests ils doivent prescrire.
    Comment cela se compare-t‑il aux autres pays qui sont à l'avant-garde dans ce domaine?
    Je dirais que les États-Unis sont notre homologue le plus proche. Ils semblent plus ouverts à l'examen de données plus récentes qui ne sont pas des essais cliniques randomisés normalisés. Ils semblent être plus proactifs. Nos lignes directrices tendent à être très réactives. Je pense qu'ils sont plus innovants pour la recherche de changements à apporter. Je pense qu'ils seraient...
     Je suis désolé. Je vous interromps.
    Vous dites que si nous nous inspirons du modèle américain pour notre programme de détection précoce, ce serait un bon début.
    Je pense qu'il serait bon de s'ouvrir à différents processus méthodologiques. Lorsque nous parlons de détection précoce, nous parlons essentiellement de dépistage. Bien que vous parliez de quelques autres... Il y a beaucoup de choses qui s'annoncent. Un jour, le dépistage pourra se résumer à un seul test sanguin, mais nous n'en sommes pas encore là.
    Y a‑t‑il un pays dont le programme de détection précoce est vraiment d'avant-garde?
     Êtes-vous en train de dire que les États-Unis sont les seuls à être à l'avant-garde?
    Je pense que les États-Unis sont dans le peloton de tête. Certains pays européens sont très proactifs en matière de dépistage du cancer du sein. Je pencherais probablement pour les États-Unis.
    D'accord.
     Y a‑t‑il d'autres témoins qui souhaitent intervenir?
    Je ne pense pas qu'il y ait un seul pays qui fait tout ce qu'il faut. En France et en Autriche, par exemple, les femmes dont la densité mammaire est élevée sont automatiquement rappelées pour un dépistage supplémentaire. C'est également le cas en Colombie-Britannique. Les femmes dont la densité mammaire est de catégorie C et D peuvent bénéficier d'un dépistage supplémentaire par échographie mammaire pris en charge par leur assurance maladie provinciale.
     En Europe, par exemple, on reconnaît que les IRM de dépistage pour les femmes présentant une densité mammaire extrême, dans la catégorie de densité mammaire extrême, sont désormais recommandées pour toutes les femmes, idéalement tous les deux ou trois ans, mais pas plus de quatre ans.
    Les États-Unis viennent de reculer l'âge à 40 ans, mais ce n'est pas parfait, car les femmes devraient dès la quarantaine passer des mammographies annuelles et elles n'y ont droit que tous les deux ans.
    C'est un méli-mélo de directives dans le monde entier. Je ne crois pas qu'un seul pays soit un exemple. Je crois que le Canada pourrait être un chef de file dans ce domaine. Nous pouvons prendre le meilleur de chacun d'entre eux.
    Merci, docteure Gordon.

[Français]

     Pour la suite, je cède la parole à Mme Larouche pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Durant cette réunion, qui achève, nous avons beaucoup parlé de l'importance d'un diagnostic précoce. Je pense que nous nous entendons maintenant pour dire que, pour de nombreux types de cancer, la clé réside dans un diagnostic précoce pour essayer d'agir le plus rapidement possible. Les témoins disent que c'est ce que font beaucoup les médecins de famille, qui tentent d'intervenir le plus tôt possible.
    Madame Wilkinson, vous avez parlé de coûts dans votre allocation d'ouverture. Vous avez dit qu'une mammographie coûtait environ 68 $, alors que le traitement d'un cancer du sein peut coûter environ 500 000 $. En termes d'efficacité pour le système, à quel point le fait d'intervenir plus tôt va-t-il au bout du compte coûter moins cher au système que des traitements à un stade plus avancé?

[Traduction]

    Absolument.
    D'après notre étude, si l'on traite le CCIS, un carcinome canalaire in situ, cela revient à environ 15 000 $. Le stade 1 coûte environ 20 000 $. Le stade 3 atteint environ 100 000 $, et le stade 4 dépasse le demi-million de dollars.
