Bienvenue à la 31e séance du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Cette séance de deux heures sera consacrée à notre étude portant sur la santé des enfants.
La séance se déroule en mode hybride, conformément à l'ordre que la Chambre a adopté le 23 juin.
Voici quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Veuillez attendre que je vous désigne par votre nom avant de prendre la parole. Ceux qui participent à la séance par vidéoconférence cliquent sur l'icône du microphone pour l'activer. Ils auront l'obligeance de le mettre en sourdine lorsqu'ils ne parlent pas.
Ceux qui utilisent Zoom peuvent choisir, au bas de l'écran, entre le parquet, l'anglais ou le français.
Il est interdit de prendre des captures ou des photos d'écran. Les délibérations sont disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion voulus avant la séance.
Vu la situation qui règne à l'Île‑du‑Prince-Édouard, je participe à la séance à distance. Je me trouve dans l'un des rares bâtiments de Charlottetown où il y a de l'électricité. J'espère qu'elle sera suffisamment stable pour que nous puissions aller jusqu'au bout de la séance.
Je vais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins que nous accueillons cet après-midi. De Santé des enfants Canada, nous recevons Emily Gruenwoldt, présidente et cheffe de la direction.
[Français]
Nous recevons aussi la Dre Marie‑Claude Roy, pédiatre et présidente de l'Association des pédiatres du Québec.
[Traduction]
De la Société canadienne de pédiatrie, nous accueillons le Dr Mark Feldman, président.
Merci à tous les témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Chacun a cinq minutes pour faire une déclaration liminaire. Une période de questions et réponses suivra.
J'invite Mme Gruenwoldt à commencer. Bienvenue au Comité. Vous avez la parole.
:
Bonjour. Merci de m'avoir invitée.
Santé des enfants Canada est une association nationale qui représente les 16 hôpitaux pour enfants au Canada ainsi que des hôpitaux communautaires, des centres de réadaptation et des services de soins à domicile, de soins palliatifs et de soins de relève à l'intention des enfants et des jeunes. Nos membres assurent tout le continuum des soins, ce qui nous donne un point de vue unique sur les systèmes de santé au service d'une population toujours en croissance de huit millions d'enfants et de jeunes.
Alors que le Canada se classait autrefois parmi les meilleurs pays de l'OCDE pour ce qui est des résultats en matière de santé chez les enfants, le rapport que l'UNICEF a fait paraître en 2020 révèle que le Canada s'écarte maintenant des autres pays riches sur le plan de sa capacité d'offrir aux enfants une enfance heureuse et en bonne santé. En effet, il est passé au 30e rang sur 38 pays pour ce qui est de la santé physique et au 31e pour ce qui est de la santé mentale.
Le Canada est loin de faire pour la santé des enfants tout ce que lui permettrait sa richesse. Aujourd'hui, au Canada, plus de 30 % des enfants et des jeunes sont affectés par des maladies chroniques. Un enfant sur cinq souffre de douleur chronique. Avant la pandémie, nos enfants étaient parmi les moins vaccinés des pays de l'OCDE. Nous avons aussi l'un des taux de suicide chez les adolescents les plus élevés du monde développé. Et en Ontario, plus de 28 000 enfants et jeunes sont en attente de services de santé mentale. Certains attendent même depuis deux ans et demi.
Au lendemain de la pandémie de COVID‑19, les systèmes de soins de santé pour enfants font face à une demande sans précédent. D'un océan à l'autre, les services d'urgence des hôpitaux pour enfants ont un nombre de patients sans précédent, soit d'environ 30 à 50 % plus élevé que d'habitude. Les enfants et les jeunes attendent souvent de 10 à 12 heures avant d'être vus. Bon nombre de ceux qui sont admis pour des problèmes de santé graves le sont sans qu'on leur donne un lit, ce qui signifie que les établissements n'ont pas la capacité de s'occuper d'eux dans l'immédiat.
En pareille situation, afin d'offrir des places et de libérer des lits, des hôpitaux pour enfants annulent et reportent des interventions chirurgicales essentielles, ce qui expose des enfants au risque de rater des jalons critiques de leur développement.
Les consultations et les admissions en santé mentale sont un sujet de préoccupation particulier et constant. De nombreux hôpitaux pour enfants ont vu le nombre de patients présentant des troubles aigus de l'alimentation tripler et celui des patients souffrant d'anxiété et de dépression doubler. À cause de la longue attente pour les services de santé mentale, les interventions chirurgicales, les évaluations diagnostiques et les services de développement de l'enfant, les enfants attendent maintenant des services pourtant essentiels plus longtemps que de nombreux adultes.
Au moment où ils font face à une demande de services extraordinaire, les systèmes de santé pour enfants ont du mal à recruter et à retenir une main-d'œuvre qualifiée. Les enfants ne sont pas de petits adultes. Les fournisseurs de soins de santé qui s'occupent des plus petits patients du Canada sont parmi les plus spécialisés.
Cela demeure l'un des défis les plus pressants et les plus complexes de nos systèmes de santé aujourd'hui. Je reconnais que le Comité a déjà étudié la question.
En 2020, en réponse à la crise à laquelle nos enfants sont confrontés, Santé des enfants Canada s'est associée aux Directeurs de pédiatrie du Canada, à l'UNICEF et aux IRSC pour lancer une initiative pancanadienne, Assurer un avenir en santé, afin d'améliorer de façon mesurable la santé et le bien-être des enfants, des jeunes et des familles. Une vaste consultation intersectorielle à laquelle ont participé 1 500 personnes et organisations a permis de cerner cinq priorités interreliées visant à créer des conditions propices à l'épanouissement des enfants. Le rapport souligne que la santé et le bien-être des enfants doivent être une priorité pour la population, les bailleurs de fonds et les décideurs.
Les Canadiens imaginent un avenir plus sain pour leurs enfants. Le moment est venu pour le gouvernement fédéral d'élaborer une stratégie pancanadienne pour la santé des enfants et des jeunes. Cette stratégie doit permettre un meilleur démarrage en accordant la priorité à la santé des mères et des nouveau-nés pour donner aux familles le meilleur départ possible, rendre possibles la médecine de précision avancée et des soins de calibre mondial capables d'assurer le bien-être des enfants malades qui doivent être hospitalisés, et permettre aux enfants affectés par la neurodiversité, l'incapacité et les maladies chroniques de passer de la vulnérabilité à l'épanouissement.
Une stratégie globale permettrait non seulement de combler les lacunes existantes, mais aussi de devancer les besoins à venir. D'abord et avant tout, nous avons normalisé, au détriment des enfants, le rationnement des services de santé et les délais d'attente pour les obtenir, alors que nous savons que l'intervention précoce rapporte gros pendant tout le reste de la vie. Un engagement à réserver aux enfants 25 % du Transfert canadien en matière de santé mentale serait un excellent point de départ.
Un solide programme de recherche sur les mères, les enfants et les jeunes s'impose si nous voulons contribuer à la production de nouvelles connaissances et tirer parti de ces données probantes afin de guider les politiques, les programmes et les services.
Nous avons besoin d'une stratégie des ressources humaines en santé qui mette l'accent sur les compétences et l'expérience uniques requises pour offrir des soins aux enfants. Elle doit combler les lacunes actuelles en matière de main-d'œuvre, mais aussi favoriser la résilience et la durabilité.
Une stratégie intersectorielle et intergouvernementale intégrée en matière de données sur la santé se fait attendre depuis trop longtemps au Canada. Ce qui est mesuré est important. Nous avons besoin de toute urgence d'une stratégie pour nous attaquer au problème des retards et de l'accès aux services essentiels de développement de l'enfant, de chirurgie et de diagnostic. Nous devons améliorer les services offerts aux populations rurales, éloignées et autochtones.
Enfin, l'accès à des médicaments sûrs et efficaces pour les enfants est primordial. On estime que 80 % des médicaments actuellement prescrits aux enfants sont administrés hors indication; on s'écarte des doses prévues, on ne tient pas compte de l'âge du patient et, souvent, on ne respecte pas les indications figurant dans la monographie de produit approuvée par Santé Canada.
