Bienvenue à la 93e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule de façon hybride, conformément au Règlement. Je crois comprendre que nous avons un témoin et un député qui participent virtuellement. Par conséquent, conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Quant au seul témoin qui comparaît par vidéoconférence, vous êtes probablement déjà au courant, mais vous avez la traduction au bas de votre écran. Vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Veuillez laisser le micro en sourdine lorsque vous ne parlez pas et évitez de prendre des saisies d'écran, s'il vous plaît.
Aujourd'hui, de 11 heures à 13 heures, nous accueillons un groupe de témoins au sujet de l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre, nous allons commencer cette étude aujourd'hui.
Avant de commencer, j'aimerais vous présenter les fonctionnaires qui nous accompagnent.
Nous accueillons M. Samuel Weiss, directeur scientifique de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, qui fait partie des Instituts de recherche en santé du Canada. M. Weiss est le témoin qui participe par vidéoconférence. Les autres sont ici en personne.
Nous accueillons Jennifer Saxe, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, Carol Anne Chénard, directrice générale par intérim, Bureau des substances contrôlées; et Kelly Robinson, directrice générale, Direction des produits de santé commercialisés, toutes trois du ministère de la Santé.
Nous accueillons également Jennifer Novak, directrice générale, Santé mentale, Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, du ministère des Services aux Autochtones; Marie-Hélène Lévesque, directrice générale, Direction des politiques d'application de la loi, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile; ainsi que Shannon Hurley, directrice générale associée, Centre de santé mentale et de bien-être, de l'Agence de la santé publique du Canada.
Merci à tous d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui.
Avant de céder la parole à Mme Saxe, je crois comprendre qu'il est possible que la sonnerie se fasse entendre avant que nous finissions d'écouter ce groupe de témoins. Si cela se produit, je demanderai le consentement unanime pour continuer.
De plus, la , s'est dite disposée à comparaître devant le Comité dans le cadre de cette étude, probablement au cours de la nouvelle année.
Sur ce, je vais céder la parole à Jennifer Saxe, du ministère de la Santé, pour sa déclaration préliminaire de cinq minutes.
[Français]
Bonjour.
Je vous remercie de nous offrir, à mes collègues et moi, l'occasion d'aborder cette question cruciale.
Aujourd'hui, j'aimerais vous faire part de quelques renseignements sur ce que nous savons de la crise, lesquels sont basés sur des données que nous recueillons du côté fédéral, et décrire certaines des mesures que nous avons mises en avant pour réduire les méfaits, prévenir les surdoses et les décès qui y sont associés, élargir l'accès au traitement et soutenir le rétablissement et le bien-être.
La crise liée aux surdoses que nous devons affronter aujourd'hui constitue une grave situation d'urgence en santé publique, qui touche la vie d'individus issus de divers groupes démographiques. Cette situation a des répercussions tragiques sur les personnes qui consomment des substances, leurs familles et les communautés partout au pays, et elle est façonnée par un large éventail de facteurs.
[Traduction]
Selon les plus récentes données disponibles, il y a eu 38 514 décès par surdose d'opioïdes depuis janvier 2016. Bien que 90 % de ces décès au Canada se soient produits en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario, il est important de noter que des taux élevés ont également été observés dans d'autres régions dont la population est plus réduite, y compris en Saskatchewan et au Yukon.
La plupart des décès apparemment liés à la toxicité des opioïdes touchent des jeunes et des hommes d'âge moyen. En fait, les hommes représentent 73 % des décès accidentels apparemment attribuables à la toxicité des opioïdes.
Les peuples autochtones sont touchés de façon disproportionnée. Par exemple, si les Premières Nations ne représentent que 3 % de la population totale de la Colombie-Britannique, 16 % des personnes décédées d'une surdose s'étaient identifiées comme Autochtones. De plus, selon les données du Centre de gouvernance de l'information des Premières Nations de l'Alberta, le taux de décès par empoisonnement aux opioïdes est sept fois plus élevé chez les Autochtones que chez les non-Autochtones de la province.
Les données ont également confirmé que les taux très élevés de décès par surdose sont le résultat direct de l'augmentation de la toxicité des drogues vendues dans la rue. De tous les décès par surdose signalés, 81 % étaient liés au fentanyl. La toxicité d'une combinaison de plusieurs médicaments est un facteur contributif à la crise. De plus en plus, les gens consomment un mélange de drogues, ce qui accentue considérablement le risque.
[Français]
Cette crise généralisée est envahissante. Comprendre pourquoi les gens se tournent vers des substances fait intervenir toute la gamme des déterminants sociaux de la santé ainsi que les expériences négatives de l'enfance, les traumatismes, la pauvreté, la maladie mentale et la douleur chronique.
[Traduction]
Nous avons travaillé avec des experts pour adopter des stratégies fondées sur des données probantes afin de régler cette crise de façon exhaustive et compatissante. C'est dans ce contexte que le gouvernement du Canada travaille activement depuis de nombreuses années, mobilisant des efforts dans une suite d'interventions qui englobent la prévention, la réduction des méfaits, le traitement et l'application de la loi, en plus de chercher à diminuer les attitudes et les comportements stigmatisants nuisibles.
Les initiatives de prévention de la toxicomanie sont conçues pour atteindre les personnes les plus à risque. Par exemple, la campagne « Alléger le fardeau » est un effort ciblé pour atteindre les hommes dans les métiers, un groupe démographique touché de façon disproportionnée par la crise des surdoses. Cette campagne, qui compte plus de 26 millions de visionnements, montre comment nous sensibilisons ces populations et réduisons la stigmatisation.
Conscients de l'importance d'un accès rapide à des soins de qualité, nous avons fait d'importants investissements pour élargir l'accès, y compris des services spécialisés pour les jeunes et la gestion du sevrage par des cures de désintoxication.
Le gouvernement a également déployé des efforts pour élargir l'accès aux services qui réduisent les méfaits et préviennent les décès par surdose. Cela comprend la distribution de naloxone et une formation à grande échelle. Nous avons fait en sorte qu'il soit plus facile pour les collectivités d'établir et de fournir des centres de consommation. Il y a actuellement 39 centres au pays, qui ont reçu plus de 4,3 millions de visites et qui ont répondu à près de 50 000 surdoses. Pour beaucoup, ces centres représentent la seule expérience directe que les gens auront avec les fournisseurs de soins de santé. Ainsi, plus de 257 000 personnes ont été aiguillées vers les services de santé et les services sociaux.
