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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 143e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Conformément à notre motion de routine, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre groupe de témoins. En personne, nous accueillons la Dre Erin Knight, professeure agrégée, Départements de psychiatrie et de médecine familiale, à l'Université du Manitoba. En ligne, nous recevons Lorraine Brett, éditrice adjointe au New Westminster Times, et le Dr Daniel Vigo, professeur agrégé à l'Université de la Colombie-Britannique.
Merci à tous d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui. Comme vous en avez été informés, je le suppose, vous aurez jusqu'à cinq minutes pour présenter vos déclarations liminaires.
Nous allons commencer par vous, madame Brett. Bienvenue au Comité. La parole est à vous.
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Merci beaucoup de me donner l'occasion d'être ici.
Je m'appelle Lorraine Brett. Depuis 1994, je vis à New Westminster, en Colombie-Britannique, où j'ai élevé trois enfants avec mon époux, David. Je suis ici pour aborder la crise dévastatrice de maladie mentale, de surdoses et d'itinérance qui frappe notre pays.
Pendant près de 20 ans, mon fils Jordan, maintenant âgé de 40 ans, a vécu dans les rues de New Westminster et du Downtown Eastside de Vancouver. Il était toxicomane, itinérant et aux prises avec une maladie mentale. Ces 20 années ont été un enfer.
Il a survécu à 12 surdoses. Il était transporté d'urgence au Royal Columbian Hospital de New Westminster, pour être relâché dans les rues quelque temps après.
Lorsque les toxicomanes affrontent la mort, ils ont souvent un moment de clarté. Ils veulent mettre fin au cauchemar. Je n'oublierai jamais la douleur atroce que j'ai ressentie au moment d'entendre mon fils à l'extérieur de l'urgence du RCH dire à travers ses larmes: « Je ne veux pas mourir. »
Pour obtenir un lit de rétablissement en Colombie-Britannique, vous devez d'abord subir une cure de désintoxication, mais pour cela, il faut généralement attendre au moins deux à trois semaines, et les clients doivent appeler chaque jour, ce qui est difficile à faire si vous n'avez pas de téléphone. Jordan a fait une surdose et a été ranimé deux fois pendant qu'il était sur cette liste d'attente.
Il y a une illusion souvent alimentée par les campagnes trompeuses de relations publiques du gouvernement selon lesquelles ces soins pour les dépendances sont offerts à ceux qui le veulent quand ils le veulent. Eh bien, ce n'est pas vrai.
J'ai vu une terrible calamité s'abattre sur nos rues au cours de la COVID quand les toxicomanes sans abri se sont tout d'un coup discrètement vu offrir un approvisionnement sûr en drogues comme s'il s'agissait d'une attraction foraine minable. À cause de la consommation sans fin de drogues, des êtres humains comme mon fils sont devenus des animaux en raison de leur consommation excessive. Pire encore, la COVID a réduit le nombre de lits de rétablissement, de lits de désintoxication et de lits de refuge. Les personnes dans la rue qui étaient atteintes d'une maladie mentale, qui sont les plus vulnérables et sont impuissantes, se retrouvaient vraiment devant une impasse horrible, sans personne pour défendre leur dignité et leur intention de cesser de consommer de la drogue.
L'approvisionnement sûr et la légalisation des drogues dures créent une descente aux enfers. C'est un cercle de l'enfer encore plus profond, qui traque, emprisonne et incinère des vies.
Notre fils va beaucoup mieux. Comment est‑ce possible?
Voici ce qui n'a pas du tout aidé notre fils: des campagnes de marketing mielleuses du gouvernement sur la fin de la stigmatisation, l'approvisionnement sûr, la décriminalisation et des militants de la justice sociale réclamant le démantèlement des systèmes d'oppression.
Voici ce qui a fonctionné: un traitement imposé dans des établissements fermés, des médicaments antipsychotiques appropriés dans un environnement contrôlé, des psychiatres prêts à utiliser la loi qui régit la santé mentale en Colombie-Britannique pour faire interner les personnes souffrant de psychose et de dépendance, et la disponibilité d'un lit dans un établissement approprié.
En 2006, j'ai aidé à fonder la Homelessness Coalition Society de New Westminster. J'ai passé cinq ans là‑bas, où j'ai contribué à lancer un projet pilote de services toujours actifs aujourd'hui, comme des services intégrés pour les personnes les plus difficiles à loger.
De nombreuses personnes fantastiques travaillent sur la ligne de front de cette crise, mais j'ai passé assez de temps dans le système pour connaître la différence entre une campagne de relations médiatiques coûteuse et professionnelle et des résultats concrets.