     Si l'on considère que les femmes dans la quarantaine vont présenter un cancer à un moment donné, elles vont simplement présenter des cancers à un stade plus avancé ou, comme nous l'avons vu dans notre étude, ce seront des femmes de cinquante ans avec des cancers à un stade plus avancé ou elles vont avoir plus de cancers dans la cinquantaine parce que nous n'avons pas traité les lésions précancéreuses dans la quarantaine. Tout cela se traduit par une augmentation marquée des coûts.

[Français]

    Merci beaucoup pour cette réponse.
    Pour terminer, je voudrais aussi vous remercier, monsieur Simard. Vous avez abordé rapidement le prix que vous avez remporté, mais vous avez été modeste. Le prix Wilder‑Penfield, dans la catégorie des prix scientifiques, est décerné aux personnes qui connaissent une carrière de recherche remarquable dans le domaine biomédical. Vous l'avez reçu pour votre contribution à la découverte du gène BRCA2. Je vous félicite pour vos travaux à l'Université Laval.
    Pour terminer, ya-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter à propos de ce prix et de ce que ça peut apporter pour l'avenir de la recherche?
(2115)
     En fait, lorsque j'ai participé à la codécouverte du gène BRCA1 et, surtout, du gène BRCA2, on aurait dit qu'il était futuriste de tester les femmes pour des prédispositions. Or, nous savons que des millions de femmes ont été testées, et que cela a probablement sauvé des centaines de milliers de vies.
    Je pense qu'il faut se fier aux preuves et à la meilleure science possible. Actuellement, la meilleure science nous offre l'occasion de tenir compte de l'ensemble des facteurs de risque. La densité mammaire est l'un des facteurs de risque importants, mais, parfois, lorsqu'on combine ce risque avec les autres facteurs de risque, on voit qu'il peut y avoir une atténuation des risques.
    J'aimerais aussi mentionner un fait dont nous n'avons pas beaucoup reparlé, mais que Mme Wilkinson a mentionné plus tôt: il ne faut pas oublier que l'histoire naturelle du cancer du sein diffère selon les groupes ethniques. Chez les femmes d'ascendance africaine ou asiatique, nous savons que le cancer du sein va apparaître presque dix ans plus tôt que chez les femmes européennes, d'où l'intérêt ou la pertinence de toujours prendre en considération l'origine ethnique des femmes, et de leur offrir un dépistage qui va être approprié.
    Merci, monsieur Simard.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Davies, pour deux minutes et demie.
    Merci.
     Docteur Narod, l'étude que vous avez réalisée a‑t-elle porté sur une population diversifiée, avec des ethnies qui refléteraient la composition actuelle de la population canadienne?
    Les participantes ont été recrutées en 1983.
    A‑t‑on contrôlé plusieurs ethnies?
    Autant que je me souvienne, nous n'avons pas utilisé la race ou l'ethnicité comme covariant.
    Merci.
    Elles étaient blanches à 98 %.
    Elles étaient blanches à 98 %... vraiment?
    Probablement.
     D'accord. Merci.
     Docteure Gordon, pouvez-vous nommer les huit études dont vous parliez?
    Il y a eu, en fait, 11 essais cliniques randomisés. Le premier a été réalisé en 1963, à New York, et s'appelait HIP, le sigle de leur plan d'assurance maladie. Ensuite, il y en a eu plusieurs en Suède. Il y a eu Malmö 1 et Malmö 2, Kopparberg et Östergötland, puis un essai à Édimbourg. Deux d'entre eux étaient les essais CNBSS. CNBSS 1 concernait les femmes âgées de 40 à 49 ans, et CNBSS 2 les femmes âgées de 50 à 59 ans. Il s'agissait d'essais complètement différents, avec des méthodes différentes. Ensuite, il y a eu Stockholm, Göteborg et la Finlande. De tous les essais randomisés, les Canadiens sont les seuls à ne pas avoir montré une réduction du nombre de décès dans le groupe mammographie.