Parallèlement, nos agents d'application de la loi et nos agents frontaliers luttent activement contre la production, le détournement et le trafic de drogues illicites et les crimes connexes.
Dans le cadre de la réponse à cette crise, le gouvernement continue également d'appuyer la recherche qui nous aide à mieux comprendre la toxicomanie au Canada et qui permet l'élaboration de politiques et de programmes fondés sur des données probantes.
[Français]
Avant de terminer, je voulais mentionner que, le 30 octobre 2023, la et ministre associée de la Santé a lancé une version renouvelée de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances. Cette stratégie présente une approche fédérale compatissante, équitable, collaborative et globale quant à cette crise, et elle pourrait être intéressante dans le cadre de votre étude.
En conclusion, je dirai qu'il est essentiel de comprendre que les mesures fédérales, à elles seules, ne mettront pas fin à la crise liée aux surdoses. Nous nous engageons à collaborer de manière continue avec les provinces et les territoires, les communautés autochtones, les familles et les personnes ayant une expérience vécue ou vivante.
Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de contribuer à votre importante étude. Nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Avant de poser des questions, j'aimerais faire une déclaration préliminaire, étant donné qu'il s'agit d'une étude que j'ai lancée avec une motion adoptée par le Comité plus tôt cette année.
Monsieur le président, nous avons huit réunions, je crois, dont la plupart auront lieu l'an prochain, en 2024.
Nous savons que 2023 sera une autre année tragique pour les Canadiens. En 2022, il y a eu 7 328 décès. Le taux de mortalité actuel est estimé à 21 Canadiens qui meurent chaque jour. N'est‑il pas aberrant que nous puissions prédire avec plus ou moins de certitude que 600 Canadiens ou plus mourront d'une surdose d'opioïdes ou d'un mélange de drogues d'ici la fin de l'année? Même si l'on a reconnu qu'il s'agissait d'une urgence il y a sept ans, le nombre de décès continue d'augmenter.
Lorsque j'étais médecin hygiéniste en chef au Yukon, nous avons été témoins du premier décès causé par le fentanyl en avril 2016, le même mois où mon collègue de la santé publique de la Colombie-Britannique de l'époque, le Dr Kendall, a déclaré une urgence de santé publique en raison d'une effroyable augmentation du nombre de décès dans cette province, augmentation qui n'a fait que se poursuivre depuis.
Depuis les premiers jours de l'épidémie, les gouvernements ont réagi. Il y a eu des choses merveilleuses. Les trousses de naloxone, par exemple, qui sont distribuées sur notre territoire et partout au pays. Nous avons eu le premier centre de consommation supervisée au Yukon, au nord du 60e parallèle, et nous sommes un des premiers au pays à avoir une salle d'inhalation. Nous avons redoublé d'efforts et intensifié la thérapie de substitution clinique des opioïdes, tout en cherchant à réduire les méfaits et en faisant de la prévention, du moins dans une certaine mesure.
Le Yukon a déclaré une urgence liée à la consommation de substances en janvier 2022 et a récemment révisé sa stratégie d'urgence en la matière, il y a à peine quelques mois, en fonction de l'approche à quatre piliers que nous connaissons tous si bien.
Pourtant, les décès se poursuivent. Des vies et des familles sont déchirées par des décès ou des blessures par surdose. Nous avons pris des tas de mesures, mais nos interventions n'ont toujours pas l'ampleur voulue pour répondre aux besoins.
Dans le cadre de cette étude, j'implore tous les membres du Comité d'avoir un seul objectif en tête. Je sais que je penserai à mes deux propres adolescents et à leurs amis, et à ce que nous pouvons faire de plus pour les protéger. Il faut qu'il s'agisse de sauver la vie de Canadiens. Ne parlons pas d'attaques personnelles, de défaites ou de marquer des points politiques. Examinons attentivement ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et si quelque chose ne va pas, examinons pourquoi, tirons un apprentissage et adaptons-nous en conséquence.
Je dirais à mon collègue, M. Ellis, que le mot « expérience » est en fait synonyme de nouvelle approche. Quant à votre question au sujet d'une « hypothèse nulle », je pense que nous pourrions répondre que notre modèle actuel ne fonctionne clairement pas, alors il s'agit de réorienter les efforts.
Examinons les modèles d'innovation et de réussite qui se sont révélés prometteurs ou efficaces, que ce soit au Canada ou ailleurs. À la fin de cette étude, nous devrions être en mesure de formuler des recommandations urgentes, réfléchies, fondées sur des données probantes, de manière compatissante, audacieuse et intelligente sur ce que nous pouvons tous faire pour contrôler cette épidémie — comme personnes, comme collectivités et comme gouvernements de tous les ordres.
Je sais que nous partageons tous le même souci. S'il vous plaît, dans l'intérêt des Canadiens, travaillons ensemble à ce dossier avec respect, humilité, urgence et décence, tout comme les Canadiens s'attendent à ce que nous le fassions.
Je sais qu'il ne me reste qu'environ deux minutes, mais j'aimerais revenir à mes questions.
Merci à tous d'être ici.
Le budget de 2023 propose un montant supplémentaire de 359 millions de dollars sur cinq ans pour appuyer une stratégie renouvelée. Madame Saxe, je me demande si vous pourriez décrire certaines des orientations que vous avez l'intention de prendre avec ce financement renouvelé.
J'aimerais laisser du temps à Mme Hurley, de l'Agence de la santé publique du Canada, pour répondre à la même question.
:
Je veillerai à garder du temps pour Shannon Hurley.
Je vous remercie de cette question et de vos observations.
La stratégie renouvelée s'appuie en fait sur la stratégie précédente en veillant à ce que nous ayons des mesures holistiques et intégrées qui englobent l'éducation en matière de prévention et tiennent compte de l'ensemble des services liés à la toxicomanie, y compris la réduction des méfaits, le traitement et le rétablissement. Il s'agit de nous appuyer sur les données probantes et de prendre un éventail de mesures pour contrôler les substances. Il s'agit de faire appliquer la loi et de veiller à ce que les contrôles appropriés soient en place pour éviter le mauvais usage de substances.