Par exemple, en Colombie-Britannique, un nouvel établissement de rétablissement et de psychiatrie appelé Red Fish a ouvert ses portes sur les terres de Riverview. Ces rubans ont été coupés, et le gouvernement a alimenté la fanfare médiatique et s'est targué de l'excellente presse qu'il a reçue. Malheureusement, le public n'est généralement pas conscient du fait que Red Fish ne faisait que remplacer l'établissement de santé mentale et de toxicomanie vieillissant de Burnaby, où notre fils a passé trois mois. Aucun nouveau lit n'a été créé.
Où sont tous les nouveaux lits? Il en faut des milliers de plus, pas quelques centaines répartis un peu partout au pays, ici et là.
Voici ma demande pour vous tous. Arrêtez d'essayer de changer de sujet en encourageant inutilement des campagnes coûteuses de lutte contre la stigmatisation et la rhétorique de l'approvisionnement sûr. La stigmatisation n'a rien à voir avec la crise des surdoses. Ce n'est qu'une stratégie cynique de relations publiques pour amener le public à penser qu'il est la cause des décès par surdose à cause de la manière dont il pense et parle des toxicomanes, et c'est un non-sens.
L'approvisionnement sûr n'existe pas. La stigmatisation ne tue pas. Les drogues, si.
Le mythe est que si ce n'était de la stigmatisation, les toxicomanes se précipiteraient pour accéder aux soins dont ils ont besoin et aux drogues sûres. C'est une pure invention. Il n'y a pas assez de soins offerts aux personnes qui les demandent déjà activement.
Jordan était un enfant innocent et heureux qui faisait la fierté de sa mère. C'était une star de football, un athlète remarquable complet et un étudiant travaillant et concentré, puis tout a dégringolé.
L'alcool a conduit à la marijuana, la marijuana au crack, puis aux méthamphétamines, qui ont ensuite été mélangées au fentanyl. Jordan ne veut pas être un consommateur de drogues. Il travaille très fort pour se tenir loin des drogues. Il vient juste de célébrer une année de sobriété.
Voici quelques recommandations concrètes pour vous.
On doit accorder la priorité aux personnes qui souffrent simultanément d'une dépendance et d'une psychose. Il faut élargir de manière radicale l'utilisation des lois sur la santé mentale pour incarcérer et traiter les personnes qui ont un diagnostic double. On doit accélérer de manière spectaculaire la création de milliers de places dans les établissements sécurisés. C'est une urgence. Voyez‑le comme une urgence. Trouvez ces établissements. Obtenez les terres. Faites en sorte que la construction se fasse.
Pour les personnes dépendantes qui ne sont pas psychotiques, mais qui présentent des symptômes psychotiques comme la paranoïa, renvoyez-les d'office dans un établissement de soins. Si le comportement psychotique disparaît, dans ce cas, transférez-les dans des établissements de traitement volontaire.
Bien sûr, il faut décupler le nombre de lits de désintoxication et le nombre de lits de traitement au Canada.
Merci beaucoup de m'avoir écoutée aujourd'hui.
Comme on l'a mentionné, je suis professeure agrégée aux Départements de psychiatrie et de médecine familiale. Je suis la responsable médicale des cliniques provinciales d'accès rapide à des médicaments contre la toxicomanie au Manitoba, et j'occupe plusieurs autres rôles de leadership en plus de pratiquer la médecine de la dépendance clinique et la médecine familiale.
Bien que je m'adresse à vous aujourd'hui à titre personnel, je suis également présidente de la Société médicale canadienne sur l'addiction. Certains de mes commentaires s'inspirent du mémoire soumis par la SMCA.
Je tiens à souligner que toute réponse à cette crise complexe devra être à facettes multiples et répondre aux besoins de toutes les personnes consommatrices de drogue. Cependant, mes recommandations se concentreront sur les personnes aux prises avec un trouble lié à la toxicomanie.
Je vais commencer par raconter une histoire qui, même si elle est fictive, est une compilation d'événements réels. Angela est une mère célibataire. Son conjoint, Alex, a été incarcéré pour des accusations liées à la drogue à un moment où ils consommaient tous les deux du fentanyl. Alex a subi des symptômes sévères de sevrage des opioïdes et s'est vu refuser un traitement. Angela a demandé de l'aide et a commencé à prendre de la buprénorphine et de la naloxone. Elle se portait bien et se réjouissait à l'idée de progresser avec sa famille. Malheureusement, Alex est mort d'un empoisonnement aux drogues quelques semaines après sa libération, à cause d'une perte de tolérance aux opioïdes pendant sa détention et de son trouble non traité lié à la consommation d'opioïdes.
