HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la santé
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 10 décembre 2024
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 145e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.
Conformément à notre motion de routine, j'informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 8 novembre 2023, le Comité reprend son étude de l'épidémie d'opioïdes et de la crise des drogues toxiques au Canada.
J'aimerais accueillir notre groupe de témoins.
Dans sa salle, nous recevons le Dr Alexander Caudarella, président-directeur général du Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances. En ligne, à titre personnel, nous accueillons Angela Welz. Nous avons M. Peter German, président et directeur exécutif, qui représente l'International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy. M. Pall Rikhardsson, directeur général, représente Planet Youth.
Merci à vous tous d'être ici avec nous aujourd'hui. Comme on vous l'a sans doute indiqué, vous disposez d'un maximum de cinq minutes pour présenter votre déclaration liminaire.
Nous allons commencer par Mme Welz.
Bienvenue au Comité. La parole est à vous.
Je vous remercie de cette occasion.
Je m'appelle Angela Welz, et j'habite à Edmonton, en Alberta. Malheureusement, ma plus jeune fille, Zoe, est décédée à cause d'un approvisionnement non réglementé en drogues empoisonnées. Zoe était une jeune femme belle, intelligente, athlétique, créative et déterminée avec un avenir prometteur, dont la vie a été écourtée par le manque d'options de réduction des méfaits pour les jeunes, un traitement volontaire sur demande inadéquat, des politiques restrictives fondées sur la prohibition et un approvisionnement en drogues toxiques.
Zoe a commencé à consommer des substances à 15 ans, après le décès de sa grand-mère et l'annonce du diagnostic de cancer en phase terminale de son père. La consommation de drogue est devenue un moyen d'échapper à son angoisse et à son impuissance accablantes. Après la mort d'un de ses amis d'une intoxication aux drogues, elle nous a demandé de l'aider à devenir sobre, et nous avons rapidement cherché à lui obtenir des soins de traitement. On nous a dit qu'elle devait se rendre à Calgary et que l'attente serait d'au moins trois mois. Mais l'attente a été trop longue pour Zoe, et cela a finalement échoué. Après cela, elle n'a plus jamais évoqué l'idée d'un traitement volontaire.
J'ai entendu parler pour la première fois du modèle de Protection des enfants consommant des drogues de l'Alberta, ou PChAD, lors d'une réunion de groupe de soutien pour parents. Le PChAD permet aux parents ou aux tuteurs des jeunes de moins de 18 ans de demander au tribunal une ordonnance de protection pour l'enfant. Cette ordonnance de protection signifie que l'enfant sera amené de manière involontaire dans une maison d'hébergement pour une période pouvant aller jusqu'à 15 jours afin de subir une désintoxication, une stabilisation et une évaluation.
Dans un état de désespoir, j'ai procédé avec l'ordonnance du PChAD, même si le processus me rendait anxieuse et m'intimidait. Après une discussion émotive avec un conseiller des services de santé de l'Alberta, j'ai obtenu la requête pour me rendre au tribunal. Je ne m'attendais pas à une salle d'audience ouverte, qui était remplie d'autres affaires de tribunal de la famille. J'ai dû me tenir devant un juge, prêter serment et raconter les circonstances qui m'avaient conduite à ce point. Je me suis sentie jugée comme une mauvaise mère, et cette expérience m'a profondément traumatisée.
J'ai obtenu l'ordonnance du tribunal, et comme elle n'était valide que pendant 50 jours à compter de la date à laquelle elle a été rendue, le compte à rebours a commencé immédiatement. Aucune occasion ne s'est présentée pour agir sur l'ordonnance, jusqu'à environ deux semaines avant son expiration. Lorsque Zoe est rentrée à la maison, elle se sentait mal. Je l'ai amenée à l'hôpital. Elle a reçu des antibiotiques, et je devais la ramener à l'hôpital toutes les quatre heures pour le traitement. Compte tenu de son infection agressive, j'ai supplié l'urgentologue de l'hospitaliser, mais il a refusé. Lorsque son traitement antibiotique a été terminé et qu'elle dormait à la maison, j'ai appelé la police pour faire appliquer l'ordonnance du PChAD. Les policiers sont arrivés, l'ont réveillée et l'ont escortée menottée, jusqu'à une voiture de police qui attendait devant la maison, sous le regard des voisins.
Zoe était furieuse et se sentait profondément violée et trahie par cela. À ce moment‑là, j'ai réalisé ce que ce processus avait fait à notre relation et je me suis demandé si elle serait un jour capable de me faire confiance ou de faire confiance à une figure d'autorité à nouveau.
Bien que le personnel de la maison d'hébergement ait été aimable, il n'a fourni que peu d'information, invoquant des raisons de protection de la vie privée. Une partie de la désintoxication consiste à avoir des conversations en famille, mais cela n'a pas eu lieu parce que Zoe a toujours refusé de me voir. Vers la fin de son séjour de 10 jours, elle a accepté de me voir et m'a suppliée de ne pas demander une prolongation de cinq jours, ce que je n'ai pas fait. À la fin de sa désintoxication, Zoe m'a été confiée avec un plan de traitement de suivi qu'elle a choisi de ne pas me communiquer. Je l'ai ramenée à la maison et, plus tard dans la nuit, elle s'est enfuie et a retrouvé une amie qu'elle avait rencontrée à la maison d'hébergement. Le lendemain, les deux filles ont été arrêtées pour vol d'alcool. Il s'agissait de sa première arrestation, ce qui a entraîné de nouveaux défis pour elle. Zoe est décédée le 7 novembre 2016, d'une intoxication au fentanyl, moins de quatre mois après son dix-huitième anniversaire.
Je vais être claire: Zoe n'est pas morte à cause de la dépendance aux drogues. Elle est morte à cause d'un système défaillant et de l'approvisionnement non réglementé en drogues empoisonnées. Depuis le décès de ma fille, j'ai appris que les soins ne devraient jamais être forcés ou imposés et que le traitement ne devrait jamais être dispensé dans une prison, comme le proposent certaines provinces, dont l'Alberta, qui prévoit transférer le programme de désintoxication du PChAD vers le Centre pour jeunes délinquants. Jusqu'à quel point pouvons-nous criminaliser l'usage de substances et combien de temps allons-nous continuer à causer plus de tort que de bien?
J'ai raconté mon expérience vécue et l'histoire tragique de Zoe pendant des années au nom de ma fille et de Moms Stop the Harm, mais les décès causés par l'approvisionnement en drogues toxiques continuent à un rythme catastrophique pour un très grand nombre de familles. En tant que pays, nous avons considérablement régressé, notamment vu la façon dont la réduction des méfaits a été diabolisée par tous les partis politiques. Au lieu d'être reconnue comme un outil vital pour sauver des vies et soutenir les personnes de tous âges qui consomment des drogues, la réduction des méfaits a été confrontée à de la désinformation et à une résistance politique.
J'espère que nous pourrons enfin travailler ensemble pour élaborer un plan complet et compatissant, en commençant par des services de réduction des méfaits et un traitement volontaire sur demande pour mettre fin à ces décès évitables chez les jeunes.
Une guérison saine n'est possible que si les personnes sont en vie et bien soutenues. D'après mon expérience, les soins imposés ne sont pas la solution à un espoir de guérison.
Merci.
Merci, madame Welz. Veuillez accepter nos plus sincères condoléances pour la perte de votre fille.
Ensuite, nous recevons dans la salle le Dr Alexander Caudarella, qui représente le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances.
Bienvenue, docteur Caudarella. Vous avez la parole.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie d'avoir invité aujourd'hui le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances, ou CCDUS.
Comme vous le savez, le monde change rapidement. Les effets des drogues et de l'alcool sont omniprésents. Récemment, nous avons reçu une délégation de l'Agence de l'Union européenne sur les drogues. Nous avons beaucoup en commun, comme le fait d'avoir de multiples ordres de gouvernement, communautés, langues et cultures. Même s'il y a plusieurs différences, notre travail nous montre que nous sommes confrontés à un monde de la drogue qui change rapidement.
Les drogues sont partout et touchent tout. Cette évolution rapide et la menace qu'elle représente pour la vie des gens nécessitent que l'on innove en trouvant des solutions créatives, concrètes et, surtout, reproductibles qui permettent de sauver des vies. Il n'y a pas de solution miracle, mais je pense que la sauvegarde de notre avenir passera par des millions de petites choses, et tout le monde a un rôle à jouer. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.
[Français]
Or, le Canada s'est forgé une réputation de pays aux mille et un projets pilotes. Pour aller au-delà de cela, nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres, notamment en écoutant les communautés et les différents points de vue. Chaque communauté mérite de se sentir en sécurité et chaque personne mérite d’avoir accès aux services et aux soins dont elle a besoin, à l’endroit et au moment où elle en a besoin. Ces deux concepts peuvent et doivent coexister.
Nous avons réussi à réunir divers acteurs communautaires. Par exemple, le CCDUS collabore avec des maires de petites villes de partout au pays pour créer la première stratégie pancanadienne pilotée par des municipalités proposant des solutions aux crises d'usage de substances. Pour ce faire, nous avons réuni des représentants de nombreuses sphères de la communauté. Nous savons que les gens en ont assez de se faire sermonner par des experts et de voir leurs inquiétudes passer sous silence. Ils veulent avoir accès à des options qui peuvent être adaptées à leur communauté. Nous travaillons donc ensemble à trouver des solutions pratiques et adaptables aux réalités locales, aux objectifs communautaires et aux budgets.
[Traduction]
Nous nous trouvons à une époque intéressante. Nous savons ce qu'il faut et ce qui fonctionne, mais nous n'avons pas réussi à le mettre solidement en pratique. Moins de 10 % des personnes ont accès aux soins dont elles ont besoin, et les taux de traitement par agonistes opioïdes, ou TAO, au Canada sont deux fois moins élevés qu'en Europe. Il y a peu de responsabilisation. Nous ne définissons pas nous-mêmes les objectifs. Nous ne définissons pas nous-mêmes les délais. Nous savons qu'il y a une capacité accrue en matière de besoins et de planification future, mais nous continuons de simplement réagir. Nous ne vivons pas et n'investissons pas dans la prévention communautaire et familiale adéquate, et nous ne créons pas les environnements communautaires adéquats. Les spécialistes et les services spécialisés ne nous sauveront pas. Nous avons besoin d'environnements et de systèmes de santé globaux axés sur le rétablissement; c'est‑à‑dire qui puissent prévenir les méfaits, mais aussi aider les gens à se rétablir et à rester en bonne santé.
Nous avons un problème de mise en œuvre et avons besoin d'innovation. Il n'existe pas d'approche universelle. Nous ne pouvons pas dire aux gens ce qui fonctionne ni imposer des interdictions générales. Ce dont nous avons besoin maintenant — ce dont nous avions besoin hier — c'est un véritable impact. Nous essayons de construire l'avenir. Veuillez nous aider à l'armer d'outils fondés sur des données probantes pour que cela devienne réalité.