Parmi les mesures clés que nous prenons, nous avons lancé une demande de propositions pour des programmes communautaires de lutte contre la toxicomanie. C'était à la fin de septembre et à la fin de novembre, nous avions reçu un peu plus de 600 demandes. Nous les examinerons pour veiller à investir dans des projets prometteurs, fondés sur des données probantes et qui soient novateurs au niveau communautaire.
Je vais céder la parole à Shannon Hurley dans un instant pour qu'elle vous parle du travail de prévention qui s'inspire d'un modèle islandais.
Nous continuons de prendre des mesures en ce qui a trait aux autorisations tout en voyant à ce que les gens aient accès à des services de réduction des méfaits, qu'il s'agisse de centres de consommation supervisée, de la fourniture de naloxone ou de services de vérification des substances afin que les clients et le personnel sanitaire sachent ce qu'elles contiennent.
Il y a toute une gamme de mesures. Je pourrai céder la parole à ma collègue par la suite pour ce qui est de la sécurité publique et de l'application de la loi. Il y a une série d'activités de surveillance, de recherche ciblée et de données probantes que nous cherchons à recueillir, y compris sur des modèles novateurs, afin que nous puissions apprendre et nous adapter au fur et à mesure.
Pour ce qui est des produits pharmaceutiques de remplacement prescrits et des centres de consommation supervisée, nous examinons les données probantes et nous surveillons ces programmes afin de pouvoir apprendre, nous adapter et adopter des pratiques exemplaires.
Je vais peut-être céder la parole à Mme Hurley au sujet de la prévention.
:
Merci beaucoup de la question.
La réduction des méfaits continue d'être un élément clé de la Stratégie, qui a été lancée par le gouvernement du Canada pour faire face à la crise liée aux surdoses et à la consommation de substances. Pour que ce soit clair, disons que la réduction des méfaits s'inscrit dans un continuum de mesures et de soins. Elle s'appuie sur des données probantes, et elle réduit les méfaits et sauve des vies.
Il est essentiel qu'on se penche sur la réduction des méfaits à cause de la toxicité croissante et imprévisible des drogues illicites en circulation.
La raison pour laquelle on continue de miser sur la réduction des méfaits, c'est parce que ce n'est pas tout le monde qui a accès aux services de traitement. Il se peut que ces derniers ne soient pas offerts dans certaines régions. Les traitements privés peuvent être coûteux ou inaccessibles. La réduction des méfaits peut aider à établir cette connexion entre les gens et les services.
La réduction des méfaits, c'est un service médical et un service de santé.
Madame Lévesque, dans la réponse que le gouvernement a fournie au Comité, il était question du resserrement des frontières et du resserrement de la loi. Il a donné comme exemple le fait que le projet de loi allait permettre aux agents des douanes d'effectuer un travail plus rigoureux afin d'intercepter le fentanyl, puisqu'ils allaient pouvoir inspecter les bagages pesant moins de 30 grammes.
Sept ans plus tard, on s'aperçoit que la production illicite du fentanyl fonctionne comme avant l'adoption de ce projet de loi.
Qu'est-ce qui nous manque? Qu'est-ce qui manque pour que le contrôle aux frontières soit plus serré?
Qu'est-ce qui manque pour qu'on puisse être plus efficace quant à ce plan d'action qui, vraisemblablement, ne donne pas les résultats escomptés?
:
Je vous remercie de votre présence et du travail que vous faites.
Je veux répéter ce que M. Hanley a dit au sujet de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. De toute évidence, ce que nous faisons ne fonctionne pas. J'aime l'idée de parler non seulement de modèles d'innovation et de réussite, mais aussi d'utiliser des données solides pour en arriver à des décisions et à des politiques susceptibles de contrecarrer la crise.
Au début, en 2016, lorsque la Colombie-Britannique a déclaré une urgence de santé publique, les médecins nous ont dit qu'ils demandaient au gouvernement fédéral de déclarer également une urgence nationale. Pouvez-vous expliquer pourquoi cela ne s'est pas produit?
La raison, et vous m'en avez entendu parler à maintes reprises — je vous ai tous rencontrés séparément —, c'est la nécessité d'un plan et d'un échéancier, et cela ne fait pas partie de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances renouvelée. C'est quelque chose que j'ai souligné dans le projet de loi , qui a été rejeté par les conservateurs et la plupart des libéraux. Ce projet de loi aurait fourni un échéancier. Il ordonnait au gouvernement de fournir un échéancier et un plan.
Pourquoi n'a-t-on déclaré aucune urgence nationale de santé publique?
:
J'adore tous les mots à la mode concernant une approche compatissante et une approche intégrée et coordonnée, mais cela exige un échéancier et des ressources. Je suis désolé, mais un milliard de dollars, ce n'est même pas 1 % de ce que nous avons dépensé en réponse à l'urgence sanitaire de la COVID‑19.
C'est pourquoi nous devons déclarer une urgence nationale en matière de santé publique, afin de pouvoir forcer tout le monde à participer et d'élaborer un plan avec les provinces, les municipalités et les nations autochtones, de sorte qu'il s'agisse d'une stratégie coordonnée et cohérente.
Lorsque je songe au groupe de travail d'experts sur la consommation de substances, à l'Association canadienne des chefs de police, qui a publié il y a quelques années une plate-forme politique contenant ses recommandations, et, en Colombie-Britannique, au coroner en chef, à l'autorité sanitaire des Premières Nations, et à présent au comité d'examen des décès, — il est incroyable que nous ayons un comité de la sorte pour cette question —, je constate qu'ils ont tous quelque chose en commun. Ils ont tous dit que nous avons besoin de traitement sur demande, de rétablissement, de prévention, d'éducation et d'un approvisionnement plus sécuritaire de substances. Ils ont tous été parfaitement clairs.
À votre connaissance, y en a‑t‑il qui ont changé leur position en ce qui concerne l'approvisionnement plus sécuritaire — puisque la question a été soulevée plus tôt dans cette conversation?
:
Merci, monsieur le président.
Je pourrais commencer par quelques points. Je pourrais répondre au commentaire de M. Hanley. Cela me touche profondément. Je ne suis pas ici pour faire du bruit, mais je suis en colère et frustré. J'ai parlé haut et fort des difficultés de ma famille face à cette épouvantable épidémie. J'ai discuté avec des membres de la famille d'enfants qui ont maintenant des problèmes de toxicomanie, ainsi qu'avec des familles qui ont perdu des êtres chers — de jeunes enfants, des adolescents — à cause de cette épouvantable épidémie. C'est profondément personnel.