Angela est restée stable, mais lors de notre dernière visite, elle m'a dit qu'elle avait besoin de diminuer ses médicaments. Elle sent qu'elle peut mieux soutenir ses enfants en travaillant qu'avec l'aide sociale. Cependant, lorsqu'elle commencera à gagner un revenu, elle perdra son assurance-médicaments, et elle n'a pas les moyens de payer pour cela. Malheureusement, ses chances de réussite à long terme sont faibles, et je crains qu'elle ne se joigne aux plus de 47 000 Canadiens qui sont déjà morts d'un empoisonnement aux drogues depuis 2016, laissant ainsi ses enfants perdre deux parents à cause de l'épidémie d'opioïdes.
Ma première recommandation est que le gouvernement fédéral soutienne la décriminalisation nationale des drogues à des fins personnelles. Bien que les résultats des projets pilotes de l'Oregon et de Vancouver aient été mauvais et que ces projets aient déjà commencé à réduire leur portée, en plus de l'escalade des demandes de traitement imposé, il importe de ne pas rejeter l'idée de la décriminalisation à cause de politiques erronées.
Un élément essentiel d'une décriminalisation réussie, comme on le voit au Portugal, est l'évaluation et l'aiguillage vers un traitement des personnes aux prises avec une consommation problématique. Cet élément de dissuasion a été absent des efforts de l'Amérique du Nord et doit être combiné à l'augmentation du traitement à la demande fondé sur des preuves avant le déploiement.
Au lieu de passer d'une décriminalisation sans aucun incitatif au changement à la mise en œuvre du traitement imposé, nous devrions nous concentrer sur un compromis en utilisant une politique de décriminalisation bien ficelée pour encourager l'utilisation volontaire ou minimalement coercitive d'un traitement accessible fondé sur des preuves. Si Alex s'était vu offrir un traitement plutôt que l'incarcération, il serait peut-être en vie aujourd'hui pour voir ses enfants grandir.
Ma deuxième recommandation est que le gouvernement fédéral établisse un groupe de travail pour élaborer et mettre en œuvre un plan d'action national visant à lutter contre les méfaits liés aux substances. Il y a beaucoup trop de variabilité dans l'accès à des soins fondés sur les preuves dans l'ensemble des régions, y compris entre les provinces et entre les milieux urbains et les milieux ruraux ou éloignés. C'est tout particulièrement le cas dans les régions où les questions de compétence entre les services financés par le gouvernement fédéral et par les provinces entraînent des écarts dans les soins, dont ceux offerts aux personnes incarcérées et aux collectivités autochtones.
Pour revenir à notre histoire, si Alex avait été incarcéré en Alberta plutôt qu'au Manitoba, il aurait probablement reçu un traitement à cause des différences dans les politiques correctionnelles provinciales.
La troisième recommandation, et la plus directe, réclame la couverture universelle de médicaments pour traiter le trouble lié à la consommation d'opioïdes, qui permettra non seulement de sauver la vie de personnes comme Angela, mais aussi de les aider à travailler, avec moins d'obstacles. En particulier, les produits de buprénorphine et la méthadone, qui sont les traitements de première ligne pour les troubles liés à la consommation d'opioïdes, devraient être inclus immédiatement en priorité dans un formulaire de régime national d'assurance-médicaments, et il faut prendre en considération des agents de rechange. De plus, la naltrexone injectable devrait être proposée en priorité pour être approuvée par Santé Canada et incluse dans le formulaire d'assurance-médicaments lorsqu'il sera disponible.
En conclusion, une réponse efficace à l'épidémie d'opioïdes et à la crise de drogues toxiques sera forcément à facettes multiples et doit comprendre un soutien accru des personnes aux prises avec un trouble lié à la consommation de substances comme un élément. Pour élaborer cette réponse urgente, nous devons également lutter délibérément contre la stigmatisation et la division, reconnaissant que les personnes qui consomment de la drogue sont notre famille, nos amis et les membres de notre communauté, et qu'elles méritent de recevoir des soins.
Je vous remercie de votre attention. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Mme Brett et l'intervenante précédente ont décrit la situation dans laquelle nous nous trouvons au Canada et en Colombie-Britannique. La question est de savoir pourquoi. Comment aller de l'avant pour améliorer ces résultats?