Chers collègues, l'heure est grave. Nous devons à la fois nous attaquer à la crise dans laquelle les enfants et les jeunes sont aujourd'hui plongés, tout comme les systèmes de santé qui sont à leur service, mais aussi préparer notre avenir. Nous avons l'expertise, les connaissances et les outils nécessaires pour retrouver notre rang dans le monde en matière de santé des enfants. Tout ce dont nous avons besoin maintenant, c'est d'un leadership audacieux et d'un engagement de la part des gouvernements à rendre tout cela possible.
Merci.
Je vous remercie tous de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui et de transmettre les préoccupations qui sont les nôtres.
En tant que présidente de l'Association des pédiatres du Québec, je chapeaute plus de 760 pédiatres au Québec. Ces pédiatres ont une pratique experte dans différents secteurs, qui vont de la néonatalogie et des soins intensifs à la pédiatrie communautaire. Les défis varient grandement d'une population pédiatrique à l'autre. Ce qui unit l'ensemble de mes membres, c'est la préoccupation liée à la santé de nos enfants dans le contexte actuel, spécifiquement dans le contexte post-pandémique.
Quand on parle de santé des enfants, on pense d'abord à tous les problèmes liés à la santé physique, mais il y a aussi ceux liés à leur santé développementale. Les enfants sont la seule population dont l'évolution est constamment dynamique. Les défis développementaux sont extrêmement importants et ils font partie intégrante de la santé des enfants.
On ne peut passer sous silence la santé psychologique de nos enfants, qui a été grandement ébranlée dans les dernières années. Il faut aussi parler de la santé que j'appellerais « éducationnelle ». En raison des interruptions fréquentes des cours à cause de la pandémie, il y a eu d'importants problèmes liés à la poursuite de leurs études. Les paramètres de la santé présente et future de ces enfants ont été grandement ébranlés dans les dernières années.
Malgré les préoccupations, plusieurs paramètres de la santé des enfants s'améliorent. Il y a un meilleur taux de survie à la naissance. La vaccination, bien que sous-optimale, s'améliore constamment. Les programmes de prévention, partout au pays, ont des effets très positifs. Il y a moins de traumatismes graves et de répercussions grâce à nos mesures de prévention, et il faut continuer à investir en ce sens.
Néanmoins, de nombreux problèmes nous préoccupent grandement. Au Québec, 12 % des enfants âgés de 0 à 5 ans vivent dans un contexte de précarité financière. Ce sont des éléments extrêmement importants quand vient le temps de faire le suivi de la santé de ces enfants. Un enfant sur cinq, soit 20 %, arrive à la maternelle avec des problèmes développementaux importants, que ce soit sur le plan moteur, langagier ou social.
Au Québec, le programme Agir tôt a été déployé dans les dernières années. Il a pour but de détecter les problèmes dès le plus jeune âge, avant qu'ils ne se cristallisent, et de s'assurer que, dès les premières années de vie de l'enfant, les parents et les milieux peuvent stimuler les enfants afin de changer complètement leur trajectoire à l'arrivée scolaire.
Pour les enfants d'âge scolaire, les problèmes d'obésité et de grande exposition aux écrans et aux technologies entraînent une dépendance, ce qui aura de grandes répercussions sur la santé de ces futurs adultes.
La santé des enfants et des adolescents est fortement tributaire de la santé physique, financière et même psychologique de leurs parents. La pandémie a évidemment augmenté la vulnérabilité de ces enfants. Il y a eu davantage de précarité financière, de violence conjugale et de troubles de santé mentale chez les parents. Malheureusement, peu de ressources sont consacrées au soutien psychosocial de ces enfants et de leur famille. Il faudra tôt ou tard s'attaquer à ce problème.
Chez les adolescents, on constate une cristallisation des problèmes qui ont commencé dès l'enfance. Les taux d'obésité et de sédentarité des adolescents n'ont jamais été aussi grands, et ils ont explosé au cours de la pandémie. La pandémie a également eu une incidence majeure sur leur trajectoire développementale. Cette population a été plus affectée par les mesures. On a observé chez les adolescents une explosion des troubles anxio-dépressifs et alimentaires ainsi qu'une augmentation de leur usage de substances. C'est une population à laquelle on devra s'attarder inévitablement.
La préoccupation de l'Association des pédiatres du Québec est de remettre l'enfant au cœur des priorités. L'évolution des technologies nous a permis d'avoir des conditions de vie qui n'ont jamais autant facilité les choses. Par contre, la génération actuelle est aux prises avec des problèmes de santé propres au XXIe siècle. Tout est accéléré, tout se passe sur les écrans et les réseaux sociaux, ce qui est très lourd pour ces patients. D'un autre côté, la technologie nous a permis d'optimiser l'espérance de vie des jeunes enfants très malades, qui, auparavant, ne pouvaient pas dépasser l'âge de 5, 6 ou 7 ans. Même si ces patients sont sauvés dans leurs premières années de vie, il n'y a plus de ressources pour eux à leur sortie de l'hôpital.
Je pense aux très grands prématurés, aux patients qui ont subi une gastrostomie ou une trachéostomie. Ce sont des enfants qui ont un meilleur potentiel de survie, mais, malheureusement, les parents, les proches aidants de ces enfants, ont peu de soutien pour évoluer.
Dans l'avenir, nous espérons outiller davantage les parents, c'est-à-dire les mères et les pères, dès la conception de l'enfant, en vue d'optimiser le milieu de croissance, le milieu familial, de ces enfants.
Nous voulons miser davantage sur la prévention afin de limiter les répercussions sur la santé des enfants. Il faut aussi s'assurer que les milieux sont stimulants, que ce soit les milieux de garde, les centres de la petite enfance ou les écoles.
De plus, il faut réaliser l'incidence de notre mode de vie sur la santé de la jeune génération. Il faut continuer de viser une meilleure accessibilité aux soins.
Finalement, il faut avoir en tête le transfert, à l'âge adulte, des patients chroniquement malades. Comme je l'ai dit précédemment, les enfants malades ont un meilleur potentiel de survie. Nous avons peu d'expertise pour accompagner vers l'âge adulte les adolescents de 15, 16, 17 ou 18 ans qui ont un diagnostic lourd et une prise en charge difficile.
En discutant avec mes homologues des autres provinces, j'ai constaté que les problèmes de la population pédiatrique sont similaires d'un océan à l'autre. Évidemment, les structures en place et les problèmes varient grandement d'une province à l'autre, et il faudra en tenir compte.
Je vous remercie beaucoup.
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Bonjour. Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je m'appelle Mark Feldman. Je suis pédiatre, et je travaille à l'hôpital pour enfants de Toronto depuis 30 ans. Je m'adresse toutefois à vous aujourd'hui au nom de la Société canadienne de pédiatrie, la SCP, dont je suis le 101e président. La SCP est une association professionnelle bénévole qui représente environ 4 000 pédiatres au Canada.
Vous venez d'entendre que l'accès rapide, abordable et équitable aux soins de santé mentale pour les enfants et les jeunes fait gravement défaut partout au Canada. Ce que je veux faire aujourd'hui, c'est donner un peu plus de contexte, expliquer le point de vue des pédiatres de vos provinces et proposer des solutions.
L'autre jour, M. Ungar a parlé au Comité du concept de résilience. La résilience est en partie tributaire de la plasticité cérébrale. Il s'agit de la capacité du cerveau en croissance à s'adapter, à guérir et à se développer normalement si des changements positifs sont apportés de façon précoce. M. Ungar a souligné que les occasions manquées de traiter les maladies mentales pendant l'enfance ont des conséquences dévastatrices par la suite.
Les enfants atteints du trouble de déficit de l'attention, par exemple, auront un développement plus typique et plus normal de leur cerveau, comme le montrent les images du cerveau obtenues par résonance magnétique, s'ils reçoivent un traitement précoce pour leur TDAH.