    Merci.
     Pour aller au fond des choses, j'ai deux ou trois points. Y a‑t‑il des preuves montrant que le fait de reporter le dépistage à 50 ans a coûté la vie à des Canadiennes pour n'avoir pas eu de dépistage plus tôt, à 40 ans?
    Absolument. Les données de la Dre Wilkinson le montrent, et la modélisation démontre que plus de 400 décès par an de femmes dans la quarantaine étaient des décès évitables attribuables au non-dépistage des femmes entre 40 et 49 ans.
    Le dernier mot vous revient, madame Dale.
     Nous avons entendu la Dre Gordon dire que les femmes ayant un tissu mammaire dense devraient se voir proposer des mammographies annuelles.
     Je crois savoir que le groupe de travail canadien a affirmé qu'il n'y avait pas de preuves à l'appui d'un dépistage supplémentaire pour les femmes ayant une densité mammaire élevée. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous ne convenez pas de cette évaluation?
    Tout d'abord, j'aimerais dire que les femmes ayant des seins denses ne présentent pas un risque moyen et que le groupe de travail les a mises dans le même panier que les femmes présentant un risque moyen. Ils disent ensuite qu'il n'y a pas de preuves à l'appui d'un dépistage supplémentaire, et nous savons qu'il y a 50 ans de preuves — ne me demandez pas de les énumérer. Nous avons ces preuves et nous pouvons certainement vous les faire parvenir également.
     Le président du groupe de travail a déclaré que si les États-Unis disent qu'il n'y a pas de preuves, il n'y a pas de preuves. Il semble qu'ils ne veuillent même pas étudier le dépistage supplémentaire pour les femmes présentant une densité mammaire élevée, mais nous connaissons les avantages du dépistage supplémentaire pour ces femmes.
(2120)
    Merci, madame Dale.
     Merci, monsieur Davies.
     Il y aura encore deux séries de questions.
     L'intervenant suivant est M. Ellis, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Merci à tous d'être ici.
     Nous avons certainement entendu une partie de la controverse sur les raisons pour lesquelles cette question est difficile. J'aimerais demander à chacun d'entre vous quel avenir vous voyez pour le dépistage du cancer du sein.
     Je commencerais peut-être par vous, monsieur Simard. Quel sera votre avenir? Si vous pouvez être bref, nous pourrons vous entendre tous les quatre.
    Commencer peut-être à 35 ou 40 ans par une évaluation complète des risques. Adapter l'âge de départ et l'âge d'arrivée. Adapter les modalités. Cela signifie une mammographie et une IRM. Je pense que c'est l'approche à adopter. C'est ce que nous appelons l'approche du dépistage stratifié en fonction du risque.
    Merci, monsieur.
    Docteure Gordon, allez‑y, s'il vous plaît.
    Je suis d'accord pour dire que l'évaluation des risques est importante. Je pense que l'intelligence artificielle va jouer un rôle de plus en plus important. L'IA peut trouver dans les mammographies des éléments que l'oeil humain ne peut pas voir, ce qui peut nous aider à prédire le risque.
     Il y a aussi les questionnaires habituels sur les antécédents familiaux, etc. Tout le monde devrait faire l'objet d'une évaluation des risques, idéalement vers 30 ans. Les femmes présentant un risque moyen devraient commencer à passer une mammographie de dépistage à 40 ans et pouvoir continuer à le faire chaque année. Toutes les femmes devraient être informées de leur densité mammaire. Les femmes dont la densité mammaire est élevée devraient bénéficier d'un dépistage supplémentaire.
     De nouvelles modalités voient le jour constamment. La plus récente est la mammographie avec contraste. Elle sera beaucoup moins coûteuse que l'IRM. Sa sensibilité est très proche de celle de l'IRM. Cela fera une énorme différence. Seuls 30 établissements au Canada ont acheté ce type d'appareil.
    Merci, docteure Gordon. J'espère que l'IA ne vous enverra pas au chômage. On ne sait jamais.