En 2013, le chef de police et le maire de Vancouver ont convoqué une conférence de presse pour déclarer une crise de santé mentale. Il y avait environ 300 personnes souffrant d'une maladie mentale grave, de troubles liés à la polytoxicomanie et de lésions cérébrales acquises qui affichaient certains des comportements qui accablent maintenant nos collectivités. Le chef de police et le maire ont demandé au système de santé de bien vouloir s'en occuper: « Nous ne sommes pas en mesure de le faire. Nous sommes des policiers. »
Comment se fait‑il que, au cours des 10 dernières années à Vancouver, nous soyons passés de 300 personnes à 10 fois ce chiffre, et à 100 fois ce chiffre pour les personnes à risque de souffrir de ces maladies graves?
Il y a trois causes principales. La première a été la fermeture en 2012 de l'hôpital Riverview, sans remplacement. On aurait dû le remplacer par des services communautaires suffisants et des lits d'hospitalisation suffisants afin d'offrir un traitement, principalement volontaire, mais parfois imposé, au besoin.
La deuxième raison, c'est que la révolution technologique a eu lieu. Comme avec chaque révolution technologique, la société a été prise de court. Cette révolution technologique a été la production en arrière-cour d'opiacés synthétiques bon marché et à grande échelle, avec des précurseurs impossibles à freiner et peu coûteux à obtenir. Ils permettent à quiconque qui a l'instinct entrepreneurial et n'a aucune limite éthique de transformer 1 000 $ en 1 million de dollars et ainsi créer la tragédie que nous connaissons.
Des conséquences comme celles‑là de révolutions technologiques se sont produites dans de nombreux domaines de l'expérience humaine. La loi de Moore pour les microprocesseurs a prédit que, tous les deux ans, la puissance des puces informatiques doublerait. Eh bien, dans les mains de ces entrepreneurs, la morphine s'est transformée en fentanyl 100 fois plus puissant et en carfentanil 10 000 fois plus puissant. Quand cela arrive, la nature est transformée par ces molécules. Nos cerveaux sont transformés. La capacité de ces drogues de créer une dépendance tout en endommageant le cerveau et en empêchant les gens de guérir et de participer volontairement à un traitement a été énorme.
La troisième cause est que, comme les intervenants précédents l'ont souligné, un groupe de patients était particulièrement vulnérable; il s'agissait de patients aux prises avec une maladie mentale grave qui étaient exposés systématiquement à ces drogues synthétiques. En passant, ce ne sont pas que les opioïdes; ce sont également les stimulants synthétiques, la méthamphétamine en cristaux de ce monde et les nouvelles combinaisons de chaque drogue qui contamine maintenant l'approvisionnement en drogues illicites. Pour les personnes atteintes d'une maladie mentale grave, l'exposition systématique à ces drogues génère des lésions cérébrales acquises. Ces lésions ont généré une nouvelle triade de symptômes cliniques, qui est maintenant la norme dans nos villes. Nous n'y étions pas préparés, parce qu'elles n'existaient pas dans la mesure, la gravité et la complexité que nous observons.
Je suis psychiatre au sein d'une équipe de traitement communautaire dynamique. Nos équipes interdisciplinaires traitent ces patients dans la communauté, en les trouvant là où ils sont; en trouvant un logement aux itinérants; en leur trouvant un lit d'hospitalisation adéquat lorsqu'ils en ont besoin, et en leur permettant des visites au service d'urgence juste pour le moment où ils en ont besoin; en leur fournissant ces soins imposés lorsqu'ils ne sont pas en mesure de les demander eux-mêmes; et en les sortant des soins imposés la minute où ils sont en mesure de récupérer leur capacité de participer et que l'affaiblissement mental est traité au moyen d'une combinaison adéquate de médicaments psychiatriques et de traitement communautaire dynamique.
Ces trois choses ont créé un angle mort dans la plupart de nos sociétés et de nos collectivités.
Comment régler le problème? Depuis juin dernier, je suis conseiller scientifique en chef pour la psychiatrie, les drogues toxiques et les troubles concomitants, et selon une décision d'élaborer et de mettre en œuvre une politique axée sur les données probantes, nous disposons d'un accès à toutes les données provinciales. Nous connaissons le nombre de lits, d'équivalents temps plein, de psychiatres, d'omnipraticiens, d'infirmières et de travailleurs sociaux nécessaires, et nos recommandations sont liées à bon nombre des aspects que les deux intervenants précédents ont mentionnés. Il y a un fil conducteur dans nos trois témoignages que j'aimerais souligner.
Nous devons rationaliser l'accès à des produits pharmaceutiques qui sauvent la vie, y compris ceux qui ont été mentionnés juste avant moi, comme la naltrexone retard et la naloxone, mais nous devons aussi simplifier l'utilisation de la clozapine, un médicament qui sauve la vie de ces patients, et il y a beaucoup de formalités administratives entourant son utilisation.