Voici un exemple de ce à quoi pourrait ressembler une intervention précoce. J'ai un patient qui, à mon avis, est une belle illustration.
Kareem m'a été référé à l'âge de 10 ans. Il avait des problèmes de comportement. Son père était désengagé. Sa mère était alcoolique. Son frère était en prison. Cependant, Kareem était un bon garçon. Il était intelligent, aimable et charmant. Mais il avait des problèmes d'impulsivité et d'inattention, ce qui lui occasionnait des difficultés aux plans social et scolaire. Il a reçu un diagnostic de TDAH, après quoi il a été traité à un moment critique du développement de son cerveau et il s'est amélioré considérablement et rapidement. Quinze ans plus tard, j'ai eu l'honneur d'assister à sa collation des grades universitaires en compagnie de la mère et de son fiancé. Il est maintenant un membre aimé et respecté de la société et il est un contribuable.
Était‑ce un cas unique? Des recherches de grande qualité ont montré que l'intervention auprès des enfants et des jeunes qui ont un TDAH, par exemple, peut réduire le risque d'échec scolaire, de suicide, de toxicomanie, de grossesse chez les adolescentes, d'accidents de voiture et d'incarcération. Elle améliore la qualité de vie, accroît la probabilité de poursuivre des études supérieures et fait même augmenter l'espérance de vie.
Les avantages d'une intervention précoce auprès des enfants et des jeunes atteints d'une maladie mentale sont considérables. Des problèmes de santé mentale suffisamment graves pour perturber le fonctionnement et le développement touchent environ 1,2 million d'enfants et de jeunes au Canada — à notre connaissance —, mais moins de 20 % d'entre eux reçoivent le traitement qui convient. Cet écart existait bien avant la pandémie. Les enfants et les jeunes qui sont immigrants, réfugiés, autochtones, noirs ou de couleur ou qui vivent dans des collectivités éloignées sont encore moins susceptibles que les autres de recevoir les soins de santé mentale adaptés à leurs besoins et risquent davantage de recourir aux services des urgences en situation de crise.
J'ai récemment eu l'honneur de rencontrer les présidents des sociétés provinciales de pédiatrie de tout le Canada pour cerner les priorités nationales et mettre en commun les stratégies locales. Sans exception, les responsables provinciaux ont dit que le principal problème est un accès insuffisant aux soins de santé mentale pour les enfants et les jeunes.
Comme vous le savez, en 1985, la Loi canadienne sur la santé a été adoptée afin « de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d’ordre financier ou autre ». À Toronto, il y a une clinique à North York qui offre des soins aux enfants qui éprouvent des problèmes d'apprentissage, d'humeur et d'anxiété. L'évaluation initiale par un médecin coûte 2 000 $. Il y a ensuite une évaluation psychoéducative au coût de 5 000 $. Les séances de thérapie, s'il en faut, totalisent rapidement 3 000 $ de plus. C'est donc une facture de 10 000 $.
Le temps d'attente pour obtenir les soins de santé mentale financés par l'État dans différentes provinces, pour voir quelqu'un comme moi, se situe entre six mois et deux ans et demi. Si j'aiguille ensuite les patients vers une thérapie, comme une thérapie par la parole, il faut préciser que les services de psychologie ne sont généralement pas financés par l'État au Canada.
Au nom de la Société canadienne de pédiatrie, nous demandons au gouvernement fédéral de respecter son engagement d'établir un transfert canadien en matière de santé mentale permanent, entièrement financé, et 30 % de cet apport fédéral devrait être affecté aux soins des personnes de moins de 25 ans afin de leur assurer un accès rapide et équitable aux soins de santé mentale.
L'argent peut servir notamment à financer l'élaboration de guides de pratique clinique, des moyens éducatifs, des ressources et des systèmes d'orientation, ainsi que des programmes de perfectionnement professionnel continu à l'intention des fournisseurs de soins de santé actifs afin de renforcer les compétences et d'appuyer des soins de santé mentale fondés sur des données probantes pour les enfants et les jeunes.
Nous voudrions que cet argent serve à faire en sorte que les évaluations effectuées par des psychologues et les thérapies offertes par des psychologues ou d'autres professionnels de la santé mentale non médecins soient payées par l'État, réglementées et fondées sur des données probantes.
J'ai toutes sortes de solutions possibles et j'ai hâte de répondre à vos questions.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence. C'est un sujet très important pour tous les Canadiens. Nous avons certainement hâte de creuser un peu plus.
Ce qui est regrettable, c'est que cette étude s'est transformée en quelque chose que nous n'avions pas prévu au départ. Je voudrais savoir immédiatement, entre autres choses, si le Comité souhaite vraiment élaborer une stratégie pour les enfants et les jeunes au Canada, car il faudra certainement plus de séances et plus de temps pour élaborer une telle stratégie ou nous mettre en voie de le faire. Je ne fais que poser la question.
Je m'adresse d'abord à Emily Gruenwoldt.
Dans votre exposé, vous avez parlé un peu de nos résultats en matière de santé. Le sujet est vaste, mais pourriez-vous nous expliquer brièvement comment, en ce qui concerne la santé des enfants, nous avons pu passer du 10e rang aux 30e et 31e rangs sur 38 pays riches?
Si vous pouviez commencer par cela, je vous en serais reconnaissant.
Il s'agit du Bilan 16 de l'UNICEF publié en 2020. Pour résumer, le Canada se classe maintenant au 30e rang sur 38 pays pour la santé physique des enfants et au 31e sur 38 pour leur santé mentale.
En 2007, ce qui est récent, nous étions au 12e rang dans un classement comparable établi par l'UNICEF. Notre classement s'est dégradé. Les bilans ne sont pas directement comparables, mais la tendance est claire, et les résultats continuent de se détériorer pour de nombreux enfants et jeunes canadiens.
Pour vous donner une idée, en ce qui concerne la santé mentale et le bonheur, près d'un enfant sur quatre se dit peu satisfait de sa vie, ce qui nous place au 28e rang. Encore une fois, le Canada affiche l'un des taux de suicide les plus élevés chez les adolescents. Il est au 35e rang sur 38 pays. Quant à la santé physique, le Canada a un taux de mortalité infantile de 0,98 décès pour 1 000 naissances, ce qui le place au 28e rang. Pour répondre aux propos que le Dr Feldman a tenus plus tôt, je crois, un enfant sur trois est en surpoids ou obèse au Canada.
Dans presque tous les classements en matière de santé physique et mentale, nous nous situons dans le tiers inférieur, voire dans le quart inférieur, dans un groupe de pays comparables.
J'ai dit tout à l'heure que, compte tenu de sa richesse relative, notre pays devrait se classer nettement mieux, étant donné notamment nos investissements et les résultats que nous obtenons.
À mon avis, non seulement des investissements supplémentaires changeraient la donne, mais il est aussi grand temps que notre pays adopte une stratégie plus vaste qui intègre des mesures de la santé et du bien-être, si nous voulons améliorer de façon mesurable la santé et le bien-être des enfants et des jeunes.
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Merci beaucoup. Je vous sais gré de cette information.
Si vous me permettez, docteur Feldman, vous avez dit que l'accès aux soins de santé mentale était le principal problème. J'ai une ou deux questions à poser à ce sujet.
Ma question comporte deux volets. Avons-nous assez de pédiatres? Si oui, très bien. Sinon, comment pouvons-nous inciter des médecins à devenir pédiatres en suivant une formation? Les pédiatres sont-ils suffisamment payés, par exemple?
Deuxièmement, vous avez parlé un peu des psychologues et si je comprends... Chose certaine, au cours de ma carrière de médecin, il m'a semblé que nous n'avions pas assez de psychologues non plus, ni pour les adultes, ni pour les enfants. Vous avez parlé un peu de financement.
Pensez-vous que ces spécialistes sont assez nombreux? Comment peut‑on résoudre le problème?