Nous devrions commencer par ce qui fonctionne, à savoir un accès mieux coordonné et des options de traitement. Pour les troubles liés à la consommation d'alcool et d'opioïdes, par exemple, il existe une forme injectable de naltrexone qui a donné des résultats incroyables en aidant les personnes à rester sur la bonne voie pour vivre en bonne santé. Il a même semblé prometteur pour ce qui est de la métamphétamine. L'injection, qui se prend une fois par mois, est une innovation dans le domaine des soins de santé. C'est plus stimulant que d'aller à la pharmacie tous les jours. Mais le naltrexone sous forme injectable n'est pas disponible au Canada.
[Français]
Une discussion importante a lieu en ce moment au Canada à propos du traitement forcé. C'est un bon exemple de sujet à aborder au moyen d'une approche holistique. Cette discussion ignore largement certains aspects essentiels. Qu'essayons-nous d'accomplir et comment y arriverons-nous? En tant que médecin, je peux vous dire que je ne vois aucun inconvénient à garder les gens à l'hôpital si cela peut leur sauver la vie. Cependant, comme société, nous devons parler des implications du traitement forcé et de l'accompagnement à offrir.
[Traduction]
En tant que domaine, nous répétons sans cesse la même erreur. Nous devons cesser de fermer les yeux sur le fait qu'il n'existe pas d'intervention qui ne causera pas de préjudice. Nous devons évaluer les avantages et les risques pour prendre des décisions éclairées. Nous devons également prendre part à des interventions en gardant les yeux grand ouverts et nous préparer à des conséquences imprévues. La flexibilité que cela requiert est ce qui fait la différence entre les administrations qui réussissent et celles qui ne réussissent pas. Nous devons élever le débat au‑delà des questions idéologiques. Si nous ne le faisons pas, il y aura d'autres morts et d'autres communautés qui souffriront.
Merci.
Merci, docteur Caudarella.
Le prochain est M. Peter German, de l'International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy.
Bienvenue au Comité, monsieur German. La parole est à vous.
Merci, monsieur le président.
Merci de m'avoir invité à comparaître devant le Comité. Je regrette de ne pouvoir me joindre à vous en personne.
Permettez-moi de me présenter. J'ai été membre de la GRC pendant 31 ans, où je suis passé d'agent de police à sous-commissaire. J'ai également été sous-commissaire du Service correctionnel du Canada.
Depuis ma retraite du gouvernement, j'ai rédigé divers rapports sur le blanchiment d'argent et, récemment, sur la surveillance policière des ports. J'enseigne à la faculté de droit, je fournis des témoignages d'expert et je suis l'auteur d'un texte concernant la loi sur les produits de la criminalité du Canada.
En tant que président-directeur général de l'International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy, j'ai le privilège de guider notre institut alors que ses associés entreprennent des projets au Canada et à l'étranger.
Je félicite le Comité d'examiner la crise des drogues qui sévit dans nos rues. En tant que résident de longue date de la région métropolitaine de Vancouver, je peux dire sans hésitation que la situation aujourd'hui dans le Downtown Eastside est pire que jamais auparavant. Ce secteur est devenu un quartier à l'abandon qui s'étend sur de nombreux pâtés de maisons. Les gens meurent plus rapidement que ce que nous avons vu pendant la COVID. Une petite diminution du nombre des décès hebdomadaires n'enlève rien au fait que cette partie de Vancouver ressemble à ce qu'on a décrit comme un hospice à ciel ouvert. Il y a des milliers d'humains qui se battent pour survivre.
La crise du logement a exacerbé les problèmes existants: la dépopulation de nos institutions psychiatriques, la dépendance aux drogues et l'exode des populations autochtones de leurs territoires traditionnels.
Il y avait une époque où vous pouviez marcher dans les rues du Downtown Eastside en paix; ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nombre des personnes qui vivent dans les rues portent des armes pour se protéger.
La crise s'étend également plus loin jusqu'aux banlieues de Vancouver et l'intérieur de la Colombie-Britannique, comme en témoigne le meurtre en 2022 d'une agente de police de la GRC par un itinérant à Burnaby.
Je ne prétends pas avoir de remède à cette crise, et de nombreuses personnes plus intelligentes que moi ont proposé des solutions. Je pense qu'il est juste de dire que, à ce jour, toutes les solutions ont échoué. Le nombre de personnes qui se trouvent dans les rues dépasse de loin les services qui leur sont offerts. La prévention, y compris l'éducation, est essentielle; le traitement l'est tout autant. Je suis de tout cœur avec notre première témoin, Mme Welz, pour ce qu'elle a vécu.
Ce dont je n'entends pas parler, par contre, c'est de l'« application de la loi »; or, c'est par l'application de la loi que nous arrivons à sortir les drogues des rues. Si on apporte les amendements nécessaires à nos lignes directrices sur la détermination de la peine, cela nous permettra également de fournir aux gens une option de traitement.
On a décrit le Canada comme un pays de grande valeur et à faible risque pour le crime organisé transnational. Il fournit une plateforme aux criminels pour entreprendre leurs activités.
Toutes les choses qui font du Canada un endroit attrayant où vivre le rendent également attrayant pour le crime organisé. Combinez ces avantages à un système de justice pénale qui n'offre pas une justice rapide ou certaines peines, et le Canada devient une cible facile pour le crime organisé.
Veuillez mettre votre micro en sourdine, madame Goodridge.
Allez‑y, monsieur German. Je peux vous assurer que c'était par inadvertance.
Merci.
Pendant des décennies, le Canada a été un exportateur prolifique de marijuana. Le crime organisé s'est lancé dans la production de drogues beaucoup plus dangereuses, notamment le fentanyl et la métamphétamine. La découverte de super laboratoires en Colombie-Britannique est caractéristique de cette évolution. Le Canada a maintenant la réputation peu enviable d'être un exportateur de drogues mortelles, principalement vers l'Asie et l'Australie.
Malheureusement, il est difficile pour la police et les procureurs de mener des poursuites complexes. Des décisions judiciaires bien intentionnées ont pratiquement lié les mains de la police et des procureurs en raison d'exigences de divulgation lourdes, qui se heurtent à des délais de poursuite restrictifs. À titre d'exemple, en Colombie-Britannique, il n'y a pratiquement pas de poursuites pour blanchiment d'argent. Il existe une multitude de raisons pour lesquelles les enquêtes et les poursuites criminelles sont beaucoup plus difficiles à mener au Canada qu'aux États-Unis.
La sécurité de nos frontières, qui définit littéralement le Canada, est étroitement liée à ce que je viens de décrire. Nous avons besoin d'une stratégie pour une frontière sûre afin d'avertir les criminels et les autres que nous ne sommes plus une proie facile.
La sécurité de la frontière canadienne commence par nos ports, qui sont perméables. Nous n'avons pas de service de police spécialisé dans nos ports. La Police de Ports Canada a été abolie en 1997, remplacée par des clôtures, des caméras et des gardiens de sécurité. Le manque de ressources de la GRC a entraîné une diminution spectaculaire de sa capacité à effectuer des livraisons contrôlées de substances illégales.
L'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, a une capacité minuscule pour examiner les millions de conteneurs qui entrent dans nos ports, dont beaucoup sont ensuite transbordés par train ou par camion aux États-Unis. La fusion de CP Rail et de Kansas City Southern facilite désormais le transit des marchandises du Mexique au Canada et vice versa. Alors que les États-Unis disposent d'une patrouille frontalière spécialisée, le Canada compte sur la GRC pour assurer la couverture aux frontières en complément d'autres tâches policières urgentes.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, le statu quo est intenable. Le simple fait d'injecter plus d'argent et de ressources pour régler le problème revient à ajouter des meubles à un navire qui coule. Nous pouvons faire mieux. Cela nécessitera une volonté politique et bureaucratique, mais surtout une stratégie nationale pour faire face à la crise dans nos rues. Nous ne devons plus être les complices du crime organisé, lui permettant de vendre de la drogue et de blanchir ses profits. Cette stratégie doit réunir les gouvernements fédéral et provinciaux et inclure un volet rigoureux d'application de la loi.
Merci. Je serai ravi de répondre à vos questions.
Merci, monsieur German.
Enfin, je crois que nous recevons M. Pall Rikhardsson, directeur général de Planet Youth, d'Islande.
Bienvenue au Comité, monsieur Rikhardsson. Vous avez la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un honneur d'être ici.
Je m'appelle Pall Rikhardsson. Je suis le directeur général d'une organisation appelée Planet Youth. Nous nous consacrons à l'exportation et à l'adaptation du modèle de prévention islandais à différents contextes dans le monde entier.
Je veux expliquer en quoi consiste cette méthodologie particulière.
Le modèle islandais est un système de prévention axé sur la réduction de la demande en matière d'alcool, de tabac et d'autres drogues. Il est originaire d'Islande. Il a été élaboré en 1995 ou 1996, lorsque la consommation de drogues et d'alcool était endémique chez les jeunes Islandais. Si vous demandiez à un adolescent pris au hasard à l'époque s'il avait consommé de l'alcool et avait été ivre au cours des 30 derniers jours, la réponse était oui, à 42 % ou 43 %. Si vous posez la question à un adolescent pris au hasard aujourd'hui en 2024, 6 % répondront oui à cette question.
La méthodologie a été élaborée au fil du temps. Chez Planet Youth, nous avons systématisé la façon dont ce modèle est mis en œuvre et adapté à différents contextes. Nous sommes actuellement présents dans 22 pays et travaillons avec 53 partenaires — 15 partenaires au Canada se concentrent sur l'adaptation du modèle. Le modèle lui-même est fondé sur des théories sociologiques qui remontent loin dans le temps et qui ont trait à l'importance de l'environnement social pour les enfants. Dans la vie de chaque enfant, quatre facteurs sont très importants dans l'environnement social et dans la façon dont il se développe et se comporte: la famille, le groupe d'amis, les loisirs et l'école, car c'est là qu'il passe la plupart de son temps. Les principes du modèle de prévention islandais se concentrent sur le changement de l'environnement social et de ces facteurs afin que les enfants, lorsqu'ils grandissent et deviennent adolescents, prennent des décisions différentes, ce qui a une incidence sur le risque qu'ils deviennent toxicomanes.