     Des voix: Oh, oh!
     M. Stephen Ellis: Docteure Wilkinson, pourriez-vous me faire part de vos réflexions, s'il vous plaît?
    Je suis d'accord avec la Dre Gordon.
     Je pense que nous avons besoin d'une évaluation des risques. Le Mirai est la nouvelle technologie qui cherche à utiliser l'IA pour prédire, à partir de la mammographie de base d'une femme, quel serait son risque futur et pour aider à établir un intervalle de dépistage.
     Ce que j'entends surtout ici, c'est qu'il y a tellement de nouvelles technologies qui apparaissent et de choses qui changent que nous avons besoin d'avoir des experts qui connaissent toutes ces choses dans les organismes qui prennent ces décisions.
    Docteur Narod, voulez-vous continuer, s'il vous plaît, monsieur?
    L'avenir du dépistage...? C'est une bonne question.
     J'ai un article à paraître au début de 2024 dans le JAMA Oncology, qui évalue le dépistage. Je pense que cela va tout changer. Il est sous embargo, je ne peux donc pas vous en dire plus.
     Des voix: Oh, oh!
     Dr Steven Narod: Nous entendons beaucoup parler d'experts ici aujourd'hui. Je ne prétendrai jamais être un expert. Je pense qu'il est important que d'autres personnes vous attribuent cette désignation. Ce n'est pas quelque chose que l'on s'attribue soi-même. Je peux dire que j'ai reçu cette année la médaille McLaughlin de la Société royale, qui récompense le meilleur scientifique médical du Canada. Je peux dire que j'ai remporté le prix Killam pour le meilleur scientifique médical au Canada en 2016. Je peux dire que la Société canadienne d'épidémiologie et de biostatistique m'a décerné le Prix d'excellence pour l'ensemble des réalisations en 2019. C'est au Comité de décider qui est... Il y a toujours des gens qui ont des opinions divergentes. J'en entends tous les jours. Je veux juste vous faire prendre conscience du fait que les gens ont des degrés d'expertise différents.
    Merci, docteur Narod. Je pense qu'il est important de parler de la méthode scientifique, et les divergences d'opinions sont bien sûr importantes.
     Madame Dale, nous pensons souvent à des absolus. En tant qu'ancien médecin de famille, je dirais que notre travail consiste à éduquer, dans ce cas, les femmes sur les risques et les avantages et à les aider à prendre les bonnes décisions. En tant que patiente, vous voudrez peut-être faire quelques remarques à ce sujet, si vous le voulez bien.
    Oui, il y a d'énormes lacunes dans l'éducation des femmes, mais aussi des médecins de famille. Cela est dû en partie à la désinformation qui se répand. Nous faisons de notre mieux pour dissiper ces renseignements, mais le groupe de travail est à l'origine d'une grande partie du travail. C'est de là que tout part.
     Vous posez des questions sur l'avenir, mais nous concentrons beaucoup notre attention sur le présent. Nous ne pouvons pas penser à l'avenir tandis que tant de femmes meurent aujourd'hui, notamment en raison de l'augmentation de l'incidence chez les femmes âgées de 30 à 39 ans, qui a augmenté d'environ 18 % depuis 1984, et nous devons donc trouver des solutions pour les femmes d'aujourd'hui.
(2125)
    Merci.
     Allez‑y, docteure Wilkinson, brièvement.
    Puis‑je parler de la formation des médecins de famille?
     J'aimerais simplement préciser que le groupe de travail est une institution vénérable et qu'il y a un préjugé institutionnel qui se crée. J'ai présidé le comité des soins en cancérologie du Collège des médecins de famille. J'ai contacté le Collège pour demander si je pouvais former les médecins de famille au risque de cancer du sein chez les femmes dans la quarantaine, après que nous ayons terminé nos recherches. On m'a répondu que je ne pouvais pas le faire, car cela ne correspondait pas aux lignes directrices.