Nous rencontrons des personnes à qui nous devons fournir un traitement imposé dans plusieurs situations. J'ai été médecin du service d'urgence pendant quelques années, et si nous avions quelqu'un qui avait subi une commotion cérébrale avec perte de connaissance et qu'en l'évaluant, nous voyions qu'il était confus et disait: « Non, je vais rentrer chez moi et dormir », nous ne pouvions pas permettre que cela se produise. On peut le faire au titre d'une loi différente de la loi sur la santé mentale — la Mental Health Act —, mais c'est le même type de situation.
Restons plus près de chez nous... Vous avez un patient qui a un épisode maniaque et qui vous dit qu'il veut prendre un avion pour Las Vegas et ainsi de suite, et si vous voyez qu'il est dans un épisode de psychose et d'agitation, encore une fois, vous ne pouvez pas le laisser partir comme il le veut. Vous devez le traiter, car il existe un traitement pour cela.
De la même manière, nous savons que dans cette triade de symptômes cliniques, l'effet des opioïdes synthétiques sur le cerveau diminue le volume du cerveau. Plus le cerveau est endommagé, plus le risque de surdose est élevé, ce qui crée un cercle vicieux qui finira par mener à un trouble cognitif, un peu comme celui que nous observons en raison d'une maladie vasculaire ou d'autres formes de démence.
En Colombie-Britannique, notre loi sur la santé mentale nous permet de traiter les personnes qui présentent un état de déficience mentale répondant à certains critères rigoureux, et nous y oblige même. Cet état de déficience mentale est quelque chose que nous constatons très fréquemment chez les personnes qui sont gravement touchées par la combinaison d'une maladie mentale grave et d'un trouble lié à l'utilisation de substances ou d'un trouble neurocognitif résultant d'une lésion cérébrale acquise.
Cela signifie‑t‑il que nous souhaitons élargir le recours aux soins imposés? Non. Nous voulons accroître les possibilités de soins volontaires, qui n'ont pas été suffisamment élargies jusqu'à présent, et à mesure que nous les élargissons, nous pourrons utiliser les soins imposés de manière plus ciblée pour les personnes qui en ont réellement besoin.
Pour y parvenir, nous devons créer des services qui n'existent pas encore. Parmi ceux‑ci, toujours selon la loi sur la santé mentale, nous pouvons créer des « maisons approuvées ». Il s'agit de maisons sécurisées dans la collectivité où les personnes les plus gravement atteintes, qui ont besoin de services au titre de la loi sur la santé mentale pendant de longues périodes, peuvent être hébergées dans un environnement sûr et humain avec une réadaptation individuelle.
Comme l'a dit la Dre Knight, nous créons également des unités dans les centres correctionnels — en détention provisoire à Surrey, par exemple, où nos patients se retrouvent souvent en raison de leur comportement perturbé dû à cette triade de symptômes cliniques. En raison de la loi sur la santé mentale, ils ne peuvent pas recevoir de soins imposés pendant leur incarcération; ils sont donc placés en isolement jusqu'à ce qu'un lit se libère dans un hôpital médico-légal. Nous avons maintenant créé une unité de santé mentale dans les centres correctionnels où ils peuvent recevoir un traitement dès qu'ils en ont besoin. Il faudra quelques mois pour la mettre en place, mais c'est décidé.
Voilà le genre de choses que nous essayons de faire. Nous essayons de permettre le traitement des personnes qui ont absolument besoin de soins imposés et de créer des services qui peuvent fournir des soins volontaires et imposés, selon les besoins. Ainsi, le recours général à la loi sur la santé mentale diminuera, mais le nombre de personnes qui ont besoin de soins et qui n'en reçoivent pas diminuera également, car elles les recevront au moment où elles en auront besoin.
Vous avez souligné l'importance de l'emploi de la buprénorphine et d'autres psychotropes au titre de la loi sur la santé mentale. La loi sur la santé mentale de la Colombie-Britannique ne prévoit aucune restriction quant à la décision d'un psychiatre concernant la combinaison pharmacologique appropriée pour une personne qui en a besoin. Nous devons fournir des soins psychiatriques holistiques, et cela comprend très souvent, chez ces types de patients, un antipsychotique retard ou du clonazépam et de la buprénorphine retard, en raison des répercussions que la psychose a sur le comportement si elle est traitée uniquement avec des antipsychotiques.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins qui ont comparu.
Madame Brett, merci du témoignage personnel que vous avez donné ici aujourd'hui, et merci de nous avoir fait part de l'histoire de votre fils, Jordan. Je suis très heureux d'entendre que cela fait un an qu'il est sobre. Vous avez certainement ajouté de la valeur à notre réunion d'aujourd'hui.