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Merci. C'est une excellente question.
Je dois dire que les problèmes de santé mentale ont été désignés comme l'enjeu principal lors de cette réunion récente. Le deuxième a été celui des ressources humaines, la pénurie de médecins de famille et de pédiatres. C'est l'une des causes du problème d'accès. Il existe un certain nombre de solutions possibles.
L'une d'elles est que le modèle intégré de prestation des soins de santé mentale pour les jeunes pourrait être élargi. Je travaille dans une région rurale une fois par mois, où il y a une infirmière praticienne et plusieurs travailleurs qui ont reçu une formation en thérapie psychologique, en thérapie cognitivo-comportementale. Il serait donc peut-être possible d'envisager une utilisation plus efficace et plus large du temps des médecins en partenariat avec des collègues dans un modèle intégré pour les jeunes.
Deuxièmement, les médecins devraient peut-être être mieux formés pour gérer les problèmes de santé mentale. Le financement du perfectionnement professionnel continu pourrait être une façon de remédier aux pénuries de soins de santé mentale. Au Manitoba, par exemple, le programme CanREACH est financé, subventionné. S'il est possible de financer des programmes de ce genre, alors nous pourrons nous améliorer et être plus efficaces et renvoyer moins de gens vers les services d'urgence.
Pour ce qui est des problèmes de ressources humaines, nous devons former plus de médecins. Selon les données démographiques, nous sommes nombreux à prendre notre retraite. J'espère être fidèle au poste encore cinq ans environ, mais je voudrais que les jeunes enrichissent leur programme d'étude par une formation en santé mentale. Par exemple, on s'attend à ce que le programme de médecine familiale passe de 2 à 3 ans au cours des 5 à 10 prochaines années, conséquence de la complexité croissante du travail. Si les compétences en soins de santé mentale peuvent constituer une plus grande partie de leur programme d'études, c'est là un autre élément de solution.
Quant à la formation supplémentaire en pédiatrie, au cours des 10 dernières années, à l'hôpital pour enfants, nous avons eu un programme appelé Community Pediatrics, qui est une année supplémentaire de formation pour faire acquérir les compétences nécessaires dans la communauté en pédiatrie. Le programme est axé sur la prestation de soins de santé mentale.
Il y a différentes façons de s'y prendre, mais nous devons former davantage de généralistes, nous devons mieux les former, nous devons les utiliser plus efficacement, peut-être dans le cadre d'un modèle intégré de prestation de services pour les jeunes. Tant que nous n'aurons pas réglé la question des ressources humaines et de l'efficacité du système, nous allons avoir du mal.
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D'accord. Deuxième point: on parle en des termes très sombres de la santé des enfants, mais à titre de médecin qui a dispensé pendant 35 ans des soins actifs — et une grande partie de mes patients étaient des enfants —, il me semble, d'après mon expérience, qu'il y a eu pendant ces 35 ans un net progrès en ce qui concerne les maladies infectieuses, qui sont une grande cause de morbidité physique et de mortalité chez les enfants.
Nous avons maintenant des vaccins contre l'Haemophilus influenzae, le méningocoque, le pneumocoque et certainement maintenant... Lorsque j'ai commencé à pratiquer la médecine, la méningite, la méningite bactérienne n'était pas rare... Aujourd'hui, cette maladie a presque disparu. L'épiglottite, généralement causée par la grippe, est extrêmement rare. Il y a beaucoup moins de cas de pneumonie. Même un de mes collègues avec qui j'ai étudié en médecine et qui pratique la médecine familiale m'a dit qu'il voyait beaucoup moins d'otites de l'oreille moyenne, probablement grâce aux vaccins.
Cela dit, nous voyons des chiffres troublants en ce qui concerne la vaccination au Canada. Il semblerait que seulement 76 % des enfants sont vaccinés contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos, contre la poliomyélite et... Apparemment, dans certaines régions du Canada, comme le Manitoba et l'Alberta, la vaccination est en recul de 20 %.
Qu'en pensez-vous? Je vois que la Dre Roy hoche la tête. Quelle a été l'importance des vaccins comme moyen améliorer l'état de santé des enfants, et qu'en est-il de la diminution des taux de vaccination au Canada?
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Oui, c'est en effet important. J'ai beaucoup parlé de l'incidence des réseaux sociaux et de la désinformation sur l'anxiété des adolescents. Je pense néanmoins que, pour ce qui est de la vaccination, il y a énormément de chambres d'écho dans l'ensemble des sources d'information des parents. Nous sommes en présence d'une génération de parents qui veulent comprendre, savoir, maîtriser la situation. Cela est directement lié à l'anxiété collective. En allant chercher différentes sources d'information, toutes moins fiables les unes que les autres, on dérive. En voulant davantage maîtriser la santé de l'enfant, il y a malheureusement une désinformation. C'est ce qui nous ramène toujours vers la prévention. On agit beaucoup lorsque les problèmes sont installés, mais, malheureusement, tous les programmes de prévention sont traités en parent pauvre, même si les études sont éloquentes quant à leurs effets bénéfiques majeurs sur la santé des enfants.
Un de mes collègues, ici, à Sherbrooke, travaille énormément sur la sensibilisation à la vaccination. Le projet de recherche a fait ses preuves et a été diffusé de façon internationale. C'est simple: dès les premières heures de la vie de l'enfant, il rencontre les parents pour dédramatiser la situation, répondre aux interrogations et déconstruire les mythes entourant la vaccination, et ce, de façon non menaçante. Lorsque le médecin dit aux parents qu'ils doivent faire vacciner leur enfant, ils sont immédiatement sur la défensive. Toutefois, lorsqu'on les informe et que l'on écoute leurs inquiétudes dès les premières heures de la vie de l'enfant, cela a une incidence positive majeure sur le taux de vaccination dans les mois suivants. Il faut donc éviter l'approche paternaliste. Les parents ont besoin de maîtriser la situation et de comprendre le pourquoi des choses. En étant à l'écoute de leurs interrogations, on peut mieux déconstruire les mythes.
Vous avez raison de souligner que, malgré les immenses progrès effectués au cours des 20 dernières années en ce qui a trait à l'amélioration des conditions de vie et au traitement des maladies infectieuses, à ce stade-ci, la menace demeure la désinformation. Il faut faire preuve d'ouverture quant aux inquiétudes parentales.
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C'est une excellente question.
Selon la Loi canadienne sur la santé, au départ, ce transfert devait se situer autour de 50 %. Nous en sommes maintenant à 22 %. J'ai des préoccupations concernant la santé des enfants, et je sais que mes collègues en médecine chez l'adulte ont les mêmes préoccupations pour leur clientèle adulte. Environ 40 % du budget du Québec est consacré à la santé, ce qui s'explique, en partie, par le vieillissement de la population. Cela laisse peu de latitude pour investir dans les autres paramètres qui ont un effet majeur sur la santé des enfants.
La santé est une compétence provinciale, il faut le rappeler. Cela n'a jamais été remis en question, mais, si les transferts en santé étaient accrus, les provinces auraient la latitude nécessaire pour investir dans les autres paramètres liés à la santé des enfants. Je pense, entre autres, à l'éducation. J'en ai brièvement parlé tout à l'heure. L'état de notre réseau scolaire d'un océan à l'autre est déplorable. Nos retards dans l'éducation, la littératie, la numératie et la lutte au décrochage auront un effet majeur sur la santé de ces enfants, qui sont les adultes de demain.
Il faut augmenter ces transferts en santé pour laisser la pleine latitude aux provinces, qui connaissent mieux que quiconque la structure des systèmes de santé. Les problèmes au sein de la population pédiatrique sont les mêmes dans toutes les provinces. Les problèmes liés à la santé mentale, dont il était question tout à l'heure, sont là partout. Force est de constater que, d'une province à l'autre, les structures en place ne sont pas les mêmes. Les lacunes ne sont pas aux mêmes endroits. Selon moi, il est indéniable que ces transferts doivent être bonifiés pour donner aux provinces la pleine liberté d'agir selon les paramètres de la santé propres à chaque province, comme l'éducation et l'environnement. Cela aura un effet majeur sur la santé des enfants.