Le modèle lui-même repose sur différents principes et se concentre sur l'environnement social, et non sur les personnes. Il ne se concentre pas sur le fait de dire aux enfants de simplement dire non. Il se concentre sur le changement de l'environnement social qui les entoure, afin qu'ils se comportent différemment lorsqu'ils grandissent. Il met l'accent sur la communauté. L'action communautaire est au cœur de ce système de prévention. Nous mobilisons donc cette communauté et lui donnons les moyens de s'appuyer sur des données et sur la capacité de définir des actions en fonction de ces données. Nous reconnaissons également qu'il s'agit d'un défi qui prend du temps. Il ne s'agit pas d'une solution magique ou d'une solution miracle. Il faut du temps pour que cela fonctionne.
La méthode comprend 10 étapes. Les deux premières sont la préparation. Les trois suivantes consistent à recueillir des données auprès des enfants et à leur donner la parole afin qu'ils puissent nous dire ce qu'ils ressentent et nous parler des relations dans les quatre domaines que j'ai décrits plus tôt. Ensuite, les données sont mises en pratique. Nous définissons des actions et des stratégies de diffusion, puis nous les mettons en œuvre au fil du temps. L'élément des données est désormais essentiel. Tous nos partenaires fondent leurs décisions concernant les mesures à prendre sur les données. Dans le modèle et dans notre travail, il est essentiel de transmettre les données aux partenaires dans un délai de huit semaines, quel que soit le nombre d'élèves sondés. Ils fondent donc leurs décisions concernant les enfants sur des données récentes, ici et maintenant.
Le programme d'orientation que nous gérons est divisé en processus ou programmes de cinq ans. La première année est celle où nous établissons une base de référence. Il y a un transfert de connaissances. Ensuite, nous définissons l'intervention, nous la mettons en œuvre et nous la mesurons de nouveau la troisième année — non pas en ce qui concerne les mêmes enfants, mais plutôt ceux qui ont participé aux interventions. En fait, nous mesurons l'incidence des interventions, pas en ce qui concerne chaque enfant. La quatrième année est une année de mise en œuvre, et la cinquième année est de nouveau une année de mesure. L'idée est que les communautés deviennent autonomes et poursuivent ce processus sans notre aide ou celle d'autres organismes par la suite.
Nous nous concentrons beaucoup sur l'incidence de ce processus. Comme je l'ai dit, nous sommes présents dans 22 pays avec 53 partenaires, et nous menons des études d'évaluation des interventions effectuées dans ces contextes. Je le répète, nous n'exportons pas ce qui a été fait en Islande. Le modèle n'inclut pas les interventions. Nous exportons et adaptons le processus par lequel on a obtenu ces résultats en Islande. Les interventions et les actions doivent toujours être adaptées au contexte, comme nous le voyons dans les projets canadiens.
Les études d'évaluation confirment que cela a un effet, tant sur les processus en cours que sur l'impact des facteurs de protection quant aux résultats.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Rikhardsson.
Nous allons commencer notre série de questions avec les conservateurs pendant six minutes.
Madame Goodridge, allez‑y, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur témoignage aujourd'hui.
Madame Welz, je suis profondément désolée pour la perte de votre fille.
Monsieur German, je m'excuse de vous avoir interrompu. J'ai un petit garçon malade à la maison, et je lui expliquais en arrière-plan pourquoi il ne pouvait pas faire jouer Alexa.
Pour commencer, vous avez coécrit un rapport en 2023 intitulé Policing Our Ports. Quels sont les principaux problèmes que vous avez cernés? Quelles ont été vos principales recommandations à partir de ce rapport?
Merci, madame Goodridge. J'ai deux petits-enfants. Je comprends parfaitement ce à quoi vous faites face.
Essentiellement, le rapport souligne le fait qu'il n'y a pas de police portuaire au Canada. Comment les drogues illicites et la traite de personnes — qui sont considérées comme des marchandises —, par exemple, et d'autres marchandises transportées par le crime organisé entrent-elles dans notre pays? Elles doivent passer par la frontière, donc par avion, par véhicule, par chemin de fer, par les ports.
Vancouver, par exemple, est notre plus grand port au Canada. Des millions de conteneurs y arrivent en permanence. Il y a beaucoup de contrebande qui y entre. Il y a des saisies. Nous savons que la contrebande arrive, et pourtant nous n'avons pas de police portuaire spécialisée. C'était le problème numéro un. Notre police portuaire, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, a été abolie en 1997. Elle n'a pas été remplacée. Il y a aussi la composante fédérale. La GRC n'a tout simplement pas les ressources nécessaires pour faire ce qu'elle faisait auparavant dans les ports.
C'est essentiellement ce que nous avons souligné.
D'après ce que je sais du terminal de l'Administration portuaire Vancouver Fraser, environ trois millions de conteneurs passent par ce port chaque année. Est‑ce exact?
Je ne crois pas que l'ASFC publie ce chiffre, mais nous savons qu'il s'agit d'un très, très petit pourcentage. Elle ne nous communiquerait pas cette information. Nous savons également qu'un nombre encore plus faible de conteneurs sont fouillés à la sortie. Comme je l'ai mentionné, le Canada, en tant que pays producteur de drogue, exporte de la drogue. Cette drogue est souvent acheminée par bateau.
C'est un très petit pourcentage. Environ 30 % de ce qui entre est transbordé aux États-Unis. En fait, c'est aux États-Unis de faire notre travail si nous ne pouvons pas le faire.
Oui. Comme je l'ai dit, un certain nombre de facteurs rendent le Canada attrayant. Autrement dit, tous les avantages du Canada le rendent attrayant. Nous avons de bons transports, de bonnes communications, une bonne gouvernance et tout cela. Cela représente un environnement très stable.
Nous avons également un système de justice pénale où l'on n'enferme pas les gens et on jette la clé. Il est même difficile d'aller en prison. Il est très difficile pour la police et les procureurs de mener des affaires complexes. On voit des affaires de blanchiment d'argent tomber à l'eau à maintes reprises. On voit des policiers baisser les bras de frustration en essayant de monter des dossiers de crime financier, de complot, etc. Il est tout simplement très difficile d'obtenir une condamnation.
Si vous faites partie du crime organisé transnational, quel meilleur endroit pour exercer vos activités?
Est‑ce que cela mène à l'épidémie de fentanyl que nous observons ici au Canada, alors que nos ports sont tellement perméables?
Eh bien, c'est certainement une voie d'accès au Canada. Le fentanyl, comme nous le savons, est une drogue extrêmement dangereuse. Le crime organisé fait le trafic du fentanyl, tout comme il fait le trafic de métamphétamine. Si le fentanyl n'est pas produit ici, il doit arriver ici d'une manière ou d'une autre. Il traverse la frontière américaine ou entre par les ports ou par avion. Nous faisons en fait un assez bon travail pour intercepter les drogues qui arrivent par avion, si la personne a de la drogue sur elle. Pour le fret aérien, c'est un peu différent.
Mais de loin, la plupart des marchandises qui entrent dans notre pays passent par les ports. C'est pourquoi les ports sont si importants.
Merci. Je trouve que, en fait…
Y a‑t‑il une différence entre la façon dont nous traitons nos ports au Canada et la façon dont on considère les ports à Seattle?
Nous l'avons souligné dans notre rapport. Nous nous sommes inspirés du modèle américain, qui, dans l'ensemble, est axé autour de la mise en place d'une police du port. La police du port joue parfois un rôle de contrôleur du transport maritime. À Seattle, par exemple, la ville la plus proche de Vancouver, ils disposent d'une force de police du port bien établie qui encadre l'aéroport international de Seattle-Tacoma — l'aéroport international — ainsi que le port maritime.
Nous avons également discuté avec les responsables de l'administration portuaire à Seattle et ailleurs. Ils sont très satisfaits de leur police du port, car elle offre une forme de services de police communautaire. La police connaît tout le monde: le personnel de direction, les syndicats, les opérateurs de terminal. Elle résout énormément de problèmes que le service de police municipal ne peut simplement pas résoudre, n'étant pas présent dans les ports.
Merci, madame Goodridge. Votre temps est écoulé.
Nous avons ensuite Mme Kayabaga.
Allez‑y, vous avez six minutes.
Merci, monsieur le président.
Je tiens également à faire part de mes condoléances à Mme Welz. Merci du travail continu que vous effectuez, de la lutte que vous menez, et merci de garder la mémoire de votre fille en vie.
Je souhaite également la bienvenue à tous nos témoins.
Peut-être que nous pouvons commencer par vous, Mme Welz.
Pouvez-vous nous parler de la stigmatisation persistante à laquelle les personnes qui composent avec une dépendance sont confrontées? Qu'en pensez-vous, et que suggérez-vous que nous fassions pour que cela évolue?
Merci.
Cela fait maintenant plus de huit ans que je m'efforce d'atténuer la stigmatisation. C'est un défi de taille. Il faut qu'un très grand nombre d'entre nous changent leur façon de voir les choses, et malheureusement, nous sommes encore loin du compte. Nous utilisons un langage stigmatisant. Nous rabaissons les gens, en particulier, ceux qui utilisent des drogues. Les gens utilisent les drogues pour de nombreuses raisons. Ma fille a commencé à utiliser des drogues pour surmonter la mort de sa grand-mère, et pour faire face à la mort potentielle de son père. Celui‑ci est décédé 18 mois après elle. Les choses ont été très difficiles, et c'est une cause qui me tient beaucoup à cœur.
J'ignore la solution à ce problème, mais elle doit émaner d'abord des échelons supérieurs. Les termes comme « toxicomane » sont très dénigrants. Le fait d'utiliser les termes comme « clean » n'a aucun effet. Ce terme suppose que les personnes qui utilisent des drogues sont sales. À l'avenir, nous devons changer les choses, et nous devons changer certains des termes méprisants et stigmatisants que nous utilisons. Il faut élaborer une politique nationale en matière d'éducation pour faire changer les choses. C'est très compliqué, car ce sont des choses qui, pour beaucoup d'entre nous, sont ancrées depuis de nombreuses années. La guerre contre les drogues en a été à l'origine. Cela fait maintenant plus de 50 ans que nous composons avec une partie de cette stigmatisation.
Malheureusement, je ne pense pas que les choses vont changer dans un avenir proche, à moins que nous apportions nous-mêmes ces changements, en tant que peuple.
Vous avez mentionné les préjudices et les dangers que les lois visant à la protection des enfants qui abusent des drogues en Alberta ont créés pour votre fille.
Pouvez-vous nous en dire plus? Que suggérez-vous que nous fassions différemment?