Malheureusement, nous avons à présent des données qui remontent à plusieurs années. Nous voyons que l'approche actuelle est simplement un échec prouvé. Elle ne fonctionne pas. En 2016, il y a eu sept décès par surdoses par jour au Canada. Il s'agit là d'une statistique terrible, sauf si vous la comparez avec la statistique actuelle. À l'heure actuelle, nous dépassons 21 décès par jour, soit plus du triple du nombre de décès.
Lorsqu'on s'intéresse aux mesures que le gouvernement a mises en place, il a présenté le projet de loi . Ce projet de loi a éliminé la peine de prison obligatoire pour les grands criminels qui produisent et importent les drogues comme le fentanyl, la métamphétamine, la cocaïne et ainsi de suite, les médicaments les plus dangereux — les médicaments classés à l'annexe I — au Canada. Ce projet de loi permet à ces individus d'importer, d'exporter ou de produire ces drogues, comme d'avoir un laboratoire de métamphétamine chez eux. Mais, s'ils se font attraper par la police, ils se font inculper et condamner à purger leur peine dans le confort de leur propre maison. Je pense que cela envoie un message terrible aux Canadiens, car cela permet la revictimisation des personnes les plus vulnérables.
J'aimerais avoir votre avis sur ce sujet. Selon vous, les personnes qui introduisent des drogues mortelles comme le fentanyl et la métamphétamine au sein des collectivités canadiennes devraient-elles faire face à des conséquences plus sérieuses?
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Merci à tous les témoins.
Docteure Knight, je commence par vous.
Vous avez mentionné que vous avez été formée en Colombie‑Britannique. À présent, vous travaillez au Manitoba. Vous avez souligné les différentes approches dans les différentes administrations, par exemple, le fait que le traitement est accessible à une personne incarcérée en Alberta, mais pas au Manitoba.
En ce qui concerne ces approches différentes d'une province à l'autre, et comme vous l'avez mentionné dans votre témoignage, pouvez-vous les lier au besoin ou à la recommandation de constituer ou peut-être reconstituer le Comité d'experts?
Est‑ce que vous voulez dire qu'il faut reconstituer le Comité d'experts que nous avions en 2021, ou est‑ce qu'il s'agit d'une autre façon dont, selon vous, nous pouvons faire appel à une autorité nationale afin qu'elle oriente les meilleures pratiques d'une administration à l'autre?
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Merci beaucoup, monsieur Hanley.
Je pense qu'il est très important de viser le juste milieu ici. Selon moi, c'est une courbe mise au point par la Health Officers Council ici en Colombie‑Britannique, qui a ensuite été mise en application par, par exemple, la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, entre autres, qui représente le mieux ce juste milieu. Lorsque vous criminalisez les substances, il s'ensuit de hauts niveaux de préjudices, tant à l'échelle de l'individu qu'à l'échelle de la collectivité, découlant de toutes sortes d'épiphénomènes liés aux marchés noirs et de toutes ces choses, comme les personnes qui se retrouvent dans le système pénal lorsqu'elles consomment de la drogue, ou qu'elles sont en proie à une addiction, et ainsi de suite.
En revanche, lorsque vous renoncez complètement à tout règlement et que vous permettez à des criminels motivés par le profit de s'en prendre aux personnes qui ont une addiction, vous vous retrouvez avec toutes sortes de grands préjudices sociétaux.
Le juste milieu se trouve quelque part entre ces deux extrémités. C'est ce qu'on appelle une approche axée sur la réglementation en matière de santé publique, qui consiste à ne pas criminaliser une maladie. Les addictions, les troubles mentaux et les lésions cérébrales acquises sont, bien entendu, des maladies qui devraient être soignées, mais d'un autre côté, les sociétés et les collectivités dans lesquelles nous vivons font que tout le monde doit respecter les lois.
Il n'y a aucune contradiction entre le fait de rendre les soins accessibles au besoin et le fait d'exiger et d'imposer le respect de ces règles d'interaction. Je pense qu'il s'agit précisément d'un juste milieu que nous devons continuer de viser, où les personnes qui consomment de la drogue ne sont pas criminalisées, mais où les actes que le Code criminel définit comme étant criminels font l'objet d'une sanction et de l'approche sociétale que nous leur réservons.
Est‑ce que cela répond à la question?
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Cela concerne la Loi sur la santé mentale de la Colombie-Britannique, qui prévoit que, quand une personne doit être détenue au titre de l'article 22, elle peut recevoir un traitement prévu à l'article 31. Il doit s'agir d'un traitement psychiatrique.