Je remercie nos invités de leur présence. Je vous remercie du travail que vous faites, mais je dois dire que ce que nous faisons ne fonctionne pas. Madame Saxe, vous l'avez dit vous-même: depuis 2016, il y a eu 38 000 décès. Ce que nous faisons est insuffisant. Je comprends que vous êtes une seule équipe et que nos provinces et d'autres doivent également intervenir. Ça ne va pas.
Mon collègue a parlé de l'expérience. Une expérience consiste à voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Injecter 1 milliard de dollars... et la principale cause de décès chez les jeunes de 10 à 18 ans dans ma province, c'est la surdose. Ça ne va pas.
Quels sont les taux de détournement de l'approvisionnement sécuritaire financé par le gouvernement?
:
Merci, monsieur le président.
En 2016, lors des audiences du Comité, la docteure Bonnie Henry, administratrice de la santé provinciale de la Colombie-Britannique, avait affirmé que les programmes de désintoxication ne fonctionnaient pas pour les utilisateurs d'opioïdes, étant donné que la dépendance physiologique créée par les opioïdes nécessite une thérapie de substitution aux opioïdes, par exemple basée sur l'emploi du produit Suboxone. Au cours des témoignages, on avait aussi parlé du produit Vivitrol.
Tout cela a mené à la recommandation 21 figurant dans un rapport du Comité, qui a été adopté à l'unanimité, à ma connaissance.
Cette recommandation est ainsi rédigée:
Que le gouvernement du Canada améliore l’accès aux médicaments employés pour traiter la dépendance aux opioïdes, comme la SuboxoneMD et d’autres médicaments efficaces qui, eux, ne sont pas offerts actuellement au Canada, en particulier pour les personnes qui présentent un risque élevé de complication et de décès.
En Colombie-Britannique, avez-vous des données sur le nombre de thérapies de substitution, sur l'accès à ces thérapies de substitution et sur leur efficacité dans une optique de guérison à moyen terme?
:
Je vais revenir à la nécessité d'un état d'urgence nationale de santé publique.
Pendant la pandémie de COVID‑19, nous avons toujours réussi à surmonter les obstacles liés aux sphères de compétence en collaboration avec les provinces, les municipalités, les territoires et les communautés autochtones, et ce en quelques heures. Nous n'y avons pas réussi dans le cas de la crise des drogues toxiques en raison de cette inaction.
Je tiens à parler des sphères de compétences, parce que la politique y tient une large place. Il y a eu un nombre record de décès en Colombie-Britannique sous un gouvernement néo-démocrate, en Alberta, en Ontario et en Saskatchewan sous des gouvernements conservateurs, et au Yukon sous un gouvernement libéral. Aux États-Unis, le nombre de surdoses a doublé dans 30 États au cours des deux dernières années, et la plupart des 10 premiers de ces États sont républicains. Cela n'a donc rien à voir avec l'opposition entre républicains et démocrates. Cela n'a rien à voir avec l'opposition entre le NPD, le Parti conservateur et le Parti libéral. C'est une question de société. C'est un échec social sur le plan idéologique. C'est ma conviction personnelle.
Mon collègue le député Hanley et moi-même sommes allés au Portugal cet été, à nos frais. Nous avons vu à quoi ressemblent des mesures répondant à un état d'urgence de santé publique. On y a livré de la méthadone à un nombre de personnes qui est passé de 250 à 35 000 en deux ans. On y a engagé l'armée pour créer des laboratoires, les multiplier et en offrir des services.
Est‑ce que le gouvernement envisage des mesures du type état d'urgence? Nous n'avons encore rien vu de tel. Je tiens vraiment à vous encourager à travailler tous ensemble ici, parce que c'est... Au Portugal, la grande victoire a été que les responsables politiques ont retroussé leurs manches, ont laissé les experts diriger et les ont appuyés avec des ressources. C'est comme cela qu'ils ont réussi.
Pour les gens de métiers, nous avons investi précisément dans une campagne intitulée « Allégeons le fardeau ». Cela permet d'élargir la sensibilisation aux préjudices associés à la consommation d'opioïdes et d'autres substances, ainsi qu'à la stigmatisation, surtout parmi les hommes exerçant des métiers exigeants sur le plan physique, associée à l'accès et à la capacité de parler de leurs préoccupations. Entre septembre 2022 et mars 2023, le site de la campagne a enregistré plus de 142,7 millions de visites. Nous savons que nous pouvons sensibiliser les gens et réduire la stigmatisation.
Nous envisageons également des mesures de prévention visant les jeunes, les adolescents et les jeunes adultes dans les festivals.
Je vais céder la parole à Mme Hurley pour qu'elle vous parle davantage de nos mesures de prévention.
:
Nous avons financé une étude indépendante, par l'entremise de l'Initiative canadienne de recherche sur l'abus de substances, sur les programmes d'approvisionnement sécuritaire dans 11 sites du pays.
Les premiers résultats indiquent que, pour les clients très marginalisés — ceux qui ont un accès limité aux services de santé —, un approvisionnement sécuritaire est utile et efficace pour réduire les besoins irrépressibles, le temps passé dans la rue et les décès. On a cependant constaté que cela fonctionne mieux quand des services intégrés sont également offerts. L'élément essentiel est que, avec des services complets, on s'attend à ce que les clients s'adressent aux autres services paramédicaux et sociaux. C'est là que l'approvisionnement sécuritaire est le plus efficace.
J'ajoute que, bien sûr, l'approvisionnement sécuritaire fait partie des pratiques d'ordonnance en général, qui ont commencé dans les années 1990 et qui ont mené à la situation d'aujourd'hui. Le terme « déjudiciarisation » n'est pas nouveau non plus. Il existe depuis les années 1990 en raison des pratiques d'ordonnance.
Quand on a réduit les pratiques d'ordonnance, le nombre de gens en quête de drogue dans la rue a augmenté. La deuxième vague de la crise des opioïdes coïncide avec le moment où les gens n'ont plus obtenu d'opioïdes sur ordonnance. Ils sont donc allés en chercher dans la rue et ont commencé à faire des surdoses d'héroïne. L'héroïne, qui est la drogue de la deuxième vague de la crise des drogues toxiques, a été remplacée vers 2010‑2013 quand le fentanyl est apparu sur le marché pour la première fois. Il a pris la relève de l'héroïne et est devenu la drogue privilégiée, dont de très petites quantités entraînent des décès par surdose.