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La population de chaque province a ses propres caractéristiques. Il est faux de dire que l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et le Québec ont les mêmes paramètres et les mêmes problèmes, même s'ils sont similaires.
Les provinces sont souvent mieux placées pour établir leurs priorités, car, historiquement, la santé est une compétence provinciale. La restructuration et l'investissement doivent se faire aux bons endroits et de la bonne façon. Je parlais tantôt du programme Agir tôt, qui a été établi au Québec pour le dépistage et la stimulation précoces des enfants ayant des difficultés de développement. Ce programme a comblé, au Québec, une lacune qui n'était peut-être pas présente dans une autre province. Puisque cette lacune a été comblée chez nous, nous pourrions peut-être miser davantage sur la prévention et la prise en charge de la santé mentale des adolescents. En effet, les services en santé mentale pour la clientèle adolescente sont dans un abîme. Nous sommes fort inquiets des taux de suicide, de dépression et de décrochage scolaire.
Ces variables nous laissent croire que les provinces sont les mieux placées pour agir. Ce n'est pas une question de mauvaise gestion. Je donne un exemple banal: la délivrance des passeports. Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une compétence fédérale qu'il y a eu tous ces problèmes. D'autres facteurs ont fait en sorte qu'il a été difficile de trouver une solution.
De la même façon, dans la restructuration des soins de santé, la situation est difficile, actuellement, pour une multitude de raisons. Il s'agit, entre autres, du vieillissement de la population, de la pénurie de main-d'œuvre et de la vétusté de nos structures. Ce n'est pas une question de gestion; c'est une question de paramètres sociodémographiques qui font en sorte qu'il faut réorganiser notre système de santé. Le fait d'imposer des conditions à ce financement, selon moi, constitue un obstacle de plus entre l'enfant et les ressources qu'il mérite.
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Il y a eu une étude aux États‑Unis, et je pense que nous pouvons nous en inspirer. En effet, elle peut s'appliquer aux problèmes que nous avons au Canada en la matière.
La pandémie nous a fait reculer de 20 ans pour ce qui des compétences en lecture et en écriture chez nos jeunes enfants. C'est d'abord et avant tout le fait d'avoir de bonnes compétences en lecture dès le début du primaire qui permet aux enfants d'avoir un bon parcours scolaire et de faciliter l'obtention de leur diplôme.
C'est un aspect dont il faut se préoccuper. C'est pour cela que j'ai parlé non seulement de santé physique et psychologique, mais également de santé « éducationnelle ». Il y a maintenant des enfants en troisième ou en quatrième année qui n'ont connu l'école qu'en contexte de pandémie. Ils ont connu des interruptions depuis qu'ils ont commencé leur scolarité.
C'est un exemple du caractère unique d'une province. Je suis extrêmement préoccupée de voir qu'en Ontario, des enfants ont encore le choix de ne pas aller à l'école à la suite des mesures liées à la pandémie de COVID‑19. Selon nous, la présence à l'école sans négociation ni compromis est extrêmement importante, car ce sont leurs compétences en lecture, en écriture et en numératie qui permettront d'améliorer la trajectoire scolaire des enfants. C'est ce qui a été fait au Québec dès le premier retour à l'école, au printemps 2020. Ce n'était pas un choix. Les enfants devaient être à l'école, sauf en cas de problème de santé majeur.
On sait que l'assistance à l'école est un paramètre de santé extrêmement important non seulement pour ce qui est des compétences scolaires, mais aussi pour le filet social que représente le réseau scolaire. C'est un milieu d'épanouissement qu'il n'est pas toujours possible d'offrir à la maison pour certains enfants.
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Vous parlez des premiers jours, semaines et mois dans la vie de l'enfant. Nous savons à quel point la santé maternelle est essentielle avant la grossesse, tout comme peuvent l'être la santé et le bien-être tout au long de la grossesse et durant les premiers jours, semaines et mois qui suivent la naissance. Il s'agit d'une période critique, où l'intervention précoce a une incidence sur la santé mentale de la famille — la mère, le père et les autres membres de la famille. Il en va de même des soins intensifs dispensés dans les hôpitaux.
À l'heure actuelle, partout au Canada, les pressions et les demandes, dans les unités de soins intensifs néonatals, atteignent un niveau inédit. Les hôpitaux élaborent maintenant différentes stratégies pour répondre à cette demande et voir comment, au plan des ressources humaines de la santé, nous formons les pédiatres, les spécialistes, les infirmières et les autres professionnels qui s'occupent des enfants.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il faut penser au continuum complet de la vie de l'enfant, qui commence avant la conception. Nous devons réfléchir aux stratégies de recherche et aux lacunes dans nos connaissances. Nous devons réfléchir aux stratégies relatives aux données: que comprenons-nous de la santé et du bien-être des enfants à cet âge, comment pouvons-nous établir des cibles et des paramètres clairs pour obtenir les résultats souhaités, comment nous comparons-nous à ce qui existe à l'étranger?
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Il y a un certain nombre de choses.
Les évaluations des enfants qui ont des problèmes d'apprentissage, les évaluations psycho-éducatives, coûtent de quatre à cinq mille dollars. Elles se font au privé. La plupart des gens n'ont pas les moyens.
Il y a eu en Ontario une enquête, « Le droit de lire ». Il en découle que les évaluations psychologiques sont désormais considérées comme un obstacle à l'apprentissage de la lecture, parce que, souvent, aucun plan d'éducation individuel à l'école n'est adopté avant que cette évaluation ne se fasse. Or, il faut parfois attendre deux ans avant d'obtenir une évaluation dans le secteur public. Les évaluations constituent donc un obstacle.
Il y a aussi les questions d'apprentissage et d'éducation dont la Dre Roy a si bien parlé.
Les thérapies sont une autre difficulté. Pour les enfants qui souffrent d'anxiété ou de dépression, la première thérapie est une thérapie par la parole, la thérapie cognitivo-comportementale. Il s'agit d'une stratégie efficace, éprouvée et fondée sur des données probantes. Les services psychologiques qui proposent cette thérapie coûtent très cher et ils sont offerts au privé. Cette thérapie n'est pas proposée dans le secteur public ni financée par l'État. Par conséquent, les enfants sont médicamentés, ce qui est une deuxième forme de thérapie, pour leur anxiété ou leur dépression.
Je suis désolé. Allez-y.
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Merci, monsieur le président.
M. Powlowski a parlé de désinformation, et je partage son inquiétude. En fait, en 2018, en tant que parent d'un enfant autiste, j'ai écrit une lettre d'opinion pour parler de la désinformation propagée par Andrew Wakefield et de l'incidence qu'elle a eue sur la décision des parents de faie vacciner ou non leurs enfants.
Je suis également préoccupé par une autre forme de désinformation, celle que peuvent répandre les partis politiques. En campagne électorale, ils font des promesses, mais ne les honorent manifestement pas. Ainsi, le Parti libéral a promis de consacrer 4,5 milliards de dollars à un transfert en matière de santé mentale. D'après la page 91 de son programme, il est clair qu'il aurait dû jusqu'à maintenant affecter 875 millions de dollars à ce transfert.
Madame Gruenwoldt, vous avez proposé d'utiliser pour les enfants 25 % de ce transfert canadien en matière de santé mentale. Malheureusement, 25 % de rien du tout, ce n'est pas grand-chose. Donc, aucun changement. Si le gouvernement avait tenu sa promesse et avait consacré 875 millions de dollars à ce transfert, votre proposition se serait traduite par l'affectation de plus de 200 millions de dollars aux services destinés aux enfants.
Quel genre d'impact cela aurait-il eu? À quoi aurait servi cet argent si cette promesse avait été tenue?
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Vous avez tout à fait raison.