     J'ai soumis un commentaire à la revue Le Médecin de famille canadien à propos de cette recherche et des impacts, encore une fois, pour éduquer les médecins de famille. Ce commentaire n'a même pas été transmis à l'examen par des pairs, alors que j'ai publié de nombreux articles chez eux. Parce que ce que je dis est différent de ce que les lignes directrices citent, ce n'est pas quelque chose qui peut être publié pour éduquer les médecins de famille.
    Je vous remercie.
     La dernière série de questions sera posée par M. Hanley, pour cinq minutes.
    Puisque je suis le dernier intervenant, je tiens à vous remercier tous pour vos témoignages. Ces deux heures ont été incroyablement intéressantes et riches. Chacun d'entre vous a apporté un point de vue très important. Je ne pense pas que nous allons résoudre toutes les controverses dans cette étude, mais elle montre certaines des controverses, ainsi que les complexités de la navigation future.
     Je dirai que je viens de l'une des administrations — les petites administrations — qui ont été plus permissives en ce qui concerne le dépistage du cancer du sein dans la tranche d'âge de 40 à 50 ans, et où nous avons encouragé cette conversation également avec les prestataires de soins primaires.
     Docteure Wilkinson, je commencerai par vous. Je suis très intéressée par votre étude, que je n'ai pas vue, sur ce que vous avez appelé une « expérience naturelle » entre administrations. Pourriez-vous la décrire? Je suppose qu'il ne s'agit pas d'une étude longitudinale, mais plutôt d'une étude écologique. Est‑ce ainsi que vous la décririez?
    Nous avons essentiellement examiné la répartition des stades de la maladie au moment du diagnostic chez les femmes qui vivaient dans les régions dotées de programmes organisés et celles qui n'en avaient pas. Ce que nous avons constaté, c'est qu'il y avait beaucoup plus de cancers de stade 1, moins de cancers de stade 2, moins de cancers de stade 3 et moins de cancers de stade 4 chez les femmes d'une quarantaine d'années qui bénéficiaient d'un dépistage. Elles avaient plus de cancers du sein précoces et moins de cancers avancés. Dans la cinquantaine, nous avons constaté un effet d'entraînement. Les stades 2 et 3 étaient beaucoup plus élevés en l'absence de dépistage dans la quarantaine.
    Merci.
     Docteur Narod, vous avez dit que vous avez lu toute la littérature scientifique. Connaissez-vous cette étude?
    Dr Steven Narod: Oui, je la connais.
    M. Brendan Hanley: Auriez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Je me demande simplement s'il y a une possibilité de biais de sélection dans cette étude.
    Il y a beaucoup d'études comme celle‑ci. Permettez-moi de l'expliquer ainsi. Dans l'Étude nationale canadienne sur le dépistage du cancer du sein, les femmes dont le cancer détecté par mammographie était plus petit et moins susceptible d'avoir des ganglions positifs avaient une meilleure survie, mais le nombre de décès était le même. On ne peut pas utiliser cela pour...
     La détection précoce fonctionne. Elle permet de détecter les cancers lorsqu'ils sont plus petits et plus susceptibles d'être sans envahissement ganglionnaire. La survie des cancers détectés par mammographie était supérieure de deux ans à celle des cancers palpables, mais à moins d'avoir des données claires montrant qu'il y a une différence sur le plan de la mortalité...
    C'est le cas.
    Allez‑y.
    Dans notre étude sur la survie, nous avons examiné la survie, mais nous avons également examiné la mortalité en fonction de l'incidence pour nous assurer que nous n'examinions pas seulement le délai et...
    Je vous remercie. Il ne me reste que deux minutes.
     J'aimerais beaucoup que vous nous soumettiez cette étude et peut-être aussi ce que vous avez essayé de soumettre comme observations, mais qui n'a pas été accepté, d'après ce que vous avez dit.
     Docteur Narod, j'attends avec impatience votre livre ainsi que l'article dans le JAMA en 2024.