Comme je l'ai mentionné, lorsque les parents font finalement appel au programme de la PChAD, en Alberta, c'est parce qu'ils sont désespérés. Nous n'avons plus d'autres options ou plus d'autres outils accessibles. J'ai essayé par tous les moyens de faire en sorte que Zoe se fasse traiter volontairement. Elle se sentait complètement prise de court par son usage de substance, qui l'affectait terriblement. Elle ne voulait pas devenir un fardeau pour sa famille, qui composait avec le cancer de son père. Elle ne voulait pas causer plus de mal de cette façon. Nous avons essayé à plusieurs reprises de la faire accepter un traitement volontaire. Cependant, comme je l'ai mentionné dans mon témoignage, trois mois, c'est un long délai qu'on demande à quelqu'un d'attendre, en particulier un jeune de 15 ou 16 ans. Cela signifie également qu'ils doivent rester sobres, car pour la plupart de ces traitements, la sobriété est de mise. Le fait de demander à un jeune de 15 ou 16 ans, encore moins à une personne plus âgée, de demeurer sobre pendant ce délai est très compliqué.
J'applaudis Planet Youth. Je pense que c'est une excellente façon d'amorcer une conversation autour de la jeunesse.
Le traitement imposé, comme je l'ai mentionné dans mon témoignage, était horrifiant, non seulement pour elle, mais aussi pour le reste de la famille. Je savais, lorsque j'ai fait appliquer l'ordonnance, que j'avais commis une grosse erreur, et qu'il n'y avait aucun moyen de revenir en arrière. Malheureusement, j'ai vu les conséquences que cette ordonnance a eues. Elle a fait plus de mal que de bien.
Merci beaucoup de nous avoir fait part de cette information.
Pour faire le lien avec ce sujet, docteur Caudarella, vous avez mentionné la responsabilisation, et je me demandais ce que cela signifiait pour vous. Lorsque vous avez parlé de la prévention, vous avez mentionné le fait de garantir des contextes familiaux et des environnements adéquats.
Que pouvons-nous faire pour assurer de meilleurs environnements et de meilleures communautés qui veillent à ce que nos enfants grandissent loin de cette maladie qui s'est emparée de nos communautés?
Je vais commencer par répondre à la deuxième question. Regardez, la chose positive, c'est que nous savons que le fait d'appuyer les familles et les environnements sociaux, comme notre collègue de l'Islande l'a mentionné, fonctionne vraiment très bien.
Nous savons également que ce genre d'environnements non seulement aide les gens à ne pas développer des problèmes liés à l'usage de substances, mais en plus... que va‑t‑il leur arriver lorsqu'ils arrêteront le traitement? Il s'agit de personnes à qui il reste encore 10, 20 et 30 ans à vivre après cela. Ils doivent continuer de demeurer en santé. Ce genre d'environnements est donc vraiment essentiel.
L'une des choses que l'on retrouve souvent dans ce genre de choses, et c'est remarquable, les différences… Par exemple…
Votre temps est écoulé.
Veuillez répondre brièvement à la question, s'il vous plaît, docteur Caudarella.
En bref, c'est comme si l'on enseignait à des parents comment être des parents. Beaucoup de gens n'ont pas eu des parents qui leur ont enseigné ce que cela signifiait d'être un parent. Cela suppose d'aller à des endroits où il n'est pas nécessaire de consommer de l'alcool et des drogues pour participer à des événements sociaux. Cela suppose aussi d'avoir accès à des sports prosociaux et à des choses différentes.
Je dirai très rapidement, pour ce qui est de la responsabilisation, qu'il faut faire un suivi. Il faut évaluer, mais il faut aussi se fixer des objectifs. Nous devons parler de bien plus que la mort. La mort est une mesure qu'il est vraiment difficile de contrôler. Nous devons en parler, et nous devons nous fixer des objectifs concernant le pourcentage de personnes qui suivent un TAO. Quel serait le pourcentage idéal de personnes qui attendent de recevoir un traitement, par exemple?
Merci.
Merci, monsieur le président.
Madame Welz, je tiens d'abord à vous dire que toutes mes pensées vous accompagnent. Votre participation à la présente étude et votre démarche honorent la mémoire de votre fille.
Les témoins présents aujourd'hui abordent le problème selon des angles différents, et c'est intéressant. Certains parlent de prévention, d'autres de traitement, d'autres de réduction des méfaits et d'autres d'application de la loi. On a besoin de tout cela pour essayer de résoudre ce problème complexe.
Je vais d'abord m'adresser au Dr Caudarella.
Dans votre exposé, vous avez dit que nous savions ce qu'il fallait et ce qui fonctionnait, mais que nous n'avions pas réussi à le mettre solidement en pratique. Pourquoi est-ce le cas?
Je crois qu'il y a eu des problèmes de collaboration. La crise a causé beaucoup de peine dans le cœur des gens. En réponse à cela, les gouvernements fédéral et provinciaux ont créé mille empires différents, chacun proposant une solution différente, et je crois que cela n'a pas aidé à la situation, au bout du compte.
On ne passe pas beaucoup de temps à parler aux communautés elles-mêmes pour savoir ce dont elles ont besoin. On pense qu'on sait ce qu'il faut. Comme vous l'avez dit, on connaît le volet des médicaments, ou on connaît les méthodes de prévention, par exemple, mais il ne s'agit pas de choisir l'un ou l'autre. Tous les aspects sont importants et il faut trouver une façon de tous les intégrer.
En ce moment, on est en train de monter une communauté contre l'autre, même quand on parle du traitement forcé. On n'est pas en train de discuter de quoi que ce soit de concret.
Je dirais que le problème est vraiment une question de communication.
Vous dites que nous devons élever le débat au-dessus des questions idéologiques. Je ne veux pas poser une question idéologique en mettant cela en relief, mais à quoi faites-vous allusion?
S'il s'agissait de n'importe quel autre domaine de la santé publique, on accepterait naturellement l'idée qu'il faut tout un spectre d'interventions et que chaque secteur d'intervention a un rôle à jour.
Prenons l'exemple de la Tchécoslovaquie. Elle a décriminalisé les drogues et cela n'a pas donné les résultats escomptés. Elle les a donc criminalisées de nouveau. Par la suite, elle les a décriminalisées une deuxième fois, mais d'une façon différente. Il faut apprendre. Ce n'est pas que certaines choses sont fantastiques et d'autres terribles. Chaque chose est terrible et fantastique en même temps.
Vous dites qu'il existe une forme injectable de naltrexone. Je ne suis pas un expert, mais je sais qu'il existe une molécule qui s'appelle la buprénorphine et qui, selon ce qu'on peut lire dans votre présentation, semble avoir le même effet. De plus, elle est disponible au Canada.
Ces substances faciliteraient beaucoup le traitement, puisqu'elles sont injectées une fois par mois et qu'elles changent totalement la façon dont le cerveau de la personne fonctionne. On sait que l'univers d'un toxicomane est axé sur sa consommation au quotidien. Alors, s'il a tout ce qu'il faut pour ne pas ressentir d'effets indésirables pendant un mois et qu'il est même protégé contre les surdoses, cela change la donne.
Pourquoi ne pas miser massivement sur cette solution?
Vous avez raison, mais j'aimerais clarifier quelque chose. La buprénorphine et la méthadone sont des agonistes. Ce sont donc des opiacés. La naltrexone, quant à elle, est un antagoniste, c'est-à-dire qu'elle bloque l'effet des opiacés.
Maintenant, j'aimerais bien savoir pourquoi on peut avoir un médecin de famille dans ce pays, mais on ne peut pas se faire prescrire de la buprénorphine, par exemple. En France, pendant la crise d'héroïne dans les années 1990, c'était possible.
La naltrexone est un antagoniste, ce qui signifie que c'est l'opposé de la buprénorphine, mais c'est un des seuls médicaments disponibles qui peuvent être utiles pour traiter la dépendance à la méthamphétamine et aux opiacés en Europe et aux États‑Unis. Certaines personnes ne peuvent pas ou ne veulent pas prendre de la buprénorphine. La naltrexone est donc une autre option très efficace pour les personnes qui ne veulent pas prendre un opiacé pendant plusieurs années. Elle est prescrite aux États‑Unis depuis plus de 20 ans.
Avant même de penser à des traitements obligatoires, il faudrait savoir pourquoi on a autant de difficulté à accéder aux traitements volontaires. Pourquoi est-ce le cas, selon vous? Le témoignage de Mme Welz est assez éloquent à cet égard.
Il y a une multitude de choses qui expliquent cela.
Premièrement, ces traitements ne sont pas accessibles. Il n'y a pas de triage pour s'assurer que les personnes reçoivent le traitement qui leur convient le mieux.
Ensuite, comment se fait-il que les médecins de famille sachent exactement où envoyer une personne atteinte du diabète, mais qu'ils ne sachent pas du tout où envoyer les gens qui leur posent des questions à propos d'un traitement d'une dépendance?
On peut parler de traitements involontaires, mais, avant cela, il y a différentes formes plutôt coercitives de traitement.
Par exemple, il y a l'approche CRAFT, qui s'appuie uniquement sur l'interaction entre la personne et sa famille, et non sur une interaction professionnelle avec l'individu, et qui augmente de 700 % les chances que la personne suive un traitement.
On sait aussi que, dans le cas de certains médecins, le taux de succès en traitement est de 90 %. On leur dit qu'il faut entrer en traitement, sinon on perd son droit de pratiquer la médecine.
Il y a plein de modèles différents.
Par ailleurs, moins de 8 % des employeurs au pays ont une politique sur le traitement de la dépendance à des substances. Cela signifie que 90 % des travailleurs, soit la majorité d'entre eux, n'ont aucun recours si jamais ils sont aux prises avec un problème de dépendance. C'est problématique.
C'est pour cela que les traitements ne sont pas accessibles.
Merci, docteur Caudarella et monsieur Thériault.
[Traduction]
Nous allons ensuite passer à M. Johns, pour six minutes.
Pour commencer, je tiens à remercier tous les témoins. Je partage l'avis de M. Thériault selon lequel il s'agit d'une excellente série de témoins, qui est composée d'experts d'un large éventail de sujets: la réduction des méfaits, le traitement, la prévention, l'éducation et l'exécution de la loi. Il est essentiel que nous ayons une réponse complète.
Docteur Caudarella, vous avez mentionné le manque de plan, de délais, avec le SCDAS. Cette stratégie fait mention d'un modèle coordonné et intégré, mais il n'y a aucun délai, aucun plan, et aucune ressource pour la mettre en application.
J'ai déposé un projet de loi, le projet de loi C-216, qui a été rejeté il y a deux ans et six mois. Ce projet de loi visait à présenter un plan en un an. Je sais que certains de mes collègues l'ont appuyé. Ils voulaient qu'on leur accorde un délai de deux ans pour qu'ils reviennent avec un plan de réponse.
Pouvez-vous parler de l'importance d'avoir un plan, de ce que les autres pays ont fait — comme, disons, le Portugal — et comment ils ont répondu aux urgences en matière de santé concernant l'utilisation de substances?
Merci.