En Ontario, avant la pandémie, il y avait 28 000 enfants sur les listes d'attente pour des services de santé mentale offerts dans les centres communautaires ou de soins actifs. Nous prévoyons que ce nombre aura augmenté au cours de la pandémie. Dans l'ensemble du Canada, le nombre d'enfants sur les listes d'attente se rapproche de 100 000.
Nous connaissons l'impact que l'intervention précoce peut avoir sur la santé mentale des enfants. C'est payant tout au long de la vie au plan de la santé et du bien-être en général. Vingt-cinq pour cent, c'est à peu près la proportion que représentent les enfants et les jeunes de moins de 18 ans dans la population canadienne. Ce que nous ne voulons pas, c'est que les enfants soient laissés pour compte dans une quelconque enveloppe de financement pour la santé mentale, au risque qu'ils ne soient qu'une considération accessoire. Nous voulons vraiment nous assurer qu'ils sont prioritaires dans la mise en œuvre de tout programme et service visant à améliorer leur accès aux soins.
Qu'il s'agisse d'augmenter le nombre de fournisseurs de soins formés pour offrir des services dans la collectivité, ou de prévoir de l'espace dans les établissements de soins actifs pour traiter les maladies mentales aiguës les plus complexes chez les enfants et les jeunes, ce sont autant de secteurs qui ont besoin des investissements que ces fonds permettraient de faire.
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Je suis tout à fait d'accord sur les propos du Dr Feldman.
Personnellement, je préconise évidemment la prévention et le fait d'avoir davantage de professionnels. Cela a aussi été mentionné par mes deux collègues.
Je pense que la part consacrée à l'enfance devrait être bien supérieure à 25 %. Sur le plan de la santé mentale, ce qui fait que le devenir d'un adolescent ou d'un adulte va être positif, c'est d'abord et avant tout le fait d'offrir des outils susceptibles de nous aider à faire face aux problèmes de santé mentale.
Si l'on investit d'ores et déjà davantage en matière de prévention en santé mentale pour les enfants et les adolescents, c'est l'ensemble de la population qui va en bénéficier. Je n'irais donc pas simplement au prorata de la population. Il faut majoritairement investir dans la prévention en matière de santé mentale chez les enfants et les adolescents.
Comme l'a dit le Dr Feldman, nous cherchons actuellement à régler le problème au moyen de médicaments, car nous manquons de ressources. On médicalise des problèmes, alors que les patients devraient être accompagnés dès leur plus jeune âge.
Dans 10, 15 ou 20 ans, nous récolterons fort probablement les investissements faits en matière d'accompagnement, de thérapie et, surtout, d'outils de toutes sortes. Une thérapie individuelle ne sera pas nécessairement à long terme.
Il faut mettre en place des programmes de prévention. On doit utiliser une approche générationnelle pour éviter les problèmes de santé mentale.
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Pour commencer, c'est une excellente occasion que nous avons aujourd'hui de discuter de la santé et du bien-être des enfants. À ma connaissance, nous n'avons pas eu cette possibilité depuis plusieurs décennies, ce qui fait que cette occasion de réfléchir à une stratégie pancanadienne sur la santé des enfants et des jeunes arrive à point nommé et est urgente, à mon avis.
Pour ce qui est d'une stratégie audacieuse, nous devons réfléchir à la façon dont nous investissons dans les politiques et les programmes qui soutiennent les enfants, les jeunes et l'ensemble de leur famille, ainsi qu'à la façon d'investir davantage, par exemple, dans les congés de maternité et les congés parentaux, les prestations pour enfants et l'accès aux programmes et aux services qui existent.
Nous devons aussi être attentifs et respecter la vision que les enfants et les jeunes ont de leur avenir. Ce que nous avons appris grâce au rapport « Assurer un avenir en santé », c'est qu'ils ont une vision très claire, de même que des idées très nettes et des objectifs ambitieux quant à ce qu'ils aimeraient voir en matière de possibilités de soutenir leur santé et leur bien-être. Je pense que c'est important. Inviter des jeunes à comparaître devant le Comité serait un excellent point de départ, car ils pourraient nous parler directement de certaines de ces options.
Enfin, pour rendre des comptes, nous avons besoin de cibles, de mesures et d'instruments qui obligeront le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les organisations comme la mienne à être imputables, afin que nous sachions que nous réalisons des progrès significatifs et mesurables pour les enfants et les jeunes. Qu'il s'agisse d'un bureau ou d'un commissaire indépendant, ou encore d'autre chose, ce genre de leadership serait le bienvenu à ce moment‑ci.
Les services offerts par les psychologues aux jeunes enfants qui ne sont pas actuellement financés par l'État portent en fait sur l'évaluation des problèmes d'apprentissage, de comportement et de développement. Un certain financement public est assuré par l'entremise des écoles, mais les listes d'attente sont épouvantables.
Les services destinés aux enfants un peu plus âgés qu'offrent les psychologues ou d'autres praticiens de la santé qui ont reçu une formation en thérapie cognitivo-comportementale ou TCC sont également très difficiles d'accès et, en général, ils ne sont pas financés par l'État.
La TCC est une thérapie fondée sur des données probantes qui améliore considérablement le fonctionnement et la qualité de vie des enfants qui souffrent d'anxiété et de dépression. La TCC est une thérapie de première ligne, alors que les médicaments comme le Prozac sont une thérapie de deuxième ligne, mais souvent, c'est à eux que nous avons recours en premier, parce que les services d'un psychologue ne sont pas accessibles.
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En fait, la pandémie est arrivée comme une tonne de briques sur la tête de tout le monde. Je pense que l'on peut résumer cela ainsi. Il a fallu faire énormément d'ajustements et s'adapter à la situation. On a parlé de leadership, de l'échange d'approches et de la mise en commun des sujets de préoccupation. C'est ce qui a fait la force du Canada, et c'est ce qu'il faut retenir.
Je parlais de l'Ontario, tout à l'heure, mais, au Québec, on a rapidement préconisé le retour des enfants à l'école, sachant que la COVID‑19 était peu dangereuse pour eux. C'était un risque calculé. On savait que, compte tenu du fait que cette pandémie semblait s'éterniser, laquelle est encore présente aujourd'hui, les répercussions sur la santé des enfants seraient nettement supérieures si l'on décidait de limiter la scolarisation, le filet social, le soutien financier et alimentaire ainsi que les mesures visant à limiter la violence en milieu familial.
Nous avons eu énormément d'échanges avec nos collègues de l'Ontario, qui, eux, étaient préoccupés par le fait que l'école ne reprenait pas. Nous avons eu des échanges avec la Société canadienne de pédiatrie. Les approches n'étaient pas les mêmes, d'abord parce que les craintes variaient beaucoup d'un océan à l'autre et d'une province à l'autre. Les populations et les systèmes de santé ne réagissaient pas de la même façon. Cependant, nous avons communiqué les uns avec les autres et nous sommes allés chercher des richesses dans chacun des endroits. C'était une belle façon d'évoluer.
Les approches n'étaient donc pas les mêmes, mais nous avons pu enrichir nos façons de faire en commun. Je pense notamment aux centres d'hébergement et de soins de longue durée, ou CHSLD. Certains modèles nous ont inspirés, au Québec, car nous trouvions que cela n'allait pas très bien de ce côté. Par exemple, en Colombie‑Britannique, cela se passait beaucoup mieux. Même si les approches n'ont pas été les mêmes, c'est cette variété de couleurs et la mise en commun des approches qui ont permis de faire progresser l'ensemble des provinces.
Je hoche la tête parce que cette situation et la pénurie de lait ont représenté un problème majeur.
On s'est beaucoup penché sur la question lors de la pénurie de préparations hydrolysées destinées aux bébés qui ont une intolérance aux protéines de lait de vache. La situation a été la même dans le cas des médicaments Tylenol et Advil. Les pénuries de main-d'œuvre sont nombreuses, je crois, et l'approvisionnement, qui ne touche pas uniquement les médicaments, est problématique un peu partout.