Il est important de rappeler que, quand on parle d'approvisionnement sécuritaire, on parle d'un élément d'une série de pratiques d'ordonnance — bonnes et mauvaises — qui ont contribué à déclencher cette crise. Quoi qu'il en soit, il faudrait les considérer sur le plan scientifique dans le cadre des solutions d'avenir, parce que la prescription d'opioïdes est l'un des rares moyens dont nous disposons à l'heure actuelle pour traiter la douleur chronique et la douleur liée au cancer.
Il est clair que les Autochtones du pays sont touchés de façon disproportionnée par cette crise. En Colombie-Britannique et en Alberta, le taux d'incidence est de cinq à sept fois plus élevé que celui des non-Autochtones.
À Services aux Autochtones Canada, nous essayons vraiment de mettre les gens en contact avec les services et les produits de réduction des préjudices. Cela comprend la naloxone, mais plus précisément les agonistes opioïdes, dont on a parlé aujourd'hui. Nous avons essayé de donner accès à des sites complets. En gros, 82 centres au pays offrent un traitement par agonistes opioïdes dans plus de 100 communautés.
Nous essayons également de former des équipes de santé mentale. Jennifer Saxe a parlé de ce continuum de services. Les équipes de santé mentale sont là. Il y en a 75 qui desservent 385 communautés partout au pays.
Nous essayons de faire en sorte que les gens passent d'abord par la gestion du sevrage, pour qu'ils soient stabilisés, pour ensuite les faire passer au traitement par agonistes opioïdes. Il y a aussi la formation sur le terrain, les centres de guérison, les liens avec la culture et, en fait, tout ce qui vient après. Une fois le traitement terminé, que peut‑on faire pour aider les gens sur un plan plus longitudinal?
Nous cherchons des moyens novateurs. Un projet pilote intéressant est actuellement en cours en Ontario. La plupart des populations autochtones se trouvent dans des régions rurales et éloignées, et nous essayons donc de leur offrir de nouveaux soutiens virtuels. Le casque Oculus en est un, qui permet d'avoir accès à des services complets.
Avant de poser mes questions, j'aimerais présenter un avis de motion. La motion vise à faire comparaître la dans le cadre de cette étude. Elle se lit comme suit:
Que, dans le cadre de son étude sur l'épidémie d'opioïdes et la crise des drogues toxiques au Canada, le Comité invite la ministre de la Santé mentale et des Dépendances et la ministre associée de la Santé pour une durée d'une heure et que la réunion ait lieu au plus tard le lundi 19 février 2024.
Je présente cela comme un avis de motion.
J'aimerais préalablement faire quelques observations.
On nous parle beaucoup de l'approvisionnement sécuritaire et de l'hypothèse que cela ne fonctionnerait pas. Le détournement de l'approvisionnement sécuritaire est effectivement étayé par des données, du moins à titre anecdotique, par certains des experts qui ont écrit des lettres. On sait aussi que le détournement de médicaments d'ordonnance n'est pas un problème récent — cela dure depuis des années. Je voudrais simplement faire valoir que le détournement de l'approvisionnement sécuritaire ne signifie pas que l'approvisionnement sécuritaire n'ait pas de rôle important à jouer dans l'éventail des solutions. Quand il y a effectivement détournement, nous devons faire de notre mieux pour le prévenir.
Je tiens à rappeler que le médecin légiste de la Colombie-Britannique a déclaré ceci: « Nous savons pertinemment que les gens ne meurent pas (en raison de l'approvisionnement plus sécuritaire), y compris les enfants. Les taux de mortalité chez les moins de 19 ans n'ont pas augmenté du tout depuis l'introduction de l'approvisionnement plus sécuritaire. » Cela s'inscrit dans le contexte de la Colombie-Britannique, et c'est une citation de Lisa Lapointe.
Il me semble également important de parler de certaines idées fausses au sujet du fentanyl et de la question de la tolérance et des seuils. Les seuils de décriminalisation établis en Colombie-Britannique s'appuient sur les recommandations d'experts. Il y a eu beaucoup d'échanges, comme nous le savons, sur une période d'environ un an, pour s'entendre sur ces seuils. Ils sont vraiment fondés sur la notion de tolérance au fentanyl. Les toxicomanes deviennent très rapidement tolérants à des doses incroyablement élevées. C'est la raison pour laquelle on utilise des seuils pour déterminer la décriminalisation.
Au Portugal — M. Johns vous a dit que nous avons fait ensemble un voyage extraordinairement instructif —, la notion de possession personnelle dans le cadre de la décriminalisation est définie par un approvisionnement de 10 jours d'une drogue déterminée. Le seuil est calculé en fonction d'un approvisionnement de 10 jours.
Nous oublions, dans cette réflexion, que la criminalisation de la consommation de drogue non seulement ne fonctionne pas, mais cause en fait du tort, parce que le marché est inondé de drogues de plus en plus dangereuses et toxiques. La criminalisation ajoute à la stigmatisation qui empêche les gens d'avoir accès aux soins.
J'aimerais demander à mes collègues conservateurs pourquoi on devrait continuer d'appliquer des politiques qui ne fonctionnent manifestement pas.
Combien de temps me reste‑t‑il?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie mon collègue de la motion.
Je pense que le 19 février nous mène loin. Je vous dirais qu'un amendement favorable pourrait fixer la date limite autour du 15 janvier. Nous avons du temps à notre disposition et il s'agit d'une étude importante. Je pense que mes collègues en conviennent tous.
À mon avis, le fait de continuer à repousser cette importante étude en ne convoquant pas la avant février cause un retard appréciable, sachant que des politiques qui ne fonctionnent pas — comme mes collègues l'ont clairement relevé — peuvent se poursuivre. Je trouve dangereux pour les Canadiens que la ministre puisse éviter de rencontrer des médecins qui ont des opinions très divergentes au sujet de l'approvisionnement sécuritaire. Évidemment, nous savons qu'aucun fonctionnaire à Santé Canada, pas même le ministre, n'a rencontré des médecins ayant un point de vue contraire. Nous savons aussi que le gouvernement n'a pas de données et qu'il n'a pas de plan non plus. Il n'en avait pas dès le début.