Si vous vous en souvenez, lors de mon dernier témoignage, j'ai énormément parlé de la nécessité de mettre au point une approche pangouvernementale. Il ne peut pas s'agir uniquement des services de santé mentale ou de santé mentale et de dépendances. Il faut que tout le monde participe, comme nous l'avons entendu plus tôt: les forces de l'ordre, la sécurité et la santé publique, mais également les services sociaux. Tout le monde doit prendre part à la discussion.
Effectivement, il n'y a aucun plan fédéral, mais j'ignore s'il y a une province qui dispose d'un bon plan, assorti de délais, de manière très spécifique. Encore une fois, s'il s'agissait de diabète, de maladie du cœur ou de cancer, nous dirions que nos taux de traitement devront atteindre tel ou tel chiffre à telle ou telle date. Pourquoi avons-nous si peur d'établir ces limites et ces dates?
Pour conclure, je vais dire ceci. Ça va sembler drôle, venant d'une organisation nationale, mais nous devons prêter une attention particulière aux communautés individuelles. Elles se sont clairement exprimées: elles ne veulent pas qu'on leur dise quoi faire. Par exemple, au printemps, à Lethbridge, en Alberta, non seulement nous allons organiser une grande réunion, mais nous allons aussi mettre au point le prochain type de plan destiné à nos petites villes. Nous voulons présenter les données probantes aux maires, aux décideurs, et leur laisser la décision.
Ils ont besoin d'un menu d'options. Ils n'ont pas besoin qu'on leur dise quoi faire. Nous avons besoin d'objectifs nationaux, mais nous devons faciliter les choses pour que les acteurs locaux décident ce qui est mieux pour eux. Je pense que c'est essentiel, et c'est ce que les administrations ont vraiment, vraiment bien fait.
La dernière chose que je dirais très rapidement, c'est que pour ce qui est de la réduction des risques, cela change aussi maintenant. Il ne s'agit pas seulement du risque pour soi-même. Nous devons commencer à parler du risque de violence et du risque pour la société, et de ce que nous pouvons faire plus globalement.
Je vais vite fait ajouter quelque chose à cette information.
Vous étiez présent au sommet de Timmins, il me semble, et nous — les néo-démocrates — avions demandé à ce qu'il y ait un sommet national. Nous avons eu un sommet national concernant le vol d'automobiles, mais cette crise des drogues toxiques a causé plus de décès que la COVID, il me semble, à ce stade. Pouvez-vous parler de l'importance que cela ait lieu?
D'ailleurs, vous travaillez de concert avec les maires, il me semble, les maires des petites et des grandes villes, pour ce qui est d'adapter la réponse à l'échelle locale. Pouvez-vous, si vous le pouvez, brièvement, parler de l'importance de faire une telle chose?
Nous avons organisé un bon nombre d'événements nationaux. Nous croyons que d'y aller par petites bouchées... Nous en avons organisé un avec les médecins de famille. Nous en avons organisé un avec les familles, sur la manière d'aborder la prévention. Maintenant, nous en organisons un avec les maires des petites villes; ils ont les mêmes problèmes que dans les grandes villes, mais ont moins d'argent et de ressources. Ils veulent que les choses se fassent.
Je peux vous dire que nous avons eu des représentants d'organisations dont le nom comprenait les mots « Sans drogue » et nous avons également eu des coordonnateurs provinciaux de la réduction des méfaits, et ils se sont bien entendus lors de ces réunions. Ils veulent travailler ensemble. Ils veulent trouver des solutions qui leur conviennent. Quand vous réunissez des gens dans une salle et que vous leur demandez de prendre quelque chose de tangible et d'en tirer des solutions, ils s'entendent et travaillent, car en fin de compte, tout le monde veut un Canada en meilleure santé.
Merci.
J'aimerais une réponse courte. Vous avez dit qu'aucune province ni aucun territoire n'a de plan concret pour la mise en œuvre. Êtes-vous d'accord pour dire que le gouvernement fédéral doit prendre les devants, compte tenu de cette absence?
Eh bien, je crois que traditionnellement... C'est un peu de l'autopromotion, mais, la dernière fois où il y a eu un cadre national, c'est en fait le CCDUS qui l'a dirigé.
Comme vous le savez, les provinces ont dit clairement qu'elles ne voulaient pas que le gouvernement fédéral intervienne trop dans leurs affaires. Vous avez un organisme national pancanadien qui est censé rassembler tout le monde et travailler tant avec le gouvernement fédéral qu'avec les provinces et les municipalités. Les provinces doivent apprendre les unes des autres et s'entraider. Je crois que le CCDUS peut travailler en étroite collaboration avec le gouvernement fédéral, mais je crois que c'est tout à fait dans nos cordes et dans notre mandat législatif.
Merci.
Monsieur German, selon vous, quelles sont les réformes les plus urgentes à l'échelon fédéral pour réduire le crime organisé et l'approvisionnement en drogues toxiques du Canada? Il pourrait s'agir de modifications législatives ou de changements dans l'allocation des ressources. Pourriez-vous approfondir votre témoignage?
Oui. Merci de la question.
Ce dont nous avons besoin, c'est d'une stratégie nationale de lutte contre le crime organisé, qui englobe le blanchiment d'argent, la drogue et d'autres produits. Nous avons besoin d'une stratégie nationale. Ce n'est pas un problème de police, de procureurs, de juges ou simplement de lois. C'est un problème général. Il y a des problèmes dans toutes ces sphères.
De toute évidence, je crois que nous devons commencer par le Code criminel. Des enjeux tels que les lourdes exigences en matière de divulgation qui engorgent les poursuites, je crois, peuvent être réglés par des dispositions du Code criminel qui permettent des procès plus rapides. C'est ce qui se passe aux États-Unis. C'est le cas à d'autres endroits. Pourquoi ne pourrions-nous pas le faire?
Toutefois, je crois que nous avons d'abord besoin de cette stratégie globale.
Merci, monsieur Johns et monsieur German.
Monsieur Williams, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'être au Comité aujourd'hui. Merci de m'accueillir.
Monsieur German, nous avons entendu cette semaine le président désigné, Trump, affirmer que des drogues étaient acheminées du Canada vers les États-Unis. Cette affirmation est‑elle crédible?
Eh bien, nous savons que des produits illégaux vont vers le Sud et que des produits illégaux viennent vers le Nord. Nous pourrions parler des armes qui viennent vers le Nord. Nous pourrions parler des drogues qui vont vers le Sud. Je ne me risquerai pas à deviner les quantités réelles. Je ne sais pas si nos organismes d'application de la loi peuvent vous fournir des informations précises.
Je dirais que la plupart des statistiques sont fondées sur les saisies. Il y a des saisies aux États-Unis et au Canada. Il faut utiliser un multiplicateur sur les saisies. Un très faible pourcentage de marchandises illégales est effectivement intercepté, alors...
Nous avons ces statistiques, monsieur German:
Au cours des 12 mois précédant septembre 2024, les agents frontaliers américains ont saisi environ 11 600 livres de drogues entrant aux États-Unis en provenance du Canada. Les saisies de doses de fentanyl ont plus que triplé entre 2023 et 2024, passant de 239 000 doses à 839 000. Il y a un an, le SCRS a informé M. Trudeau qu'il avait identifié plus de 350 groupes criminels organisés...
Nous avons les statistiques. Ma question est la suivante: à quel point notre frontière est-elle poreuse? Il y a, bien entendu, la menace liée à l'augmentation de la consommation de drogues. La menace formulée par les États-Unis est‑elle crédible, quand ils disent que notre frontière est poreuse et que nous ne la protégeons pas, à ce stade‑ci?
Oui. Je crois que c'est là le problème. Vous avez les statistiques. Utilisez un multiplicateur pour calculer la quantité qui transite aujourd'hui vers le Nord ou vers le Sud.
Oui, nous avons des problèmes. Notre frontière n'est pas protégée. J'en suis conscient. Rien n'est parfait. Mais comme je l'ai dit, nous avons des ports sans police portuaire. Nous n'avons pas de patrouille frontalière semblable à celle des États-Unis.
Nous avons des problèmes. Cela ne fait aucun doute.
Nous avons des problèmes. Nous essuyons un échec, à la frontière, et cela va maintenant se transformer en crise commerciale. Que faisons-nous pour réparer les frontières? Que faisons-nous pour réparer ces ports? Cette semaine, nous avions des recommandations visant à augmenter le nombre de détecteurs et à verser un financement plus important à l'ASFC. Quelles sont vos recommandations pour réparer les frontières poreuses et ainsi rétablir nos relations commerciales?
Je ne recommande pas de nous contenter d'injecter davantage d'argent, de ressources et d'équipement en pensant régler le problème. C'est un peu une solution provisoire. C'est un pansement. Il faut une stratégie. Il y avait une stratégie pour assurer la sécurité des frontières, il y a quelques années. Nous avons examiné cette stratégie de très près après le 11 septembre. Nous ne sommes pas allés aussi loin que les Américains, mais nous avons assurément travaillé avec eux. Je crois que nous devons le faire encore. Il est temps de nous réunir avec les États-Unis et d'envisager des solutions communes.
Prenez n'importe laquelle de ces questions. En ce qui concerne les détecteurs, par exemple, nous n'allons pas scanner tous les conteneurs qui entrent dans nos ports, mais nous pouvons améliorer le renseignement avec les organismes étrangers afin de savoir quand des substances illégales sont expédiées. Ce genre de choses est important. Cela nécessite une stratégie globale.
En ce qui concerne les ports, vous avez parlé du crime organisé. À quel point nos ports sont-ils vulnérables au crime organisé à l'heure actuelle?
Le problème, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir une autorisation pour travailler dans nos ports. Le port de Vancouver emploie 30 000 personnes. Seulement 6 000 environ ont une cote de sécurité minimale. Nous n'avons pas pu obtenir les chiffres exacts de Transports Canada, mais c'est environ 20 %. Il y a des personnes qui ont un casier judiciaire et travaillent dans les ports.
Certes, 95 % des employés des ports sont des citoyens honnêtes, mais il est bien documenté, par les médias, entre autres, que nous avons une composante de criminalité organisée. Il est important d'y voir.
Récemment, nous avons entendu parler d'une augmentation des cyberattaques dans nos ports, ce qui dévoile nos vulnérabilités. En avez-vous entendu parler? Avez-vous écrit à ce sujet? Que pouvons-nous faire à ce sujet?
Non, je n'ai rien écrit en ce qui a trait aux cybermenaces. Ce n'est pas de mon ressort.
Cela ne me surprend pas. Il faut se rappeler que nos ports, contrairement aux ports très avancés d'Europe, ont besoin d'humains. Les ports d'Europe sont beaucoup plus automatisés que les nôtres. Nous avons cette composante humaine dans nos ports que vous ne voyez pas dans bien d'autres.
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
Madame Welz, veuillez accepter mes plus sincères condoléances pour le décès de votre fille. Je vous remercie beaucoup de nous avoir fait part de son histoire, de la vôtre, et de militer pour que les choses changent au Canada.