Il est évident que le gouvernement fédéral peut nous aider en tendant la main vers d'autres pays, vers l'Europe, vers d'autres marchés. En effet, nous devons nous limiter à ce qui est approuvé ici, au pays.
Cela dit, nous avons pu observer que la versatilité, la souplesse et la rapidité d'adaptation étaient à l'œuvre pendant la pandémie. Or, cette souplesse nous est nécessaire. Quand il est question de pénurie de médicaments très précis pour les enfants, je pense qu'il faut pouvoir disposer d'autres options. Il faut être en mesure de recourir à des solutions internationales pour pouvoir, à tout le moins, atténuer les répercussions de toute cette situation, qui a été fort difficile pour plusieurs parents.
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Merci à vous trois pour vos témoignages d'aujourd'hui.
Lorsque nous pensons aux recommandations et aux résultats de cette étude... Je crois qu'une partie du contexte de l'étude sur la santé des enfants était la pandémie et les effets qu'elle a eus sur celle‑ci. Il y a diverses questions concernant ce que la pandémie a révélé ou mis au jour relativement aux tendances qui se manifestaient déjà. Est‑ce que certaines choses ont été exagérées? Quels sont les effets directs de la pandémie?
Avec 4,5 milliards de dollars, où se situera la guérison en tant que société? Quelles sont les conséquences plus transitoires et stressantes de la pandémie que nous pouvons peut-être laisser guérir par elles-mêmes? Sur quoi devons-nous concentrer les interventions ciblées?
Docteure Roy et docteur Feldman, vous en avez tous les deux parlé dans une certaine mesure, mais je pense qu'avec un tel financement, nous devons être très efficaces dans notre utilisation, sinon il va disparaître, surtout s'il n'est pas bien utilisé. Peut-être que chacun d'entre vous pourrait répondre — docteure Roy d'abord, et docteur Feldman ensuite.
Où investiriez-vous cet argent pour en profiter le plus?
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J'aime beaucoup la façon dont vous le présentez, c'est-à-dire que la pandémie a exacerbé une réalité qui était déjà présente.
Revenons aux adolescents, par exemple. Il y a plusieurs hypothèses à ce sujet, mais, ce qui fait principalement que les adolescents s'épanouissent et évoluent vers l'âge adulte, c'est qu'ils peuvent sortir de la famille. C'est qu'ils ont consolidé les valeurs de leur famille, qu'ils s'extériorisent et qu'ils vont vers les autres. Les parents deviennent secondaires et les amis deviennent prioritaires. Par la suite, ils se forgent une personnalité. C'est exactement ce que la pandémie les a empêchés de faire. Elle a forcé les adolescents à se replier et à se tourner quotidiennement vers les écrans et les réseaux sociaux, engendrant l'exposition constante aux images de perfection et le sentiment d'une perte complète de maîtrise, ce qui est toxique pour eux.
Ce qu'il faut faire, c'est consolider les acquis des adolescents et des jeunes, et renforcer leur sentiment d'accomplissement ainsi que leur estime de soi. Bien entendu, le soutien en santé mentale est le point de départ, comme on l'a mentionné. Or, un jeune consolide ses acquis et s'épanouit grâce aux succès qu'il engrange à l'école, à un accompagnement scolaire, à du tutorat ou à une valorisation de ses performances scolaires. Il peut déployer ses talents dans le sport et l'activité physique ainsi que dans les interactions positives avec les entraîneurs ou d'autres modèles adultes positifs.
Il faut donc investir massivement dans l'ensemble des filets sociaux présents autour d'un enfant. Comme on l'a dit, le milieu familial n'est pas toujours assez solide pour consolider les acquis des enfants.
Il faut effectivement déployer des efforts précisément en matière de santé. Toutefois, comme je le disais, il faut donner de la latitude aux provinces pour qu'elles puissent investir dans d'autres secteurs qui ont une incidence sur la santé des enfants, tels que l'éducation, les sports et les offres de soutien de toutes sortes. Évidemment, il faut aussi adopter des programmes de prévention pour les aider à évoluer de la bonne façon.
Il faut décloisonner le domaine de la santé et considérer la santé plutôt comme un ensemble de paramètres gravitant autour de l'enfant, justement pour l'aider à consolider sa personnalité. Selon moi, c'est l'une des pistes de solution que l'on ne doit pas laisser passer.
Je pense que c'est à la fois une question de qualité et de quantité de soins de santé. Pour ce qui est de la qualité, je la répartis entre efficience et efficacité. Comment pouvons-nous être plus efficaces? Nous devons nous assurer que les thérapies sont fondées sur des données probantes. Nous ne devrions pas donner d'argent à des thérapies non éprouvées. L'efficacité passe par la pratique fondée sur des données probantes.
L'efficience repose sur quelques stratégies. La première est peut-être d'avoir un modèle d'équipe de soins en santé mentale dans laquelle il n'y a qu'un seul médecin, pédiatre ou psychiatre, et qui inclut un certain nombre de solutions plus rentables et de membres qui peuvent fournir des soins.
À Toronto, il y a ce qu'on appelle le Family Navigation Project, qui aide à naviguer plus efficacement entre les demandes de consultation, en amenant les gens au bon endroit au bon moment, en fonction des listes d'attente. C'est donc une question d'efficience par la navigation, d'efficience par la participation de nos collègues qui ne sont pas médecins et d'efficacité par l'exigence de pratiques fondées sur des données probantes. Pour ce qui est de la quantité, nous avons besoin de plus de fournisseurs de soins de santé.
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J'ajouterais que la santé mentale a nécessairement des effets sur la santé physique, mais l'inverse est aussi vrai: la santé physique influe sur la santé mentale. Dans un autre axe, la santé mentale des parents a aussi une incidence sur la santé mentale de leurs enfants.
Sur le plan de la santé psychologique, les enfants et les adolescents qui vont moins bien, qui bougent moins, souffriront davantage de problèmes d'obésité et de dépendance aux écrans. Les difficultés comportementales et émotionnelles des enfants causeront inévitablement de la détresse aux parents. Des parents épuisés seront beaucoup moins portés à être proactifs pour bouger et adopter de saines habitudes de sommeil et d'alimentation pour eux et leurs enfants. Tout cela est extrêmement interrelié.
Il ne faut pas sous-estimer non plus les patients chroniquement malades. On dit souvent que la santé mentale a des effets sur la santé physique. Les patients chroniquement malades vivent de la détresse et les enfants n'ont pas une adolescence normale. Il y a beaucoup de détresse psychologique associée à cela.
Il ne faut pas oublier l'aspect socioaffectif. Il a été démontré qu'un réseau familial beaucoup moins bienveillant, où les liens affectifs sont limités et où se manifestent des troubles de l'attachement a automatiquement un effet néfaste direct sur la croissance staturo-pondérale des enfants.
Tous ces paramètres sont interreliés. On parlait de plasticité et de développement du cerveau tout à l'heure. C'est pour cela qu'il ne faut pas sous-estimer la santé psychologique des parents. Dès le plus jeune âge, dès les premières semaines de vie de l'enfant, la santé psychologique de ses parents aura une incidence non seulement sur son développement physique, mais aussi sur le plan affectif.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup à tous les témoins d'aujourd'hui pour leurs témoignages extraordinaires.
J'ai deux questions principales, toutes deux un peu vagues.
Pendant que nous discutions et que nous examinions les tableaux de données et ce genre de choses, j'ai été un peu distrait par les chiffres.
Je suis curieux de connaître votre opinion sur la dichotomie entre le fait que le Canada a tendance à se classer assez haut sur le plan des dépenses en santé et assez bas sur le plan des résultats. Il me semble que soit notre défi est plus grand, soit la prestation est déficiente, ou qu'il y a d'autres facteurs en jeu. J'ai tendance à résister à la tentation de recommander que nous consacrions plus d'argent au problème. Si les dépenses ne sont pas aussi efficaces que dans d'autres pays, j'aimerais voir comment nous pourrions en faire plus avec les sommes qui sont actuellement dépensées, avant de réagir en augmentant les transferts aux provinces au titre de la santé.