À l'heure actuelle, il y a depuis un certain temps beaucoup de confusion et d'hésitations quant à la définition de traitement psychiatrique et à ce qui peut être offert au titre de l'article 31 de la Loi sur la santé mentale.
Ce que je disais, c'est que, quand quelqu'un répond aux critères établis dans la Loi sur la santé mentale, ce qui veut dire qu'il a un trouble mental qui fait en sorte qu'il ne peut pas prendre soin de lui-même — et qu'il y a une détérioration physique et mentale, et qu'il représente un risque pour lui-même et pour les autres —, et qu'il existe un traitement qui pourrait l'aider, mais qu'il ne peut pas respecter ni s'engager à respecter le traitement, vous pouvez le lui recommander en tant que psychiatre en vertu de l'article 31. Il doit s'agir d'un traitement psychiatrique, ce qui veut dire que vous ne pouvez pas, par exemple, dire que cette personne a un syndrome psychotique parce qu'elle y a une tumeur au cerveau et que vous lui recommandez donc une opération au cerveau au titre de l'article 31. Non, vous devez recommander un traitement qui peut être prescrit dans votre domaine de spécialité, la psychiatrie, ce qui veut dire toute approche psychopharmaceutique, y compris, par exemple, une combinaison d'antipsychotiques et de buprénorphine.
La distinction, ici, repose sur la buprénorphine ou n'importe quelle approche psychopharmaceutique relevant de la psychiatrie et de ses sous-spécialités, comme la psychiatrie de la dépendance. La distinction est importante parce que nombre de nos patients qui ont une maladie mentale grave et un trouble lié à la consommation de substances ont besoin d'une combinaison des deux approches, d'autres médicaments et d'autres approches psychothérapeutiques. C'est ce que j'appelle un traitement psychiatrique holistique: un traitement qui peut être suivi volontairement 99 % du temps et qui peut être imposé, au besoin, et qui traite de la personne en entier.
Cela a‑t‑il du sens?
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Merci, monsieur le président.
Si je comprends bien, la réponse à la question que j'ai posée plus tôt, c'est que l'approvisionnement sécuritaire a permis de sauver des vies.
À un moment donné, nous avons reçu un témoin qui possédait une clinique et qui soignait des gens. Il nous a dit qu'on devait se tourner vers les molécules qui ont un effet ou une efficacité de longue durée pour ce qui est des produits de substitution.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Existe-t-il de tels produits? Si oui, y a-t-il une différence entre le fait d'être obligé d'en prendre quotidiennement et le fait de prendre un dérivé, un produit de substitution, qui agit pendant un mois, par exemple?
Mes questions s'adressent à la Dre Knight, mais le Dr Vigo pourra compléter la réponse s'il le souhaite.
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Oui, nous devons proposer davantage d'options de traitement volontaire, afin que le traitement imposé soit un dernier recours, comme vous l'avez dit. Nous avons également besoin, comme l'a dit Dre Knight, d'un meilleur accès aux médicaments, comme la buprénorphine, et d'un mécanisme simplifié pour prescrire ces médicaments.
Il y a une autre chose importante. Certains des médicaments que nous utilisons pour traiter ces troubles très difficiles ont toutes sortes d'effets secondaires indésirables. La buprénorphine a très peu d'effets secondaires, et ses bénéfices sont immenses, du moins pour les personnes qui ont aussi un trouble de santé mentale, par rapport aux médicaments à action prolongée.
Ce que j'essaie de dire, c'est que nous devons absolument simplifier le mécanisme de prescription de la buprénorphine et des autres solutions de rechange, et ce, partout.
Deuxièmement, si, grâce aux présentes discussions, nous pouvons rendre la naltrexone à action prolongée disponible partout au Canada, cela serait fantastique. Si elle n'est pas offerte, c'est simplement en raison d'un mélange de bureaucratie et de mauvaises décisions d'affaires, et nous pouvons y remédier dans le contexte d'une urgence sanitaire.
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Le Comité essaie de formuler des recommandations. Dans cet esprit, je crois que l'une des choses que nous voulons absolument faire est de réduire le nombre de décès dus à une surdose et d'aider les gens à reprendre leur vie en main.
Je crois que nous devrions aussi cibler, dans nos recommandations, du problème de la détérioration de nombreux centres-villes, où il y a de plus en plus de personnes en situation d'itinérance, de personnes ayant clairement des problèmes psychiatriques et de toxicomanes.
Docteure Knight, docteur Vigo, selon vous, serait‑il avantageux de mettre sur pied davantage d'équipes de traitement communautaire dynamique, avec des psychiatres qui pourraient évaluer les personnes et, lorsque c'est approprié, leur prescrire des antipsychotiques à action prolongée? Devons-nous renforcer ces services et traiter les problèmes de santé mentale que nous voyons dans la rue?