Docteur Caudarella, vous savez que nous avons la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances. Cette stratégie englobe plusieurs aspects qui ont été mentionnés aujourd'hui, notamment la prévention, l'éducation, le contrôle des substances et le fait de donner accès à des services de soutien aux gens qui prennent des drogues.
Cette crise est complexe. Je pense que tout le monde s'entend pour dire qu'il n'y a pas de solution universelle. Vous avez aussi mentionné qu'on avait un problème de mise en application. Alors, quelle est la solution?
Vous avez raison, il y a une stratégie. Le problème n'est pas un manque de stratégie. C'est simplement qu'on a besoin de plus, à l'heure actuelle. On réagit beaucoup, mais il faudrait commencer à planifier davantage à long terme.
Pour ce qui est de la mise en application, on a accordé beaucoup de ressources aux services spécialisés, mais que fait-on pour aider les médecins de famille, par exemple? C'est pour cela que nous avons voulu agir à l'échelle des petites villes. Aucune petite ville ne peut mettre 5 millions de dollars dans une initiative qui pourra changer la trajectoire.
Il y a aussi certaines questions qu'on doit vraiment se poser. On sait qu'il y a quatre aspects sur lesquels on peut intervenir pour véritablement réduire la consommation de substances: le prix, les publicités — dans le cas de substances légales —, l'accessibilité et l'attitude. Or, comment peut-on changer les attitudes? Par exemple, on vient d'apprendre qu'en Ontario, plus de jeunes de 13 à 15 ans consomment des substances, comparativement à l'année dernière. Pourquoi la consommation augmente-t-elle? Est-ce une question de culture?
Pourquoi y a-t-il des pays en Europe, par exemple, où le fentanyl a fait son apparition, mais où le problème de consommation n'a jamais pris la même ampleur? Pourquoi certaines parties du Canada n'ont-elles pas ce problème? C'est une question de mise en application, mais il faut aussi cibler les besoins. Certes, il faut arrêter le trafic de fentanyl, mais il est également important d'examiner les parties du pays qui n'ont pas encore un problème de fentanyl. Pourquoi n'est-on pas en train de déployer plus d'efforts dans ces endroits? À Vancouver, on ne va pas nécessairement pouvoir changer ce qui se passe. Cependant, il y a de très nombreux endroits au Québec, par exemple, où le fentanyl n'est pas encore très présent. C'est la même chose dans l'est du pays.
Il s'agit donc de discuter afin de bien cibler les choses. De plus, il faut appuyer la mise en application de mesures de façon générale. Au lieu d'accorder des ressources aux spécialistes et aux services spécialisés, il faut aider les généralistes. Il faut agir non seulement en médecine, mais aussi dans les services sociaux et dans le domaine de l'éducation, notamment.
C'est tout ce qui touche les facteurs de risque, finalement. Je vous remercie.
Monsieur Rikhardsson, merci beaucoup d'être avec nous et d'avoir présenté brièvement le modèle de Planet Youth.
À partir de quel âge les jeunes peuvent-ils bénéficier du programme que vous mettez en place?
[Traduction]
Essentiellement, nous disons que la prévention commence à la naissance. Les facteurs de risque et les facteurs de protection qui s'y rattachent, n'ont pas d'âge minimum. Normalement, ces interventions et ces programmes sont mis en œuvre pour les enfants de 8 ans à 12 ou 13 ans.
Comme l'a dit mon collègue, le Dr Caudarella, il s'agit d'améliorer l'environnement social de ces enfants, d'augmenter le capital social au sein des groupes parentaux, de leur proposer des activités et des loisirs intéressants et organisés, et ainsi de suite. Il s'agit de changer l'environnement de la nouvelle génération pour qu'elle se comporte différemment et de réduire ainsi la demande de drogues et le besoin en traitements.
[Français]
Merci, madame Brière. Votre temps de parole est écoulé.
Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Caudarella, je me demandais si vous connaissiez le Plan d'action interministériel en dépendance 2018‑2028 du gouvernement du Québec. Il regroupe 14 ministères.
Lors de sa tournée de quelques villes canadiennes, le Comité s'est aperçu qu'au Québec, il y avait davantage d'intégration sur le terrain et que c'était quelque chose qu'il fallait promouvoir. Par exemple, l'organisme de première ligne en réduction des méfaits peut être en relation avec un hôpital de soins quaternaires qui fait de la recherche sur la dépendance. Ces gens se parlent.
Qu'en pensez-vous?
Pendant des années, je me suis posé une question sans arrêt: pourquoi le taux de décès liés aux surdoses est-il cinq fois plus élevé en Ontario qu'au Québec? Beaucoup de facteurs entrent en jeu, mais je crois que l'une des raisons est l'intégration des services, comme vous l'avez dit. Par exemple, les omnipraticiens dans les CLSC ont accès à plus de ressources, dont des psychologues.
Il y a également une différence culturelle, bien sûr, mais je crois que la différence réside surtout dans la capacité de faire un bon triage et d'avoir une vision holistique de la situation. Je ne dis pas que tout est parfait au Québec, mais je crois que cette capacité d'intégration est cruciale dans le succès qu'il connaît en la matière. C'est d'ailleurs une approche qu'on voit dans les secteurs de l'Europe qui ont du succès aussi.
Monsieur German, vos propos sont intéressants. Au cours de nos séances consacrées à cette étude, j'ai souvent dit que c'était dans l'application de la loi que la stratégie nationale était la moins efficace. C'est un peu ce que vous dites ce matin.
En contrepartie, plusieurs témoins ont dit que c'était un vœu pieux de penser qu'on pouvait contrer le crime organisé strictement par l'application de la loi.
Vous qui connaissez le problème, qu'en pensez-vous?
[Traduction]
Je suis désolé, monsieur le président. Je ne reçois aucune interprétation et j'hésite à répondre sans cela.
D'accord. Monsieur German, au bas de votre écran, vous verrez peut-être trois points. Essayez de cliquer dessus. Vous pouvez choisir entre l'anglais ou le français, sur le Parquet.
Est‑ce que ça fonctionne?
Choisissez « Anglais », et M. Thériault répétera sa question. Ensuite, pourriez-vous répondre rapidement?
[Français]
Monsieur Thériault, je vous laisse poser de nouveau votre dernière question.
Merci, monsieur le président.
Je disais que, au cours de nos séances consacrées à cette étude, j'ai très souvent fait remarquer que l'application de la loi était l'élément le moins efficace de la stratégie nationale. Votre témoignage d'aujourd'hui va dans le même sens.
En contrepartie, bien qu'il faille faire des choses de plus, plusieurs témoins ont dit que c'était un vœu pieux de penser qu'on arriverait à contrer le crime organisé en matière de drogues simplement en raffermissant l'application de la loi.
Qu'en pensez-vous?
Je vous remercie de la question.
[Traduction]
Merci pour l'interprétation.
Je sais que beaucoup de personnes disent que « la guerre contre la drogue est un échec », et tout cela, mais que préféreriez-vous? Voudriez-vous que le crime organisé s'installe au Canada? Nous avons déjà assez de groupes criminels organisés ici.
Le traitement et la prévention doivent être accompagnés d'un volet de répression. Si vous choisissez de ne pas avoir de volet de répression et de laisser le crime organisé faire ce qu'il veut dans votre pays, alors vous avez quelque chose qui s'appelle « la prise de contrôle de l'État ». Vous n'aurez plus de pays. Il y a de nombreux exemples de cette situation dans d'autres parties du monde, où le crime organisé dirige essentiellement le pays. Selon moi, ce n'est pas une option. Nous devons y voir.
Nous devons aussi nous occuper du traitement. Nous devons nous occuper de prévention.
Merci, monsieur German.
C'est maintenant au tour de M. Johns, je vous prie, pour deux minutes et demie.
Merci.
Encore une fois, madame Welz, je vous présente mes condoléances les plus sincères pour la perte de votre fille. Je tiens à vous remercier de votre militantisme.
Pourriez-vous parler des manières dont nous pouvons décourager les jeunes de consommer des drogues, tout en réduisant la stigmatisation qui empêche certains jeunes d'aller chercher de l'aide? Aussi, comment pouvons-nous fournir des services de réduction des méfaits aux jeunes à risque?
C'est une question difficile, mais je vais faire de mon mieux, compte tenu de ma situation.
Dans le cas de Zoe, cela a évolué très rapidement. Je suis toujours réticente à rejeter la faute sur la situation de la famille ou des parents. Nous étions une famille fantastique, et aucun de nos enfants n'avait de problème. Je crois que ce qui est arrivé à Zoe était inattendu et que c'est lié au traumatisme de son deuil et à l'idée que son père allait mourir.
Nous devrons offrir plus de soutien aux jeunes. Les jeunes doivent avoir un lieu où se réunir et être à l'aise, entre eux. Présentement, la situation est complexe, en raison des médias sociaux, des pairs et de la disponibilité des drogues.
Je comprends qu'il faut des organismes d'application de la loi pour protéger les ports et empêcher les substances illégales d'entrer au Canada, mais, malheureusement, cela ne va pas empêcher les décès. Nous devons lutter contre l'approvisionnement dans la rue. Nous savons que, si nous confisquons certaines drogues dans la rue, l'approvisionnement va devenir encore plus toxique, parce que, essentiellement, vous supprimez cet approvisionnement. C'est une question d'offre et de demande.
Nous n'avons reçu aucun soutien pour Zoe. En 2015, il y avait la Commission albertaine de l'alcool et des drogues, mais elle ne fait plus partie des services de santé de l'Alberta. Zoe pouvait accéder à certains services de la Commission, mais, encore une fois, elle ne pouvait pas y accéder sur une base régulière.
C'était tout simplement impossible d'obtenir du soutien pour la famille. Il n'y avait aucune option, à l'exception du modèle de la loi sur la protection des enfants qui abusent de drogue, la PChAD.
Il y a maintenant deux groupes de soutien qui aident les gens grâce à l'organisme Moms Stop the Harm. Il y a le groupe « Holding Hope », qui soutient les personnes qui accompagnent un proche dans sa consommation de substances ou dans son rétablissement, et il y a le groupe « Healing Hearts », qui est malheureusement pour les personnes qui ont perdu un proche.
Je crois que ce sont les seules options offertes aux familles qui accompagnent des proches qui consomment des substances.
Merci, monsieur le président.
Merci à nos invités.
Madame Welz, j'apprécie réellement votre témoignage sincère. Mes pensées vous accompagnent.
Je ne sais pas si vous allez pouvoir répondre à ma question. Moi‑même, je ne sais pas ce qui aurait pu sauver mon frère.
Voici ma question: qu'est‑ce qui aurait sauvé votre fille?