J'apprécie vraiment l'intervention de Mme Roy au sujet du défi en amont au chapitre des soins de santé, principalement du point de vue de la santé mentale, mais aussi du point de vue de la santé physique, ainsi que de la médecine préventive, et de la nécessité d'essayer d'offrir de meilleures conditions, plutôt que de se limiter aux services en santé mentale.
Je comprends très bien ce que vous dites, docteur Feldman, au sujet de la nécessité d'offrir plus de services curatifs, tout en nous assurant de renforcer la résilience et de veiller à ce que les enfants aient accès à toutes les choses qui les gardent résilients, heureux et en santé — de la bonne nourriture, de bonnes conditions de vie, l'accès aux sports et aux arts. Je pense que de très bons milieux de vie et d'éducation sont essentiels.
Pourrions-nous avoir un bref commentaire de chacun des témoins, peut-être, concernant la nécessité de mettre l'accent sur certains secteurs clés au chapitre de l'efficience et des dépenses, sur les domaines dans lesquels ils croient que nous pourrions être plus efficaces au chapitre de la prestation, et sur le défi en amont concernant la façon dont le Canada diffère?
Je pense que je suis moins préoccupé par le rang que nous occupons que par les résultats. Il est évident que nous devons améliorer les résultats pour les Canadiens.
Je pourrais peut-être commencer par vous, docteure Roy, puisque vous hochez la tête.
[Français]
Je vous remercie.
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Votre question comporte de nombreux volets. Je suis d'accord avec vous. Les chiffres, le rang, ne sont pas ce qui m'importe d'abord. On a parlé des décès et de ce qui est considéré comme un décès, par exemple celui des très grands prématurés. Je pense qu'il faut s'éloigner des chiffres et considérer d'abord le résultat. Il faut voir ce que nous voulons pour nos enfants et sur quoi nous pouvons avoir une incidence réelle. Il faut se demander pourquoi il y a encore des lacunes et comment on peut s'y attaquer.
Malheureusement, qu'il s'agisse des services de protection de l'enfance ou de santé mentale, le réseau a peut-être toujours été habitué à agir quand les problèmes étaient bien installés, cristallisés, et qu'il était trop tard. Il faut remettre l'enfance au cœur de nos priorités et miser sur la prévention. Il est facile de dire que l'on va faire de la prévention au sujet de l'anxiété dans les écoles. Oui, c'est bien, mais, à mon avis, la prévention devrait être sociétale.
Je pense à des parents qui, matin, midi et soir, ne mangent pas avec leurs enfants. Cela semble tout à fait banal, mais la prévention est aussi dans les bonnes valeurs familiales de base, qui font en sorte qu'un enfant se développe de la bonne façon. On parle ici d'apprendre à nos populations à se nourrir sainement, à s'asseoir pour manger de façon saine et à mettre en pratique une hygiène de vie. C'est banal, mais c'est ce qui a le plus d'effet dans le quotidien des parents.
Les enfants qui ont un TDAH vont mieux quand il y a une structure familiale, une régularité dans les mesures et une hygiène de vie. Quand l'enfant fait des activités de plein air, qu'il bouge, le recours aux médicaments en est d'autant diminué. C'est vrai pour le TDAH et les problèmes développementaux. C'est là que se situe la prévention.
La prévention prend aussi la forme d'une prise de conscience au sein de notre société. Je parle ici des réseaux sociaux. Les enfants possèdent un téléphone cellulaire dès l'âge de 10 ans. Ils apprennent à gérer cela dès leur plus jeune âge. Le droit d'un enfant d'avoir son propre téléphone cellulaire est devenu une norme de société. Pourquoi? Parce que cela répond à l'anxiété du parent. De ce fait, l'enfant est exposé aux cyberprédateurs. Il est aussi constamment exposé à des images de perfection. Une dépendance se crée; cela devient sa vie. La vie est devenue virtuelle et accélérée.
La prévention doit donc se faire de façon beaucoup plus vaste. C'est en jouant sur ces paramètres que l'on aura éventuellement un effet. Il faut agir sur les problèmes une fois qu'ils se sont manifestés, mais il faut essayer de les prévenir et sortir de nos ornières.
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Je vais vous parler des défis qui nous préoccupent beaucoup en matière de prestation de soins. Pour ce qui est du début de la vie, comme on le sait, il y a beaucoup plus de prématurés, de problèmes chroniques tels que l'encéphalopathie ou les cas d'enfants instrumentalisés, par exemple. Ces enfants sont sauvés et renvoyés à la maison, mais les parents ne reçoivent pas de soutien. Le concept de proche aidant est d'une très grande importance en pédiatrie également.
Pour les jeunes enfants d'âge scolaire et les adolescents, le soutien en matière de santé mentale, psychologique et socioaffective est également crucial. Par ailleurs, pour nos patients chroniquement malades qui passent de l'adolescence à l'âge adulte — et je parle ici de patients qui, jusqu'à présent, ne survivaient pas jusqu'à l'âge adulte —, il y a peu de ressources. On les suit jusqu'à 18, 19, 20 ou 21 ans, et on a de la difficulté à les laisser aller, parce qu'il n'y a pas de ressources pour eux. Accepter leur état chronique leur est souvent difficile à l'adolescence.
Je pense que ce sont essentiellement les aspects auxquels il faut accorder la priorité. Les soins de santé aigus et l'accessibilité sont des défis, mais ce ne sont pas les plus grands sujets de préoccupation. Ce sont des sujets de préoccupation au même titre que tous les autres. Ce que je viens de vous exposer, par contre, ce sont des problèmes pédiatriques plus spécifiques.
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Manifestement, il faut donner la priorité aux enfants, d'une façon ou d'une autre.
À mon avis, les provinces doivent assurément avoir une liberté d'action. Comme je l'ai dit, il y a certainement des provinces pour lesquelles les investissements devraient être majorés davantage que les 30 % dédiés à l'enfance. Peut-être que d'autres provinces ont déjà donné la priorité à tout cela.
Il faut effectivement faire en sorte que de 25 à 30 % des investissements visent la santé des enfants. Je ne crois pas que la condition doive venir du fédéral, parce que même si la détresse est la même d'un océan à l'autre, les mesures déjà en place varient d'une province à l'autre. Certaines d'entre elles peuvent décider d'investir davantage, ce qui serait bien.
Encore une fois, en ce qui a trait aux règles, on pourrait viser une balise minimale. Pour le reste, je pense que la latitude d'agir devrait être laissée aux provinces.
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Merci beaucoup, monsieur van Koeverden.
Voilà qui met fin, tout juste à l'heure prévue, aux séries de questions.
Je vous prie, chers collègues, de patienter un peu, le temps que je dise au revoir à nos témoins, après quoi nous aurons un petit point à régler concernant les travaux du Comité.
Je remercie tous nos témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Nous avons pu profiter de ce qu'un témoin s'est désisté pour examiner les questions en profondeur. Nous vous sommes très reconnaissants de vos exposés réfléchis ainsi que de la patience et du professionnalisme avec lesquels vous avez répondu à toutes nos questions.
Cela nous sera très utile dans notre étude sur la santé des enfants, qui est très vaste. Nous savons que vous êtes extrêmement occupés et nous vous sommes donc très reconnaissants d'avoir été généreux de votre temps aujourd'hui. Merci à tous.
Chers collègues, j'ai une petite question d'ordre administratif à vous soumettre. Quand nous avons entrepris notre étude, nous n'avons pas fixé de date limite pour la réception des mémoires. Si le Comité souhaite fixer une date, je proposerais que ce soit dans un mois, ce qui laisserait amplement de temps aux gens. Il est également peu probable que nous ayons fini d'entendre tous les témoins d'ici‑là.
La parole est à vous.