Je pense qu'en repoussant jusqu'au 19 février, nous continuons de mettre des vies en danger au Canada. Pour cette raison, je propose de modifier la motion et d'y inscrire la date au 15 janvier, monsieur le président.
Merci.
:
L'amendement est recevable.
Le débat porte sur l'amendement.
S'il n'y a pas de débat, sommes-nous prêts à nous prononcer? Il s'agit de modifier la motion en remplaçant la date du 19 février par celle du 2 février.
(L'amendement est adopté.)
Le président: Nous avons l'unanimité.
Le débat porte maintenant sur la motion principale modifiée.
(La motion modifiée est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
Le président: C'est unanime. La motion est adoptée.
Merci, monsieur Hanley. Votre temps est écoulé.
Nous passons aux conservateurs.
Monsieur Majumdar, vous avez la parole pendant les cinq prochaines minutes.
:
Nous collaborons avec nos homologues des provinces et des territoires. Le , le sous-ministre et les hauts fonctionnaires, comme moi, font partie de plusieurs comités. Nous travaillons étroitement avec nos homologues des provinces et des territoires pour échanger sur nos meilleures pratiques et sur toute une gamme de mesures.
Par exemple, nous avons mis en place le Programme sur l'usage et les dépendances aux substances, ou PUDS, dans le cadre duquel de bons projets ont été réalisés dans les provinces. Nous avons créé des forums pour échanger sur les meilleures pratiques. Pour nous, il est vraiment important de continuer cette collaboration, parce que d'autres peuvent apprendre de ces échanges. Cela nous aide à améliorer la réponse à la crise liée aux surdoses.
Cela dit, nous pouvons certainement améliorer des choses. Par exemple, nous pourrions améliorer la collecte des données, uniformiser les indices et améliorer la gamme de services et d'appuis partout au Canada.
Comme on vient de le dire, il est vraiment important de travailler ensemble. Cet effort de collaboration ne doit pas venir uniquement d'un seul partenaire, mais de tous les partenaires, y compris le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et les communautés. Il faut travailler avec les groupes autochtones et les experts en santé. Il faut aussi s'assurer d'avoir des évaluations et des données pour que nous puissions connaître, de façon continue, l'effet des programmes que nous mettons en œuvre.
Chers collègues, voilà qui met fin à cette première partie. Nous allons suspendre brièvement la séance pour accueillir le groupe suivant. Avant cela, nous devons nous entendre sur la date limite de remise des listes de témoins pour notre étude sur les opiacés et les opioïdes. Je recommande que les listes de témoins soient prêtes avant l'ajournement de la Chambre, disons le vendredi 15 décembre à 16 heures? Est‑ce que tout le monde est d'accord pour entendre tous les témoins d'ici là?
Des députés: D'accord.
Le président: Merci. Cela permettra aux analystes de préparer un plan de travail pour l'hiver.
Je remercie tous nos témoins de leur patience et de leur professionnalisme, comme toujours. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence. Nous en sommes à la première étape d'une étude et d'un cheminement ambitieux, une étape qui jette les bases de notre travail. Nous vous sommes reconnaissants de ce que vous faites et de l'aide que vous nous apportez dans le cadre de cette étude.
Sur ce, nous allons suspendre la séance pendant que le prochain groupe de témoins s'installe, ce qui pourrait nous prendre environ cinq minutes.
:
Nous reprenons nos travaux.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité entreprend son étude de l'accord d'achat anticipé de vaccins conclu par le gouvernement avec Medicago.
Bienvenue aux fonctionnaires présents.
Du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, nous accueillons Andrea Andrachuk, directrice générale.
[Français]
Nous recevons aussi Mme Joëlle Paquette, directrice générale du Secteur des services de soutien en matière d'approvisionnement.
[Traduction]
Du Bureau du vérificateur général, nous accueillons Andrew Hayes, sous-vérificateur général, et Susan Gomez, directrice principale.
Chers collègues, nous avons été avisés en cours de réunion que la vérificatrice générale elle-même ne pouvait pas être ici. Je n'ai pas d'explication à vous donner, sauf que l'information est très récente.
Tout d'abord, je remercie tous les témoins qui sont ici.
Nous avons deux déclarations liminaires, la première étant du Bureau du vérificateur général.
Je suppose que ce sera vous, monsieur Hayes. Vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes. Bienvenue au Comité.
:
Monsieur le président, je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter de notre rapport sur les vaccins contre la COVID‑19 dans le cadre de l'examen de l'entente d'achat anticipé de vaccins conclue par le gouvernement avec Medicago. Notre rapport a été déposé à la Chambre des communes en décembre 2022.
Je tiens à reconnaître que cette séance se déroule sur le territoire traditionnel non cédé de la nation anishinabe algonquine.
Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Susan Gomez, directrice principale. Elle était responsable de l'audit. Cet audit a porté sur la façon dont le gouvernement fédéral a acheté et autorisé des vaccins contre la COVID‑19, de même que sur la façon dont il les a distribués aux provinces et aux territoires pour que les Canadiennes et les Canadiens puissent se faire vacciner.
Au cours de la présente séance, nous nous concentrerons sur le volet de l'audit consacré à l'approvisionnement. Dans l'ensemble, nous avons constaté que Services publics et Approvisionnement Canada avait fourni un bon soutien à l'Agence de la santé publique du Canada, lui permettant d'obtenir suffisamment de doses de vaccins contre la COVID‑19 pour vacciner chaque personne au Canada. Entre décembre 2020 et mai 2022, le gouvernement fédéral a acheté 169 millions de doses de vaccin. Plus de 84 millions de ces doses ont été administrées à la population.
[Traduction]
Services publics et Approvisionnement Canada a exercé son pouvoir de passation de marchés en cas d'urgence. Cela lui a permis d'avoir plus de souplesse sur différents aspects, notamment d'obtenir des vaccins auprès des compagnies recommandés par le Groupe de travail sur les vaccins contre la COVID‑19 au moyen d'un processus non concurrentiel.