Ce ne serait certainement pas un approvisionnement en drogues toxiques. Si elle souhaitait consommer des substances, nous l'aurions soutenue, pour autant que ces substances ne sont pas mortelles.
Je suis une grande adepte de la réglementation de l'approvisionnement en drogues.
Monsieur German, j'ai une question pour vous.
J'ai travaillé de nombreuses années dans l'aviation. J'ai passé 25 ans dans ce domaine. J'étais ce que l'on appelle un spécialiste en sécurité. Dans les années 1990 et 2000, il y a eu des événements majeurs qui ont, je crois, créé le beau gâchis dans lequel nous nous trouvons. De concert avec nos homologues américains, comme vous le savez probablement, nous travaillions sur un périmètre de sécurité. Tout comme vous, j'y ai moi aussi beaucoup contribué.
Selon vous, en serions-nous là, avec la crise du fentanyl et des opioïdes, si nous avions emprunté ce chemin? Peut-être qu'il n'est pas trop tard pour l'emprunter.
Merci de la question.
C'est en quelque sorte une question hypothétique. Nous devons regarder à la fois le passé et l'avenir. Je crois que, en fait, oui, nous devons travailler avec nos alliés américains.
Pour ce qui est de l'application de la loi, les organismes canadiens d'application de la loi travaillent en parfaite harmonie avec leurs homologues américains. Il en a toujours été ainsi, peu importe quel organisme précisément. Nous pouvons le faire et nous devons l'encourager. Ce que nous voulons dire, c'est que la stratégie du Canada doit définitivement s'harmoniser à celle des États-Unis, parce que l'Amérique du Nord est réellement une seule zone de sécurité, comme nous l'avons vu avec le 11 septembre.
Je vous remercie.
C'est exactement la réponse que je voulais. Nous sommes un seul système de sécurité.
Vous savez tout comme moi qui contrôlait l'espace aérien immédiatement après le 11 septembre. C'était les Canadiens, parce que nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues américains. La sécurité des frontières repose sur certains principes, comme l'interservices, l'interorganismes, la coopération internationale et, évidemment, le renseignement. Nous avons affaire à des cargaisons de drogues qui traversent de manière intermodale nos frontières passoires. Que pouvons-nous faire, maintenant, pour y mettre fin?
Nous devons examiner tous les éléments dont nous avons déjà parlé, qu'il s'agisse du transport ferroviaire, maritime ou par voie aérienne, des gens qui traversent la frontière à pied, peu importe. C'est là qu'une stratégie est utile. Les résultats varient selon le mode. J'ai parlé des avions. Nous devons tous passer un contrôle minutieux avant d'entrer dans la cabine. Peut-être que le contrôle de la cargaison pourrait être plus serré. Je ne sais pas. Parfois, je trouve que les ports et le 49e parallèle, c'est évident.
Dans votre témoignage, vous avez parlé de quelque chose d'extrêmement troublant pour les gens qui, comme moi, travaillent dans le domaine de l'aviation. Après le 11 septembre, nous avons soumis les membres de notre personnel de piste à des contrôles de vérification et nous avons découvert que moins de 2 % d'entre eux, ceux qui accédaient à nos avions, avaient un laissez-passer rouge. Combien travaillaient dans le système depuis trois ou cinq ans, sans habilitation de sécurité? Aujourd'hui, c'est la même histoire dans nos ports. Avez-vous quelque chose à dire là‑dessus?
Si j'ai bien compris, après le 11 septembre, les États-Unis ont obligé tout le personnel des ports à avoir une habilitation de sécurité minimale. D'après mon rapport sur les ports, cela s'appelle le programme TWIC. Nous n'avons pas été aussi loin, au Canada. Je veux dire que, à ce stade‑ci, il est probablement impossible d'exiger soudainement une habilitation de sécurité pour, disons, 30 000 personnes, mais nous pouvons commencer par établir un droit acquis pour les nouveaux travailleurs.
Donc, est‑ce que le Canada est perçu comme le maillon faible du système en raison de ses lacunes et des autres choses? Il faut savoir que oui, nous avons d'excellents résultats dans certains secteurs, mais que nous avons manqué à nos obligations dans d'autres. Est‑ce bien cela?
Je crois que les gens font du mieux qu'ils peuvent avec les outils qu'ils ont, compte tenu des diverses restrictions imposées. Je crois que le commentaire de M. Trump, pour ce qu'il vaut, illustre bien la situation. Qu'il s'agisse de la réalité ou d'une perception, nous devons y voir.
Merci, monsieur German.
Merci, monsieur Doherty.
Madame Sidhu, allez‑y, s'il vous plaît, vous avez cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins pour leur témoignage.
Madame Welz, toutes mes condoléances pour la perte de votre fille. Je vous remercie de votre force incroyable et de votre dévouement à cette cause, surtout compte tenu de votre deuil immense. Votre travail à Moms Stop The Harm est une source d'inspiration pour de nombreuses personnes. Votre organisme réclame la décriminalisation des consommateurs de drogues. De quelle manière ce changement politique permettrait‑il d'éviter d'autres morts tragiques?
J'écoutais Dr Caudarella. Il a dit que davantage de jeunes de 13 à 15 ans consomment des substances et que 90 %... Quelles mesures devons-nous immédiatement mettre en place pour éviter d'autres tragédies?
La décriminalisation est une question importante pour nous. Ma fille allait bien jusqu'à ce qu'elle soit arrêtée pour vol d'alcool, et cet événement a été la cause de beaucoup de problèmes. Elle a dû se présenter devant le tribunal. Elle a dû faire beaucoup de travail pour régler son problème judiciaire. La criminalisation n'est pas la solution. Nous devons arrêter d'y recourir, surtout pour les jeunes, et offrir davantage de soutien, d'options de réduction des méfaits, de traitement empathique et de traitement volontaire. Bien sûr, nous avons besoin aussi de plus de logements, parce qu'il y a des enfants qui en ont besoin.
Je n'avais pas bien compris. Voulez-vous dire offrir aux enfants davantage d'options de réduction des méfaits?
Quelle aide empathique ou quelle éducation pouvons-nous fournir aux enfants? Quelle aide pouvons-nous fournir aux jeunes pour éviter qu'ils se retrouvent dans la même situation que votre fille?
Je crois qu'il doit y avoir une communication ouverte. Nous devons discuter de la réduction des méfaits au lieu de la diaboliser. La réduction des méfaits ne pousse pas les gens à consommer plus de drogues; elle permet simplement de les éduquer pour qu'ils sachent se protéger.
Une autre chose importante, pour ce qui est des jeunes, est probablement la vérification des drogues.
Discutez ouvertement avec les parents pour les éduquer afin qu'ils comprennent que les enfants vont consommer des drogues. C'est impossible de les empêcher de le faire, donc nous devons éduquer les parents et les enfants pour leur expliquer la meilleure façon de se protéger s'ils décident de consommer des substances d'un type ou d'un autre.
Docteur Caudarella, vous mettez l'accent sur la déstigmatisation.
Selon vous, si nous mettons en place un programme provincial de réduction des méfaits, de quelle manière le Canada peut‑il intégrer plus efficacement la consommation de substances, les services de santé et les services de santé mentale et collaborer avec l'ensemble des secteurs?
Absolument, je crois que l'on peut faire beaucoup avec la collaboration de l'ensemble des secteurs. Nous avons récemment publié de nouvelles normes — et merci à Santé Canada pour son financement — sur ce que les prescripteurs peuvent faire. Le moment est venu de dire: « peu importe votre profession, que vous soyez pédiatre, psychiatre ou peu importe, vous devez pouvoir intervenir auprès des personnes ayant des problèmes de santé liés à la consommation de substances. » Nous essayons de mettre fin à l'attitude des secteurs qui disent « ce n'est pas mon problème. » Cela concerne autant les ministères des parcs et des loisirs que les organismes d'application de la loi et toutes sortes d'autres choses.
À l'époque, le CCDUS avait mis en place un programme, que nous essayons de restaurer, qui faisait la promotion de la collaboration entre les policiers et les travailleurs de la santé. Cela doit être une relation réciproque. Les policiers peuvent nous apprendre énormément de choses sur les tendances en matière de drogue, qui pourront nous aider du côté de la santé publique. Le secteur de la santé publique peut également offrir énormément de soutien aux forces de l'ordre pour rehausser leur efficacité.
Il est aussi question de fixer des objectifs et de rendre des comptes. Je vais vous donner un exemple. J'ai déjà travaillé aux urgences. Si vous voulez réduire le temps d'attente des ambulances, faites‑en un paramètre à signaler à la province, et associez‑y du financement. Soudainement, s'il y a du financement, tout le monde est prêt à collaborer.
Vous avez aussi parlé des idées et de l'innovation. Le CCDUS a récemment organisé un sommet, à Timmins.
Quel genre d'idées novatrices ont été proposées pendant l'événement?
Oui, bien sûr.
Encore une fois, les maires reçoivent des appels de familles qui sont incapables de trouver du soutien ou de personnes qui pensent trouver des aiguilles dans un parc, ou quelque chose du genre. Il a été extrêmement efficace de travailler avec les gens sur le terrain. La majorité des gens connaissent les besoins de leur communauté. Ils savent quels sont les résultats escomptés, mais ils ne savent pas toujours quoi faire pour y arriver. Il est impossible pour une équipe municipale d'avoir toute l'expertise et les politiques nécessaires.
Il doit y avoir plusieurs options. Nous avons parlé avec des maires d'Iqaluit, de Cambridge, en Ontario, et de Lethbridge, en Alberta. Ils avaient eux aussi besoin d'un menu d'options utiles et d'outils fondés sur les données probantes afin de changer les résultats, mais ils voulaient être au volant et dire: « D'accord, cette option fonctionne pour moi, mais celle‑là non. » À l'échelon local, il n'est pas si difficile pour les forces de l'ordre, les services de réduction des méfaits et les différents acteurs de collaborer.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins d'aujourd'hui.
Monsieur German, vous avez fait un certain nombre de commentaires aujourd'hui sur lesquels j'aimerais revenir.
Tout d'abord, vous vous êtes servi de l'exemple de ceux qui passent par les aéroports, processus que les députés connaissent très bien. Il y a des postes de vérification et des détecteurs. Nous nous faisons tous contrôler. Je pense que les membres du crime organisé au Canada rient de nous voir passer par ces postes de contrôle, quand ils voient que nos ports sont de véritables passoires et que la grande majorité de nos conteneurs ne sont pas contrôlés du tout quand ils quittent le port de Montréal, ou n'importe quel autre port au Canada.
Pouvez-vous me dire un peu plus ce qui devrait se passer dans nos ports et quel est l'état des choses à l'heure actuelle? Vous avez mentionné la police portuaire. Il y avait jadis des forces de l'ordre dans les ports. Cela fait longtemps qu'elles ont disparu. Que pourrions-nous faire d'autre qui pourrait être utile en ce qui concerne nos ports et la sécurité de notre pays?