J'aimerais entendre d'abord la Dre Knight, puis le Dr Vigo. S'il vous plaît, soyez brefs, parce que j'ai deux ou trois autres questions.
Oui. Vous savez, mon fils ne s'est jamais considéré comme un toxicomane. C'était un joueur étoile au football. C'était un athlète extraordinaire à bien des égards. Il consommait également des drogues très jeune, à l'âge de 14 ans; de la marijuana, de l'alcool. Le système scolaire l'a su et l'a inscrit à un programme spécial offert après l'école, qu'il a quitté une fois trop vieux.
Aujourd'hui, quand il y repense, il affirme que c'était un moyen efficace pour lui de gérer les impulsions qu'il avait à cet âge-là. C'est vraiment dommage qu'il n'y ait pas eu de programme alternatif et continu.
Pour lui, après 26 engagements de traitement et dont la plupart ont échoué... Nous étions très perplexes, mais le fait que ces centres de traitement existaient lui a donné un répit de la rue, d'une certaine façon, et cela lui a peut-être sauvé la vie. Cela l'a aidé à accumuler des périodes d'abstinence.
Nous sommes très reconnaissants de ce qui existait au moment où il en avait besoin, mais il n'a jamais reçu de diagnostic de maladie mentale grave, même s'il a régulièrement été pris en charge par les services de santé mentale. C'est un crime en soi. Je ne dis pas que c'est un « crime » à proprement parler. C'est simplement la triste réalité des ressources inefficaces, dans son cas.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
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N'abandonnez pas vos enfants. Il y a toujours de l'espoir. Quand c'est le plus dur, quand c'est le plus sombre, restez à leurs côtés. Mettez-vous à leur place.
Marchez à leurs côtés, voyez ce qu'ils voient et sachez ce qu'ils savent. Amenez-les dans n'importe quel établissement et offrez-leur n'importe quel soutien, où il y a un dialogue, un conseiller, une personne qui peut écouter et qui peut trouver les ressources accessibles. C'est le seul moyen.
Nous devons tambouriner à la porte des services accessibles et amener nos enfants avec nous. Ne les abandonnez pas. Rejoignez‑les dans leur misère, car vous devez en être témoin. Vous devez parler quand ils ne peuvent pas le faire. Dans mon cas, mon fils n'était pas vraiment en mesure de décrire, sauf à moi, en privé, la terreur qu'il vivait. Il ne pouvait pas l'exprimer en public ou dans le cadre d'une quelconque séance de counseling.
Nous devons être là pour eux, et nous pouvons les aider à aller mieux, avec l'aide de médecins comme le Dr Vigo, et le changement d'intention du gouvernement de la Colombie-Britannique, même si je n'ai aucune preuve que de nouvelles places efficaces seront offertes pour les soins imposés. Si cela arrivait, il y aurait un important changement.
Je prie pour cela tous les jours. Nous en avons besoin. Nos enfants meurent.
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Dans nos organisations et nos institutions, selon nos pratiques générales, l'analyse risques-avantages de l'utilisation de certains médicaments conduit à des protocoles de prescription très stricts. La clozapine est l'un de ces médicaments qui exigent, par exemple, des prises de sang hebdomadaires par ponction veineuse pour contrôler les globules blancs, car il y a un effet secondaire très rare, la neutropénie, c'est‑à‑dire la diminution des globules blancs. Si cet effet secondaire n'est pas détecté, certaines personnes peuvent en mourir.
Parmi les personnes dont nous parlons, aucune ne mourra de neutropénie. Personne ne mourra d'une infection non détectée liée à la neutropénie. Elles mourront d'une surdose. Pour cette sous-population, l'équation risques-avantages doit changer.
Nous limitons l'accessibilité en exigeant des ponctions veineuses, ce que ces personnes ne peuvent tout simplement pas faire. Nous avons donc mis au point un protocole selon lequel nous renonçons aux ponctions veineuses et nous effectuons des prélèvements, des tests aux points de services, qui peuvent être réalisés très facilement par les équipes communautaires de traitement actif en cas de besoin.
Alors, nous pouvons élargir l'accès à la clozapine, mais pour cela, il faut une bureaucratie bien disposée, et je parle de bureaucratie dans un sens positif, pas dans un sens négatif. Je parle de bureaucratie dans le sens ancien, c'est‑à‑dire de la manière dont nous organisons nos règles et notre administration. Une bureaucratie bien disposée peut accepter cette équation risques-avantages rajustée. Le Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique l'a acceptée, et elle est maintenant approuvée et en déploiement.