Le ministère a conclu des ententes d'achat anticipé avec sept compagnies qui avaient démontré le potentiel de mettre au point des vaccins viables. Nous avons constaté que le ministère avait fait preuve de diligence raisonnable relativement à ces sept compagnies de vaccins. Par exemple, le ministère a examiné si les compagnies avaient la capacité financière nécessaire pour satisfaire aux exigences contractuelles et qu'elles étaient autorisées à faire affaire avec le gouvernement fédéral. Le ministère a conclu une entente avec Medicago le 13 novembre 2020.
La stratégie du gouvernement consistait à conclure des ententes avec plusieurs compagnies de vaccins, au cas où Santé Canada n'autoriserait qu'un seul vaccin. Bien que cette approche signifiait que le Canada risquait de se retrouver avec un surplus si les sept vaccins étaient approuvés, elle augmentait aussi les chances d'obtenir suffisamment de doses pour mener à bien le plus vaste programme de vaccination de l'histoire du pays.
Monsieur le président, nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité lorsque possible. Cependant, étant donné le caractère confidentiel des ententes, nous ne pourrons pas discuter des détails relatifs aux contrats, aux coûts ou à l'exécution d'une entente en particulier.
Je termine ainsi ma déclaration d'ouverture.
Merci.
:
Bonjour, monsieur le président.
Je suis heureuse de comparaître devant le Comité permanent de la santé pour discuter des travaux de Services publics et Approvisionnement Canada sur l’entente d’achat anticipé de vaccins contre la COVID‑19 avec Medicago.
Je tiens à reconnaître que cette séance se déroule sur le territoire traditionnel non cédé de la nation anishinabe algonquine.
Aujourd’hui, je suis accompagnée de Mme Joëlle Paquette, directrice générale du Secteur des services de soutien en matière d’approvisionnement.
Dès le début de la pandémie, l’objectif du gouvernement était d’obtenir des vaccins sûrs et efficaces le plus rapidement possible. Il y avait de nombreuses incertitudes, et on ne savait même pas si la mise au point de vaccins sûrs et efficaces était possible. Cette incertitude a créé une forte demande mondiale, et le Canada a déployé des efforts énergiques afin de conclure des ententes avec des fournisseurs de futurs vaccins prometteurs.
Des experts scientifiques et industriels du Groupe de travail sur les vaccins contre la COVID‑19 ont conseillé au gouvernement d’établir le plus tôt possible un portefeuille diversifié de vaccins potentiels.
Sur les conseils du Groupe de travail sur les vaccins, le Canada a conclu sept ententes d'achat anticipé avec des fabricants de vaccins prometteurs, dont Medicago, un fournisseur canadien. L'entente d'achat anticipé signée en novembre 2020 avec Medicago comprenait un engagement ferme de 20 millions de doses, qui seraient livrées avant la fin de décembre 2021. Elle était assortie d'options d'achat allant jusqu'à 56 millions de doses supplémentaires.
À la suite de l'approbation par un comité de sous-ministres, le contrat a été approuvé par l'Agence de la santé publique du Canada avant d'être signé par la ministre de Services publics et Approvisionnement Canada de l'époque.
Puisque Medicago a obtenu l'autorisation de Santé Canada pour son vaccin Covifenz en février 2022, le contrat a été modifié afin de permettre la livraison de doses avant la fin de décembre 2022.
Dans le cadre de la gestion globale de l'approvisionnement, au milieu de 2022, l'Agence de la santé publique du Canada a demandé à Services publics et Approvisionnement Canada de réduire ou d'éliminer la livraison de doses du vaccin de Medicago afin de rajuster les stocks et d'éviter le gaspillage et les coûts de logistique.
Au même moment, Medicago a dû faire face à des défis de production, ce qui a causé des retards de livraison. Des discussions se sont alors engagées avec Medicago en vue de résilier le contrat.
En février 2023, Mitsubishi, la société mère de Medicago, a annoncé son intention de cesser les activités de sa filiale au Canada et aux États‑Unis et de ne pas poursuivre la commercialisation du vaccin Covifenz.
[Traduction]
Le gouvernement a récemment annoncé qu'un paiement anticipé non remboursable de 150 millions de dollars a été versé à Medicago conformément à la convention d'achat anticipé, que Medicago avait respecté toutes les modalités du contrat jusqu'à sa résiliation par consentement mutuel, que Medicago a été libérée de ses obligations en vertu de la convention d'achat anticipé et qu'aucune dose de Covifenz n'a été livrée.
Ce paiement anticipé a été convenu lors des négociations afin de financer la production à risque du vaccin avant l'autorisation de Santé Canada. Lors de la résiliation par consentement mutuel, le gouvernement n'avait pas le droit contractuel de demander le remboursement du paiement.
Le gouvernement s'est engagé à être le plus transparent possible tout en respectant les clauses de confidentialité de ces ententes d'achat de vaccins. Fait important, cette entente avec Medicago, ainsi que les six autres, a fait l'objet d'un rapport du vérificateur général en décembre 2022. En avril 2023, le gouvernement a transmis au Comité permanent des comptes publics des copies non expurgées des sept accords d'achat anticipé. Des hauts fonctionnaires de Services publics et Approvisionnement Canada ont comparu devant le Comité lors de deux séances à huis clos.
Monsieur le président, Services publics et Approvisionnement Canada a joué un rôle clé en appuyant les efforts de l'Agence de la santé publique du Canada pour assurer la livraison des vaccins contre la COVID‑19 dès que possible, contribuant ainsi à sauver des vies canadiennes.
Merci. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
:
Alors, ça, c'est incroyable! Autrement dit, on a dépensé 200 millions de dollars de l'argent des contribuables pour financer une entreprise détenue par des intérêts japonais afin de mettre au point un vaccin dont l'efficacité, si j'ai bien compris, devait être supérieure à 70 %. Celui‑ci a mis au point tandis qu'il ne pourrait pas être distribué. De plus, le contrat a été conclu pour environ... Je ne sais pas combien de doses par personne ces 770 millions de dollars auraient permis d'acheter, à 20 $ pièce. Sans doute une dizaine de doses par résidant au Canada.
Nous devons payer 150 millions de dollars à une entreprise n'a pas produit une seule fiole de vaccin, et vous pensez que c'est une bonne chose.
La vérificatrice générale, elle aussi, a pensé que c'était efficace. Reste à savoir si l'on a effectué une vérification de l'optimisation des ressources. Je ne vois pas en quoi le fait de dépenser 773 millions de dollars pour un vaccin n'ayant été ni produit ni exporté représente une bonne valeur.