Je crois que les criminels organisés perçoivent le Canada comme une cible vulnérable. C'est pourquoi j'ai dit que c'était une cible de grande valeur, mais qui représente peu de risques pour le crime organisé. Cela ne fera qu'augmenter si nous ne nous en occupons pas.
En ce qui concerne les ports, je pense que je vais sans doute répéter ce que j'ai dit plus tôt, mais je crois qu'il doit y avoir des policiers en uniforme dans les ports. Vous ne voudriez pas dire au revoir à votre service de police municipal, et ne plus pouvoir appeler personne. Nous nous attendons à ce que des policiers patrouillent régulièrement dans les ports.
Vous avez aussi besoin du fédéral. La GRC est notre police fédérale. N'oubliez pas que l'ASFC est une organisation d'application de la loi. Ce n'est pas une organisation policière. Elle n'effectue pas d'enquête à l'extérieur des ports en ce qui concerne les stupéfiants et ainsi de suite.
Le troisième problème, ce sont les habilitations. Nous devons savoir qui travaille dans nos ports. C'est aussi simple que cela.
Vous avez mentionné autre chose dans votre réponse dont j'aimerais parler. Vous avez dit que le Canada est un environnement de grande valeur et à faible risque. Je suis tout à fait d'accord avec vous. J'aimerais connaître votre opinion sur une chose en particulier. Dans notre pays, jadis, si vous étiez reconnu coupable de production, d'importation ou d'exportation d'une substance visée à l'Annexe I — y compris le fentanyl, la méthamphétamine, la cocaïne et l'héroïne —, on vous infligeait une peine de prison obligatoire.
Le projet de loi C‑5 de l'actuel gouvernement élimine cette peine de prison obligatoire et les gens reconnus coupables d'avoir transporté ou produit de grandes quantités de stupéfiants très dangereux, dont certains sont responsables du chaos que l'on voit dans nos rues aujourd'hui, pourront être détenus à domicile, comme vous l'avez mentionné. En quoi des lois comme les projets de loi C‑5 et C‑75, qui ont fait de notre système de justice un système de portes tournantes, en imposant aux juges l'exigence de libérer ceux qui souhaitent être libérés sous caution et en compliquant le processus qui permettrait d'enlever de la rue quelqu'un qui a été arrêté pour une de ces infractions très graves...? Comment ces deux projets de loi contribuent-ils à faire en sorte que le Canada est un environnement de grande valeur à faible risque pour le crime organisé?
Il y a deux ou trois choses, et je vais être bref.
Pour commencer, nos tribunaux n'aiment pas les peines minimales, donc il est important d'avoir différentes sentences. Imposer des peines minimales ou exiger des peines minimales n'a pas donné de bons résultats, dans nos tribunaux, au regard de la Charte.
En ce qui concerne la question de l'arrestation et de la remise en liberté, je suis tout à fait d'accord. Je pense que ce qui rend le public si furieux, c'est de voir que des gens qui ont été condamnés des dizaines de fois sont remis en liberté. Ils ont besoin d'autres services — je comprends. Ils ont besoin d'un traitement. Ils ont besoin d'une foule d'autres services, mais ce dont le public n'a pas de besoin, c'est de les avoir de nouveau dans les rues à casser plus de fenêtres, à tout saccager, à marcher dans les rues avec des couteaux, etc. Je pense que c'est très important.
En ce qui concerne les importateurs, oui, des gens importent des stupéfiants. Ce sont souvent les joueurs du bas de l'échelle. Ce sont les passeurs. Ce sont les mules. Ce sont des gens qui font quelque chose pour quelques milliers de dollars. Oui, il faut leur imposer un châtiment, mais ce qui est important, c'est d'arriver au haut de l'organisation. Ce que nous voulons, c'est attraper les gens à la tête de l'organisation.
Merci, monsieur German.
La frustration que vous avez évoquée en parlant des organismes d'application de la loi dans certains dossiers plus complexes — le blanchiment d'argent, l'extorsion, et maintenant les infractions graves liées aux stupéfiants du crime organisé... Vous avez mentionné que, quand il y a une forme d'anarchie, disons, nous risquons de nous perdre nous-mêmes en tant qu'État parce que le crime organisé prend le contrôle. Allons-nous dans cette direction, en tant que pays, puisque des agents de police lèvent les mains et disent que, même s'ils arrêtent quelqu'un, il sera immédiatement remis en liberté dans les rues?
Je vois que mon temps est écoulé, monsieur le président, mais...
J'ai l'impression d'être, comme bien d'autres, un canari dans une mine de charbon. Nous devons être au courant de ces enjeux. Nous avons un pays très fort. Nous ne laisserons personne prendre le contrôle de l'État, mais nous devons savoir que tout cela existe.
L'autre chose dont j'aimerais parler, c'est la théorie des fenêtres cassées. Si vous ne réglez pas les petits problèmes, ils deviendront de gros problèmes.
Monsieur Rikhardsson, j'aimerais que vous nous parliez un peu plus de Planet Youth et que vous nous expliquiez son objectif. Je sais qu'il s'agit d'une intervention très en aval, et que l'objectif est de faire participer les enfants à des activités saines.
J'ai déjà parlé à certains des groupes avec lesquels vous travaillez au Canada pour mettre votre programme en œuvre. Quand je leur ai posé des questions au sujet de mes enfants, ils m'ont dit de les inscrire à des activités saines. Eh bien, comment puis‑je éloigner mes enfants de l'ordinateur et de leurs jeux sur ordinateur et les convaincre de faire une activité plus saine? On m'a expliqué que vous mettiez en place un environnement où les enfants voudront naturellement participer à des activités plus saines.
Vous avez dit que c'était un processus en 10 étapes. Tout d'abord, vous devez être préparé. Puis, vous recueillez des données et vous parlez aux enfants. Ensuite, vous mettez en œuvre certaines stratégies d'action. Je présume que les stratégies visent les écoles, les groupes de pairs et les familles. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets du genre d'interventions auprès de la collectivité ou auprès des écoles et des familles qui semblent porter fruit?
Avant de vous céder la parole, laissez-moi seulement ajouter que j'ai travaillé comme médecin dans de nombreux endroits dans le monde. Avoir des enfants qui n'ont rien à faire, surtout de jeunes garçons, entraîne inévitablement des conséquences négatives.
Pourriez-vous nous parler du genre d'interventions dont vous vous servez?
Évidemment, il y a différents exemples, chez nos partenaires. Comme je l'ai dit, nous n'exportons pas les interventions, mais nous travaillons avec nos partenaires pour les élaborer. Dans ces différents domaines...
J'ai deux enfants, âgés de 14 et 16 ans, à la maison. Il n'est pas facile de les faire sortir de leur chambre et de les éloigner de l'ordinateur. Ce n'est pas à eux de prendre la décision. C'est l'environnement qui les entoure. Il faut faire participer les parents, comme nous l'avons entendu précédemment, et apprendre aux jeunes parents comment être de bons parents.
Nous avons des exemples, chez nos partenaires, qui créent du capital social au sein des écoles, parmi les parents, à l'aide d'intervention comme des cafés entre parents, des groupes d'amis, et des choses similaires, afin que les parents travaillent ensemble de façon cohérente dans la classe. Nous avons cela dans le domaine des loisirs. Nous n'avons pas besoin de solutions dispendieuses et d'aménager des parcs de plusieurs millions de dollars. Il s'agit plutôt d'offrir des activités de loisir organisées et structurées, et pas seulement des sports. Certains enfants détestent le sport. Pas de problème.
Nous devons simplement donner accès à ces environnements et à ces offres, puis c'est aux parents ou à l'école d'encourager les enfants à participer à ces activités. Même le fait de jouer à des jeux sur l'ordinateur, si c'est fait dans un environnement structuré et organisé, peut avoir des effets préventifs. De nos jours, il y a des compétitions de jeux vidéo et certains prix en argent sont même plus intéressants que ceux des camps de tennis auxquels je participe.
C'est une combinaison de ces choses. L'intervention en tant que telle doit être appropriée sur le plan culturel et adaptable. Encore une fois, il y a une grande gamme d'interventions, de celle fondée sur la collectivité, dont je vous parlais, à celle qui concerne les parents, et c'est à nos partenaires de choisir ce qu'ils veulent faire. Au Mexique, il y a des campagnes nationales pour inciter les parents à passer du temps avec leurs enfants. Cela aussi a un effet préventif.
Au Canada, et certainement dans ma circonscription, il y a une importante population d'Autochtones. Au sein de cette population, il y a un haut taux de pauvreté, et souvent un haut taux de toxicomanie. Travaillez-vous avec des groupes dans des communautés autochtones au Canada? Et ailleurs? Je sais que vous travaillez avec d'autres pays, donc vous pouvez peut-être nous parler d'autres interventions qui ont été efficaces ailleurs dans le monde. Vous avez parlé du Mexique.
J'aimerais seulement savoir plus concrètement de quels genres d'interventions nous parlons ici.
Oui. Nous travaillons à Calgary. Le projet de Calgary comprend une composante autochtone et le modèle est davantage adapté aux Autochtones et aux réalités des Premières Nations. Nous travaillons avec des tribus de l'État de Washington qui font la même chose. Nous avons adapté certains aspects liés à la collecte et au partage de données, dans ce contexte. Même les rapports doivent être différents.
En ce qui concerne les interventions, nous avons une base de données d'environ 100 interventions qui sont mises en pratique par nos partenaires partout dans le monde. Elles peuvent être vraiment différentes l'une de l'autre. En Australie, par exemple, on a réalisé que le sport était en fait un facteur de risque. Plus les enfants jouaient au rugby, plus ils buvaient. Trois choses ont mené à cela. Tout d'abord, l'accès à l'alcool, dans les pavillons. La vente de bière était un facteur très important. Puis, le fait que les parents étaient permissifs. Ils apportent avec eux un paquet de six bières pour la partie, et Johnny, âgé de 13 ans, pouvait prendre une bière avec son père. Il y a aussi les entraîneurs. Les entraîneurs n'étaient pas vraiment formés pour travailler avec ce groupe d'âge. Ils buvaient parfois une bière et fumaient en marge du terrain, donnant un mauvais exemple aux enfants.
À la lumière des données, la collectivité en question a appliqué l'intervention « formation des formateurs ». Elle a envoyé tous les entraîneurs suivre des séances de formation sur la façon d'être de bons modèles. Elle a renseigné les parents sur les effets néfastes de l'alcool sur un cerveau en développement. Elle a mis un frein à la vente d'alcool à des mineurs dans les pavillons. Les interventions étaient axées sur la collectivité.
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