     Je voudrais changer un peu de sujet et parler de l'accès.
     Docteure Wilkinson, je pense que vous avez un programme sur l'accès au dépistage du cancer du sein chez les femmes qui n'ont pas de médecin de famille. De toute évidence, vous avez cerné un domaine. Je m'inquiète des femmes qui, quel que soit leur âge, sur mon territoire et ailleurs, ne sont pas du tout au courant des directives de dépistage, sont souvent éloignées et n'ont pas accès aux programmes de mammographie qui sont offerts. Ce n'est pas seulement une question de géographie. Il s'agit parfois d'une question d'accès social, de crainte, de traumatisme ou d'accès psychologique.
     Je me demande si vous pourriez nous parler de cela et de la manière dont nous pouvons aborder ce problème.
(2130)
    Pour ceux qui ne le savent pas, nous avons lancé un nouveau programme dans la région de Champlain, le Programme d'accès au dépistage Champlain, qui permet à toute personne n'ayant pas de médecin de famille d'accéder au dépistage du cancer. En outre, c'est un programme proactif. Nous allons sur le terrain et nous établissons des liens avec différentes organisations communautaires. Par exemple, nous avons utilisé les réseaux de vaccination COVID en les réaffectant au dépistage du cancer. Nous faisons beaucoup d'éducation.
     Je pense que c'est le modèle vers lequel nous devons tendre. Il s'agit davantage de sensibilisation, d'éducation et d'identification des personnes qui n'ont pas accès au dépistage.
    Merci, docteure Wilkinson.
     Merci à tous les témoins.
     Allez‑y, monsieur Powlowski.
    Docteur Narod, vous avez répondu à l'Université de Toronto au sujet des accusations portées sur l'essai clinique randomisé auquel vous avez participé. Pourriez-vous soumettre votre réponse au Comité?
     La Dre Gordon pourrait-elle également soumettre...?
    Je vous la donnerai, mais je préférerais ne pas la donner au Comité. Cela vous convient‑il?
    Vous pourriez peut-être la remettre à la greffière.
    J'aimerais la donner à M. Hanley ainsi qu'à vous. Je préférerais que le reste du Comité ne la voie pas.
     Est‑ce acceptable?
    Je pense qu'elle devrait probablement être remise au reste du Comité.
     Nous pouvons nous charger de la distribuer, cependant.
    Je préférerais que vous ne la distribuiez pas.
    Bien.
     Vous pouvez faire ce que vous voulez en privé après la réunion.
    Nous allons essayer de conclure, s'il vous plaît.
     M. Hanley a remercié avec éloquence tous nos témoins. Vous pouvez considérer que cela vient de l'ensemble du Comité.
     Je peux également vous dire que nous accueillerons avec plaisir — et encourageons — tout renseignement supplémentaire que vous voudrez soumettre au Comité, indépendamment de ce qui a été précisément demandé et de ce qui a été mentionné. Tous ces renseignements seront pris en considération dans l'étude.
     Docteur Narod, nous aimerions voir ce rapport sous embargo lorsqu'il ne le sera plus, par exemple.
     En tout état de cause, ce que vous soumettrez au Comité sera pris en compte dans les éléments de preuve de l'étude. Cette conversation a été passionnante et il est clair que je vous ai interrompu à plusieurs reprises lorsque vous aviez quelque chose à ajouter. N'hésitez pas à nous le communiquer par écrit.
     Je vous remercie de votre présence. Votre expertise et votre patience sont grandement appréciées.
     Chers collègues, notre prochaine réunion aura lieu lundi. Nous avions prévu trois heures, mais nous n'en aurons besoin que de deux, car nous n'avons pas réussi à obtenir la présence du ministre Champagne. Nous nous réunirons de 11 à 13 heures, la première heure étant consacrée à l'étude sur les opioïdes et la seconde aux questions relatives à Medicago.
     Le Comité souhaite‑t‑il lever la séance?
    Des députés: D'accord.
    Le président: Merci. La séance est levée.
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