Qu'est‑ce qui a motivé le ministère à signer une entente aussi déplorable, tandis que nous ne détenons même pas la propriété intellectuelle, la PI? Ce sont maintenant les Japonais qui possèdent la PI, en plus de tout le reste. Est‑ce exact?
Tout d'abord, bonjour et bienvenue à notre comité.
Je vais préfacer ma question. Tout cela nous replonge dans une période très difficile. Notre gouvernement avait décidé d'appliquer une approche à plusieurs volets. Comme vous l'avez souligné, nous avons signé sept accords d'achat anticipé constituant le volet achat du vaccin. C'était à la fois international et, dans le cas de Medicago, national. Nous avons investi beaucoup de grosses sommes dans la R‑D, tant au Canada qu'à l'étranger. Nous nous sommes aussi rendu compte que nous devions absolument nous doter d'une capacité nationale.
Dans le cas de Medicago, nous avons affaire à un croisement entre différentes choses: une stratégie d'achat très réfléchie, consistant à garantir les fonds; l'insistance mise sur la R‑D, tant au pays qu'à l'étranger, et l'instauration d'une capacité nationale.
Était‑ce une bonne stratégie? Je dirais que oui. L'avons-nous appliquée? Je crois que, s'agissant des 172 millions de dollars qui ont été dépensés... A‑t‑on obtenu les résultats attendus? Je dirais que oui, parce que nous avons réussi à faire approuver un vaccin par Santé Canada. Savions-nous que l'Organisation mondiale de la santé ne l'approuverait pas de son côté à cause de cette affiliation avec un fabricant de cigarettes? Je ne sais pas, et nous n'en sommes pas vraiment certains. C'est peut-être un aspect qui vaut la peine de fouiller davantage.
En matière de PI, le gouvernement fédéral, par l'entremise de divers programmes, investit dans le travail de nombreuses entreprises, et la PI demeure entre les mains de l'entreprise. Je viens tout juste de faire une annonce, vendredi, au sujet de Visual Defence, une entreprise dans laquelle le gouvernement du Canada, par l'entremise de Scale AI, a investi environ un million de dollars. Or, la propriété intellectuelle est détenue par l'entreprise. Je ne suis pas certain que la propriété de la PI devrait être une question centrale dans ce dossier.
Je pense que ce qu'il faut tirer au clair... et cela m'amène à la question que je m'apprête à vous poser. Pour quoi le gouvernement du Canada a‑t‑il payé 150 millions de dollars, à part les 172 millions de dollars que nous pouvons justifier? Pour quoi avons-nous payé ces 150 millions de dollars? Qu'avons-nous obtenu en retour?
N'importe qui peut répondre à cette question.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à la Chambre des communes.
Monsieur le président, ce n'est pas de gaieté de cœur que je suis ici aujourd'hui.
Je suis un gars de Québec. J'ai été journaliste et je connais très bien Medicago, car j'ai fait des reportages sur cette société.
Je trouve très troublant ce qui s'est passé dans cette histoire, car il faut reconnaître qu'elle est contaminée par un virus, qui ne relève non pas du domaine médical, mais de celui lié à la propriété.
Le 27 février 2005, le Canada et 181 autres pays dans le monde ont signé la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, qui précise directement, au point 3 de l'article 5 de cette convention, que « les Parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l'industrie du tabac ».
Depuis 2005, il était évident que, dès que l'industrie du tabac demanderait du financement, cela ne fonctionnerait pas, selon l'OMS. La demande ne serait pas reconnue.
En 2008, Philip Morris International devient actionnaire de Medicago à hauteur de 21 %.
En mars 2020, en pleine pandémie, on comprend qu'on veut tous trouver la solution. Le 23 mars, le gouvernement annonce qu'il va aider les entreprises à faire des recherches scientifiques. Dans le communiqué, on peut lire: « Le financement permettra à Medicago de faire avancer rapidement les essais cliniques, pour ensuite élargir la production afin de répondre à la pandémie. »
Mesdames, saviez-vous à l'époque que la société Medicago avait comme actionnaire une entreprise de tabac et qu'elle n'allait donc jamais être reconnue par l'OMS?
Veuillez répondre par oui ou par non.
:
Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Travaux publics.
Il est important de souligner que la décision de suspendre les opérations en lien avec le vaccin Medicago n'est liée d'aucune manière à l'innocuité du vaccin ou à des raisons techniques. De nombreux rapports de recherche indiquent que le vaccin Medicago était efficace pour prévenir la COVID‑19 causée par de nombreux variants, l'efficacité allant de 69,5 % contre les formes légères de la maladie à 78,8 % contre les formes modérées et graves. Selon le New England Journal of Medicine, les participants à ces études provenaient de 85 établissements de l'Argentine, du Brésil, du Canada, du Mexique, du Royaume-Uni et des États-Unis, ce qui a permis de mettre en évidence les bienfaits du vaccin pour les populations du monde entier.
Pouvez-vous nous parler des essais cliniques et de l'information qui vous a était communiquée à ce sujet?
En novembre 2023, il y a à peine un mois, le National Post rapportait les propos d'un ancien directeur parlementaire du budget, Kevin Page, qui aurait dit: « Il n'est pas normal que l'ASPC refuse de répondre à vos questions sur la façon dont l'argent a été dépensé ou perdu. »
De même, le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, a déclaré que le refus initial du gouvernement de divulguer des détails sur les 150 millions de dollars perdus en raison du contrat non exécuté avec le fournisseur était « très inhabituel ».
Êtes-vous d'accord avec cette analyse?
:
Merci, monsieur Davies.
Merci à tous nos témoins.
Voilà qui met fin à cette série de questions.
Chers collègues, je vous rappelle que nous nous réunissons mercredi soir de 18 h 30 à 21 h 30. Une heure sera consacrée à cette étude et deux heures seront consacrées à la santé des femmes.
À tous nos témoins d'aujourd'hui, les Canadiens vous remercient. Merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître devant ce comité et d'avoir répondu si patiemment à nos questions. C'est la première heure que nous consacrons à ce sujet, et il y en aura plusieurs autres. Encore une fois, c'est un bon point de départ. Nous vous sommes très reconnaissants d'être ici.
Le Comité accepte‑t‑il de lever la séance?
Des députés: D'accord.
Le président: La séance est levée.